Cours 10 : la police communautaire et de proximité - Crime
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Cours 10 : la police communautaire et de proximité - Crime
SOCIOPOLITIQUE DE LA POLICE CRI3301G Stéphane Leman-Langlois FACULTÉ DE L’ÉDUCATION PERMANENTE UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Cours 10 : la police communautaire et de proximité Caractéristiques de la police com m unautaire ; expériences, tentatives et conséquences ; résolution de problèm es. a. Historique i. Certains affirm ent que la police com m unautaire prend sa source dans les principes élaborés par Rowan et Mayne, les deux prem iers directeurs de la nouvelle police de Peel, surtout : (1) prévenir le crim e et les désordres plutôt que les réprim er (2) gagner et conserver le respect du public (3) s’assurer de la coopération du public pour faire respecter les lois (4) viser la coopération du public plutôt que la coercition (5) la police est le public et le public est la police (6) le critère d’efficacité de la police est l’absence de crime et non l’action policière (arrestations, résolutions, etc.) ii. En fait les raisons de l’adoption du m odèle — ou plutôt, de l’abandon du m odèle du m aintien de l’ordre et du style expert/légaliste sont plus près de nous : (1) réalisation de la perte de confiance du public envers les policiers (affaire Kitty Genovese, 1964, m anifestations politiques, etc.) (2) tensions ethniques — antagonism e des forces de police et de groupes m inoritaires visibles (3) aliénation du policier — effet « bulle de verre » de la voiture de patrouille (4) études dém ontrent que la patrouille préventive conventionnelle n’est d’aucune utilité (Kansas City Police Patrol Experim ent) (5) la rapidité du tem ps de réponse ne réduit pas la crim inalité (6) efforts déployés dans les enquêtes ne réduisent pas la crim inalité (7) augm entation de la crim inalité entre 1960 et 1980, im pression de perte de contrôle par la police traditionnelle (dont, paradoxalem ent, l’efficacité augm ente avec le taux de crim inalité, puisqu’on m esure ses résultats en term es de nom bre d’arrestations) (8) retour des zones urbaines « sans police » com m e on en avait au 18 e siècle (Bronx Sud) (9) la crim inalité devient un objet politique (présidentielles de 1964 — course Nixon/Goldwater à la nom ination républicaine) (10) peur du crim e (11) arrivée des nouvelles théories du m anagem ent dans le dom aine gouvernem ental (gestion par objectifs, approche client, décentralisation des décisions, m ission et valeurs, etc.; langage : excellence, service, qualité, clients, etc.). b. Fondem ents principaux auteurs : Steven Mastrofski, Herm an Goldstein, Robert Trojanowicz, Bonnie Bucqueroux, i. Le travail de police com prend plus que le m aintien de l’ordre et l’application de la loi. Il faut form aliser et valoriser l’aspect service. C’est cet aspect qui gagne la confiance du public au policier. ii. Il faut réorienter la police vers la prévention. Ce qui est désirable, c’est la sécurité, pas la rétribution après les faits. iii. Le policer doit être au courant de ce qui se passe dans la com m unauté pour laquelle il est « co-responsable » (noter que la plupart des policiers n’habitent pas où ils travaillent, ni m êm e à un endroit com parable) iv. Partenariats : une police efficace agit non en tant qu’experte m ais en tant que partenaire dans la production de la sécurité. Les autres partenaires sont des organisations gouvernem entales (incendies, inspecteurs, CLSC, voirie, écoles, etc.), locales (associations de citoyens, de com m erçants, de jeunes, etc.), privées (agences/agents de sécurité privée), com m unautaires (centres d’hébergem ent). v. Le citoyen est responsable de sa propre sécurité, la police est là pour le seconder. 35 / 53 vi. Le citoyen est un client de services policiers. vii. La police doit viser deux idéaux : (1) renforcer la com m unauté — c’est elle qui peut le m ieux contrôler la crim inalité, pas la police. (2) résoudre les problèm es qui rendent la com m unauté disfonctionnelle. c. Stratégies : im pliquent un changem ent en profondeur de l’ensem ble de l’organisation policière (agents, enquêteurs, cadres, civils, experts) i. Direction : (1) établir une mission et des valeurs en accord avec le concept, et non des règles et des program m es. Ceci inclue un focus sur la prévention et le service aux citoyens — la m ission et les valeurs ont pour but de guider la prise de décision locale. (2) décentraliser la prise de décision. Donner à l’agent com m unautaire le pouvoir d’initiative et de déborder des tactiques policières conventionnelles, bref d’être « proactif ». (3) décentraliser les services eux-m êm es (postes de quartier, m ini-postes, etc.) (4) récom penser l’originalité et les résultats (l’absence de crim inalité) (5) réduire la spécialisation, couper dans les escouades non essentielles, allouer plus de ressources à la patrouille généraliste (6) débloquer/réassigner les fonds nécessaires aux initiatives réussies (pas faire attendre 1 an pour avoir des vélos ou des ordinateurs) (7) m axim iser l’utilisation de civils — la plupart des tâches de prévention ne nécessitent pas le statut d’agent de la paix. (8) recruter des individus qui ont les qualités requises; éviter les cowboys, m axim iser la form ation et la capacité d’analyser et d’expliquer. Viser la professionnalisation. ii. Patrouille : (1) sortir du véhicule ! (2) interagir avec les citoyens ordinaires, non seulem ent avec ceux qu’on arrête (3) analyser son em ploi du tem ps, réorganiser ses activités pour faire effectivem ent de la prévention (et non « brûler du gas », com m e on dit...) (4) aider les gens à faire de la prévention situationnelle (identifier des cibles et des m oyens de les protéger) iii. L’agent de police communautaire (1) est assigné à un quartier (2) consulte les citoyens (3) devise des événem ents où citoyens et policiers peuvent se rencontrer (4) approche de la résolution de problèmes — SARA : (a) scan — observer les situations, identifier les problèm es (b) analyse — analyser, déterm iner les causes des problèm es (c) respond — deviser une réponse adéquate en fonction du problèm e identifié, spécifier les objectifs (sans objectifs clairs on ne peut pas évaluer par la suite) (d) assess — apprécier les résultats, arrêter, continuer, ou m odifier selon les besoins. Ne jamais continuer à faire des choses qui ne marchent pas – le but est de prévenir, pas seulement d’être actif en apparence. Il faut évaluer (i) la production de résultats (ii) l’efficacité ressources/résultats (iii) les déplacem ents iv. L’enquête : (1) se rapprocher de la patrouille, qui est une source im portante d’inform ation — en retour, laisser participer les patrouilleurs à certaines étapes de l’enquête (problèm e vu par Ericson : m onopolisation des tâches « intéressantes » par les enquêteurs) (2) harm oniser les tâches avec la m ission de l’agent com m unautaire : avoir les m êm es cibles (dans les cas où un problèm e identifié nécessite des arrestations, par exem ple); ne pas nuire à la prévention (en nuisant aux relations com m unautaires par une enquête trop agressive, par exem ple) d. DANGERS i. Voir la police com m unautaire com m e une série de tactiques (bien que la police de résolution de problèm es produise une suite de solutions locales) ii. Se lim iter aux relations publiques et au cosm étique 36 / 53 iii. Chercher les solutions-m assue donnant des résultats im m édiats iv. Utiliser le langage m ais éviter les changem ents nécessaires v. Isoler les initiatives — le changem ent doit se faire partout dans l’organisation. e. Problèm es i. Résistance de la part des agents et de leur syndicat — nous l’avons vu, la police est résistante au changem ent. La police com m unautaire aplatit la structure et réorganise les prom otions ii. En général le style « service » ne fait pas partie de la culture policière. Par ailleurs, les recrues n’ont ni la m aturité, ni les qualités utiles à l’analyse m éthodique, ni le goût de faire de la prévention. iii. C’est qui, ça, « la com m unauté »? (1) concept flou (anonym at des grandes villes). Présence de groupes ethniques/classes, etc. Les groupes sociaux ne correspondent pas aux unités géographiques découpées sur la carte. (2) suppose un consensus sur la définition des crim es les plus dom m ageables et sur les m oyens de les régler (3) risque de retour à l’époque politique (contrôle des activités policières par les politiciens et capitalistes locaux). C’était aussi une époque de corruption m assive. (4) dictature de la m ajorité : est-ce que ce que la com m unauté veut est nécessairem ent acceptable, bien, utile, légal, etc.? iv. professionnalisation du policier : peut-on être professionnel du général? La professionnalisation sous-entend une spécialisation, ce qui va à l’encontre du m odèle. v. Localisation des solutions : par définition, une solution « SARA » est non-exportable. vi. Attentes du public : la police com m unautaire est souvent vue com m e « m olle », laxiste face au crim e. Va à l’encontre du policier ultra-efficace chevalier anti-crim e. Ici, les solutions sont lentes et tout le contraire de spectaculaire. La pression des appels 911 continue. vii. En fait la peur du crim e, qui est reliée à la satisfaction des citoyens, est davantage le résultat de l’activité des m édias que de celle de la police. viii. Citoyen responsable de sa sécurité (1) n’est-ce pas là la raison d’être de la police? (Les citoyens ne sont pas intéressés à s’im pliquer, sauf dans situations de crise — c’est-à-dire, lorsqu’il est trop tard pour faire de la police com m unautaire). (2) invitation à la délation m assive (3) invitation à l’auto-protection (4) renvoi à la sécurité privée (5) facilitation du désengagem ent de l’État (l’État tente de tenir le gouvernail m ais ram e de m oins en m oins). f. Résultats i. Dans l’ensem ble la police com m unautaire s’est transform ée en program m e — les organisations policières ont adopté, à la pièce, certains canons de la police com m unautaire, m ais aucune organisation a procédé aux changem ents qui form ent la base du m odèle. (1) donc, les études de l’efficacité de la police com m unautaire ne peuvent conclure que sur des program m es, et non sur l’approche en général. (2) par ailleurs, la généralisation du langage de la police com m unautaire est généralisé (prévention, proaction, partenariats, responsabiliser, client, résolution de problèm es, etc.), et à la longue il devient difficile de faire la part des choses. ii. En bref, les études ont m ontré un certain nom bre de choses: (1) crim inalité : baisse assez peu, et les effets dim inuent avec le tem ps. Mais attention : dans certains cas la nouvelle confiance du public fait que plus de crim es sont rapportés. (2) peur du crim e : effet positif assez m arqué. (3) délabrem ent : effet positif m arqué. (4) satisfaction du public : effet positif m arqué. (5) satisfaction professionnelle du policier : effet positif m arqué 37 / 53