Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007

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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007
Université Lumière Lyon II
Institut d'Études Politiques
Répondre au (dis)qualificatif « populiste »
sur la période 2007-2012. Typologie des
réactions et stratégies argumentaires et
discursives face à un terme accusatoire
par quatre candidats à l'élection
présidentielle de 2012
Mémoire soutenu le 4 septembre 2012
Mémoire de fin d’études
Alexis Martinez
Directeur de mémoire : M. Denis Barbet, Maître de Conférences à l’Institut
Responsable du séminaire « Mots et symboles en politique »
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Méthodologie . .
Problématisation . .
Ière partie : Les réactions positives . .
Section 1 : Les réactions d'assomption . .
1. L'assomption directe de la qualification « populiste »/« populisme » . .
2. Le contenu de la qualification « populiste »/« populisme » . .
3. L'assomption implicite . .
Section 2 : L'appropriation . .
IIème partie : Les réactions négatives . .
Section 1 : Le rejet . .
1. Le rejet direct de la qualification « populiste »/« populisme » . .
2. Un rejet indirect : l'usage accusatoire de la qualification
« populisme »/« populiste » à l'endroit d'adversaires politiques . .
3. Un rejet indirect : le déni de toute pertinence au concept « populisme » . .
Section 2 : La contre-attaque . .
1. Le détournement de l'accusation sur un adversaire politique . .
2. La contre-accusation de mépris du peuple . .
Conclusion . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles . .
Mémoires . .
Annexes . .
Annexe 1 : liste des articles de presse du corpus . .
1/ Articles du Monde (consultation en ligne payante) . .
2/ Article du Figaro et du Figaro Magazine (consultation en ligne payante) . .
Annexe 2 : liste des articles en ligne du corpus . .
1/ Articles du site www.lemonde.fr . .
2/ Articles du site www.lefigaro.fr . .
3/ Articles du site www.lexpress.fr . .
4/ Articles du site www.lejdd.fr . .
5/ Articles du site www.lepoint.fr . .
6/ Articles du site www.marianne2.fr . .
Annexe 3 : liste des émissions de radio du corpus consultées en ligne . .
1/ Émissions du site www.rtl.fr . .
2/ Émissions du site www.europe1.fr . .
3/ Émissions du site www.franceinter.fr . .
Annexe 4 : émissions télévisées du corpus consultées à l'INAthèque de Paris . .
Annexe 5 : liste des pages internet du corpus . .
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1/ Pages du site www.archives.elysée.fr . .
2/ Pages du site www.bayrou.fr . .
3/ Pages du site www.jean-luc-melenchon.fr . .
4/ Pages du site www.placeaupeuple.fr . .
Annexe 6 : liste des vidéos du corpus consultées en ligne . .
1/ Vidéos de Nicolas Sarkozy . .
2/ Vidéos de François Bayrou . .
3/ Vidéos de Marine Le Pen . .
4/ Vidéos de Jean-Luc Mélenchon . .
Annexe 7 : ouvrages du corpus . .
Annexe 8 : transcriptions d'extraits des vidéos consultées en ligne . .
1/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [1/2] » . .
2/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [2/2] » . .
3/ Extraits de la vidéo « Débat avec Jean-François Kahn sur "Qu’ils s’en aillent
tous" » . .
4/ Extraits de la vidéo « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP » . .
5/ Extraits de la vidéo « Le grand direct de l’info - 14/01/11 » . .
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Remerciements
Remerciements
Je remercie chaleureusement mes amis et mes parents pour leur soutien sans faille au cours
de l'année écoulée.
Je remercie également M. Barbet pour son suivi et ses conseils bibliographiques et
d'orientation de mon sujet.
J'adresse en outre ma sincère reconnaissance à l'ensemble des documentalistes de l'Institut
d'Études Politiques de Lyon et des bibliothèques universitaires de Lyon II, ainsi qu'aux personnels
de la bibliothèque Sainte Geneviève et de l'INAthèque de Paris, pour leur courtoisie, leur aide
précieuse et leur patience.
Enfin, je remercie le professeur Stéphane François, ainsi que ma mère et mes amis Sonia,
Henri-François, Laurent, Romain et Fabien pour la relecture et leurs avis judicieux.
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Introduction
Catégorie remontant au XIXème siècle avec le mouvement des narodniki, intellectuels
russes qui « allaient au peuple » pour l'instruire puis mouvement politique socialisant
s'appuyant sur les paysans plutôt que sur les ouvriers, associée aux États Unis d'Amérique
au People's Party, formation politique éphémère qui a connu son apogée à la fin des
années 1880 avant de se transformer en satellite du Parti Démocrate, utilisée pour
qualifier les expériences politiques des régimes autoritaires d'Amérique du Sud des années
1940-1950 (Lazaro Cardenas au Mexique, Getulio Vargas au Brésil, Juan Domingo Peron
1
en Argentine , notamment), désignant depuis la fin des années 1980 certains mouvements
politiques européens, souvent d'extrême-droite, et depuis le début des années 2000 les
régimes socialistes ou socialisants d'Amérique du Sud (Hugo Chavez au Venezuela, Luiz
Inacio Lula au Brésil, Evo Morales en Bolivie, etc), ayant également connu un usage hors
du domaine politique (courant littéraire importé en France par Léon Lemonnier, également
créateur d'un prix littéraire associé), le « populisme » a été abondamment traité par la
littérature au cours des quatre dernières décennies, particulièrement depuis la publication
2
de l'ouvrage collectif Populism : Its Meanings and National characteristics en 1969. La
notion est donc ancienne et intégrée de longue date dans le lexique politique, même si ses
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usages courants comme désignation politique en France ne datent que des années 1980
4
et que c'est seulement depuis les années 1990 que la qualification a pénétré de manière
notable le langage journalistique pour désigner de manière quasi systématique - « souvent
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faute de mieux » - des mouvements et personnalités politiques. Cette irruption récente de
la notion de « populisme » dans le vocabulaire politique français explique qu'elle y soit tout
particulièrement discutée, que ce soit par les spécialistes ou par les commentateurs, voire
les acteurs de la vie politique. La deuxième moitié des années 2000 a notamment donné
lieu une importante inflation de la mobilisation de la notion dans le commentaire politique et
les campagnes électorales, ce qui conduit des observateurs à estimer que « l'on n'a jamais
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autant parlé de populisme qu'aujourd'hui » .
1
Voir sur le cas particulier du péronisme, qui fait figure d'idéal-type du phénomène, Gino Germani, « Démocratie représentative et
classes populaires en Amérique latine », Sociologie du Travail, n°4, 1961, pp.96-113
2
G. Ionescu et E. Gellner (dir.), Populism : Its Meanings and National characteristics, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1969, cité
dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.199
3
Pierre-André Taguieff, 1998, p.5 : « La première extension du terme, en référence à des phénomènes sociopolitiques contemporains,
s'est opérée au cours des années 1980, pour caractériser des styles politiques émergents, tous repérables dans l'espace de la droite
conservatrice ou de l'extrême droite »
4
Pierre-André Taguieff, 1998, p.6 : « La seconde extension de populisme s'est produite face à l'apparition, au début des années
1990, de leaders politiques atypiques, démagogues télépopulistes prétendant s'adresser directement au « peuple », hors du système
des partis, tenant souvent un discours anti-partis et pratiquant la dénonciation des élites en place, offrant enfin un programme réduit
à quelques formules vagues ou promesses intenables »
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6
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.9
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur du
groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
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Introduction
Pour autant, une intense mobilisation de la notion ne signifie pas qu'elle recouvre, pour
le public, voire pour les utilisateurs eux-mêmes, une signification commune ni précise. Ainsi
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que le relevait déjà Alexandre Dorna en 1999, « la question populiste reste polémique » ,
diagnostic partagé par Henri Deleersnijder sept ans plus tard quand il souligne qu'« il est
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peu de concepts qui fassent autant objet de débats que celui de "populisme". » Utilisée
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pour désigner Patrick Sébastien comme feu Georges Frêche , s'appliquant indistinctement
à des personnalités, des mouvements politiques, des comportements, des propositions,
des mesures, ou même des traits de caractère, la qualification s'est imposée surtout par
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les connotations péjoratives qu'elle véhicule sans les expliciter . Bien qu'elle demeure
présente dans la littérature savante, « son utilisation actuelle est plutôt journalistique et
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polémique avec une forte connotation négative. » Le « populisme » dans le langage
courant correspond à « quelque chose de bizarre et de négatif », « un objet à connotation
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péjorative » , qui entretient une forte ambiguïté : « alors qu'il prétend être une catégorie
14
d'analyse, le "populisme" est pourtant également une injure politique » , « fonctionne
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comme une injure polie » . En effet, « le mot "populisme" a pris le pli de ses usages
péjoratifs qui, depuis les années 1980, ont chassé ses autres et anciens usages non
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dépréciatifs » , aussi désormais « traiter un responsable ou un mouvement politiques de
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« populiste » ressortit sans doute au registre des invectives faciles. » Cependant, cette
situation ne doit pas être rédhibitoire pour la recherche : on peut « parfaitement utiliser la
notion ou le concept de populisme à condition d'être conscients, pour reprendre la formule
18
utilisée par P.A. Taguieff de son ambiguïté constitutive. »
Vivement intéressé comme citoyen par la vie politique, ayant été surpris lors de la
campagne présidentielle de 2007 de l'irruption massive de la notion de « populisme » dans
les analyses et constatant que sur la période qui l'a suivie la mobilisation de la notion
est demeurée très importante, nous avions eu l'ambition initiale d'en étudier les usages
journalistiques dans la presse écrite et les médias audiovisuels français. Cependant, devant
l'immensité du sujet, nous avons opté pour l'étude d'un aspect spécifique, celui des réponses
apportées par ceux qui sont ainsi désignés à cette qualification.
Si le populisme peut être abordé par les chercheurs « comme phénomène
sociopolitique supposé observable (un ensemble de mouvements ou de partis politiques) ou
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Alexandre Dorna, 1999, p.10
Henri Deleersnijder, 2006, p.93
« PATRICK SÉBASTIEN, PORTRAIT D'UN BLUFFEUR », par Daniel Psenny, Le Monde du 20/12/2009
10
Gérard
«
Davet,
mise
Le
en
Monde.fr
:
ligne
10/02/2010,
le
Le
pas
très
catholique
Georges
Frêche
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=60a28cc0432747f40da82846568d225fb3fab65e67616935, consultée le 27/06/2012
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Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.18
Roger Dupuy, 2002, p.209
Alexandre Dorna, 1999, p.3
Annie Collovald, 2004, p.9
Annie Collovald, 2004, p.33
Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.10
Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.9
Gérard Grunberg, 1998, p.127
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
comme catégorie d'analyse supposée éclairante, modèle théorique bien construit doté d'une
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valeur descriptive » , c'est moins à une démarche d'explicitation du concept que nous nous
livrons ici qu'à une tentative de détermination d'apports sémantiques à ses acceptations
courantes au travers des réponses apportées à cette qualification précisément par ceux qui
en sont qualifiés. En effet, « le terme étant sorti du langage savant, ses usages dominants
s'inscrivent désormais dans l'espace polémique occupé par les acteurs politiques, les
20
journalistes et les intellectuels médiatiques. » Or si ses usages par les commentateurs
et journalistes ont été relativement souvent abordés par la littérature, la mobilisation de
la notion par les acteurs politiques y est moins souvent analysée alors qu'elle y apporte
indéniablement sa contribution sémantique. En particulier, à quelques exceptions près
(notamment Jean-Marie Le Pen, dont les stratégies discursives autour de la mobilisation du
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« populisme » ont été analysées par Pierre-André Taguieff ), les personnalités politiques
désignées ainsi n'ont que fort peu suscité la curiosité des sciences humaines et sociales.
Il s'agit pourtant là d'un aspect largement reconnu comme fondamental du populisme,
qui « est incarné dans une figure attractive/répulsive, et prend le visage (et souvent le
patronyme) d'un personnage public dont la popularité se constitue avant tout dans tel ou
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tel cadre national (ou ethnorégional). » « Sans lui, sans la présence de ce chef unique,
23
le mouvement devient "populaire" plutôt que populiste » , estime même Maryse Souchard,
tandis qu'Alexandre Dorna fait de « la personnalisation » et de « l'adhésion à un homme »
24
« l'apanage du populisme. » Sans nécessairement attribuer ce caractère déterminant aux
personnalités bénéficiant de la qualification comme « populistes », un net consensus se
dégage dans la littérature pour estimer que « le culte de chefs jugés charismatiques »
25
est une « composante de la mouvance populiste » . Pour s'intéresser au populisme, et
singulièrement à ses usages courants dans la sphère politique et journalistique, il nous
semble ainsi indispensable de nous pencher sur les personnalités ainsi désignées et sur
leurs propres mobilisations discursives de la notion.
En effet, s'agissant de personnalités politiques, « la quête de légitimité est un souci
26
constant » . Or cette quête passe non seulement par la maîtrise d'un univers symbolique
et syntagmatique permettant la reconnaissance d'autrui - au premier chef les militants
et sympathisants, mais également les commentateurs, journalistes ou autres, et même
les adversaires politiques - mais aussi par l'identification sur la scène politique. Ainsi, la
qualification médiatique d'une personnalité politique peut, si elle se fait de manière répétée
voir systématique, occulter les identités politiques que souhaiterait imposer d'elle-même la
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Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.73
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.17
Pierre-André Taguieff, 1998, pp.15-23 ; 2007, pp.248-255
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.102
Maryse Souchard, 2010, p.20 ; sur l'opposition « populaire »/« populiste », cf. Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.34 : « On
retrouve la même opposition sémantique, la même inversion de signes (positif/négatif) dans de nombreuses langues : popular/
populista en espagnol, popolare/populista en italien, popular/populist en anglais, völkisch/populitich en allemand, popular/populista
en portugais, etc. C'est ce qui permet à Kraushaar d'écrire que le populisme est « une espèce de crêpe conceptuelle. Plate, étalée,
aux contours mal définis, [...] sa polysémie le prédestine à être un slogan éprouvé dans les controverses politiques : il est facile de le
balancer à la figure de l'adversaire. Il ne blesse pas, mais livre l'agressé au ridicule ». »
24
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Alexandre Dorna, 1999, p.12
Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.11
Christian Le Bart, 1998, pp.p.77
Introduction
personnalité qualifiée, ce qui contraint à une réaction afin de rectifier l'image (ou en tous
cas d'essayer) dans le sens souhaité. Le terme « populiste » étant dépréciatif, en tous
cas largement perçu comme tel, cette réaction implique la mise en place de stratégies
27
discursives et médiatiques. Le populisme « n'échappe pas aux enjeux discursifs » .
Nous avons fait le choix de porter notre étude sur la période qui avait retenu notre
attention au départ et pendant laquelle il nous a semblé que les occurrences de la
qualification comme « populiste » ou « populisme » étaient particulièrement abondantes,
à savoir la période s'étendant de l'élection présidentielle de 2007 à celle de 2012.
Plus précisément, les usages stratégiques du mot « populisme » pendant la campagne
présidentielle de 2007 ayant été étudiés par Orianne Ledroit dans son mémoire de fin
28
d'études , que nous avons trouvé fort éclairant, nous avons fait démarrer notre période
au lendemain du second tour de l'élection présidentielle de 2007, soit le sept mai 2007,
et l'avons arrêtée au premier tour de l'élection présidentielle, soit le vingt-deux avril 2012.
Nous avons également largement limité le champ de l'étude en nous concentrant sur quatre
personnalités politiques françaises (pour des soucis d'accessibilité et de compréhension),
et, afin d'ancrer le présent mémoire dans l'actualité, toutes candidates lors de l'élection
présidentielle de 2012 et dont deux l'avaient été également à celle de 2007, à savoir : Nicolas
Sarkozy, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Méthodologie
La spécificité du sujet amène à concentrer le corpus utilisé sur les interventions des
quatre sujets d'études pendant la période étudiée. Non seulement dans les médias mais
aussi à l'occasion de leurs discours partisans au cours des événements politiques qui se
sont succédés durant les presque cinq années étudiées. Cela implique une focalisation sur
les médias audiovisuels, où les personnalités politiques sont d'une manière générale bien
plus prompts à intervenir que dans la presse écrite et où il leur est plus aisé de procéder à la
mise en œuvre de stratégies discursives, mais également sur les vidéos, enregistrements
sonores et transcriptions des événements militants auxquels ils ont participé (meetings,
banquets, réunions publiques, congrès, etc). Les articles de presse ne nous intéressant que
dans la mesure où ils comportent des retranscriptions de propos ou bien dans le cas de
tribunes accordées à l'un ou l'autre des sujets étudiés.
De plus, compte-tenu de la dimension stratégique des réponses à la qualification,
nous avons pris le parti de considérer qu'elles incluaient outre les personnalités étudiées,
certains membres de leurs états-majors politiques, en tous cas lors de certaines périodes
politiquement sensibles, notamment celle de la campagne présidentielle de 2012, exercice
au cours duquel la parole de l'entourage politique du candidat est en général relativement
contrôlée pour être conforme avec celle dudit candidat.
Enfin, au cours de notre étude, nous avons résolu d'ajouter au corpus un certain
nombre d'articles de presse ne comportant aucune intervention ni des sujets d'étude ni de
leurs entourages politiques mais apportant des éclaircissements sur les usages courants
de la qualification comme « populiste », soit par les journalistes eux-mêmes soit par des
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Alexandre Dorna, 1999, p.6
Orianne Ledroit, 2006-2007
9
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
intellectuels, non forcément spécialistes de la question, interrogés à cette fin. Ces articles
sont généralement tirés des quotidiens Le Monde et Le Figaro, ainsi que de leurs versions
en ligne. Le choix de ces deux journaux dont les spécificités éditoriales sont reconnues,
le premier faisant figure de « journal de référence » et le second étant marqué comme
« journal de droite », s'explique par l'introduction relativement tardive de ces articles dans
notre recherche : nous avons simplement opté pour deux journaux de grande audience qui
nous étaient immédiatement accessibles.
Le corpus consulté se partage ainsi nettement en deux grandes catégories :
- des interventions des quatre sujets d'étude dans le cadre d'émissions de télévision et
de radio et d'entrevue et tribunes dans la presse écrite, ainsi que des articles rapportant leurs
propos. S'y ajoutent, notamment sur la période de la campagne électorale, des interventions
d'autres acteurs mais reliés politiquement à l'un d'eux et par conséquent susceptibles de
diffuser des mobilisations de la notion identiques
- des articles de presse et émissions de télévision et de radio dans lesquels les
commentateurs, le plus souvent des journalistes mais également des intellectuels dans
le cadre d'entrevues et de tribunes, entendent éclairer le concept « populisme » et la
qualification « populiste »/« populisme »
Le corpus s'étend principalement sur la période d'étude des quatre sujets, à savoir de
l'après-élection de 2007 jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle de 2012. Toutefois,
deux articles consultés de la première catégorie du corpus sont situés après cette date.
Nous avons estimé que leurs apports étaient suffisamment précieux pour les y inclure.
Par soucis de précision et parce que le vocabulaire impliqué est au moins aussi ambigu
que la notion traitée, nous essaierons, autant que faire se peut, de distinguer dans la suite
entre la « qualification « populiste »/« populisme" », désignant les usages des termes
« populiste » et « populisme » désignant un individu, un mouvement, une tendance, un
propos, une proposition, etc, y compris ceux dont rend compte la littérature savante, et le
« concept « populisme" », qui désignera les contenus théoriques intégrés à la notion, que
ce soit par la littérature savante ou par les commentateurs, journalistes et politiques qui
s'essayent à l'exercice.
Précisons encore que Benoît Schneckenburger a signé un ouvrage et deux textes
argumentaires de campagne sur la qualification « populiste »/« populisme » comme sur
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le concept « populisme », mais que l'un d'eux, « Populisme : le peuple en accusation » ,
publié dans la rubrique « l'argument de la semaine » du blog de Jean-Luc Mélenchon est
en fait l'esquisse de son livre Populisme, le fantasme des élites, et ne sera donc pas cité
dans le présent travail. L'ouvrage Populisme, le fantasme des élites, quant à lui, et malgré
une vocation affirmée d'ouvrage savant, est manifestement destiné avant tout à alimenter
l'argumentaire de campagne du candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle de
2012, raison pour laquelle il figure au sein du corpus et non parmi la bibliographie.
Enfin, sans avoir pu prétendre à l'exhaustivité, nous avons par ailleurs consulté
(sans les relever dans le corpus) un certain nombre d'articles attribuant la qualification
« populiste »/« populisme » à l'un ou l'autre des sujets étudiés, ce qui nous a permis d'établir
de manière empirique pour chacun d'eux un « profil » de la mobilisation de la qualification
à leur endroit.
