Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007
Université Lumière Lyon II Institut d'Études Politiques Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Mémoire soutenu le 4 septembre 2012 Mémoire de fin d’études Alexis Martinez Directeur de mémoire : M. Denis Barbet, Maître de Conférences à l’Institut Responsable du séminaire « Mots et symboles en politique » Table des matières Remerciements . . Introduction . . Méthodologie . . Problématisation . . Ière partie : Les réactions positives . . Section 1 : Les réactions d'assomption . . 1. L'assomption directe de la qualification « populiste »/« populisme » . . 2. Le contenu de la qualification « populiste »/« populisme » . . 3. L'assomption implicite . . Section 2 : L'appropriation . . IIème partie : Les réactions négatives . . Section 1 : Le rejet . . 1. Le rejet direct de la qualification « populiste »/« populisme » . . 2. Un rejet indirect : l'usage accusatoire de la qualification « populisme »/« populiste » à l'endroit d'adversaires politiques . . 3. Un rejet indirect : le déni de toute pertinence au concept « populisme » . . Section 2 : La contre-attaque . . 1. Le détournement de l'accusation sur un adversaire politique . . 2. La contre-accusation de mépris du peuple . . Conclusion . . Bibliographie . . Ouvrages . . Articles . . Mémoires . . Annexes . . Annexe 1 : liste des articles de presse du corpus . . 1/ Articles du Monde (consultation en ligne payante) . . 2/ Article du Figaro et du Figaro Magazine (consultation en ligne payante) . . Annexe 2 : liste des articles en ligne du corpus . . 1/ Articles du site www.lemonde.fr . . 2/ Articles du site www.lefigaro.fr . . 3/ Articles du site www.lexpress.fr . . 4/ Articles du site www.lejdd.fr . . 5/ Articles du site www.lepoint.fr . . 6/ Articles du site www.marianne2.fr . . Annexe 3 : liste des émissions de radio du corpus consultées en ligne . . 1/ Émissions du site www.rtl.fr . . 2/ Émissions du site www.europe1.fr . . 3/ Émissions du site www.franceinter.fr . . Annexe 4 : émissions télévisées du corpus consultées à l'INAthèque de Paris . . Annexe 5 : liste des pages internet du corpus . . 5 6 9 12 13 13 13 15 36 39 46 46 46 50 52 70 70 73 79 82 82 82 84 85 85 85 86 87 87 87 88 88 88 88 88 89 89 89 89 90 1/ Pages du site www.archives.elysée.fr . . 2/ Pages du site www.bayrou.fr . . 3/ Pages du site www.jean-luc-melenchon.fr . . 4/ Pages du site www.placeaupeuple.fr . . Annexe 6 : liste des vidéos du corpus consultées en ligne . . 1/ Vidéos de Nicolas Sarkozy . . 2/ Vidéos de François Bayrou . . 3/ Vidéos de Marine Le Pen . . 4/ Vidéos de Jean-Luc Mélenchon . . Annexe 7 : ouvrages du corpus . . Annexe 8 : transcriptions d'extraits des vidéos consultées en ligne . . 1/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [1/2] » . . 2/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [2/2] » . . 3/ Extraits de la vidéo « Débat avec Jean-François Kahn sur "Qu’ils s’en aillent tous" » . . 4/ Extraits de la vidéo « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP » . . 5/ Extraits de la vidéo « Le grand direct de l’info - 14/01/11 » . . 90 90 90 90 90 90 91 91 91 93 93 93 95 96 97 98 Remerciements Remerciements Je remercie chaleureusement mes amis et mes parents pour leur soutien sans faille au cours de l'année écoulée. Je remercie également M. Barbet pour son suivi et ses conseils bibliographiques et d'orientation de mon sujet. J'adresse en outre ma sincère reconnaissance à l'ensemble des documentalistes de l'Institut d'Études Politiques de Lyon et des bibliothèques universitaires de Lyon II, ainsi qu'aux personnels de la bibliothèque Sainte Geneviève et de l'INAthèque de Paris, pour leur courtoisie, leur aide précieuse et leur patience. Enfin, je remercie le professeur Stéphane François, ainsi que ma mère et mes amis Sonia, Henri-François, Laurent, Romain et Fabien pour la relecture et leurs avis judicieux. 5 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Introduction Catégorie remontant au XIXème siècle avec le mouvement des narodniki, intellectuels russes qui « allaient au peuple » pour l'instruire puis mouvement politique socialisant s'appuyant sur les paysans plutôt que sur les ouvriers, associée aux États Unis d'Amérique au People's Party, formation politique éphémère qui a connu son apogée à la fin des années 1880 avant de se transformer en satellite du Parti Démocrate, utilisée pour qualifier les expériences politiques des régimes autoritaires d'Amérique du Sud des années 1940-1950 (Lazaro Cardenas au Mexique, Getulio Vargas au Brésil, Juan Domingo Peron 1 en Argentine , notamment), désignant depuis la fin des années 1980 certains mouvements politiques européens, souvent d'extrême-droite, et depuis le début des années 2000 les régimes socialistes ou socialisants d'Amérique du Sud (Hugo Chavez au Venezuela, Luiz Inacio Lula au Brésil, Evo Morales en Bolivie, etc), ayant également connu un usage hors du domaine politique (courant littéraire importé en France par Léon Lemonnier, également créateur d'un prix littéraire associé), le « populisme » a été abondamment traité par la littérature au cours des quatre dernières décennies, particulièrement depuis la publication 2 de l'ouvrage collectif Populism : Its Meanings and National characteristics en 1969. La notion est donc ancienne et intégrée de longue date dans le lexique politique, même si ses 3 usages courants comme désignation politique en France ne datent que des années 1980 4 et que c'est seulement depuis les années 1990 que la qualification a pénétré de manière notable le langage journalistique pour désigner de manière quasi systématique - « souvent 5 faute de mieux » - des mouvements et personnalités politiques. Cette irruption récente de la notion de « populisme » dans le vocabulaire politique français explique qu'elle y soit tout particulièrement discutée, que ce soit par les spécialistes ou par les commentateurs, voire les acteurs de la vie politique. La deuxième moitié des années 2000 a notamment donné lieu une importante inflation de la mobilisation de la notion dans le commentaire politique et les campagnes électorales, ce qui conduit des observateurs à estimer que « l'on n'a jamais 6 autant parlé de populisme qu'aujourd'hui » . 1 Voir sur le cas particulier du péronisme, qui fait figure d'idéal-type du phénomène, Gino Germani, « Démocratie représentative et classes populaires en Amérique latine », Sociologie du Travail, n°4, 1961, pp.96-113 2 G. Ionescu et E. Gellner (dir.), Populism : Its Meanings and National characteristics, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1969, cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.199 3 Pierre-André Taguieff, 1998, p.5 : « La première extension du terme, en référence à des phénomènes sociopolitiques contemporains, s'est opérée au cours des années 1980, pour caractériser des styles politiques émergents, tous repérables dans l'espace de la droite conservatrice ou de l'extrême droite » 4 Pierre-André Taguieff, 1998, p.6 : « La seconde extension de populisme s'est produite face à l'apparition, au début des années 1990, de leaders politiques atypiques, démagogues télépopulistes prétendant s'adresser directement au « peuple », hors du système des partis, tenant souvent un discours anti-partis et pratiquant la dénonciation des élites en place, offrant enfin un programme réduit à quelques formules vagues ou promesses intenables » 5 6 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.9 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 6 Introduction Pour autant, une intense mobilisation de la notion ne signifie pas qu'elle recouvre, pour le public, voire pour les utilisateurs eux-mêmes, une signification commune ni précise. Ainsi 7 que le relevait déjà Alexandre Dorna en 1999, « la question populiste reste polémique » , diagnostic partagé par Henri Deleersnijder sept ans plus tard quand il souligne qu'« il est 8 peu de concepts qui fassent autant objet de débats que celui de "populisme". » Utilisée 9 10 pour désigner Patrick Sébastien comme feu Georges Frêche , s'appliquant indistinctement à des personnalités, des mouvements politiques, des comportements, des propositions, des mesures, ou même des traits de caractère, la qualification s'est imposée surtout par 11 les connotations péjoratives qu'elle véhicule sans les expliciter . Bien qu'elle demeure présente dans la littérature savante, « son utilisation actuelle est plutôt journalistique et 12 polémique avec une forte connotation négative. » Le « populisme » dans le langage courant correspond à « quelque chose de bizarre et de négatif », « un objet à connotation 13 péjorative » , qui entretient une forte ambiguïté : « alors qu'il prétend être une catégorie 14 d'analyse, le "populisme" est pourtant également une injure politique » , « fonctionne 15 comme une injure polie » . En effet, « le mot "populisme" a pris le pli de ses usages péjoratifs qui, depuis les années 1980, ont chassé ses autres et anciens usages non 16 dépréciatifs » , aussi désormais « traiter un responsable ou un mouvement politiques de 17 « populiste » ressortit sans doute au registre des invectives faciles. » Cependant, cette situation ne doit pas être rédhibitoire pour la recherche : on peut « parfaitement utiliser la notion ou le concept de populisme à condition d'être conscients, pour reprendre la formule 18 utilisée par P.A. Taguieff de son ambiguïté constitutive. » Vivement intéressé comme citoyen par la vie politique, ayant été surpris lors de la campagne présidentielle de 2007 de l'irruption massive de la notion de « populisme » dans les analyses et constatant que sur la période qui l'a suivie la mobilisation de la notion est demeurée très importante, nous avions eu l'ambition initiale d'en étudier les usages journalistiques dans la presse écrite et les médias audiovisuels français. Cependant, devant l'immensité du sujet, nous avons opté pour l'étude d'un aspect spécifique, celui des réponses apportées par ceux qui sont ainsi désignés à cette qualification. Si le populisme peut être abordé par les chercheurs « comme phénomène sociopolitique supposé observable (un ensemble de mouvements ou de partis politiques) ou 7 8 9 Alexandre Dorna, 1999, p.10 Henri Deleersnijder, 2006, p.93 « PATRICK SÉBASTIEN, PORTRAIT D'UN BLUFFEUR », par Daniel Psenny, Le Monde du 20/12/2009 10 Gérard « Davet, mise Le en Monde.fr : ligne 10/02/2010, le Le pas très catholique Georges Frêche », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=60a28cc0432747f40da82846568d225fb3fab65e67616935, consultée le 27/06/2012 11 12 13 14 15 16 17 18 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.18 Roger Dupuy, 2002, p.209 Alexandre Dorna, 1999, p.3 Annie Collovald, 2004, p.9 Annie Collovald, 2004, p.33 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.10 Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.9 Gérard Grunberg, 1998, p.127 7 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 comme catégorie d'analyse supposée éclairante, modèle théorique bien construit doté d'une 19 valeur descriptive » , c'est moins à une démarche d'explicitation du concept que nous nous livrons ici qu'à une tentative de détermination d'apports sémantiques à ses acceptations courantes au travers des réponses apportées à cette qualification précisément par ceux qui en sont qualifiés. En effet, « le terme étant sorti du langage savant, ses usages dominants s'inscrivent désormais dans l'espace polémique occupé par les acteurs politiques, les 20 journalistes et les intellectuels médiatiques. » Or si ses usages par les commentateurs et journalistes ont été relativement souvent abordés par la littérature, la mobilisation de la notion par les acteurs politiques y est moins souvent analysée alors qu'elle y apporte indéniablement sa contribution sémantique. En particulier, à quelques exceptions près (notamment Jean-Marie Le Pen, dont les stratégies discursives autour de la mobilisation du 21 « populisme » ont été analysées par Pierre-André Taguieff ), les personnalités politiques désignées ainsi n'ont que fort peu suscité la curiosité des sciences humaines et sociales. Il s'agit pourtant là d'un aspect largement reconnu comme fondamental du populisme, qui « est incarné dans une figure attractive/répulsive, et prend le visage (et souvent le patronyme) d'un personnage public dont la popularité se constitue avant tout dans tel ou 22 tel cadre national (ou ethnorégional). » « Sans lui, sans la présence de ce chef unique, 23 le mouvement devient "populaire" plutôt que populiste » , estime même Maryse Souchard, tandis qu'Alexandre Dorna fait de « la personnalisation » et de « l'adhésion à un homme » 24 « l'apanage du populisme. » Sans nécessairement attribuer ce caractère déterminant aux personnalités bénéficiant de la qualification comme « populistes », un net consensus se dégage dans la littérature pour estimer que « le culte de chefs jugés charismatiques » 25 est une « composante de la mouvance populiste » . Pour s'intéresser au populisme, et singulièrement à ses usages courants dans la sphère politique et journalistique, il nous semble ainsi indispensable de nous pencher sur les personnalités ainsi désignées et sur leurs propres mobilisations discursives de la notion. En effet, s'agissant de personnalités politiques, « la quête de légitimité est un souci 26 constant » . Or cette quête passe non seulement par la maîtrise d'un univers symbolique et syntagmatique permettant la reconnaissance d'autrui - au premier chef les militants et sympathisants, mais également les commentateurs, journalistes ou autres, et même les adversaires politiques - mais aussi par l'identification sur la scène politique. Ainsi, la qualification médiatique d'une personnalité politique peut, si elle se fait de manière répétée voir systématique, occulter les identités politiques que souhaiterait imposer d'elle-même la 19 20 21 22 23 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.73 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.17 Pierre-André Taguieff, 1998, pp.15-23 ; 2007, pp.248-255 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.102 Maryse Souchard, 2010, p.20 ; sur l'opposition « populaire »/« populiste », cf. Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.34 : « On retrouve la même opposition sémantique, la même inversion de signes (positif/négatif) dans de nombreuses langues : popular/ populista en espagnol, popolare/populista en italien, popular/populist en anglais, völkisch/populitich en allemand, popular/populista en portugais, etc. C'est ce qui permet à Kraushaar d'écrire que le populisme est « une espèce de crêpe conceptuelle. Plate, étalée, aux contours mal définis, [...] sa polysémie le prédestine à être un slogan éprouvé dans les controverses politiques : il est facile de le balancer à la figure de l'adversaire. Il ne blesse pas, mais livre l'agressé au ridicule ». » 24 25 26 8 Alexandre Dorna, 1999, p.12 Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.11 Christian Le Bart, 1998, pp.p.77 Introduction personnalité qualifiée, ce qui contraint à une réaction afin de rectifier l'image (ou en tous cas d'essayer) dans le sens souhaité. Le terme « populiste » étant dépréciatif, en tous cas largement perçu comme tel, cette réaction implique la mise en place de stratégies 27 discursives et médiatiques. Le populisme « n'échappe pas aux enjeux discursifs » . Nous avons fait le choix de porter notre étude sur la période qui avait retenu notre attention au départ et pendant laquelle il nous a semblé que les occurrences de la qualification comme « populiste » ou « populisme » étaient particulièrement abondantes, à savoir la période s'étendant de l'élection présidentielle de 2007 à celle de 2012. Plus précisément, les usages stratégiques du mot « populisme » pendant la campagne présidentielle de 2007 ayant été étudiés par Orianne Ledroit dans son mémoire de fin 28 d'études , que nous avons trouvé fort éclairant, nous avons fait démarrer notre période au lendemain du second tour de l'élection présidentielle de 2007, soit le sept mai 2007, et l'avons arrêtée au premier tour de l'élection présidentielle, soit le vingt-deux avril 2012. Nous avons également largement limité le champ de l'étude en nous concentrant sur quatre personnalités politiques françaises (pour des soucis d'accessibilité et de compréhension), et, afin d'ancrer le présent mémoire dans l'actualité, toutes candidates lors de l'élection présidentielle de 2012 et dont deux l'avaient été également à celle de 2007, à savoir : Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Méthodologie La spécificité du sujet amène à concentrer le corpus utilisé sur les interventions des quatre sujets d'études pendant la période étudiée. Non seulement dans les médias mais aussi à l'occasion de leurs discours partisans au cours des événements politiques qui se sont succédés durant les presque cinq années étudiées. Cela implique une focalisation sur les médias audiovisuels, où les personnalités politiques sont d'une manière générale bien plus prompts à intervenir que dans la presse écrite et où il leur est plus aisé de procéder à la mise en œuvre de stratégies discursives, mais également sur les vidéos, enregistrements sonores et transcriptions des événements militants auxquels ils ont participé (meetings, banquets, réunions publiques, congrès, etc). Les articles de presse ne nous intéressant que dans la mesure où ils comportent des retranscriptions de propos ou bien dans le cas de tribunes accordées à l'un ou l'autre des sujets étudiés. De plus, compte-tenu de la dimension stratégique des réponses à la qualification, nous avons pris le parti de considérer qu'elles incluaient outre les personnalités étudiées, certains membres de leurs états-majors politiques, en tous cas lors de certaines périodes politiquement sensibles, notamment celle de la campagne présidentielle de 2012, exercice au cours duquel la parole de l'entourage politique du candidat est en général relativement contrôlée pour être conforme avec celle dudit candidat. Enfin, au cours de notre étude, nous avons résolu d'ajouter au corpus un certain nombre d'articles de presse ne comportant aucune intervention ni des sujets d'étude ni de leurs entourages politiques mais apportant des éclaircissements sur les usages courants de la qualification comme « populiste », soit par les journalistes eux-mêmes soit par des 27 28 Alexandre Dorna, 1999, p.6 Orianne Ledroit, 2006-2007 9 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 intellectuels, non forcément spécialistes de la question, interrogés à cette fin. Ces articles sont généralement tirés des quotidiens Le Monde et Le Figaro, ainsi que de leurs versions en ligne. Le choix de ces deux journaux dont les spécificités éditoriales sont reconnues, le premier faisant figure de « journal de référence » et le second étant marqué comme « journal de droite », s'explique par l'introduction relativement tardive de ces articles dans notre recherche : nous avons simplement opté pour deux journaux de grande audience qui nous étaient immédiatement accessibles. Le corpus consulté se partage ainsi nettement en deux grandes catégories : - des interventions des quatre sujets d'étude dans le cadre d'émissions de télévision et de radio et d'entrevue et tribunes dans la presse écrite, ainsi que des articles rapportant leurs propos. S'y ajoutent, notamment sur la période de la campagne électorale, des interventions d'autres acteurs mais reliés politiquement à l'un d'eux et par conséquent susceptibles de diffuser des mobilisations de la notion identiques - des articles de presse et émissions de télévision et de radio dans lesquels les commentateurs, le plus souvent des journalistes mais également des intellectuels dans le cadre d'entrevues et de tribunes, entendent éclairer le concept « populisme » et la qualification « populiste »/« populisme » Le corpus s'étend principalement sur la période d'étude des quatre sujets, à savoir de l'après-élection de 2007 jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle de 2012. Toutefois, deux articles consultés de la première catégorie du corpus sont situés après cette date. Nous avons estimé que leurs apports étaient suffisamment précieux pour les y inclure. Par soucis de précision et parce que le vocabulaire impliqué est au moins aussi ambigu que la notion traitée, nous essaierons, autant que faire se peut, de distinguer dans la suite entre la « qualification « populiste »/« populisme" », désignant les usages des termes « populiste » et « populisme » désignant un individu, un mouvement, une tendance, un propos, une proposition, etc, y compris ceux dont rend compte la littérature savante, et le « concept « populisme" », qui désignera les contenus théoriques intégrés à la notion, que ce soit par la littérature savante ou par les commentateurs, journalistes et politiques qui s'essayent à l'exercice. Précisons encore que Benoît Schneckenburger a signé un ouvrage et deux textes argumentaires de campagne sur la qualification « populiste »/« populisme » comme sur 29 le concept « populisme », mais que l'un d'eux, « Populisme : le peuple en accusation » , publié dans la rubrique « l'argument de la semaine » du blog de Jean-Luc Mélenchon est en fait l'esquisse de son livre Populisme, le fantasme des élites, et ne sera donc pas cité dans le présent travail. L'ouvrage Populisme, le fantasme des élites, quant à lui, et malgré une vocation affirmée d'ouvrage savant, est manifestement destiné avant tout à alimenter l'argumentaire de campagne du candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle de 2012, raison pour laquelle il figure au sein du corpus et non parmi la bibliographie. Enfin, sans avoir pu prétendre à l'exhaustivité, nous avons par ailleurs consulté (sans les relever dans le corpus) un certain nombre d'articles attribuant la qualification « populiste »/« populisme » à l'un ou l'autre des sujets étudiés, ce qui nous a permis d'établir de manière empirique pour chacun d'eux un « profil » de la mobilisation de la qualification à leur endroit. 29 10 http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/ Introduction S'agissant de Nicolas Sarkozy en premier lieu, nous avons remarqué une mobilisation de la qualification « populiste »/« populisme » pour le désigner sur l'ensemble de la période étudiée. Cependant, nous avons identifié trois moments d'intensification de celle-ci : - d'abord durant l'immédiat après-élection en 2007, où la qualification a été utilisée moins en référence de l'action du président nouvellement élu que dans le cadre d'analyses post-électorales. La désignation joint alors collectivement les candidats Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou et Jean-Marie Le Pen, même si des occurrences désignant exclusivement le premier ont été repérées - ensuite sur la période qui suit le « discours de Grenoble » et la politique de démantèlement de camps de nomades suivie par le gouvernement durant l'été 2010 - enfin pendant la campagne électorale de 2012, particulièrement après l'entrée officielle en campagne de Nicolas Sarkozy et ses propositions de « referendum sur les chômeurs » Pour ce qui est de François Bayrou, la qualification « populiste »/« populisme » ne le désigne pratiquement pas sur la période à l'exception de trois épisodes délimités dans le temps : - tout d'abord, à l'instar de Nicolas Sarkozy, il est désigné parmi les « candidats populistes de 2007 » dans des analyses post-électorales qui suivent l'élection présidentielle. Cette désignation collective ne fait que reprendre le vocabulaire utilisé pendant la campagne électorale de 2007, et nous n'avons repéré aucun usage de la qualification destiné spécifiquement à François Bayrou ensuite, à l'occasion de la campagne pour les élections européennes de 2009, qui a été ponctuée de deux épisodes mettant en avant François Bayrou : d'abord la publication d'un ouvrage « anti-Sarkozy » qui lui a valu des attaques de la part de l'UMP, et ensuite une polémique lors d'un débat avec Daniel Cohn-Bendit, durant lequel le président du MoDem a vivement attaqué son adversaire sur le terrain des mœurs en rappelant une ancienne affaire - enfin, la campagne électorale de 2012, tout particulièrement après la mise en avant de sa proposition politique sur le « produisons français » - Concernant Jean-Luc Mélenchon, il a été très intensivement désigné par la qualification « populiste »/« populisme » à partir de l'été 2010, alors qu'au contraire nous n'avons pu repérer d'usage antérieur le concernant sur la période étudiée. Le « profil » de ses qualifications consiste en une succession d'intensifications ponctuelles liées à son actualité médiatique : publication de son ouvrage Qu'ils s'en aillent tous ! Vite, la révolution citoyenne, prises à partie de journalistes, discours de campagne, etc. - Enfin, Marine Le Pen est celle qui a bénéficié semble-t-il de la plus grande constance dans la qualification sur la période, même si trois épisodes se détachent : - à l'automne 2009, soulevant l'« affaire Frédéric Mitterrand », elle est alors mentionnée fréquemment dans la presse et les médias et bénéficie quasi systématiquement de la qualification - à partir des élections régionales de 2010 et surtout du congrès de Tours du Front National en 2011 à l'occasion duquel elle en a pris la direction, elle « récupère » les usages de la qualification désignant jusque là son père - enfin, durant la campagne électorale de 2012 Dans les quatre cas, la plus importante période de mobilisation de la qualification à leur endroit a été semble-t-il la campagne électorale de 2012, ce qui explique qu'une large part 11 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 des réponses collectées se situe sur la période allant d'octobre 2010 au premier tour de l'élection présidentielle. Problématisation L'objectif du présent mémoire est donc d'apporter quelque éclairage à la question : « De quelles manières des personnalités politiques désignées comme « populistes » répondentelles à cette (dis)qualification ? » au travers d'une étude de cas. S'agissant d'établir une typologie des réponses à la qualification « populiste »/« populisme », nous avons opté pour un plan reprenant les différents éléments dégagés par la recherche au risque qu'il soit considérablement déséquilibré. Notre démarche vise en effet moins à se concentrer sur les spécificités des mobilisations de la qualification « populiste »/« populisme » comme du concept « populisme » par nos quatre sujets d'étude - même si certaines ont été relevées - qu'à tenter d'apporter des éléments pouvant aider à l'analyse dans d'autres contextes et s'agissant d'autres acteurs politiques. Ainsi, nous avons distingué les réactions relevées entre les réactions dites « positives » et les dites « négatives », et, parmi les premières, celles dites « d'assomption » de celles dites « d'appropriation », parmi les secondes, celles dites « de rejet » de celles dites « de contre-attaque », toutes ces réactions étant encore détaillées, le cas échéant, entre les cas spécifiques repérés, quand bien même certaines auraient eu bien plus souvent lieu que d'autres. 12 Ière partie : Les réactions positives Ière partie : Les réactions positives Sont dites « positives » les réactions à la qualification « populiste »/« populisme » qui acceptent la qualification, sans nécessairement accepter le contenu qui y est associé. Deux principaux types de réaction sont des réactions « positives » : les réactions d'assomption et les réactions d'appropriation. Section 1 : Les réactions d'assomption Les réactions dites « d'assomption », comme leur nom l'indique, désignent les réactions à la qualification « populiste »/« populisme » consistant à assumer la qualification, notamment à accepter les connotations transportées par elle. 1. L'assomption directe de la qualification « populiste »/« populisme » La qualification « populiste »/« populisme », qu'elle soit attribuée par un commentateur ou par un adversaire politique, tient rarement lieu de compliment. Elle serait même franchement péjorative, voire insultante, et tient lieu de disqualificatif plus que d'autre chose. Pourtant, à plusieurs reprises au cours de la période étudiée, quelques-uns des sujets n'ont pas hésité à assumer, si ce n'est à revendiquer, cette épithète à vocation infamante au départ. Ainsi, lorsqu'il a été qualifié en février 2009 par l'alors secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand de « populiste », « terrible accusation » selon le journaliste Robert Solé du Monde, François Bayrou, qui était imaginé « offensé » par un « insulteur », s'est contenté d'y répondre « tout sourire », dans une pirouette rhétorique : « j'aime quand le mot peuple est 30 associé à une définition politique » . De manière plus directe et explicite, le même assure, en avril de la même année, lorsque les journalistes Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Patrick Roger - du Monde, toujours - lui demandent s'il assume « une certaine forme de radicalité, voire de populisme » se fichtre « des accusations », avant de détourner le sujet sur une considération d'ordre général : « une seule question compte : ce modèle de 31 société va-t-il ou non dans le bon sens ? Ma réponse est non. » N'affichant pour toute réaction à ce qui se voulait une injure qu'une considération générale voire l'affectation d'une totale indifférence tout en s'abstenant d'y apporter le moindre contenu visant à en modifier l'acceptation pour le lecteur, en particulier militant, le président du MoDem assume de fait la qualification « populiste »/« populisme » telle qu'elle est entendue par l'accusateur, sans ni tomber dans son jeu (car l'injure en politique revêt en général une signification tactique), ni 30 « Le Monde.fr : Archives », par Robert Solé, mise en ligne par 10/02/2009, http://abonnes.lemonde.fr/web/ recherche_breve/1,13-0,37-1069539,0.html?xtmc=populiste_bayrou&xtcr=2, consultée le 27/06/2012 31 « Le Monde.fr : M. Bayrou : « On conduit la France vers un modèle qui n'est pas le sien » », par Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Patrick Roger, mise en ligne le 05/04/2009, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=7f373c71a03d12b346f7c6cac668ca22cd604a1deb70981b, consultée le 27/06/2012 13 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 inciter, en faisant mention explicitement de sa démarche en reprenant le terme, à ce qu'elle lui soit associée dans le langage médiatique. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, est bien plus explicite quant à sa démarche vis-à-vis de la qualification « populiste »/« populisme », rétorquant le huit juillet 2010 à Michel Field qui le qualifiait de « plus sympathique des populistes » : « j'en viens à dire que j'assume », précisant : « alors que je suis moi aussi un intellectuel, que je fais partie des élites et que je ne veux pas le cacher », chose qui semble dans son esprit incompatible avec le fait d'être populiste, faisant de la qualification une coquille vide, une simple étiquette dénuée de signification, ce que confirme le motif avancé de cette assomption proclamée : « j'en ai pardessus la tête ! C'est le peuple français, et là, contenant sa colère, et il a besoin de rayonner. Monsieur, ne désespérez pas de lui : les Français peuvent tout faire s'ils veulent, même vider 32 la mer avec les mains ! » , qui tient plus de la proclamation gratuite de principes généraux que d'autre chose. Tout aussi explicite est son « populiste, moi ? J'assume ! » en réponse à une question de deux journalistes de L'Express le seize septembre, conséquence de son 33 refus désormais de « [se] défendre de l'accusation de populisme » . Le quinze octobre encore, lors de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3, en référence à la diffusion sur Internet d'une séquence du film Fin de concession de Pierre Carles dans laquelle il qualifie David Pujadas de « salaud » et de « larbin » à cause de sa supposée partialité lorsqu'il a interrogé le syndicaliste Xavier Mathieu, il affirme être « populiste d'enfer dans une situation comme ça », être « avec l'ouvrier » qui subirait des ennuis « parce qu'il résiste et qu'il a la 34 tête droite » . Cependant, le vingt-deux novembre, il passe dans le registre de l'indifférence à la qualification, assurant se fichtre « complètement de l'injure » que croient avoir trouvé 35 les commentateurs et journalistes « pour pouvoir [le] désigner » . Enfin, durant le dernier mois de la campagne présidentielle de 2012, le quinze mars à Clermont-Ferrand, il choisit de désigner collectivement sous cette qualification les partisans de l'orientation politique qu'il défend, exposant sur le ton de la bravade : « ce sont donc bien les « populistes » qui 36 avaient raison de dire qu'il y a un problème avec les riches » . Cette unique occurrence sur la période du passage chez Mélenchon de l'assomption à la revendication de la qualification « populiste »/« populisme » tient cependant de la reprise ironique du terme, ainsi que le démontre l'étude de ses mobilisations de la notion sur le mois de mars 2012 pendant lequel il attribue la qualification à ceux de ses adversaires qui lui semblent avoir intégré des éléments de son orientation politique. Il s'agit-là de l'exception et non de la règle de son comportement discursif en matière d'assomption de la qualification, laquelle se fait plutôt en réponse à une mobilisation à son endroit qu'à sa propre initiative et en y associant pour tout contenu des conceptions vagues et générales. Enfin, Marine Le Pen se contente simplement à la fin de son débat avec le précédent lors de l'émission Bourdin Direct du quatorze février 2012 sur RMC et BFMTV d'affirmer 32 Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012 33 « Mélenchon: "Populiste, moi ? J'assume!" - L'EXPRESS », mise en ligne le 16/09/2010 http://www.lexpress.fr/actualite/ politique/melenchon-populiste-moi-j-assume_919603.html, consultée le 16/06/2012 34 Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7w7m_populiste- melenchon-2-2_news, consultée le 16/06/2012 35 Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-au-congres-du-pg_news, consultée le 17/06/2012 36 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Discours Clerm.-Ferrand », mise en ligne le 15/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpgmbl_j-l-melenchon-discours-clerm-ferrand_news, consultée le 25/06/2012 14 Ière partie : Les réactions positives assumer, d'être, avec Jean-Luc Mélenchon, « tous les deux » « des populistes », sans apporter le moindre éclairage quant à ce qu'elle associe au terme mais en soulignant que 37 son adversaire serait « un populiste sans peuple » , ce qui a priori paraît antinomique avec la notion et contribue encore, en l'absence d'explicitation, à rendre vide son emploi en l'occurrence. Son soutien de campagne Gilbert Collard, en réponse à une question de Vivien Vergnaud et Anne-Charlotte Dusseaulx du JDD le vingt-et-un décembre 2011 lui demandant s'il n'était pas « populiste de dire » que le rôle d'un ministre de la justice était de passer outre les demandes des juges et des procureurs, lance en réaction : « Vive 38 le populisme ! Je ne lui crache pas dessus ! » avant d'expliquer aimer le peuple. Bien qu'il ne s'agisse pas de la candidate du Front National mais d'un soutien médiatique à cette dernière, on peut considérer que, sans pour autant correspondre à une hypothétique « ligne argumentaire » édictée depuis le quartier général de campagne, cette réaction à la qualification « populiste »/« populisme », cohérente avec celle précédemment citée, correspond à une conception partagée collectivement par l'état-major de campagne de Marine Le Pen. Cette démarche d'assomption de la qualification, surprenante au premier abord et qui nous semble récente, permet de désamorcer l'usage dépréciatif de la qualification : une injure qu'on accepte n'est plus une injure, mais au mieux une description. Si la qualification « populiste »/« populisme » est assumée par ceux qu'elle désigne, elle devient une simple catégorie dont la portée péjorative ne fait plus l'objet d'un consensus mais n'est plus qu'une vue de l'esprit, subjective par définition. L'assomption de la qualification « populiste »/« populisme » peut ainsi s'inscrire dans la démarche identifiée par Christian Le Bart, qui consiste pour « chaque organisation politique » à « souder ses troupes et (...) se distinguer des organisations concurrentes par un vocabulaire, une syntaxe, un univers 39 d'argumentations et de métaphores, qui font d'abord sens pour ses membres » sans se soucier du sens revêtu par eux aux yeux des personnes extérieures aux cercles militant et sympathisant. Néanmoins, il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de s'abstraire des contenus associés à la qualification par les commentaires journalistiques, qui disposent d'un fort pouvoir de prescription sémantique. C'est pourquoi au-delà de la simple assomption directe d'un terme vidé de toute référence ou bien associé à de vagues conceptions creuses et gratuites, il peut exister une assomption indirecte s'appuyant sur les contenus associés à la qualification « populiste »/« populisme » dans ses usages courants, que par conséquent nous nous sommes attachés à expliciter. 