Le vin de Chablis Le vin de Chablis : histoire et géographie d`une
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Le vin de Chablis Le vin de Chablis : histoire et géographie d`une
UNIVERSITE PARIS IV – SORBONNE ECOLE DOCTORALE DE GEOGRAPHIE DE PARIS __________ THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS IV Géographie politique, culturelle et historique présentée et soutenue publiquement par Yoshinori ICHIKAWA ICHIKAWA Le mardi 27 mai 2008 Le vin de Chablis : histoire et géographie d’une réputation. Directeur de thèse : Monsieur JeanJean-Robert PITTE JURY Monsieur Paul CLAVAL (Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne, Paris IV), Monsieur Jean-Robert PITTE (Professeur à l’Université Paris-Sorbonne, Paris IV), Monsieur Philippe ROUDIE (Professeur émérite à l’Université Michel de Montaigne, Bordeaux III), Monsieur Serge WOLIKOW (Professeur à l’Université de Bourgogne). 1 INTRODUCTION Les vignobles de Chablis se sont beaucoup étendus depuis un demi-siècle et la production a aussi augmenté. Malgré la crise viticole française récente et plus spécifiquement bourguignonne, ces quatre appellations – Chablis grand cru, Chablis premier cru, Chablis et Petit Chablis – sont considérées comme « la star bourguignonne ». Cependant les vins de Chablis sont l’objet de vives critiques par les journalistes du vin. Ses prix se sont envolés en raison d’un engouement, sans que la qualité suive. Quelques professionnels locaux partagent ce point de vue. Au milieu du XIXème siècle, Jules GUYOT, chargé par le gouvernement de Napoléon III d’une enquête sur les vignobles de France, confirme que la valeur réelle des vins de Chablis est plus haute encore que leur renommée. Selon le décalage entre l’état actuel des vins de Chablis et la confirmation de l’enquêteur gouvernemental du XIXème siècle, la problématique de cette thèse est fixée : Pourquoi la qualité du Chablis ne correspond plus aux exigences gustatives de la clientèle d’aujourd’hui ? En tant que région viticole mondialement connue, Chablis et ses vins sont devenus un sujet de thèse de géographie. Deux thèses sont soutenues à l’université française au milieu des années 1950 et à la fin des années 1970. Leurs tables des matières montrent les intérêts de chaque géographe et la tendance des études géographiques en France. En comparant les parts représentées par chaque chapitre des deux thèses, on peut observer leurs particularités. La thèse de CAMPOS ARENHA commence par les conditions naturelles, considérées à cette époque comme un des premiers facteurs qui décident des activités humaines. Elle suit l’ordre chronologique : d’abord « Evolution historique » ensuite « Le vignoble actuel ». Il n’y a pas de chapitre sur la commercialisation ; elle n’est évoquée que dans le dernier sous-chapitre « débouchés » et dans le dernier, intitulé « les vins de Chablis ». Bien que les conditions économiques soient mentionnées dans la conclusion, la structure de la thèse est fondée sur les conditions physiques et dans ce sens la vision de l’auteur est « classique ». 2 La première partie de la thèse de G. J. GILBANK concerne l’état actuel et la deuxième partie les aspects historiques. Il explique la situation des années 1970 par l’histoire du XIXème au XXème siècle. L’auteur ne s’intéresse que peu aux conditions physiques qui sont traitées rapidement au milieu du livre. Les aspects commerciaux sont mieux traités que par l’auteur précédent. L’auteur s’intéresse à la répartition de la propriété, base de la société agricole. Il donne une explication de la survie des vignobles de qualité à Chablis en comparant les vignobles voisins. Les propriétaires de Chablis résident sur leurs domaines et ils surveillent de très près les vignobles et la fabrication du vin. Le livre principal de R. DION, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle donne une autre raison de la supériorité de la qualité de vin de Chablis sur celle alentours. En analysant les moyens de transport aux marchés, il montre qu’une longue distance pour atteindre le port fluvial contribue à résistance des vins de qualité Ce géographe français s’intéresse au marché et son approche a été récemment redécouverte avec l’accroissement de l’intérêt vers la consommation dans la géographie. Cependant la récente révolution des transports et de l’information apporte l’uniformisation de l’alimentation dans le monde. L’influence des renseignements sur le produit pour les consommateurs n’est pas négligeable à l’époque de la mondialisation. Donc cette thèse introduit la notion de la réputation : comment la réputation sert-elle le vin de Chablis ? 