Fidèle à son terroir - Bourgogne Aujourd`hui
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Fidèle à son terroir - Bourgogne Aujourd`hui
p20-23_rencontre74 23/01/07 10:36 Page 20 Rencontre Guy Roux Fidèle à son terroir Bonnet bleu, survêtement, coups de gueule… Qui, amateur de foot ou pas, n’a pas été amusé par les tribulations de l’ex-entraîneur de l’AJ Auxerre ! Un personnage attachant, haut en couleurs et grand amateur de vin. Repères 18 octobre 1938 : naissance à Colmar 1951 : première licence à Appoigny 1961 : devient entraîneur-joueur de l’AJ Auxerre 1962-63 : service militaire à Trèves avec Lionel Jospin 1979 : première finale (perdue) de la Coupe de France. Auxerre est nationalement connu et Roux signe ses premiers autographes 1980 : accède à la Première division 1996 : doublé coupe-championnat 2005 : dernier match sur le banc avec une victoire en Coupe de France contre Sedan 20 • Bourgogne Aujourd’hui 74 Guy Roux, vous êtes désormais rangé des terrains, que faites-vous aujourd’hui ? Ma fonction principale, c’est d’être responsable de l’éducation des 15 à 18 ans au centre de formation de l’AJ Auxerre. Je suis aussi consultant de Canal + pour le championnat de France de football, avec un match par semaine et d’Europe 1 pour les grands événements. Quand on veut exploiter mon image, je la loue en faisant de la publicité. Et puis, je fais des conférences sur le management à la demande des entreprises et au profit de la chirurgie cardiaque ou d’”Enfants du Monde”. Enfin, je suis le 23e conseiller municipal d’Appoigny, sans assiduité, mais toujours présent pour résoudre les grands problèmes. Les supporters adverses vous ont souvent qualifié de “paysan”. Est-ce une insulte ou un compliment ? C’était un compliment non mérité. Je suis arrière-petit fils de paysan et j’ai beaucoup d’estime pour ces gens-là qui doivent être très pointus aujourd’hui. Mais moi je n’ai aucune qualification. Jusqu’à l’âge de 9 ans, j’ai fait le jardin avec mon grand- père, ce qui m’a donné un certain nombre de notions. Je fais un peu de fleurs et quelques légumes de base. En revanche, je suis devenu un véritable technicien des pelouses. Quels sont vos rapports avec la terre, le terroir ? J’ai vécu une immense partie de ma vie entre Appoigny et Auxerre. J’ai un profond attachement à ce pays. J’ai la chance de compter parmi mes meilleurs amis, des enfants avec qui j’ai été à l’école du village. Je m’intéresse aux activités agricoles et viticoles. Je suis aussi un goûteur. Je recherche les saveurs de prunes et de pommes que j’ai pu manger dans mon enfance. Je n’ai découvert le vin qu’à l’âge de 35 ans, car tant que j’ai joué au football, je n’ai pas bu d’alcool. Depuis, j’ai beaucoup dégusté mais toujours avec modération. Chablis doit beaucoup à Guy Roux. Pourquoi cette volonté de mettre le vin en avant alors que vous êtes impliqué dans le sport ? Je pense que le citoyen normal qui veut rester en bonne santé et vivre vieux peut très bien boire du vin, raisonnablement, p20-23_rencontre74 23/01/07 10:36 Page 21 Bourgogne Aujourd’hui 74 • 21 p20-23_rencontre74 23/01/07 10:36 Page 22 Rencontre toute sa vie. Il suffit de voir le nombre de vieux vignerons qu’on trouve à Chablis. Je n’ai aucun regret de citer, parfois, le nom de Chablis. J’en suis fier et si ça fait du bien aux vignerons, eh bien tant mieux ! Ce sont des gens qui viennent au match, qui aident le club. Ils ont participé à notre ascension. Ce n’est qu’un juste retour des choses. Vous avez de nombreux amis vignerons. On dit que les caves sont propices à la négociation lors des transferts. C’est vrai que lorsqu’on veut créer un climat favorable pour traiter une affaire, le meilleur endroit c’est une cave. Je site souvent le cas de Tainio, un jeune Finlandais convoité aussi par Manchester et Barcelone. Avec sa famille, nous sommes allés dans la cave de Jean-Marc Brocard le développement des vins de cépages... Quel regard portez-vous sur cette évolution ? J’ai connu Chablis qui vendait son moût et ses raisins à Beaune. Ce sont les vignerons de ma génération qui ont commencé à le mettre en bouteilles et à le vendre. Donc, c’est récent. Le phénomène de la concurrence mondiale nécessite de revoir la manière dont nos vins doivent être mis en évidence. La délimitation des grands crus, des premiers crus et autres appellations villages, et puis tous ces climats, c’est trop compliqué à 10 000 km de la Bourgogne. On va expliquer au consommateur qu’en Bourgogne le chardonnay du chablis donne aussi un très bon puligny-montrachet ou un meursault ; ça il va peut-être le comprendre, mais pas au delà. Les bourgognes, comme les bordeaux, ont cru longtemps que leur qualité et leur renommée “Le citoyen normal qui veut rester en bonne santé et vivre vieux peut très bien boire du vin, raisonnablement, toute sa vie. Il suffit de voir le nombre de vieux vignerons qu’on trouve à Chablis.” pendant cinq heures. Et le lendemain matin, on a signé le contrat. Il y avait un climat de confiance qui s’était établi. La lutte contre le tabac est mieux perçue que celle contre l’alcool. La loi n’est-elle pas trop facile à contourner ? Non, je considère que le tabac a un effet absolu dont on peut se