2. Le contenu de la qualification « populiste »/« populisme » Nous n'essayerons pas ici d'établir un panorama des apports théoriques au concept « populisme », encore moins d'y apporter une contribution. Il s'agit plutôt de dégager quelques traits de caractérisation communs à la qualification « populiste »/« populisme » en nous appuyant pour ce faire sur la littérature savante comme sur les commentaires 37 Vidéo : « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://www.dailymotion.com/video/ xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news, consultée le 19/06/2012 38 « Gilbert Collard : "Qu'on n'aille pas dire que je fais ma Cécile Duflot" (interview) - leJDD.fr », par Vivien Vergnaud et Anne- Charlotte Dusseaulx, mise en ligne le 21/12/2011, http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Gilbert-Collard-Qu-on-naille-pas-dire-que-je-fais-ma-Cecile-Duflot-interview-443015, consultée le 01/08/2012 39 Christian Le Bart, 1998, p.31 15 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 politiques, de nombreux journalistes et éditorialistes s'étant, sur la période étudiée, essayés au périlleux exercice d'apporter des précisions sémantiques à leurs usages, que ce soit en s'appuyant sur la littérature, en interrogeant des spécialistes ou bien directement par eux-mêmes. Ne sont donc mentionnées de la littérature savante sur le sujet que les caractéristiques également utilisés couramment, soit que leurs usages courants aient été étudiés par elle, soit au contraire qu'elle leur ai imposé des acceptations spécifiques de la qualification. Le concept « populisme » est caractérisé par la littérature savante comme étant le signe d'une faillite de la démocratie. En effet, pour Silvia Kobi, il s'agirait avant tout pour « les mouvements populistes » de « dénoncer certaines des "promesses non tenues" des 40 démocraties modernes » . La « crise de représentation », le « défaut de communication politique », l'« échec des médiations », peut-être même la « faillite du politique » seraient, d'après Bertrand Badie, autant de caractères communs aux situations auxquelles se 41 réfèrent le concept « populisme » et qui seraient parties intégrantes de son « contenu » . Ainsi, « en tant que technique de mobilisation, le populisme s'impose avec succès dans des 42 situations d'anomie ou de transition » . De même Alain Bergounioux expose-t-il que « le populisme a plus de sens par les manques qu'il révèle que par ce qu'il porte en propre », 43 traduisant « une crise de la représentation » : « le système politique représentatif issu de la seconde guerre mondiale » aurait « aujourd'hui une moindre capacité à représenter la diversité des opinions et des attentes politiques », et le populisme serait « un des moyens d'expression de [la] contestation » de cet état de fait, « un symptôme d'une crise de nos 44 systèmes politiques représentatifs » . L'idée est confortée par Alexandre Dorna, pour qui 45 le populisme naîtrait « au sein des sociétés en crise de transition » , associé « à un 46 47 syndrome de désenchantement » et « aux échecs du régime démocratique » , devenant 48 une des issues s'offrant aux « masses » face à « la désillusion démocratique » . Le concept « populisme » définirait ainsi une tendance systémique plutôt que conjoncturelle, « un syndrome à la fois confus et exubérant qui s'accroît de façon prolifique à un moment donné 49 de l'évolution sociale et économique d'une communauté » , raison pour laquelle il serait « plus une sonnette d'alarme qu'une explosion violente capable de tout emporter sur son 50 51 passage », « un avertissement » plus qu'un danger , « les crises en étant le détonateur. » Ce diagnostic est partagé par Patrick Charaudeau, pour lequel « le populisme naît toujours dans une situation de crise sociale » : « crise économique », « crise identitaire et morale », 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 16 Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46 Bertrand Badie, 1997, p.226 Bertrand Badie, 1997, p.227 Alain Bergounioux, 1997, p.229 Alain Bergounioux, 1997, p.230 Alexandre Dorna, 1999, p.3 Alexandre Dorna, 1999, p.8 Alexandre Dorna, 1999, p.9 Alexandre Dorna, 1999, p.9 Alexandre Dorna, 1999, p.10 Alexandre Dorna, 1999, p.12 Alexandre Dorna, 1999, p.113 Ière partie : Les réactions positives 52 « crise de changement de régime politique » . Ainsi le populisme existerait toujours « sur 53 fond de démocratie » . Pour Pierre-André Taguieff, les phénomènes populistes et plus particulièrement les « néopopulismes de droite européens » « sont d'abord un symptôme 54 du malaise démocratique » , tandis que Laurent Bouvet, expose qu'il s'agirait d'« un 55 phénomène indissociable de la démocratie » - laquelle n'en serait que la « forme civilisée » 56 -, son « mal nécessaire » . Et d'en conclure : « si beaucoup de populisme éloigne à coup 57 sûr de la démocratie, (...) un peu en rapproche tout aussi sûrement. » Loin de cette conception à plusieurs facettes de la relation du populisme à la démocratie, Serge July qualifiait de manière absolue le sept juillet 2010 sur RTL le populisme de « tendance à dénoncer une faillite de la démocratie représentative et de l'économie libérale », soulignant qu'il serait « un sentiment croissant de malaise et une envie de rupture avec les règles du jeu démocratique » se nourrissant de « la crise, une rigueur plutôt mal partagée que bien, un sentiment croissant d'injustice, des ratages politiques » et rappelant que « le populisme naît au XIXème siècle dans les pas de la démocratie représentative », 58 dont il serait « son mauvais génie. » De manière moins tranchée, Françoise Fressoz indiquait dans un article du Monde le seize novembre que le populisme pouvait entre autre 59 s'aborder comme étant « le syndrome » de « l'absence de perspectives » , cependant que sur Europe 1 Robert Namias expliquait sa résurgence par « un terreau malheureusement qui est récurrent dans un pays comme le notre », caractérisé par « une phase » dans laquelle nous serions plongés « où il n'y a pas » de « personnel politique de qualité », « il n'y a pas de projet, il n'y a pas de vision, et la France est en panique », situation favorable à l'essor du populisme, qui « trouve toujours ses racines dans un pays qui 60 est en panne d'idées et en panne de projets » . Si Philippe Paillard Lyon, du Monde, estime de même le vingt février 2011 que « le populisme actuel trouve, sans doute, ses racines dans » des « brouillages », il impute en revanche ces derniers à une trahison des « aspirations populaires » par les « modèles ». Ainsi, comme « on ne sait plus vers 61 quel modèle se tourner », alors « de faux modèles s'imposent ou sont imposés » , étant entendu qu'il s'agit là des modèles qualifiés de « populistes ». De son côté, la linguiste Raffaele Simone, interrogée par le même journal le vingt-neuf avril, qualifie le populisme de 52 53 54 55 Patrick Charaudeau, 2011, pp.104-105 Patrick Charaudeau, 2011, p.113 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.17 Laurent Bouvet, 2012, p.229 56 Laurent « Bouvet, Le mise Monde.fr en ligne : le Un 20/11/2010, signal d'alerte aux élites démocratiques », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=810dca8181eb810d8bf0f04c753c0ab54a48f034d642fc96, consultée le 27/06/2012 57 58 Laurent Bouvet, 2012, p.230 « La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/ serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012 59 « Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le 16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc, consultée le 27/06/2012 60 « Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012 61 « Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le 20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b, consultée le 27/06/2012 17 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 62 « manifestation d'impatience envers la démocratie » , tandis que pour Pierre Rosanvallon, interrogé le vingt-deux juillet, il est le « symptôme d'un désarroi réel », « d'une détresse réelle » en même temps que « l'expression d'une illusion », car le populisme serait « le point de rencontre entre un désenchantement politique, tenant à la mal-représentation, aux dysfonctionnements du régime démocratique, et la non-résolution de la question sociale d'aujourd'hui ». Aussi le saisir permettrait de « mieux comprendre la démocratie avec ses 63 risques de détournement, de confiscation, ses ambiguïtés, son inachèvement aussi. » Déjà le quinze, toujours dans Le Monde, Myriam Revault d'Allonnes exposait, dans le cadre des Rencontres de Pétrarque organisées à l'occasion du festival de Radio France, qu'il s'agirait « très certainement » d'« un symptôme de la crise profonde de la démocratie représentative, de l'érosion de la capacité citoyenne, de la défiance croissante des citoyens à l'égard de leurs représentants », se demandant cependant s'il serait « pour autant le signe de la stupidité et de la dangerosité des masses qu'on peut manipuler au gré de leur 64 désespérance » . En effet, selon Ivan Rioufol du Figaro le vingt-trois décembre 2010, il y aurait « des raisons de se plaindre du déclassement de la France, de la paupérisation de la classe moyenne, des tensions identitaires, du décrochage de l'Éducation nationale qui fait fuir les enseignants, du recul du sentiment d'appartenance chez de nouveaux 65 compatriotes, etc » , dénonçant encore le vingt-neuf septembre 2011 « les désastres d'un système éducatif imprégné depuis l'après-guerre de l'idéal égalitariste, d'une société multiculturelle et conflictuelle voulue par l'idéologie immigrationniste, d'un État-providence 66 qui a dépensé sans compter en s'endettant sur le dos de la jeunesse. » Le populisme, plus qu'un symptôme de crise, apporterait donc une critique raisonnable et recevable à de supposées faillites de la politique et ne serait « le plus souvent qu'une demande de 67 protections et de résultats. » Rien de tel chez Hervé Gattegno, rédacteur en chef au Point, 68 pour qui le populisme « revient à dénoncer le jeu démocratique lui-même » dans un article le vingt-huit février 2012 et qui est probablement inclus par Marc Crapez, de Marianne, dans un article sur marianne2.fr du dix mars, dans le groupe de ceux qui prétendraient « la 69 démocratie menacée » . Pour ce dernier, « le populisme du 21ème siècle est une attente 70 de débat démocratique sur des questions ou des aspirations évacuées à la hâte. » 62 mise « en Le ligne populisme le est 29/04/2011, une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 63 « Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012 64 d'Allonnes, « Le Monde.fr mise en ligne : le Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 65 66 67 68 « Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 29/09/2011 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 15/06/2011 « Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au Point, mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php, consultée le 15/03/2012 69 « En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En- fait-le-populisme-qu-est-ce-que-c-est_a216188.html, consultée le 15/03/2012 18 Ière partie : Les réactions positives L'une de ces questions serait, d'après Kobi, celle de « la distance qui sépare les élites 71 du peuple » : « selon le credo populiste, il ne devrait pas y avoir de distance entre les citoyens et les dirigeants, ou de décalage entre les desiderata des premiers et les décisions 72 des seconds » . Ainsi, par opposition « à une communauté politique institutionnalisée gravement affaiblie », il s'agirait selon Badie d'en appeler « à un peuple dépouillé de 73 toutes ses médiations » , tandis que Taguieff définit « l'illusion populiste » comme étant la proposition « d'abolir la barrière ou la distance, voire toute différence, entre gouvernants 74 et gouvernés » . D'après Laurent Bouvet, le populisme émergerait « lorsqu'on évoque autre chose qu'une démocratie purement procédurale ». Ainsi, « toute critique émise à l'égard de la représentation, des élites partidaires ou parlementaires, toute revendication de démocratie directe ou « substantielle » peut (...) être rangée dans la catégorie du 75 populisme. » En somme, comme il le résume, « le but social du populisme, c'est l'unité du 76 peuple, la suppression de la coupure entre « petits » et « gros" » . En effet, selon Pierre Milza interrogé le seize novembre 2010 par Arnaud Leparmentier du Monde, « l'un des traits » du populisme « consiste à passer au-dessus des institutions 77 parlementaires et des corps intermédiaires » , manière de « gouverner en s'adressant 78 directement au peuple, en le prenant à témoin, préférant le plébiscite à la représentation » , ainsi que le caractérisait Thomas Legrand sur France Inter le quatre juin 2009. Dans sa chronique du huit décembre suivant, il confirme cette caractérisation, soulignant que proclamer « je ne m’adresse pas aux appareils politiques, les appareils politiques ne m’intéressent pas, je m’adresse directement à la base » à l'instar de Ségolène Royal témoignerait d'une attitude populiste consistant à « s’adresser directement au peuple, d’en appeler à sa sagesse ou à ses passions en passant au dessus des corps intermédiaires » et qui se retrouverait en particulier dans l'interpellation gaulliste « Je vous ai compris ! », phrase « d’essence populiste par excellence » car suggérant « sans rien dire de précis, que le chef de l'État a repris contact directement avec le peuple ». Que l'on parle de « démocratie directe », de « démocratie participative » ou encore de « démocratie d’opinion », ce serait en fait bel et bien de populisme qu'il serait question, une attitude consistant à mener « les 79 débats directement avec l’opinion » en « conviant le peuple » comme l'avait fait Nicolas Sarkozy à l'occasion du « grand débat sur l'identité nationale ». Thomas Legrand précise 70 « Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise en ligne le 22/06/2012, http:// www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-la-secession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012 71 72 73 74 75 76 77 Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46 Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.43 Bertrand Badie, 1997, p.227 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.75 Laurent Bouvet, 2012, p.236 Laurent Bouvet, 2012, p.237 « Le Monde.fr : <p>Pierre Milza : Sarkozy, Napoléon III, même combat ?</p> », par Pierre Milza interrogé par Arnaud Leparmentier, mise en ligne le 16/11/2008, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=e25e9e468d45c8dc5533bc124845e24ec97bff10457376d7, consultée le 27/06/2012 78 « Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229, consultée le 09/07/2012 79 « Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231, consultée le 09/07/2012 19 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 encore le vingt-cinq mars 2010, toujours sur France Inter, que le populisme consisterait à « s’adresser directement au peuple en évitant les corps intermédiaires (la presse, les partis, 80 les syndicats, les associations) » , ou encore, pour reprendre l'image avancée par Nicolas Truong dans Le Monde du vingt-et-un novembre, à être « branché sur le vrai peuple et ses 81 aspirations » . Le populisme serait ainsi « la tendance » « à en appeler directement au peuple » « dans le règlement des problèmes de société », ainsi que l'avance le magistrat 82 Denis Salas à propos du « populisme pénal » tel que rapporté dans un article du même journal du seize février 2011. C'est « l'"appel" direct au peuple » permettant de recevoir « ses pouvoirs du peuple de manière immédiate » « sans passer par des entités intermédiaires de nature abstraite comme le système représentatif, les institutions, les organes et les pouvoirs 83 politiques » , comme l'avance Raffaele Simone, qui caractériserait donc le populisme, idée à laquelle souscrit Myriam Revault d'Allonnes en soulignant que le propre du populisme 84 serait de passer outre « les médiations artificielles de tous ordres. » Pour Guillaume Roquette, interrogé par Yves Calvi dans l'émission Mots Croisés du vingt février 2012 sur France 2, il y aurait « derrière » le mot « populisme » « l'opposition contre (…) tous les 85 corps organisés » , appréciation à laquelle souscrit Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et membre du CEVIPOF, interrogé par Pascal Hérard le vingt-trois avril 2012 sur TV5 Monde, et selon lequel l'idée « qu’il y a des corps intermédiaires qui étouffent la France, qui empêchent de faire les réformes nécessaires » et qu'il faut donc contourner en recourant à l'« appel direct au peuple comme lieu ultime de la vraie souveraineté » serait une « composante populiste » du discours de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Cette proposition de réduire voir d'abolir la distance entre gouvernants et gouvernés, voire d'une manière générale entre élites sociales et catégories populaires, se doublerait d'une propension à idéaliser le peuple. Ainsi que l'expose Badie, « tout se passe comme si le populisme venait exalter l'idée simple de peuple pour mieux dénoncer sa défaillance 86 comme communauté politique instituée. » Le peuple idéalisé par le populiste serait « entier, soudé, à la recherche de racines mythiques, sans différenciations sociales, culturelles ou 87 de provenances géographique » pour l'historien Benjamin Stora, « mythifié comme un, 80 « L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter, 25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/ edito/89901, consultée le 09/07/2012 81 « Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/ cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012 82 par « Claire Le Monde.fr Sécail, mise : Nicolas en ligne Sarkozy le a érigé 16/02/2011, le populisme pénal en véritable système politique », http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=e4d67f70ede34ec57c2101fab331d8a5d281f83c5e72610e, consultée le 27/06/2012 83 mise « en Le ligne le populisme est 29/04/2011, une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 84 d'Allonnes, « Le Monde.fr mise en ligne : le Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 85 86 87 20 « Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur France 2, consultée à l'INAthèque de Paris Bertrand Badie, 1997, pp.226-227 Benjamin Stora, 1997, p.236 Ière partie : Les réactions positives 88 homogène et authentique » pour Taguieff, qui parle de « sacralisation du « peuple" » qui serait traité « comme une catégorie appartenant au domaine du sacré et faisant l'objet 89 d'un culte » - et précise : « J'entends par « populisme », sans considérer ses variantes de droite et de gauche, une idéalisation ou une transfiguration du « peuple » - pris dans sa partie « basse » (latin plebs) plutôt que dans sa totalité (populus) - en tant qu'il serait seul 90 porteur de qualités humaines et de vertus natives. » En somme, comme l'expose Umberto 91 Eco, « le populiste est celui qui se crée une image virtuelle de la volonté populaire » . Ainsi pour Alain-Gérard Slama dans Le Figaro du trois mai 2011, « le propre du populisme » serait « le mythe d'un peuple rassemblé » et « ressourcé » dans « son unité 92 organique » , conception qu'il maintient dans un article du vingt mars 2012, soulignant que « l'autre nom du populisme » serait la « conception organique, nostalgique, totalisante 93 du peuple » , tandis que pour Myriam Revault d'Allonnes le populisme « joue » « sur la 94 fibre de l'authenticité, de la vertu naturelle du peuple » , tendance à mettre « en scène une « nature » du peuple qui est plus une fiction qu'une réalité » qui serait également le propre de l'opposition au populisme, qui « renvoie implicitement à la représentation 95 stigmatisante d'un peuple » . Ainsi Tzvetan Todorov, dont les propos sont rapportés par Patrice De Méritens dans Le Figaro Magazine du vingt janvier 2012, opposant explicite au populisme, en définissant sa vision du peuple, permet d'appréhender en creux la manière dont le populisme serait censé le considérer : non pas « influençable, voire manipulable » ni 96 s'exprimant « mieux à travers ses représentants que par l'adhésion des foules » mais plutôt intrinsèquement sage et de bon sens, capable de déjouer les tentatives de le manipuler. Cette idéalisation du peuple ne serait pas la seule caractéristique rhétorique du discours populiste, qui se distinguerait également par un contenu simpliste, manipulateur, voire mensonger. La rhétorique populiste consisterait d'après Badie non seulement à « mobiliser le peuple en contournant sa nature de communauté politique », mais aussi et surtout à « flatter et amplifier ses pulsions les plus profondes » et à « les diriger vers l'« autre » ou vers l'« ailleurs », pour mieux dissimuler les impasses des systèmes de mobilisation et de 88 89 90 91 92 Pierre-André Taguieff, 1998, pp.5-6 Pierre-André Taguieff, 2007-2, pp.10-11 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.81 Umberto Eco, 2006, p.159 « Le populisme, ou le désir de régression », par Alain-Gérard Slama, mise en ligne le 03/05/2011, http://www.lefigaro.fr/mon- figaro/2011/05/03/10001-20110503ARTFIG00595-le-populisme-ou-le-desir-de-regression.php, consultée le 27/06/2012 93 « La nouvelle ambition des deux Fronts extrêmes », par Alain-Gérard Slama, mise en ligne le 20/03/2012, http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/03/20/10001-20120320ARTFIG00581-la-nouvelle-ambition-des-deux-frontsextremes.php, consultée le 27/06/2012 94 d'Allonnes, « Le Monde.fr mise en ligne : le Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 95 d'Allonnes, « Le Monde.fr mise en ligne : le Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 96 « Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par Patrice De Méritens, mise en ligne le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-la-democratiesecrete-ses-propres-ennemis.php, consultée le 27/06/2012 21 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 97 gouvernement » . Le discours populiste occuperait donc une fonction de détournement de l'attention des problématiques réelles vers des sujets accessoires afin de se servir d'un ressentiment populaire soigneusement alimenté à son profit. Cela rejoint l'analyse de Maurice Tournier, pour lequel est populiste « tout discours qui, en vue de la conquête ou de la conservation du pouvoir, vise les masses populaires, en pratiquant à leur endroit une manipulation qui les pousse à une méfiance, une hostilité, voire une haine à l'égard 98 d'une entité sociale particulière rendue responsable de leurs difficultés à vivre. » En effet, pour Charaudeau, le populisme « n’est (...) pas un régime politique mais une stratégie de 99 conquête ou d’exercice du pouvoir sur fond de démocratie » , et il observe qu'en politique, la qualification « populiste »/« populisme » serait employée « aussi bien par la droite que par la gauche pour stigmatiser le parti adverse ou pour se défendre contre la stigmatisation », la première accusant la seconde de manipuler « les classes ouvrières et populaires », la seconde accusant la première de manipuler « les classes moyennes et populaires peu 100 politisées par des discours qui cherchent à susciter l’émotion la plus primitive : la peur. » . Néanmoins, pour d'autres, c'est moins sur la mobilisation d'un exutoire aux supposées passions populaires que sur la construction d'une croyance politique s'affranchissant des contraintes du réel que se construirait cette stratégie. Pour Henri Deleersnijder, le populisme aurait une face sombre consistant à « simplifier à outrance la complexité du réel, faisant fi des contradictions (de classes, d'intérêts, d'options) inhérentes à tout groupe 101 humain » pour sombrer « dans une rhétorique démagogique » identifiée par PierreAndré Taguieff : « pour faire agir, il faut appliquer des règles rhétoriques sans souci de 102 vérité ou de vérifiabilité du propos » , « il s'agit toujours de simplifier, d'affirmer, de répéter, de produire un effet global de cohérence, de disqualifier l'argumentation adverse 103 — en l'intégrant ou en la retournant, par l'argument ad hominem, par ironie, etc. » Ainsi, il caractérise le discours de Jean-Marie Le Pen, désigné comme orateur populiste et démagogue par excellence, qui « fonctionne par réduction des incertitudes, accumulation d’affirmations simples, empilement de pseudo-évidences, construction d’une façade logique 104 et d’une image acceptable. » L'autre caractéristique de « l'illusion populiste » serait donc de suggérer d'avoir « le pouvoir d'effacer tout écart entre les désirs et leurs réalités, de suspendre cet aspect du principe de réalité que constitue l'inscription dans la durée, le 105 respect des délais, la temporisation » , ce que confirme Charaudeau, pour qui l'une des caractéristiques du « discours populiste », qu'il partage avec le « discours révolutionnaire », consisterait précisément à « nier la dimension temporelle », « faire croire que « tout est 106 possible tout de suite », que le miracle du changement est réalisable » . Notamment, la principale « illusion » entretenue par le discours populiste serait la prétention à « rendre 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 22 Bertrand Badie, 1997, p.228 Maurice Tournier, 1998, p.155 Patrick Charaudeau, 2011, p.113 Patrick Charaudeau, 2011, p.101 Henri Deleersnijder, 2009, pp. 119-120 Pierre-André Taguieff, 1984, p.114 Pierre-André Taguieff, 1984, p.118 Ruth Amossy et Roselyne Koren, 2010, p.15 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.75 Patrick Charaudeau, 2011, p.109 Ière partie : Les réactions positives 107 au peuple son pouvoir de décision » , « sa souveraineté perdue et, conséquemment, 108 son identité nationale » , prétention qui ne serait pas réalisable, en tous cas pas dans les conditions avancées par le discours populiste. Par conséquent, pour Pierre-André Taguieff, la rhétorique populiste diffuserait « des interprétations relevant du récit mythique » mêlées « à des descriptions de faits observables engendrant l'inquiétude », appliquant « systématiquement aux événements une grille de décodage d'inspiration manichéenne, 109 qui constitue le cœur de la rhétorique populiste » La « dénégation du rationnel » et « la régression vers les formes irrationnelles du pouvoir » seraient d'après Jacques Julliard des caractéristiques fondamentales du populisme, par lequel serait « sans cesse tentée » « la démocratie semi-directe 110 (syndicalisme, grèves, manifestations, sondages) » . Pour Thomas Legrand, le populisme consiste à « s'emparer des sujets du moment quitte à simplifier à outrance les données 111 des problèmes » « avec de fortes affirmations et des vérités souvent trop simples », ce 112 qui « ne résiste pas longtemps à la réalité du pouvoir et de la crise. » Pour Chantal Delsol, romancière et philosophe interrogée dans Le Figaro du trente septembre 2010, alors que le propre de la démocratie serait « un citoyen qui vote dans le secret de l'isoloir après avoir réfléchi et écouté les débats », celui du populisme serait au contraire « le citoyen qui, surfant sur son émotion, la tête tournée par les clameurs, emmené par les enthousiasmes et les camaraderies, vient grossir une foule avec sa banderole, plus fervent 113 du rite à entretenir que de la cause à défendre » , alors que Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'université de Poitiers, interrogé le cinq novembre 2010 sur lemonde.fr, voit dans la qualification « populiste »/« populisme » un moyen de « reprocher à celui ou à ceux que l'on qualifie de "populiste" de corrompre moralement le "peuple" en lui vantant des propositions de politiques publiques (en matière fiscale, en matière de politique d'immigration, en matière de politique économique, en matière de construction européenne, etc.) dont le "populiste" est supposé savoir qu'elles (ses propositions) sont 114 "déraisonnables" ou "inapplicables" » , le discours médiatique sur le populisme étant censément fondamentalement antipopuliste. C'est assez clairement dans cette perspective que François de Clozets le quatorze janvier 2011 sur Europe 1 estime que si « poser uniquement les questions que se posent les gens, ce n'est pas du populisme », « apporter comme réponses à ces questions » « la réaction instinctive, épidermique de ces gens » en serait car le populisme consisterait à donner « la mauvaise réponse » et non à poser « la bonne question », ce qu'il illustre en reconnaissant que certes « l'inquiétude des 107 108 109 110 111 Patrick Charaudeau, 2011, p.109 Patrick Charaudeau, 2011, p.115 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.25 Jacques Julliard, L'année des dupes, Paris, Le Seuil, 1996, p. 334, cité par Pierre-André Taguieff, 1998 « Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/ actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012 112 « L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter, 25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/ edito/89901, consultée le 09/07/2012 113 « Retraites : le pouvoir de la rue, par Chantal Delsol », philosophe et romancière, mise en ligne le 30/09/2010, http:// www.lefigaro.fr/mon-figaro/2010/09/30/10001-20100930ARTFIG00653-retraitesle-pouvoir-de-la-rue.php, consultée le 27/06/2012 114 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 23 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Français sur leur retraite » « est légitime », mais que « quand monsieur Mélenchon ou monsieur Besancenot veulent leur faire croire qu'on pourra maintenir intégralement la 115 retraite à 60 ans », « c'est du populisme » . Mais plus que des propositions censément déraisonnables, ce serait l'absence de recul qui manifesterait le mieux la dimension irrationnelle du populisme. Ainsi, Raffaele Simone expose que « l'impatience à l'encontre de 116 la politique et des institutions » serait « l'un des traits fondamentaux du populisme » , tandis que Myrian Revault d'Allonnes estime que « le populisme s'adresse toujours à l'émotivité plus qu'à la réflexion, à l'immédiateté et à la réactivité plus qu'à la distance requise par le 117 118 jugement » , Tzvetan Todorov que « le populisme privilégie excessivement le présent » et Marc Crapez qu'il « est l’exploitation systématique du rêve populaire de réalisation 119 immédiate des revendications des masses » , reprenant la définition de Guy Hermet. De son côté, Pierre Rosanvallon estime que « la doctrine » des mouvements populistes « repose sur une triple simplification » : « considérer le peuple comme un sujet évident », « considérer que le système représentatif et la démocratie en général sont structurellement corrompus par les politiciens, et que la seule forme réelle de démocratie serait l'appel au peuple, c'est-à-dire le référendum » et « considérer que ce qui fait la cohésion d'une société, c'est son identité et non pas la qualité interne des rapports sociaux », « identité qui est 120 toujours définie négativement », « à partir d'une stigmatisation de ceux qu'il faut rejeter » . En effet, le cœur de la dimension simplificatrice du discours populiste serait la désignation d'adversaires, distinguant en deux camps antagonistes la société. Dans la typologie des populismes élaborée par Pierre-André Taguieff, le type d'adversaire désigné 121 permet de distinguer un « pôle protestataire » d'un « pôle identitaire » : « le peuple », catégorie mobilisée par la rhétorique populiste pour recouvrir ceux à qui elle s'adresse, « se confond avec « ceux d'en bas », en lutte contre « ceux d'en eux" » dans le cas d'un populisme protestataire, « ou bien avec les représentants du « nous », opposés à 122 « eux » (« les autres ») » dans celui d'un populisme identitaire. Ainsi, « tout leader populiste s'adressant au peuple prétend lui désigner ses véritables ennemis, ceux d'en haut (les élites illégitimes), ceux d'alentour (« le système ») ou ceux d'ailleurs ou venant d'ailleurs (les étrangers hostiles, les immigrés envahisseurs), et plus particulièrement les ennemis 115 « Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le- grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012 116 mise « en Le ligne le populisme 29/04/2011, est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 117 d'Allonnes, « Le Monde.fr mise en ligne : le Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 118 « Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par Patrice De Méritens, mise en ligne le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-la-democratiesecrete-ses-propres-ennemis.php, consultée le : 2012-06-27 21:47:10 119 « Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise en ligne le 22/06/2012, http:// www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-la-secession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012 120 « Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012 121 122 24 Pierre-André Taguieff, 1998, pp.5-6 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.40 Ière partie : Les réactions positives 123 cachés à l'intérieur du corps national » . Dans le discours populiste, « l'appel au peuple est un « appel contre » : il incite à réagir contre des catégories sociales jugées inquiétantes ou 124 menaçantes » , une opposition qui, selon Jean-Pierre Rioux, permet d'identifier le discours populiste, qui « a toujours opposé l'Un populaire, dont il entretient la nostalgie, à l'Autre, 125 étranger, rival, cosmopolite et délétère qui encombre le présent et bouche l'avenir. » C'est cependant plutôt sur la dimension « protestataire » du discours populiste qu'insiste une bonne partie de la littérature. Pour Kobi, « le propre des leaders et des mouvements populistes est de saisir les critiques que les citoyens adressent à la classe politique, de les amplifier et, enfin, de les « canaliser », souvent malgré eux, vers des voies institutionnelles 126 (compétition électorale, plébiscite, etc.). » Le « dénominateur commun » des différents phénomènes subissant la qualification « populiste »/« populisme » serait ainsi « la critique 127 de l'action des gouvernants » . Alain Tourraine caractérise le discours populiste comme 128 « l'appel d'un leader à un peuple contre les politiques et les intellectuels qui le trahissent » , une « orientation antipolitique » qui, selon Taguieff, caractériserait « les nouvelles formes de 129 populisme, en Europe particulièrement » . Ainsi, « le populisme se définit par opposition 130 au système politique » , ce qui rejoint l'analyse d'Ernesto Laclau pour qui « le populisme se présente » notamment « comme un moyen de subvertir l'état de choses existant », même s'il entendrait être « le point de départ d'une reconstruction plus ou moins radicale d'un ordre 131 nouveau » . Que l'on insiste sur une dimension ou sur l'autre, « on pourrait (...) définir par populiste quiconque rejette sur un bouc émissaire toute la responsabilité des malheurs du 132 peuple » , estime Maurice Tournier. 133 « Art consommé de la dénonciation du système » d'après Thomas Legrand sur RTL 134 le six août 2008, le populisme est décrit comme le « sentiment du « tous pourris" » dans Le Monde du dix juillet 2010 par Pierre Jaxel-Truer et Sophie Landrin. Estimant que « le populisme est partout », « dans les comportements, les discours, les écrits », Françoise Fressoz pointe le seize octobre « la peur de l'étranger flattée par la droite, la chasse aux Roms érigée en distraction de l'été par le chef de l'Etat » Nicolas Sarkozy ainsi que « l'offensive populiste » menée par Jean-Luc Mélenchon, qui aurait « une longue liste d'ennemis qu'il prend plaisir à dézinguer en optant tantôt pour la diatribe tantôt pour 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 Pierre-André Taguieff, 2012-2, pp.67-68 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.40 Jean-Pierre Rioux, 2007, p.9 Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46 Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46 Alain Touraine, 1997, p.239 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.49 Alain Touraine, 1997, p.242 Ernesto Laclau, 2008, p.207 Maurice Tournier, 2004, p.2 « Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/ actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012 134 « Le Monde.fr : Nier, attaquer, triompher, la stratégie à risque de l'Elysée », par Pierre Jaxel- Truer et Sophie Landrin, mise en ligne le 10/07/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=c33a7894a99663a3b2efda2b169f769182eb745e4a0f839d, consultée le 27/06/2012 25 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 l'insulte », qualifiant « de "petite cervelle" un étudiant en journalisme qui le serrait d'un peu trop près », lançant les « insultes : "Salaud !", "Laquais des puissants !" » « contre David Pujadas, le présentateur du journal télévisé de « 20 heures » de France 2 » et réglant « ses comptes » dans son « livre au titre explicite Qu'ils s'en aillent tous » où il tirerait « à boulets rouges sur "les barons des médias", "la clique du Fouquet's", les "ultra-riches gorgés de fric", les "antihéros du sport, blindés d'ingratitude" », « un à un désignés puis jetés dans une même bulle de détestation que le peuple est appelé à crever d'un spectaculaire 135 « coup de balai ». » Cette attitude de Mélenchon serait d'après Michèle Cotta le seize novembre sur Europe 1 en phase avec « l'opinion publique » dans laquelle progresserait « une remise en cause des élites », « remise en cause de la classe politique, de la classe 136 médiatique » . Pour Olivier Duhamel le vingt novembre sur la même radio, « un des ressorts essentiels du populisme, c'est la critique de l'establishment, de « l'établissement », comme dit Le Pen, la critique des élites en général », ajoutant que le discours « élites pourries », « élites toutes solidaires », « les médias et le pouvoir la main dans la main », « droite, gauche, c'est pareil » serait « un thème récurrent du populisme » qui se trouverait 137 « dans tous les pays où le populisme marche bien » . Ainsi, d'après Nicolas Truong, le 138 populisme serait le « nom » « d'un mouvement anti-élite » , tandis que Philippe Paillard Lyon le définit comme le « rejet de la part des classes moyennes et populaires de tous ceux 139 qui détiennent du pouvoir (médiatique, politique, économique, financier) » . Cependant Ivan Rioufiol l'aborde de manière relativement positive, y voyant le premier juillet 2010 une « fronde de ceux qui se sentent trahis et cherchent un exutoire », « une défiance de l'opinion 140 dans la capacité des dirigeants à protéger la société » et même le quatorze octobre un 141 « courant respectable qui dénonce les incompétences et les lâchetés des dirigeants » , ce qui légitimerait le « procès en incompétence » qui se serait ouvert « au sein du peuple, 142 contre ses représentants et leurs partis » . Marc Weitzmann dans Le Monde du cinq janvier 2011 y voit pour sa part « une réaction contre tout ce qui est intellectuel », « la guerre de tout ce qui se vit en bas contre tout ce qui est perçu comme s'efforçant tant soit peu d'élever 143 le niveau » . Dans la rhétorique populiste, d'après Raffaele Simone, « les règles de la politique sont présentées comme le résultat d'accords malhonnêtes ; les institutions, comme des entités qui éloignent le gouvernement du peuple, lentes et sourdes aux humeurs du 135 « Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le 16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc, consultée le 27/06/2012 136 « Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012 137 Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1- Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/ 138 « Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/ cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012 139 « Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le 20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b, consultée le 27/06/2012 140 141 142 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 01/07/2010 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 14/10/2010 « Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010 143 par Marc « Weitzmann, Le Monde.fr publiée le : Le 05/01/2011, moralisme est inutile ID=ae6ea6f1aa455a3b171cf333806475d462c45cde9f85d535, consultée le 27/06/2012 26 face au populisme », http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? Ière partie : Les réactions positives 144 peuple ; la complexité conceptuelle du droit constitutionnel comme un poids inutile » , ce qui rejoint l'appréciation de Pierre Rosanvallon selon laquelle le populisme consisterait à « considérer que le système représentatif et la démocratie en général sont structurellement 145 corrompus par les politiciens » . Ainsi, pour Hervé Gattegno « ce n'est pas par hasard que le discours populiste s'accompagne toujours d'un rejet des élites, qu'on accuse de 146 confisquer le pouvoir - et aussi d'un repli identitaire déguisé en sursaut patriotique. » En effet, Raffaele Simone expose qu'« il est crucial pour le populisme de se créer un "Autre", 147 un bouc émissaire que l'on peut charger de toutes les fautes » , car il s'alimenterait de « la 148 peur que l'"Autre" puisse envahir "sa" terre. » Mais Dorna, mettant l'accent sur l'aspect protestataire plutôt que sur l'aspect identitaire du discours populiste, soutient quant à lui que « la présence des éléments de contestation, ici et là, ne suffit pas à rendre un discours plus populiste qu'un autre. C'est grâce à la qualité et à la force des interpellations que le discours populiste exprime et incarne l'opposition 149 contre le statu quo et l'establishment. » Ainsi, un trait caractéristique du discours populiste serait son outrance oratoire, qui permettrait de le distinguer du discours politique classique. 