3 CONTENU La Première Partie est consacrée à l’étude de la réputation du vin de Chablis. Le chapitre 1 essaie de montrer l’histoire de la renommée de Chablis des origines aux années 1970 selon les documents. C’est une époque antérieure à la thèse de G.-J. GILBANK, mais ce géographe ne s’intéresse pas beaucoup à la réputation. Le chapitre 2 traite des moteurs de cette réputation. Les activités des institutions nationales et organisations locales sont présentées. Leurs activités s’animent dans la deuxième partie du XXème siècle. Le dernier chapitre analyse les faits à partir des années 1980. Depuis un quart du siècle, un nouveau marché étranger est né et les Français redécouvrent le Chablis. En fait, les trois marchés promeuvent la vente des chablis avec chaque « boom » en un demi-siècle : les Etats-Unis juste après la Deuxième Guerre mondiale, le Japon à partir des années 1980 et la France plus récemment. Malgré la forte demande du marché américain, la relation entre qualité, réputation et demande est stable dans les années 1950. La qualité donne la réputation. Ensuite la réputation produit la demande. Enfin la demande donne la qualité. Ce triangle marche très bien jusqu’aux années 1970. Cependant ce triangle « qualité, réputation et demande » ne fonctionne plus aujourd’hui. La qualité a donné trop de réputation qui donne encore trop de demande. Il en résulte que la demande ne donne plus la qualité. A Chablis, le développement de la notoriété n’est plus seulement lié à la qualité du vin. C’est la renommée qui entre en compte. La Deuxième Partie concerne les conséquences de la célébrité. Puisque la production du Chablis est toujours plus faible que sa réputation, il y a des usurpations. Le chapitre 1 étude « faux chablis » en ordre chronologique. Au fur et à mesure que la protection juridique s’améliore, les Chablisiens réussissent à imposer le système français d’AOC à l’étranger, d’abord en Europe avec son unification et jusqu’au Japon par l’intervention juridique. L’autre conséquence est le changement local. Les vignerons chablisiens engagent l’augmentation de la production dès que la technique peut éviter le dégât des gelées printanières. Les grands propriétaires 4 introduisent les développements mécaniques grâce à leur richesse. Les petits vignerons aussi en profitent grâce à la coopérative. Plusieurs mesures ont été prises pour développer des vignobles : l’agrandissement des terrains AOC par le gouvernement, le financement du Crédit Agricole, l’invention locale du « bail à la bouteille » etc... La circulation des capitaux est aussi étudiée : les vignes chablisiennes achetées par les entreprises extérieures et les chablisiens investissant à l’extérieur. Au dernier chapitre de la Deuxième Partie, les problèmes des prix sont analysés. Le déséquilibre entre l’offre et la demande provoque une spéculation. De plus le nouveau type de viti-viniculture demande beaucoup d’investissements pour les équipements contre la gelée et pour les instruments vinicoles. Ces frais sont répercutés sur le prix de la bouteille. En suivant le goût des consommateurs, l’amélioration de la qualité est entreprise. Mais la qualité n’évolue plus proportionnellement au prix. La Troisième Partie parle des réactions récentes des vignerons locaux contre les symptômes d’une crise. L’un poursuit la qualité « Grand » Chablis, et l’autre la quantité Chablis « ordinaire ». Les vins de Chablis se bipolarisent. Cette bipolarisation, est-elle un conséquence ou bien le résultat des efforts des professionnels ? Elle provient des deux. L’agrandissement des vignes à Chablis est le fait de tous les Chablisiens. Plusieurs nouveaux vignerons convertis sont nés dans la deuxième partie du XXème siècle. Les viticulteurs traditionnels aussi développent leurs vignes. Parmi eux, certains veulent se différencier de leurs collègues récemment convertis. Un des deux syndicats viticoles est motivé par leurs souhaits de différenciation. Dans ce sens, la bipolarisation est un fruit des producteurs. Cependant, il est impossible de traiter également les « Grand » Chablis et Chablis « ordinaires ». Malgré l’amélioration spectaculaire réalisée grâce à la technique moderne, la différence entre deux types de vin existe clairement. Les critiques ne peuvent pas la nier. La crise n’est qu’un passage difficile pour l’évolution d’une région viti-vinicole. Cette crise se résout par la bipolarisation. 