29
10
http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/
Introduction
S'agissant de Nicolas Sarkozy en premier lieu, nous avons remarqué une mobilisation
de la qualification « populiste »/« populisme » pour le désigner sur l'ensemble de la période
étudiée. Cependant, nous avons identifié trois moments d'intensification de celle-ci :
- d'abord durant l'immédiat après-élection en 2007, où la qualification a été utilisée
moins en référence de l'action du président nouvellement élu que dans le cadre d'analyses
post-électorales. La désignation joint alors collectivement les candidats Nicolas Sarkozy,
Ségolène Royal, François Bayrou et Jean-Marie Le Pen, même si des occurrences
désignant exclusivement le premier ont été repérées
- ensuite sur la période qui suit le « discours de Grenoble » et la politique de
démantèlement de camps de nomades suivie par le gouvernement durant l'été 2010
- enfin pendant la campagne électorale de 2012, particulièrement après l'entrée
officielle en campagne de Nicolas Sarkozy et ses propositions de « referendum sur les
chômeurs »
Pour ce qui est de François Bayrou, la qualification « populiste »/« populisme » ne le
désigne pratiquement pas sur la période à l'exception de trois épisodes délimités dans le
temps :
- tout d'abord, à l'instar de Nicolas Sarkozy, il est désigné parmi les « candidats
populistes de 2007 » dans des analyses post-électorales qui suivent l'élection présidentielle.
Cette désignation collective ne fait que reprendre le vocabulaire utilisé pendant la campagne
électorale de 2007, et nous n'avons repéré aucun usage de la qualification destiné
spécifiquement à François Bayrou
ensuite, à l'occasion de la campagne pour les élections européennes de 2009, qui a
été ponctuée de deux épisodes mettant en avant François Bayrou : d'abord la publication
d'un ouvrage « anti-Sarkozy » qui lui a valu des attaques de la part de l'UMP, et ensuite une
polémique lors d'un débat avec Daniel Cohn-Bendit, durant lequel le président du MoDem a
vivement attaqué son adversaire sur le terrain des mœurs en rappelant une ancienne affaire
- enfin, la campagne électorale de 2012, tout particulièrement après la mise en avant
de sa proposition politique sur le « produisons français »
- Concernant Jean-Luc Mélenchon, il a été très intensivement désigné par la
qualification « populiste »/« populisme » à partir de l'été 2010, alors qu'au contraire nous
n'avons pu repérer d'usage antérieur le concernant sur la période étudiée. Le « profil »
de ses qualifications consiste en une succession d'intensifications ponctuelles liées à son
actualité médiatique : publication de son ouvrage Qu'ils s'en aillent tous ! Vite, la révolution
citoyenne, prises à partie de journalistes, discours de campagne, etc.
- Enfin, Marine Le Pen est celle qui a bénéficié semble-t-il de la plus grande constance
dans la qualification sur la période, même si trois épisodes se détachent :
- à l'automne 2009, soulevant l'« affaire Frédéric Mitterrand », elle est alors mentionnée
fréquemment dans la presse et les médias et bénéficie quasi systématiquement de la
qualification
- à partir des élections régionales de 2010 et surtout du congrès de Tours du Front
National en 2011 à l'occasion duquel elle en a pris la direction, elle « récupère » les usages
de la qualification désignant jusque là son père
- enfin, durant la campagne électorale de 2012
Dans les quatre cas, la plus importante période de mobilisation de la qualification à leur
endroit a été semble-t-il la campagne électorale de 2012, ce qui explique qu'une large part
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
des réponses collectées se situe sur la période allant d'octobre 2010 au premier tour de
l'élection présidentielle.
Problématisation
L'objectif du présent mémoire est donc d'apporter quelque éclairage à la question : « De
quelles manières des personnalités politiques désignées comme « populistes » répondentelles à cette (dis)qualification ? » au travers d'une étude de cas.
S'agissant d'établir une typologie des réponses à la qualification
« populiste »/« populisme », nous avons opté pour un plan reprenant les différents
éléments dégagés par la recherche au risque qu'il soit considérablement déséquilibré. Notre
démarche vise en effet moins à se concentrer sur les spécificités des mobilisations de la
qualification « populiste »/« populisme » comme du concept « populisme » par nos quatre
sujets d'étude - même si certaines ont été relevées - qu'à tenter d'apporter des éléments
pouvant aider à l'analyse dans d'autres contextes et s'agissant d'autres acteurs politiques.
Ainsi, nous avons distingué les réactions relevées entre les réactions dites « positives »
et les dites « négatives », et, parmi les premières, celles dites « d'assomption » de celles
dites « d'appropriation », parmi les secondes, celles dites « de rejet » de celles dites « de
contre-attaque », toutes ces réactions étant encore détaillées, le cas échéant, entre les cas
spécifiques repérés, quand bien même certaines auraient eu bien plus souvent lieu que
d'autres.
12
Ière partie : Les réactions positives
Ière partie : Les réactions positives
Sont dites « positives » les réactions à la qualification « populiste »/« populisme » qui
acceptent la qualification, sans nécessairement accepter le contenu qui y est associé. Deux
principaux types de réaction sont des réactions « positives » : les réactions d'assomption
et les réactions d'appropriation.
Section 1 : Les réactions d'assomption
Les réactions dites « d'assomption », comme leur nom l'indique, désignent les réactions à la
qualification « populiste »/« populisme » consistant à assumer la qualification, notamment
à accepter les connotations transportées par elle.
1. L'assomption directe de la qualification « populiste »/« populisme »
La qualification « populiste »/« populisme », qu'elle soit attribuée par un commentateur ou
par un adversaire politique, tient rarement lieu de compliment. Elle serait même franchement
péjorative, voire insultante, et tient lieu de disqualificatif plus que d'autre chose. Pourtant, à
plusieurs reprises au cours de la période étudiée, quelques-uns des sujets n'ont pas hésité
à assumer, si ce n'est à revendiquer, cette épithète à vocation infamante au départ.
Ainsi, lorsqu'il a été qualifié en février 2009 par l'alors secrétaire général de l'UMP
Xavier Bertrand de « populiste », « terrible accusation » selon le journaliste Robert Solé du
Monde, François Bayrou, qui était imaginé « offensé » par un « insulteur », s'est contenté d'y
répondre « tout sourire », dans une pirouette rhétorique : « j'aime quand le mot peuple est
30
associé à une définition politique » . De manière plus directe et explicite, le même assure,
en avril de la même année, lorsque les journalistes Françoise Fressoz, Sophie Landrin
et Patrick Roger - du Monde, toujours - lui demandent s'il assume « une certaine forme
de radicalité, voire de populisme » se fichtre « des accusations », avant de détourner le
sujet sur une considération d'ordre général : « une seule question compte : ce modèle de
31
société va-t-il ou non dans le bon sens ? Ma réponse est non. » N'affichant pour toute
réaction à ce qui se voulait une injure qu'une considération générale voire l'affectation d'une
totale indifférence tout en s'abstenant d'y apporter le moindre contenu visant à en modifier
l'acceptation pour le lecteur, en particulier militant, le président du MoDem assume de fait la
qualification « populiste »/« populisme » telle qu'elle est entendue par l'accusateur, sans ni
tomber dans son jeu (car l'injure en politique revêt en général une signification tactique), ni
30
« Le Monde.fr : Archives », par Robert Solé, mise en ligne par 10/02/2009, http://abonnes.lemonde.fr/web/
recherche_breve/1,13-0,37-1069539,0.html?xtmc=populiste_bayrou&xtcr=2, consultée le 27/06/2012
31
« Le Monde.fr : M. Bayrou : « On conduit la France vers un modèle qui n'est pas le sien » », par Françoise Fressoz,
Sophie Landrin et Patrick Roger, mise en ligne le 05/04/2009, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=7f373c71a03d12b346f7c6cac668ca22cd604a1deb70981b, consultée le 27/06/2012
13
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
inciter, en faisant mention explicitement de sa démarche en reprenant le terme, à ce qu'elle
lui soit associée dans le langage médiatique.
Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, est bien plus explicite quant à sa démarche vis-à-vis
de la qualification « populiste »/« populisme », rétorquant le huit juillet 2010 à Michel Field
qui le qualifiait de « plus sympathique des populistes » : « j'en viens à dire que j'assume »,
précisant : « alors que je suis moi aussi un intellectuel, que je fais partie des élites et que
je ne veux pas le cacher », chose qui semble dans son esprit incompatible avec le fait
d'être populiste, faisant de la qualification une coquille vide, une simple étiquette dénuée de
signification, ce que confirme le motif avancé de cette assomption proclamée : « j'en ai pardessus la tête ! C'est le peuple français, et là, contenant sa colère, et il a besoin de rayonner.
Monsieur, ne désespérez pas de lui : les Français peuvent tout faire s'ils veulent, même vider
32
la mer avec les mains ! » , qui tient plus de la proclamation gratuite de principes généraux
que d'autre chose. Tout aussi explicite est son « populiste, moi ? J'assume ! » en réponse
à une question de deux journalistes de L'Express le seize septembre, conséquence de son
33
refus désormais de « [se] défendre de l'accusation de populisme » . Le quinze octobre
encore, lors de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3, en référence à la diffusion sur
Internet d'une séquence du film Fin de concession de Pierre Carles dans laquelle il qualifie
David Pujadas de « salaud » et de « larbin » à cause de sa supposée partialité lorsqu'il a
interrogé le syndicaliste Xavier Mathieu, il affirme être « populiste d'enfer dans une situation
comme ça », être « avec l'ouvrier » qui subirait des ennuis « parce qu'il résiste et qu'il a la
34
tête droite » . Cependant, le vingt-deux novembre, il passe dans le registre de l'indifférence
à la qualification, assurant se fichtre « complètement de l'injure » que croient avoir trouvé
35
les commentateurs et journalistes « pour pouvoir [le] désigner » . Enfin, durant le dernier
mois de la campagne présidentielle de 2012, le quinze mars à Clermont-Ferrand, il choisit
de désigner collectivement sous cette qualification les partisans de l'orientation politique
qu'il défend, exposant sur le ton de la bravade : « ce sont donc bien les « populistes » qui
36
avaient raison de dire qu'il y a un problème avec les riches » . Cette unique occurrence sur
la période du passage chez Mélenchon de l'assomption à la revendication de la qualification
« populiste »/« populisme » tient cependant de la reprise ironique du terme, ainsi que le
démontre l'étude de ses mobilisations de la notion sur le mois de mars 2012 pendant lequel il
attribue la qualification à ceux de ses adversaires qui lui semblent avoir intégré des éléments
de son orientation politique. Il s'agit-là de l'exception et non de la règle de son comportement
discursif en matière d'assomption de la qualification, laquelle se fait plutôt en réponse à une
mobilisation à son endroit qu'à sa propre initiative et en y associant pour tout contenu des
conceptions vagues et générales.
Enfin, Marine Le Pen se contente simplement à la fin de son débat avec le précédent
lors de l'émission Bourdin Direct du quatorze février 2012 sur RMC et BFMTV d'affirmer
32
Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012
33
« Mélenchon: "Populiste, moi ? J'assume!" - L'EXPRESS », mise en ligne le 16/09/2010 http://www.lexpress.fr/actualite/
politique/melenchon-populiste-moi-j-assume_919603.html, consultée le 16/06/2012
34
Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7w7m_populiste-
melenchon-2-2_news, consultée le 16/06/2012
35
Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-au-congres-du-pg_news, consultée le 17/06/2012
36
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Discours Clerm.-Ferrand », mise en ligne le 15/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpgmbl_j-l-melenchon-discours-clerm-ferrand_news, consultée le 25/06/2012
14
Ière partie : Les réactions positives
assumer, d'être, avec Jean-Luc Mélenchon, « tous les deux » « des populistes », sans
apporter le moindre éclairage quant à ce qu'elle associe au terme mais en soulignant que
37
son adversaire serait « un populiste sans peuple » , ce qui a priori paraît antinomique
avec la notion et contribue encore, en l'absence d'explicitation, à rendre vide son emploi
en l'occurrence. Son soutien de campagne Gilbert Collard, en réponse à une question de
Vivien Vergnaud et Anne-Charlotte Dusseaulx du JDD le vingt-et-un décembre 2011 lui
demandant s'il n'était pas « populiste de dire » que le rôle d'un ministre de la justice était
de passer outre les demandes des juges et des procureurs, lance en réaction : « Vive
38
le populisme ! Je ne lui crache pas dessus ! » avant d'expliquer aimer le peuple. Bien
qu'il ne s'agisse pas de la candidate du Front National mais d'un soutien médiatique à
cette dernière, on peut considérer que, sans pour autant correspondre à une hypothétique
« ligne argumentaire » édictée depuis le quartier général de campagne, cette réaction à
la qualification « populiste »/« populisme », cohérente avec celle précédemment citée,
correspond à une conception partagée collectivement par l'état-major de campagne de
Marine Le Pen.
Cette démarche d'assomption de la qualification, surprenante au premier abord et qui
nous semble récente, permet de désamorcer l'usage dépréciatif de la qualification : une
injure qu'on accepte n'est plus une injure, mais au mieux une description. Si la qualification
« populiste »/« populisme » est assumée par ceux qu'elle désigne, elle devient une
simple catégorie dont la portée péjorative ne fait plus l'objet d'un consensus mais n'est
plus qu'une vue de l'esprit, subjective par définition. L'assomption de la qualification
« populiste »/« populisme » peut ainsi s'inscrire dans la démarche identifiée par Christian
Le Bart, qui consiste pour « chaque organisation politique » à « souder ses troupes et (...)
se distinguer des organisations concurrentes par un vocabulaire, une syntaxe, un univers
39
d'argumentations et de métaphores, qui font d'abord sens pour ses membres » sans se
soucier du sens revêtu par eux aux yeux des personnes extérieures aux cercles militant et
sympathisant.
Néanmoins, il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de s'abstraire des
contenus associés à la qualification par les commentaires journalistiques, qui disposent d'un
fort pouvoir de prescription sémantique. C'est pourquoi au-delà de la simple assomption
directe d'un terme vidé de toute référence ou bien associé à de vagues conceptions creuses
et gratuites, il peut exister une assomption indirecte s'appuyant sur les contenus associés à
la qualification « populiste »/« populisme » dans ses usages courants, que par conséquent
nous nous sommes attachés à expliciter.
2. Le contenu de la qualification « populiste »/« populisme »
Nous n'essayerons pas ici d'établir un panorama des apports théoriques au concept
« populisme », encore moins d'y apporter une contribution. Il s'agit plutôt de dégager
quelques traits de caractérisation communs à la qualification « populiste »/« populisme »
en nous appuyant pour ce faire sur la littérature savante comme sur les commentaires
37
Vidéo : « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://www.dailymotion.com/video/
xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news, consultée le 19/06/2012
38
« Gilbert Collard : "Qu'on n'aille pas dire que je fais ma Cécile Duflot" (interview) - leJDD.fr », par Vivien Vergnaud et Anne-
Charlotte Dusseaulx, mise en ligne le 21/12/2011, http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Gilbert-Collard-Qu-on-naille-pas-dire-que-je-fais-ma-Cecile-Duflot-interview-443015, consultée le 01/08/2012
39
Christian Le Bart, 1998, p.31
15
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
politiques, de nombreux journalistes et éditorialistes s'étant, sur la période étudiée, essayés
au périlleux exercice d'apporter des précisions sémantiques à leurs usages, que ce soit
en s'appuyant sur la littérature, en interrogeant des spécialistes ou bien directement par
eux-mêmes. Ne sont donc mentionnées de la littérature savante sur le sujet que les
caractéristiques également utilisés couramment, soit que leurs usages courants aient été
étudiés par elle, soit au contraire qu'elle leur ai imposé des acceptations spécifiques de la
qualification.
Le concept « populisme » est caractérisé par la littérature savante comme étant le
signe d'une faillite de la démocratie. En effet, pour Silvia Kobi, il s'agirait avant tout pour
« les mouvements populistes » de « dénoncer certaines des "promesses non tenues" des
40
démocraties modernes » . La « crise de représentation », le « défaut de communication
politique », l'« échec des médiations », peut-être même la « faillite du politique » seraient,
d'après Bertrand Badie, autant de caractères communs aux situations auxquelles se
41
réfèrent le concept « populisme » et qui seraient parties intégrantes de son « contenu » .
Ainsi, « en tant que technique de mobilisation, le populisme s'impose avec succès dans des
42
situations d'anomie ou de transition » . De même Alain Bergounioux expose-t-il que « le
populisme a plus de sens par les manques qu'il révèle que par ce qu'il porte en propre »,
43
traduisant « une crise de la représentation » : « le système politique représentatif issu de
la seconde guerre mondiale » aurait « aujourd'hui une moindre capacité à représenter la
diversité des opinions et des attentes politiques », et le populisme serait « un des moyens
d'expression de [la] contestation » de cet état de fait, « un symptôme d'une crise de nos
44
systèmes politiques représentatifs » . L'idée est confortée par Alexandre Dorna, pour qui
45
le populisme naîtrait « au sein des sociétés en crise de transition » , associé « à un
46
47
syndrome de désenchantement » et « aux échecs du régime démocratique » , devenant
48
une des issues s'offrant aux « masses » face à « la désillusion démocratique » . Le concept
« populisme » définirait ainsi une tendance systémique plutôt que conjoncturelle, « un
syndrome à la fois confus et exubérant qui s'accroît de façon prolifique à un moment donné
49
de l'évolution sociale et économique d'une communauté » , raison pour laquelle il serait
« plus une sonnette d'alarme qu'une explosion violente capable de tout emporter sur son
50
51
passage », « un avertissement » plus qu'un danger , « les crises en étant le détonateur. »
Ce diagnostic est partagé par Patrick Charaudeau, pour lequel « le populisme naît toujours
dans une situation de crise sociale » : « crise économique », « crise identitaire et morale »,
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
16
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46
Bertrand Badie, 1997, p.226
Bertrand Badie, 1997, p.227
Alain Bergounioux, 1997, p.229
Alain Bergounioux, 1997, p.230
Alexandre Dorna, 1999, p.3
Alexandre Dorna, 1999, p.8
Alexandre Dorna, 1999, p.9
Alexandre Dorna, 1999, p.9
Alexandre Dorna, 1999, p.10
Alexandre Dorna, 1999, p.12
Alexandre Dorna, 1999, p.113
Ière partie : Les réactions positives
52
« crise de changement de régime politique » . Ainsi le populisme existerait toujours « sur
53
fond de démocratie » . Pour Pierre-André Taguieff, les phénomènes populistes et plus
particulièrement les « néopopulismes de droite européens » « sont d'abord un symptôme
54
du malaise démocratique » , tandis que Laurent Bouvet, expose qu'il s'agirait d'« un
55
phénomène indissociable de la démocratie » - laquelle n'en serait que la « forme civilisée »
56
-, son « mal nécessaire » . Et d'en conclure : « si beaucoup de populisme éloigne à coup
57
sûr de la démocratie, (...) un peu en rapproche tout aussi sûrement. »
Loin de cette conception à plusieurs facettes de la relation du populisme à la
démocratie, Serge July qualifiait de manière absolue le sept juillet 2010 sur RTL le populisme
de « tendance à dénoncer une faillite de la démocratie représentative et de l'économie
libérale », soulignant qu'il serait « un sentiment croissant de malaise et une envie de rupture
avec les règles du jeu démocratique » se nourrissant de « la crise, une rigueur plutôt mal
partagée que bien, un sentiment croissant d'injustice, des ratages politiques » et rappelant
que « le populisme naît au XIXème siècle dans les pas de la démocratie représentative »,
58
dont il serait « son mauvais génie. » De manière moins tranchée, Françoise Fressoz
indiquait dans un article du Monde le seize novembre que le populisme pouvait entre autre
59
s'aborder comme étant « le syndrome » de « l'absence de perspectives » , cependant que
sur Europe 1 Robert Namias expliquait sa résurgence par « un terreau malheureusement
qui est récurrent dans un pays comme le notre », caractérisé par « une phase » dans
laquelle nous serions plongés « où il n'y a pas » de « personnel politique de qualité »,
« il n'y a pas de projet, il n'y a pas de vision, et la France est en panique », situation
favorable à l'essor du populisme, qui « trouve toujours ses racines dans un pays qui
60
est en panne d'idées et en panne de projets » . Si Philippe Paillard Lyon, du Monde,
estime de même le vingt février 2011 que « le populisme actuel trouve, sans doute, ses
racines dans » des « brouillages », il impute en revanche ces derniers à une trahison
des « aspirations populaires » par les « modèles ». Ainsi, comme « on ne sait plus vers
61
quel modèle se tourner », alors « de faux modèles s'imposent ou sont imposés » , étant
entendu qu'il s'agit là des modèles qualifiés de « populistes ». De son côté, la linguiste
Raffaele Simone, interrogée par le même journal le vingt-neuf avril, qualifie le populisme de
52
53
54
55
Patrick Charaudeau, 2011, pp.104-105
Patrick Charaudeau, 2011, p.113
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.17
Laurent Bouvet, 2012, p.229
56
Laurent
«
Bouvet,
Le
mise
Monde.fr
en
ligne
:
le
Un
20/11/2010,
signal
d'alerte
aux
élites
démocratiques
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=810dca8181eb810d8bf0f04c753c0ab54a48f034d642fc96, consultée le 27/06/2012
57
58
Laurent Bouvet, 2012, p.230
« La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/
serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012
59
« Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le 16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc, consultée le 27/06/2012
60
« Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012
61
« Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le 20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/
ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b, consultée le 27/06/2012
17
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
62
« manifestation d'impatience envers la démocratie » , tandis que pour Pierre Rosanvallon,
interrogé le vingt-deux juillet, il est le « symptôme d'un désarroi réel », « d'une détresse
réelle » en même temps que « l'expression d'une illusion », car le populisme serait « le
point de rencontre entre un désenchantement politique, tenant à la mal-représentation, aux
dysfonctionnements du régime démocratique, et la non-résolution de la question sociale
d'aujourd'hui ». Aussi le saisir permettrait de « mieux comprendre la démocratie avec ses
63
risques de détournement, de confiscation, ses ambiguïtés, son inachèvement aussi. »
Déjà le quinze, toujours dans Le Monde, Myriam Revault d'Allonnes exposait, dans le cadre
des Rencontres de Pétrarque organisées à l'occasion du festival de Radio France, qu'il
s'agirait « très certainement » d'« un symptôme de la crise profonde de la démocratie
représentative, de l'érosion de la capacité citoyenne, de la défiance croissante des citoyens
à l'égard de leurs représentants », se demandant cependant s'il serait « pour autant le
signe de la stupidité et de la dangerosité des masses qu'on peut manipuler au gré de leur
64
désespérance » . En effet, selon Ivan Rioufol du Figaro le vingt-trois décembre 2010, il
y aurait « des raisons de se plaindre du déclassement de la France, de la paupérisation
de la classe moyenne, des tensions identitaires, du décrochage de l'Éducation nationale
qui fait fuir les enseignants, du recul du sentiment d'appartenance chez de nouveaux
65
compatriotes, etc » , dénonçant encore le vingt-neuf septembre 2011 « les désastres
d'un système éducatif imprégné depuis l'après-guerre de l'idéal égalitariste, d'une société
multiculturelle et conflictuelle voulue par l'idéologie immigrationniste, d'un État-providence
66
qui a dépensé sans compter en s'endettant sur le dos de la jeunesse. » Le populisme,
plus qu'un symptôme de crise, apporterait donc une critique raisonnable et recevable à
de supposées faillites de la politique et ne serait « le plus souvent qu'une demande de
67
protections et de résultats. » Rien de tel chez Hervé Gattegno, rédacteur en chef au Point,
68
pour qui le populisme « revient à dénoncer le jeu démocratique lui-même » dans un article
le vingt-huit février 2012 et qui est probablement inclus par Marc Crapez, de Marianne,
dans un article sur marianne2.fr du dix mars, dans le groupe de ceux qui prétendraient « la
69
démocratie menacée » . Pour ce dernier, « le populisme du 21ème siècle est une attente
70
de débat démocratique sur des questions ou des aspirations évacuées à la hâte. »
62
mise
«
en
Le
ligne
populisme
le
est
29/04/2011,
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
63
« Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012
64
d'Allonnes,
«
Le
Monde.fr
mise
en
ligne
:
le
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
65
66
67
68
« Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 29/09/2011
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 15/06/2011
« Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au Point, mise en
ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php,
consultée le 15/03/2012
69
« En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En-
fait-le-populisme-qu-est-ce-que-c-est_a216188.html, consultée le 15/03/2012
18
Ière partie : Les réactions positives
L'une de ces questions serait, d'après Kobi, celle de « la distance qui sépare les élites
71
du peuple » : « selon le credo populiste, il ne devrait pas y avoir de distance entre les
citoyens et les dirigeants, ou de décalage entre les desiderata des premiers et les décisions
72
des seconds » . Ainsi, par opposition « à une communauté politique institutionnalisée
gravement affaiblie », il s'agirait selon Badie d'en appeler « à un peuple dépouillé de
73
toutes ses médiations » , tandis que Taguieff définit « l'illusion populiste » comme étant
la proposition « d'abolir la barrière ou la distance, voire toute différence, entre gouvernants
74
et gouvernés » . D'après Laurent Bouvet, le populisme émergerait « lorsqu'on évoque
autre chose qu'une démocratie purement procédurale ». Ainsi, « toute critique émise à
l'égard de la représentation, des élites partidaires ou parlementaires, toute revendication
de démocratie directe ou « substantielle » peut (...) être rangée dans la catégorie du
75
populisme. » En somme, comme il le résume, « le but social du populisme, c'est l'unité du
76
peuple, la suppression de la coupure entre « petits » et « gros" » .