150 « Structurée par le blâme et l'éloge » d'après Taguieff, la rhétorique populiste « manie les mêmes catégories » que n'importe quelle rhétorique politique, mais « dans l’excès, un excès qui joue sur l’émotion au détriment de la raison politique et porte la dramatisation 151 du scénario à son extrême » , ainsi que le souligne Charaudeau. Pour Maurice Tournier, serait désigné comme « populiste » « une certaine manière d'agir qui viserait l'attention, 152 l'oreille ou le porte-monnaie du "vulgum pecus" » , autrement dit, le terme signifierait 153 « racoleur », « à la poursuite de la popularité et des faveurs du grand public » , ce qui implique le recours à un univers langagier particulier et reconnaissable. La différence entre le discours populiste et les autres résiderait selon Dorna « dans l'articulation des variables de la situation et la définition de l'enjeu ». Le discours « populiste » s'imposerait contre un discours politique plus classique en situation « hégémonique » et par là-même 144 mise en « ligne Le le populisme 29/04/2011, est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 145 « Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012 146 « Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php, consultée le 15/03/2012 147 mise en « ligne Le le populisme 29/04/2011, est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 148 mise en « ligne Le le populisme 29/04/2011, est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses- collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012 149 150 151 152 153 Alexandre Dorna, 1999, p.112 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24 Patrick Charaudeau, 2011, p.106 Maurice Tournier, 1998, p.153 Maurice Tournier, 1998, p.154 27 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 154 « vulnérable » . Ce discours politique « hégémonique » proviendrait, selon Christian Le Bart, de « l'homogénéité relative du personnel politique quant à l'origine et la trajectoire sociales » : « les professionnels de la politique parlent le même français exemplaire, celui de l'école, de l'Université et du Journal officiel ». Ainsi, une « légitimité linguistique » redoublerait la « légitimité politique » : « quiconque veut être entendu, commenté, pris au sérieux, discuté, voire critiqué (mais la critique vaut toujours implicitement reconnaissance) se doit de s'exprimer dans la langue légitime, celle qui fait illusion (et impression) auprès de 155 tous, ceux qui la parlent comme ceux qui ne la parlent pas. » C'est parce qu'il ne souscrirait 156 pas à cette « langue légitime » excluant notamment « l'agressivité verbale » que le discours populiste pourrait donc être identifié. L'outrance oratoire du discours populiste se retrouverait dans la manière dont sont mobilisés les thèmes du discours politique. Il s'agirait d'opérer non seulement l'« exacerbation de la crise », la « dénonciation de coupables » et 157 l'« exaltation de valeurs » mais aussi de révéler l'« apparition d’un Sauveur. » Thomas Legrand expose la manière très paradoxale avec laquelle s'opèrerait chez les populistes, en l'occurrence Olivier Besancenot, la critique du « système » : la maîtrise de « l'une des principales clefs du dit système », « la communication », serait au cœur de cette démarche. Ce seraient « le talent oratoire » et « la maîtrise de la communication » qui permettrait à l'ancien candidat de la LCR aux élections présidentielles de 2002 puis 2007 d'occuper « un terrain laissé en friche par un PS polyphonique et désordonné », incarnant ainsi un populisme protestataire rapproché par le chroniqueur de celui de JeanMarie Le Pen, le fondateur et candidat aux élections présidentielles de 1974, 1988, 1995, 2002 et 2007 du Front National. Avec toutefois des limites, car en passant du second au premier, « on change de populisme » : les références et les relations changent (« l'un admirait le vendéen Georges Cadoudal, l'autre préfère Louise Michel », « l'un avait des amis anciens collabos, l'autre déjeune avec des anciens d'action direct »), ainsi que la maîtrise langagière (« l'un sait manier l'imparfait du subjonctif et la transgression, l'autre connaît les mots de la banlieue et la subversion ») mais en restant dans des registres oratoires 158 qui « touchent le maillon faible » bien qu'ils « ne puisent pas aux mêmes sources » . L'importance de l'outrance oratoire est également soulignée s'agissant de Nicolas Sarkozy, dont « la manifestation la plus évidente » du populisme seraient « son discours direct, son 159 parler cash » . Pour Gérard Carreyrou le seize octobre 2010 dans l'émission Le débat des grandes voix sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon « incarne merveilleusement bien » « le populisme venu de la gauche » grâce à son « talent » oratoire qui le rapprocherait de Georges Marchais et même de Jean-Paul Marat et qui consisterait à faire « rire, souvent, comme Marchais », faire « des caricatures », « parce qu'il y a le signe de croix » parler « de "pitreries" », attaquer « les journalistes », etc. Dans la même émission, Robert Namias estime que Mélenchon reprendrait un rôle tenu auparavant par Bernard Tapie : « c'est exactement le même populisme de gauche, c'est exactement le même, les mêmes propos sur les mêmes thèmes », soulignant qu'« on a tendance à le trouver plus sympathique » 154 155 156 157 158 Alexandre Dorna, 1999, pp.112-113 Christian Le Bart, 1998, p.28 Christian Le Bart, 1998, p.52 Patrick Charaudeau, 2011, p.106 « Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/ actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012 159 « Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231, consultée le 09/07/2012 28 Ière partie : Les réactions positives que « le populisme d'extrême-droite », ce que Pierre Lescure, toujours dans la même émission, explique par un « manque » dans le discours du Parti Socialiste - dans lequel « on ne peut pas dire qu'il y ai souvent un mot qui dépasse des autres » - de moyens pour « les électeurs de l'opposition » de se retrouver, et qu'en conséquence ces derniers iraient voir du côté d'« un Mélenchon » capable « de temps en temps » de « sortir 160 du cadre » . S'agissant du même Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, Gérard Carreyrou, dans l'émission du vingt-deux janvier 2011, estime qu'ils utiliseraient « le même 161 excès, le même populisme » dans leurs discours. Le discours populiste ne serait donc pas simplement caractérisé par l'excès oratoire, il serait l'excès oratoire lui-même. Le vingt octobre 2010 dans l'émission Europe 1 soir, en réponse à Nicolas Demorand qui, après avoir égrené la litanie des algarades médiatiques ayant impliqué Jean-Luc Mélenchon, avait demandé si ce dernier n'avait pas « pété les plombs », Philippe Manière avait déjà signalé que l'alors président du Parti de Gauche « a une posture qui lui permet de sortir de l'ordinaire, de donner l'impression que lui il dit des choses que les autres pensent », ce qui lui permettrait de se positionner sur un « créneau » médiatique, ce qu'Olivier Duhamel, 162 trouvant « très fortiche » Mélenchon, confirmait : « il a le bon filon » . L'importance dans la rhétorique populiste de la maîtrise des codes discursifs de l'outrance est soulignée par Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, dans un article en ligne sur lemonde.fr du trente-et-un mars 2001 dans lequel il expose : « la plupart des populistes utilisent toujours avec habileté les nombreuses possibilités offertes par les régimes démocratiques. (...) Le discours populiste entretient une forme d'empathie avec les logiques de l'audience : rhétorique outrancière, postures protestataires, etc. Un chef populiste est constamment "spectaculaire" et de surcroît émancipé des pesanteurs du réalisme et de la modération qui est le lot des gouvernants responsables. Pour toutes ces 163 raisons, il est un excellent "client" du monde médiatique. » Il n'y aurait ainsi pas de discours populiste possible sans la figure d'un chef. Pour Roger Dupuy, la « rhétorique proprement populiste » consisterait en « un discours définissant, à la fois, le peuple-nation incarné par un chef charismatique et la coalition de ses ennemis déclarés et souterrains que le chef se propose d'éliminer pour stopper 164 la décadence de la nation » , ce que confirme Dorna, selon qui « l'homme providentiel charismatique » est une donnée essentielle du populisme. Cette idée de l'incarnation par un chef comme caractéristique éminente du discours populiste est également affirmée par Maryse Souchard pour qui bénéficie de la qualification « populiste »/« populisme » « tout mouvement, doctrine ou idéologie qui prétend exprimer, à la place d'un peuple muet et paralysé, les « désirs » de ce peuple en agissant à sa place, incarnant dans 165 un chef la volonté du peuple ainsi directement représenté » ou encore par Pierre160 « Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012 161 « Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-22-01-11-382219/, consultée le 30/06/2012 162 Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1- Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/ 163 « La montée du FN, un problème qui ne se pose pas qu'à la droite française », par Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, mise en ligne le 31/03/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/30/la-montee-dufn-un-probleme-qui-ne-se-pose-pas-qu-a-la-droite-francaise_1499996_3232.html, consultée le 27/06/2012 164 165 Roger Dupuy, 2002, p.182 Maryse Souchard, 2010, p.19 29 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 André Taguieff, selon laquel « la combinaison du populisme-rhétorique et du populismelégitimation charismatique s'incarne dans la figure du démagogue ou du tribun du peuple, personnage qui est à la fois expression, guide et « sauveur » du « peuple », et se présente 166 comme homme providentiel et faiseur de miracles - ou d'avenirs radieux. » Sans en faire une caractéristique intrinsèque du populisme, Charaudeau note qu'est observée « dans tous 167 les cas » où l'on traite du populisme « la présence d’un chef charismatique » . Ce chef est un acteur politique qui dispose de ses propres stratégies argumentaires et discursives, dont trois sont identifiées : celle du « représentant du peuple », par laquelle « le leader populiste se déclare « le vrai peuple » et appelle ses concitoyens à se manifester dans un élan collectif, à se dépasser pour se fondre dans une âme collective, à reporter leur désir de salut sur un personnage hors du commun », un « ethos d'authenticité », par lequel « le populiste dit (ou laisse entendre) : "Je suis tel que vous me voyez", "Je fais ce que je dis", "Je n’ai rien à cacher" » afin « d’établir un rapport de confiance aveugle », et enfin un « ethos de puissance », par lequel « le populiste dit : "Rien ne peut s’opposer à ma volonté" », montre « non seulement son énergie, mais encore une force et une puissance 168 capables de renverser le monde et d’entraîner les foules. » Ainsi, « on peut dire que le populiste, même quand il ne se rattache pas à une pensée religieuse, se présente comme une sorte de Sauveur biblique, capable aussi bien de répandre ses foudres sur les méchants que de conduire vers le bonheur suprême (un paradis, un Âge d’or, des « lendemains qui 169 chantent »). » Thomas Legrand cite parmi « les raisons [du] succès » médiatique d'Olivier Besancenot sa « personnalité talentueuse », qu'en réponse Philippe Corbe rapproche des « analyses 170 qui étaient faite de ce que l'on appelait le phénomène Le Pen » . L'importance de la personnalité dans le populisme est ainsi parfaitement reconnue par les commentateurs, qui dès lors s'attachent à détecter cette dimension du discours afin de repérer les figures populistes. Ainsi, pour Claude Askolovitch le neuf juin 2009 sur Europe 1, François Bayrou, « se comportait comme un chef absolu, un rédempteur », se présentait comme « le sauveur suprême de la République », ce qui lui a permit de l'identifier comme « un populiste, qui 171 dénonçait les élites » . En effet, d'après Pascal Mbongo, parmi les critères qui permettent 172 aux commentateurs d'identifier le populisme figurerait « le critère du charisme du chef » , ce qu'Alexis Brézet critique à l'émission Salut les Terriens sur Canal+ du douze décembre 2010 : « dès que quelqu'un parle au peuple, on le traite de « populiste », ce qui est 173 grotesque. » Pour Hervé Gattegno, « le summum du populisme » pour un candidat, en 166 167 168 169 170 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.10 Patrick Charaudeau, 2011, pp.104-105 Patrick Charaudeau, 2011, pp.110-111 Patrick Charaudeau, 2011, p.111 « Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/ actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012 171 « François Bayrou : l'aventure présidentielle est elle terminée », L'édito politique, Europe 1 matin. Le 7h00/9h30, Europe 1, 09/06/2009, http://www.europe1.fr/Radio/Articles/L-edito-politique-de-Claude-Askolovitch-61053/, consultée le 09/07/2012 172 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 173 Vidéo : « Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le 19/12/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salut-les-terriens-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012 30 Ière partie : Les réactions positives l'occurrence François Bayrou, serait de vouloir « se faire élire » « sans dire comment il gouvernerait ni quelle politique il conduirait », ce qui reviendrait à lui confier « les pleins 174 pouvoirs... avec un projet vide. » Cette dimension autocratique du discours populiste est également soulignée par par Nicolas Truong pour lequel les populistes ne sont que 175 des « porte-voix autoproclamés » du peuple. Guillaume Roquette dans l'émission Mots croisés du vingt février 2012 analyse le discours du candidat Nicolas Sarkozy, présenté comme « populiste », comme reposant sur cette auto-qualification comme « porte-voix du peuple », en l'occurrence à travers la promesse : « je m'engage à vous redonner la parole derrière » qui transparaîtrait dans « ses promesses de referendum » et également « sa promesse de proportionnelle », qui serait « une manière de dire : « même vous qui n'êtes pas d'accord avec moi, notamment les électeurs du Front National (…), je vous donnerai 176 droit à la parole ». » Mais la littérature savante n'est pas la seule à avoir apporté des éléments de caractérisation du concept « populisme ». Les usages courants de la qualification « populiste »/« populisme » y ont leur part de contribution autonome et la littérature savante s'est penchée dessus, pour les critiquer comme pour les préciser voire les reprendre. Ce qui ressort en premier lieu des usages de la qualification « populiste »/« populisme », c'est sa dimension péjorative et polémique. Ainsi que le souligne Charaudeau, « le populisme est communément associé à la face négative des démocraties : il apparait 177 comme quelque chose d'excessif, de pathologique » , tandis que Badie pointe « sa charge 178 polémique » et « la mise en accusation qui l'accompagne » et Jean Stengers le « sens 179 en général assez nettement péjoratif » que lui attribuent « ceux qui emploient le terme » , 180 soulignant qu'« insidieusement, l'emploi de « populisme » contient un jugement moral. » De même, Stora note que « le terme « populisme » a acquis, de nos jours, une forte 181 connotation péjorative » et Bouvet avertit que « son usage péjoratif (...) ne saurait (...) s'imposer sans que l'on voie aussi dans le populisme un signal d'alarme, voire un appel 182 au secours des catégories populaires en particulier. » Mais c'est Pierre-André Taguieff, qui est fréquemment considéré comme celui qui a introduit le concept « populisme » en France dans son acceptation commune actuelle et qui fait largement autorité sur le sujet qui s'est montré le plus virulent à critiquer la qualification « populiste »/« populisme » courante et la connotation péjorative qu'elle porte. « Populisme fonctionne désormais comme un instrument ordinaire de blâme ou d'éloge dans l'espace public et ce, indépendamment des 174 « Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php, consultée le 15/03/2012 175 Nicolas « Truong Le , mise Monde.fr en : ligne Non, le le populisme 15/01/2012, n'est pas une idée populaire ! », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012 176 177 178 179 180 181 182 « Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur France 2, consultée à l'INAthèque de Paris Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.43 Bertrand Badie, 1997, p.226 Jean Stengers, 1997, p.233 Jean Stengers, 1997, p.234 Benjamin Stora, 1997, p.234 Laurent Bouvet, 2012, p.230 31 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 183 élaborations conceptuelles offertes par une littérature savante » , souligne-t-il, indiquant que la qualification « populiste »/« populisme » « nomme une menace et exprime une 184 hantise » et parlant de la stigmatisation d'« un isme intrinsèquement pervers », perçu 185 « comme la position politique mauvaise par excellence » , idée confirmée par le fait que « "populiste » est le nom, ou le surnom standard, de l'ennemi, dans l'actuel contexte 186 médiatique. » Serge July parle à propos du populisme du « fond de tendances lourdes, 187 rampantes » , ce deuxième adjectif laissant planer une menace diffuse. Chez Robert Namias, la disqualification du populisme se fait de manière plus explicite : « très 188 dangereux », il conduirait « au bain de sang » et « aux coupeurs de tête » . En effet, d'après Pascal Mbongo, « cette qualification sert à reprocher à celui ou à ceux que l'on 189 qualifie de "populiste" de corrompre moralement le "peuple" » (d'où les exemples, quelque peu outrés, de Robert Namias aux flots sanglants et autres décollateurs de chefs), ce que confirment ses usages par Pierre Rosanvallon, pour qui « le populisme est une forme de 190 réponse simplificatrice et perverse » , ou encore par Hervé Gattegno, pour qui il « revient 191 à dénoncer le jeu démocratique lui-même » . Nicolas Truong dénonce quant à lui « un mot fourre-tout, un repoussoir réel ou illusoire », « honni mais rarement défini, rejeté mais 192 rarement explicité » « devenu une invective politique » sans qu'il ne recouvre une réelle signification. Pour Myriam Revault d'Allonnes, la « connotation péjorative » de « la critique ou l'accusation de « populisme" » « renvoie implicitement à la représentation stigmatisante 193 d'un peuple toujours susceptible d'être la proie des démagogues » , tandis que Marc Crapez critique ceux qui « prétendument » détectent le populisme « comme une phobie ou 183 184 185 186 Pierre-André Taguieff, 1998, p.7 Pierre-André Taguieff, 1998, p.7 Pierre-André Taguieff, 1998, p.7 Pierre-André Taguieff, 1998, p.9 187 « La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/ article/serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012 188 « Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012 189 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 190 « Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi- bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012 191 « Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php, consultée le 15/03/2012 192 Nicolas « Truong Le , mise Monde.fr en : ligne Non, le le populisme 15/01/2012, n'est pas une idée populaire ! », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012 193 d'Allonnes, « mise Le Monde.fr en ligne le : Le « 15/07/2011, peuple » existe-t-il ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012 32 ? », par Myriam Revault http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? Ière partie : Les réactions positives une pathologie », parlant de « vertige, fatalité » sur le « ton » « du constat alarmiste d’un 194 épidémiologiste » . Pierre-André Taguieff regrette ouvertement qu'« après une vingtaine d'années d'usages et de mésusages, un pli rhétorique [ait] été pris : le mot « populisme », confiné au camp politique, n'y est plus guère employé que dans un sens péjoratif, et dans des contextes ou avec des intentions polémiques, de telle sorte qu'il fonctionne comme synonyme 195 soit d'« extrême-droite », soit de « démagogie ». » En effet, les synonymies de la qualification « populiste »/« populisme » avec d'autres termes ont été abondamment signalées par la littérature. Ces synonymies sont distinguées en deux catégories : la qualification « populiste »/« populisme » désignerait ou bien la démagogie, ou bien alors l'extrémisme, et en particulier l'extrémisme de droite, voire le fascisme, le racisme, le poujadisme, etc, ces deux synonymies pouvant être d'ailleurs associées. Ainsi Maurice Tournier regrette-t-il que le « label » populisme soit « perdu de réputation tant il s’identifie 196 à démagogie » , ce que confirme Taguieff, qui souligne que « "populisme », dans le langage ordinaire d'aujourd'hui, fait coexister, dans la tension, l'idée de démophilie et celle 197 de démagogie » , caractérisant le contenu de la qualification « populiste »/« populisme » dans la sphère médiatique : « démagogique, flattant l'opinion et multipliant cyniquement les 198 promesses intenables ou irréalisables » . Au final, d'après Charaudeau, « dans l’usage courant, [le mot « populisme »] a perdu de sa spécificité : il est souvent employé comme un équivalent de démagogique, de poujadiste, parfois de raciste ou même de fasciste 199 – amalgames qui ne peuvent apporter de grande lumière sur son sens. » . En effet, Taguieff signale que « le mot « populisme » est également employé pour désigner la caractéristique principale des nouvelles formations politiques d'extrême droite ou de droite 200 radicale » , soulignant qu'« une vingtaine d'années d'usages et de mésusages » de la qualification l'auraient rendu « synonyme de dérive dangereuse vers le fanatisme et même 201 de fascisme rampant » . Cette synonymie de la qualification « populiste »/« populisme » avec des désignations politiques telles que « extrémisme », « extrême-droite », « fascisme », « racisme », « poujadisme », etc, fait l'objet de critiques nombreuses dans la littérature savante. Ainsi Alain Bergounioux regrette que « l'usage courant actuellement du terme décrit le plus souvent l'extrême droite en Europe, le Front national en France, le Vlaamsblok dans la Flandre belge, le Front national Wallon, le Parti libéral autrichien, l'ancien MSI en Italie transformé en Alliance nationale », car le populisme « qu'une dimension et non le tout de ces 202 mouvements politiques » , tandis que Serge Halimi qualifie comme « relevant du mauvais journalisme » et « destinée à circonscrire le champ du discours politique acceptable » la définition qu'on retrouverait « un peu partout » du populisme comme d'« un fascisme à 194 « En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En- fait-le-populisme-qu-est-ce-que-c-est_a216188.html, consultée le 15/03/2012 195 196 197 198 199 200 201 202 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.11 Maurice Tournier, 2004, p.1 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.25 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.18 Patrick Charaudeau, 2011, p.101 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.12 Benjamin Stora, 1997, p.234 Alain Bergounioux, 1997, p.229 33 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 203 rebours qui récuse, comme ce dernier, l'individualisme libéral et le progrès » , assurant qu'« au lieu d'être soumis au crible d'une analyse sociale, le phénomène « populiste » a justifié la recension des traits psychologiques de l'extrémisme : un « style paranoïaque », une « tendance à vouloir séculariser une vision religieuse du monde », des allergies 204 raciales et insulaires. » De même, Laurent Bouvet critique « l'assimilation du populisme à une pathologie de la démocratie » qui « conduit souvent à limiter sa portée politique à « l'extrême droite" » alors que « historiquement - et thématiquement - le populisme dépasse 205 largement le cadre des formations et partis que l'on qualifie généralement ainsi. » Ainsi, bien que certains auteurs savants aient intégré la caractérisation du concept « populisme » comme « maladie de la démocratie », il serait « non seulement vain » mais aussi 206 « néfaste » « de ne voir dans le populisme que la face obscure de la démocratie » . Cependant, pour Jean Stengers, cette démarche des usages courants de la qualification « populiste »/« populisme » est tout à fait légitime. En effet, « comme citoyens, nous n'avons pas à être aseptisés. Nous avons le droit, et même à beaucoup d'égards le devoir, de porter sur le monde dans lequel nous vivons des jugements de valeur. Le jugement de valeur consiste en l'occurrence à trouver inacceptables certaines exagérations ou certaines passions nationalistes, certains fanatismes religieux, certains sentiments de haine, et à ne pas aimer par conséquent ceux qui cherchent à les utiliser; en les disant « populistes », nous disons en fait qu'ils ont dépassé en politique une limite qui ne 207 devrait pas être franchie. » La reconnaissance sociale des usages de la qualification comme « populiste »/« populisme » légitimerait ces usages, quand bien même ils ne correspondraient pas aux définitions savantes. Si pour Jacques Julliard, « au sens moderne et abâtardi du terme, le populisme 208 n'est rien d'autre que la démagogie » , la plupart des commentateurs qui en ont émis une appréciation en termes de synonymie ou qui ont analysé les usages courants du qualificatif insistent plutôt sur la synonymie, plus infamante, avec l'extrémisme, et en particulier l'extrémisme de droite ou le fascisme. Ainsi de Gérard Carreyrou qui, quoique définissant le « populisme » comme « une façon de résumer ce [qu'il] appeller[ait] autrement « l'hyper-démagogie" », soit « coller à la majorité quoiqu'il arrive », « flatter le peuple dans ses instincts » « les plus primaires, parfois sordides », et estimant que faire un parallèle avec le nazisme serait abusif, établit immédiatement un rapprochement entre les deux personnalités qu'il désigne par la qualification « populiste »/« populisme » grâce au « théorème du fer à cheval », qui serait « le théorème classique d'un historien récent, Jean-Pierre Faye », et selon lequel « les extrêmes, qui ont l'air très opposés, finissent par 209 se toucher et se rapprocher » . De même, Nicolas Truong précise que « "populisme » aujourd'hui est synonyme de démagogie, de bas instincts flattés, de racisme larvé, de 203 204 205 206 207 208 Serge Halimi, 1998, p.116 Serge Halimi, 1998, p.119 Laurent Bouvet, 2012, p.235 Laurent Bouvet, 2012, p.230 Jean Stengers, 1997, p.233 Jacques Julliard, « Populisme, nationalisme, fascisme... », Le Nouvel Observateur, 2-8 juin 1994, p. 55, cité par Pierre- André Taguieff, 1998 209 « Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/ Le-debat-des-grandes-voix-22-01-11-382219/, consultée le 30/06/2012 34 Ière partie : Les réactions positives 210 néofascisme masqué » et Thomas Legrand que « contrairement à une acception 211 courante », il « ne désigne pas forcément l'extrémisme ou la démagogie. » Ainsi les deux synonymies seraient employées indistinctement par les commentateurs, avec ceci de sousentendu que démagogie et extrémisme seraient à rapprocher. Même Nicolas Truong qui, on l'a vu, a analysé les emplois courants actuels du terme, n'échappe pas dans une certaine mesure à son emploi comme synonyme d'« extrême-droite » lorsque voulant caractériser la 212 notion, il fait référence à l'opposition maurrassienne du « pays légal contre le pays réel » , tandis qu'Olivier Duhamel « la convergence rouge-brune », « une constante dans l'histoire des idées » qui rappelle le fascisme et le national-socialisme, dont il y aurait « toujours eu une tentation », rappelant qu'il y a eu « à la fin du XIXème siècle, des théoriciens marxisants 213 qui ont donné dans l'antisémitisme », « des socialistes qui ont fini chez Pétain. » Serge July estime pour sa part que « l'extrême-droite » serait la « composante principale » du populisme, « même si ce n'est pas la seule », car « il y a toujours une dimension autoritaire, souvent xénophobe, dans le populisme », ce qui expliquerait que « même si les populistes 214 de gauche existent, ils sont quand même plus rares » , ce qui rejoint le diagnostic de Michel Winock, historien et professeur émérite à Sciences Po, interrogé dans Le Monde du quinze janvier 2011, selon lequel « le populisme a eu tendance à se localiser à l'extrême droite avec l'ère des masses et la démocratie parlementaire », car « l'extrême-droite » tendrait « au populisme sans distinction de classe » là où « l'extrême-gauche », elle, serait 215 « ouvriériste » . Les convergences entre usages savants et courants des termes « populiste » et « populisme » ont tendance à se rejoindre sur un certain nombre de caractérisations du concept « populisme » qui éclairent les recours à la qualification « populiste »/« populisme ». Finalement, qu'il s'agisse pour les journalistes et commentateurs de proposer d'eux-mêmes une caractérisation voire une définition du populisme, ou bien de se référer à ce qu'en disent des intellectuels, on y retrouve un fond commun : qualification toujours péjorative, lorsqu'elle ne désigne pas simplement la démagogie ou l'extrémisme, et spécialement l'extrémisme de droite, il s'agirait du discours simpliste et manipulateur d'un chef charismatique qui, usant d'une rhétorique outrancière, dénoncerait des boucs-émissaires, notamment en attribuant les faillites de la démocratie à des élites devenues trop éloignées d'un peuple idéalisé. Cette acceptation du sens de la qualification étant parfaitement intégrée de la sphère médiatique, de laquelle participent, qu'elles le veuillent ou non, les personnalités politiques, il est légitime de se demander si l'utilisation dans leur discours de traits saillants qui y sont 210 Nicolas « Truong Le , mise Monde.fr en : ligne Non, le le populisme 15/01/2012, n'est pas une idée populaire ! », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012 211 « Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229, consultée le 09/07/2012 212 « Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/ cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012 213 Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1- Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/ 214 « La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/ article/serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012 215 « Il aurait été inconcevable, autrefois, qu'une femme puisse incarner l'extrême droite », par Michel Winock, historien, professeur émérite à Sciences Po, publié dans Le Monde du 15 janvier 2011 35 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 désignés comme « populistes » ne participe pas d'une forme d'assomption implicite de la qualification « populiste »/« populisme ». 3. L'assomption implicite La recherche de l'assomption implicite à la qualification « populiste »/« populisme » est une démarche largement soumise à caution car elle suppose une large place laissée à l'interprétation, avec sa dimension subjective intrinsèque, et qu'il est délicat, vu les connotations transportées par la qualification, d'apporter une appréciation sur ce qui relève du caractère volontaire ou non de comportements discursifs y faisant écho. Néanmoins, cet aspect du sujet nous a semblé important, vu la place des stratégies discursives en jeu dans le discours politique contemporain. Il nous a donc fallu établir des critères pour permettre d'apprécier les cas où il nous a semblé avoir réellement affaire à une assomption implicite. Au risque d'avoir été par trop restrictif, nous avons préféré, pour éviter de plonger dans le procès d'intention toujours risqué dans le cadre de pareille démarche, nous fonder avant tout sur un critère de répétition : la répétition de comportements discursifs explicitement qualifiés de « populistes » dans la sphère médiatique pourrait être une manière d'assumer sans le dire ce « populisme » attribué. Il est à noter que ce procédé rhétorique peut parfaitement être utilisé afin de précisément dénier le caractère « populiste » attribué au comportement qui vaut à son auteur cette qualification (voire qui est directement ainsi qualifié), aussi le second critère retenu pour déterminer une assomption implicite est-il la persistance dans le langage journalistique de la qualification s'agissant du comportement visé. Partant du postulat que les codes langagiers sont partagés entre journalistes et personnalités politiques, nous avons pris le parti de considérer que, dans les cas où il semblerait s'agir d'une dénégation du caractère « populiste » du comportement ainsi désigné, la répétition de ce comportement alors même que persiste cette qualification à son endroit serait en fait l'envoi d'un double signal à deux cibles différentes, la sphère médiatique d'une part et les partisans et sympathisants d'autre part, le signal envoyé à la première étant censé susciter une réaction pouvant s'inscrire dans une stratégie médiatique et électorale. On aurait alors affaire à une assomption implicite dirigée vers une catégorie restreinte initiée aux codes journalistiques. Sachant toute la limite de ce raisonnement, nous avons également intégré comme critère la coïncidence avec l'une ou l'autre période d'intensification de la qualification « populiste »/« populisme » déterminées empiriquement. Enfin, nous avons exclu du domaine les propositions programmatiques elles-mêmes, tant il nous a semblé peu approprié de porter un jugement sur leur dimension « populiste » ou non. Chez Jean-Luc Mélenchon, l'assomption implicite de la qualification est avant tout formelle. C'est son outrance langagière, son attaque fréquente des journalistes et sa dénonciation des « puissants » qui lui ont valu de subir la qualification « populiste »/« populisme ». Cette dimension oratoire et rhétorique lui a été reprochée antérieurement aux premiers usages à son endroit de la qualification, et il s'en était expliqué à trois reprises au cours de l'année 2009 dans des émissions notamment destinées à l'analyse du style politique. D'abord, le neuf octobre 2009, dans l'émission spéciale Mélenchon décrypte Mélenchon du site @rrêt sur images, il avait semble-t-il expliqué hors caméras à Daniel Schnedermann que ses attaques contre des journalistes résultaient d'« un procédé », c'est-à-dire que la mise « en cause [des dominants] que sont selon [lui] les journalistes » serait destinée à « mettre les dominés de [son] côté », ce qu'il justifie d'abord par la nécessité d'avoir une 36 Ière partie : Les réactions positives « technique » ainsi qu'on en trouve dans « tous les métiers » puis explique qu'il a « dû réfléchir » sur le sujet à cause de critiques qu'on lui faisait, lui exposant qu'allonger « trop les coups » donnerait de lui « une image extrêmement agressive », mais qu'au final « ça [lui] a profité » car il entend cibler non pas « les petits bourgeois » mais « le gars dans la rue qui [lui] dit : « c'est bon, tu te laisses pas faire, hein !" » et que ça l'« arrange d'incarner le personnage qui ne se laisse pas faire », « quitte à en rajouter parfois », « comme tout le monde ». Cependant, même s'il ne dénie pas la part de tactique politique derrière cette attitude, il l'attribue également à son tempérament propre : « il y a aussi comme on est. Moi je suis un être de passion. Et puis j'assume, ça me va, si je ne faisais pas ça je ne 216 mènerais pas cette vie. » Cette explication est reprise le dix-huit lors de l'émission 7 à voir sur France 3, durant laquelle il assure d'abord ne pas calculer, être « comme ça » et avoir compris « que ça ne servait à rien d'essayer d'être autrement que comme [il sent] les choses venir ». Toutefois, lorsque Samuel Étienne lui demande s'« il n'y a pas de jeu », « pas de théâtre » dans ses colères, il admet qu'il en existe « dans la proportion dans laquelle tout être humain fait du théâtre » : « tous nous nous mettons en scène et nous essayons d'être aussi performants que possible ». Cependant il ajoute avoir « un devoir » d'user de tels procédés, car les circonstances exigeraient que quelqu'un s'en charge « parce qu'on est dans un moment de grande résignation et où beaucoup ne peuvent pas parler, parce qu'ils ont peur », « peur du lendemain, peur de la répression » « donc il faut qu'il y ai des fortes têtes » qui « ne [se] laiss[ent] pas faire à la place des autres ». Il aurait un rôle 217 « symbolique » à jouer. Ce « rôle symbolique », il entendait le tenir déjà le trente août 2009 lors de son discours de conclusion du « remue-méninges » du Parti de Gauche à ClermontFerrand, s'attaquant avec vigueur aux « puissants » : « Vous nous avez saoulés, ruinés, emmenés dans le mur, vous avez dénigré ce pays, tondu les travailleurs qui sont dedans, et pour quoi ? Pour constituer une bulle financière qui vous a éclaté à la figure et qui a dissout dans le néant l'effort et la peine de tous ceux qui avaient produit les biens matériels que vous avez dispersé de tous côtés, en plus du gâchis que vous aviez occasionné auparavant en 218 les produisant. » Enfin, il confirmait lors de l'émission Politiquement Parlant sur Direct 8 à Valérie Trierweiller qui lui avait demandé si « au bout du compte ça n'est pas une stratégie d'attaquer les médias, les journalistes » : « oui, bien sûr, c'en est une », ajoutant « je crois 219 que ça se voit, non ? » C'est ce comportement rhétorique - qui lui était déjà reproché par la sphère médiatique - d'outrance langagière et de dénonciation énergique qui lui a valu à partir de l'automne 2010 de subir la qualification « populiste »/« populisme ». La première inflation de l'emploi à son endroit de la qualification coïncide avec la période de sortie de son ouvrage Qu'ils s'en aillent tous, qui a semble-t-il fait forte impression. Ainsi le dix octobre 2010 Jean-Michel Apathie en cite-t-il lors de l'émission Le Grand Jury RTLLCI-Le Figaro « un court extrait » qui semble l'avoir particulièrement marqué : « "Qu'ils s'en aillent tous ! » » - c'est entre guillemets - « Ce sera bientôt le slogan de millions 216 Vidéo : « melenchon integrale (privée) », mise en ligne le 09/10/2009, http://www.dailymotion.com/video/ k5xl49vOBJPFNr1dNMY, consultée le 13/06/2012 217 Vidéo : « 7 à Voir Fr3 Jean Luc MELENCHON », mise en ligne le 21/10/2009, http://www.dailymotion.com/video/xavs4h_7- a-voir-fr3-jean-luc-melenchon_news, consultée le 13/06/2012 218 Vidéo : « Conclusion du Remue-méninges », mise en ligne le 02/09/2009, www.dailymotion.com/video/xae2dl_conclusion- du-remue-meninges_news, consultée le 13/06/2012 219 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur Direct 8 le 13/04/2010 », mise en ligne le 14/04/2010, http://www.dailymotion.com/video/ xcy8vy_jean-luc-melenchon-sur-direct-8-le_news, consultée le 14/06/2012 37 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 de gens. », écrivez-vous, « Ils iront prendre aux cheveux les importants, parce qu'ils sont excédés de les voir piller et saccager notre pays, gaspiller les efforts des travailleurs. Ils le feront, révulsés par les mœurs arrogantes des amis de l'argent. Les belles personnes, les satisfaits, leurs grillots et tous les donneurs de leçons qui tiennent le haut du pavé peuvent s'étrangler d'indignation, ils peuvent brandir leur dérisoire carton rouge. « Populisme », « dérapages », j'assume." », avant de demander à l'auteur la raison de « ce ton » « d'une rare violence » par rapport aux « livres que peuvent écrire [les responsables politiques] aujourd'hui ». Arguant qu'« on s'effarouche de peu, aujourd'hui », ce dernier répond aimer « la langue forte, puissante », préférant au « fromage lyophilisé » qu'un discours « ai du 220 corps », raison pour laquelle il « aime écrire en donnant une fresque » pour donner prise au « ressentiment de [ses] compatriotes » qui « n'en peuvent plus » en dénonçant : « ça suffit de voir les uns se gaver d'argent, et