Liberté - Flammarion enseignants

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Liberté - Flammarion enseignants
Liberté
Paul Éluard
Illustrations : Anouck Boisrobert et Louis Rigaud
15 €
isbn 9782081253889
Étude pédagogique réalisée par Daniel Bensimhon,
conseiller pédagogique
Paul Éluard, poète de l’avant-garde, est né le 14 octobre 1895. Il publie son premier
recueil, Premiers Poèmes, en 1913. La Grande Guerre a beaucoup touché le poète, il a connu le front
en 1917 et cette expérience lui a donné de nouvelles idées pacifistes.
En 1922, Éluard fait partie activement du mouvement surréaliste, fondé par André Breton avec le
premier « Manifeste du surréalisme ». Comme les autres surréalistes, il choisit d’adhérer au parti
communiste en 1926 et prend une position contre les dangers du fascisme.
Éluard s’est lié avec Picasso, Ernst, Dali, Man Ray qui illustrent ses recueils. En même temps, il
s’inspire de leurs peintures. Il a écrit les préfaces des expositions artistiques de Paul Klee, Man Ray,
Max Ernst...
Éluard rompt avec le groupe des surréalistes en 1938. Durant l’occupation allemande, Éluard fait
partie de la Résistance. Il participe à la littérature clandestine à la tête du Comité national des écrivains zone nord. Se cachant dans un hôpital psychiatrique, en Lozère, Éluard continue de publier
jusqu’à la libération de la France en 1945.
Après la guerre, les idées de la paix, de l’indépendance des peuples et de la liberté sont devenues ses
nouvelles passions. En 1948, il fait partie, avec Picasso, du Congrès des intellectuels pour la paix à
Wroclaw. Il continue ses voyages politiques jusqu’à la fin de sa vie. Il meurt le 18 novembre 1952.
Origine du poème « Liberté »
Pendant la guerre, engagé dans la Résistance, Paul Éluard participe au grand mouvement qui
entraîne la poésie française, et le poème « Liberté » ouvre le recueil Poésie et Vérité paru en 1942.
Les textes qui forment ce recueil sont tous des poèmes de lutte. Ils doivent entrer dans la mémoire
des combattants et soutenir l’espérance de la victoire : comme on le faisait pour les armes et les
munitions, le poème « Liberté » à été parachuté au-dessus des maquis. Le texte fut traduit et diffusé
à travers toute l’Europe sous le manteau, par radio, par parachutage. À la fin de la guerre, les résistants savaient par cœur ces strophes tonitruantes.
Ce poème est comme une ode à la liberté. Il s’agit en fait d’une longue énumération de tous les
lieux, réels ou imaginaires, sur lesquels le narrateur écrit le mot « liberté », qui donne son titre au
poème. Parce que ce texte était destiné aux résistants, Éluard retrouve la tradition de la poésie orale
qui doit frapper les esprits par sa ligne mélodique.
FICHE ENSEIGNANT - Liberté
© Père Castor
Analyse du poème « Liberté »
Ce poème est constitué de vingt et un quatrains tous formés, à l’exception du dernier, sur une
structure identique : les trois premiers vers débutent par l’anaphore « Sur... » qui est suivie d’un
complément de lieu, et le dernier vers est un refrain : « J’écris ton nom », en référence à la liberté.
Simple dans sa forme, Éluard exploite la puissance persuasive de l’anaphore. Ainsi, l’auteur revient
aux sources de la poésie, des textes destinés à être chantés. Le rythme du poème est tonitruant,
entretenu par des vers courts qu’accentue l’anaphore. On sait Éluard hostile aux rimes traditionnelles en fin de vers qu’il compense par la rime au début, l’anaphore.
La dernière strophe, elle aussi, a un côté oratoire assez fort grâce à des procédés d’amplification.
Il y a une clôture très simple du texte sur le mot clef « Liberté » qui apparaît comme une évidence
absolue d’autant plus qu’il est mis en valeur par son détachement.
Éluard cherche à ce que son texte soit facilement mémorisé pour être retransmis oralement d’une
part, et d’autre part pour être complété par les lecteurs partisans. De plus, la volonté qui est revendiquée, c’est d’écrire le mot « liberté » sur tous les supports possibles dans le monde et de faire de
cet univers une sorte d’immense graffiti. On peut dire que les supports d’écriture pour la liberté
deviennent au fil du texte de plus en plus intimes et c’est sans doute la marque d’une implication
personnelle assez forte de la part d’Éluard. Sa présence est de plus en plus grande à la fin du texte
à travers les possessifs mon, ma, mes. On assiste donc à une multiplication infinie des supports
proposés pour écrire le mot « liberté » et ceci est révélateur de la tonalité d’ensemble du texte qui
se veut dans les heures sombres de 1942 être un hymne à la plénitude de tous les instants d’une vie
d’homme.
