Syfia Grands Lacs Burundi : non louées, les belles maisons

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Syfia Grands Lacs Burundi : non louées, les belles maisons
Burundi : non louées, les belles maisons appauvrissent les riches
Syfia Grands Lacs
Bujumbura, Burundi, 2013-08-04 (Syfia Grands
Lacs) - Untitled 8
Burundi : non louées, les belles maisons
appauvrissent les riches
Source: Syfia Grands Lacs
01-08-2013
Ceux qui se sont endettés pour construire de belles maisons pour les
expatriés, dont la moitié sont partis ces derniers cinq ans, ne trouvent
plus de locataires. Ils sont contraints de vendre ou de reconstruire dans
les quartiers moins chers où logent la majorité de leurs compatriotes.
Un investissement plus sûr…
"Immeuble à louer", lit-on sur la plupart des grands bâtiments, souvent
à étages, équipés et avec piscine des quartiers nantis de Bujumbura. Il
s’agit notamment de Kiriri qui offre une vue panoramique sur toute la
ville et sur le lac Tanganyika et de Rohero connu depuis longtemps
comme l’un des quartiers des plus sécurisés de la capitale burundaise.
Depuis près de deux ans, la plupart de ces maisons ne trouvent pas de
locataires. Elles avaient été construites lors du retour à la paix et les
élections générales de 2005. La plupart étaient louées à des expatriés
arrivés à ce moment-là.
Bien payés, ceux-ci qui travaillaient dans des Ong internationales ou
dans le système des Nations-Unies pouvaient s'installer dans une
maison d’habitation à plus de 500$ par mois. Mais plus de la
moitié de ces expatriés, venus surtout dans le cadre de la
démocratisation (depuis 2004 et 2005) et de la consolidation de la
paix, sont partis ces cinq dernières années. Même le bureau de l'ONU
réduit son personnel d’année en année..
Les quartiers chics se vident
Les habitations des quartiers chics ont, depuis lors, du mal à trouver
des locataires. La plupart des Burundais préfèrent les maisons des
quartiers modestes (Nyakabiga, Ngagara, Bwiza, Mutakura,
Kanyosha,…) où le loyer coûte entre 50 et 300 $.
Cette situation pénalise ceux qu’on croyait riches. "Voilà près d’une
année que je recherche un locataire. Le dernier occupant de ma maison
a déménagé en septembre 2012 pour retourner en Europe. Il me payait
mensuellement 1 000 $ sur lesquels je prélevais 600 pour payer
mon crédit bancaire, dit un vieux retraité, propriétaire d’une maison à
deux niveaux. Le reste me servait pour la survie. Aujourd’hui, la
banque menace de vendre ma maison et je risque de crever de faim."
Les nombreux commissionnaires qu’il a dépêchés avec 500 $ à
la clé s'ils lui trouvaient un locataire n’ont pas réussi. "Les locataires
sont hostiles à une offre qui excède 300 000 Fbu (200$). C’est
normal, car la misère frappe tout le monde : tous les prix flambent, le
taux de chômage est élevé pendant que la corruption se porte bien",
explique, avec humour un de ces commissionnaires.
La plupart des propriétaires, souvent des retraités, de l'armée
fréquemment, avaient contracté des crédits bancaires pour construire
ces maisons. Ils se retrouvent pauvres et désespérés. "Je croyais ainsi
m’offrir une retraite dorée, mais ma richesse est devenue la source de
mes ennuis. Pour avoir beaucoup investi, la banque m’a déjà adressé
une lettre de mise en demeure et menace de vendre ma maison. Ceux
qui ont construit dans les quartiers modestes sont à l’abri de ces
ennuis", regrette l’un d’eux.
"Notre rôle, explique un chargé des opérations dans une banque
commerciale, n’est pas de vendre les maisons de nos clients. La vente
aux enchères intervient en dernier recours. C’est pourquoi, nos clients
devraient bien mûrir leurs projets."
Investir pour les nationaux
Pour construire, certains ont fort travaillé. D’autres ont volé dans les
caisses de l’État, selon l’OLUCOME (Organisation de lutte contre la
corruption et les malversations économiques). Mais, leur problème est
révélateur de la mentalité de ceux qui ont beaucoup d'argent : au lieu
d’investir pour le bien-être de leurs concitoyens en proposant des
logements décents à des prix raisonnables, ils se sont lancés dans des
opérations immobilières pour faire payer les expatriés. Ils oublient que
ceux-ci, certes paient plus, mais pour un séjour limité, alors que loger
les Burundais est un investissement d'avenir.
Avertis, certains transforment leurs maisons afin de pouvoir accueillir
plusieurs locataires à la fois. D’autres les revendent aux plus riches
pour construire dans les quartiers populaires. Quant à la plupart de
ceux qui construisent aujourd’hui, ils évitent les grands immeubles qui
ne trouvent pas de locataires. "Les propriétaires de ces maisons
devraient changer de mentalités et indexer les prix au coût de la vie.
Le pays est pauvre et certains mangent une seule fois par jour alors
qu’ils étaient habitués à trois fois. Pourquoi eux n’accepteraient-ils pas
de réduire le coût du loyer ?", propose un membre de PARCEM
(Paroles et actions pour le réveil des consciences et l’évolution des
mentalités). Il est impératif de s’ajuster. "Les nationaux, même riches
préfèrent un loyer peu cher afin d’épargner et se construire leur propre
logement. D’autres craignent d’être pris pour des orgueilleux", précise
Oscar Nyandwi, responsable de Burundi Broker Agence, une
organisation des commissionnaires de Bujumbura. "Souvent, il leur est
pénible de mettre la maison à 700 $, quand le locataire
précédent payait 1000. Mais, c’est mieux que de la laisser vide durant
toute une année, estime-t-il. Pourquoi mourir de faim ou voir sa
maison vendue aux enchères, alors qu’elle coûte des centaines de
millions de francs burundais ?"

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