En effet, selon Pierre Milza interrogé le seize novembre 2010 par Arnaud Leparmentier
du Monde, « l'un des traits » du populisme « consiste à passer au-dessus des institutions
77
parlementaires et des corps intermédiaires » , manière de « gouverner en s'adressant
78
directement au peuple, en le prenant à témoin, préférant le plébiscite à la représentation » ,
ainsi que le caractérisait Thomas Legrand sur France Inter le quatre juin 2009. Dans
sa chronique du huit décembre suivant, il confirme cette caractérisation, soulignant que
proclamer « je ne m’adresse pas aux appareils politiques, les appareils politiques ne
m’intéressent pas, je m’adresse directement à la base » à l'instar de Ségolène Royal
témoignerait d'une attitude populiste consistant à « s’adresser directement au peuple, d’en
appeler à sa sagesse ou à ses passions en passant au dessus des corps intermédiaires »
et qui se retrouverait en particulier dans l'interpellation gaulliste « Je vous ai compris ! »,
phrase « d’essence populiste par excellence » car suggérant « sans rien dire de précis, que
le chef de l'État a repris contact directement avec le peuple ». Que l'on parle de « démocratie
directe », de « démocratie participative » ou encore de « démocratie d’opinion », ce serait
en fait bel et bien de populisme qu'il serait question, une attitude consistant à mener « les
79
débats directement avec l’opinion » en « conviant le peuple » comme l'avait fait Nicolas
Sarkozy à l'occasion du « grand débat sur l'identité nationale ». Thomas Legrand précise
70
« Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise en ligne le 22/06/2012, http://
www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-la-secession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012
71
72
73
74
75
76
77
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.43
Bertrand Badie, 1997, p.227
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.75
Laurent Bouvet, 2012, p.236
Laurent Bouvet, 2012, p.237
« Le Monde.fr : <p>Pierre Milza : Sarkozy, Napoléon III, même combat ?</p> », par Pierre Milza interrogé
par Arnaud Leparmentier, mise en ligne le 16/11/2008, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=e25e9e468d45c8dc5533bc124845e24ec97bff10457376d7, consultée le 27/06/2012
78
« Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229,
consultée le 09/07/2012
79
« Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009,
http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231, consultée le 09/07/2012
19
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
encore le vingt-cinq mars 2010, toujours sur France Inter, que le populisme consisterait à
« s’adresser directement au peuple en évitant les corps intermédiaires (la presse, les partis,
80
les syndicats, les associations) » , ou encore, pour reprendre l'image avancée par Nicolas
Truong dans Le Monde du vingt-et-un novembre, à être « branché sur le vrai peuple et ses
81
aspirations » . Le populisme serait ainsi « la tendance » « à en appeler directement au
peuple » « dans le règlement des problèmes de société », ainsi que l'avance le magistrat
82
Denis Salas à propos du « populisme pénal » tel que rapporté dans un article du même
journal du seize février 2011. C'est « l'"appel" direct au peuple » permettant de recevoir « ses
pouvoirs du peuple de manière immédiate » « sans passer par des entités intermédiaires de
nature abstraite comme le système représentatif, les institutions, les organes et les pouvoirs
83
politiques » , comme l'avance Raffaele Simone, qui caractériserait donc le populisme, idée
à laquelle souscrit Myriam Revault d'Allonnes en soulignant que le propre du populisme
84
serait de passer outre « les médiations artificielles de tous ordres. » Pour Guillaume
Roquette, interrogé par Yves Calvi dans l'émission Mots Croisés du vingt février 2012 sur
France 2, il y aurait « derrière » le mot « populisme » « l'opposition contre (…) tous les
85
corps organisés » , appréciation à laquelle souscrit Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et
membre du CEVIPOF, interrogé par Pascal Hérard le vingt-trois avril 2012 sur TV5 Monde, et
selon lequel l'idée « qu’il y a des corps intermédiaires qui étouffent la France, qui empêchent
de faire les réformes nécessaires » et qu'il faut donc contourner en recourant à l'« appel
direct au peuple comme lieu ultime de la vraie souveraineté » serait une « composante
populiste » du discours de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
Cette proposition de réduire voir d'abolir la distance entre gouvernants et gouvernés,
voire d'une manière générale entre élites sociales et catégories populaires, se doublerait
d'une propension à idéaliser le peuple. Ainsi que l'expose Badie, « tout se passe comme
si le populisme venait exalter l'idée simple de peuple pour mieux dénoncer sa défaillance
86
comme communauté politique instituée. » Le peuple idéalisé par le populiste serait « entier,
soudé, à la recherche de racines mythiques, sans différenciations sociales, culturelles ou
87
de provenances géographique » pour l'historien Benjamin Stora, « mythifié comme un,
80
« L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter, 25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/
edito/89901, consultée le 09/07/2012
81
« Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/
cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012
82
par
«
Claire
Le
Monde.fr
Sécail,
mise
:
Nicolas
en
ligne
Sarkozy
le
a
érigé
16/02/2011,
le
populisme
pénal
en
véritable
système
politique
»,
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=e4d67f70ede34ec57c2101fab331d8a5d281f83c5e72610e, consultée le 27/06/2012
83
mise
«
en
Le
ligne
le
populisme
est
29/04/2011,
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
84
d'Allonnes,
«
Le
Monde.fr
mise
en
ligne
:
le
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
85
86
87
20
« Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur France 2, consultée à l'INAthèque de Paris
Bertrand Badie, 1997, pp.226-227
Benjamin Stora, 1997, p.236
Ière partie : Les réactions positives
88
homogène et authentique » pour Taguieff, qui parle de « sacralisation du « peuple" » qui serait traité « comme une catégorie appartenant au domaine du sacré et faisant l'objet
89
d'un culte » - et précise : « J'entends par « populisme », sans considérer ses variantes
de droite et de gauche, une idéalisation ou une transfiguration du « peuple » - pris dans sa
partie « basse » (latin plebs) plutôt que dans sa totalité (populus) - en tant qu'il serait seul
90
porteur de qualités humaines et de vertus natives. » En somme, comme l'expose Umberto
91
Eco, « le populiste est celui qui se crée une image virtuelle de la volonté populaire » .
Ainsi pour Alain-Gérard Slama dans Le Figaro du trois mai 2011, « le propre du
populisme » serait « le mythe d'un peuple rassemblé » et « ressourcé » dans « son unité
92
organique » , conception qu'il maintient dans un article du vingt mars 2012, soulignant
que « l'autre nom du populisme » serait la « conception organique, nostalgique, totalisante
93
du peuple » , tandis que pour Myriam Revault d'Allonnes le populisme « joue » « sur la
94
fibre de l'authenticité, de la vertu naturelle du peuple » , tendance à mettre « en scène
une « nature » du peuple qui est plus une fiction qu'une réalité » qui serait également
le propre de l'opposition au populisme, qui « renvoie implicitement à la représentation
95
stigmatisante d'un peuple » . Ainsi Tzvetan Todorov, dont les propos sont rapportés par
Patrice De Méritens dans Le Figaro Magazine du vingt janvier 2012, opposant explicite au
populisme, en définissant sa vision du peuple, permet d'appréhender en creux la manière
dont le populisme serait censé le considérer : non pas « influençable, voire manipulable » ni
96
s'exprimant « mieux à travers ses représentants que par l'adhésion des foules » mais plutôt
intrinsèquement sage et de bon sens, capable de déjouer les tentatives de le manipuler.
Cette idéalisation du peuple ne serait pas la seule caractéristique rhétorique du discours
populiste, qui se distinguerait également par un contenu simpliste, manipulateur, voire
mensonger. La rhétorique populiste consisterait d'après Badie non seulement à « mobiliser
le peuple en contournant sa nature de communauté politique », mais aussi et surtout à
« flatter et amplifier ses pulsions les plus profondes » et à « les diriger vers l'« autre » ou
vers l'« ailleurs », pour mieux dissimuler les impasses des systèmes de mobilisation et de
88
89
90
91
92
Pierre-André Taguieff, 1998, pp.5-6
Pierre-André Taguieff, 2007-2, pp.10-11
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.81
Umberto Eco, 2006, p.159
« Le populisme, ou le désir de régression », par Alain-Gérard Slama, mise en ligne le 03/05/2011, http://www.lefigaro.fr/mon-
figaro/2011/05/03/10001-20110503ARTFIG00595-le-populisme-ou-le-desir-de-regression.php, consultée le 27/06/2012
93
«
La
nouvelle
ambition
des
deux
Fronts
extrêmes
»,
par
Alain-Gérard
Slama,
mise
en
ligne
le 20/03/2012, http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/03/20/10001-20120320ARTFIG00581-la-nouvelle-ambition-des-deux-frontsextremes.php, consultée le 27/06/2012
94
d'Allonnes,
«
Le
Monde.fr
mise
en
ligne
:
le
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
95
d'Allonnes,
«
Le
Monde.fr
mise
en
ligne
:
le
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
96
« Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par Patrice De Méritens, mise en ligne
le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-la-democratiesecrete-ses-propres-ennemis.php, consultée le 27/06/2012
21
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
97
gouvernement » . Le discours populiste occuperait donc une fonction de détournement
de l'attention des problématiques réelles vers des sujets accessoires afin de se servir
d'un ressentiment populaire soigneusement alimenté à son profit. Cela rejoint l'analyse de
Maurice Tournier, pour lequel est populiste « tout discours qui, en vue de la conquête ou
de la conservation du pouvoir, vise les masses populaires, en pratiquant à leur endroit
une manipulation qui les pousse à une méfiance, une hostilité, voire une haine à l'égard
98
d'une entité sociale particulière rendue responsable de leurs difficultés à vivre. » En effet,
pour Charaudeau, le populisme « n’est (...) pas un régime politique mais une stratégie de
99
conquête ou d’exercice du pouvoir sur fond de démocratie » , et il observe qu'en politique,
la qualification « populiste »/« populisme » serait employée « aussi bien par la droite que par
la gauche pour stigmatiser le parti adverse ou pour se défendre contre la stigmatisation »,
la première accusant la seconde de manipuler « les classes ouvrières et populaires », la
seconde accusant la première de manipuler « les classes moyennes et populaires peu
100
politisées par des discours qui cherchent à susciter l’émotion la plus primitive : la peur. » .
Néanmoins, pour d'autres, c'est moins sur la mobilisation d'un exutoire aux supposées
passions populaires que sur la construction d'une croyance politique s'affranchissant
des contraintes du réel que se construirait cette stratégie. Pour Henri Deleersnijder, le
populisme aurait une face sombre consistant à « simplifier à outrance la complexité du
réel, faisant fi des contradictions (de classes, d'intérêts, d'options) inhérentes à tout groupe
101
humain » pour sombrer « dans une rhétorique démagogique »
identifiée par PierreAndré Taguieff : « pour faire agir, il faut appliquer des règles rhétoriques sans souci de
102
vérité ou de vérifiabilité du propos » , « il s'agit toujours de simplifier, d'affirmer, de
répéter, de produire un effet global de cohérence, de disqualifier l'argumentation adverse
103
— en l'intégrant ou en la retournant, par l'argument ad hominem, par ironie, etc. »
Ainsi, il caractérise le discours de Jean-Marie Le Pen, désigné comme orateur populiste et
démagogue par excellence, qui « fonctionne par réduction des incertitudes, accumulation
d’affirmations simples, empilement de pseudo-évidences, construction d’une façade logique
104
et d’une image acceptable. » L'autre caractéristique de « l'illusion populiste » serait donc
de suggérer d'avoir « le pouvoir d'effacer tout écart entre les désirs et leurs réalités, de
suspendre cet aspect du principe de réalité que constitue l'inscription dans la durée, le
105
respect des délais, la temporisation » , ce que confirme Charaudeau, pour qui l'une des
caractéristiques du « discours populiste », qu'il partage avec le « discours révolutionnaire »,
consisterait précisément à « nier la dimension temporelle », « faire croire que « tout est
106
possible tout de suite », que le miracle du changement est réalisable » . Notamment, la
principale « illusion » entretenue par le discours populiste serait la prétention à « rendre
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
22
Bertrand Badie, 1997, p.228
Maurice Tournier, 1998, p.155
Patrick Charaudeau, 2011, p.113
Patrick Charaudeau, 2011, p.101
Henri Deleersnijder, 2009, pp. 119-120
Pierre-André Taguieff, 1984, p.114
Pierre-André Taguieff, 1984, p.118
Ruth Amossy et Roselyne Koren, 2010, p.15
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.75
Patrick Charaudeau, 2011, p.109
Ière partie : Les réactions positives
107
au peuple son pouvoir de décision » , « sa souveraineté perdue et, conséquemment,
108
son identité nationale » , prétention qui ne serait pas réalisable, en tous cas pas dans
les conditions avancées par le discours populiste. Par conséquent, pour Pierre-André
Taguieff, la rhétorique populiste diffuserait « des interprétations relevant du récit mythique »
mêlées « à des descriptions de faits observables engendrant l'inquiétude », appliquant
« systématiquement aux événements une grille de décodage d'inspiration manichéenne,
109
qui constitue le cœur de la rhétorique populiste »
La « dénégation du rationnel » et « la régression vers les formes irrationnelles
du pouvoir » seraient d'après Jacques Julliard des caractéristiques fondamentales du
populisme, par lequel serait « sans cesse tentée » « la démocratie semi-directe
110
(syndicalisme, grèves, manifestations, sondages) » . Pour Thomas Legrand, le populisme
consiste à « s'emparer des sujets du moment quitte à simplifier à outrance les données
111
des problèmes » « avec de fortes affirmations et des vérités souvent trop simples », ce
112
qui « ne résiste pas longtemps à la réalité du pouvoir et de la crise. » Pour Chantal
Delsol, romancière et philosophe interrogée dans Le Figaro du trente septembre 2010,
alors que le propre de la démocratie serait « un citoyen qui vote dans le secret de l'isoloir
après avoir réfléchi et écouté les débats », celui du populisme serait au contraire « le
citoyen qui, surfant sur son émotion, la tête tournée par les clameurs, emmené par les
enthousiasmes et les camaraderies, vient grossir une foule avec sa banderole, plus fervent
113
du rite à entretenir que de la cause à défendre » , alors que Pascal Mbongo, professeur
de droit constitutionnel à l'université de Poitiers, interrogé le cinq novembre 2010 sur
lemonde.fr, voit dans la qualification « populiste »/« populisme » un moyen de « reprocher
à celui ou à ceux que l'on qualifie de "populiste" de corrompre moralement le "peuple"
en lui vantant des propositions de politiques publiques (en matière fiscale, en matière de
politique d'immigration, en matière de politique économique, en matière de construction
européenne, etc.) dont le "populiste" est supposé savoir qu'elles (ses propositions) sont
114
"déraisonnables" ou "inapplicables" » , le discours médiatique sur le populisme étant
censément fondamentalement antipopuliste. C'est assez clairement dans cette perspective
que François de Clozets le quatorze janvier 2011 sur Europe 1 estime que si « poser
uniquement les questions que se posent les gens, ce n'est pas du populisme », « apporter
comme réponses à ces questions » « la réaction instinctive, épidermique de ces gens »
en serait car le populisme consisterait à donner « la mauvaise réponse » et non à poser
« la bonne question », ce qu'il illustre en reconnaissant que certes « l'inquiétude des
107
108
109
110
111
Patrick Charaudeau, 2011, p.109
Patrick Charaudeau, 2011, p.115
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.25
Jacques Julliard, L'année des dupes, Paris, Le Seuil, 1996, p. 334, cité par Pierre-André Taguieff, 1998
« Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/
actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012
112
« L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter, 25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/
edito/89901, consultée le 09/07/2012
113
« Retraites : le pouvoir de la rue, par Chantal Delsol », philosophe et romancière, mise en ligne le 30/09/2010, http://
www.lefigaro.fr/mon-figaro/2010/09/30/10001-20100930ARTFIG00653-retraitesle-pouvoir-de-la-rue.php, consultée le 27/06/2012
114
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur
du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
23
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Français sur leur retraite » « est légitime », mais que « quand monsieur Mélenchon ou
monsieur Besancenot veulent leur faire croire qu'on pourra maintenir intégralement la
115
retraite à 60 ans », « c'est du populisme » . Mais plus que des propositions censément
déraisonnables, ce serait l'absence de recul qui manifesterait le mieux la dimension
irrationnelle du populisme. Ainsi, Raffaele Simone expose que « l'impatience à l'encontre de
116
la politique et des institutions » serait « l'un des traits fondamentaux du populisme » , tandis
que Myrian Revault d'Allonnes estime que « le populisme s'adresse toujours à l'émotivité
plus qu'à la réflexion, à l'immédiateté et à la réactivité plus qu'à la distance requise par le
117
118
jugement » , Tzvetan Todorov que « le populisme privilégie excessivement le présent »
et Marc Crapez qu'il « est l’exploitation systématique du rêve populaire de réalisation
119
immédiate des revendications des masses » , reprenant la définition de Guy Hermet.