Le poème « Liberté » est à vocation militante, qui retrouve pour cela les accents d’un texte oratoire.
Une brillante combinaison d’intimité et d’ouverture sur le monde qui fait toute la plénitude de cet
hymne à la vie.
Les auteurs de ce livre accordéon
Anouck Boisrobert et Louis Rigaud vivent tous les deux à Paris. Ce sont les illustrateurs des deux
pop-up à succès parus chez Hélium : Popville et Dans la forêt du paresseux, et plus récemment de Tip
tap, mon imagier interactif. Anouck réalise des illustrations à l’aquarelle alors que Louis travaille également en tant que graphiste et concepteur de sites Internet.
Fiche d’identité du livre
Intérêt pédagogique :
Ce livre, de par le sujet qu’il aborde, concerne surtout des élèves de cycle 3 et plus particulièrement
le Cours Moyen. En effet, l’étude de ce célèbre poème trouve toute sa force s’il est inscrit dans une
étude historique de la période. Il faut pouvoir contextualiser cette œuvre, situer Paul Éluard dans
les différents mouvements artistiques auxquels il appartient, mais aussi en tant que résistant. Ces
différents éléments concernent principalement les élèves les plus âgés de l’école primaire car c’est
au CM2 que l’étude historique de la Seconde Guerre mondiale est abordée.
De plus, ce poème appartient pleinement à notre patrimoine littéraire et a entièrement sa place
dans une anthologie sélective. Il est relativement simple à mémoriser (c’est une des volontés de Paul
Éluard) et peut faire l’objet d’une étude sur la diction, sur l’intonation, sur le moyen de donner une
certaine résonnance à son oralisation voire même sur une poésie « à plusieurs voix » dans laquelle
les élèves construisent un spectacle sonore.
Ensuite, ce poème a de nombreuses fois été enregistré par des acteurs célèbres. Une simple recherche
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sur la toile peut offrir ces multiples enregistrements. On peut toutefois retenir l’interprétation du
célèbre comédien Gérard Philippe qui offre une voix suave et profonde. Lien possible :
http://martine.artblog.fr/1004111/Liberte-de-Paul-ELUARD-par-Gerard-PHILIPPE
Enfin, ce poème a aussi été mis en musique par Francis Poulenc dans un recueil intitulé « Figures
humaines ». Le texte est chanté et les chœurs montent en puissance au fur et à mesure que l’on
avance dans le poème. Cette écoute peut être proposée une fois le poème bien installé dans les
esprits des élèves.
Lien possible : http://www.youtube.com/watch?v=Ij03EZ1SHWE&feature=related
Étude pédagogique
1. Présentation du livre « en accordéon », de Paul Éluard et du poème
à Présenter le livre aux élèves et décrire rapidement sa couverture
à Relever le nom des auteurs, Anouck Boisrobert et Louis Rigaud,
en écrivant le titre au tableau.
et expliquer qui ils sont. Ils se
sont saisis de ce poème de Paul Éluard pour un faire un superbe livre dédié à la force de cet écrit.
à Observer la quatrième de couverture évoquant le poème avec la première strophe. Demander
aux élèves s’ils ont déjà entendu ce poème et d’en parler.
à Ouvrir le livre en accordéon en précisant que ce poème comporte vingt et une strophes. Ces
dernières se déroulent comme un accordéon. Faire réagir les élèves sur cette présentation originale
et demander leur avis. Montrer aussi la délicatesse des éléments en relief (arbres découpés, bateau,
chien, couple, etc.).
à Revenir sur le titre de ce poème et demander aux élèves ce qui peut bien pousser un artiste à
écrire un poème sur la liberté. Laisser les élèves s’exprimer sur ce point mais en arriver à l’idée que
l’auteur est peut-être privé de liberté. Demander alors ce qui peut entraîner cette privation et déboucher sur des périodes sombres liées à la guerre mais aussi sur des régimes politiques dictatoriaux.
à Présenter alors Paul Éluard et son parcours de résistant. Préciser que c’est en 1942 que le poème
« Liberté » a été écrit, en pleine Seconde Guerre mondiale. La partie biographie dans le livre présente
Paul Éluard dans son engagement et dans le fait qu’il utilise la poésie comme arme. Cette notion est
à souligner auprès des élèves pour la clarifier. Le combat peut se faire de multiples façons, tant avec
des armes à feu qu’avec des mots. La lecture de cette biographie est nécessaire mais devra se faire
une fois le poème largement abordé dans la classe. En effet, il ne faut pas surcharger d’informations
les élèves afin de garder toute la magie de la découverte du poème. C’est la force de la poésie que
d’agir sur les esprits même si le contexte, ici historique, n’est pas totalement maîtrisé par les élèves.