avec cet air prétentieux qu'ils ont tout le temps pour exiger des sacrifices des autres, qui ne s'appliquent pas à eux-mêmes », ces « importants 221 qui profitent et se taisent. » Ce registre percutant, mobilisé par Mélenchon alors qu'il subit déjà depuis plusieurs semaines la qualification « populiste »/« populisme » est employé à nouveau le dix-huit lors de son discours au théâtre Dejazet à Paris pendant un passage très représentatif de l'outrance oratoire et de la dénonciation d'adversaires qui succède d'ailleurs à une longue explication à ses partisans au sujet du concept « populisme » et de la qualification « populiste »/« populisme » : « Je vais nommer ceux que nous combattons : nous combattons l'oligarchie. Et si vous ne comprenez pas ce que ça veut dire, je vais vous les présenter : la coalition de la « bande du Fouquet's », comme disent les communistes, et du club Le Siècle. Ouste ! Du balais ! Dehors ! Les oligarques du CAC40, les commerciaux et les financiers mis à la tête des entreprises qu'ils ruinent et qui ont réussi à foutre par terre une merveille comme Airbus, uniquement parce que ces gens-là, n'ayant jamais entendu dire qu'un avion devait voler avant d'être un chiffre sur une fiche, ont promis des délais de livraison impossibles et des aménagements qui ne pouvaient pas exister. (…) Dehors ! (…) Dehors les politiques qui se vantent eux-mêmes de ne rien pouvoir changer, parce que « la mondialisation, la contrainte extérieure, bla bla bla bla bla ». Et bien « bla bla » plus loin ! (…) Les tireurs dans le dos, évadés fiscaux à qui il faut confisquer tout ce qu'il reste, qui ne devraient pas avoir le droit d'être, en même temps, des évadés fiscaux et des administrateurs de sociétés françaises. Sportifs ingrats montrés en exemple et qui osent dire qu'ils ne restent pas à leur foyer fiscal en France parce que ça coûte trop cher alors que c'est aux Français qu'ils vont demander de réparer leur précieux genou, qui leur 222 vaut cette précieuse qualité à courir derrière une balle. Et ainsi de suite. » L'autre des quatre personnalités étudiées qui nous a semblé avoir opéré une assomption implicite de la qualification « populiste »/« populisme » est Nicolas Sarkozy. Au contraire de Jean-Luc Mélenchon chez qui la répétition s'est opérée sur une longue période et a été accompagnée d'une analyse par Mélenchon lui-même de l'efficacité stratégique des procédés oratoires qu'il usait et lui valaient la qualification « populiste »/« populisme », chez Nicolas Sarkozy les mobilisations relevées s'étendent sur une période très courte (quatre jours) à la charnière des mois de mars et d'avril 2012 et ne comportent aucun arrière-plan explicatif de sa démarche rhétorique, alors même qu'elles accompagnent systématiquement 220 Vidéo : « J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le 12/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-le-grand_news, consultée le 15/06/2010 221 Vidéo : « J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le 12/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-le-grand_news, consultée le 15/06/2010 222 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012 38 Ière partie : Les réactions positives une explicitation de la qualification « populiste »/« populisme ». Autre différence majeure : si chez Jean-Luc Mélenchon l'assomption implicite était repérée comme touchant aux deux caractéristiques de l'outrance oratoire et de la dénonciation d'adversaires, il s'agit chez Nicolas Sarkozy de l'idée de réduction de la distance entre gouvernants et gouvernés, en l'occurrence entre le peuple français et le président de la République et l'exécutif dans son ensemble, idée portée par une proposition programmatique précise (le recours au referendum) qui ne sera pas discutée ici. Ainsi, Nicolas Sarkozy expose clairement à Élancourt le vingt-huit mars vouloir passer « par-dessus les corps intermédiaires » dans les cas où ceux-ci « empêchent la réforme », 223 « bloquent le débat » , indiquant le lendemain à Nîmes avoir l'intention d'interroger directement le « peuple de France » « si les corps intermédiaires bloquent, refusent, 224 biaisent », les citoyens devenant « les garants » de « [ses] engagements » , idée reprise telle qu'elle le deux avril à Nancy lorsqu'il indique que « chaque fois qu'il y aura blocage 225 dans notre pays » , il se tournera vers le peuple. L'assomption de la qualification « populiste »/« populisme », qu'elle soit explicite ou implicite, si elle s'est semble-t-il généralisée hors de l'extrême-droite où elle était confinée jusqu'ici (il existe ainsi en France un Parti Populiste, scission du Mouvement National Républicain de Bruno Mégret et associé au Front National depuis 2007), demeure malgré tout relativement peu importante, la connotation négative associée à la qualification lui retirant une partie de son efficacité stratégique. C'est ce qui à notre avis explique le recours plus fréquent à la démarche d'appropriation de la qualification, qui n'est d'ailleurs pas incompatible avec la simple assomption mais semble, dans la perspective d'une utilisation stratégique de la notion, devoir la précéder afin de la rendre efficace. Section 2 : L'appropriation Moins sujette à caution est l'analyse des réactions d'appropriation de l'étiquette « populiste ». Cette réaction à la qualification « populiste »/« populisme » est l'une des rares à avoir été assez abondamment commentée par la littérature savante. L'appropriation se place dans la démarche rhétorique, détaillée par Pierre-André Taguieff, qui consiste à opérer « la redéfinition positive d'une étiquette à usage disqualificatoire », réalisant ainsi 226 « un retournement du stigmate » en faisant d'une injure un titre de fierté et même une étiquette revendiquée. Ainsi « certaines personnalités politiques vont jusqu’à revendiquer 227 la qualification de populiste en attribuant à ce mot un sens positif » , explique Patrick Charaudeau, sans citer cependant quelles personnalités sont ainsi visées. S'agissant de la 223 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.youtube.com/watch? v=Mjjh7lIZ-_I, consultée le 27/06/2012 224 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http://www.youtube.com/watch? v=HeZ82Kk71RQ, consultée le 27/06/2012 225 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch? v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012 226 227 Pierre-André Taguieff, 1998, p.17 Patrick Charaudeau, 2011, p.102 39 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 situation spécifiquement française, on saisit cependant au regard du reste de la littérature sur le sujet qu'est principalement visé le Front National. En effet, comme le rappelle Pierre-André Taguieff, « les dirigeants lepénistes, vers le milieu des années 1990, ont non seulement accepté l'étiquette « populiste/populisme », mais (...) ils l'ont assumée glorieusement, en tant qu'autodésignation positive. Un retournement du stigmate a ainsi été opéré par les stigmatisés eux-mêmes, l'étiquette polémique a subi une resémentisation 228 positive. » C'est donc principalement, pour ne pas dire exclusivement, du Front National qu'il est question dès lors qu'est mentionnée dans la littérature la démarche consistant à s'approprier la qualification « populiste »/« populisme ». Le détail en a notamment été donné par Pierre-André Taguieff en 1998 dans l'article « Populismes et antipopulismes : le choc des argumentations » publié dans le numéro 55 de la revue Mots. Les langages du politique, pages 15 à 23, puis en 2002 dans son ouvrage de référence sur le populisme, L'Illusion populiste : de l'archaïque au médiatique, dont nous avons consulté la réédition revue et augmentée de 2007 L'Illusion populiste. Essais sur les démagogies de l'âge démocratique. La construction argumentaire mise en œuvre à partir de 1988 par des initiatives isolées de cadres du parti puis peu à peu généralisée durant la première moitié des années 1990 repose dans un premier temps sur une acceptation du concept « populisme » réduite au style politique de Jean-Marie Le Pen, lorsque Bruno Mégret écrivait dans une note de 1988 que le président du Front National devrait « conserver ce côté "populiste" qu'il est le seul à exprimer 229 sur la scène politique » , avant de devenir la même année chez Jean-Pierre Stirbois un 230 « discours » donnant corps à un « national-populisme » (caractérisation alors utilisée pour qualifier le Front National, notamment dans la littérature savante) défini positivement sur la seule base de l'origine étymologique des deux termes « nation » et « peuple » accolés par l'expression. C'est seulement en 1991 et à l'initiative de Jean-Marie Le Pen que s'entame le processus de retournement sémantique du concept « populisme », défini comme « la 231 prise en considération du peuple » . Trois ans plus tard, lorsqu'à la suite de la campagne pour les élections européennes de 1994 - où la qualification « populiste »/« populisme » avait été abondamment utilisée pour qualifier le Front National (et Bernard Tapie, qui était en tête de la liste « Énergie Radicale » présentée par le Mouvement des Radicaux de 232 Gauche ) - le terme est à nouveau largement repris à son compte par le Front National et ses dirigeants, c'est sans que soit menée cette fois-ci la démarche de redéfinition. Une fois le concept « populisme » redéfini conformément à la volonté du Front National, la qualification « populiste »/« populisme » peut être reprise à son compte sans qu'il ne soit plus nécessaire d'en préciser le contenu, ce bien que les usages dépréciatifs soient toujours largement employés par les commentateurs. Il semble ainsi que seul le Front National avait poussé la démarche d'appropriation de la qualification « populiste »/« populisme » au point de mobiliser la notion hors du simple cadre de la réponse à la qualification « populiste »/« populisme », comme une auto-caractérisation. Néanmoins, après les années 1990 cette mobilisation semble s'être raréfiée et peut-être la resémentisation positive du concept « populisme » n'était-elle plus suffisamment ancrée dans l'imaginaire militant du Front National, car on a pu observer à partir du milieu des 228 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.248 229 230 231 232 40 Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 249 Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 249 Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 251 http://www.france-politique.fr/elections-europeennes-1994.htm Ière partie : Les réactions positives années 2000 un retour des mobilisations de la notion sous la forme d'une redéfinition positive du concept « populisme ». Ainsi, la seule mobilisation repérée de la notion par Marine Le Pen elle-même sur la période 2007-2012, lors de son discours au Zénith de Paris à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, définit le concept « populisme » comme « l'audace de défendre le peuple ». Cependant, cette mobilisation se fait avant tout en creux afin de désigner des adversaires : ceux qui, « squattant les plateaux de télévision, multipliant les éditoriaux péremptoires », « ont toujours validé » une politique qualifiée comme « folle » et « aux effets désastreux » et « qui se sont aplatis comme des limandes » devant les adversaires de la candidate du Front National « Hollande, Sarkozy, 233 Bayrou et autres Mélenchon » . La démarche rhétorique suivie par le Front National au début des années 1990, bien que réentreprise par ce parti depuis quelques années, n'en est cependant plus une caractéristique sur la période 2007-2012. En effet, s'il n'est pas fait référence comme cela avait été le cas au Front National en 1988 aux bienfaits tactiques supposés du « populisme » vu comme un simple style politique et rhétorique positif en soi, la redéfinition positive du concept « populisme » dans l'optique d'une appropriation de la qualification « populiste »/« populisme » s'est retrouvée chez les trois autres personnalités étudiées. Nicolas Sarkozy, quelques mois après son élection comme président de la République en 2007 estime le trois octobre devant les parlementaires de sa majorité que « si [être populiste] veut dire que l'on est compris du peuple, ce n'est déjà pas si mal parce que nous sommes là par la volonté du peuple et non par la volonté de tel ou tel qui fait des 234 commentaires. » C'était cependant là la seule mobilisation de la notion lui conférant une définition positive que nous avons relevée de sa part jusqu'au moment de son entrée en campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Toutes les autres ont été faites sur une période relativement courte, de février à avril 2012, et donc attribuent plus ou moins les mêmes contenus au concept « populisme », systématiquement relié à l'usage du referendum. Ainsi, en février à Annecy, il associe la qualification « populiste »/« populisme » employée péjorativement à son encontre au fait de « se soucier de ce que pense le peuple, 235 de ce que ressent le peuple » . De même à Nîmes fin mars, le populisme consistait à 236 « demander au peuple », lui proposer qu'il soit « le garant de [ses] engagements » , tandis qu'à Nancy début avril, il s'agissait faire des citoyens « les témoins de [s]es engagements par 237 le referendum » . Face à l'accusation de « populisme » qu'il a subie pour avoir proposé le recours au referendum, le candidat sortant a donc opéré une redéfinition positive du concept « populisme » en recourant à l'interprétation gaullienne de la vocation du referendum dans la Vème République : il s'agit de demander son avis au peuple. 233 Vidéo : « Grand meeting de Marine Le Pen au Zénith de Paris le 17 avril », mise en ligne le 19/04/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xq89s7_grand-meeting-de-marine-le-pen-au-zenith-de-paris-le-17-avril_news, consultée le 04/07/2012 234 http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2007/intervention-devant-les-parlementaires-de- la.7928.html, consultée le 26/06/2012 235 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en ligne le 16/02/2012, http:// www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M, consultée le 26/06/2012 236 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http://www.youtube.com/watch? v=HeZ82Kk71RQ, consultée le 27/06/2012 237 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch? v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012 41 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 François Bayrou redéfinit également le concept « populisme » en le reliant au peuple. Interrogé le vingt-et-un janvier 2012 par le Figaro Magazine sur les accusations qu'il subit de « chasser sur les terres du FN », il réplique : « On m'accuse de populisme ? J'aime le peuple, j'en viens. J'ai grandi dans un village d'ouvriers et de paysans. Ce devrait être une fierté de 238 s'intéresser au peuple. » Le populisme devient alors l'amour du peuple, l'intérêt porté au peuple, le terme « peuple » étant entendu comme dans l'expression « classes populaires », soit ici les ouvriers et paysans, que le reste de la classe politique et le système médiatique ignoreraient. On retrouve cette définition du concept « populisme » comme « intérêt porté au peuple » dans la réponse qu'il apporte le quatre février à la rédaction de Marianne : « On m’a accusé de « populisme » parce que je suis allé faire un discours à Dunkerque ! En France, désormais, aller parler aux ouvriers, c’est populiste ! », et de préciser : « J’en ai été accusé mile fois ces dernières années parce que, simplement, je m’efforçai de rappeler que se sent exclu des cercles de responsabilité ou de pouvoir, peut être 80% de la population 239 française. » Le « populisme » devenu intérêt porté au grand nombre exclu des « cercles de responsabilité et de pouvoir », assimilé aux catégories populaires, particulièrement les ouvriers, devient dès lors une démarche positive, car, légitimée par le fait qu'elle s'adresse à « peut-être 80% de la population », elle serait au fond l'accomplissement réel de la démocratie. Le concept « populisme » est également associé par le président du Mouvement Démocrate à la formule « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », signalant à Dunkerque le dix-neuf janvier : « c'est une fierté pour moi que la France ait repris le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, comme définition de 240 la République » , et à nouveau le vingt-et-un en réponse au Figaro Magazine : « Notre 241 République, c'est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». » Le concept « populisme », lié directement au « peuple », désignerait ainsi le respect du principe de la République tel que proclamé dans la Constitution de 1958. Cette redéfinition du concept « populisme » comme le respect de la légitimité de la participation du peuple au pouvoir politique fait écho à la manière dont Jean-Luc Mélenchon a abordé la qualification « populiste »/« populisme » à l'occasion de l'émission Salut Les Terriens sur Canal+ du douze décembre 2012 s'agissant des Islandais qui « ont décidé » « à 95% » « qu'ils ne règleraient pas les dettes des banques » et qui « ont convoqué une assemblée constituante », réalisant ainsi « exactement ce [qu'il] raconte dans [s]on livre » Qu'ils s'en aillent tous. Vite, la révolution citoyenne (2010) : « on » l'avait « traité de haut en [l]e traitant de « populiste" », mais « apparemment il y a un peuple entier qui est devenu 242 populiste ! » Cela désamorce la qualification « populiste »/« populisme » : le concept « populisme » désignerait tout simplement l'action populaire. 238 Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée le 09/07/2012 239 Interview à la rédaction de Marianne le 04/02/2012, http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle- a-tout-les-francais-sans-les-diviser, consultée le 09/07/2012 240 Vidéo : « François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le 20/01/2012, http://www.dailymotion.com/ video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-de-dunkerque-190112_news, consultée le 08/07/2012 241 Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée le 09/07/2012 242 Vidéo : « Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le 19/12/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salut-les-terriens-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012 42 Ière partie : Les réactions positives L'utilisation méliorative de la qualification « populiste »/« populisme » se retrouve chez Mélenchon particulièrement pour parler du roman Les Misérables de Victor Hugo au cours du mois de janvier 2012 : il parle d'« un magnifique roman populiste » « qui montre comment chaque personne, quel qu'ai été son parcours, quelles qu’aient été les difficultés que la vie lui a infligées, et même les erreurs qu’il a pu commettre, dès lors que la vraie justice, qui est celle du cœur, s’exerce, chaque être venu du peuple peut à tout moment se redresser 243 et prendre sa part du bonheur collectif en y contribuant » lors de la présentation de ses vœux à la presse, du « plus grand ouvrage populiste qui fut jamais écrit » et qui transmet 244 « la parole fantastique du poète » à Nantes le seize, du « plus beau roman populiste 245 qui ai été écrit », « la gloire du peuple » à Metz le dix-huit, et encore « le plus beau roman populiste qui ait jamais été écrit », véritable « leçon d'humanité » « qui dit, entre autres choses, que tous ceux qui tombent peuvent se relever ; que chacun d'entre nous peut se grandir par la lumière de l'amour qu'il donne aux autres, du dévouement qu'il a pour la cause, de ce qu'il partage et non de ce qu'il s'approprie » à Besançon le vingt-quatre. La qualification « populiste »/« populisme » employée sans explicitation à l'endroit d'une œuvre largement encensée ne peut servir à déprécier cette dernière vu les accents mis par l'énonciateur sur les aspects positifs d'icelle. Dès lors, elle ne sert plus à caractériser l'objet ; c'est au contraire lui qui, chargé d'une connotation positive quasi universellement partagée dont certains aspects ont été sciemment mis en avant, sert à éclairer la qualification, dont le contenu ne fait pas l'objet d'un consensus comparable. Aussi le concept « populisme » estil chargé du contenu associé par Jean-Luc Mélenchon au roman Les Misérables via l'usage de la qualification « populiste »/« populisme » pour qualifier icelui, ce qui participe de sa redéfinition positive voire méliorative. Malgré cette démarche menée sur tout le mois de janvier 2012, la qualification « populiste »/« populisme » n'a cependant pas été mobilisée par le candidat du Front de Gauche telle quelle, signe que son appropriation en est demeurée partielle. Au contraire, durant la période qui a suivi, il y a apporté encore des éléments de caractérisation, soulignant à Rouen le six mars avoir été « traité de « populiste" » car il « parlai[t] des riches », « dénonçai[t] les oligarques », « disai[t] que c'était une honte de 246 voir s'accumuler les richesses de cette manière-là » , reprenant le lendemain le même vocabulaire (« je me faisais traiter de « populiste » parce que je parlais des oligarques, 247 parce que je parlais des riches » ) dans l'émission Expliquez-vous sur Europe 1 et i>Télé, puis exposant le douze avoir été qualifié de « populiste » car il avait avancé la « thèse » 248 « que l'on peut, comme méthode de conviction, utiliser la désobéissance européenne » dans l'émission Spéciale Présidentielle sur Europe 1, expliquant l'emploi à son endroit de la 243 Vidéo : « Vœux à la presse de Jean-Luc Mélenchon », mise en ligne le 04/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xng33e_vyux-a-la-presse-de-jean-luc-melenchon_news, consultée le 23/06/2012 244 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon Discours de Nantes », mise en ligne le 16/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xnq621_jean-luc-melenchon-discours-de-nantes_news, consultée le 23/06/2012 245 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Metz », mise en ligne le 19/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xntkky_jean-luc-melenchon-discours-de-metz_news, consultée le 23/06/2012 246 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news, consultée le 25/06/2012 247 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news, consultée le 25/06/2012 248 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news, consultée le 25/06/2012 43 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 249 qualification « populiste »/« populisme » par l'usage de l'apostrophe « A bas les riches ! » lors de son discours à La Réunion le vingt-cinq et au fait de dénoncer ceux qui « dès qu'ils 250 commencent à empiler » « fuient et désertent à l'étranger pour ne pas payer d'impôts » à Lille le vingt-sept, enfin désignant comme « populistes » suivant l'usage journalistique du terme les propositions politiques « la richesse est excessive, nous allons en prendre » et 251 « on va courir derrière ceux qui se sauveraient » , deux positions qu'il défendait dans son programme, dans son discours à la porte de Versailles à Paris l'avant-veille du premier tour de l'élection présidentielle de 2012. Le concept « populisme » est ici directement associé à des attitudes oratoires (notamment de dénonciation) et des propositions politiques du programme du candidat du Front de Gauche et qui ont été reprises par d'autres candidats qui, eux, ne subiraient pas la qualification « populiste »/« populisme ». Notons cependant que parmi les deux seuls candidats nommément désignés par Jean-Luc Mélenchon comme étant allés sur « son terrain », soit oratoire soit politique, figure Nicolas Sarkozy, qui a pourtant bien été qualifié de « populiste » au cours de la campagne. Benoît Shneckenburger va, lui, plus loin dans la démarche d'appropriation du concept « populisme », qu'il qualifie de « chance pour la démocratie », précisant : « si l'on ne confond pas les aspirations populaires avec la démagogie et la xénophobie, alors le populisme est l'autre nom de l'espoir démocratique ». Le concept « populisme » consisterait en fait à 252 « redonner au peuple une image et une parole confisquées » , ce qui rejoint tout à fait les redéfinition du concept opérées par Nicolas Sarkozy et François Bayrou. Au final, subissant la qualification « populiste »/« populisme », les trois sujets sur quatre qui ont opéré une démarche d'appropriation se sont fondés sur l'origine étymologique du terme dérivé du mot « peuple », et ont utilisé les connotations positives de ce dernier afin d'opérer une redéfinition du concept « populisme » comme le fait de porter intérêt, donner la parole voire confier (au moins symboliquement) le pouvoir au « peuple », généralement abordé comme les « classes populaires » supposément négligées par les élites sociales, politiques et journalistiques. En acceptant la qualification comme « populistes » de propositions qu'ils défendent et abordent sous un jour positif, ils opèrent également une resémentisation positive du concept « populisme », sans toutefois aller jusqu'à mobiliser la notion hors de tout contexte explicatif ni s'en réclamer directement et de leur propre initiative, comme avait fini par le faire le Front National après 1994. On notera la démarche de Jean-Luc Mélenchon consistant à attribuer à un ouvrage généralement connoté positivement la qualification « populiste »/« populisme » pour contribuer à la resémentisation positive du concept « populisme », et qui peut également être interprétée comme une manière de légitimer ce retournement en l'appuyant sur une référence reconnue. Cependant, pour généralisée qu'elle a pu être parmi les sujets de la présente étude, notamment pendant la période de la campagne présidentielle, la réaction d'appropriation de la qualification « populiste »/« populisme » établie grâce à une redéfinition positive du 249 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news, consultée le 25/06/2012 250 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/xpqrc9_jean-luc- melenchon-discours-de-lille_news, consultée le 25/06/2012 251 Vidéo : « J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012, http://www.dailymotion.com/ video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versailles-a-paris_news, consultée le 26/06/2012 252 44 Benoît Schneckenburger, 2012, p.87 Ière partie : Les réactions positives contenu du concept « populisme » n'en a pas empêché pour autant qu'à un certain nombre d'occasions sur la période étudiée l'étiquette a été purement et simplement rejetée par les qualifiés. 45 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 IIème partie : Les réactions négatives Sont qualifiées de « négatives » les réactions à la qualification de « populiste » qui refusent la qualification et en particulier le contenu qui y est associé. Deux principaux types de réaction sont des réactions « négatives » : le rejet et la contre-attaque. Section 1 : Le rejet Sont dites « de rejet » les réactions à la qualification de « populiste » qui récusent la qualification même, soit pour des raisons non explicitées, soit pour des raisons explicitées. Font partie des réactions « de rejet » les réactions qui contestent la pertinence même du terme « populiste ». 1. Le rejet direct de la qualification « populiste »/« populisme » Des études savantes antérieures à la période ont pointé du doigt la relation particulière entretenue à l'égard de l'étiquette « populiste ». Ainsi, Gérard Grunberg, analysant les résultats d'une étude de la SOFRES de 1995 sur « le phénomène du populisme », détermine que d'une manière générale « les personnes qualifiées par les mesures utilisées (...) de « populistes » sont très nombreuses à ne pas s'identifier comme populistes ou à ne pas 253 utiliser ce terme pour se repérer dans l'espace politique et idéologique. » Le phénomène serait le même dans la sphère politique, d'après Yves Mény et Yves Surel. En effet, « à la différence d'un parti fasciste qui se proclame tel ou d'un parti communiste fier de sa dénomination, le qualificatif « populiste » n'est jamais librement 254 choisi par ceux auxquels il s'applique » , et d'ajouter : « le mot « populiste » n'est jamais autorevendiqué, il est toujours attribué, généralement, par les critiques de ces 255 mouvements. » Sans pour autant souscrire avec autant de systématisme à ce diagnostic (on a vu lors de la partie précédente que le Front National avait bel et bien entamé dès les années 1990 un processus d'auto-attribution de la qualification « populiste »/« populisme », certes au prix d'une redéfinition positive du concept « populisme »), il semblerait qu'en effet au début des années 2000 l'étiquette n'avait pas encore fait l'objet de la part de la grande majorité des acteurs qualifiés ainsi des retournements sémantiques, encore moins des assomptions de la qualification constatés sur la période 2007-2012. Ainsi le constat établi par Gérard Grunberg selon lequel même « une forte adhésion aux valeurs et opinions » (ce à quoi nous ajouterions également, s'agissant des personnalités politiques, les attitudes et discours) « mesurées comme populistes par l'indicateur utilisé n'est pas la plupart du temps 253 Gérard Grunberg, 1998, pp.126-127 254 255 46 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.33 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.33 IIème partie : Les réactions négatives 256 liée à l'utilisation de ce concept » . De plus, la qualification « populiste »/« populisme » relèverait d'une référence paradigmatique bien déterminée et vécue comme « imposée » par ceux qui en usent. Grunberg établit le parallèle avec la classification à gauche ou à droite, refusée pendant longtemps par les électeurs de droite : « de même que, jadis, une grande partie des électeurs de droite ne se reconnaissaient pas comme identifiés (en l'occurrence à droite) à partir d'une classification gauche-droite que la gauche leur imposait, aujourd'hui, les électeurs qui partagent des opinions que les adversaires de ces opinions nomment populistes, à partir d'un système de classification « populistes - antipopulistes », ne se 257 reconnaissent pas dans cette classification » . La situation cependant a évolué depuis les années 1990 et le début des années 2000, et, ainsi qu'on l'a vu précédemment, la qualification « populiste »/« populisme » peut être acceptée, sinon par les électeurs, du moins par les personnalités politiques dont les propositions, les discours ou même les personnes sont visés par elle. Mais cette évolution de la perception de la qualification « populiste »/« populisme » n'implique pas pour autant qu'en toutes circonstances ni de manière systématique celle-ci soit acceptée d'une manière ni d'une autre. En effet, le rejet pur et simple de la qualification demeure présente, même si son emploi semble s'être raréfié sur la période récente. Ainsi, quand en janvier 2012 survient le troisième épisode pendant lequel François Bayrou a reçu la qualification « populiste »/« populisme » notamment de la part de Hervé Morin, il a d'abord répliqué : « populiste non » en « se moquant de la réaction des "petits 258 marquis" qui raillent son "produire en France" » (proposition qui lui a effectivement valu d'être qualifié comme « populiste » par des adversaires politiques et des journalistes et éditorialistes). A l'appui de ce refus de la qualification, il a réaffirmé ses positions supposées non populistes voire anti populistes, dénonçant « certains » qui « ont même dit [qu'il était] antieuropéen » et rappelant que, bien que se voulant le candidat de « ceux qui veulent 259 renverser la table », il était favorable à « une solution républicaine ». » La démarche consistant à rejeter la qualification « populiste »/« populisme » en exhibant ses positions propres supposément incompatibles avec le populisme ou son opposition frontale aux positions supposées populistes se retrouve également chez les défenseurs de Nicolas Sarkozy : Jean-François Copé dans un entretien en février 2012 : « le mérite 260 républicain reste notre idéal » ; Henri Guaino en mars : « non », on ne peut pas parler de « campagne populiste » pour qualifier celle de Nicolas Sarkozy, c'est au contraire 261 « une campagne républicaine qui s'adresse au peuple. » Jean-Luc Mélenchon y a 256 257 258 Gérard Grunberg, 1998, p.126 Gérard Grunberg, 1998, p.126 « Bayrou tente une OPA sur l'électorat protestataire, vivier de Marine Le Pen - LExpress.fr », mise en ligne le 05/01/2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/politique/bayrou-tente-une-opa-sur-l-electorat-protestataire-vivier-de-marinele-pen_1068553.html, consultée le 31/07/2012 259 Pierre « Jaxel-Truer, Le Monde.fr mise en : ligne M. le Bayrou souhaite 05/01/2012, se poser en candidat du « peuple » », par http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=7bf27958a55d2d8cee84a088bcd7ec037a3539dff11e2752, consultée le 27/06/2012 260 « Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http://www.lefigaro.fr/flash- actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-l-intuition-que-sarkozy-sera-reelu.php, consultée le 27/06/2012 261 « Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère" », par Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider, mise en ligne le 31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/henri-guainone-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-la-colere_1678568_1471069.html, consultée le 27/06/2012 47 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 également recours, et use pour cela d'une méthode hypercritique contestant point par point (les points avancés formant au passage une caractérisation du concept « populisme » comme de la qualification « populiste »/« populisme ») le caractère « populiste » qui lui est attribué. Ainsi lors de l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé en novembre 2010, il exposait : « Si le populisme c'est, au sens traditionnel, quelqu'un qui est contre les institutions représentatives, je n'en suis pas, je suis républicain ; quelqu'un qui est contre les intellectuels, c'est l'inverse, je revendique l'honneur d'être considéré comme 262 un intellectuel. » De même, lors du forum Libération-Marianne en janvier 2011 : « On s'accorde en général à dire qu'un populiste, c'est celui qui rejette les élites : ce n'est pas mon cas, je rejette l'oligarchie ; qui sont contre le système représentatif : je suis un républicain et pour la démocratie représentative ; et enfin qui flatte les bas instincts du peuple, et voici les bas instincts du peuple que je flatte : premièrement constituante, deuxièmement planification écologique, troisièmement sortie de l'Afghanistan, quatrièmement sortir du traité européen, 263 cinquièmement partager les richesses. Voilà les bas instincts qui sont flattés par moi. » Cette élaboration argumentaire n'est cependant pas la seule forme de rejet de la qualification « populiste »/« populisme » par Mélenchon : on a également eu affaire à des réactions semble-t-il spontanées, affranchies par conséquent de toute construction théorique préalable. Ainsi lorsqu'à l'émission Politiquement Show sur LCI le huit juillet 2010 Michel Field lui demande si « quand l'UMP dit : « la gauche tape et fait monter le populisme », on peut lui donner raison », sa réaction immédiate est de dédaigner « les histoires de 264 l'UMP qui essaye d'éteindre l'incendie avec des méthodes assez rustiques. » De même, lorsque le sept décembre à l'émission Le Grand Journal de Canal+ Michel Denisot lui demande si le caractériser comme « gauche populiste » lui « va », il réagit dans l'instant en 265 répliquant : « Non mais c'est ma fête, là ! » , manière de refuser l'étiquette en l'assimilant à une simple attaque. Plus significative est sa réponse à l'assertion de Marine Le Pen lors de leur débat le quatorze février 2011 dans l'émission Bourdin Direct sur RMC et BFMTV, précédemment mentionnée, selon laquelle elle comme lui assumeraient « tous les deux d'être des populistes ». A cela, il répliqua en effet avec vigueur : « Je n'ai pas dit que 266 j'étais populiste, moi ! » En octobre 2010, il avait déjà, lors de l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé, argué à Françoise Fressoz qui lui avait fait remarqué qu'il avait assumé la qualification « populiste »/« populisme » dans un entretien avec des journalistes de L'Express : « Non, madame », avant de donner à son « j'assume » un éclairage tacticien 267 et « un peu crâne » censé l'exonérer d'assumer ce propos. Cet angle de réponse sera repris trois mois plus tard, le vingt-neuf janvier 2011, lors du forum Libération-Marianne à Grenoble : « Ne croyez pas que je suis un innocent absolu. Quand L'Express me pose 262 Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012 263 Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean- luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012 264 Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012 265 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au "Grand Journal" le 07/12/2010 », mise en ligne le 08/12/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xg0s2f_jean-luc-melenchon-au-grand-journal-le-07-12-2010_news, consultée le 17/06/2012 266 Vidéo : « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://www.dailymotion.com/video/ xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news, consultée le 19/06/2012 267 Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012 48 IIème partie : Les réactions négatives comme question - c'est déjà eux - : « vous, vous allez redonner des lettres de noblesse au populisme de gauche », (...) je crois que c'est eux qui sont en train de tomber dans un piège. Je réponds : « j'assume ». Ça n'a pas trainé ! Ça a mit 15 jours, quand même, je trouvais que c'était un peu lent à démarrer, et aussitôt, bam !, ça a commencé : « alors, 268 populiste ? », etc. Trop tard ! C'était une erreur de leur part » . Par la suite cependant les références à cet épisode rejoindront le propos initialement tenu en acceptant de fait la qualification « populiste »/« populisme ». Le rejet de la qualification « populiste »/« populisme » peut également passer par une redéfinition positive, non pas du terme lui-même, mais de l'attitude ou du propos qui est visé par lui. Ainsi le vingt-sept janvier 2012 lors du forum Libération à Grenoble Jean-Luc Mélenchon expose-t-il en réponse à une question du public l'interpellant sur l'opportunité tactique de son « populisme assumé » dans sa relation aux médias : « je ne fais pas de populisme anti-médiatique, je fais une critique du système médiatique, qui est beaucoup 269 plus fine que ce que vous avez l'air d'en avoir retenu. » C'est la même démarche qu'entreprend Jean-François Copé pour défendre Nicolas Sarkozy, victime de la qualification « populiste »/« populisme » : « quand le président de la République en appelle au peuple, il ne s'attaque pas aux élites intellectuelles », « ce serait ridicule. » En revanche, « il dénonce plutôt la main mise d'un petit microcosme qui 270 paralyse le débat de fond en lui préférant l'ironie facile et les caricatures trompeuses » . Henri Guaino expose de même : « La politique est toujours confrontée aux passions populaires. La question est de savoir si elle se laisse entraîner par elles pour le pire ou si elle les canalise pour le meilleur. Si vous ne prenez pas en compte les passions, vous risquez d'avoir les colères. A force de rejeter dans le populisme toute attention portée à ce qu'éprouvent les peuples, on finira par conduire le monde sur des chemins tragiques qu'il a déjà empruntés », et de conclure : « critiquer les corps intermédiaires, ce n'est pas 271 être populiste. » C'est également à la même démarche que recours Jean-François kahn en février 2009 pour défendre François Bayrou, qui subit alors sa deuxième « vague » de qualification « populiste »/« populisme » sur la période, lorsqu'il rétorque à Xavier Bertrand (alors secrétaire général du parti majoritaire) et à l'UMP entière, qui revendique l'héritage politique du général de Gaulle : « est-ce que les gaullistes auraient pensé que parler du peuple pour le peuple, c'est du populisme ? Je ne pense pas. Mais peut-être que l'UMP 272 a un vrai problème avec le peuple. » Ici, la redéfinition positive de l'élément justifiant la qualification « populiste »/« populisme » permet en plus de porter une attaque sur un adversaire politique. L'idée selon laquelle la qualification « populiste »/« populisme » serait inappropriée pour désigner ceux qui entendent « parler du peuple au peuple » rejoint la manière dont Jean-Luc Mélenchon interpellait le huit juillet 2010 dans l'émission 268 Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean- luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012 269 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012 270 « Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http://www.lefigaro.fr/flash- actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-l-intuition-que-sarkozy-sera-reelu.php, consultée le 27/06/2012 271 « Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère" », par Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider, mise en ligne le 31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/henri-guainone-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-la-colere_1678568_1471069.html, consultée le 27/06/2012 272 « Bayrou dénonce l'«atlantisme» de Sarkozy », par Rodolphe Geisler, mise en ligne le 09/02/2009, http://www.lefigaro.fr/ politique/2009/02/09/01002-20090209ARTFIG00319-bayrou-denonce-l-atlantisme-de-sarkozy-.php, consultée le 27/06/2012 49 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Politiquement Show sur LCI : « Les Français rejettent les élites. Les Français sont-ils populistes ? Non, ils sont souverains. C'est le peuple qui commande, en république », ajoutant que le peuple « en a jusque là d'avoir comme réponse des leçons de morale à chaque fois qu'il se fâche », ce qui fait écho à la réflexion d'Alexis Brézet lors de la même émission et à laquelle le futur candidat du Front de Gauche avait apporté son soutien : « Si on passe son temps à dire au peuple, quand il s'énerve, quand il s'exaspère, et parfois pour 273 des bons motifs : « c'est du populisme », ben ça va l'énerver encore plus » . Ainsi, si la qualification « populiste »/« populisme », dépréciative, recouvrirait une réalité qu'il est légitime d'attaquer, la confusion se ferait au niveau de ce qui est reproché, qui n'aurait pas - ou mal - été compris. Ceux qui sont ainsi attaqués ne mériteraient pas pareille désignation. Finalement, les rejets directs de la qualification « populiste »/« populisme » semblent d'une manière générale peu nombreux sur la période de la part des sujets étudiés comparativement aux autres réactions. Une proportion non négligeable d'entre eux provient d'ailleurs non de l'un des quatre candidats de l'élection présidentielle de 2012 mais de soutiens politiques, peut-être moins inscrits dans la démarche de stratégie argumentaire utilisée à propos de la qualification « populiste »/« populisme » et du concept « populisme » que leurs candidats. Ainsi le diagnostic effectué par la littérature savante dans des études antérieures à notre période d'étude d'une tendance marquée à refuser la qualification « populiste »/« populisme » (déjà à nuancer s'agissant du Front National depuis 1988 et surtout le début des années 1990) ne peut plus convenir s'agissant de la période 2007-2012. Néanmoins, les quelques exemples à disposition témoignent le plus souvent de constructions argumentaires relativement élaborées, les seuls rejets directs non appuyés semblant ressortir de la réaction spontanée, voire impulsive. On notera l'absence dans ce registre de la seule Marine Le Pen, candidate d'un parti qui a depuis près de deux décennies déjà prit l'habitude de retourner l'accusation « populiste » à son profit, voire à se qualifier comme tel, ainsi que nous l'avions rappelé précédemment, et qui de toutes façons n'a mobilisé que fort peu la notion sur la période étudiée. Ce rejet direct n'est cependant pas la seule manière dont les sujets étudiés ont pu, sur la période, dénier sa pertinence à la qualification « populiste »/« populisme » quand elle leur était accolée. 