De son côté, Pierre Rosanvallon estime que « la doctrine » des mouvements populistes
« repose sur une triple simplification » : « considérer le peuple comme un sujet évident »,
« considérer que le système représentatif et la démocratie en général sont structurellement
corrompus par les politiciens, et que la seule forme réelle de démocratie serait l'appel au
peuple, c'est-à-dire le référendum » et « considérer que ce qui fait la cohésion d'une société,
c'est son identité et non pas la qualité interne des rapports sociaux », « identité qui est
120
toujours définie négativement », « à partir d'une stigmatisation de ceux qu'il faut rejeter » .
En effet, le cœur de la dimension simplificatrice du discours populiste serait la
désignation d'adversaires, distinguant en deux camps antagonistes la société. Dans la
typologie des populismes élaborée par Pierre-André Taguieff, le type d'adversaire désigné
121
permet de distinguer un « pôle protestataire » d'un « pôle identitaire » : « le peuple »,
catégorie mobilisée par la rhétorique populiste pour recouvrir ceux à qui elle s'adresse,
« se confond avec « ceux d'en bas », en lutte contre « ceux d'en eux" » dans le cas
d'un populisme protestataire, « ou bien avec les représentants du « nous », opposés à
122
« eux » (« les autres ») »
dans celui d'un populisme identitaire. Ainsi, « tout leader
populiste s'adressant au peuple prétend lui désigner ses véritables ennemis, ceux d'en haut
(les élites illégitimes), ceux d'alentour (« le système ») ou ceux d'ailleurs ou venant d'ailleurs
(les étrangers hostiles, les immigrés envahisseurs), et plus particulièrement les ennemis
115
« Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-
grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012
116
mise
«
en
Le
ligne
le
populisme
29/04/2011,
est
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
117
d'Allonnes,
«
Le
Monde.fr
mise
en
ligne
:
le
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
118
« Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par Patrice De Méritens, mise en ligne
le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-la-democratiesecrete-ses-propres-ennemis.php, consultée le : 2012-06-27 21:47:10
119
« Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise en ligne le 22/06/2012, http://
www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-la-secession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012
120
« Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012
121
122
24
Pierre-André Taguieff, 1998, pp.5-6
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.40
Ière partie : Les réactions positives
123
cachés à l'intérieur du corps national » . Dans le discours populiste, « l'appel au peuple est
un « appel contre » : il incite à réagir contre des catégories sociales jugées inquiétantes ou
124
menaçantes » , une opposition qui, selon Jean-Pierre Rioux, permet d'identifier le discours
populiste, qui « a toujours opposé l'Un populaire, dont il entretient la nostalgie, à l'Autre,
125
étranger, rival, cosmopolite et délétère qui encombre le présent et bouche l'avenir. »
C'est cependant plutôt sur la dimension « protestataire » du discours populiste qu'insiste
une bonne partie de la littérature. Pour Kobi, « le propre des leaders et des mouvements
populistes est de saisir les critiques que les citoyens adressent à la classe politique, de les
amplifier et, enfin, de les « canaliser », souvent malgré eux, vers des voies institutionnelles
126
(compétition électorale, plébiscite, etc.). » Le « dénominateur commun » des différents
phénomènes subissant la qualification « populiste »/« populisme » serait ainsi « la critique
127
de l'action des gouvernants » . Alain Tourraine caractérise le discours populiste comme
128
« l'appel d'un leader à un peuple contre les politiques et les intellectuels qui le trahissent » ,
une « orientation antipolitique » qui, selon Taguieff, caractériserait « les nouvelles formes de
129
populisme, en Europe particulièrement » . Ainsi, « le populisme se définit par opposition
130
au système politique » , ce qui rejoint l'analyse d'Ernesto Laclau pour qui « le populisme
se présente » notamment « comme un moyen de subvertir l'état de choses existant », même
s'il entendrait être « le point de départ d'une reconstruction plus ou moins radicale d'un ordre
131
nouveau » . Que l'on insiste sur une dimension ou sur l'autre, « on pourrait (...) définir par
populiste quiconque rejette sur un bouc émissaire toute la responsabilité des malheurs du
132
peuple » , estime Maurice Tournier.
133
« Art consommé de la dénonciation du système » d'après Thomas Legrand sur RTL
134
le six août 2008, le populisme est décrit comme le « sentiment du « tous pourris" »
dans Le Monde du dix juillet 2010 par Pierre Jaxel-Truer et Sophie Landrin. Estimant
que « le populisme est partout », « dans les comportements, les discours, les écrits »,
Françoise Fressoz pointe le seize octobre « la peur de l'étranger flattée par la droite, la
chasse aux Roms érigée en distraction de l'été par le chef de l'Etat » Nicolas Sarkozy
ainsi que « l'offensive populiste » menée par Jean-Luc Mélenchon, qui aurait « une longue
liste d'ennemis qu'il prend plaisir à dézinguer en optant tantôt pour la diatribe tantôt pour
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
Pierre-André Taguieff, 2012-2, pp.67-68
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.40
Jean-Pierre Rioux, 2007, p.9
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.46
Alain Touraine, 1997, p.239
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.49
Alain Touraine, 1997, p.242
Ernesto Laclau, 2008, p.207
Maurice Tournier, 2004, p.2
« Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/
actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012
134
« Le Monde.fr : Nier, attaquer, triompher, la stratégie à risque de l'Elysée », par Pierre Jaxel-
Truer et Sophie Landrin, mise en ligne le 10/07/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=c33a7894a99663a3b2efda2b169f769182eb745e4a0f839d, consultée le 27/06/2012
25
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
l'insulte », qualifiant « de "petite cervelle" un étudiant en journalisme qui le serrait d'un peu
trop près », lançant les « insultes : "Salaud !", "Laquais des puissants !" » « contre David
Pujadas, le présentateur du journal télévisé de « 20 heures » de France 2 » et réglant
« ses comptes » dans son « livre au titre explicite Qu'ils s'en aillent tous » où il tirerait
« à boulets rouges sur "les barons des médias", "la clique du Fouquet's", les "ultra-riches
gorgés de fric", les "antihéros du sport, blindés d'ingratitude" », « un à un désignés puis jetés
dans une même bulle de détestation que le peuple est appelé à crever d'un spectaculaire
135
« coup de balai ». » Cette attitude de Mélenchon serait d'après Michèle Cotta le seize
novembre sur Europe 1 en phase avec « l'opinion publique » dans laquelle progresserait
« une remise en cause des élites », « remise en cause de la classe politique, de la classe
136
médiatique » . Pour Olivier Duhamel le vingt novembre sur la même radio, « un des
ressorts essentiels du populisme, c'est la critique de l'establishment, de « l'établissement »,
comme dit Le Pen, la critique des élites en général », ajoutant que le discours « élites
pourries », « élites toutes solidaires », « les médias et le pouvoir la main dans la main »,
« droite, gauche, c'est pareil » serait « un thème récurrent du populisme » qui se trouverait
137
« dans tous les pays où le populisme marche bien » . Ainsi, d'après Nicolas Truong, le
138
populisme serait le « nom » « d'un mouvement anti-élite » , tandis que Philippe Paillard
Lyon le définit comme le « rejet de la part des classes moyennes et populaires de tous ceux
139
qui détiennent du pouvoir (médiatique, politique, économique, financier) » . Cependant
Ivan Rioufiol l'aborde de manière relativement positive, y voyant le premier juillet 2010 une
« fronde de ceux qui se sentent trahis et cherchent un exutoire », « une défiance de l'opinion
140
dans la capacité des dirigeants à protéger la société » et même le quatorze octobre un
141
« courant respectable qui dénonce les incompétences et les lâchetés des dirigeants » ,
ce qui légitimerait le « procès en incompétence » qui se serait ouvert « au sein du peuple,
142
contre ses représentants et leurs partis » . Marc Weitzmann dans Le Monde du cinq janvier
2011 y voit pour sa part « une réaction contre tout ce qui est intellectuel », « la guerre de
tout ce qui se vit en bas contre tout ce qui est perçu comme s'efforçant tant soit peu d'élever
143
le niveau » . Dans la rhétorique populiste, d'après Raffaele Simone, « les règles de la
politique sont présentées comme le résultat d'accords malhonnêtes ; les institutions, comme
des entités qui éloignent le gouvernement du peuple, lentes et sourdes aux humeurs du
135
« Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le 16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc, consultée le 27/06/2012
136
« Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012
137
Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-
Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/
138
« Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/
cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012
139
« Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le 20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/
ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b, consultée le 27/06/2012
140
141
142
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 01/07/2010
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 14/10/2010
« Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010
143
par
Marc
«
Weitzmann,
Le
Monde.fr
publiée
le
:
Le
05/01/2011,
moralisme
est
inutile
ID=ae6ea6f1aa455a3b171cf333806475d462c45cde9f85d535, consultée le 27/06/2012
26
face
au
populisme
»,
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
Ière partie : Les réactions positives
144
peuple ; la complexité conceptuelle du droit constitutionnel comme un poids inutile » , ce
qui rejoint l'appréciation de Pierre Rosanvallon selon laquelle le populisme consisterait à
« considérer que le système représentatif et la démocratie en général sont structurellement
145
corrompus par les politiciens » . Ainsi, pour Hervé Gattegno « ce n'est pas par hasard
que le discours populiste s'accompagne toujours d'un rejet des élites, qu'on accuse de
146
confisquer le pouvoir - et aussi d'un repli identitaire déguisé en sursaut patriotique. » En
effet, Raffaele Simone expose qu'« il est crucial pour le populisme de se créer un "Autre",
147
un bouc émissaire que l'on peut charger de toutes les fautes » , car il s'alimenterait de « la
148
peur que l'"Autre" puisse envahir "sa" terre. »
Mais Dorna, mettant l'accent sur l'aspect protestataire plutôt que sur l'aspect identitaire
du discours populiste, soutient quant à lui que « la présence des éléments de contestation,
ici et là, ne suffit pas à rendre un discours plus populiste qu'un autre. C'est grâce à la qualité
et à la force des interpellations que le discours populiste exprime et incarne l'opposition
149
contre le statu quo et l'establishment. » Ainsi, un trait caractéristique du discours populiste
serait son outrance oratoire, qui permettrait de le distinguer du discours politique classique.
150
« Structurée par le blâme et l'éloge » d'après Taguieff, la rhétorique populiste « manie
les mêmes catégories » que n'importe quelle rhétorique politique, mais « dans l’excès, un
excès qui joue sur l’émotion au détriment de la raison politique et porte la dramatisation
151
du scénario à son extrême » , ainsi que le souligne Charaudeau. Pour Maurice Tournier,
serait désigné comme « populiste » « une certaine manière d'agir qui viserait l'attention,
152
l'oreille ou le porte-monnaie du "vulgum pecus" » , autrement dit, le terme signifierait
153
« racoleur », « à la poursuite de la popularité et des faveurs du grand public » , ce
qui implique le recours à un univers langagier particulier et reconnaissable. La différence
entre le discours populiste et les autres résiderait selon Dorna « dans l'articulation des
variables de la situation et la définition de l'enjeu ». Le discours « populiste » s'imposerait
contre un discours politique plus classique en situation « hégémonique » et par là-même
144
mise
en
«
ligne
Le
le
populisme
29/04/2011,
est
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
145
« Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012
146
« Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en
ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php,
consultée le 15/03/2012
147
mise
en
«
ligne
Le
le
populisme
29/04/2011,
est
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
148
mise
en
«
ligne
Le
le
populisme
29/04/2011,
est
une
réponse
aux
angoisses
collectives
»,
par
Raffaele
Simone,
linguiste,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-
collectives_1514261_3232.html, consultée le 27/06/2012
149
150
151
152
153
Alexandre Dorna, 1999, p.112
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24
Patrick Charaudeau, 2011, p.106
Maurice Tournier, 1998, p.153
Maurice Tournier, 1998, p.154
27
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
154
« vulnérable » . Ce discours politique « hégémonique » proviendrait, selon Christian Le
Bart, de « l'homogénéité relative du personnel politique quant à l'origine et la trajectoire
sociales » : « les professionnels de la politique parlent le même français exemplaire, celui
de l'école, de l'Université et du Journal officiel ». Ainsi, une « légitimité linguistique »
redoublerait la « légitimité politique » : « quiconque veut être entendu, commenté, pris au
sérieux, discuté, voire critiqué (mais la critique vaut toujours implicitement reconnaissance)
se doit de s'exprimer dans la langue légitime, celle qui fait illusion (et impression) auprès de
155
tous, ceux qui la parlent comme ceux qui ne la parlent pas. » C'est parce qu'il ne souscrirait
156
pas à cette « langue légitime » excluant notamment « l'agressivité verbale »
que le
discours populiste pourrait donc être identifié. L'outrance oratoire du discours populiste se
retrouverait dans la manière dont sont mobilisés les thèmes du discours politique. Il s'agirait
d'opérer non seulement l'« exacerbation de la crise », la « dénonciation de coupables » et
157
l'« exaltation de valeurs » mais aussi de révéler l'« apparition d’un Sauveur. »
Thomas Legrand expose la manière très paradoxale avec laquelle s'opèrerait chez les
populistes, en l'occurrence Olivier Besancenot, la critique du « système » : la maîtrise de
« l'une des principales clefs du dit système », « la communication », serait au cœur de
cette démarche. Ce seraient « le talent oratoire » et « la maîtrise de la communication »
qui permettrait à l'ancien candidat de la LCR aux élections présidentielles de 2002 puis
2007 d'occuper « un terrain laissé en friche par un PS polyphonique et désordonné »,
incarnant ainsi un populisme protestataire rapproché par le chroniqueur de celui de JeanMarie Le Pen, le fondateur et candidat aux élections présidentielles de 1974, 1988, 1995,
2002 et 2007 du Front National. Avec toutefois des limites, car en passant du second au
premier, « on change de populisme » : les références et les relations changent (« l'un
admirait le vendéen Georges Cadoudal, l'autre préfère Louise Michel », « l'un avait des amis
anciens collabos, l'autre déjeune avec des anciens d'action direct »), ainsi que la maîtrise
langagière (« l'un sait manier l'imparfait du subjonctif et la transgression, l'autre connaît
les mots de la banlieue et la subversion ») mais en restant dans des registres oratoires
158
qui « touchent le maillon faible » bien qu'ils « ne puisent pas aux mêmes sources » .
L'importance de l'outrance oratoire est également soulignée s'agissant de Nicolas Sarkozy,
dont « la manifestation la plus évidente » du populisme seraient « son discours direct, son
159
parler cash » . Pour Gérard Carreyrou le seize octobre 2010 dans l'émission Le débat
des grandes voix sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon « incarne merveilleusement bien »
« le populisme venu de la gauche » grâce à son « talent » oratoire qui le rapprocherait de
Georges Marchais et même de Jean-Paul Marat et qui consisterait à faire « rire, souvent,
comme Marchais », faire « des caricatures », « parce qu'il y a le signe de croix » parler
« de "pitreries" », attaquer « les journalistes », etc. Dans la même émission, Robert Namias
estime que Mélenchon reprendrait un rôle tenu auparavant par Bernard Tapie : « c'est
exactement le même populisme de gauche, c'est exactement le même, les mêmes propos
sur les mêmes thèmes », soulignant qu'« on a tendance à le trouver plus sympathique »
154
155
156
157
158
Alexandre Dorna, 1999, pp.112-113
Christian Le Bart, 1998, p.28
Christian Le Bart, 1998, p.52
Patrick Charaudeau, 2011, p.106
« Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/
actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012
159
« Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le sept dix, France Inter, 08/12/2009,
http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231, consultée le 09/07/2012
28
Ière partie : Les réactions positives
que « le populisme d'extrême-droite », ce que Pierre Lescure, toujours dans la même
émission, explique par un « manque » dans le discours du Parti Socialiste - dans lequel
« on ne peut pas dire qu'il y ai souvent un mot qui dépasse des autres » - de moyens
pour « les électeurs de l'opposition » de se retrouver, et qu'en conséquence ces derniers
iraient voir du côté d'« un Mélenchon » capable « de temps en temps » de « sortir
160
du cadre » . S'agissant du même Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, Gérard
Carreyrou, dans l'émission du vingt-deux janvier 2011, estime qu'ils utiliseraient « le même
161
excès, le même populisme » dans leurs discours. Le discours populiste ne serait donc
pas simplement caractérisé par l'excès oratoire, il serait l'excès oratoire lui-même. Le vingt
octobre 2010 dans l'émission Europe 1 soir, en réponse à Nicolas Demorand qui, après
avoir égrené la litanie des algarades médiatiques ayant impliqué Jean-Luc Mélenchon,
avait demandé si ce dernier n'avait pas « pété les plombs », Philippe Manière avait déjà
signalé que l'alors président du Parti de Gauche « a une posture qui lui permet de sortir
de l'ordinaire, de donner l'impression que lui il dit des choses que les autres pensent », ce
qui lui permettrait de se positionner sur un « créneau » médiatique, ce qu'Olivier Duhamel,
162
trouvant « très fortiche » Mélenchon, confirmait : « il a le bon filon » . L'importance
dans la rhétorique populiste de la maîtrise des codes discursifs de l'outrance est soulignée
par Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, dans
un article en ligne sur lemonde.fr du trente-et-un mars 2001 dans lequel il expose : « la
plupart des populistes utilisent toujours avec habileté les nombreuses possibilités offertes
par les régimes démocratiques. (...) Le discours populiste entretient une forme d'empathie
avec les logiques de l'audience : rhétorique outrancière, postures protestataires, etc. Un
chef populiste est constamment "spectaculaire" et de surcroît émancipé des pesanteurs du
réalisme et de la modération qui est le lot des gouvernants responsables. Pour toutes ces
163
raisons, il est un excellent "client" du monde médiatique. »
Il n'y aurait ainsi pas de discours populiste possible sans la figure d'un chef. Pour
Roger Dupuy, la « rhétorique proprement populiste » consisterait en « un discours
définissant, à la fois, le peuple-nation incarné par un chef charismatique et la coalition
de ses ennemis déclarés et souterrains que le chef se propose d'éliminer pour stopper
164
la décadence de la nation » , ce que confirme Dorna, selon qui « l'homme providentiel
charismatique » est une donnée essentielle du populisme. Cette idée de l'incarnation par
un chef comme caractéristique éminente du discours populiste est également affirmée
par Maryse Souchard pour qui bénéficie de la qualification « populiste »/« populisme »
« tout mouvement, doctrine ou idéologie qui prétend exprimer, à la place d'un peuple
muet et paralysé, les « désirs » de ce peuple en agissant à sa place, incarnant dans
165
un chef la volonté du peuple ainsi directement représenté »
ou encore par Pierre160
« Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012
161
« Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-22-01-11-382219/, consultée le 30/06/2012
162
Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-
Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/
163
« La montée du FN, un problème qui ne se pose pas qu'à la droite française », par Dominique Reynié, directeur général
de la Fondation pour l'innovation politique, mise en ligne le 31/03/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/30/la-montee-dufn-un-probleme-qui-ne-se-pose-pas-qu-a-la-droite-francaise_1499996_3232.html, consultée le 27/06/2012
164
165
Roger Dupuy, 2002, p.182
Maryse Souchard, 2010, p.19
29
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
André Taguieff, selon laquel « la combinaison du populisme-rhétorique et du populismelégitimation charismatique s'incarne dans la figure du démagogue ou du tribun du peuple,
personnage qui est à la fois expression, guide et « sauveur » du « peuple », et se présente
166
comme homme providentiel et faiseur de miracles - ou d'avenirs radieux. » Sans en faire
une caractéristique intrinsèque du populisme, Charaudeau note qu'est observée « dans tous
167
les cas » où l'on traite du populisme « la présence d’un chef charismatique » . Ce chef
est un acteur politique qui dispose de ses propres stratégies argumentaires et discursives,
dont trois sont identifiées : celle du « représentant du peuple », par laquelle « le leader
populiste se déclare « le vrai peuple » et appelle ses concitoyens à se manifester dans
un élan collectif, à se dépasser pour se fondre dans une âme collective, à reporter leur
désir de salut sur un personnage hors du commun », un « ethos d'authenticité », par lequel
« le populiste dit (ou laisse entendre) : "Je suis tel que vous me voyez", "Je fais ce que je
dis", "Je n’ai rien à cacher" » afin « d’établir un rapport de confiance aveugle », et enfin
un « ethos de puissance », par lequel « le populiste dit : "Rien ne peut s’opposer à ma
volonté" », montre « non seulement son énergie, mais encore une force et une puissance
168
capables de renverser le monde et d’entraîner les foules. » Ainsi, « on peut dire que le
populiste, même quand il ne se rattache pas à une pensée religieuse, se présente comme
une sorte de Sauveur biblique, capable aussi bien de répandre ses foudres sur les méchants
que de conduire vers le bonheur suprême (un paradis, un Âge d’or, des « lendemains qui
169
chantent »). »
Thomas Legrand cite parmi « les raisons [du] succès » médiatique d'Olivier Besancenot
sa « personnalité talentueuse », qu'en réponse Philippe Corbe rapproche des « analyses
170
qui étaient faite de ce que l'on appelait le phénomène Le Pen » . L'importance de la
personnalité dans le populisme est ainsi parfaitement reconnue par les commentateurs,
qui dès lors s'attachent à détecter cette dimension du discours afin de repérer les figures
populistes. Ainsi, pour Claude Askolovitch le neuf juin 2009 sur Europe 1, François Bayrou,
« se comportait comme un chef absolu, un rédempteur », se présentait comme « le sauveur
suprême de la République », ce qui lui a permit de l'identifier comme « un populiste, qui
171
dénonçait les élites » . En effet, d'après Pascal Mbongo, parmi les critères qui permettent
172
aux commentateurs d'identifier le populisme figurerait « le critère du charisme du chef » ,
ce qu'Alexis Brézet critique à l'émission Salut les Terriens sur Canal+ du douze décembre
2010 : « dès que quelqu'un parle au peuple, on le traite de « populiste », ce qui est
173
grotesque. » Pour Hervé Gattegno, « le summum du populisme » pour un candidat, en
166
167
168
169
170
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.10
Patrick Charaudeau, 2011, pp.104-105
Patrick Charaudeau, 2011, pp.110-111
Patrick Charaudeau, 2011, p.111
« Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/
actualites/politique/article/olivier-besancenot-star-de-l-ete-politique-a-gauche-785917, consultée le 09/07/2012
171
« François Bayrou : l'aventure présidentielle est elle terminée », L'édito politique, Europe 1 matin. Le 7h00/9h30, Europe 1,
09/06/2009, http://www.europe1.fr/Radio/Articles/L-edito-politique-de-Claude-Askolovitch-61053/, consultée le 09/07/2012
172
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur
du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
173
Vidéo : « Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le 19/12/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salut-les-terriens-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012
30
Ière partie : Les réactions positives
l'occurrence François Bayrou, serait de vouloir « se faire élire » « sans dire comment il
gouvernerait ni quelle politique il conduirait », ce qui reviendrait à lui confier « les pleins
174
pouvoirs... avec un projet vide. » Cette dimension autocratique du discours populiste
est également soulignée par par Nicolas Truong pour lequel les populistes ne sont que
175
des « porte-voix autoproclamés » du peuple. Guillaume Roquette dans l'émission Mots
croisés du vingt février 2012 analyse le discours du candidat Nicolas Sarkozy, présenté
comme « populiste », comme reposant sur cette auto-qualification comme « porte-voix du
peuple », en l'occurrence à travers la promesse : « je m'engage à vous redonner la parole
derrière » qui transparaîtrait dans « ses promesses de referendum » et également « sa
promesse de proportionnelle », qui serait « une manière de dire : « même vous qui n'êtes
pas d'accord avec moi, notamment les électeurs du Front National (…), je vous donnerai
176
droit à la parole ». »
Mais la littérature savante n'est pas la seule à avoir apporté des éléments de
caractérisation du concept « populisme ». Les usages courants de la qualification
« populiste »/« populisme » y ont leur part de contribution autonome et la littérature savante
s'est penchée dessus, pour les critiquer comme pour les préciser voire les reprendre.