De plus, ce poème est très sonore et musical ; aussi faut-il préserver ces vertus.
Le maquis de Vercors est évoqué par la photographie proposée en dernière page du livre.
Expliquer d’abord ce qu’était un « maquis », un lieu naturellement protégé comme des montagnes
ou des forêts dans lesquelles les hommes pouvaient se cacher. Le Vercors, visible de très loin,
depuis les portes de Lyon, ressemble à une forteresse naturelle de soixante kilomètres de long sur
trente de large. Les résistants s’y sentent à l’abri de la répression qui sévit dans la région. Le Vercors
est ravitaillé en armes et en médicaments grâce à des parachutages alliés. En 1943, de jeunes français viennent grossir les rangs du maquis. Ils sont très vite pris en charge par la résistance locale,
essentiellement des officiers de bataillons de chasseurs alpins dissous. La population locale aide
grandement les résistants, ce qui sera sévèrement puni lors de la destruction du maquis par les
forces nazies dans des conditions sanglantes début 1944. Beaucoup de ces hommes étaient communistes et Paul Éluard, également membre de ce parti, a certainement écrit son poème en pensant
à ce maquis.
à
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2. Un moment d’imprégnation poétique
à Lire magistralement ce poème, lentement, en cherchant à agir sur l’anaphore « Sur » présente en
début des vers. Montrer ainsi l’aspect répétitif voulu par Paul Éluard. Dérouler les vingt premières
strophes sans accélérer et sans pour autant monter la voix. Aborder la toute dernière strophe
comme une solution, une délivrance, un aboutissement.
à Proposer
dans un second temps l’écoute de ce poème dit par Gérard Philippe. Noter la façon
dont il procède pour rendre cette diction vivante. Situer rapidement Gérard Philippe comme l’un
des grands acteurs français du xxe siècle. Inviter les élèves à mentionner ce qu’ils ont ressenti tant
par la façon dont le poème est dit que par son contenu. Il s’agit avant tout de faire ressortir le
rythme régulier ainsi que la dimension sonore de l’œuvre.
3. Un moment d’analyse du poème
à Écouter
une autre fois ce poème en demandant aux élèves d’essayer de mémoriser le plus possible de strophes. Ils pourront s’apercevoir que ce poème est simple à mémoriser grâce à l’anaphore,
au quatrième vers identique dans toutes les strophes, aux vers relativement courts. Expliquer que
c’était la volonté de Paul Éluard d’écrire un poème que les résistants pouvaient facilement retenir.
Ce texte a été parachuté sur des maquis et il a été appris par cœur par les hommes. Ce poème est
devenu une ode à la liberté. Expliquer aussi que Paul Éluard souhaitait qu’il puisse être complété
par les maquisards avec des lieux « à eux » et ainsi se l’approprier. Insister sur ce point qui montre
toute la force de cet écrit.
à Reprendre maintenant le poème à partir du livre en accordéon. Le texte peut être écrit au tableau
de façon à favoriser une analyse collective et à instaurer un débat entre élèves. Demander aux élèves
de s’attacher à identifier les différents lieux évoqués par l’auteur et à éventuellement en tirer des
catégories. La première distinction devrait déboucher sur le fait que ces lieux sont réels ou imaginaires, qu’il s’agit parfois d’objets familiers (cahiers d’écoliers, pages lues, pages blanches) mais aussi
d’objets plus abstraits (moulin des ombres, mousse des nuages, sueurs de l’orage, etc.). Insister sur
le fait que tous les lieux sont possibles, ouverts à l’imagination de quiconque elle-même tournée sur
des lieux d’espoir ou de réconfort. La guerre est là, les résistants risquent la mort à tout instant mais
leur engagement est bien réel, au service de la Liberté.