2. Un rejet indirect : l'usage accusatoire de la qualification « populisme »/« populiste » à l'endroit d'adversaires politiques Dans la rhétorique politique, la distinction d'avec un adversaire qu'il s'agit de désigner et de caractériser fait partie des figures imposées et quasi incontournables. Ainsi l'emploi de la qualification « populiste »/« populisme » à l'endroit d'adversaires, désignés explicitement ou non, de même que la dénonciation du « populisme » en général peuvent être interprétés comme une manière de se prémunir contre cette qualification. Lorsque celui qui recours à ce procédé est d'ores et déjà ou bien a été fréquemment désigné comme tel, il s'agirait plutôt bel et bien de rejeter sans le dire explicitement l'usage de la qualification pour soi-même. Cependant, les usages relevés de ce procédé inciteraient plutôt à conclure à une différenciation du rapport au concept « populisme » et à la qualification 273 Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012 50 IIème partie : Les réactions négatives « populiste »/« populisme » suivant le statut de l'usager de la notion. En effet, le seul des quatre sujets l'ayant ainsi utilisée est Nicolas Sarkozy, et ce dans le cadre explicite de ses fonctions de président de la République, sur une période s'achevant en octobre 2010, soit alors qu'il n'était pas encore à proprement parler entré en campagne et donc conservait avant tout son rôle institutionnel. Nous avons pris néanmoins le parti de les inclure dans l'étude, d'abord car ils sont présents en quantité non négligeable rapportée au total des occurrences de la mobilisation de la notion par Nicolas Sarkozy et d'autre part car l'hypothèse de travail avancée plus haut sur l'utilité indirecte comme moyen de rejeter la qualification « populiste »/« populisme » sur le mode : « si je dénonce le populisme/les populistes, c'est que moi-même je ne suis pas populiste » nous a semblé suffisamment valable. En tant que président de la République et à l'occasion des vœux officiels aux corps constitués et aux agents de la fonction publique le onze janvier 2008, Nicolas Sarkozy a assuré avoir « été, depuis trente ans, de ceux qui ont dénoncé le plus vigoureusement le 274 discours populiste et facile dirigé contre l'État et contre les fonctionnaires » , offrant ainsi une caractérisation de ce que peut être un « discours populiste » pour son dénonciateur. Neuf mois plus tard, dans son discours sur la mobilisation pour l'emploi du vingt-huit octobre et alors qu'avait éclaté la crise économique mondiale, il fustigeait la « démagogie » et le « populisme » de « ceux qui (...) disent : « Pourquoi a-t-on donné de l'argent 275 aux banques ?" » . Ce faisant, il mettait en valeur son action publique comme fondamentalement « anti populiste ». Associant encore « populisme » et « démagogie », il dénonçait à l'occasion du colloque du cinquantenaire du Conseil Constitutionnel le trois novembre : « la première menace contre les droits de l'Homme, c'est de laisser le champ libre aux populismes, qu'ils soient de gauche ou de droite, aux démagogues, de tous 276 les côtés, et, au fond, aux adversaires de la démocratie » , jugement particulièrement sévère à l'encontre du « populisme » et qu'on trouve rarement en termes aussi directs et explicites dans les propos ou les écrits des commentateurs et journalistes. Précisant et approfondissant la relation établie entre « populisme » et « démagogie », il précisait encore le vingt-quatre mars 2009 dans son discours à Saint-Quentin : « chacun doit s'efforcer de ne 277 pas céder à la démagogie, car comme toujours la démagogie engendre le populisme » . Toute cette séquence sur cinq mois - d'octobre 2008 à mars 2009 - constitue, avant la campagne présidentielle de 2012, la période de plus grande densité de mobilisation par Nicolas Sarkozy du « populisme ». Ceci peut concourir à expliquer les deux traits communs à toutes ces utilisations : le rapprochement avec la « démagogie » d'une part, et d'autre part la désignation d'un objet indéterminé, le ou les « populisme(s) », toujours menaçant et contre lequel son action publique est dirigée. Les deux dernières occurrences avant la campagne de la mobilisation du « populisme » par Nicolas Sarkozy ne comportent pour leur part chacune qu'un seul de ces deux traits. 274 http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/voeux-aux-corps-constitues-et-aux-agents-de- la.6875.html, consultée le 26/06/2012 275 http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/discours-sur-la-mobilisation-pour-l-emploi.5201.html, consultée le 26/06/2012 276 http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/colloque-du-cinquantenaire-du-conseil.5208.html, consultée le 26/06/2012 277 http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2009/discours-a-saint-quentin.6478.html, consultée le 26/06/2012 51 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 En effet, si en mars 2011 il dénonçait « la montée des « populismes" », insistant « sur la nécessité pour la « droite républicaine » de « rassurer les Français », en mettant en avant 278 les valeurs d'autorité, d'ordre, de sécurité » , ces « populismes » demeurent un non-dit indéterminé, d'autant que la pluralité des usages journalistiques à la notion et l'absence d'actualité spécifiquement associée au « populisme » à ce moment empêchent d'avoir la moindre présomption quant à ce qui est visé. A l'inverse, en octobre 2011, il a certes pourfendu « la « démagogie » et le « populisme" », mais il visait là clairement « la gauche », sans toutefois « jamais la citer », ce qui n'empêchait pas la journaliste écrivant l'article d'en 279 conclure : « pas de doute, la campagne est lancée. » Ainsi que nous l'avons mentionné, il ne nous semble pas que ces mobilisations de la notion relèvent de la stratégie discursive en vue de rejeter la qualification « populiste »/« populisme », mais bien plutôt de la conséquence de l'adoption par Nicolas Sarkozy de la perspective de son rôle institutionnel de président de la République. Elles nous apportent néanmoins des éléments de réflexion sur l'antagonisme des perceptions de la qualification « populiste »/« populisme » comme du concept « populisme » suivant la place comme acteur ou comme observateur de la scène politique, le président de la République se situant, au moins dans ses interventions officielles plus ou moins ritualisées et suivant la sensibilité gaullienne de « l'homme au-dessus des partis », dans la seconde catégorie plutôt que dans la première. En revanche, ses mobilisations de la notion dès lors qu'il passe dans la perspective de l'homme politique menant campagne ou s'occupant de stratégie politique en diffèrent sensiblement et le placent en porte-à-faux avec ses usages précédents. Ce contraste, spectaculaire et temporellement très situé à partir du moment où Nicolas Sarkozy entre en pré-campagne, rend particulièrement visible la distinction entre « le temps de la politique » et « le temps des institutions ». Il est un autre type de rejet indirect, assuré cette fois sans doute possible, et qui n'a été mobilisé que par un seul des quatre sujets. Il s'agit de la démarche consistant, pour dénier toute pertinence à la qualification « populiste »/« populisme », de dénier toute pertinence au concept « populisme », qui aura été sur la période une caractéristique de Jean-Luc Mélenchon. 3. Un rejet indirect : le déni de toute pertinence au concept « populisme » Nous nous trouvons là face à une stratégie discursive qui a été, sur la période et parmi les sujets étudiés, une caractéristique propre à Jean-Luc Mélenchon. La qualification « populiste »/« populisme » s'appuyant notamment sur une conceptualisation du « populisme », en attaquant la légitimité de cette dernière, le qualifié manifeste une forme de rejet de l'emploi de la qualification, sur le mode : « votre accusation est fallacieuse car elle n'a au fond pas de sens ». 278 « Nicolas Sarkozy tente de rassurer son camp », par Solenn deRoyer, mise en ligne le 09/03/2011, http://www.lefigaro.fr/ politique/2011/03/09/01002-20110309ARTFIG00696-nicolas-sarkozy-tente-de-rassurer-son-camp.php, consultée le 27/06/2012 279 « Sarkozy sonne la charge contre la gauche », par Judith Waintraub, Charles Jaigu, Solenn de Royer, mise en ligne le 12/10/2011, http://www.lefigaro.fr/politique/2011/10/11/01002-20111011ARTFIG00760-sarkozy-sonne-la-charge-contre-lagauche.php, consultée le 27/06/2012 52 IIème partie : Les réactions négatives Cette démarche de déni de toute pertinence au concept « populisme » a ceci de particulièrement intéressant qu'elle entend s'appuyer sur des travaux de sciences politiques pour opérer son rejet indirect de la qualification « populiste »/« populisme ». Il nous faut donc tout à la fois nous intéresser à la manière dont la littérature scientifique a abordé la question de la pertinence du concept « populisme » et analyser les ressorts argumentaires utilisés par Jean-Luc Mélenchon. Le premier constat qui s'impose au lecteur lorsqu'est abordé par la littérature le concept « populisme » est son manque général de précision : « La littérature [sur le populisme] est 280 abondante mais confuse. Et les équivoques nombreuses. » , affirme Alexandre Dorna, ce que confirment Ernesto Laclau : « une des caractéristiques de la littérature consacrée au 281 populisme est la réticence - ou la difficulté - à donner à ce concept un sens précis » ; ou encore Nonna Mayer : « Que faut-il entendre au juste, toutefois, par « populisme » ? L'expression est à la mode. Mais il n'y a pas, comme le notent tous les auteurs qui ont 282 cherché à le définir, de terme plus insaisissable. » Si l'hypothèse d'une incapacité ou d'un manque de volonté des analystes à conférer au concept « populisme » un sens précis 283 peut contribuer à expliquer ce phénomène , celle qui est généralement retenue par les auteurs est celle d'une imprécision intrinsèque de la notion elle-même, qui rendrait vaine toute démarche d'explicitation trop poussée. Alexandre Dorna évoque au propos du populisme « un concept trop évasif et 284 équivoque », « quelque chose de bizarre et de négatif » , « une figure polymorphe, 285 énigmatique » et Maryse Souchard une « notion aux aspects multiples, aux contours trop 286 souvent flous » , tandis que Jean-Pierre Rioux pointe « l'élasticité de ce pseudo-concept, introduit toujours sous bénéfice d'inventaire par les professeurs de sciences politiques mais 287 si peu et si mal inventorié par les acteurs eux-mêmes » et dénonce ce « vocable si peu 288 289 conceptuel » que Serge Halimi qualifie carrément d'« épithète informe » tandis que Henri Deleersnijder parle de « concept fourre-tout, véritable auberge espagnole du langage 290 idéologique en mal de précision » . Cet aspect « fourre-tout » du concept, fréquemment mis en avant, est étroitement associé à ce que Pierre-André Taguieff nomme « l'indétermination conceptuelle de ce 280 281 282 283 Alexandre Dorna, 1999, p.4 Ernesto Laclau, 2008, p.15 Nonna Mayer, 2009, p.140 Laclau n'hésite ainsi pas à avancer la thèse selon laquelle « l'impasse de la théorie politique quand elle traite du populisme n'a rien d'accidentel, elle a ses racines dans les limites des instruments ontologiques dont dispose actuellement l'analyse politique ; le « populisme », en tant qu'écueil théorique, exprime quelques-unes des limites inhérentes à la manière dont la théorie politique a cherché à savoir comment les agents sociaux « totalisent » l'ensemble de leur expérience politique. » (Ernesto Laclau, 2008, p.16) 284 285 286 287 288 289 290 Alexandre Dorna, 1999, p.3 Alexandre Dorna, 1999, p.6 Maryse Souchard, 2010, p.15 Jean-Pierre Rioux, 2007, pp.7-8 Jean-Pierre Rioux, 2007, p.7 Serge Halimi, 1998, p.115 Henri Deleersnijder, 2009, p.118 53 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 291 terme », « son ambiguïté, son ambivalence, voire son caractère équivoque » , qui serait notamment due à sa racine étymologique : le mot « peuple » ayant lui-même une signification imprécise et ambiguë, son dérivé « populisme » aurait hérité de ces caractéristiques sémantiques, ce que souligne Jean-Luc Mélenchon lors d'un discours au théâtre Dejazet le 18 novembre 2010 : « D'abord, ils ne savent même pas dire ce qu'est le peuple ! C'est qui, le peuple ? Ah, et bé ils ne savent pas. Et bien ça ne m'étonne pas, parce que Platon non plus, il ne savait pas, Aristote non plus, il ne savait pas. Dès qu'ils 292 arrivaient à « peuple », ça donnait une catégorie confuse. » Partant, le « peuple » étant une « catégorie confuse », le « populisme » qui en dérive directement ne peut que l'être tout autant. « Toute définition du populisme reste en pratique fortement indexée aux univers de sens sémantiquement, socialement et culturellement construits qui s'attachent au mot 293 « peuple" » , analysent de même Yves Mény et Yves Surel, qui insistent notamment sur le rôle des usagers du terme dans le maintien de cette imprécision : « l'une des originalités du populisme tient le plus souvent à son indétermination relative et sa propension à jouer de l'ambiguïté propre au terme de « peuple », plusieurs mouvements mobilisant différentes 294 notions à la fois. » L'ambiguïté constitutive du concept « populisme » serait ainsi à attribuer au moins en partie aux usages non savants qui en sont faits. En effet, le populisme « séduit toujours les amateurs de notions floues applicables à un ensemble indéfini de phénomènes. Et il comble les « terribles simplificateurs » qui emploient les mots politiques comme des 295 massues. » « Cette extension incontrôlée du mot populisme lui a fait perdre tout sens précis, l'a privé de toute valeur conceptuelle. S'appliquant à tout ou presque, il n'identifiait 296 plus rien » , diagnostique ainsi Pierre-André Taguieff, pour qui « la nouvelle carrière médiatique de populisme, hors des limites des études savantes » a donné lieu à une 297 « désémantisation croissante » de la notion. La signification du terme s'efface derrière ses usages stratégiques : « d'outil conceptuel, populisme s'est transformé en arme idéologique. À sa relative valeur de connaissance s'est substituée une puissance d'illégitimer et de 298 stigmatiser des adversaires » . Or ces usages s'inscrivent dans un contexte où « depuis le début des années 1990 », « le discours incluant une quelconque référence au « populisme » se présente (...) globalement comme un discours antipopuliste ». Il s'ensuit donc que « "Populisme », dans le discours médiatique ordinaire, nomme (...) une menace. Mais une 299 menace indistincte, quasi indéfinissable. » Ainsi, qualifier de « populiste » tel personnage ou tel mouvement « n'est qu'une concession à l'esprit du temps ou l'effet banal d'une 300 mode langagière. » D'une manière générale, « le suremploi à toutes fins utiles prive 291 292 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.19 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012 293 294 295 296 297 298 299 300 54 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.182 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.216 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.7 Pierre-André Taguieff, 1998, p.6 Pierre-André Taguieff, 1998, p.6 Pierre-André Taguieff, 1998, p.6 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.94 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.19 IIème partie : Les réactions négatives un mot de sa pertinence, le rend non seulement inutile, mais aussi dangereux, voire 301 nuisible » . En particulier, « le suremploi polémique a fait » du mot « populisme » 302 « une étiquette disqualificatoire » indépendamment de toute caractérisation savante du concept : « les principaux utilisateurs contemporains, journalistes et acteurs politiques, du mot « populisme » (...) supposent la validité [du] consensus dénominatoire : on postule 303 qu'est « populiste » tout ce qui est ordinairement qualifié de « populiste ». » . Orianne Ledroit remarque ainsi que « la campagne présidentielle de 2007, dans son traitement médiatique ainsi que dans les discours des candidats, a été le lieu d’un usage souvent 304 grossier (au sens d’approximatif et ascientifique) et stratégique du mot » - l'utilisation du 305 terme « populisme » s'avérant souvent « évasive et confuse » - et que « la plupart des acteurs emploie le terme de manière vague et imprécise caractérisant les candidats eux306 mêmes de « populistes » et non leurs discours » . Ces usages non savants auraient ainsi participé d'« un processus historique de perte de signification du mot, le réduisant à n’être 307 utilisé majoritairement qu’à des fins stratégiques. » Cependant, les usages non savants seuls n'expliquent pas le manque de précision du concept « populisme » dans la littérature savante : s'il est difficile à cerner, c'est aussi que les études qui en sont faites témoignent quasi unanimement du fait qu'il recouvre des phénomènes difficiles à relier ensemble. D'après Laclau, le populisme « n'est pas une constellation fixe mais une série de configurations discursives qui peuvent être mises 308 à contribution de façons très différentes » , et pour Laurent Bouvet « la variété des mouvements politiques qui se rattachent ou que l'on rattache au populisme est telle qu'il est impossible non seulement d'en dresser la liste mais encore d'en déterminer à coup 309 sûr les traits exacts » . La confusion ne serait donc pas une caractéristique des usages non savants du terme mais toucherait également les analyses savantes, les deux sphères n'étant pas hermétiques l'une à l'autre : « Avant 1990, dans le discours politique comme dans le discours sur le ou la politique, le mot « populisme » pouvait paraître sous-employé. La situation semble se renverser au cours de la dernière décennie du XXe siècle : ce terme en « isme », jusque-là plutôt oublié, revient en force dans l'espace public, saturant tous les registres du langage politique, donnant l'impression d'être suremployé, et ce, de l'analyse savante du politique à la conversation ordinaire sur « la politique ». Il est donc arrivé une singulière mésaventure au mot « populisme » : il est récemment devenu populaire, en se transformant en opérateur d'illégitimation. Sa signification n'en est devenue que plus 310 obscure » , expose Pierre-André Taguieff, cette inflation soudaine des usages expliquant que « le champ du nouveau populisme est plus large que celui qu'occupent les formations 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.17 Pierre-André Taguieff, 2007-1, pp.17-18 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.109 Orianne Ledroit, 2006-2007, p.77 Orianne Ledroit, 2006-2007, p.28 Orianne Ledroit, 2006-2007, p.37 Orianne Ledroit, 2006-2007, p.12 Ernesto Laclau, 2008, p.206 Laurent Bouvet, 2012, p.231 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.93 55 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 311 labellisées « populistes ». » Ce que confirme Henri Deleersnijder : « Le terme reste rétif à la moindre définition digne de ce nom. Depuis qu'il a refait surface au cours des années 1980 dans les médias et chez les commentateurs politiques, il paraît prendre un malin plaisir à s'esquiver dès qu'on essaye d'éclairer sa signification ou de l'enfermer dans un moule théorique, tant sont diverses les manifestations du phénomène qu'il recouvre et les causes 312 qui sont à leur origine. » Ainsi, lorsque Laclau expose que « le référent du mot « populisme » devient flou, parce que de nombreux phénomènes qui ne sont pas traditionnellement considérés comme 313 populistes sont rangés dans cette catégorie » , il se réfère aussi bien à l'extension considérable du champ d'application de la qualification « populiste »/« populisme » dans les commentaires journalistiques et politiques qu'aux études savantes sur le concept « populisme » qui, prenant la suite des premiers ou les précédant, participent de cette multiplication des usages et de cette extension de leur champ d'application. Les analyses savantes du concept « populisme » sont partie intégrante des usages récurrents du terme, or ce dernier « n'est pas appliqué à un phénomène délimité mais à une logique sociale dont les effets sont transversaux », ce qui explique que la notion « n'a pas d'unité 314 référentielle » . Ainsi, si « aucune théorie générale n'a encore réussi à expliquer le 315 phénomène populiste » , si « aucune théorie [du populisme] ne s'est portée garante 316 d'une logique rationnelle et scientifique » , si « certains sociologues dédaignent ou 317 refusent » « de traiter le populisme comme une idéologie » , c'est précisément parce qu'il tient du phénomène, c'est-à-dire que le concept « populisme » s'attache avant tout à l'étude de caractéristiques de mouvements et personnes précises, situés chacun dans un contexte historique, politique et rhétorique, ce qui explique que « le populisme n'aurait 318 pas une pensée cohérente, encore moins précise. » En effet, Bertrand Badie expose que « l'imprécision » du concept « populisme » « tient pour beaucoup à la richesse et à la 319 diversité des expériences qu'elle recouvre » , ajoutant que « la notion ne peut être utilisée de manière discriminante ni pour décrire une idéologie, ni pour désigner un moment de 320 l'Histoire, ni pour qualifier un régime politique » , car « il est souvent délicat - voire arbitraire - de distinguer un mouvement populiste d'une opposition façonnée par des idéologies 321 d'inspiration nationaliste, fasciste ou socialiste » , diagnostic que partage Jean-Pierre Rioux, pour qui « le populisme » « n'est en lui-même ni une théorie politiquement fortement 322 constituée, ni un programme économique, ni un projet social, ni une franche utopie » . De 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 56 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.33 Henri Deleersnijder, 2009, p.111 Ernesto Laclau, 2008, p.11 Ernesto Laclau, p.11 Alexandre Dorna, 1999, p.106 Alexandre Dorna, 1999, p.10 Alexandre Dorna, 1999, p.7 Alexandre Dorna, 1999, p.7 Bertrand Badie, 1997, p.226 Bertrand Badie, 1997, p.226 Bertrand Badie, 1997, p.227 Jean-Pierre Rioux, 2007, p.13 IIème partie : Les réactions négatives même, pour Patrick Charaudeau, « [les] différentes figures du populisme montrent que l’on ne peut proposer de celui-ci une définition unique, car les contextes historiques et politiques 323 l’infléchissent de différentes façons » . Cela rend « toute tentative de généralisation » 324 « imprudente » : « dire que le populisme contemporain n'est pas conforme à un populisme idéologique « idéal », c'est oublier que le populisme dépend fondamentalement 325 des contextes, des acteurs et des usages dont il est l'objet » , rappellent MM. Mény et Surel. D'après Serge Halimi, c'est précisément à cause du « relâchement intellectuel » et de « l'inculture historique » qui les caractérisent que « tel un virus, l'adjectif populiste 326 contamine le journalisme et l'analyse sociale » . Ainsi, l'oubli des contextes dans lequel évolue la notion dans l'analyse politique serait préjudiciable à ses usages, savants comme non savants. D'après Alain Bergounioux, « le terme populisme peut prendre aujourd'hui un sens qui 327 le détache d'une appartenance trop précise » , ce qui conforte l'argumentaire de Jean-Luc Mélenchon selon lequel « le populisme [est] devenu un concept tellement fourre-tout que 328 ça ne veut plus rien dire » . Ceux qui emploient la qualification « populiste »/« populisme » seraient selon lui « incapables de nous dire en quoi consiste le populisme qu'ils dénoncent, car il y en a 50 définitions différentes », et il n'hésite pas à dénoncer « la bêtise de ceux qui utilisent un mot qu'ils sont incapables de définir », réclamant avant de répondre à l'accusation « que quelqu'un [veuille] bien se donner le mal de [lui] dire ce que c'est, 329 parce qu'il y a au moins dix définitions possibles » , diagnostic partagé avec Bergounioux qui avance que « la complexité que l’étiquette populiste engendre » est notamment 330 due aux « cent pistes définitoires » qui « nous sont ouvertes » . Et cette multiplicité des définitions impliquerait une perte de sens du mot « populisme » et, partant, du concept « populisme ». A l'appui de cette thèse, Mélenchon invoque à l'occasion du forum Libération-Marianne l'expertise savante d'Alexandre Dorna sur le thème, répliquant à une intervenante qui le qualifiait de « populiste » que « le livre d'Alexandre Dorna » lui apprendrait « que le « populisme » est un mot qui ne veut rien dire, tellement il a 331 eu de significations différentes. » Un an auparavant, à l'occasion du premier discours donné après l'officialisation de la proposition de sa candidature pour 2012 au Front de Gauche, il avait déjà invité « à aller se renseigner, lire le bouquin d'Alexandre Dorna » sur le sujet avant d'expliquer : « il n'y a pas de typologie du populisme, il n'y a qu'une 323 324 325 326 327 328 Patrick Charaudeau, 2011, p.103 Alexandre Dorna, 1999, p.114 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.195 Serge Halimi, 1998, p.115 Alain Bergounioux, 1997, p.229 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012 329 Vidéo : « Mélenchon : "DSK représente si mal la gauche" », mise en ligne le 05/01/2011, http://www.europe1.fr/MediaCenter/ Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/, consultée le 29/06/2012 330 331 Maurice Tournier, 2004, p.1 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012 57 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 332 phénoménologie : on observe des gens que l'on qualifie de « populistes" » . On a ainsi « qualifié de « populiste » le régime de Peron, on qualifie de « populiste » le régime d'Orban » 333 alors que « les deux n'ont rien à voir » , précise-t-il en février 2012 à l'émission Objectif Élysée sur LCP. Dans son livre Populisme. Le fantasme des élites, Benoît Shneckenburger, philosophe et militant politique du Parti de Gauche, chef du service d'ordre de Jean-Luc Mélenchon, confirme : « les chroniqueurs et polémistes qui voient des populistes partout ne 334 s'accordent pas sur la typologie du phénomène » , et de dénoncer « un concept instable 335 et fourre-tout » ou encore de contester sa valeur théorique car il serait « un mot qui ne 336 renvoie à aucun phénomène uniforme » . En citant l'auteur d'un ouvrage reconnu comme « de référence » sur le sujet (Alexandre Dorna est l'auteur du Que sais-je ? consacré au populisme), en ayant dans son entourage proche l'auteur d'un ouvrage (paru au cours de la campagne présidentielle) prétendant à la démarche d'ouvrage savant consacré au populisme et qui a signé sur son site de campagne et sur son blog des argumentaires militants sur le sujet, le candidat du Front de Gauche appuie sur la littérature savante sa démarche de délégitimation du concept « populisme ». Ce refus d'accorder la moindre pertinence au concept « populisme » au prétexte qu'il provient au départ de l'analyse de phénomènes distincts et contextualisés se retrouve d'ailleurs dans une partie de cette littérature savante, notamment dans la critique que fait Annie Collovald du travail de Pierre-André Taguieff sur le populisme, qu'elle accuse de « brouill[er] les pratiques politiques du passé » et « les enjeux cognitifs de la notion » en assimilant « des analyses du « populisme » relevant de paradigmes différents, sans que soient relevés les changements de perspectives qui les ont motivées ». Il affranchirait « le 337 concept de « populisme » de ses enjeux à la fois politiques et savants » , transformant « un mot qui a visé d'abord à désigner des problèmes locaux successifs (en Amérique latine puis aux États-Unis) en un concept « autosuffisant », doté d'une vie et d'une filiation propres, et à lui seul explicatif de phénomènes politiques disparates regroupés dans une même « essence populiste" » et conférant « une vérité purement théorique à sa définition 338 du « populisme ». » Les démarches visant à caractériser le concept « populisme » au-delà de la simple étude des phénomènes qualifiés de « populistes » usent d'une acceptation large de la notion, éloignée de la précision attendue par certains. Employant indifféremment le singulier et le pluriel pour désigner le concept « populisme », Pierre-André Taguieff expose que « l'irréductible ambiguïté des populismes » provient de ce qu'ils sont « régis par un principe d'omnipotence syncrétique : ils peuvent entrer en composition avec n'importe 332 Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le 22/01/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-luc-melenchon-candidature-pour-2012_news, consultée le 18/06/2012 333 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012 334 335 Benoît Schneckenburger, 2012, p.38 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 336 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 337 338 58 Annie Collovald, 2004, p.85 Annie Collovald, 2004, pp.88-89 IIème partie : Les réactions négatives 339 quel contenu idéologique, se jumeler avec n'importe quelle orientation politique » , que « la caractéristique formelle peut-être la plus spécifique des populismes est leur haute compatibilité avec n'importe quelle idéologie politique (...), avec n'importe quel programme 340 économique (...), avec diverses bases sociales et divers types de régime » , ce qui explique que « le populisme (...) ne [peut] être considéré ni comme une idéologie politique, ni 341 comme un type de régime » . La détermination du populisme comme objet nécessairement ambigu du fait de son champ d'application en-dehors des classifications et autres topologies politiques est résumée ainsi : « il n'y a pas d'idéologie populiste, il n'y a que des synthèses 342 entre les protestations populistes et telle ou telle construction idéologique » . Au final, « ce qui reste commun aux populismes, c'est une rhétorique structurée par le 343 blâme et l'éloge » , ce qui fait du concept « populisme » « un style politique, fondé sur le recours systématique à la rhétorique de l'appel au peuple et la mise en œuvre d'un mode 344 de légitimation de type charismatique » et qui, étant « idéologiquement non fixé », « n'est ni de droite, ni de gauche », ce qui expliquerait qu'« il y a des leaders populistes à droite et 345 à gauche, et aux deux extrêmes. » Une approche minimaliste du concept « populisme » comme style et comme rhétorique qui peut être interprétée comme la manifestation d'une absence de réel contenu à la notion et sert d'argument à Jean-Luc Mélenchon pour contester la pertinence du concept « populisme » : « la comparaison en termes de communication, 346 je m'en fiche, de ça. Regardez les contenus » réplique-t-il dans l'émission Questions d'Infos sur LCP le douze janvier 2011 à la journaliste qui lui demandait s'il se voyait des similitudes avec le style oratoire de Jean-Marie Le Pen. Récusant la valeur du concept « populisme » suivant cette approche au nom de laquelle nombre de commentateurs politiques l'ont rapproché de la candidate du Front National, il accuse ceux qui y accordent 347 348 crédit de « rendre tout confus » et de « brouill[er] les repères » , répondant encore le premier février 2012 dans l'émission Questions d'Infos sur LCP à Frédéric Haziza qui évoquait « trois populismes : celui de Marine Le Pen, le votre [Jean-Luc Mélenchon] et celui de François Bayrou » : « Si c'est pour qu'il y ait autant de populismes que de candidats, 349 qu'est-ce ça éclaire ? Rien du tout. » , tandis que Benoît Shneckenburger dénonce les 339 340 341 342 343 344 345 346 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.9 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.31 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.9 Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.67 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur LCP dans Questions d’Info le 12/01 », mise en ligne le 13/01/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xgjvqr_jean-luc-melenchon-sur-lcp-dans-questions-d-info-le-12-01_news, consultée le 18/06/2012 347 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon candidat à la présidentielle de 2012 », mise en ligne le 21/01/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xgo05k_jean-luc-melenchon-candidat-a-la-presidentielle-de-2012_news, consultée le 18/06/2012 348 Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting- a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012 349 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012 59 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 350 « effets délétères dans le monde médiatique » de l'utilisation du terme « populiste » , soulignant : « actuellement, il n'est pas un jour sans que la presse se fasse l'écho d'une 351 menace, d'une poussée populiste, qualifiant tout et son contraire de populisme » et 352 concluant au vide sémantique du terme, parlant même d'« un mot dénué de concept » . La caractérisation du concept « populisme » comme style et rhétorique rejoignant de fait les emplois journalistiques de la qualification « populiste »/« populisme », elle aurait atteint une limite en permettant des parallèles entre personnalités (et mouvements) d'orientations politiques radicalement différentes. « Il existe (...) un usage à la fois extensif et englobant du populisme qui étend si loin ses frontières qu'il en perd toute signification et toute capacité 353 à rendre intelligible la réalité politique » , dénoncent Yves Mény et Yves Surel, tandis que Henri Deleersnijder attribue à la multiplication des usages cette déperdition sémantique : « Il arrive que les mots, à l'imitation des prix, soient entraînés dans des spirales inflationnistes. Suremployés, ils ont une regrettable tendance à se vider de leur sens et, comme essoufflés par un usage débridé, finissent pas ne plus être porteurs de la moindre signification. Celui 354 de « populisme » est sur la bonne voie pour connaître ce funeste sort. » En effet, comme le rappelle Pierre-André Taguieff, « qu'un substantif existe n'implique 355 pourtant pas l'existence d'une substance correspondante. » Cependant, même si le concept est mal utilisé dans ses usages courants, à ses yeux « le populisme existe indépendamment des manipulations dont il fait l'objet et il existe autrement qu'elles ne le 356 présentent dans un discours de dénonciation » , thèse que ne partage absolument pas Annie Collovald, pour qui « le « populisme » n'est (...) qu'un mot dont la définition est dépourvue de toute signification sociologique. Il a tout d'une réalité « de papier » faite par et pour des intellectuels politiques et pour la lutte politique, et celle d'un objet construit par et 357 pour l'analyse d'un phénomène concret pensé contre ses « façades » les plus officielles. » Voyant dans le concept « populisme » « une notion qui n'a aucun sens sociologique », qui « échappe à tous les acquis de la sociologie politique (en les ignorant le plus souvent) » et « ne renvoie à aucune pratique ou réalité politique concrète », bref « une pure abstraction pour intellectuels politiques affectionnant les « universaux » dépouillés de tout référent concret », « un mot sans substance véritable autre que les usages qu'ils [les savants et 358 commentateurs politiques] en font » , elle