5 CONCLUSION C’est au bon vieux temps que la demande du vin de Chablis contribuait à sa qualité. Sa production et sa consommation étaient limitées. Le chablis était une boisson pour les privilégiés. Léon TOLSTÖI a fait apparaître une bouteille de Chablis dans son Anna Karénine. Cette scène présente bien la place de chablis au XIXème siècle. Au cours de l’histoire la renommée de Chablis grandit trop. Avec son nom facile à prononcer, le mot de Chablis se répand dans le monde entier. La communication faite par des professionnels locaux et étrangers n’est pas négligeable. Dans une scène d’un film américain au milieu des années 1970, Marathon Man, une bouteille de Chablis apparaît. Le vin de Chablis n’est plus pour l’aristocratie, cependant il est consommé dans un restaurant de grande classe. Le niveau de la vie générale s’améliore partout dans les pays industrialisés dans la deuxième moitié du XXème siècle. La distribution des vins change et nous trouvons des bouteilles de Chablis dans les grandes surfaces. Roger DION dit : « La qualité du vin considérée comme l’expression d’un milieu social. » Ce sont les consommateurs qui exigent le rapport qualité-prix de leurs vins. Les professionnels fabriquent ce qui est demandé, grâce à la recherche marketing. A la fin du XXème siècle, le Chablis apparaît dans une manga, bande dessinée japonaise, populaire Tsuri Baka Nisshi (Journal d’un fou de la pêche). Le copain du pêcheur amène toujours une bouteille de Chablis à la pêche. Il a ouvert la bouteille aux bateaux. Sa manière de déguster et l’apparition de Chablis dans les BD montrent la popularité du Chablis au Japon, même si son copain est le PDG d’une entreprise. La bipolarisation des vins de Chablis, « Grands » et « Ordinaires », est indispensable et chacun a besoin de l’autre. Sans chablis « ordinaire », les Chablisiens ne peuvent pas répondre la demande mondiale. Mais la réputation est née du « Grand » Chablis et sans elle les chablisiens ne peuvent pas la garder. Les deux Chablis se complètent et existeraient mal l’un sans l’autre. 6 Alors que la notoriété du vin de Chablis est particulièrement importante dans le monde entier, les vins français en général ont une longue histoire de renommée mondiale. La seule étiquette « vin de France » suffit-elle ? L’invasion récente des vins du Nouveau Monde dans le marché international montre un point faible du vin français : le rapport qualité-prix. La belle époque, où le vin pouvait se vendre cher avec une simple étiquette de vin français, est finie. Le vin est une boisson démocratisée et le nombre des consommateurs augmente. Ces consommateurs reçoivent facilement des informations. La réputation, bonne et mauvaise, circule dans le monde entier en un instant. Depuis le quart de siècle qui nous sépare de la thèse de G. J. GILBANK, la production française du vin de qualité augmente avec la fin de la fabrication des vins de table. Alors que l’AOC était un symbole du vin luxueux autrefois, trop d’AOC existent maintenant et l’appellation n’assure plus la qualité aujourd’hui. L’essai de différencier les appellations en deux niveaux résoudra le problème de la banalisation de l’AOC. Pendant ce quart du siècle, la vie des Français a changé. Ils consomment de moins en moins du vin. Les vins du haut niveau gardent encore leur marché en France pour les occasions exceptionnelles ou pour les connaisseurs. Le prestige du vin français est perpétuel. Ces vins sont appréciés dans les marchés étrangers. Mais les vins ordinaires français se vendent mal partout devant l’invasion des vins du Nouveau Monde. Aujourd’hui, c’est l’époque de la mondialisation. Avec ses quatre appellations et leurs qualités diverses, le chablisien donne un exemple qui pourrait être généralisé aux régions viticoles françaises. La bipolarisation des vins français sera une des solutions pour sauver les vignerons français. La viticulture française doit concilier qualité et quantité pour ses marchés mondiaux. 7