à Retrouver enfin l’organisation du poème : l’anaphore en début des trois premiers vers (mis à part
la strophe évoquant le « miroir de la chambre ») qui donne l’aspect mélodieux à cet écrit, la toute
dernière strophe qui annonce l’aboutissement et enfin le mot « Liberté » écrit seul, détaché du reste,
vivant par lui-même. Montrer le choix typographique de ce mot dans le livre : les lettres semblent
danser, elles sont ajourées et offrent la vision de la photographie du célèbre maquis du Vercors en
1943. Donner des informations sur ce maquis et le sort réservé à ces hommes par les nazis.
à Étudier
les strophes une à une et en expliquer rapidement les vers. Globalement, ils sont tous
bien compréhensibles et il y a à discuter avec les élèves sur l’image que les vers suggèrent. Relever
toutefois comment les dernières strophes évoluent vers une implication personnelle de Paul Éluard
qui parle de « mon lit coquille vide, mon chien », etc. Il nous montre à quel point son écrit est un
hymne à la vie dans laquelle la Liberté est un élément indispensable. Préciser enfin que les résistants
se sont appropriés ce poème ; la plupart le connaissaient dans son intégralité.
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4. Une poésie spectacle
a) Une poésie à plusieurs voix
Ce poème se doit d’être mémorisé par les élèves. C’est sa fonction première telle que l’a voulue
Paul Éluard. Nous proposons une forme de poésie à plusieurs voix dans laquelle les élèves auront
à montrer beaucoup d’attention et à viser une interprétation adaptée.
Grouper les élèves par quatre, chacun d’entre eux ayant à apprendre par cœur cinq strophes. Le
groupe aura à déterminer l’ordre de passage entre les membres. Mais, afin de favoriser l’attention, chaque élève dit les trois premiers vers de la strophe apprise et les trois autres élèves disent
ensemble le dernier « J’écris ton nom ». La dernière strophe est dite par tous les élèves ensemble.
Dans un premier temps, les élèves peuvent disposer du texte sous les yeux. Néanmoins, pour pouvoir être libérés et disponibles pour la diction, ils doivent à un moment le connaître par cœur.
b) Enregistrer ce poème et y intégrer de la musique
Dans l’idée de proposer ce poème à d’autres élèves de l’école, il peut être passionnant de l’enregistrer. Il s’agit toutefois d’un exercice difficile et les élèves doivent y être préparés.
Pour favoriser l’écoute, des intermèdes musicaux peuvent être placés par exemple au bout de sept
strophes dites. L’idéal serait d’utiliser le Chant des partisans tellement associé au mouvement de la
résistance. La version de Anna Marly (lien possible : http://french-chanson.narod.ru/chant.html)
écrite en 1943 est intéressante dans la mesure où cette femme était elle-même résistante. Le chant
peut revenir intégralement une fois le mot « Liberté » prononcé à la fin du poème.
5. Un moment de production poétique
Ce moment de production poétique vise à rejoindre l’intention première de Paul Éluard que de
permettre aux hommes de la Résistance de rajouter des vers selon leur propre inspiration. Aussi,
les élèves peuvent être groupés par deux et chercher à proposer une, voire deux nouvelles strophes
qui viendraient s’incorporer avant la dernière du poème. Un espace est réservé à cette production
dans la partie « élève » de cette fiche pédagogique.
Il s’agit de trouver, pour chaque nouvelle strophe, trois vers débutant avec l’anaphore « Sur » à
partir de l’imagination des élèves. Rappeler toutefois que le mot « Liberté » prend davantage de sens
s’il est écrit sur des supports évocateurs eux-mêmes de liberté. Accorder un temps assez long de
recherche et de production. Une fois ces strophes écrites, faire lire certaines de ces productions et
demander à leurs auteurs quelles étaient leur intention lors de la rédaction. Sélectionner collectivement quelques-uns de ces écrits et les noter au tableau.
Proposer pour finir l’édition informatique des productions des élèves en vue d’un affichage dans la
classe voire dans la BCD de l’école. De grandes affiches peuvent être réalisées mélangeant le texte
de Paul Éluard et les productions sélectionnées.
Synthèse
à Écouter une nouvelle fois le texte dit par Gérard Philippe qui prend alors une toute autre dimen-
sion tant les élèves y seront sensibles.
à Proposer l’écoute de l’œuvre de Francis Poulenc évoquée plus haut et laisser les élèves retrouver
le texte si émouvant dans cette œuvre.
à Revenir sur Paul Éluard et son parcours particulier. Lire alors la partie biographique du livre en
accordéon. Souligner à nouveau l’engagement de cet homme.
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à Instaurer
une discussion dans la classe sur ce que peut être la littérature engagée. Le poème de
Paul Éluard en est un exemple criant. Expliquer que de tous temps des hommes et des femmes ont
utilisé ce moyen pour s’élever contre la barbarie et la dictature.
à Enfin, revenir sur ce superbe livre en accordéon en le déroulant une nouvelle fois devant la classe.
Le proposer à la consultation libre en le plaçant au fond de la classe près du coin bibliothèque.
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