s'attache surtout à en déceler l'utilité supposée pour ses utilisateurs et ses promoteurs. Tout d'abord, le concept « populisme » est censé permettre de « rassembler collectivement les historiens du « contemporain » autour d'un « mot totem » permettant de changer la labellisation d'une des droites sans pour autant bouleverser l'ensemble 359 de leur ordonnancement ni renoncer à l'activité de classification » , d'offrir « le 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 60 Benoît Schneckenburger, 2012, p.9 Benoît Schneckenburger, 2012, p.11 Benoît Schneckenburger, 2012, p.38 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.10 Henri Deleersnijder, 2009, p.118 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.288 Pierre-André Taguieff, 2007-2, pp.247-248 Annie Collovald, 2004, p.50 Annie Collovald, 2004, pp.46-47 Annie Collovald, 2004, p.32 IIème partie : Les réactions négatives 360 moyen de réconcilier tous les intellectuels politiques inconciliables. » Notion purement intellectualiste, le concept « populisme » aurait « d'enrôlements en enrôlements » conquis « son évidence auprès de différents savants, évidence renforcée par leurs usages collectifs 361 de la notion et par son succès élargi auprès des autres commentateurs politiques. » Offrant à peu de frais un véritable confort intellectuel aux examinateurs de la scène politique, il aurait ainsi pour objectif non de décrire un objet politique mais de fournir une étiquette sans contenu à des objets différents dont les similarités sont trop marginales pour établir rigoureusement une catégorie qui leur soit commune. D'une manière plus large, le populisme « n'est pas une qualification scientifiquement fondée. Il est une réponse 362 apaisante et moralement sécurisante aux inquiétudes des élites dirigeantes. » Ainsi, l'emploi que fait Collovald du concept « populisme » correspond à un paradigme identifié par Orianne Ledroit : « le mot n’existerait pas en tant que tel et ses contours seraient difficilement saisissables hors de tout contexte. Les emplois qu’en font les politiques ainsi que les commentateurs (journalistes ou autres spécialistes) donneraient la substance au 363 terme lui-même. » En d'autres termes : en parlant de « populisme », on n'identifierait pas une notion existante mais on donnerait corps à un concept sans existence. Ensuite, le concept « populisme » servirait en France spécifiquement à la description du Front National et banaliserait celui-ci sur la scène politique : « Dépossédée de ses localisations intellectuelles et politiques, la notion de « populisme » fait perdre alors de vue que lorsqu'on parle de « populisme », on parle aussi du FN. Or, le moins que l'on puisse dire c'est qu'une telle formulation abstraite du « populisme » pose beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résout pour saisir la réalité frontiste. (...) Elle « désidéologise » le populisme au moment même où le FN connaît une forte radicalisation idéologique (...). Elle se substitue au label d'extrême-droite au moment où (...) le FN rassemble tous les mouvements d'extrême-droite en France (...). Elle dirige l'attention vers les groupes populaires alors que s'intensifient les stratégies en direction des élites politiques et intellectuelles (...). Elle insiste sur la démagogie (...) alors que s'amplifie un travail d'implantation systématique dans des catégories socioprofessionnelles ciblées (...). Non seulement le « populisme » efface les pratiques et les stratégies politiques que le FN adopte, mais il offre à celui-ci une identité bien plus respectable dans le discrédit que le label de fascisme ou d'extrême droite qui le 364 qualifiait précédemment. » En premier lieu, l'usage pour qualifier ce parti du concept « populisme » « propose une nouvelle classification du FN, bien plus floue et bien moins stigmatisante que les 365 précédentes labellisations de fascisme ou d'extrême-droite auxquelles elle se substitue » , ce qui « tempère l'intolérable et modifie les critères rendant inacceptable en démocratie 366 un mouvement politique. » L'utilisation même du concept « populisme » servirait ainsi à « dédiaboliser » voire « légitimer » le Front National sans qu'il ai changé le moins du monde : « le « populisme » conduit ainsi les savants qui en font usage à participer, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non, à la production de la légitimité politique du 360 361 362 363 364 365 366 Annie Collovald, 2004, p.73 Annie Collovald, 2004, p.46 Annie Collovald, 2004, p.74 Orianne Ledroit, 2006-2007, p.42 Annie Collovald, 2004, pp.112-113 Annie Collovald, 2004, p.10 Annie Collovald, 2004, p.52 61 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 FN en reconstruisant son illégitimité : à la différence du « fascisme » et du « poujadisme » auxquels il succède, le « populisme » est une injure polie qui continue à discréditer, mais 367 dans les formes de la convenance savante. » Cette dimension de l'emploi du concept « populisme » pour caractériser le Front National aurait d'ailleurs été remarquée de celuici : « Les dirigeants frontistes comprennent, en outre, d'autant mieux l'intérêt qu'ils ont de se reclasser politiquement (et de perdre l'image radicalisée de leur passé groupusculaire) que ce reclassement a d'abord été un enjeu de lutte interne sur la meilleure façon de diffuser leur cause et de la faire aboutir : en restant entre eux ou en s'essayant à la voie électorale. Tout comme ils ont pu reprendre à leur compte, grâce à leurs compétences intellectuelles et politiques, des analyses scientifiques (par exemple la démographie de l'immigration), ils ont su trouver, dans le « national-populisme » et le « populisme », une ressource identitaire et l'assumer, à un moment où ils entendaient interdire, par le recours au droit, l'emploi de l'étiquette d'extrême droite ou de droite extrême, pour imposer celle de « vraie droite » 368 qu'ils réclamaient contre la droite classique. » Au final, « les spécialistes du populisme qui croyaient les injurier et les condamner en les taxant de « populistes » ont offert aux 369 dirigeants frontistes des sources inestimables de légitimation. » En second lieu, le concept « populisme » appliqué spécifiquement au Front National ne serait pas un outil performant car il imposerait « une conception des raisons du succès frontiste fondées uniquement sur ses propres performances électorales. » Les spécialistes « s'enferment dans un raisonnement circulaire qui explique le FN par le FN lui-même et imputent à sa propre « force intérieure » sa force politique (...). En quelque sorte, les spécialistes du « populisme du FN » s'enferment dans leur propre définition du « populisme » puisque celle-ci devient la seule explication de ce qu'ils se proposent 370 justement d'expliquer. » Ainsi, « le « populisme » du FN est une erreur scientifique ; à la manière des prénotions du sens commun, elle fait écran non seulement à ce qui anime les mobilisations électorales et politiques des groupes populaires mais également à 371 ce qui constitue l'énigme politique du FN. » Parler de « populisme » au sujet du Front National serait ainsi se tromper d'objet et ce serait commettre une erreur d'interprétation de la réalité de ce parti politique que de le qualifier ainsi car cela lui prêterait « un caractère 372 populaire. » Sur ce point précis, Alexandre Dorna rejoint Annie Collovald en estimant que 373 « le développement du lepénisme n'est pas un simple phénomène populiste » et que « le masque populiste du FN dissimule assez efficacement son véritable visage idéologique et politique. D'autant mieux que ses adversaires politiques cultivent l'utilisation du terme 374 populisme sans lui donner une définition précise. » Parler de « national-populisme » ou de « populisme » pour qualifier le Front National serait recourir à « la manière la plus commode 375 d'identifier le FN, faute d'une autre plus précise" » , une solution de facilité plus qu'une 367 368 369 370 371 372 373 374 375 62 Annie Collovald, 2004, p.53 Annie Collovald, 2004, p.208 Annie Collovald, 2004, p.209 Annie Collovald, 2004, p.50 Annie Collovald, 2004, p.16 Annie Collovald, 2005, p.2 Alexandre Dorna, 1999, p.83 Alexandre Dorna, 1999, p.83 Alexandre Dorna, 1999, p.89 IIème partie : Les réactions négatives désignation rigoureuse.Dire du Front National qu'il est « populiste », ce serait commettre la double erreur de dissimuler sa vraie nature et de ne pas parvenir à en rendre compte au travers de l'emploi de ce nouveau vocabulaire. De plus, utiliser ainsi ce qualificatif dérivé du mot « peuple » permettrait de dénigrer ce dernier. « En désignant maintenant le FN, le mot s'est complètement retourné, qui projette désormais les traits « vulgaires » et « dégradants » prêtés avant aux leaders « populistes » 376 sur les groupes populaires supposés les suivre aveuglément. » « La désignation rend licites des verdicts d'une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leurs 377 voix à ce parti. Le « populisme du FN » (...) ouvre un sur un blâme du « peuple" » et autoriserait une « dévaluation des groupes populaires » qui permettrait aux « intellectuels politiques auxquels appartiennent les savants mobilisés dans l'interprétation du FN », au nom de « l'expertise » devenue « une vertu scientifique et démocratique », de délégitimer « tous ceux pour qui le « peuple » est une cause à défendre » au profit de « ceux pour qui 378 le « peuple » est un problème à résoudre. » Le « brouillage idéologique » du concept « populisme » ferait perdre au peuple « les raisons politiques de son action, sa dignité et 379 la dignité des causes qu'il défendait. » Enfin, la qualification « populiste »/« populisme », trop étroitement liée au concept « populisme » pour l'en distinguer tout à fait, se réduirait à une injure politique, faisant de ce qui est censé être une catégorie politique neutre et descriptive un terme polémique : « alors qu'il prétend être une catégorie d'analyse, le « populisme » est pourtant 380 également une injure politique. » De même, pour Deleersnijder, l'usage de la qualification « populiste »/« populisme » contient « une intention polémique affirmée : mettre au pilori 381 un adversaire et disqualifier sans appel son discours » et le concept « populisme » serait 382 « un concept suremployé et stigmatisant » . Tout ce développement permet à Annie Collovald de nier la pertinence du concept « populisme » en le désignant dans les titres des chapitres de son ouvrage Le « populisme 383 du FN », un dangereux contresens (2004) comme « juste un mot et non un mot juste » , 384 « un lieu commun repoussoir » et, non sans un certain humour « une notion à écran 385 total » Précisons qu'une partie du diagnostic de Collovald sur le rôle de la qualification « populiste »/« populisme » vis-à-vis du Front National est partagée par Taguieff, qui précise qu'avant que le « national-populisme » ne s'impose dans la littérature savante, « être antiraciste, c'était être antilepéniste », autrement dit que « le « racisme populaire » était en quelque sorte monopolisé, exprimé et exploité politiquement par un seul parti, 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 Annie Collovald, 2004, p.108 Annie Collovald, 2004, p.10 Annie Collovald, 2004, pp.17-18 Annie Collovald, 2004, p.90 Annie Collovald, 2004, p.9 Henri Deleersnijder, 2009, p.118 Henri Deleersnijder, 2006, p.108 Annie Collovald, 2004, p.46 Annie Collovald, 2004, p.71 Annie Collovald, 2004, p.80 63 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 le Front National, le type même du parti d'extrême-droite. » Mais « les choses se sont compliquées lorsque la caractérisation de son leader comme « populiste » s'est diffusée comme une nouvelle évidence dans l'espace médiatique. » A partir de ce moment, pour être 386 « antilepéniste » il fallait être « antipopuliste. » A ceci près que si pour Annie Collovald la qualification comme « raciste » (ou « fasciste ») du Front National rend compte de la réalité politique de ce parti, telle n'est pas l'appréciation de Pierre-André Taguieff, pour lequel au contraire ces désignations antérieures posaient plus de problèmes encore que la qualification « populiste »/« populisme », quand bien même celle-ci serait dévoyée par ses usages courants. Maurice Agulhon établit le même parallèle entre les désignations « populiste » et « fasciste », soulignant que « «populisme» est la façon dont la mode de notre siècle finissant désigne l'objet historique que la mode du milieu du siècle aurait qualifié de 387 « fasciste ». » Le mot « populisme » aurait remplacé dans le commentaire politique le mot « fascisme » employé par la génération précédente et jugé désormais non-pertinent, pour 388 « désigner la famille des démagogues dangereux » . Autre convergence entre Collovald et Taguieff : le constat que le recours à la qualification « populiste »/« populisme » sert également à s'en prendre au peuple, entendu comme les « classes populaires ». Il estime même que « les classes populaires ont été poussées vers le Front National, puis accusées 389 d'être tendanciellement lepénistes » . Certaines des caractérisations du concept « populisme » avancées notamment par Annie Collovald dans la perspective de la dénonciation d'une notion vide ont été néanmoins intégrées aux utilisations non savantes sur le sujet. Ainsi, dans une tribune en ligne publiée sur le site du Monde, Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel, parle d'un mot « piégé » qui « brasse des représentations négatives » et relève « pour une large part d'un jugement politico-moral disqualifiant qui s'est développé à mesure de la prospérité ou de 390 l'enracinement du Front national dans l'espace politique français. » Finalement, le concept « populisme » serait une dérive d'une caractérisation d'un parti politique précis (le Front National), qui serait peu performante car elle se substituerait sans la remplacer fidèlement à sa caractérisation antérieure (son caractère supposé « fasciste » ou « poujadiste » d'extrême-droite) et lui confèrerait un blanc-seing démocratique injustifié, en une notion générale vide de sens car décontextualisée et qui se révèle à l'usage un dénigrement du peuple (compris comme les « catégories populaires ») et une injure politique. Cette thèse est reprise et soutenue par Jean-Luc Mélenchon. « Au début, on a commencé par euphémiser ; on ne voulait pas dire « fasciste » pour monsieur Le Pen parce que les gens de droite trouvaient que « extrême-droite », ça sonnait mal, donc on a commencé à dire « populiste » sans se soucier trop de savoir ce que ça voulait dire. 391 Et ensuite, c'est devenu le mot qui tue. » expliquait-il à l'émission Ce soir ou jamais le 386 387 388 389 390 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.13 Maurice Agulhon, 1997, p.225 Maurice Agulhon, 1997, p.225 Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.12 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 391 Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste- melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012 64 IIème partie : Les réactions négatives quatorze octobre 2010. Puis le dix-huit dans un discours au théâtre Dejazet : « Quand ils ont arrêté d'appeler Le Pen « fasciste », ils l'ont appelé « populiste », parce que c'était une manière de dire que le peuple était toujours dangereux parce qu'il ne pouvait vouloir 392 qu'un énergumène comme celui-là. » Et le seize mars 2011 à Toulouse : « On dit « populisme » et on met dans le même sac tout le monde, parce que ça permet de faire deux choses : premièrement ça brouille les repères, deuxièmement ça permet une fois de 393 plus d'insulter le peuple » , expliquant le premier mai 2011 dans l'émission Dimanche Soir politique sur i>Télé que « les belles personnes mettent dans la barque populiste tout ce qu'ils espèrent en quelque sorte stigmatiser », que « le mot « populiste » sert à stigmatiser 394 tous ceux qui ne sont pas d'accord avec les belles personnes. » De la même manière, il dénonçait le vingt-sept janvier 2012 à l'occasion du forum Libération-Marianne de Grenoble « un mot fourre-tout qui a permit à un certain nombre de gens d'enlever la dimension fasciste du contenu du Front National pour le rebaptiser en populiste et donc diluer la signification politique du Front National, et éventuellement mettre dans le même sac des gens comme 395 moi », ajoutant : « Ça ne sert qu'à ça, un mot comme celui-là ! » , manière d'insister sur la délégitimation du concept « populisme » en le réduisant à un mot utilisé dans une perspective purement tacticienne, et notamment comme injure politique disqualifiante. « On jette ça à la figure uniquement pour dire : « écoutez, vous êtes rien, alors dégagez, circulez, 396 parce que vous parlez pas comme nous" » , expose-t-il à l'émission Ce soir ou jamais le quatorze novembre 2010, avant d'établir lors de son discours au théâtre Dejazet quatre jours plus tard un parallèle avec une autre injure disqualifiante, subie celle-là pendant la campagne pour le « non » au referendum sur le TECE : « Quand nous parlons, aussitôt les voilà aussitôt qui crient : « populisme ! » On a tout entendu. Quand on faisait campagne en 2005, c'était : « xénophobes !" » De même, pour Benoît Schneckenburger, le concept « populisme », « usé spécifiquement pour qualifier le Front National pendant les années 1980 (« national397 populisme ») sans employer les qualificatifs « fasciste » et « néo-fasciste" » , le 398 « réhabilite » en faisant précisément « oublier son origine néofasciste » , ce qui « dans le champ médiatique », « a permis de faire peu à peu oublier la lignée historique de 399 cette extrême droite. » Au passage, « le populisme devient de manière ambivalente une 400 401 catégorie d'analyse et un terme de dénigrement » , un « anathème » . 392 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012 393 Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting- a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012 394 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur I>Télé dans l'émission "Dimanche soir Politique" le 01/05/2011 », mise en ligne le 02/05/2011, http://www.dailymotion.com/video/xiig82_jean-luc-melenchon-sur-i-tele-dans-l-emission-dimanche-soir-politiquele-01-05-2011_news, consultée le 20/06/2012 395 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012 396 Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste- melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012 397 398 Benoît Schneckenburger, 2012, p.8 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 399 Benoît Schneckenburger, 2012, p.12 65 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 A la thèse d'Annie Collovald sur le rôle de la qualification « populiste »/« populisme » du Front National permise par le concept « populisme », le co-président du Parti de Gauche ajoute la dénonciation de l'amalgame de son courant ou de sa personne avec le Front National ou Marine Le Pen. Là encore, la littérature savante a abondamment abordé cette dimension. Pour Serge Halimi, l'amalgame créé par la qualification « populiste »/« populisme » a une véritable « fonction idéologique » : « dissimuler les vrais rapports de pouvoir en fabriquant une catégorie qui fait diversion, substituer l'étude d'analogies de style à l'analyse 402 des clientèles sociales et des programmes » . Les usages de « populisme » en font « un opérateur d'amalgame permettant de stigmatiser, en les rassemblant abusivement, un certain nombre de phénomènes sociopolitiques ou de leaders jugés détestables ou 403 redoutables par celui qui les dénonce » , explique Pierre-André Taguieff, tandis que JeanFrançois kahn dénonce ceux qui « ont fait le jeu de Jean-Marie Le Pen » en employant « systématiquement le mot « populiste » pour faire taire ceux qui dérangent », car si oser dire « écoutez, il y a des gens trop riches, des gens trop pauvres » est « populiste », « si tout le monde est populiste » (citant à la suite « Le Pen », « Bayrou », « Ségolène Royal », « Mélenchon » et « Sarkozy », soit les quatre sujets de la présente étude ainsi que l'ancienne candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007), alors « les gens [se] disent : « il n'y a pas de différence, c'est la même chose, qu'est-ce qu'on nous emmerde avec « ce monsieur n'est pas gentil, il est méchant, etc », de toutes façons vous dites que tout le monde est 404 populiste ! » Donc on peut voter pour l'un, pour l'autre, ça n'a aucune importance" » . Outre sa dimension première, c'est-à-dire l'association abusive visant à discréditer, l'amalgame aurait ainsi également pour conséquence de faire perdre de vue les contenus politiques présentés et de banaliser le Front National sur la scène politique nationale. Le 24 octobre 2010 à l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé, le candidat du Front de Gauche aborde la question de l'amalgame entre lui-même et le Front National sur le mode de l'utilité supposée qu'y verraient ses utilisateurs : « à quoi ça sert de tout brouiller, de dire : « tout ça c'est du pareil au même » ? Je sais à quoi ça sert : à nous traiter de « populistes » et a donc rappeler que la seule classe dangereuse du pays, c'est le 405 peuple. » Là, l'amalgame serait un préalable à la qualification « populiste »/« populisme » et une condition de celle-ci, dans le but de dénigrer le « peuple », ce qui est dans son optique l'un des rôles du concept « populisme ». Par la suite, il inverse la perspective, et l'amalgame, de condition rendant possible la qualification « populiste »/« populisme », devient une conséquence de l'usage du concept « populisme », qualifié d'« abjecte diversion qui efface 406 les frontières entre le Front de gauche et le Front national » , qui, selon Clémentine Autain, serait « un mot qui vise à mettre dans le même sac des projets qui n'ont rien à voir, 400 401 402 403 404 Benoît Schneckenburger, 2012, p.8 Benoît Schneckenburger, 2012, p.13 Serge Halimi, 1998, p.115 Pierre-André Taguieff, 2007-1, pp.17-18 « Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le- grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012 405 Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012 406 « Mélenchon lance sa campagne et vise DSK », par Sophie de Ravinel, mise en ligne le 24/01/2011, http://www.lefigaro.fr/ politique/2011/01/23/01002-20110123ARTFIG00235-melenchon-lance-sa-campagne-et-vise-dsk.php, consultée le 27/06/2012 66 IIème partie : Les réactions négatives 407 diamétralement opposés, en l'occurrence le Front national et le Front de gauche » . De la même manière, Jean-Luc Mélenchon reproche le douze décembre 2010 lors de l'émission Soir 3 Politique à son interlocuteur de parler de « populisme » s'agissant du Front National et de Marine Le Pen, demandant : « Pourquoi ne dites pas « fascisme » ? Vous ne savez pas que le Front National, c'est un système fasciste ? Vous n'avez pas lu leurs textes ? Non, vous dites « populiste » parce que l'instant d'après ça vous permet de dire que moi aussi je suis un populiste, et comme ça vous avez organisé votre petit paysage avec les deux 408 partis centraux et les deux extrêmes. » Au-delà de l'injure disqualifiante et de l'amalgame avec le Front National, ce qui est reproché à la qualification « populiste »/« populisme », c'est donc de n'être qu'un moyen d'établir artificiellement une barrière d'espèces médiatique entre « cercle de la raison » (pour reprendre la célèbre expression d'Alain Minc) et « cercle du populisme » dans la scène politique française. Le concept « populisme » serait ainsi « une facilité » permettant de « mettre dans le même sac le bourreau et sa victime, c'està-dire l'extrême-droite » et la gauche que représente Jean-Luc Mélenchon lui-même, « un 409 camp qui a toujours été persécuté par l'extrême-droite » , ainsi qu'il l'explique à l'émission Question d'infos sur LCP le 1er février 2012. Le recours au concept « populisme » serait 410 donc « une honte » pour « des intellectuels aussi raffinés que ceux qui [l]'ont pris à partie » . Le concept « populisme », devenu un « concept tellement fourre-tout que ça ne veut plus rien dire » à force de permettre de mettre « dans le même sac quelqu'un qu'on accuse cinq minutes avant d'être un crypto-communiste » et « quelqu'un dont on dit que c'est l'extrêmedroite fascisante » serait vide de sens, ce que « tout le monde » aurait « compris », à 411 part « quelques personnes qui font de la propagande de basses œuvres » . Si l'utilisation même du concept « populisme » est donc « une honte » pour les « intellectuels », JeanLuc Mélenchon se déclare en revanche « heureux » le 17 février dans l'émission Objectif Élysée de voir « le nombre d'intellectuels qui disent : « c'est bon, arrêtez avec [le concept 412 « populisme »], ça n'aide pas à penser !" » Une fois encore, on voit à l'œuvre dans la démarche de Jean-Luc Mélenchon de délégitimation du concept « populisme » et donc de la qualification « populiste »/« populisme » l'utilisation d'une légitimation intellectuelle. Benoît Shneckenburger apporte à la campagne du candidat du Front de Gauche sa contribution théorique en réponse au concept « populisme », dont le rôle serait « moins 413 de décrire un phénomène réel que de produire un effet d'amalgame » , en rapprochant « deux projets politiques que tout oppose : le post-fascisme du Front National et la révolution 407 « Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http:// www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html, consultée le 27/06/2012 408 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon à Soir 3 Politique le 12/12/2010 », mise en ligne le 12/12/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xg3l8i_jean-luc-melenchon-a-soir-3-politique-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012 409 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012 410 Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012 411 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/xoudkk_j- l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012 412 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012 413 Benoît Schneckenburger, 2012, p.13 67 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 414 citoyenne du Front de Gauche. » Car l'un des effets de l'amalgame produit par le concept « populisme » serait de rendre le Front National acceptable en le transformant « pour être aussi populiste que le « non » au traité constitutionnel européen, ou le Chirac 415 de la fracture sociale. » L'amalgame ne serait donc pas qu'une erreur d'appréciation associant abusivement des objets pourtant parfaitement distincts mais occuperait bel et bien la fonction consciente ou inconsciente d'habiliter la présence du Front National sur la scène politique française (présence dont, selon Jean-Luc Mélenchon, la légitimité est tout sauf évidente). Il occuperait également une fonction d'injure à l'endroit des qualifiés, pris individuellement ou collectivement associés dans la catégorie « populistes » : « tous finissent par être qualifiés de populistes, le terme se faisant insulte : Tapie et Le Pen, Berlusconi et Chirac, Mélenchon et le Guide Michelin jusqu’au couple Merkozy dans une 416 tribune récente d’Yves Charles Zarka. » . « Dans cette confusion, tout et tous y passent. 417 Même ceux que l'on attend le moins » , précise-t-il encore. Pour Alain Bergounioux, l'amalgame produit par l'emploi du terme « populisme » empêche l'émergence de classifications plus pertinentes pour désigner les phénomènes ainsi regroupés collectivement. Il s'attarde sur le cas du parallèle entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie établi pendant les années 1990 à l'aide de la qualification « populiste »/« populisme » : « Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie ont tous deux été qualifiés de populistes, alors que tous deux proclament leur opposition politique radicale, que le premier cultive le nationalisme et la xénophobie, et que le second se dit européen et antiraciste. La personnalisation et la force médiatique n'empêchent pas qu'il s'agisse pour Le Pen et le Front national, pour Bernard Tapie et le Parti radical, de deux réalités politiques contradictoires. Si évidemment, on veut dire simplement que tous les deux sont des démagogues, pourquoi avancer la notion de populisme, qui, en plus, n'est pas comprise par l'opinion. Il vaut sans doute beaucoup mieux revenir à des définitions qui cernent de plus près les appartenances et les traditions auxquelles se rattachent le « lepénisme » et le « tapisme », l'extrémisme de droite pour le premier, la démagogie pour 418 le second. Le citoyen s'y retrouverait mieux. » Pour Patrick Charaudeau, c'est « l'usage courant » (comprendre : « non savant ») de la qualification « populiste »/« populisme » qui a fait perdre « de sa spécificité » au concept « populisme » : « il est souvent employé comme un équivalent de démagogique, de poujadiste, parfois de raciste ou même de fasciste – 419 amalgames qui ne peuvent apporter de grande lumière sur son sens. » De même Yves Mény et Yves Surel s'interrogent sur la pertinence du changement d'étiquette des partis d'extrême-droite européens auparavant identifiés « au fascisme ou au nazisme remis au goût du jour » et désormais désignés comme « populistes » : « pourquoi (...) ne pas appeler les choses par leur nom et donner à ces partis ou mouvements la seule qualification qu'ils 420 méritent ? » Nonobstant toutes les réserves qui peuvent être formulées par la littérature 414 415 Benoît Schneckenburger, 2012, p.25 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 416 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 417 418 419 420 68 Benoît Schneckenburger, 2012, p.26 Alain Bergounioux, 1997, p.229 Patrick Charaudeau, 2011, p.101 Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.10 IIème partie : Les réactions négatives savante sur la pertinence ou non de ces qualifications antérieures, ce diagnostic sur le caractère inapproprié du terme par rapport à d'autres va au-delà de la critique opérée par Annie Collovald et reprise par Jean-Luc Mélenchon : on n'aurait non pas affaire à un changement d'étiquette d'un mouvement politique précis qui serait malvenu car il ne permettrait plus de rendre compte de sa réalité mais à une substitution d'un terme imprécis et impropre à toute une série de qualifications politiquement appropriées : « fascisme », « racisme », « poujadisme », « extrême-droite », « démagogie », etc, et cette substitution concernerait aussi bien les usages non savants que les études savantes du concept « populisme ». Benoît Shneckenburger dénonce la caractérisation a minima du populisme opérée dans la littérature savante et qui rejoint ses usages non savants : si « le populisme » n'est « qu'une affaire de personnalité, de leader », alors il n'est qu'« une forme de démagogie ». Et d'ajouter : « le mot existe, il est clair et bien établi. Pourquoi alors 421 le remplacer ? » L'inadéquation supposée du concept « populisme » comme de la qualification « populiste »/« populisme » pour rendre compte des réalités politiques ainsi désignées proviendrait de ce qu'il « souffre d'un usage variable. » Concept qui « se veut (...) scientifique et rigoureux », il « agit immédiatement au sein d'un monde politique où les frontières entre acteurs, commentateurs et analystes sont troubles. Techniquement, on dira 422 qu'il oscille entre un usage descriptif et un prescriptif. » Finalement, on a pu observer de la part de Jean-Luc Mélenchon une structuration rapide de l'argumentaire de délégitimation du concept « populisme », laquelle sert de manière explicite à « désamorcer » la qualification « populiste »/« populisme » en avançant implicitement ou explicitement son supposé caractère purement tacticien. Survenu très tôt, dès la première « vague » des utilisations de la qualification à son endroit durant l'automne 2010, l'argumentaire déployé repose implicitement essentiellement sur la critique apportée au concept « populisme » par Annie Collovald. S'appuyant explicitement sur la littérature savante (notamment le Que sais-je ? consacré au populisme écrit par Alexandre Dorna) ainsi que sur les éléments argumentaires conçus par Benoît Shneckenburger (dont le statut à mi-chemin de la démarche savante et du militantisme politique est particulièrement ambigu), qui reprennent en les fondant sur une analyse approfondie les éléments utilisés par le candidat du Front de Gauche sur toute la période, Jean-Luc Mélenchon entend apporter à sa démarche la légitimation théorique qu'il conteste précisément au concept « populisme » et partant à la qualification « populiste »/« populisme » (laquelle, privée de socle savant, est censée relever au mieux de la facilité au pis de la malhonnêteté). Cet argumentaire peut se résumer en quelques points récurrents : le concept « populisme » n'a aucun sens car personne ne sait le définir d'ailleurs la littérature savante récuse ses emplois journalistiques il désigne des expériences et mouvements politiques qui n'ont rien à voir entre eux en particulier, il sert à retirer au Front National son étiquette infamante « fasciste » ce faisant il permet d'injurier le peuple en prétendant qu'il serait intrinsèquement bas et vil de plus il permet à bon compte de discréditer les mouvements qui dérangent en les amalgamant au Front National 421 422 Benoît Schneckenburger, 2012, p.23 Benoît Schneckenburger, 2012, p.23 69 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 ce qui permet aux commentateurs de s'abstenir de se pencher sur les contenus politiques proposés et de se contenter de comparaisons en termes de communication donc la qualification « populiste »/« populisme » ne veut rien dire et ceux qui l'utilisent l'emploient par facilité sans se poser de questions Suivant les situations, tous les points de l'argumentaire ne sont pas nécessairement évoqués, mais on retrouve quasi systématiquement le premier et le dernier points, pas toujours du reste utilisés dans cet ordre. A partir d'octobre 2010, moment des premières émissions spécialement consacrées au « populisme de Mélenchon », l'argumentaire est parfaitement rodé et on trouve fort peu d'incohérences ni même de différences entre les différentes évocations, quel que soit le cadre. Néanmoins, lorsqu'il est utilisé en réponse à un interlocuteur qui questionne Jean-Luc Mélenchon sur l'emploi le concernant de la qualification « populiste »/« populisme », l'évocation du rôle spécifique supposé du concept « populisme » pour désigner de manière moins disqualifiante que « fasciste » le Front National n'est généralement pas présente. En revanche, si l'interlocuteur établit luimême le parallèle avec le Front National sans parler de « populisme », la qualification « populiste »/« populisme » est avancée à son initiative par Jean-Luc Mélenchon, sur le mode de la dénonciation d'une manœuvre tacticienne retorse. Section 2 : La contre-attaque 423 « Le recours aux mots dans l'espace politique est une arme subtile et à double tranchant. » Sont dites « de contre-attaque » les réactions à la qualification de « populiste » qui rejettent cette qualification en mettant en cause l'auteur de la qualification ou un adversaire politique. Font partie des réactions « de contre-attaque » les réactions qui attribuent le caractère « populiste » à la cible de la contre-attaque, les réactions qui prêtent aux auteurs de la qualification de « populiste » des arrières-pensées inconscientes ou inavouables. 