Ce qui ressort en premier lieu des usages de la qualification « populiste »/« populisme »,
c'est sa dimension péjorative et polémique. Ainsi que le souligne Charaudeau, « le
populisme est communément associé à la face négative des démocraties : il apparait
177
comme quelque chose d'excessif, de pathologique » , tandis que Badie pointe « sa charge
178
polémique » et « la mise en accusation qui l'accompagne » et Jean Stengers le « sens
179
en général assez nettement péjoratif » que lui attribuent « ceux qui emploient le terme » ,
180
soulignant qu'« insidieusement, l'emploi de « populisme » contient un jugement moral. »
De même, Stora note que « le terme « populisme » a acquis, de nos jours, une forte
181
connotation péjorative » et Bouvet avertit que « son usage péjoratif (...) ne saurait (...)
s'imposer sans que l'on voie aussi dans le populisme un signal d'alarme, voire un appel
182
au secours des catégories populaires en particulier. » Mais c'est Pierre-André Taguieff,
qui est fréquemment considéré comme celui qui a introduit le concept « populisme » en
France dans son acceptation commune actuelle et qui fait largement autorité sur le sujet qui
s'est montré le plus virulent à critiquer la qualification « populiste »/« populisme » courante
et la connotation péjorative qu'elle porte. « Populisme fonctionne désormais comme un
instrument ordinaire de blâme ou d'éloge dans l'espace public et ce, indépendamment des
174
« Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en
ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php,
consultée le 15/03/2012
175
Nicolas
«
Truong
Le
,
mise
Monde.fr
en
:
ligne
Non,
le
le
populisme
15/01/2012,
n'est
pas
une
idée
populaire
!
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012
176
177
178
179
180
181
182
« Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur France 2, consultée à l'INAthèque de Paris
Kobi Silvia, 1995. pp. 33-50, p.43
Bertrand Badie, 1997, p.226
Jean Stengers, 1997, p.233
Jean Stengers, 1997, p.234
Benjamin Stora, 1997, p.234
Laurent Bouvet, 2012, p.230
31
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
183
élaborations conceptuelles offertes par une littérature savante » , souligne-t-il, indiquant
que la qualification « populiste »/« populisme » « nomme une menace et exprime une
184
hantise » et parlant de la stigmatisation d'« un isme intrinsèquement pervers », perçu
185
« comme la position politique mauvaise par excellence » , idée confirmée par le fait
que « "populiste » est le nom, ou le surnom standard, de l'ennemi, dans l'actuel contexte
186
médiatique. »
Serge July parle à propos du populisme du « fond de tendances lourdes,
187
rampantes » , ce deuxième adjectif laissant planer une menace diffuse. Chez Robert
Namias, la disqualification du populisme se fait de manière plus explicite : « très
188
dangereux », il conduirait « au bain de sang » et « aux coupeurs de tête » . En effet,
d'après Pascal Mbongo, « cette qualification sert à reprocher à celui ou à ceux que l'on
189
qualifie de "populiste" de corrompre moralement le "peuple" » (d'où les exemples, quelque
peu outrés, de Robert Namias aux flots sanglants et autres décollateurs de chefs), ce que
confirment ses usages par Pierre Rosanvallon, pour qui « le populisme est une forme de
190
réponse simplificatrice et perverse » , ou encore par Hervé Gattegno, pour qui il « revient
191
à dénoncer le jeu démocratique lui-même » . Nicolas Truong dénonce quant à lui « un
mot fourre-tout, un repoussoir réel ou illusoire », « honni mais rarement défini, rejeté mais
192
rarement explicité » « devenu une invective politique » sans qu'il ne recouvre une réelle
signification. Pour Myriam Revault d'Allonnes, la « connotation péjorative » de « la critique
ou l'accusation de « populisme" » « renvoie implicitement à la représentation stigmatisante
193
d'un peuple toujours susceptible d'être la proie des démagogues » , tandis que Marc
Crapez critique ceux qui « prétendument » détectent le populisme « comme une phobie ou
183
184
185
186
Pierre-André Taguieff, 1998, p.7
Pierre-André Taguieff, 1998, p.7
Pierre-André Taguieff, 1998, p.7
Pierre-André Taguieff, 1998, p.9
187
« La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/
article/serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012
188
« Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-16-10-10-290543/, consultée le 30/06/2012
189
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur
du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
190
« Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le 22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-
bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b, consultée le 27/06/2012
191
« Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", mise en
ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/le-candidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php,
consultée le 15/03/2012
192
Nicolas
«
Truong
Le
,
mise
Monde.fr
en
:
ligne
Non,
le
le
populisme
15/01/2012,
n'est
pas
une
idée
populaire
!
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012
193
d'Allonnes,
«
mise
Le
Monde.fr
en
ligne
le
:
Le
«
15/07/2011,
peuple
»
existe-t-il
ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80, consultée le 27/06/2012
32
?
»,
par
Myriam
Revault
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
Ière partie : Les réactions positives
une pathologie », parlant de « vertige, fatalité » sur le « ton » « du constat alarmiste d’un
194
épidémiologiste » .
Pierre-André Taguieff regrette ouvertement qu'« après une vingtaine d'années d'usages
et de mésusages, un pli rhétorique [ait] été pris : le mot « populisme », confiné au camp
politique, n'y est plus guère employé que dans un sens péjoratif, et dans des contextes
ou avec des intentions polémiques, de telle sorte qu'il fonctionne comme synonyme
195
soit d'« extrême-droite », soit de « démagogie ». »
En effet, les synonymies de la
qualification « populiste »/« populisme » avec d'autres termes ont été abondamment
signalées par la littérature. Ces synonymies sont distinguées en deux catégories : la
qualification « populiste »/« populisme » désignerait ou bien la démagogie, ou bien alors
l'extrémisme, et en particulier l'extrémisme de droite, voire le fascisme, le racisme, le
poujadisme, etc, ces deux synonymies pouvant être d'ailleurs associées. Ainsi Maurice
Tournier regrette-t-il que le « label » populisme soit « perdu de réputation tant il s’identifie
196
à démagogie » , ce que confirme Taguieff, qui souligne que « "populisme », dans le
langage ordinaire d'aujourd'hui, fait coexister, dans la tension, l'idée de démophilie et celle
197
de démagogie » , caractérisant le contenu de la qualification « populiste »/« populisme »
dans la sphère médiatique : « démagogique, flattant l'opinion et multipliant cyniquement les
198
promesses intenables ou irréalisables » . Au final, d'après Charaudeau, « dans l’usage
courant, [le mot « populisme »] a perdu de sa spécificité : il est souvent employé comme
un équivalent de démagogique, de poujadiste, parfois de raciste ou même de fasciste
199
– amalgames qui ne peuvent apporter de grande lumière sur son sens. » . En effet,
Taguieff signale que « le mot « populisme » est également employé pour désigner la
caractéristique principale des nouvelles formations politiques d'extrême droite ou de droite
200
radicale » , soulignant qu'« une vingtaine d'années d'usages et de mésusages » de la
qualification l'auraient rendu « synonyme de dérive dangereuse vers le fanatisme et même
201
de fascisme rampant » . Cette synonymie de la qualification « populiste »/« populisme »
avec des désignations politiques telles que « extrémisme », « extrême-droite », « fascisme »,
« racisme », « poujadisme », etc, fait l'objet de critiques nombreuses dans la littérature
savante. Ainsi Alain Bergounioux regrette que « l'usage courant actuellement du terme décrit
le plus souvent l'extrême droite en Europe, le Front national en France, le Vlaamsblok dans
la Flandre belge, le Front national Wallon, le Parti libéral autrichien, l'ancien MSI en Italie
transformé en Alliance nationale », car le populisme « qu'une dimension et non le tout de ces
202
mouvements politiques » , tandis que Serge Halimi qualifie comme « relevant du mauvais
journalisme » et « destinée à circonscrire le champ du discours politique acceptable » la
définition qu'on retrouverait « un peu partout » du populisme comme d'« un fascisme à
194
« En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En-
fait-le-populisme-qu-est-ce-que-c-est_a216188.html, consultée le 15/03/2012
195
196
197
198
199
200
201
202
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.11
Maurice Tournier, 2004, p.1
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.25
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.18
Patrick Charaudeau, 2011, p.101
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.12
Benjamin Stora, 1997, p.234
Alain Bergounioux, 1997, p.229
33
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
203
rebours qui récuse, comme ce dernier, l'individualisme libéral et le progrès » , assurant
qu'« au lieu d'être soumis au crible d'une analyse sociale, le phénomène « populiste » a
justifié la recension des traits psychologiques de l'extrémisme : un « style paranoïaque »,
une « tendance à vouloir séculariser une vision religieuse du monde », des allergies
204
raciales et insulaires. » De même, Laurent Bouvet critique « l'assimilation du populisme
à une pathologie de la démocratie » qui « conduit souvent à limiter sa portée politique à
« l'extrême droite" » alors que « historiquement - et thématiquement - le populisme dépasse
205
largement le cadre des formations et partis que l'on qualifie généralement ainsi. » Ainsi,
bien que certains auteurs savants aient intégré la caractérisation du concept « populisme »
comme « maladie de la démocratie », il serait « non seulement vain » mais aussi
206
« néfaste » « de ne voir dans le populisme que la face obscure de la démocratie » .
Cependant, pour Jean Stengers, cette démarche des usages courants de la qualification
« populiste »/« populisme » est tout à fait légitime. En effet, « comme citoyens, nous
n'avons pas à être aseptisés. Nous avons le droit, et même à beaucoup d'égards le
devoir, de porter sur le monde dans lequel nous vivons des jugements de valeur. Le
jugement de valeur consiste en l'occurrence à trouver inacceptables certaines exagérations
ou certaines passions nationalistes, certains fanatismes religieux, certains sentiments de
haine, et à ne pas aimer par conséquent ceux qui cherchent à les utiliser; en les disant
« populistes », nous disons en fait qu'ils ont dépassé en politique une limite qui ne
207
devrait pas être franchie. » La reconnaissance sociale des usages de la qualification
comme « populiste »/« populisme » légitimerait ces usages, quand bien même ils ne
correspondraient pas aux définitions savantes.
Si pour Jacques Julliard, « au sens moderne et abâtardi du terme, le populisme
208
n'est rien d'autre que la démagogie » , la plupart des commentateurs qui en ont émis
une appréciation en termes de synonymie ou qui ont analysé les usages courants du
qualificatif insistent plutôt sur la synonymie, plus infamante, avec l'extrémisme, et en
particulier l'extrémisme de droite ou le fascisme. Ainsi de Gérard Carreyrou qui, quoique
définissant le « populisme » comme « une façon de résumer ce [qu'il] appeller[ait] autrement
« l'hyper-démagogie" », soit « coller à la majorité quoiqu'il arrive », « flatter le peuple
dans ses instincts » « les plus primaires, parfois sordides », et estimant que faire un
parallèle avec le nazisme serait abusif, établit immédiatement un rapprochement entre les
deux personnalités qu'il désigne par la qualification « populiste »/« populisme » grâce au
« théorème du fer à cheval », qui serait « le théorème classique d'un historien récent,
Jean-Pierre Faye », et selon lequel « les extrêmes, qui ont l'air très opposés, finissent par
209
se toucher et se rapprocher » . De même, Nicolas Truong précise que « "populisme »
aujourd'hui est synonyme de démagogie, de bas instincts flattés, de racisme larvé, de
203
204
205
206
207
208
Serge Halimi, 1998, p.116
Serge Halimi, 1998, p.119
Laurent Bouvet, 2012, p.235
Laurent Bouvet, 2012, p.230
Jean Stengers, 1997, p.233
Jacques Julliard, « Populisme, nationalisme, fascisme... », Le Nouvel Observateur, 2-8 juin 1994, p. 55, cité par Pierre-
André Taguieff, 1998
209
« Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/
Le-debat-des-grandes-voix-22-01-11-382219/, consultée le 30/06/2012
34
Ière partie : Les réactions positives
210
néofascisme masqué »
et Thomas Legrand que « contrairement à une acception
211
courante », il « ne désigne pas forcément l'extrémisme ou la démagogie. » Ainsi les deux
synonymies seraient employées indistinctement par les commentateurs, avec ceci de sousentendu que démagogie et extrémisme seraient à rapprocher. Même Nicolas Truong qui, on
l'a vu, a analysé les emplois courants actuels du terme, n'échappe pas dans une certaine
mesure à son emploi comme synonyme d'« extrême-droite » lorsque voulant caractériser la
212
notion, il fait référence à l'opposition maurrassienne du « pays légal contre le pays réel » ,
tandis qu'Olivier Duhamel « la convergence rouge-brune », « une constante dans l'histoire
des idées » qui rappelle le fascisme et le national-socialisme, dont il y aurait « toujours eu
une tentation », rappelant qu'il y a eu « à la fin du XIXème siècle, des théoriciens marxisants
213
qui ont donné dans l'antisémitisme », « des socialistes qui ont fini chez Pétain. » Serge
July estime pour sa part que « l'extrême-droite » serait la « composante principale » du
populisme, « même si ce n'est pas la seule », car « il y a toujours une dimension autoritaire,
souvent xénophobe, dans le populisme », ce qui expliquerait que « même si les populistes
214
de gauche existent, ils sont quand même plus rares » , ce qui rejoint le diagnostic de
Michel Winock, historien et professeur émérite à Sciences Po, interrogé dans Le Monde du
quinze janvier 2011, selon lequel « le populisme a eu tendance à se localiser à l'extrême
droite avec l'ère des masses et la démocratie parlementaire », car « l'extrême-droite »
tendrait « au populisme sans distinction de classe » là où « l'extrême-gauche », elle, serait
215
« ouvriériste » .
Les convergences entre usages savants et courants des termes « populiste » et
« populisme » ont tendance à se rejoindre sur un certain nombre de caractérisations du
concept « populisme » qui éclairent les recours à la qualification « populiste »/« populisme ».
Finalement, qu'il s'agisse pour les journalistes et commentateurs de proposer d'eux-mêmes
une caractérisation voire une définition du populisme, ou bien de se référer à ce qu'en disent
des intellectuels, on y retrouve un fond commun : qualification toujours péjorative, lorsqu'elle
ne désigne pas simplement la démagogie ou l'extrémisme, et spécialement l'extrémisme de
droite, il s'agirait du discours simpliste et manipulateur d'un chef charismatique qui, usant
d'une rhétorique outrancière, dénoncerait des boucs-émissaires, notamment en attribuant
les faillites de la démocratie à des élites devenues trop éloignées d'un peuple idéalisé.
Cette acceptation du sens de la qualification étant parfaitement intégrée de la sphère
médiatique, de laquelle participent, qu'elles le veuillent ou non, les personnalités politiques,
il est légitime de se demander si l'utilisation dans leur discours de traits saillants qui y sont
210
Nicolas
«
Truong
Le
,
mise
Monde.fr
en
:
ligne
Non,
le
le
populisme
15/01/2012,
n'est
pas
une
idée
populaire
!
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7, consultée le 27/06/2012
211
« Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229,
consultée le 09/07/2012
212
« Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/
cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48, consultée le 27/06/2012
213
Vidéo : « Europe 1 Soir - 20/10/10 », consultée le 04/08/2012, http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-
Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/
214
« La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL, 07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/
article/serge-july-la-tentation-populiste-5944475442, consultée le 09/07/2012
215
« Il aurait été inconcevable, autrefois, qu'une femme puisse incarner l'extrême droite », par Michel Winock, historien,
professeur émérite à Sciences Po, publié dans Le Monde du 15 janvier 2011
35
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
désignés comme « populistes » ne participe pas d'une forme d'assomption implicite de la
qualification « populiste »/« populisme ».
3. L'assomption implicite
La recherche de l'assomption implicite à la qualification « populiste »/« populisme » est
une démarche largement soumise à caution car elle suppose une large place laissée
à l'interprétation, avec sa dimension subjective intrinsèque, et qu'il est délicat, vu les
connotations transportées par la qualification, d'apporter une appréciation sur ce qui relève
du caractère volontaire ou non de comportements discursifs y faisant écho. Néanmoins, cet
aspect du sujet nous a semblé important, vu la place des stratégies discursives en jeu dans
le discours politique contemporain.
Il nous a donc fallu établir des critères pour permettre d'apprécier les cas où il nous a
semblé avoir réellement affaire à une assomption implicite. Au risque d'avoir été par trop
restrictif, nous avons préféré, pour éviter de plonger dans le procès d'intention toujours
risqué dans le cadre de pareille démarche, nous fonder avant tout sur un critère de
répétition : la répétition de comportements discursifs explicitement qualifiés de « populistes »
dans la sphère médiatique pourrait être une manière d'assumer sans le dire ce « populisme »
attribué. Il est à noter que ce procédé rhétorique peut parfaitement être utilisé afin de
précisément dénier le caractère « populiste » attribué au comportement qui vaut à son auteur
cette qualification (voire qui est directement ainsi qualifié), aussi le second critère retenu
pour déterminer une assomption implicite est-il la persistance dans le langage journalistique
de la qualification s'agissant du comportement visé. Partant du postulat que les codes
langagiers sont partagés entre journalistes et personnalités politiques, nous avons pris le
parti de considérer que, dans les cas où il semblerait s'agir d'une dénégation du caractère
« populiste » du comportement ainsi désigné, la répétition de ce comportement alors même
que persiste cette qualification à son endroit serait en fait l'envoi d'un double signal à deux
cibles différentes, la sphère médiatique d'une part et les partisans et sympathisants d'autre
part, le signal envoyé à la première étant censé susciter une réaction pouvant s'inscrire dans
une stratégie médiatique et électorale. On aurait alors affaire à une assomption implicite
dirigée vers une catégorie restreinte initiée aux codes journalistiques. Sachant toute la limite
de ce raisonnement, nous avons également intégré comme critère la coïncidence avec l'une
ou l'autre période d'intensification de la qualification « populiste »/« populisme » déterminées
empiriquement. Enfin, nous avons exclu du domaine les propositions programmatiques
elles-mêmes, tant il nous a semblé peu approprié de porter un jugement sur leur dimension
« populiste » ou non.