passer. Ce n’est pas une production locale et ça ne fait que du mal. Aucune étude médicale ne dit que c’est bon de fumer, à part les feuilles d’eucalyptus quand on a les bronches un peu prises. Je participe à la lutte anti-tabac parce que c’est prouvé que ça fait du mal, même à dose réduite. Là, je n’ai aucun remords, même si je suis désolé pour mes amis qui tiennent des débits de tabac. Tandis que le vin, consommé dans des proportions contrôlées par la médecine, n’a jamais abîmé la santé. De grands cardiologues considèrent même que ça peut faire du bien. Le marché du vin traverse une période difficile avec l’arrivée des vins du Nouveau Monde, la mode des copeaux de bois, 22 • Bourgogne Aujourd’hui 74 suffiraient à les protéger. Or, ils sont copiés. Il faut rapidement trouver une solution pour se défendre. Peut-être en prenant des idées chez les autres. Je sais que les Américains aiment bien voir le nom de cépage. Alors, mettre “bourgognechardonnay” sur l’étiquette, c’est peut-être important pour exporter. Quant à la possibilité de mettre des copeaux de bois dans le vin, c’est une honte. Vous avez quelques vignes. N’avez-vous jamais été tenté de faire votre propre vin ? Non, je ne suis propriétaire d’aucune vigne mais je possède des parts dans quelques GFA qui ont bien voulu m’accepter. Le premier était celui de Grenouilles, à Chablis, qui a été dissous au bout de vingt-trois ans avant d’être repris par La Chablisienne. Je suis dans d’autres GFA sur des chablis grands crus Valmur et Vaudésir et un GFA amical sur un premier cru Vau-de-Vey et un chablis générique. Et là, je viens de rentrer chez Alain Jeanniard, qui a ses caves à Morey-Saint-Denis, pour des parts en pommard, fixin, chambolle-musigny et p20-23_rencontre74 23/01/07 10:36 Page 23 morey-saint-denis. Quant à devenir vigneron, c’est une autre histoire. D’abord, c’est un vrai métier. Pas compliqué, mais savant. Comme les GFA auxquels j’adhère produisent d’excellents vins, que je déguste avec plaisir, je n’ai aucune raison de donner mon nom pour avoir une cuvée Guy Roux. Ce ne serait pas une valeur ajoutée. La vraie valeur c’est celle du vigneron avec le nom de son vin. Les “Guignols” ont fait de vous un radin. Est-ce que vous ne jouez pas de cette image, aujourd’hui ? C’est une image fausse. À travers moi, les “Guignols” ont caractérisé la gestion de l’AJ Auxerre. Harpagon est un bon acteur dans une œuvre comique. Je suis simplement l’Harpagon de Canal +. Mais l’image m’a servi pour faire de la pub car je représente, dans l’esprit du consommateur, l’archétype du rapport qualité-prix. Vous êtes amateur de vin et de gastronomie. Quels sont vos vins et vos tables préférés ? Choisir, c’est éliminer et je ne vais pas prendre le risque de me faire des ennemis. D’autant qu’il y a des gens de qualité dans toute la Bourgogne. Dans les rouges de l’Yonne, j’ai un faible pour deux retraités (comme ça il n’y aura pas de jaloux) : l’irancy de Jean Podor et le bourgogne Coulanges-la-Vineuse de Raymond Dupuis. Sur Chablis, pour les mêmes raisons de neutralité, je vais plutôt citer mes crus préférés : Grenouilles dans les grands crus et Fourchaume dans les premiers crus, juste devant les Vaillons et Forêt. Sur la côte, j’aime beaucoup le chambollemusigny et le pommard Les Epenots. En ce qui concerne les tables, je vais parler avec émotion de Bernard Loiseau. Je l’avais déjà vu en déprime mais sans avoir imaginé une telle issue. Je regrette de ne pas avoir pris de ses nouvelles, de ne pas avoir fait un saut jusqu’à Saulieu. Dominique et son équipe ont su garder le niveau. Nous avons aussi près de chez nous deux autres grandes tables avec Meneau et Lorain qui a eu la chance extrême d’avoir un fils aussi doué que lui. Deux autres étoilés me régalent également, Barnabet à Auxerre et Les Clos à Chablis, sans oublier une multitude de petits restaurants qui offrent, eux aussi, un bon rapport qualité-prix. Mais, vous savez, les cuisiniers, comme les vignerons, ont fait d’énormes progrès ne serait-ce qu’en mettant en valeur les produits. Par exemple, le topinambour, c’est un excellent légume aujourd’hui. J’en mange deux fois par an. Ceux que l’on récoltait dans le jardin de mon grand-père, j’en mangeais trois fois par semaine. C’était moins bon ... Propos recueillis par Gérard Delorme Photographies : Lionel Georgeot L’homme-sandwich Il y a belle lurette que “l’habit ne fait plus le moine” au stade Abbé Deschamps. Et que les soutanes de l’emblématique curé ont été remisées. Pour autant, Guy Roux porte une attention particulière à ses tenues vestimentaires. Si le bonnet bleu, enfoncé jusqu’aux oreilles, reste un élément fort de sa caricature, l’ancien entraîneur de l’AJA ne néglige jamais de revêtir la tenue adéquate, dès qu’un photographe le sollicite pour un portrait. “Attendez que j’enfile une veste”, lance-t-il à l’opérateur. Non pas la veste d’un des costumes fournis par Canal + à son consultant. Non, la veste de survêtement portant le nom de l’équipementier du club cher à son cœur. Pour l’élégance, il faudra repasser. Mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. À lui, l’archétype du rapport qualité-prix. Sacré Guy Roux ! Bourgogne Aujourd’hui 74 • 23