1. Le détournement de l'accusation sur un adversaire politique Avec l'acceptation extrêmement large de la « contre-attaque » retenue, entrent dans cette catégorie les méthodes rhétoriques visant à détourner la qualification « populiste »/« populisme » subie en direction d'une autre cible. Si, ainsi que l'a mentionné Orianne Ledroit dans son mémoire sur les usages stratégiques du mot « populiste », on a pu retrouver relativement fréquemment (rapporté au nombre d'occurrence de la mobilisation du « populisme » par les candidats Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen) pendant la campagne présidentielle de 2007, notamment chez Ségolène Royal et François Bayrou, cette manœuvre consistant à répondre à l'accusation : « le populiste, ce n'est pas moi, c'est l'autre ! », sur la période 2007-2012, les occurrences en ont été considérablement moins nombreuses. De manière assez surprenante, nous ne l'avons repérée que chez Jean-Luc Mélenchon, et à une unique occasion, pendant l'émission Dimanche + du dix-neuf février 2012 quand, invité par Anne-Sophie Lapix à commenter la « campagne à droite » de Nicolas Sarkozy, il soulignait : « on m'a beaucoup accusé de populisme, comme vous le savez, mais à force de crier au loup, quand il y est, plus personne ne le voit », étayant son diagnostic 423 70 Alexandre Dorna, 1999, p.6 IIème partie : Les réactions négatives sur le rôle qu'il attribue à Nicolas Sarkozy de « porte-parole » de l'« extrême-droitisation 424 de la droite » et au « discours du guide et du peuple » qu'il aurait tenu. Dans le même registre, Benoît Schneckenburger souligne ce qui lui semble être une disparité de traitement entre droite et gauche s'agissant de la qualification « populiste »/« populisme », affirmant que « lorsque la droite se veut encore plus proche du peuple, elle n'est pas qualifiée de 425 populiste, mais veut s'arroger le terme de populaire » et que cette « démagogie » « n'est 426 évidemment pas qualifiée de populiste. » Cette thèse d'une qualification « populiste »/« populisme » dont la visée tactique concernerait avant tout la gauche est présente dans la littérature savante. Ainsi, pour Serge Halimi, « il n'est pas innocent que, par le biais d'assimilations spécieuses, se développe, au nom de la lutte contre le populisme, une campagne contre les meilleures traditions de la 427 gauche » , tandis que pour Claude Javeau, « la tradition des sciences politiques a coutume de qualifier de « populistes » les partis ou mouvements qui se réclament d'un peuple aux contours assez imprécis, mal inséré dans l'État de droit ou ce qui prétend en tenir lieu, mais qui aurait la sagesse de ne pas prêter l'oreille aux sirènes du socialisme, sous les diverses 428 formes que celui-ci peut emprunter. » Rigoureusement, s'agissant du détournement de la qualification stricto sensus, nous devrions en rester là, car nous n'avons pas repéré sur la période d'autres mobilisations de la qualification « populiste »/« populisme » dans ce registre par nos sujets. Néanmoins, les deux derniers mois de la campagne présidentielle, et singulièrement le mois de mars 2012, ont vu de la part de Jean-Luc Mélenchon ce qui semble être une démarche non recensée de réponse à la qualification « populiste »/« populisme », que nous pourrions décrire comme le recours ironique à la qualification afin de souligner la reprise par d'autres candidats de propositions, orientations, expressions et thèmes qui lui avaient valu d'être ainsi qualifié. Après avoir hésité à créer dans la présente étude une catégorie spécifique pour ces mobilisations de la notion par Jean-Luc Mélenchon, ne sachant s'il fallait les classer parmi les réactions positives ou négatives, nous avons finalement pris le parti de les disposer parmi les catégories existantes, en signalant à chaque fois que nécessaire leur caractère atypique. Finalement, à l'exception d'une seule de ces mobilisations qui nous a semblé relever formellement de la démarche d'assomption directe, toutes nous ont semblé suffisamment proches de la démarche de détournement de l'accusation pour les intégrer dans la présente sous-partie. Ainsi le sept mars, lors de l'émission Expliquez-vous sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon pointait du doigt le fait de s'être fait « traiter de « populiste » depuis un an parce [qu'il] parlai[t] des oligarques » et « des riches », ce qui était considéré comme « un vocabulaire 429 insupportable », tandis que « maintenant, tout le monde y est » . De la même manière, il soulignait lors de son discours à La Réunion du vingt-cinq que « les idées, les mots, ça prend du temps pour faire son chemin », et notamment que quelques mois auparavant le mot 424 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Dimanche+" Canal+ », mise en ligne le 20/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/xouxi8_j- l-melenchon-dimanche-canal_news, consultée le 25/06/2012 425 426 427 428 429 Benoît Schneckenburger, 2012, p.54 Benoît Schneckenburger, 2012, p.55 Serge Halimi, 1998, p.116 Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.9 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news, consultée le 25/06/2012 71 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 d'ordre « à bas les riches » était « "populiste », c'est entendu », tandis que « maintenant » les commentateurs et les personnalités politiques « se sont tous aperçus qu'il y avait des 430 riches » . Plus précisément, lors de l'émission Spéciale élection présidentielle d'Europe 1 du douze, il avait visé Nicolas Sarkozy qui venait « de dire que l'on peut comme méthode de conviction utiliser la désobéissance européenne », soit « la thèse » défendue par Jean-Luc Mélenchon « il y a quelques mois », « raison pour laquelle » les journalistes le « regard[aient] 431 de haut et le trait[aient] de « populiste" » . Après la thèse de la désobéissance européenne reprise par Nicolas Sarkozy, il exposait le vingt-sept à Lille que sa dénonciation de ceux qui, « dès qu'ils commencent à empiler », « fuient et désertent à l'étranger pour ne pas payer d'impôts » et qui avait valu « au début de la campagne » aux militants et sympathisants du Front de Gauche d'avoir été traité « de « populistes" » serait désormais largement 432 partagée : « il semble qu'ils se soient tous rendus compte qu'il y avait un problème. » Enfin, le dix-neuf avril, lors de son dernier discours de campagne à la Porte de Versailles à Paris, il faisait observer à ses partisans « comment tout d'un coup celui-ci s'est dit : « oh mais oui, la richesse est excessive, nous allons en prendre », et l'autre le lendemain qui dit : « on va courir derrière ceux qui se sauveraient" », soulignant que « c'était populiste, 433 ça, il y a quelques mois » . Cette stratégie discursive menée dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle revient en fait à un raisonnement qu'on peut interpréter de deux manières différentes comme une contre-attaque détournant l'accusation sur d'autres cibles : « si mes propositions, expressions et dénonciations qui m'ont valu d'être qualifié de « populiste » sont reprises par mes adversaires et par les journalistes, alors c'est que le populisme a fait florès », manière de diluer l'accusation dans une contre-accusation collective normalisant en quelque sorte le fait d'être populiste comme une dénégation du sens même de la qualification « populiste »/« populisme » : « si mes propositions, expressions et dénonciations qui sont désormais reprises par mes adversaires politiques et par les journalistes sont qualifiées de « populistes », alors c'est que cette qualification n'a aucun sens » Sémantiquement, vue l'importance parmi les mobilisations de la notion par Jean-Luc Mélenchon de la démarche de dénégation, il est probable que la seconde interprétation corresponde plus à son intention. Cependant, d'un point de vue formel, c'est bel et bien à la première que renvoie la construction syntaxique commune de ces mobilisations atypiques, ce qui justifie leur classification dans cette catégorie. Finalement, la contre-attaque « élémentaire » que constitue le détournement de l'accusation de populisme envers une autre cible, soit adversaire politique qualifié ou non ainsi, soit carrément l'énonciateur de l'accusation, n'a été que fort peu utilisée sur la période étudiée. Au contraire, c'est sous une forme plus élaborée que s'est figée cette tactique discursive : celle de l'accusation de mépris du peuple. 430 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news, consultée le 25/06/2012 431 Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news, consultée le 25/06/2012 432 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpqrc9_jean-luc-melenchon-discours-de-lille_news, consultée le 25/06/2012 433 Vidéo : « J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012, http://www.dailymotion.com/ video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versailles-a-paris_news, consultée le 26/06/2012 72 IIème partie : Les réactions négatives 2. La contre-accusation de mépris du peuple Sur la période étudiée, c'est Nicolas Sarkozy qui, dès le neuf décembre 2009, a le premier entrepris d'accuser ceux pour qui « la référence au peuple, c'est déjà (…) le commencement du populisme » d'entretenir « une forme de mépris » « du peuple », un « mépris » consistant à devenir « sourd aux cris du peuple, indifférent à ses difficultés, à ses sentiments, à ses aspirations », à ne pas prendre « en compte la souffrance des électeurs » et qui nourrirait 434 le (vrai) « populisme », contribuant au « succès des extrêmes » . Dans cette première version de la contre-accusation de mépris du peuple, le mépris qui serait manifesté par ceux qui portent l'accusation de « populisme » ne remet pas en cause la validité de la qualification « populiste »/« populisme ». Autrement dit : ce serait moins l'usage de la qualification que son mésusage pour désigner ce qui ne ressortirait pas du populisme mais du simple respect du peuple qui serait une manifestation de mépris envers le peuple. En revanche, pendant la campagne électorale de 2012, le même change son angle de contre-attaque en mettant en cause non pas de supposés mésusages de la qualification mais son usage même, qui serait révélateur d'un mépris manifesté au peuple. Ainsi, le seize février 2012 à Annecy, il dénonce « ceux qui se sont toujours méfiés du peuple, qui souvent ne se sont jamais présentés à une élection, considérant d'ailleurs que l'élection n'était pas l'endroit de la démocratie », pour qui « se soucier de ce que pense le peuple, de 435 ce que ressent le peuple, c'est se vautrer dans ce qu'ils appellent le « populisme ». » La qualification « populiste »/« populisme » ne fait alors plus partie d'un univers sémantique commun au candidat comme à ceux qu'il dénonce, mais est attribué exclusivement à ces derniers par le premier, qui ne lui reconnaît plus de validité. Le dix-neuf à Marseille, il vise encore « ceux qui pensent que se tourner vers le peuple c’est du populisme » : « au fond d’eux-mêmes ils trouvent sans doute que le peuple n’est pas assez raisonnable, que le peuple n’est pas assez intelligent et que mieux vaut ne pas demander son avis 436 au peuple » , tandis que le vingt-huit mars à Élancourt, ceux qui l'ont désigné comme « populiste ! » sont identifiés comme « une petite minorité parmi nos élites qui considèrent qu'il n'est jamais bon de (...) demander [leur] avis » aux citoyens, « qui préfèrent décider 437 dans leur coin, ensemble. » Enfin, le deux avril à Nancy, il fustige conjointement les accusations de « populisme » et d'« extrême-droite » à propos de sa proposition de recourir au referendum pour faire adopter une proposition en cas de blocage institutionnel ou semi-institutionnel à l'aide d'une anaphore sur six phrases associant dénégation du caractère d'« extrême-droite » de sa proposition, validité historique et idéologique (l'UMP se présentant comme héritière du gaullisme) d'icelle et accusation de défiance et de mépris du peuple à l'encontre des accusateurs : « Comme si l'extrême-droite avait jamais porté dans son cursus idéologique le referendum. Comme si le referendum n'avait pas été la base de 434 « Le Monde.fr : Pour le chef de l'Etat, « l'identité nationale est un antidote au communautarisme » », par Nicolas Sarkozy, mise en ligne le 09/12/09, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=1ff89992bb250493854cb0e877d87cec9bc701f490acef47, consultée le 27/06/2012 435 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en ligne le 16/02/2012, http:// www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M, consultée le 26/06/2012 436 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Marseille », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.youtube.com/watch? v=RrYUkXdU89Y, consultée le 26/06/2012 437 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.youtube.com/watch? v=Mjjh7lIZ-_I, consultée le 27/06/2012 73 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 la volonté gaulliste de rendre la parole au peuple. Comme s'il fallait se méfier du peuple. Comme si on était tellement tranquilles entre nous sans vous demander votre avis. Comme si les affaires devaient continuer comme s'il s'était rien passé. Comme s'il n'y avait pas eu 438 la crise. Et comme si vous, vous n'étiez pas assez intelligents pour comprendre. » De même, pour Jean-Luc Mélenchon le quatorze octobre 2010 dans l'émission Ce soir ou jamais sur France 3, l'utilisation de la qualification « populiste »/« populisme » correspondrait à une « théorie politique » : « il faudrait qu'en fait ça s'arrange entre nous, 439 les élites » . Le vingt-cinq dans l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé, il affirme plus explicitement : « ceux qui ont accusé et accusent les autres de populisme en général veulent dire une chose, c'est leur haine du peuple » et dénonce « l'oligarchie, c'est-à-dire une poignée de gens qui vivent entre eux, qui accaparent tous les leviers d'expression et d'argent et qui, à la tête de tout, décident de tout et donne les bons points et les mauvais points » 440 qui aurait décidé « que le peuple est haïssable. » Après que son « populiste ? j'assume » lors d'une interview donnée à L'Express a énormément fait couler d'encre, il explique lors de l'Interview d'Europe 1 soir du cinq janvier 2011 avoir utilisé cette expression forte « pour une raison » : marquer son opposition à « toutes ces belles personnes » qui « se donnent des 441 grands airs en regardant le peuple, qui pour eux est une masse confuse et dangereuse » , et encore le vingt-deux à l'occasion d'un discours lors du conseil national du Parti de Gauche, il expose, s'appuyant sur son « jeune camarade philosophe Benoît Schneckenburger » : « ce qui transparaît par-dessus tout, chez ceux qui dénoncent le populisme, c'est leur 442 haine du peuple. Voilà ce qu'ils détestent en réalité ! » Cette ligne argumentaire est suivie par Clémentine Autain qui, « interrogée par la journaliste Pascale Clark sur le terme de "populiste" évoqué à propos de Jean-Luc Mélenchon », « a expliqué qu'elle "n'aimait pas" ce terme » notamment car il témoignerait d'« une forme de mépris du peuple qui est rampant 443 depuis un certain nombre d'années de la part de l'oligarchie, de la pensée dominante » et en partie du moins insufflée par Benoît Schneckenburger, d'abord dans l'argument de la semaine « Populisme : le peuple en accusation » disponible sur le blog de Jean-Luc 444 Mélenchon , ensuite dans une tribune, « Le populisme, refuge des oligarques ? » publiée sur le site de campagne du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon et enfin dans son ouvrage Populisme, le fantasme des élites, qui reprend notamment en l'approfondissant le premier texte. Cette thèse y est constamment répétée : « fantasme des oligarques, le populisme exprime leur haine du peuple », car « le recours à la notion de populisme cache une forme 438 Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch? v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012 439 Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste- melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012 440 Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012 441 Vidéo : Mélenchon : « DSK représente si mal la gauche », mise en ligne le 05/01/2011, consultée le 29/06/2012, http:// www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/ 442 Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le 22/01/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-luc-melenchon-candidature-pour-2012_news, consultée le 18/06/2012 443 « Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http:// www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html, consultée le 27/06/2012 444 74 http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/ IIème partie : Les réactions négatives 445 ancienne de mépris pour le peuple » , « il faut comprendre ce que porte l'accusation 446 de populisme : un mépris du peuple » , « derrière la dénonciation des populismes se 447 cache en fait une crainte plus ancienne et plus constante, la peur du peuple » . En effet, selon lui, « l'utilisation d'un terme n'est jamais neutre, surtout quand elle joue de l'apparente 448 scientificité du mot » , et le mot « populisme » particulièrement connoté, permettrait d'exprimer sans le dire un profond mépris du peuple qui, selon lui, « constitue le fond 449 souvent refoulé de la pensée libérale » : « l'accusation de populisme masque en fait l'idée que l'appel à une forme plus directe ou plus impliquée du peuple reste fondamentalement illégitime, parce que le peuple serait, comme par nature, incapable de se gouverner lui450 même » . En effet, les « détracteurs du populisme » « veulent (...) s'arroger l'usage 451 de la raison et la dénier au peuple en accentuant le mépris pour le peuple. » Par conséquent, « ce qui reste fondamentalement en jeu c'est la simple reconnaissance de la 452 compétence du peuple à prendre en main son destin. » , car « accuser de populisme, 453 c'est travestir le principe même de démocratie » : « le danger principal que court la démocratie réside peut-être moins dans la résurgence du populisme que dans le renouveau 454 de l'oligarchie. » La crise de la démocratie « est paradoxalement accentuée par ceux-là même qui la regrettent : plutôt que de dire que les élites ne représentent pas bien le peuple, 455 ils estiment que le peuple ne peut plus être le sujet de la démocratie. » Si les utilisations de la qualification « populiste »/« populisme » seraient révélateurs d'une tendance élitaire à mépriser, voire haïr, le peuple (compris comme les classes populaires), le terme lui-même serait une marque de mépris, du fait de ses connotations et de son origine étymologique. C'est ce qu'expose Jean-Luc Mélenchon au théâtre Dejazet à Paris le dix-huit octobre 2010 : « C'est un mot prétexte, c'est un mot écran, c'est un mot fumée. Ça sert seulement à injurier, à disqualifier. Mais pour une raison : c'est parce que dans « populisme », il y a le mot « peuple », et qu'il leur faut dire : « le peuple est une classe dangereuse ». 456 C'est ça qu'ils veulent dire. » Il s'enorgueillit même le vingt-deux novembre d'être qualifié de « populiste », recevant « avec gratitude » « cette injure » puisqu'elle proviendrait de personnes qui auraient « peur à ce point du peuple » qu'elles penseraient « qu'un mot 445 « Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le 07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 Benoît Schneckenburger, 2012, p.14 Benoît Schneckenburger, 2012, p.41 Benoît Schneckenburger, 2012, p.21 Benoît Schneckenburger, 2012, p.16 Benoît Schneckenburger, 2012, p.16 Benoît Schneckenburger, 2012, p.45 Benoît Schneckenburger, 2012, p.17 Benoît Schneckenburger, 2012, p.18 Benoît Schneckenburger, 2012, p.18 Benoît Schneckenburger, 2012, p.67 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012 75 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 457 décliné du peuple comme « populisme » est une injure » . Ce serait « parce que dans « populisme », il y a « peuple" » que ce terme serait employé pour disqualifier, car « le peuple » serait « un spectre qui hante [les] nuits » des accusateurs, qui « passent leur temps 458 à l'insulter, à le confiner, à le réduire, à le moquer » , avance-t-il à Toulouse le dix-huit mars 2011. Il expose finalement le sept mars 2012 à Rouen, que ce serait parce que les « belles personnes » auraient « peur du peuple que le mot « populisme » (…) est une injure pour 459 la seule raison qu'il contient le mot « peuple ». » L'accent mis sur l'origine étymologique de la qualification « populiste »/« populisme » pour contre-attaquer se retrouve aussi chez François Bayrou, qui s'exaspère à Dunkerque le dix-neuf janvier 2012 « que du mot de peuple, du grand nom de peuple, on forme un qualificatif qui est une injure », ce qui serait « révélateur de la manière dont ceux 460 qui se croient des élites regardent ceux qu'ils croient être le peuple » . Interrogé le surlendemain par Le Figaro Magazine, il assure « ceux qui disent « peuple » comme une injure ne comprennent rien à la France, et ne savent pas ce que peuple veut dire, quelle 461 richesse et quelle force il y a en lui. » La qualification « populiste »/« populisme », injurieuse, témoignerait donc d'un mépris du peuple caractérisé par une ignorance profonde de la réalité dudit peuple, ce qui n'empêche pas le président du Mouvement Démocrate et candidat à l'élection présidentielle de mettre, lors d'une interview avec la rédaction de Marianne du quatre février, « en accusation ceux qui font du mot « peuple » une injure », assurant en avoir « été accusé mile fois ces dernières années » parce qu'il se serait efforcé « de rappeler que se sent exclu des cercles de responsabilité ou de pouvoir, peut être 80% 462 de la population française » , diagnostic qui rejoint l'idée de la dimension essentielle, voire primordiale, d'une lutte pour la légitimation de la participation au pouvoir politique de ces « 80% de la population française ». De son côté, Jean-François kahn, à la fois chroniqueur, journaliste et soutien de François Bayrou à l'élection présidentielle de 2012 après avoir été tête de liste du Mouvement Démocrate aux élections européennes, avait également souligné en janvier 2011 la dimension problématique et révélatrice qu'il y aurait dans le terme même « populisme », exposant le quatorze lors de l'émission Le grand direct de l'info sur Europe 1 qu'« utiliser comme injure un mot où il y a le mot « peuple », il faut le faire ! » et accusant « la caste, qui utilise » ladite injure « parce qu'elle déteste le peuple, parce qu'elle 463 a une haine du peuple ! » et mettant en avant le vingt-neuf à l'occasion d'un débat 457 Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-au-congres-du-pg_news, consultée le 17/06/2012 458 Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting- a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012 459 Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/ xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news, consultée le 25/06/2012 460 Vidéo : « François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le 20/01/2012, http://www.dailymotion.com/ video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-de-dunkerque-190112_news, consultée le 08/07/2012 461 Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée le 09/07/2012 462 Interview à la rédaction de Marianne le 04/02/2012, http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle- a-tout-les-francais-sans-les-diviser, consultée le 09/07/2012 463 « Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le- grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012 76 IIème partie : Les réactions négatives avec Jean-Luc Mélenchon le manque d'efficacité supposé de la qualification pour le débat démocratique : « Si vous (...) expliquez [aux gens] que le summum de l'injure, c'est un mot dans lequel il y a le mot « peuple », vous avez bien commencé vos affaires ! Ça, je peux 464 vous le promettre ! » Cette idée selon laquelle la qualification « populiste »/« populisme » et/ou ses emplois seraient révélateurs d'un mépris à l'égard du peuple n'est cependant pas une exclusivité des mobilisations des candidats Sarkozy, Mélenchon et Bayrou sur la période 2007-2012 : depuis longtemps déjà la littérature savante sur le populisme estime que, pour citer Henri Deleersnijder, « les occurrences du substantif « populisme » et de sa forme adjective « populiste » en disent certainement plus long sur ceux qui en abusent que sur 465 ceux qui en sont estampillés » . Pierre-André Taguieff estime, plus directement que « la 466 peur des « masses » semble renaitre chez les élites en cette nouvelle « fin de siècle" » et dénonçant « ce que voile et exprime à la fois la dénonciation du populisme » « par les élites politico-administratives (surtout en France) », c'est-à-dire « la peur du peuple, supposé insatiable en ses besoins ou ses revendications non maitrisés » et « le mépris des peuples, rejetés dans l'animalité des passions ou dans le tribalisme de communautés 467 conduites par des pulsions. » En effet, « chez les élites arrogantes et émancipées vivant dans un espace sans territoires ni frontières, l'usage accusatoire du terme « populisme » va souvent de pair avec un mépris du peuple, un mépris affiché doublé d'une crainte des mauvais penchants prêtés à ceux qui restent attachés à leur patrie, se sentent enracinés 468 et héritiers d'une longue histoire, et veulent conserver leur identité culturelle » . Ainsi, le recours à la qualification recouvrirait en fait un jugement de valeur à portée culturelle plus que politique : « le « populisme » vu par ses ennemis - ceux d'en haut - est quelque chose comme un « populacisme », il se réduit à une préférence de type pathologique pour 469 le vulgaire et le populacier » , ce qui se retrouve dans la critique de la notion opérée 470 par Serge Halimi : « décideurs » et les médias ont ouvert la chasse au populisme ». » « installée au pouvoir, dorlotée de privilèges, protégée des intempéries sociales, la haute intelligentsia progressiste trouvait désormais le peuple un peu grossier, irrationnel, rigide, en 471 un mot trop « populiste ». » La différentiation sociale occuperait donc une place de choix dans le recours à la qualification « populiste »/« populisme », qui ne serait qu'« expression de la peur et du mépris de classe des élites de la classe moyenne » qui réduirait le concept 472 « populisme » « à un fait de grossière manipulation symbolique des masses. » Cela rejoint l'analyse que fait Pascal Mbongo dans sa tribune sur lemonde.fr du cinq novembre 2010, qui ne fait pas à proprement parler de la littérature savante sur le populisme mais qui est l'une des rares incursions non partisanes de cette thèse dans la sphère 464 Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous" », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-luc- melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012 465 466 467 468 469 470 471 472 Henri Deleersnijder, 2006, p.108 Pierre-André Taguieff, 1998, p.7 Pierre-André Taguieff, 1998, P.11 Pierre-André Taguieff, 2012-1, pp.11-12 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.112 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.245 Serge Halimi, 1998, p.120 Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.29 77 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 médiatique sur la période : « l'accusation de populisme postule pour sa part nécessairement que la capacité à produire une opinion n'est pas à la portée de tout le monde, que toutes les opinions ne se valent pas (...), que certains objets ou certaines questions sont ou doivent être en dehors du champ du relativisme démocratique. Du même coup, ce que la qualification de populisme révèle - peut-être malgré elle - au citoyen bien disposé à l'égard des discours jugés populistes, c'est une contradiction structurelle de la démocratie représentative entre le principe démocratique d'une part et le principe représentatif d'autre 473 part. » Annie Collovald, pour sa part, va plus loin encore, estimant que les « usages actuels du populisme » et « la représentation stigmatisante des groupes sociaux les plus démunis » justifieraient « la supériorité morale des élites sociales et politiques établies », autorisant « le retour de thèses réactionnaires ou hautement conservatrices comme celle, énoncée lors de la trilatérale dans les années 1970, voulant que les démocraties soient ingouvernables lorsqu'elles sont soumises « à une surcharge de demandes populaires » et 474 qu'il faut lutter contre les « excès de démocratie ». » Dès lors, « l'implicite des usages actuels du « populisme" » serait « l'imposition d'une démocratie réservée aux seuls « initiés » 475 et « capacitaires » : une démocratie sans représentants, faite par et pour des « experts" » , ce qui rejoint l'analyse de Taguieff : la qualification « populiste »/« populisme » « exprime la résistance à l'expertocratie ou, plus exactement, diverses réactions de résistance au pouvoir « rationnel » des experts. D'où ce décryptage de l'antipopulisme ambiant : est stigmatisée en tant que populiste toute critique ou mise en question du pouvoir des experts, 476 des technocrates, des élites administratives. » Ainsi « la critique politique de la posture 477 antipopuliste revient à décrypter en celle-ci une crainte irrationnelle des « masses" » . 473 « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/ populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012 474 475 476 477 78 Annie Collovald, 2005, p.4 Annie Collovald, 2005, p.1 Pierre-André Taguieff, 1998, pp.9-10 Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.247 Conclusion Conclusion Finalement, pour répondre à la (dis)qualification de « populiste », les personnalités étudiées sur la période ont eu recours à des constructions argumentaires communes. Tout d'abord, trois des quatre sujets étudiés ont eu recours à des réponses positives comme négatives à la qualification « populiste »/« populisme », le dernier - Marine Le Pen - se distinguant d'eux par un héritage argumentaire conçu de longue date sur le sujet. Ensuite, parmi les types de réponses identifiés, il n'y en a eu que deux à avoir été, sur la période, utilisés spécifiquement par un seul des sujets. Enfin, nous avons pu dégager à l'aide de cette typologie quelques caractères des réponses apportées : - D'abord, l'utilisation, parfois dans une même construction argumentaire, de plusieurs types de réponses différents. On notera en particulier de la part de François Bayrou et JeanLuc Mélenchon une articulation rhétorique entre appropriation de la qualification et contreaccusation de mépris du peuple, que nous résumerions par le raisonnement : « ceux qui utilisent la qualification « populiste »/« populisme » marquent par là leur mépris du peuple ; c'est donc avec plaisir que je reçois d'eux cette qualification puisque pour ma part, j'aime le peuple et entends lui accorder sa place, m'intéresser à son sort et protéger ses intérêts ». - Ensuite, le cantonnement à un schéma argumentatif pendant les périodes d'intensification de la qualification. Ainsi, sur des séquences allant d'une semaine à deux, voire trois, mois, on retrouve une grande constance dans les réponses accordées à la qualification, tandis qu'une plus grande variété argumentative peut être observée si on compare deux séquences distinctes. - Enfin, une tendance générale à refuser les paradigmes des qualifiants quel que soit le type de réponse apporté : l'assomption (explicite ou implicite) de la qualification ne signifie pas pour autant que soient acceptées les connotations péjoratives (on assume quelque chose de positif pour soi, quand bien même telle n'est pas l'appréciation du qualifiant), l'appropriation contre directement les paradigmes en opérant une redéfinition positive, le rejet direct, l'usage accusatoire (avec les réserves mentionnées plus haut) et le détournement de l'accusation acceptent les connotations péjoratives associées mais refusent leur attribution, le déni de la pertinence du concept opère un démontage des paradigmes et la contre-accusation de mépris du peuple (dont on notera que, bien que présente dans la littérature scientifique de longue date, elle n'a émergé sur la scène médiatique que du seul fait des réponses allant dans ce sens de la part des qualifiés) les ignore purement et simplement Nous pouvons tirer encore d'autres enseignements de ce travail. On notera ainsi chez Nicolas Sarkozy la différence de traitement de la qualification « populiste »/« populisme » et du concept « populisme » suivant qu'il se plaçait dans son rôle institutionnel de président de la République ou dans son rôle partisan de dirigeant du principal parti de la droite parlementaire et/ou de candidat à l'élection présidentielle. Cette différenciation très nette confirme très clairement l'opportunité que constitue l'étude des apports sémantiques des acteurs politiques à la notion, car ils se placent dans une perspective radicalement différente de celle des observateurs et commentateurs de la vie politique, plus institutionnalisés et ayant semble-t-il une plus grande tendance à souscrire aux appréciations péjoratives de la qualification. 79 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Un autre enseignement par du constat que Jean-Luc Mélenchon est, des quatre sujets étudiés celui qui a le plus, et de loin, mobilisé la notion « populiste », recouvrant à lui seul (sans y inclure la contribution théorique de Benoît Shnekenburger) plus de 60% des mentions relevées sur la période. Cette quantité importante de réponses à la qualification « populiste »/« populisme » peut permettre d'expliquer qu'il soit le seul parmi les personnalités étudiées à être présent dans toutes les catégories de la typologie avancée, à l'exception toutefois du seul usage accusatoire, lequel doit être abordé avec une extrême prudence ainsi que nous l'avons vu. A l'inverse, Marine Le Pen est celle qui a le moins répondu à la qualification « populiste »/« populisme », alors même qu'elle est l'héritière politique de son père Jean-Marie Le Pen et la présidente et candidate du Front National, qui ont été la personnalité politique et le parti les plus étroitement et les plus systématiquement associés à l'étiquette « populiste » au cours des deux dernières décennies, et bien qu'elle soit parmi les sujets étudiés l'une des plus, si ce n'est la plus, souvent qualifiée de 478 « populiste » dans les commentaires journalistiques . Sans prétendre apporter avec certitudes d'explication sur ce phénomène, nous pouvons néanmoins avancer l'hypothèse que si Marine Le Pen ne s'est pas sentie le besoin de mobiliser la catégorie « populisme » pendant cette période, c'était parce que le « travail avait déjà été fait », notamment au cours des années 1990. Au contraire, le fait que JeanLuc Mélenchon a été, des quatre étudiés, le dernier en date à avoir été ainsi qualifié, peut expliquer qu'il se soit senti obligé, pour marquer sa différence d'avec ceux ayant précédemment subit la qualification « populiste »/« populisme », de mobiliser abondamment la notion, afin de la parer à destination de son camp politique d'un contenu permettant d'en faire un usage politiquement utile. Ainsi, il pourrait exister un lien entre ancienneté de la qualification « populiste »/« populisme » et l'importance stratégique d'y répondre : ceux qui sont qualifiés ainsi depuis longtemps ont eu le temps d'y associer ce qu'ils souhaitaient, tandis que ceux qui le sont de date récente doivent chercher à la fois à y associer un sens positif et à se distinguer des précédents. L'attitude consistant à chercher à s'abstraire de cette qualification serait moins payante, soit qu'elle serait vouée à l'échec soit qu'elle reviendrait à partager le point de vue d'un adversaire politique réel ou supposé (qui peut être un commentateur de la vie politique), ce qui serait contre-performant à une époque où la démarcation d'avec la « classe politique » comme d'avec le « système médiatique », tous deux supposés faire partie intégrante d'une quasi caste élitaire (on pourrait réemployer le mot de Raymond Barre s'agissant des élites journalistiques parisiennes : « le microcosme ») éloignée des simples citoyens, du peuple dont il faut au contraire se déclarer proche et à l'écoute, est une stratégie rhétorique commune à presque toutes les personnalités politiques. Ainsi que le relève Patrick Charaudeau : « si le populisme est une « attitude politique consistant à se réclamer du peuple, de ses aspirations profondes, de sa défense contre les divers torts qui lui sont faits », comme le propose le dictionnaire Larousse, on ne voit guère de différence avec ce 479 qui définit le discours politique en général. » , tandis que pour Christian Le Bart, « l'oubli de la diversité (pourtant bien réelle) des citoyens et leur fusion en une mythique communauté 480 sont indispensables à l'économie générale du discours [politique] » . Pour Ernesto Laclau, 478 479 480 80 Ce constat est purement empirique et ne s'appuie pas sur des données objectives. Patrick Charaudeau, 2011, pp.105-106 Christian Le Bart, 1998, p.92 Conclusion « le populisme est tout simplement, une manière de construire le politique » 482 même « la constituante de toute politique » pour Alexandre Dorna. 481 , et il est 483 Dès lors, « il est erroné de juger le populisme de façon purement négative » , et « la condition sine qua non d'une meilleure compréhension du populisme est de lui faire quitter la position marginale qu'il occupe dans le discours des sciences sociales, qui l'a confiné au domaine du non pensable, l'a réduit à être le simple contraire des formes 484 politiques respectables ayant un statut de pleine rationalité » , ce qui pose la question des rapports entre les usages courants de la notion et ce qu'elle recouvre dans la littérature savante. En apportant notre modeste contribution à l'éclairage de cette dimension qui nous semble essentielle de l'étude du populisme, nous entendons nourrir des démarches d'explicitation de ces rapports, par exemple via une démarche comparatiste pour tenter d'identifier les évolutions et les permanences des réponses apportées à la qualification « populiste »/« populisme » et comment ces réponses ont pu apporter une contribution aux théorisations du concept « populisme » comme aux usages de la qualification « populiste »/« populisme », champ d'étude jusqu'à présent assez peu traité par la littérature. 481 482 483 484 Ernesto Laclau, p.11 Alexandre Dorna, 1999, p.11 Alexandre Dorna, 1999, p.11 Ernesto Laclau, 2008, p.33 81 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Bibliographie Ouvrages Laurent Bouvet, 2012 : Le sens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme, Paris, Gallimard Annie Collovald, 2004 : Le « Populisme du FN » un dangereux contresens, Collection Savoir/Agir, Éditions du Croquant, Broissieux Henri Deleersnijder, 2006 : Populisme. Vieilles pratiques, nouveaux visages, Éditions Luc Pire, Liège Alexandre Dorna, 1999 : Le Populisme, collection « Que sais-je ? », PUF, Paris Roger Dupuy, 2002 : La politique du peuple. Racines, permanences et ambiguïtés du populisme, Albin Michel, Paris Umberto Eco, 2006 : À reculons, comme une écrevisse. Guerres chaudes et populisme médiatique, Grasset, Paris Ernesto Laclau, 2008 : La raison populiste, Éditions du Seuil, Paris Christian Le Bart, 1998 : Le discours politique, coll. Que sais-je ?, Paris, PUF Yves Mény et Yves Surel, 2000 : Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les démocraties, Fayard, Paris Pierre-André Taguieff, 2007-2 : L'illusion populiste. Essai sur les démagogies de l'âge démocratique, Manchecour, Flammarion Pierre-André Taguieff, 2012 : Le nouveau national-populisme, CNRS Editions, Paris Articles Maurice Agulhon, 1997 : « LE PEUPLE A L'INCONDITIONNEL », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp. 225-226 Ruth Amossy et Roselyne Koren, 2010 : « Argumentation et discours politique », Mots. Les langages du politique [en ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 17 décembre 2012. URL : http://mots.revues.org/index19843.html 82 Bibliographie Bertrand Badie, 1997 : « UNE FAILLITE DU POLITIQUE », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp. 226-228 Alain Bergounioux, 1997 : « LE SYMPTOME D'UNE CRISE », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp. 228-230 Patrick Charaudeau, 2011 : « Réflexions pour l’analyse du discours populiste », Mots. Les langages du politique [En ligne], 97 | 2011, pp.101-116, mis en ligne le 15 novembre 2012, consulté le 23 mai 2012. URL : http://mots.revues.org/20534 Annie Collovald, 2005 : « Les mésusages politiques du populisme », Copernic Flash, juin 2005 Annie Collovald, 2009 : « Le populisme : de la valorisation à la stigmatisation du populaire », reprise du n°42 de la Revue Hermès, « Peuple, populaire, populisme », 2005, in Marc Lits (coord.), Populaire et populisme, CNRS Éditions, Lassay-lesChâteaux Henri Deleersnijder, 2009 : « Le populisme : essai de définition », in Marc Lits (coord.), Populaire et populisme, CNRS Éditions, Lassay-les-Chateaux Gérard Grunberg, 1998 : « La mesure du populisme. Sur quelques questions de méthode », in Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 122-127 Serge Halimi, 1998 : « Le « populisme », voilà l'ennemi ! », in Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 115-121 Nonna Mayer, 2009 : « Votes populaires, votes populistes », reprise du n°42 de la revue Hermès, 2005, in Marc Lits (coord.), Populaire et populisme, CNRS Éditions, Lassay-les-Chateaux Jean-Pierre Rioux, 2007 : « Le peuple à l'inconditionnel », in Jean-Pierre Rioux (dir.), Les populismes, coll. Tempus, éditions Perrin, Paris Kobi Silvia, 1995 : « Entre pédagogie politique et démagogie populiste », in Mots. Les langages du politique, juin 1995, N°43 Maryse Souchard, 2010 : « Les (nouveaux ?) populismes ? », in Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Joël Gaubert, Le populisme aujourd'hui, Éditions M-Editer, Malesherbes Jean Stengers, 1997 : « LE JUGEMENT DE VALEUR », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242 pp.232-234 Benjamin Stora, 1997 : « L'ILLUSION D'UN PEUPLE ENTIER », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », 83 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp.234-236 Pierre-André Taguieff, 1984 : « La rhétorique du national-populisme », in Mots. Les langages du politique, octobre 1984, N°9, pp. 113-139 Pierre-André Taguieff, 1998 : « Populismes et antipopulismes : le choc des argumentations », in Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 5-26 Pierre-André Taguieff, 2007-1 : « Le populisme et la science politique », in Jean-Pierre Rioux (dir.), Les populismes, coll. Tempus, éditions Perrin, Paris Paul Thibaud, 1997 : « LE TROMPEUR ET LE CYNIQUE », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp.236-238 Alain Touraine, 1997 : « LE BRUN, LE ROUGE ET LE FRANÇAIS », in Maurice Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242, pp.239-242 Maurice Tournier, 1998 : « Les mots fascistes, du populisme à la denazification », in Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 153-168 Maurice Tournier, 2004 : « Pierre-André Taguieff, L’illusion populiste », Mots. Les langages du politique [En ligne], 75 | 2004, mis en ligne le 23 avril 2008. URL : http:// mots.revues.org/3713 Mémoires Orianne Ledroit, 2006-2007 : Les usages du terme « populisme » dans la campagne présidentielle de 2007. Du succès des utilisations stratégiques d’un mot équivoque, mémoire de fin d'études, année universitaire 2006-2007, à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, ressource en ligne : http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/ Documents/Etudiants/detail-memoire.html?ID=1772 84 Annexes Annexes Annexe 1 : liste des articles de presse du corpus 1/ Articles du Monde (consultation en ligne payante) ∙ « Le Monde.fr : <p>Pierre Milza : Sarkozy, Napoléon III, même combat ?