Chez Jean-Luc Mélenchon, l'assomption implicite de la qualification est avant
tout formelle. C'est son outrance langagière, son attaque fréquente des journalistes
et sa dénonciation des « puissants » qui lui ont valu de subir la qualification
« populiste »/« populisme ». Cette dimension oratoire et rhétorique lui a été reprochée
antérieurement aux premiers usages à son endroit de la qualification, et il s'en était expliqué
à trois reprises au cours de l'année 2009 dans des émissions notamment destinées à
l'analyse du style politique.
D'abord, le neuf octobre 2009, dans l'émission spéciale Mélenchon décrypte Mélenchon
du site @rrêt sur images, il avait semble-t-il expliqué hors caméras à Daniel Schnedermann
que ses attaques contre des journalistes résultaient d'« un procédé », c'est-à-dire que la
mise « en cause [des dominants] que sont selon [lui] les journalistes » serait destinée à
« mettre les dominés de [son] côté », ce qu'il justifie d'abord par la nécessité d'avoir une
36
Ière partie : Les réactions positives
« technique » ainsi qu'on en trouve dans « tous les métiers » puis explique qu'il a « dû
réfléchir » sur le sujet à cause de critiques qu'on lui faisait, lui exposant qu'allonger « trop
les coups » donnerait de lui « une image extrêmement agressive », mais qu'au final « ça
[lui] a profité » car il entend cibler non pas « les petits bourgeois » mais « le gars dans la
rue qui [lui] dit : « c'est bon, tu te laisses pas faire, hein !" » et que ça l'« arrange d'incarner
le personnage qui ne se laisse pas faire », « quitte à en rajouter parfois », « comme tout
le monde ». Cependant, même s'il ne dénie pas la part de tactique politique derrière cette
attitude, il l'attribue également à son tempérament propre : « il y a aussi comme on est.
Moi je suis un être de passion. Et puis j'assume, ça me va, si je ne faisais pas ça je ne
216
mènerais pas cette vie. » Cette explication est reprise le dix-huit lors de l'émission 7 à
voir sur France 3, durant laquelle il assure d'abord ne pas calculer, être « comme ça » et
avoir compris « que ça ne servait à rien d'essayer d'être autrement que comme [il sent] les
choses venir ». Toutefois, lorsque Samuel Étienne lui demande s'« il n'y a pas de jeu »,
« pas de théâtre » dans ses colères, il admet qu'il en existe « dans la proportion dans
laquelle tout être humain fait du théâtre » : « tous nous nous mettons en scène et nous
essayons d'être aussi performants que possible ». Cependant il ajoute avoir « un devoir »
d'user de tels procédés, car les circonstances exigeraient que quelqu'un s'en charge « parce
qu'on est dans un moment de grande résignation et où beaucoup ne peuvent pas parler,
parce qu'ils ont peur », « peur du lendemain, peur de la répression » « donc il faut qu'il y ai
des fortes têtes » qui « ne [se] laiss[ent] pas faire à la place des autres ». Il aurait un rôle
217
« symbolique » à jouer. Ce « rôle symbolique », il entendait le tenir déjà le trente août 2009
lors de son discours de conclusion du « remue-méninges » du Parti de Gauche à ClermontFerrand, s'attaquant avec vigueur aux « puissants » : « Vous nous avez saoulés, ruinés,
emmenés dans le mur, vous avez dénigré ce pays, tondu les travailleurs qui sont dedans, et
pour quoi ? Pour constituer une bulle financière qui vous a éclaté à la figure et qui a dissout
dans le néant l'effort et la peine de tous ceux qui avaient produit les biens matériels que vous
avez dispersé de tous côtés, en plus du gâchis que vous aviez occasionné auparavant en
218
les produisant. » Enfin, il confirmait lors de l'émission Politiquement Parlant sur Direct 8 à
Valérie Trierweiller qui lui avait demandé si « au bout du compte ça n'est pas une stratégie
d'attaquer les médias, les journalistes » : « oui, bien sûr, c'en est une », ajoutant « je crois
219
que ça se voit, non ? »
C'est ce comportement rhétorique - qui lui était déjà reproché par la sphère médiatique
- d'outrance langagière et de dénonciation énergique qui lui a valu à partir de l'automne
2010 de subir la qualification « populiste »/« populisme ».
La première inflation de l'emploi à son endroit de la qualification coïncide avec la période
de sortie de son ouvrage Qu'ils s'en aillent tous, qui a semble-t-il fait forte impression. Ainsi
le dix octobre 2010 Jean-Michel Apathie en cite-t-il lors de l'émission Le Grand Jury RTLLCI-Le Figaro « un court extrait » qui semble l'avoir particulièrement marqué : « "Qu'ils
s'en aillent tous ! » » - c'est entre guillemets - « Ce sera bientôt le slogan de millions
216
Vidéo : « melenchon integrale (privée) », mise en ligne le 09/10/2009, http://www.dailymotion.com/video/
k5xl49vOBJPFNr1dNMY, consultée le 13/06/2012
217
Vidéo : « 7 à Voir Fr3 Jean Luc MELENCHON », mise en ligne le 21/10/2009, http://www.dailymotion.com/video/xavs4h_7-
a-voir-fr3-jean-luc-melenchon_news, consultée le 13/06/2012
218
Vidéo : « Conclusion du Remue-méninges », mise en ligne le 02/09/2009, www.dailymotion.com/video/xae2dl_conclusion-
du-remue-meninges_news, consultée le 13/06/2012
219
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur Direct 8 le 13/04/2010 », mise en ligne le 14/04/2010, http://www.dailymotion.com/video/
xcy8vy_jean-luc-melenchon-sur-direct-8-le_news, consultée le 14/06/2012
37
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
de gens. », écrivez-vous, « Ils iront prendre aux cheveux les importants, parce qu'ils sont
excédés de les voir piller et saccager notre pays, gaspiller les efforts des travailleurs. Ils le
feront, révulsés par les mœurs arrogantes des amis de l'argent. Les belles personnes, les
satisfaits, leurs grillots et tous les donneurs de leçons qui tiennent le haut du pavé peuvent
s'étrangler d'indignation, ils peuvent brandir leur dérisoire carton rouge. « Populisme »,
« dérapages », j'assume." », avant de demander à l'auteur la raison de « ce ton » « d'une
rare violence » par rapport aux « livres que peuvent écrire [les responsables politiques]
aujourd'hui ». Arguant qu'« on s'effarouche de peu, aujourd'hui », ce dernier répond aimer
« la langue forte, puissante », préférant au « fromage lyophilisé » qu'un discours « ai du
220
corps », raison pour laquelle il « aime écrire en donnant une fresque » pour donner prise
au « ressentiment de [ses] compatriotes » qui « n'en peuvent plus » en dénonçant : « ça
suffit de voir les uns se gaver d'argent, et avec cet air prétentieux qu'ils ont tout le temps pour
exiger des sacrifices des autres, qui ne s'appliquent pas à eux-mêmes », ces « importants
221
qui profitent et se taisent. » Ce registre percutant, mobilisé par Mélenchon alors qu'il subit
déjà depuis plusieurs semaines la qualification « populiste »/« populisme » est employé à
nouveau le dix-huit lors de son discours au théâtre Dejazet à Paris pendant un passage
très représentatif de l'outrance oratoire et de la dénonciation d'adversaires qui succède
d'ailleurs à une longue explication à ses partisans au sujet du concept « populisme »
et de la qualification « populiste »/« populisme » : « Je vais nommer ceux que nous
combattons : nous combattons l'oligarchie. Et si vous ne comprenez pas ce que ça veut
dire, je vais vous les présenter : la coalition de la « bande du Fouquet's », comme disent les
communistes, et du club Le Siècle. Ouste ! Du balais ! Dehors ! Les oligarques du CAC40,
les commerciaux et les financiers mis à la tête des entreprises qu'ils ruinent et qui ont réussi
à foutre par terre une merveille comme Airbus, uniquement parce que ces gens-là, n'ayant
jamais entendu dire qu'un avion devait voler avant d'être un chiffre sur une fiche, ont promis
des délais de livraison impossibles et des aménagements qui ne pouvaient pas exister. (…)
Dehors ! (…) Dehors les politiques qui se vantent eux-mêmes de ne rien pouvoir changer,
parce que « la mondialisation, la contrainte extérieure, bla bla bla bla bla ». Et bien « bla
bla » plus loin ! (…) Les tireurs dans le dos, évadés fiscaux à qui il faut confisquer tout ce
qu'il reste, qui ne devraient pas avoir le droit d'être, en même temps, des évadés fiscaux
et des administrateurs de sociétés françaises. Sportifs ingrats montrés en exemple et qui
osent dire qu'ils ne restent pas à leur foyer fiscal en France parce que ça coûte trop cher
alors que c'est aux Français qu'ils vont demander de réparer leur précieux genou, qui leur
222
vaut cette précieuse qualité à courir derrière une balle. Et ainsi de suite. »
L'autre des quatre personnalités étudiées qui nous a semblé avoir opéré une
assomption implicite de la qualification « populiste »/« populisme » est Nicolas Sarkozy. Au
contraire de Jean-Luc Mélenchon chez qui la répétition s'est opérée sur une longue période
et a été accompagnée d'une analyse par Mélenchon lui-même de l'efficacité stratégique des
procédés oratoires qu'il usait et lui valaient la qualification « populiste »/« populisme », chez
Nicolas Sarkozy les mobilisations relevées s'étendent sur une période très courte (quatre
jours) à la charnière des mois de mars et d'avril 2012 et ne comportent aucun arrière-plan
explicatif de sa démarche rhétorique, alors même qu'elles accompagnent systématiquement
220
Vidéo : « J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le 12/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-le-grand_news, consultée le 15/06/2010
221
Vidéo : « J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le 12/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-le-grand_news, consultée le 15/06/2010
222
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012
38
Ière partie : Les réactions positives
une explicitation de la qualification « populiste »/« populisme ». Autre différence majeure : si
chez Jean-Luc Mélenchon l'assomption implicite était repérée comme touchant aux deux
caractéristiques de l'outrance oratoire et de la dénonciation d'adversaires, il s'agit chez
Nicolas Sarkozy de l'idée de réduction de la distance entre gouvernants et gouvernés, en
l'occurrence entre le peuple français et le président de la République et l'exécutif dans
son ensemble, idée portée par une proposition programmatique précise (le recours au
referendum) qui ne sera pas discutée ici.
Ainsi, Nicolas Sarkozy expose clairement à Élancourt le vingt-huit mars vouloir passer
« par-dessus les corps intermédiaires » dans les cas où ceux-ci « empêchent la réforme »,
223
« bloquent le débat » , indiquant le lendemain à Nîmes avoir l'intention d'interroger
directement le « peuple de France » « si les corps intermédiaires bloquent, refusent,
224
biaisent », les citoyens devenant « les garants » de « [ses] engagements » , idée reprise
telle qu'elle le deux avril à Nancy lorsqu'il indique que « chaque fois qu'il y aura blocage
225
dans notre pays » , il se tournera vers le peuple.
L'assomption de la qualification « populiste »/« populisme », qu'elle soit explicite ou
implicite, si elle s'est semble-t-il généralisée hors de l'extrême-droite où elle était confinée
jusqu'ici (il existe ainsi en France un Parti Populiste, scission du Mouvement National
Républicain de Bruno Mégret et associé au Front National depuis 2007), demeure malgré
tout relativement peu importante, la connotation négative associée à la qualification lui
retirant une partie de son efficacité stratégique.
C'est ce qui à notre avis explique le recours plus fréquent à la démarche d'appropriation
de la qualification, qui n'est d'ailleurs pas incompatible avec la simple assomption mais
semble, dans la perspective d'une utilisation stratégique de la notion, devoir la précéder afin
de la rendre efficace.
Section 2 : L'appropriation
Moins sujette à caution est l'analyse des réactions d'appropriation de l'étiquette
« populiste ». Cette réaction à la qualification « populiste »/« populisme » est l'une des
rares à avoir été assez abondamment commentée par la littérature savante. L'appropriation
se place dans la démarche rhétorique, détaillée par Pierre-André Taguieff, qui consiste à
opérer « la redéfinition positive d'une étiquette à usage disqualificatoire », réalisant ainsi
226
« un retournement du stigmate » en faisant d'une injure un titre de fierté et même une
étiquette revendiquée. Ainsi « certaines personnalités politiques vont jusqu’à revendiquer
227
la qualification de populiste en attribuant à ce mot un sens positif » , explique Patrick
Charaudeau, sans citer cependant quelles personnalités sont ainsi visées. S'agissant de la
223
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=Mjjh7lIZ-_I, consultée le 27/06/2012
224
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=HeZ82Kk71RQ, consultée le 27/06/2012
225
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012
226
227
Pierre-André Taguieff, 1998, p.17
Patrick Charaudeau, 2011, p.102
39
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
situation spécifiquement française, on saisit cependant au regard du reste de la littérature
sur le sujet qu'est principalement visé le Front National. En effet, comme le rappelle
Pierre-André Taguieff, « les dirigeants lepénistes, vers le milieu des années 1990, ont
non seulement accepté l'étiquette « populiste/populisme », mais (...) ils l'ont assumée
glorieusement, en tant qu'autodésignation positive. Un retournement du stigmate a ainsi
été opéré par les stigmatisés eux-mêmes, l'étiquette polémique a subi une resémentisation
228
positive. »
C'est donc principalement, pour ne pas dire exclusivement, du Front National qu'il est
question dès lors qu'est mentionnée dans la littérature la démarche consistant à s'approprier
la qualification « populiste »/« populisme ». Le détail en a notamment été donné par
Pierre-André Taguieff en 1998 dans l'article « Populismes et antipopulismes : le choc des
argumentations » publié dans le numéro 55 de la revue Mots. Les langages du politique,
pages 15 à 23, puis en 2002 dans son ouvrage de référence sur le populisme, L'Illusion
populiste : de l'archaïque au médiatique, dont nous avons consulté la réédition revue et
augmentée de 2007 L'Illusion populiste. Essais sur les démagogies de l'âge démocratique.
La construction argumentaire mise en œuvre à partir de 1988 par des initiatives isolées
de cadres du parti puis peu à peu généralisée durant la première moitié des années 1990
repose dans un premier temps sur une acceptation du concept « populisme » réduite au style
politique de Jean-Marie Le Pen, lorsque Bruno Mégret écrivait dans une note de 1988 que le
président du Front National devrait « conserver ce côté "populiste" qu'il est le seul à exprimer
229
sur la scène politique » , avant de devenir la même année chez Jean-Pierre Stirbois un
230
« discours » donnant corps à un « national-populisme » (caractérisation alors utilisée pour
qualifier le Front National, notamment dans la littérature savante) défini positivement sur la
seule base de l'origine étymologique des deux termes « nation » et « peuple » accolés par
l'expression. C'est seulement en 1991 et à l'initiative de Jean-Marie Le Pen que s'entame
le processus de retournement sémantique du concept « populisme », défini comme « la
231
prise en considération du peuple » . Trois ans plus tard, lorsqu'à la suite de la campagne
pour les élections européennes de 1994 - où la qualification « populiste »/« populisme »
avait été abondamment utilisée pour qualifier le Front National (et Bernard Tapie, qui était
en tête de la liste « Énergie Radicale » présentée par le Mouvement des Radicaux de
232
Gauche ) - le terme est à nouveau largement repris à son compte par le Front National et
ses dirigeants, c'est sans que soit menée cette fois-ci la démarche de redéfinition. Une fois le
concept « populisme » redéfini conformément à la volonté du Front National, la qualification
« populiste »/« populisme » peut être reprise à son compte sans qu'il ne soit plus nécessaire
d'en préciser le contenu, ce bien que les usages dépréciatifs soient toujours largement
employés par les commentateurs.
Il semble ainsi que seul le Front National avait poussé la démarche d'appropriation de la
qualification « populiste »/« populisme » au point de mobiliser la notion hors du simple cadre
de la réponse à la qualification « populiste »/« populisme », comme une auto-caractérisation.
Néanmoins, après les années 1990 cette mobilisation semble s'être raréfiée et peut-être
la resémentisation positive du concept « populisme » n'était-elle plus suffisamment ancrée
dans l'imaginaire militant du Front National, car on a pu observer à partir du milieu des
228
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.248
229
230
231
232
40
Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 249
Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 249
Cité dans Pierre-André Taguieff, 2012-2, p. 251
http://www.france-politique.fr/elections-europeennes-1994.htm
Ière partie : Les réactions positives
années 2000 un retour des mobilisations de la notion sous la forme d'une redéfinition
positive du concept « populisme ». Ainsi, la seule mobilisation repérée de la notion par
Marine Le Pen elle-même sur la période 2007-2012, lors de son discours au Zénith de
Paris à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, définit le concept
« populisme » comme « l'audace de défendre le peuple ». Cependant, cette mobilisation se
fait avant tout en creux afin de désigner des adversaires : ceux qui, « squattant les plateaux
de télévision, multipliant les éditoriaux péremptoires », « ont toujours validé » une politique
qualifiée comme « folle » et « aux effets désastreux » et « qui se sont aplatis comme des
limandes » devant les adversaires de la candidate du Front National « Hollande, Sarkozy,
233
Bayrou et autres Mélenchon » .
La démarche rhétorique suivie par le Front National au début des années 1990,
bien que réentreprise par ce parti depuis quelques années, n'en est cependant plus une
caractéristique sur la période 2007-2012.
En effet, s'il n'est pas fait référence comme cela avait été le cas au Front National en
1988 aux bienfaits tactiques supposés du « populisme » vu comme un simple style politique
et rhétorique positif en soi, la redéfinition positive du concept « populisme » dans l'optique
d'une appropriation de la qualification « populiste »/« populisme » s'est retrouvée chez les
trois autres personnalités étudiées.
Nicolas Sarkozy, quelques mois après son élection comme président de la République
en 2007 estime le trois octobre devant les parlementaires de sa majorité que « si [être
populiste] veut dire que l'on est compris du peuple, ce n'est déjà pas si mal parce que
nous sommes là par la volonté du peuple et non par la volonté de tel ou tel qui fait des
234
commentaires. »
C'était cependant là la seule mobilisation de la notion lui conférant
une définition positive que nous avons relevée de sa part jusqu'au moment de son entrée
en campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Toutes les autres ont été faites sur
une période relativement courte, de février à avril 2012, et donc attribuent plus ou moins
les mêmes contenus au concept « populisme », systématiquement relié à l'usage du
referendum. Ainsi, en février à Annecy, il associe la qualification « populiste »/« populisme »
employée péjorativement à son encontre au fait de « se soucier de ce que pense le peuple,
235
de ce que ressent le peuple » . De même à Nîmes fin mars, le populisme consistait à
236
« demander au peuple », lui proposer qu'il soit « le garant de [ses] engagements » , tandis
qu'à Nancy début avril, il s'agissait faire des citoyens « les témoins de [s]es engagements par
237
le referendum » . Face à l'accusation de « populisme » qu'il a subie pour avoir proposé le
recours au referendum, le candidat sortant a donc opéré une redéfinition positive du concept
« populisme » en recourant à l'interprétation gaullienne de la vocation du referendum dans
la Vème République : il s'agit de demander son avis au peuple.
233
Vidéo : « Grand meeting de Marine Le Pen au Zénith de Paris le 17 avril », mise en ligne le 19/04/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xq89s7_grand-meeting-de-marine-le-pen-au-zenith-de-paris-le-17-avril_news, consultée le 04/07/2012
234
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2007/intervention-devant-les-parlementaires-de-
la.7928.html, consultée le 26/06/2012
235
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en ligne le 16/02/2012, http://
www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M, consultée le 26/06/2012
236
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=HeZ82Kk71RQ, consultée le 27/06/2012
237
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012
41
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
François Bayrou redéfinit également le concept « populisme » en le reliant au peuple.
Interrogé le vingt-et-un janvier 2012 par le Figaro Magazine sur les accusations qu'il subit de
« chasser sur les terres du FN », il réplique : « On m'accuse de populisme ? J'aime le peuple,
j'en viens. J'ai grandi dans un village d'ouvriers et de paysans. Ce devrait être une fierté de
238
s'intéresser au peuple. » Le populisme devient alors l'amour du peuple, l'intérêt porté au
peuple, le terme « peuple » étant entendu comme dans l'expression « classes populaires »,
soit ici les ouvriers et paysans, que le reste de la classe politique et le système médiatique
ignoreraient. On retrouve cette définition du concept « populisme » comme « intérêt porté
au peuple » dans la réponse qu'il apporte le quatre février à la rédaction de Marianne : « On
m’a accusé de « populisme » parce que je suis allé faire un discours à Dunkerque ! En
France, désormais, aller parler aux ouvriers, c’est populiste ! », et de préciser : « J’en ai été
accusé mile fois ces dernières années parce que, simplement, je m’efforçai de rappeler que
se sent exclu des cercles de responsabilité ou de pouvoir, peut être 80% de la population
239
française. » Le « populisme » devenu intérêt porté au grand nombre exclu des « cercles
de responsabilité et de pouvoir », assimilé aux catégories populaires, particulièrement les
ouvriers, devient dès lors une démarche positive, car, légitimée par le fait qu'elle s'adresse
à « peut-être 80% de la population », elle serait au fond l'accomplissement réel de la
démocratie.
Le concept « populisme » est également associé par le président du Mouvement
Démocrate à la formule « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »,
signalant à Dunkerque le dix-neuf janvier : « c'est une fierté pour moi que la France ait
repris le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, comme définition de
240
la République » , et à nouveau le vingt-et-un en réponse au Figaro Magazine : « Notre
241
République, c'est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». » Le
concept « populisme », lié directement au « peuple », désignerait ainsi le respect du principe
de la République tel que proclamé dans la Constitution de 1958.
Cette redéfinition du concept « populisme » comme le respect de la légitimité de la
participation du peuple au pouvoir politique fait écho à la manière dont Jean-Luc Mélenchon
a abordé la qualification « populiste »/« populisme » à l'occasion de l'émission Salut Les
Terriens sur Canal+ du douze décembre 2012 s'agissant des Islandais qui « ont décidé »
« à 95% » « qu'ils ne règleraient pas les dettes des banques » et qui « ont convoqué une
assemblée constituante », réalisant ainsi « exactement ce [qu'il] raconte dans [s]on livre »
Qu'ils s'en aillent tous. Vite, la révolution citoyenne (2010) : « on » l'avait « traité de haut
en [l]e traitant de « populiste" », mais « apparemment il y a un peuple entier qui est devenu
242
populiste ! » Cela désamorce la qualification « populiste »/« populisme » : le concept
« populisme » désignerait tout simplement l'action populaire.
238
Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée
le 09/07/2012
239
Interview à la rédaction de Marianne le 04/02/2012, http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle-
a-tout-les-francais-sans-les-diviser, consultée le 09/07/2012
240
Vidéo : « François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le 20/01/2012, http://www.dailymotion.com/
video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-de-dunkerque-190112_news, consultée le 08/07/2012
241
Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée
le 09/07/2012
242
Vidéo : « Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le 19/12/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salut-les-terriens-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012
42
Ière partie : Les réactions positives
L'utilisation méliorative de la qualification « populiste »/« populisme » se retrouve chez
Mélenchon particulièrement pour parler du roman Les Misérables de Victor Hugo au cours
du mois de janvier 2012 : il parle d'« un magnifique roman populiste » « qui montre comment
chaque personne, quel qu'ai été son parcours, quelles qu’aient été les difficultés que la vie
lui a infligées, et même les erreurs qu’il a pu commettre, dès lors que la vraie justice, qui
est celle du cœur, s’exerce, chaque être venu du peuple peut à tout moment se redresser
243
et prendre sa part du bonheur collectif en y contribuant » lors de la présentation de ses
vœux à la presse, du « plus grand ouvrage populiste qui fut jamais écrit » et qui transmet
244
« la parole fantastique du poète » à Nantes le seize, du « plus beau roman populiste
245
qui ai été écrit », « la gloire du peuple » à Metz le dix-huit, et encore « le plus beau
roman populiste qui ait jamais été écrit », véritable « leçon d'humanité » « qui dit, entre
autres choses, que tous ceux qui tombent peuvent se relever ; que chacun d'entre nous
peut se grandir par la lumière de l'amour qu'il donne aux autres, du dévouement qu'il a pour
la cause, de ce qu'il partage et non de ce qu'il s'approprie » à Besançon le vingt-quatre.
La qualification « populiste »/« populisme » employée sans explicitation à l'endroit d'une
œuvre largement encensée ne peut servir à déprécier cette dernière vu les accents mis par
l'énonciateur sur les aspects positifs d'icelle. Dès lors, elle ne sert plus à caractériser l'objet ;
c'est au contraire lui qui, chargé d'une connotation positive quasi universellement partagée
dont certains aspects ont été sciemment mis en avant, sert à éclairer la qualification, dont le
contenu ne fait pas l'objet d'un consensus comparable. Aussi le concept « populisme » estil chargé du contenu associé par Jean-Luc Mélenchon au roman Les Misérables via l'usage
de la qualification « populiste »/« populisme » pour qualifier icelui, ce qui participe de sa
redéfinition positive voire méliorative. Malgré cette démarche menée sur tout le mois de
janvier 2012, la qualification « populiste »/« populisme » n'a cependant pas été mobilisée par
le candidat du Front de Gauche telle quelle, signe que son appropriation en est demeurée
partielle.
Au contraire, durant la période qui a suivi, il y a apporté encore des éléments de
caractérisation, soulignant à Rouen le six mars avoir été « traité de « populiste" » car il
« parlai[t] des riches », « dénonçai[t] les oligarques », « disai[t] que c'était une honte de
246
voir s'accumuler les richesses de cette manière-là » , reprenant le lendemain le même
vocabulaire (« je me faisais traiter de « populiste » parce que je parlais des oligarques,
247
parce que je parlais des riches » ) dans l'émission Expliquez-vous sur Europe 1 et i>Télé,
puis exposant le douze avoir été qualifié de « populiste » car il avait avancé la « thèse »
248
« que l'on peut, comme méthode de conviction, utiliser la désobéissance européenne »
dans l'émission Spéciale Présidentielle sur Europe 1, expliquant l'emploi à son endroit de la
243
Vidéo : « Vœux à la presse de Jean-Luc Mélenchon », mise en ligne le 04/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xng33e_vyux-a-la-presse-de-jean-luc-melenchon_news, consultée le 23/06/2012
244
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon Discours de Nantes », mise en ligne le 16/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xnq621_jean-luc-melenchon-discours-de-nantes_news, consultée le 23/06/2012
245
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Metz », mise en ligne le 19/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xntkky_jean-luc-melenchon-discours-de-metz_news, consultée le 23/06/2012
246
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news, consultée le 25/06/2012
247
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news, consultée le 25/06/2012
248
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news, consultée le 25/06/2012
43
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
249
qualification « populiste »/« populisme » par l'usage de l'apostrophe « A bas les riches ! »
lors de son discours à La Réunion le vingt-cinq et au fait de dénoncer ceux qui « dès qu'ils
250
commencent à empiler » « fuient et désertent à l'étranger pour ne pas payer d'impôts »
à Lille le vingt-sept, enfin désignant comme « populistes » suivant l'usage journalistique du
terme les propositions politiques « la richesse est excessive, nous allons en prendre » et
251
« on va courir derrière ceux qui se sauveraient » , deux positions qu'il défendait dans son
programme, dans son discours à la porte de Versailles à Paris l'avant-veille du premier tour
de l'élection présidentielle de 2012. Le concept « populisme » est ici directement associé
à des attitudes oratoires (notamment de dénonciation) et des propositions politiques du
programme du candidat du Front de Gauche et qui ont été reprises par d'autres candidats
qui, eux, ne subiraient pas la qualification « populiste »/« populisme ». Notons cependant
que parmi les deux seuls candidats nommément désignés par Jean-Luc Mélenchon comme
étant allés sur « son terrain », soit oratoire soit politique, figure Nicolas Sarkozy, qui a
pourtant bien été qualifié de « populiste » au cours de la campagne.
Benoît Shneckenburger va, lui, plus loin dans la démarche d'appropriation du concept
« populisme », qu'il qualifie de « chance pour la démocratie », précisant : « si l'on ne confond
pas les aspirations populaires avec la démagogie et la xénophobie, alors le populisme est
l'autre nom de l'espoir démocratique ». Le concept « populisme » consisterait en fait à
252
« redonner au peuple une image et une parole confisquées » , ce qui rejoint tout à fait les
redéfinition du concept opérées par Nicolas Sarkozy et François Bayrou.
Au final, subissant la qualification « populiste »/« populisme », les trois sujets sur quatre
qui ont opéré une démarche d'appropriation se sont fondés sur l'origine étymologique du
terme dérivé du mot « peuple », et ont utilisé les connotations positives de ce dernier afin
d'opérer une redéfinition du concept « populisme » comme le fait de porter intérêt, donner
la parole voire confier (au moins symboliquement) le pouvoir au « peuple », généralement
abordé comme les « classes populaires » supposément négligées par les élites sociales,
politiques et journalistiques. En acceptant la qualification comme « populistes » de
propositions qu'ils défendent et abordent sous un jour positif, ils opèrent également une
resémentisation positive du concept « populisme », sans toutefois aller jusqu'à mobiliser la
notion hors de tout contexte explicatif ni s'en réclamer directement et de leur propre initiative,
comme avait fini par le faire le Front National après 1994.
On notera la démarche de Jean-Luc Mélenchon consistant à attribuer à un ouvrage
généralement connoté positivement la qualification « populiste »/« populisme » pour
contribuer à la resémentisation positive du concept « populisme », et qui peut également
être interprétée comme une manière de légitimer ce retournement en l'appuyant sur une
référence reconnue.
Cependant, pour généralisée qu'elle a pu être parmi les sujets de la présente étude,
notamment pendant la période de la campagne présidentielle, la réaction d'appropriation
de la qualification « populiste »/« populisme » établie grâce à une redéfinition positive du
249
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news, consultée le 25/06/2012
250
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/xpqrc9_jean-luc-
melenchon-discours-de-lille_news, consultée le 25/06/2012
251
Vidéo : « J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012, http://www.dailymotion.com/
video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versailles-a-paris_news, consultée le 26/06/2012
252
44
Benoît Schneckenburger, 2012, p.87
Ière partie : Les réactions positives
contenu du concept « populisme » n'en a pas empêché pour autant qu'à un certain nombre
d'occasions sur la période étudiée l'étiquette a été purement et simplement rejetée par les
qualifiés.
45
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
IIème partie : Les réactions négatives
Sont qualifiées de « négatives » les réactions à la qualification de « populiste » qui refusent la
qualification et en particulier le contenu qui y est associé. Deux principaux types de réaction
sont des réactions « négatives » : le rejet et la contre-attaque.
Section 1 : Le rejet
Sont dites « de rejet » les réactions à la qualification de « populiste » qui récusent la
qualification même, soit pour des raisons non explicitées, soit pour des raisons explicitées.
Font partie des réactions « de rejet » les réactions qui contestent la pertinence même du
terme « populiste ».
1. Le rejet direct de la qualification « populiste »/« populisme »
Des études savantes antérieures à la période ont pointé du doigt la relation particulière
entretenue à l'égard de l'étiquette « populiste ». Ainsi, Gérard Grunberg, analysant les
résultats d'une étude de la SOFRES de 1995 sur « le phénomène du populisme », détermine
que d'une manière générale « les personnes qualifiées par les mesures utilisées (...) de
« populistes » sont très nombreuses à ne pas s'identifier comme populistes ou à ne pas
253
utiliser ce terme pour se repérer dans l'espace politique et idéologique. »
Le phénomène serait le même dans la sphère politique, d'après Yves Mény et Yves
Surel. En effet, « à la différence d'un parti fasciste qui se proclame tel ou d'un parti
communiste fier de sa dénomination, le qualificatif « populiste » n'est jamais librement
254
choisi par ceux auxquels il s'applique » , et d'ajouter : « le mot « populiste » n'est
jamais autorevendiqué, il est toujours attribué, généralement, par les critiques de ces
255
mouvements. » Sans pour autant souscrire avec autant de systématisme à ce diagnostic
(on a vu lors de la partie précédente que le Front National avait bel et bien entamé dès les
années 1990 un processus d'auto-attribution de la qualification « populiste »/« populisme »,
certes au prix d'une redéfinition positive du concept « populisme »), il semblerait qu'en effet
au début des années 2000 l'étiquette n'avait pas encore fait l'objet de la part de la grande
majorité des acteurs qualifiés ainsi des retournements sémantiques, encore moins des
assomptions de la qualification constatés sur la période 2007-2012. Ainsi le constat établi
par Gérard Grunberg selon lequel même « une forte adhésion aux valeurs et opinions » (ce
à quoi nous ajouterions également, s'agissant des personnalités politiques, les attitudes et
discours) « mesurées comme populistes par l'indicateur utilisé n'est pas la plupart du temps
253
Gérard Grunberg, 1998, pp.126-127
254
255
46
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.33
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.33
IIème partie : Les réactions négatives
256
liée à l'utilisation de ce concept » . De plus, la qualification « populiste »/« populisme »
relèverait d'une référence paradigmatique bien déterminée et vécue comme « imposée » par
ceux qui en usent. Grunberg établit le parallèle avec la classification à gauche ou à droite,
refusée pendant longtemps par les électeurs de droite : « de même que, jadis, une grande
partie des électeurs de droite ne se reconnaissaient pas comme identifiés (en l'occurrence
à droite) à partir d'une classification gauche-droite que la gauche leur imposait, aujourd'hui,
les électeurs qui partagent des opinions que les adversaires de ces opinions nomment
populistes, à partir d'un système de classification « populistes - antipopulistes », ne se
257
reconnaissent pas dans cette classification » .
La situation cependant a évolué depuis les années 1990 et le début des années
2000, et, ainsi qu'on l'a vu précédemment, la qualification « populiste »/« populisme » peut
être acceptée, sinon par les électeurs, du moins par les personnalités politiques dont les
propositions, les discours ou même les personnes sont visés par elle. Mais cette évolution
de la perception de la qualification « populiste »/« populisme » n'implique pas pour autant
qu'en toutes circonstances ni de manière systématique celle-ci soit acceptée d'une manière
ni d'une autre. En effet, le rejet pur et simple de la qualification demeure présente, même si
son emploi semble s'être raréfié sur la période récente.
Ainsi, quand en janvier 2012 survient le troisième épisode pendant lequel François
Bayrou a reçu la qualification « populiste »/« populisme » notamment de la part de Hervé
Morin, il a d'abord répliqué : « populiste non » en « se moquant de la réaction des "petits
258
marquis" qui raillent son "produire en France" » (proposition qui lui a effectivement valu
d'être qualifié comme « populiste » par des adversaires politiques et des journalistes et
éditorialistes). A l'appui de ce refus de la qualification, il a réaffirmé ses positions supposées
non populistes voire anti populistes, dénonçant « certains » qui « ont même dit [qu'il était]
antieuropéen » et rappelant que, bien que se voulant le candidat de « ceux qui veulent
259
renverser la table », il était favorable à « une solution républicaine ». »
La démarche consistant à rejeter la qualification « populiste »/« populisme » en exhibant
ses positions propres supposément incompatibles avec le populisme ou son opposition
frontale aux positions supposées populistes se retrouve également chez les défenseurs
de Nicolas Sarkozy : Jean-François Copé dans un entretien en février 2012 : « le mérite
260
républicain reste notre idéal » ; Henri Guaino en mars : « non », on ne peut pas parler
de « campagne populiste » pour qualifier celle de Nicolas Sarkozy, c'est au contraire
261
« une campagne républicaine qui s'adresse au peuple. »
Jean-Luc Mélenchon y a
256
257
258
Gérard Grunberg, 1998, p.126
Gérard Grunberg, 1998, p.126
« Bayrou tente une OPA sur l'électorat protestataire, vivier de Marine Le Pen - LExpress.fr », mise en
ligne le 05/01/2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/politique/bayrou-tente-une-opa-sur-l-electorat-protestataire-vivier-de-marinele-pen_1068553.html, consultée le 31/07/2012
259
Pierre
«
Jaxel-Truer,
Le
Monde.fr
mise
en
:
ligne
M.
le
Bayrou
souhaite
05/01/2012,
se
poser
en
candidat
du
«
peuple
»
»,
par
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=7bf27958a55d2d8cee84a088bcd7ec037a3539dff11e2752, consultée le 27/06/2012
260
« Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http://www.lefigaro.fr/flash-
actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-l-intuition-que-sarkozy-sera-reelu.php, consultée le 27/06/2012
261
« Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère" », par Arnaud Leparmentier et
Vanessa Schneider, mise en ligne le 31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/henri-guainone-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-la-colere_1678568_1471069.html, consultée le 27/06/2012
47
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
également recours, et use pour cela d'une méthode hypercritique contestant point par point
(les points avancés formant au passage une caractérisation du concept « populisme »
comme de la qualification « populiste »/« populisme ») le caractère « populiste » qui
lui est attribué. Ainsi lors de l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé en novembre
2010, il exposait : « Si le populisme c'est, au sens traditionnel, quelqu'un qui est contre
les institutions représentatives, je n'en suis pas, je suis républicain ; quelqu'un qui est
contre les intellectuels, c'est l'inverse, je revendique l'honneur d'être considéré comme
262
un intellectuel. » De même, lors du forum Libération-Marianne en janvier 2011 : « On
s'accorde en général à dire qu'un populiste, c'est celui qui rejette les élites : ce n'est pas mon
cas, je rejette l'oligarchie ; qui sont contre le système représentatif : je suis un républicain et
pour la démocratie représentative ; et enfin qui flatte les bas instincts du peuple, et voici les
bas instincts du peuple que je flatte : premièrement constituante, deuxièmement planification
écologique, troisièmement sortie de l'Afghanistan, quatrièmement sortir du traité européen,
263
cinquièmement partager les richesses. Voilà les bas instincts qui sont flattés par moi. »
Cette élaboration argumentaire n'est cependant pas la seule forme de rejet de la
qualification « populiste »/« populisme » par Mélenchon : on a également eu affaire à
des réactions semble-t-il spontanées, affranchies par conséquent de toute construction
théorique préalable. Ainsi lorsqu'à l'émission Politiquement Show sur LCI le huit juillet 2010
Michel Field lui demande si « quand l'UMP dit : « la gauche tape et fait monter le populisme »,
on peut lui donner raison », sa réaction immédiate est de dédaigner « les histoires de
264
l'UMP qui essaye d'éteindre l'incendie avec des méthodes assez rustiques. » De même,
lorsque le sept décembre à l'émission Le Grand Journal de Canal+ Michel Denisot lui
demande si le caractériser comme « gauche populiste » lui « va », il réagit dans l'instant en
265
répliquant : « Non mais c'est ma fête, là ! » , manière de refuser l'étiquette en l'assimilant
à une simple attaque. Plus significative est sa réponse à l'assertion de Marine Le Pen lors
de leur débat le quatorze février 2011 dans l'émission Bourdin Direct sur RMC et BFMTV,
précédemment mentionnée, selon laquelle elle comme lui assumeraient « tous les deux
d'être des populistes ». A cela, il répliqua en effet avec vigueur : « Je n'ai pas dit que
266
j'étais populiste, moi ! » En octobre 2010, il avait déjà, lors de l'émission Dimanche soir
politique sur i>Télé, argué à Françoise Fressoz qui lui avait fait remarqué qu'il avait assumé
la qualification « populiste »/« populisme » dans un entretien avec des journalistes de
L'Express : « Non, madame », avant de donner à son « j'assume » un éclairage tacticien
267
et « un peu crâne » censé l'exonérer d'assumer ce propos. Cet angle de réponse sera
repris trois mois plus tard, le vingt-neuf janvier 2011, lors du forum Libération-Marianne à
Grenoble : « Ne croyez pas que je suis un innocent absolu. Quand L'Express me pose
262
Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012
263
Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-
luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012
264
Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012
265
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au "Grand Journal" le 07/12/2010 », mise en ligne le 08/12/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xg0s2f_jean-luc-melenchon-au-grand-journal-le-07-12-2010_news, consultée le 17/06/2012
266
Vidéo : « Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://www.dailymotion.com/video/
xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news, consultée le 19/06/2012
267
Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012
48
IIème partie : Les réactions négatives
comme question - c'est déjà eux - : « vous, vous allez redonner des lettres de noblesse
au populisme de gauche », (...) je crois que c'est eux qui sont en train de tomber dans un
piège. Je réponds : « j'assume ». Ça n'a pas trainé ! Ça a mit 15 jours, quand même, je
trouvais que c'était un peu lent à démarrer, et aussitôt, bam !, ça a commencé : « alors,
268
populiste ? », etc. Trop tard ! C'était une erreur de leur part » . Par la suite cependant
les références à cet épisode rejoindront le propos initialement tenu en acceptant de fait la
qualification « populiste »/« populisme ».