</ p> », par Pierre Milza interrogé par Arnaud Leparmentier, mise en ligne le 16/11/2008, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=e25e9e468d45c8dc5533bc124845e24ec97bff10457376d7 ∙ « Le Monde.fr : Archives », par Robert Solé, mise en ligne par 10/02/2009, http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1069539,0.html? xtmc=populiste_bayrou&xtcr=2 ∙ « Le Monde.fr : M. Bayrou : « On conduit la France vers un modèle qui n'est pas le sien » », par Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Patrick Roger, mise en ligne le 05/04/2009, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=7f373c71a03d12b346f7c6cac668ca22cd604a1deb70981b ∙ « Le Monde.fr : Pour le chef de l'Etat, « l'identité nationale est un antidote au communautarisme » », par Nicolas Sarkozy, mise en ligne le 09/12/09, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=1ff89992bb250493854cb0e877d87cec9bc701f490acef47 ∙ « Le Monde.fr : Le pas très catholique Georges Frêche », par Gérard Davet, mise en ligne le 10/02/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/ archives.cgi?ID=60a28cc0432747f40da82846568d225fb3fab65e67616935 ∙ « Le Monde.fr : Nier, attaquer, triompher, la stratégie à risque de l'Elysée », par Pierre Jaxel-Truer et Sophie Landrin, mise en ligne le 10/07/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=c33a7894a99663a3b2efda2b169f769182eb745e4a0f839d ∙ « Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le 16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc ∙ « Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques francoaméricaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/ article/2010/11/04/populisme-et-democratie_1435102_3232.html ∙ « Le Monde.fr : Un signal d'alerte aux élites démocratiques », par Laurent Bouvet, mise en ligne le 20/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/ archives.cgi?ID=810dca8181eb810d8bf0f04c753c0ab54a48f034d642fc96 85 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ « Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48 « Le Monde.fr : Le moralisme est inutile face au populisme », par Marc Weitzmann, publiée le 05/01/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/ archives.cgi?ID=ae6ea6f1aa455a3b171cf333806475d462c45cde9f85d535 « Il aurait été inconcevable, autrefois, qu'une femme puisse incarner l'extrême droite », par Michel Winock, historien, professeur émérite à Sciences Po, publié dans Le Monde du 15/01/2011 « Le Monde.fr : Nicolas Sarkozy a érigé le populisme pénal en véritable système politique », par Claire Sécail, mise en ligne le 16/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=e4d67f70ede34ec57c2101fab331d8a5d281f83c5e72610e « Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le 20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b « Le populisme est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone, linguiste, mise en ligne le 29/04/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/ le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-collectives_1514261_3232.html « Le Monde.fr : Le « peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault d'Allonnes, mise en ligne le 15/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/ archives.cgi?ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80 « Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b « Le Monde.fr : M. Bayrou souhaite se poser en candidat du « peuple » », par Pierre Jaxel-Truer, mise en ligne le 05/01/2012, http:// abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=7bf27958a55d2d8cee84a088bcd7ec037a3539dff11e2752 « Le Monde.fr : Non, le populisme n'est pas une idée populaire ! », par Nicolas Truong , mise en ligne le 15/01/2012, http:// abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi? ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7 2/ Article du Figaro et du Figaro Magazine (consultation en ligne payante) ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ 86 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 01/07/2010 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 14/10/2010 « Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010 « Retraites : le pouvoir de la rue, par Chantal Delsol », philosophe et romancière, mise en ligne le 30/09/2010, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2010/09/30/10001-20100930ARTFIG00653-retraitesle-pouvoir-de-la-rue.php « Le populisme, ou le désir de régression », par Alain-Gérard Slama, mise en ligne le 03/05/2011, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2011/05/03/10001-20110503ARTFIG00595-le-populisme-ou-le-desir-deregression.php Annexes ∙ ∙ ∙ ∙ « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 15/06/2011 « Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 29/09/2011 « La nouvelle ambition des deux Fronts extrêmes », par Alain-Gérard Slama, mise en ligne le 20/03/2012, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2012/03/20/10001-20120320ARTFIG00581-la-nouvelle-ambition-des-deuxfronts-extremes.php « Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par Patrice De Méritens, mise en ligne le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/ lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-lademocratie-secrete-ses-propres-ennemis.php Annexe 2 : liste des articles en ligne du corpus 1/ Articles du site www.lemonde.fr ∙ ∙ ∙ « La montée du FN, un problème qui ne se pose pas qu'à la droite française », par Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, mise en ligne le 31/03/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/30/la-montee-dufn-un-probleme-qui-ne-se-pose-pas-qu-a-la-droite-francaise_1499996_3232.html « Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère" », par Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider, mise en ligne le 31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/ henri-guaino-ne-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-lacolere_1678568_1471069.html « Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http://www.lemonde.fr/electionpresidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html 2/ Articles du site www.lefigaro.fr ∙ ∙ ∙ ∙ « Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http:// www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-lintuition-que-sarkozy-sera-reelu.php « Bayrou dénonce l'«atlantisme» de Sarkozy », par Rodolphe Geisler, mise en ligne le 09/02/2009, http://www.lefigaro.fr/ politique/2009/02/09/01002-20090209ARTFIG00319-bayrou-denonce-l-atlantisme-desarkozy-.php « Nicolas Sarkozy tente de rassurer son camp », par Solenn deRoyer, mise en ligne le 09/03/2011, http://www.lefigaro.fr/ politique/2011/03/09/01002-20110309ARTFIG00696-nicolas-sarkozy-tente-derassurer-son-camp.php « Sarkozy sonne la charge contre la gauche », par Judith Waintraub, Charles Jaigu, Solenn de Royer, mise en ligne le 12/10/2011, http://www.lefigaro.fr/ 87 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 politique/2011/10/11/01002-20111011ARTFIG00760-sarkozy-sonne-la-charge-contrela-gauche.php ∙ « Mélenchon lance sa campagne et vise DSK », par Sophie de Ravinel, mise en ligne le 24/01/2011, http://www.lefigaro.fr/ politique/2011/01/23/01002-20110123ARTFIG00235-melenchon-lance-sa-campagneet-vise-dsk.php 3/ Articles du site www.lexpress.fr ∙ « Mélenchon: "Populiste, moi ? J'assume!" - L'EXPRESS », mise en ligne le 16/09/2010 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/melenchon-populiste-moi-jassume_919603.html ∙ « Bayrou tente une OPA sur l'électorat protestataire, vivier de Marine Le Pen LExpress.fr », mise en ligne le 05/01/2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/ politique/bayrou-tente-une-opa-sur-l-electorat-protestataire-vivier-de-marine-lepen_1068553.html 4/ Articles du site www.lejdd.fr ∙ « Gilbert Collard : "Qu'on n'aille pas dire que je fais ma Cécile Duflot" (interview) - leJDD.fr », par Vivien Vergnaud et Anne-Charlotte Dusseaulx, mise en ligne le 21/12/2011, http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Gilbert-CollardQu-on-n-aille-pas-dire-que-je-fais-ma-Cecile-Duflot-interview-443015 5/ Articles du site www.lepoint.fr ∙ « Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au Point, mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/lecandidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php 6/ Articles du site www.marianne2.fr ∙ « En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En-fait-le-populisme-qu-est-ce-que-cest_a216188.html, consultée le 15/03/2012 ∙ « Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise en ligne le 22/06/2012, http://www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-lasecession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012 Annexe 3 : liste des émissions de radio du corpus consultées en ligne 88 Annexes 1/ Émissions du site www.rtl.fr ∙ ∙ « La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/serge-july-la-tentationpopuliste-5944475442 « Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/olivier-besancenot-starde-l-ete-politique-a-gauche-785917 2/ Émissions du site www.europe1.fr ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ « François Bayrou : l'aventure présidentielle est elle terminée », L'édito politique, Europe 1 matin. Le 7h00/9h30, Europe 1, 09/06/2009, http://www.europe1.fr/Radio/ Articles/L-edito-politique-de-Claude-Askolovitch-61053/ « Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/ Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/Le-debat-des-grandesvoix-16-10-10-290543/ « Europe 1 Soir - 20/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/ Europe-1-Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/ « Mélenchon : "DSK représente si mal la gauche" », mise en ligne le 05/01/2011, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/ Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/ « Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/ Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/ « Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/ Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/Le-debat-des-grandesvoix-22-01-11-382219/ 3/ Émissions du site www.franceinter.fr ∙ ∙ ∙ ∙ « Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229 « Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231 « L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter, 25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/edito/89901 « Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231 Annexe 4 : émissions télévisées du corpus consultées à l'INAthèque de Paris 89 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 ∙ « Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur France 2, consultée à l'INAthèque de Paris Annexe 5 : liste des pages internet du corpus 1/ Pages du site www.archives.elysée.fr ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2007/interventiondevant-les-parlementaires-de-la.7928.html http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/voeux-aux-corpsconstitues-et-aux-agents-de-la.6875.html http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/discours-sur-lamobilisation-pour-l-emploi.5201.html http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/colloque-ducinquantenaire-du-conseil.5208.html http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2009/discours-a-saintquentin.6478.html 2/ Pages du site www.bayrou.fr ∙ ∙ http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle-a-tout-lesfrancais-sans-les-diviser 3/ Pages du site www.jean-luc-melenchon.fr ∙ http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/ 4/ Pages du site www.placeaupeuple.fr ∙ http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/ Annexe 6 : liste des vidéos du corpus consultées en ligne 1/ Vidéos de Nicolas Sarkozy 90 Annexes ∙ ∙ ∙ ∙ « Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en ligne le 16/02/2012, http://www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M « Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http:// www.youtube.com/watch?v=Mjjh7lIZ-_I « Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http:// www.youtube.com/watch?v=HeZ82Kk71RQ « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http:// www.youtube.com/watch?v=cLU7XWJpz6I 2/ Vidéos de François Bayrou ∙ « François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le 20/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-dedunkerque-190112_news 3/ Vidéos de Marine Le Pen ∙ ∙ « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news « Grand meeting de Marine Le Pen au Zénith de Paris le 17 avril », mise en ligne le 19/04/2012, http://www.dailymotion.com/video/xq89s7_grand-meeting-de-marine-lepen-au-zenith-de-paris-le-17-avril_news 4/ Vidéos de Jean-Luc Mélenchon Discours : ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ « Conclusion du Remue-méninges », mise en ligne le 02/09/2009, www.dailymotion.com/video/xae2dl_conclusion-du-remue-meninges_news « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news « Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010, http://www.dailymotion.com/video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-aucongres-du-pg_news « Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le 22/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-lucmelenchon-candidature-pour-2012_news « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/ video/xhpa6m_en-meeting-a-toulouse_news « Jean-Luc Mélenchon Discours de Nantes », mise en ligne le 16/01/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xnq621_jean-luc-melenchon-discours-de-nantes_news « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Metz », mise en ligne le 19/01/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xntkky_jean-luc-melenchon-discours-de-metz_news « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news « J.-L. Mélenchon Discours Clerm.-Ferrand », mise en ligne le 15/03/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xpgmbl_j-l-melenchon-discours-clerm-ferrand_news 91 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 ∙ ∙ ∙ « J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/ video/xpqrc9_jean-luc-melenchon-discours-de-lille_news « J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012, http://www.dailymotion.com/video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versaillesa-paris_news Émissions : ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ 92 « melenchon integrale (privée) », mise en ligne le 09/10/2009, http:// www.dailymotion.com/video/k5xl49vOBJPFNr1dNMY « 7 à Voir Fr3 Jean Luc MELENCHON », mise en ligne le 21/10/2009, http:// www.dailymotion.com/video/xavs4h_7-a-voir-fr3-jean-luc-melenchon_news « Jean-Luc Mélenchon sur Direct 8 le 13/04/2010 », mise en ligne le 14/04/2010, http://www.dailymotion.com/video/xcy8vy_jean-luc-melenchon-sur-direct-8-le_news « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http://www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-danspolitiqu_news « J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le 12/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-legrand_news « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste-melenchon-1-2_news « Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http:// www.dailymotion.com/video/xf7w7m_populiste-melenchon-2-2_news « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emissiondimanche-soir-politique_news « Jean-Luc Mélenchon au "Grand Journal" le 07/12/2010 », mise en ligne le 08/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg0s2f_jean-luc-melenchon-au-grandjournal-le-07-12-2010_news « Jean-Luc Mélenchon à Soir 3 Politique le 12/12/2010 », mise en ligne le 12/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg3l8i_jean-luc-melenchon-a-soir-3politique-le-12-12-2010_news « Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le 19/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salutles-terriens-le-12-12-2010_news « Jean-Luc Mélenchon sur LCP dans Questions d’Info le 12/01 », mise en ligne le 13/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgjvqr_jean-luc-melenchon-sur-lcpdans-questions-d-info-le-12-01_news « Jean-Luc Mélenchon candidat à la présidentielle de 2012 », mise en ligne le 21/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgo05k_jean-luc-melenchon-candidata-la-presidentielle-de-2012_news « Jean-Luc Mélenchon sur I>Télé dans l'émission "Dimanche soir Politique" le 01/05/2011 », mise en ligne le 02/05/2011, http://www.dailymotion.com/video/ xiig82_jean-luc-melenchon-sur-i-tele-dansl-emission-dimanche-soir-politique-le-01-05-2011_news « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news Annexes ∙ ∙ ∙ ∙ « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news « J.-L. Mélenchon - "Dimanche+" Canal+ », mise en ligne le 20/02/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xouxi8_j-l-melenchon-dimanche-canal_news « J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news « J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news Autres : ∙ ∙ ∙ ∙ « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francoiskahn-sur-quils-sen-aillent-tous « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http:// www.dailymotion.com/video/xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news « Vœux à la presse de Jean-Luc Mélenchon », mise en ligne le 04/01/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xng33e_vyux-a-la-presse-de-jean-luc-melenchon_news « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news Annexe 7 : ouvrages du corpus ∙ Benoît Schneckenburger, Populisme. Le fantasme des élites, Graffic/Editions Bruno Leprince, Paris, 2012 Annexe 8 : transcriptions d'extraits des vidéos consultées en ligne 1/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [1/2] » « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xf7vol_populiste-melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012 « Siné : J'avais commencé à écrire mes mémoires il y a quelques années : "ma vie, mon oeuvre, mon cul", et j'étais lauréat du prix populiste, j'étais inscrit dans ceux qui allaient le recevoir. Et j'étais un peu coincé : populiste, merde, ça fait un peu démago, c'est péjoratif. Et je me suis amusé, j'ai demandé quels étaient les gens qui avaient reçu le prix populiste, qui est décerné chaque année, et là il y avait des gens très sérieux. » « Cynthia Fleury : J'en parle, d'ailleurs, du populisme. Ce qui est certain, c'est que les démocrates sont parfois populistes, et c'est pas impossible. Ce qui est certain également, c'est que les populistes sont pas toujours démocrates. Donc c'est là où le système se sépare. 93 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Il y a quand même une définition : donc effectivement, l'appel au peuple, le recours au peuple, la critique des élites, voilà... Poujade disait, voilà : "ils s'occupent pas des affaires des petites gens". Bon, c'est ça, le populisme. Et puis c'est une sorte de synchrétisme entre le nationalisme et le socialisme, on va dire. Alors effectivement, soit on est plutôt populisme de droite, et alors on a activer la dimension un peu nationaliste nationaliste, avec des discours xénophobes, etc. Soit on est popu de gauche, populisme de gauche, et on va aller plutôt sur la cohésion sociale, les petites gens, etc, on va défendre plutôt l'ouvrier, et le contraire ça sera plutôt les petits bourgeois, etc. Donc ça c'est la définition classique du populisme. Après, il y a deux grands critères qui sont importants, et c'est là où on va faire tomber les masques, on va dire. C'est là qu'on va savoir qui est vraiment populiste et qui ne l'est pas. Un des grands critères du populisme, c'est l'anti-intellectualisme, c'est-à-dire c'est véritablement pas seulement l'attaque des élites, c'est l'attaque des intellectuels. C'est Poujade qui dit... voilà, et là, visiblement, on récupère Mélenchon de notre côté, on va dire... Frédéric Taddeï : Vous voulez dire qu'il n'est pas anti-intellectuel ? Cynthia Fleury : Non. Jean-Luc Mélenchon : Ah ben non, je considère comme un honneur qu'on veut bien considérer que mes livres font de moi un intellectuel. Cynthia Fleury : Donc ça, c'est... les masques tombent, c'est la haine de l'idée... Poujade disait : "l'idée est nocive", "la culture c'est une maladie", ... enfin bon, voilà. Donc ça, c'est un des grands critères pour tomber la chose. Et deuxième critère, c'est que logiquement, le populisme est une idéologie par défaut, c'est une faible idéologie. C'est une idéologie réactionnaire, mais c'est surtout une idéologie qui se pose par le "non" qu'elle oppose aux autres programmes et qui ne propose pas quelque chose, et qui en plus souvent va confisquer le pouvoir, qui plus est. Jean-Luc Mélenchon : C'est pas mon cas non plus. Cynthia Fleury : Là non plus, voilà. Donc j'ai fait l'avocat de Jean-Luc mélenchon. Jean-Luc Mélenchon : Non mais au moins vous proposez une définition, vous. Donc on peut se repérer par rapport à des critères. Le reste du temps, on jette ça à la figure uniquement pour dire : "écoutez, vous êtes rien, alors dégagez, circulez, parce que vous parlez pas comme nous". » « Nancy Huston : (...) Les plus populistes en ce moment ne sont pas ceux qui se disent populistes, voilà. Le discours de Grenoble, c'est un discours typiquement populiste. » « Christian Delporte : Les historiens, les politistes, sont assez mal à l'aise avec le terme de "populisme", pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il a un caractère péjoratif, également parce qu'il n'y a pas de théoricien, il n'y a pas de théorie (...) enfin pas de manière aussi précise que le socialisme, que le communisme, que le fascisme, que le libéralisme, etc. De telle sorte que d'ailleurs très souvent on a ajouté au "populisme" un mot qui essayait de le définir : il y a eu le "libéral-populisme", le "télépopulisme" de Berlusconi... Jean-Luc Mélenchon : Parce que depuis Aristote et Platon, les gens ne savent pas nommer le peuple, ils sont incapables de dire qui est le peuple. Est-ce que c'est les citoyens actifs, est-ce que c'est tout le monde ? Ca date depuis le début de la politique. Voilà pourquoi il y a une difficulté. Donc c'est devenu une injure sans contenu. Cette dame [Cynthia Fleury] a essayé de donner un contenu, au moins je peux me repérer, je peux savoir si c'est vrai ou pas. 94 Annexes Christian Delporte : Alors moi je vais continuer à essayer de donner un contenu. On peut définir au moins trois caractères historiquement. Le premier caractère, c'est le caractère contestataire : on joue la rue contre les élites, c'est assez classique. Jean-Luc Mélenchon : Certaines élites, hein. Christian Delporte : Certaines élites. Mais il y a plusieurs populismes. Il y a le caractère identitaire : national, xénophobe, raciste. Et puis il y a le caractère plébéien. C'est intéressant, le caractère plébéien, parce qu'il y a dans ce caractère-là une certaine idéalisation du peuple ou d'une partie du peuple. C'est plutôt, c'est souvent à gauche, pas toujours, parce qu'en fait ces trois caractères-là peuvent se combiner deux à deux ou tous les trois, ça dépend. Historiquement, c'est tout à fait valable. » « Natacha Polonyi : On remarque dans l'histoire politique française récente, que tous ceux qui se sont réclamés du républicanisme ont été traités de "populistes". Et justement, tous ceux qui ont voulu dépasser le clivage gauche-droite actuel ont été traités de "populistes". C'est-à-dire qu'en effet il y a un moment où le système d'alternance tel qu'il existe aujourd'hui entre des partis dominants fait qu'on se défend de toute personne qui voudrait émerger en jetant cet anathème. Et c'est d'autant plus vrai qu'on utilise un autre argument qui est : "vous voyez bien que dans les autres pays, il y a deux grands partis, c'est plus moderne". (...) Et c'est pas par méchanceté, hein, c'est pas parce que les élites veulent écraser le peuple. C'est parce qu'il y a un cadre mental qui fait qu'on est bloqué sur cette idée que la démocratie c'est l'alternance entre cette droite et cette gauche. (...) Si on étouffe tout cela, médiatiquement je veux dire, ce qui est fait de façon très efficace, non seulement par l'idée de populisme mais aussi par d'autres façons de ne pas faire intervenir ces idéeslà, de les rejeter, on commet un crime contre la démocratie. » 2/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [2/2] » « Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/ video/xf7w7m_populiste-melenchon-2-2_news, consultée le 16/06/2012 « Thierry Levy : Quand on a parlé tout à l'heure du populisme et de la définition du populisme, il y a un aspect qu'on a oublié, qui est la rhétorique. La rhétorique fait partie des caractéristiques de... Jean-Luc Mélenchon : C'est-à-dire que si on savait mal parler ça serait mieux ? Thierry Levy : Non, non, pas du tout ! Mais, simplement, c'est le moment où on se dit : "je peux parler", ce qui n'est pas une chose très facile. Et à partir du moment où se rend compte qu'on peut parler, parler en public, il y a ceux qui savent s'arrêter et ceux qui ne savent pas s'arrêter. Et vous, vous êtes de ceux qui ne savent pas s'arrêter. Jean-Luc Mélenchon : Merci, cher maître, de me faire la leçon. Thierry Levy : Mais si on parle du populisme en se demandant si c'est une bonne ou une mauvaise chose, dans l'opposition, c'est toujours très obligeant. Dès que ça arrive au pouvoir, ça devient beaucoup moins drôle, et beaucoup plus inquiétant. Et quand on vous écoute, que vous proposez des solutions à tout, on se dit : "cet homme-là, tant qu'il est là à mordre les mollets de ceux qui gouvernent, il est très bien ; s'il prenait la place de ceux qui gouvernent, on aurait peut-être des raisons de s'inquiéter". Jean-Luc Mélenchon : Ah oui ! Si on a beaucoup d'argent, on a de grosses raisons de s'inquiéter de me voir arriver, hein. 95 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Thierry Levy : Ce n'est pas pour cela que je m'inquiète... » « Natacha Polonyi : (...) Il y a surtout un truc frappant qu'on verra à la prochaine élection présidentielle, c'est : est que est-ce que ça va se répéter comme la précédente ? La précédente, les trois principaux candidats [en fait les quatre premiers candidats du premier tour] se sont fait traiter de "populistes", c'est ça qui est intéressant, souvenons-nous. Nicolas Sarkozy s'est fait traiter de populiste, Ségolène Royal aussi, et François Bayrou, il suffit de se souvenir de l'éditorial de Jean-Marie Colombani expliquant que... Thierry Levy : Mais la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon est très proche de celle de Nicolas Sarkozy. Mais ils sont très proches, tous les deux. C'est la même rhétorique. Si, c'est la même ! Jean-Luc Mélenchon : Mais vous avez remarqué, il y a un autre point commun entre Nicolas Sarkozy et moi : on a deux bras tous les deux, on a deux jambes et on parle avec la bouche. C'est extraordinaire ! On doit être d'accord, sûrement. Mais ça ne veut rien dire ! Ca veut dire que... Je suis un homme de gauche qui se propose de faire le contraire de ce que fait Nicolas Sarkozy. (...) Et tout ce qu'on trouve à me dire, c'est : "vous avez la même rhétorique" ! C'est une manière d'effacer, il n'y a plus ni droite ni gauche, il n'y a plus de débat, il n'y a que des apparences : je jouis parce que je parle, et j'ai la même rhétorique que Nicolas Sarkozy. Thierry Levy : Et vous vous cachez derrière le discours. » « Christophe Alévêque : (...) Moi, je pense qu'il y a des populistes bienfaisants et des populistes malfaisants, hein. Ce que fait notre président de la république en ce moment, pour moi est bien plus dangereux que ce que peut faire Mélenchon. Par exemple, la menace terroriste qui nous tombe dessus au mois de septembre, c'est une manipulation populiste extrêmement dangereuse qu'il est en train de faire pour cacher la merde qui est dessous, c'est énorme. Et puis moi je me rends compte dans nos spectacles, on peut l'être. Si on dit : "tous les hommes politiques sont pourris, ce sont des pourris", on est populiste. Si on dit : "tous les hommes politiques sont populistes", par contre c'est vrai. Si on dit... on fait des raccourcis, souvent. Elle est où la marge entre "populaire" et "populiste", elle est où ? Parce que qu'est-ce qu'il vaut mieux ? Il vaut mieux une élite qui parle mais qui pour le coup jouit en s'écoutant parler puisque personne ne les comprend et personne ne les saisit, ou vaut-il mieux un Mélenchon - ou un autre, hein, il y en a qui sont des populistes à droite que j'aime bien parce qu'au moins je comprend. Et même si je ne suis pas d'accord, au contraire même, au moins il a parlé clairement, et je suis clairement pas d'accord avec ce qu'il vient de dire. Donc la marge... et puis voilà. Est-ce que Molière était populiste ou populaire ? Jean-Luc Mélenchon : Dès que tu deviens populaire, dans ce pays, tu es suspect d'être un populiste. » 3/ Extraits de la vidéo « Débat avec Jean-François Kahn sur "Qu’ils s’en aillent tous" » « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahnsur-quils-sen-aillent-tous/consultée le 18/06/2012 « Jean-François Kahn : Cette utilisation du mot "populiste" pour disqualifier la différence systématiquement, quand on sait que "populiste", à l'origine, c'étaient les disciples de Tolstoi qui allaient au peuple, c'étaient les fermiers américains qui refusaient l'oligarchie, pour le 96 Annexes coup, de la finance... C'est les staliniens qui ont inventé ça, il ne faut pas oublier que c'est les staliniens qui, pour s'opposer à tout mouvement populaire qui se réclamait pas du marxismeléninisme à la façon stalinienne, ont dit : "c'est des populistes !" C'est très intéressant de voir aujourd'hui Alain Minc reprendre ce concept stalinien pour la même raison, c'est-à-dire disqualifier la différence. Ça, c'est insupportable. J'ai quelquefois des discussions avec mon ami Laurent Joffrin sur la pensée unique, qui dit que la pensée unique n'existe pas. J'admets absolument son argument. Je dis simplement : quand vous avez un certain nombre de gens, trois, quatre, cinq personnes - monsieur Alain Minc, monsieur Duhamel, etc - qui décident "voilà ce qui est le cercle de la raison", voilà : "on peut être en désaccord, de gauche, de droite, mais en gros on doit penser ça". Et vous n'êtes pas là, sur cette autoroute, vous quittez la route, alors là vous êtes disqualifié, vous êtes hors-route, etc, vous êtes populiste ! Populiste ! Alors vous dites, vous avez le malheur de dire à un moment, vous vous laissez aller et vous dites : "ce n'est pas normal qu'il y ai des riches de plus en riches et des pauvres de plus en plus pauvres". Ah ! Vous êtes sorti de la route, vous êtes populiste ! Donc ça c'est tout à fait insupportable. Mais ce qui est plus qu'insupportable, ce qui est extrêmement grave, c'est lorsqu'à partir de cela, on vous dit : "Ségolène Royal populiste" - une petite sortie de route -, "François Bayrou populiste" - il a attaqué les médias, petite sortie de route -, "Mélenchon populiste", "Le Pen populiste". Bon, très bien. Alors si finalement c'est pareil, si c'est la même chose, mettez-vous à la place des gens. Vous leur dites : "ah le Front National, faut un cercle sanitaire, faut l'isoler, c'est pas la droite républicaine", ben de quoi vous parlez ? Il est populiste, Marine Le Pen comme Mélenchon comme [untel], [untel]... Et donc, à la limite, étonnez-vous ensuite que vous ayez des sondages avec une Marine Le Pen à 18%. Ceux qui disent ça, ceux qui le disent systématiquement, comme un élément de dévalorisation, de refus de la différence, le mot "populisme", et bien ils sont des complices du Front National, et ils font le jeu du Front National. » « Membre du MJS (public) : Je voudrais savoir, monsieur Mélenchon, au vu de votre discours, en quoi on peut encore dire que vous n'êtes pas populiste ? Contrairement à ce que monsieur kahn affirme, ce n'est pas parce qu'on sort des chemins qu'on est qualifié de "populiste". Vous évoquez les difficultés des Français, et vous convoquez des causes et des sources qui n'en sont pas à l'origine. Vous avancez des mesures mais on ne sait pas comment vous faites, vous ne dites pas comment financer. (...) Vous voulez faire croire qu'on vit dans un monde de bisounours, vous diabolisez d'un côté la richesse, et vous dites... Public : (huées) » « Jean-François kahn : Je voudrais dire d'abord à madame que si vous considérez que quelqu'un est xénophobe, dites qu'il est xénophobe, si vous considérez qu'il est fasciste, dites qu'il est fasciste, si vous considérez qu'il est raciste, dites qu'il est raciste, si vous considérez qu'il est trotskiste, dites qu'il est trotskiste. En revanche, quelle valeur scientifique a un qualificatif qu'on peut absolument appliquer à n'importe qui et des gens qui disent des choses radicalement différentes ? C'est une aberration même scientifique ! J'ajoute une chose, c'est - au moins on est tous d'accord là-dessus - qu'il faut qu'on ai le plus de gens possible qui aident à transformer la société. Si vous leur expliquez que le summum de l'injure, c'est un mot dans lequel il y a le mot "peuple", vous avez bien commencé vos affaires ! Ça, je peux vous le promettre ! » 4/ Extraits de la vidéo « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP » 97 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http:// www.dailymotion.com/video/xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012 « Caroline Fourest : Pour juste avancer sur la précision des mots. (...) Sur la question du populisme, pour le coup, et là je ne suis vraiment pas d'accord, pour le coup, avec vous, Jean-Luc Mélenchon, parce que je comprends bien qu'on vous l'a opposé de façon peutêtre abusive et que du coup vous ne supportiez pas qu'on l'utilise, mais le populisme, ça existe. Et je prends un exemple, pour le coup vous serez peut-être plus d'accord : quand on fait un référendum sur les chômeurs, si c'est pas du populisme, ça y ressemble fortement. Donc, est-ce que ça existe ? Serge Moati : La proposition de monsieur Sarkozy. Jean-Luc Mélenchon : Non, non, non. Attendez, on ne va pas se battre pour des mots. J'adorerais ça, hein, mais... Caroline Fourest : Oui mais les mots sont au cœur de tout, là. Jean-Luc Mélenchon : Vous avez commencé par poser un mot et l'attribuer à un comportement. Mais vous êtes capable, vous, Caroline Fourest, de... Caroline Fourest : Je vous demande : est-ce que c'est du populisme ou pas ? Jean-Luc Mélenchon : Attendez, je suis aussi un intellectuel, comme vous. Caroline Fourest : Oui. Jean-Luc Mélenchon : Le mot "populisme" ne veut rien dire. Il y a une phénoménologie du populisme, c'est-à-dire que on a qualifié de "populiste" le régime de Peron, on qualifie de "populiste" le régime d'Orban. Les deux n'ont rien à voir. Le mot... Caroline Fourest : Parce qu'il y a différents populismes. Jean-Luc Mélenchon : Écoutez-moi. Le contenu de l'injure "populiste" - il y avait un prix communiste de la littérature populiste. Pourquoi utilise-t-on le mot "populiste" ? Parce qu'il y a un arrière-plan qui est de dire : "le peuple ne peut avoir que des instincts bas et vils". Voilà ce que veut dire l'usage du mot "populisme". Alors on colle "populisme" à tout ce qui semble être populaire, parce que le peuple ne peut être que bas et vil. Voilà. Caroline Fourest, vous êtes une intellectuelle que j'admire, de grâce, pas vous, quoi ! N'allez pas rentrer dans cette logique-là ! Caroline Fourest : Un referendum sur les chômeurs, c'est quoi ? Jean-Luc Mélenchon : C'est de la démagogie de quelqu'un qui vient de prendre un tournant dont personne ne parle. » 5/ Extraits de la vidéo « Le grand direct de l’info - 14/01/11 » « Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/ Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012 « Jean-Marc Morandini : On va parler de ce sondage CSA pour Marianne qui sera publié demain dans lequel Marine Le Pen recueillerai 18% des voix à la présidentielle. Martine Aubry de son côté ne recueille que 22%, Nicolas Sarkozy entre 25 et 28% selon son adversaire, mais on va s'arrêter bien évidemment sur le score de Marine Le Pen. 18%, son 98 Annexes père ne recueillait même pas la moitié de ce score un an avant la présidentielle de 2002. Est-ce qu'on assiste, Jean-François kahn, à la montée du populisme ? Jean-François kahn : Oui, absolument. Alors dans le sondage, je tiens à signaler que DSK en revanche, lui, ferait 30, hein. C'est-à-dire, lui, il creuse l'écart. Oui, absolument... Jean-Marc Morandini : Montée du populisme ? Jean-François kahn : Oui. Moi, je ne supporte pas qu'on dise ce mot-là. Je vais vous dire : réfléchissez deux secondes. Je dis ça à des gens quand je leur dit "réfléchissez deux secondes", à mon avis ils sont très occupés, parce que même deux secondes, ils ne peuvent pas consacrer ça pour réfléchir... » « Jean-François kahn : Qu'est-ce qu'on essaye de leur dire ? (...) L'histoire de "populisme", vous dites... aussitôt qu'on dit un mot de travers, vous êtes populiste ! Vous osez dire que "écoutez, il y a des gens trop riche, des gens trop pauvres", vous êtes populiste ! C'est-à-dire que déjà, il y a un côté terroriste, là ! C'est de la diabolisation stalinienne, vous êtes terrible. Mais comme on emploie le mot : "Le Pen est lepéniste", très bien. Bayrou est lepéniste. Ah bon ? Ségolène Royal est lepéniste. Ah bon ? Mélenchon est lepéniste. Ah bon ? Sarkozy est... heu... Jean-Marc Morandini : "Populiste", pas "lepéniste". Jean-François kahn : Oui, oui, "populiste". Sarkozy est... Si tout le monde est populiste, si Le Pen est populiste et que tout le monde est populiste, les gens ils disent : "il n'y a pas de différence, c'est la même chose, qu'est-ce qu'on nous emmerde avec "ce monsieur n'est pas gentil, il est méchant, etc", de toutes façons vous dites que tout le monde est populiste !" Donc on peut voter pour l'un, pour l'autre, ça n'a aucune importance, etc. Donc tous ces gens qui ont employé systématiquement le mot "populiste" pour faire taire ceux qui dérangent ont fait le jeu de Jean-Marie Le Pen. » « François de Clozets : D'accord pour dire qu'on met le populisme à toutes les sauces, mais là où je ne serais pas d'accord avec Jean-François, c'est que je pense que le populisme, ça existe. Simplement, il faut le situer où il est. Le populisme il est dans les questions, il n'est pas dans les réponses. Poser uniquement les questions que se posent les gens, ce n'est pas du populisme. Mais apporter comme réponses à ces questions la... je dirais, la réaction instinctive, épidermique de ces gens, ça c'est du populisme. » « Jean-François kahn : Il n'y a pas besoin d'employer le mot "populisme", t'as raison ! François de Clozets : On peut dire "démagogie". Jean-François kahn : Voilà ! On peut dire "démagogie", on peut dire... je sais pas... Jean-Marc Morandini : Pourquoi il gène, ce mot "populiste", je ne comprends pas ? Jean-François kahn : D'abord, utiliser comme injure un mot où il y a le mot "peuple", il faut le faire ! Déjà, il faut le faire ! Et la caste, la caste, qui utilise ça, c'est parce qu'elle déteste le peuple, parce qu'elle a une haine du peuple ! Mais, là où il a raison... Jean-Marc Morandini : Être populiste, ça ne veut pas dire "flatter les bas instincts", justement ? Jean-François kahn : Bah "les bas instincts", pourquoi dans "peuple" ? On n'a qu'à employer un mot où il y a "bas instincts" ! François de Clozets : Si vous adoptez les réponses, comme vous dites, correspondant aux bas instincts, vous êtes dans le populisme. 99 Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à l'élection présidentielle de 2012 Jean-François kahn : Mais "démagogie", ça dit mieux. » 100