Le rejet de la qualification « populiste »/« populisme » peut également passer par une
redéfinition positive, non pas du terme lui-même, mais de l'attitude ou du propos qui est
visé par lui. Ainsi le vingt-sept janvier 2012 lors du forum Libération à Grenoble Jean-Luc
Mélenchon expose-t-il en réponse à une question du public l'interpellant sur l'opportunité
tactique de son « populisme assumé » dans sa relation aux médias : « je ne fais pas de
populisme anti-médiatique, je fais une critique du système médiatique, qui est beaucoup
269
plus fine que ce que vous avez l'air d'en avoir retenu. »
C'est la même démarche qu'entreprend Jean-François Copé pour défendre Nicolas
Sarkozy, victime de la qualification « populiste »/« populisme » : « quand le président de
la République en appelle au peuple, il ne s'attaque pas aux élites intellectuelles », « ce
serait ridicule. » En revanche, « il dénonce plutôt la main mise d'un petit microcosme qui
270
paralyse le débat de fond en lui préférant l'ironie facile et les caricatures trompeuses » .
Henri Guaino expose de même : « La politique est toujours confrontée aux passions
populaires. La question est de savoir si elle se laisse entraîner par elles pour le pire ou
si elle les canalise pour le meilleur. Si vous ne prenez pas en compte les passions, vous
risquez d'avoir les colères. A force de rejeter dans le populisme toute attention portée à
ce qu'éprouvent les peuples, on finira par conduire le monde sur des chemins tragiques
qu'il a déjà empruntés », et de conclure : « critiquer les corps intermédiaires, ce n'est pas
271
être populiste. » C'est également à la même démarche que recours Jean-François kahn
en février 2009 pour défendre François Bayrou, qui subit alors sa deuxième « vague » de
qualification « populiste »/« populisme » sur la période, lorsqu'il rétorque à Xavier Bertrand
(alors secrétaire général du parti majoritaire) et à l'UMP entière, qui revendique l'héritage
politique du général de Gaulle : « est-ce que les gaullistes auraient pensé que parler du
peuple pour le peuple, c'est du populisme ? Je ne pense pas. Mais peut-être que l'UMP
272
a un vrai problème avec le peuple. » Ici, la redéfinition positive de l'élément justifiant
la qualification « populiste »/« populisme » permet en plus de porter une attaque sur
un adversaire politique. L'idée selon laquelle la qualification « populiste »/« populisme »
serait inappropriée pour désigner ceux qui entendent « parler du peuple au peuple »
rejoint la manière dont Jean-Luc Mélenchon interpellait le huit juillet 2010 dans l'émission
268
Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-
luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012
269
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012
270
« Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http://www.lefigaro.fr/flash-
actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-l-intuition-que-sarkozy-sera-reelu.php, consultée le 27/06/2012
271
« Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère" », par Arnaud Leparmentier et
Vanessa Schneider, mise en ligne le 31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/henri-guainone-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-la-colere_1678568_1471069.html, consultée le 27/06/2012
272
« Bayrou dénonce l'«atlantisme» de Sarkozy », par Rodolphe Geisler, mise en ligne le 09/02/2009, http://www.lefigaro.fr/
politique/2009/02/09/01002-20090209ARTFIG00319-bayrou-denonce-l-atlantisme-de-sarkozy-.php, consultée le 27/06/2012
49
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Politiquement Show sur LCI : « Les Français rejettent les élites. Les Français sont-ils
populistes ? Non, ils sont souverains. C'est le peuple qui commande, en république »,
ajoutant que le peuple « en a jusque là d'avoir comme réponse des leçons de morale à
chaque fois qu'il se fâche », ce qui fait écho à la réflexion d'Alexis Brézet lors de la même
émission et à laquelle le futur candidat du Front de Gauche avait apporté son soutien : « Si
on passe son temps à dire au peuple, quand il s'énerve, quand il s'exaspère, et parfois pour
273
des bons motifs : « c'est du populisme », ben ça va l'énerver encore plus » .
Ainsi, si la qualification « populiste »/« populisme », dépréciative, recouvrirait une réalité
qu'il est légitime d'attaquer, la confusion se ferait au niveau de ce qui est reproché, qui
n'aurait pas - ou mal - été compris. Ceux qui sont ainsi attaqués ne mériteraient pas pareille
désignation.
Finalement, les rejets directs de la qualification « populiste »/« populisme » semblent
d'une manière générale peu nombreux sur la période de la part des sujets étudiés
comparativement aux autres réactions. Une proportion non négligeable d'entre eux provient
d'ailleurs non de l'un des quatre candidats de l'élection présidentielle de 2012 mais de
soutiens politiques, peut-être moins inscrits dans la démarche de stratégie argumentaire
utilisée à propos de la qualification « populiste »/« populisme » et du concept « populisme »
que leurs candidats. Ainsi le diagnostic effectué par la littérature savante dans des études
antérieures à notre période d'étude d'une tendance marquée à refuser la qualification
« populiste »/« populisme » (déjà à nuancer s'agissant du Front National depuis 1988 et
surtout le début des années 1990) ne peut plus convenir s'agissant de la période 2007-2012.
Néanmoins, les quelques exemples à disposition témoignent le plus souvent de
constructions argumentaires relativement élaborées, les seuls rejets directs non appuyés
semblant ressortir de la réaction spontanée, voire impulsive.
On notera l'absence dans ce registre de la seule Marine Le Pen, candidate d'un parti qui
a depuis près de deux décennies déjà prit l'habitude de retourner l'accusation « populiste »
à son profit, voire à se qualifier comme tel, ainsi que nous l'avions rappelé précédemment,
et qui de toutes façons n'a mobilisé que fort peu la notion sur la période étudiée.
Ce rejet direct n'est cependant pas la seule manière dont les sujets étudiés ont pu, sur
la période, dénier sa pertinence à la qualification « populiste »/« populisme » quand elle
leur était accolée.
2. Un rejet indirect : l'usage accusatoire de la qualification
« populisme »/« populiste » à l'endroit d'adversaires politiques
Dans la rhétorique politique, la distinction d'avec un adversaire qu'il s'agit de désigner et
de caractériser fait partie des figures imposées et quasi incontournables. Ainsi l'emploi de
la qualification « populiste »/« populisme » à l'endroit d'adversaires, désignés explicitement
ou non, de même que la dénonciation du « populisme » en général peuvent être interprétés
comme une manière de se prémunir contre cette qualification. Lorsque celui qui recours à
ce procédé est d'ores et déjà ou bien a été fréquemment désigné comme tel, il s'agirait plutôt
bel et bien de rejeter sans le dire explicitement l'usage de la qualification pour soi-même.
Cependant, les usages relevés de ce procédé inciteraient plutôt à conclure
à une différenciation du rapport au concept « populisme » et à la qualification
273
Vidéo : « J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le 08/07/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-dans-politiqu_news, consultée le 15/06/2012
50
IIème partie : Les réactions négatives
« populiste »/« populisme » suivant le statut de l'usager de la notion. En effet, le seul des
quatre sujets l'ayant ainsi utilisée est Nicolas Sarkozy, et ce dans le cadre explicite de ses
fonctions de président de la République, sur une période s'achevant en octobre 2010, soit
alors qu'il n'était pas encore à proprement parler entré en campagne et donc conservait
avant tout son rôle institutionnel.
Nous avons pris néanmoins le parti de les inclure dans l'étude, d'abord car ils sont
présents en quantité non négligeable rapportée au total des occurrences de la mobilisation
de la notion par Nicolas Sarkozy et d'autre part car l'hypothèse de travail avancée plus haut
sur l'utilité indirecte comme moyen de rejeter la qualification « populiste »/« populisme » sur
le mode : « si je dénonce le populisme/les populistes, c'est que moi-même je ne suis pas
populiste » nous a semblé suffisamment valable.
En tant que président de la République et à l'occasion des vœux officiels aux corps
constitués et aux agents de la fonction publique le onze janvier 2008, Nicolas Sarkozy a
assuré avoir « été, depuis trente ans, de ceux qui ont dénoncé le plus vigoureusement le
274
discours populiste et facile dirigé contre l'État et contre les fonctionnaires » , offrant ainsi
une caractérisation de ce que peut être un « discours populiste » pour son dénonciateur.
Neuf mois plus tard, dans son discours sur la mobilisation pour l'emploi du vingt-huit
octobre et alors qu'avait éclaté la crise économique mondiale, il fustigeait la « démagogie »
et le « populisme » de « ceux qui (...) disent : « Pourquoi a-t-on donné de l'argent
275
aux banques ?" » . Ce faisant, il mettait en valeur son action publique comme
fondamentalement « anti populiste ». Associant encore « populisme » et « démagogie »,
il dénonçait à l'occasion du colloque du cinquantenaire du Conseil Constitutionnel le trois
novembre : « la première menace contre les droits de l'Homme, c'est de laisser le champ
libre aux populismes, qu'ils soient de gauche ou de droite, aux démagogues, de tous
276
les côtés, et, au fond, aux adversaires de la démocratie » , jugement particulièrement
sévère à l'encontre du « populisme » et qu'on trouve rarement en termes aussi directs et
explicites dans les propos ou les écrits des commentateurs et journalistes. Précisant et
approfondissant la relation établie entre « populisme » et « démagogie », il précisait encore
le vingt-quatre mars 2009 dans son discours à Saint-Quentin : « chacun doit s'efforcer de ne
277
pas céder à la démagogie, car comme toujours la démagogie engendre le populisme » .
Toute cette séquence sur cinq mois - d'octobre 2008 à mars 2009 - constitue, avant la
campagne présidentielle de 2012, la période de plus grande densité de mobilisation par
Nicolas Sarkozy du « populisme ». Ceci peut concourir à expliquer les deux traits communs
à toutes ces utilisations : le rapprochement avec la « démagogie » d'une part, et d'autre
part la désignation d'un objet indéterminé, le ou les « populisme(s) », toujours menaçant
et contre lequel son action publique est dirigée. Les deux dernières occurrences avant la
campagne de la mobilisation du « populisme » par Nicolas Sarkozy ne comportent pour leur
part chacune qu'un seul de ces deux traits.
274
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/voeux-aux-corps-constitues-et-aux-agents-de-
la.6875.html, consultée le 26/06/2012
275
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/discours-sur-la-mobilisation-pour-l-emploi.5201.html,
consultée le 26/06/2012
276
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/colloque-du-cinquantenaire-du-conseil.5208.html,
consultée le 26/06/2012
277
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2009/discours-a-saint-quentin.6478.html, consultée le
26/06/2012
51
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
En effet, si en mars 2011 il dénonçait « la montée des « populismes" », insistant « sur la
nécessité pour la « droite républicaine » de « rassurer les Français », en mettant en avant
278
les valeurs d'autorité, d'ordre, de sécurité » , ces « populismes » demeurent un non-dit
indéterminé, d'autant que la pluralité des usages journalistiques à la notion et l'absence
d'actualité spécifiquement associée au « populisme » à ce moment empêchent d'avoir
la moindre présomption quant à ce qui est visé. A l'inverse, en octobre 2011, il a certes
pourfendu « la « démagogie » et le « populisme" », mais il visait là clairement « la gauche »,
sans toutefois « jamais la citer », ce qui n'empêchait pas la journaliste écrivant l'article d'en
279
conclure : « pas de doute, la campagne est lancée. »
Ainsi que nous l'avons mentionné, il ne nous semble pas que ces mobilisations
de la notion relèvent de la stratégie discursive en vue de rejeter la qualification
« populiste »/« populisme », mais bien plutôt de la conséquence de l'adoption par Nicolas
Sarkozy de la perspective de son rôle institutionnel de président de la République. Elles
nous apportent néanmoins des éléments de réflexion sur l'antagonisme des perceptions de
la qualification « populiste »/« populisme » comme du concept « populisme » suivant la place
comme acteur ou comme observateur de la scène politique, le président de la République
se situant, au moins dans ses interventions officielles plus ou moins ritualisées et suivant
la sensibilité gaullienne de « l'homme au-dessus des partis », dans la seconde catégorie
plutôt que dans la première.
En revanche, ses mobilisations de la notion dès lors qu'il passe dans la perspective
de l'homme politique menant campagne ou s'occupant de stratégie politique en diffèrent
sensiblement et le placent en porte-à-faux avec ses usages précédents. Ce contraste,
spectaculaire et temporellement très situé à partir du moment où Nicolas Sarkozy entre en
pré-campagne, rend particulièrement visible la distinction entre « le temps de la politique »
et « le temps des institutions ».
Il est un autre type de rejet indirect, assuré cette fois sans doute possible, et qui n'a été
mobilisé que par un seul des quatre sujets. Il s'agit de la démarche consistant, pour dénier
toute pertinence à la qualification « populiste »/« populisme », de dénier toute pertinence
au concept « populisme », qui aura été sur la période une caractéristique de Jean-Luc
Mélenchon.
3. Un rejet indirect : le déni de toute pertinence au concept
« populisme »
Nous nous trouvons là face à une stratégie discursive qui a été, sur la période
et parmi les sujets étudiés, une caractéristique propre à Jean-Luc Mélenchon. La
qualification « populiste »/« populisme » s'appuyant notamment sur une conceptualisation
du « populisme », en attaquant la légitimité de cette dernière, le qualifié manifeste une forme
de rejet de l'emploi de la qualification, sur le mode : « votre accusation est fallacieuse car
elle n'a au fond pas de sens ».
278
« Nicolas Sarkozy tente de rassurer son camp », par Solenn deRoyer, mise en ligne le 09/03/2011, http://www.lefigaro.fr/
politique/2011/03/09/01002-20110309ARTFIG00696-nicolas-sarkozy-tente-de-rassurer-son-camp.php, consultée le 27/06/2012
279
« Sarkozy sonne la charge contre la gauche », par Judith Waintraub, Charles Jaigu, Solenn de Royer, mise
en ligne le 12/10/2011, http://www.lefigaro.fr/politique/2011/10/11/01002-20111011ARTFIG00760-sarkozy-sonne-la-charge-contre-lagauche.php, consultée le 27/06/2012
52
IIème partie : Les réactions négatives
Cette démarche de déni de toute pertinence au concept « populisme » a ceci de
particulièrement intéressant qu'elle entend s'appuyer sur des travaux de sciences politiques
pour opérer son rejet indirect de la qualification « populiste »/« populisme ». Il nous faut
donc tout à la fois nous intéresser à la manière dont la littérature scientifique a abordé la
question de la pertinence du concept « populisme » et analyser les ressorts argumentaires
utilisés par Jean-Luc Mélenchon.
Le premier constat qui s'impose au lecteur lorsqu'est abordé par la littérature le concept
« populisme » est son manque général de précision : « La littérature [sur le populisme] est
280
abondante mais confuse. Et les équivoques nombreuses. » , affirme Alexandre Dorna, ce
que confirment Ernesto Laclau : « une des caractéristiques de la littérature consacrée au
281
populisme est la réticence - ou la difficulté - à donner à ce concept un sens précis » ;
ou encore Nonna Mayer : « Que faut-il entendre au juste, toutefois, par « populisme » ?
L'expression est à la mode. Mais il n'y a pas, comme le notent tous les auteurs qui ont
282
cherché à le définir, de terme plus insaisissable. » Si l'hypothèse d'une incapacité ou
d'un manque de volonté des analystes à conférer au concept « populisme » un sens précis
283
peut contribuer à expliquer ce phénomène , celle qui est généralement retenue par les
auteurs est celle d'une imprécision intrinsèque de la notion elle-même, qui rendrait vaine
toute démarche d'explicitation trop poussée.
Alexandre Dorna évoque au propos du populisme « un concept trop évasif et
284
équivoque », « quelque chose de bizarre et de négatif » , « une figure polymorphe,
285
énigmatique » et Maryse Souchard une « notion aux aspects multiples, aux contours trop
286
souvent flous » , tandis que Jean-Pierre Rioux pointe « l'élasticité de ce pseudo-concept,
introduit toujours sous bénéfice d'inventaire par les professeurs de sciences politiques mais
287
si peu et si mal inventorié par les acteurs eux-mêmes » et dénonce ce « vocable si peu
288
289
conceptuel » que Serge Halimi qualifie carrément d'« épithète informe » tandis que
Henri Deleersnijder parle de « concept fourre-tout, véritable auberge espagnole du langage
290
idéologique en mal de précision » .
Cet aspect « fourre-tout » du concept, fréquemment mis en avant, est étroitement
associé à ce que Pierre-André Taguieff nomme « l'indétermination conceptuelle de ce
280
281
282
283
Alexandre Dorna, 1999, p.4
Ernesto Laclau, 2008, p.15
Nonna Mayer, 2009, p.140
Laclau n'hésite ainsi pas à avancer la thèse selon laquelle « l'impasse de la théorie politique quand elle traite du populisme
n'a rien d'accidentel, elle a ses racines dans les limites des instruments ontologiques dont dispose actuellement l'analyse politique ;
le « populisme », en tant qu'écueil théorique, exprime quelques-unes des limites inhérentes à la manière dont la théorie politique a
cherché à savoir comment les agents sociaux « totalisent » l'ensemble de leur expérience politique. » (Ernesto Laclau, 2008, p.16)
284
285
286
287
288
289
290
Alexandre Dorna, 1999, p.3
Alexandre Dorna, 1999, p.6
Maryse Souchard, 2010, p.15
Jean-Pierre Rioux, 2007, pp.7-8
Jean-Pierre Rioux, 2007, p.7
Serge Halimi, 1998, p.115
Henri Deleersnijder, 2009, p.118
53
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
291
terme », « son ambiguïté, son ambivalence, voire son caractère équivoque » , qui
serait notamment due à sa racine étymologique : le mot « peuple » ayant lui-même
une signification imprécise et ambiguë, son dérivé « populisme » aurait hérité de ces
caractéristiques sémantiques, ce que souligne Jean-Luc Mélenchon lors d'un discours au
théâtre Dejazet le 18 novembre 2010 : « D'abord, ils ne savent même pas dire ce qu'est
le peuple ! C'est qui, le peuple ? Ah, et bé ils ne savent pas. Et bien ça ne m'étonne pas,
parce que Platon non plus, il ne savait pas, Aristote non plus, il ne savait pas. Dès qu'ils
292
arrivaient à « peuple », ça donnait une catégorie confuse. » Partant, le « peuple » étant
une « catégorie confuse », le « populisme » qui en dérive directement ne peut que l'être
tout autant. « Toute définition du populisme reste en pratique fortement indexée aux univers
de sens sémantiquement, socialement et culturellement construits qui s'attachent au mot
293
« peuple" » , analysent de même Yves Mény et Yves Surel, qui insistent notamment sur
le rôle des usagers du terme dans le maintien de cette imprécision : « l'une des originalités
du populisme tient le plus souvent à son indétermination relative et sa propension à jouer
de l'ambiguïté propre au terme de « peuple », plusieurs mouvements mobilisant différentes
294
notions à la fois. » L'ambiguïté constitutive du concept « populisme » serait ainsi à attribuer
au moins en partie aux usages non savants qui en sont faits. En effet, le populisme « séduit
toujours les amateurs de notions floues applicables à un ensemble indéfini de phénomènes.
Et il comble les « terribles simplificateurs » qui emploient les mots politiques comme des
295
massues. »
« Cette extension incontrôlée du mot populisme lui a fait perdre tout sens précis,
l'a privé de toute valeur conceptuelle. S'appliquant à tout ou presque, il n'identifiait
296
plus rien » , diagnostique ainsi Pierre-André Taguieff, pour qui « la nouvelle carrière
médiatique de populisme, hors des limites des études savantes » a donné lieu à une
297
« désémantisation croissante » de la notion. La signification du terme s'efface derrière ses
usages stratégiques : « d'outil conceptuel, populisme s'est transformé en arme idéologique.
À sa relative valeur de connaissance s'est substituée une puissance d'illégitimer et de
298
stigmatiser des adversaires » . Or ces usages s'inscrivent dans un contexte où « depuis le
début des années 1990 », « le discours incluant une quelconque référence au « populisme »
se présente (...) globalement comme un discours antipopuliste ». Il s'ensuit donc que
« "Populisme », dans le discours médiatique ordinaire, nomme (...) une menace. Mais une
299
menace indistincte, quasi indéfinissable. » Ainsi, qualifier de « populiste » tel personnage
ou tel mouvement « n'est qu'une concession à l'esprit du temps ou l'effet banal d'une
300
mode langagière. » D'une manière générale, « le suremploi à toutes fins utiles prive
291
292
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.19
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012
293
294
295
296
297
298
299
300
54
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.182
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.216
Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.7
Pierre-André Taguieff, 1998, p.6
Pierre-André Taguieff, 1998, p.6
Pierre-André Taguieff, 1998, p.6
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.94
Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.19
IIème partie : Les réactions négatives
un mot de sa pertinence, le rend non seulement inutile, mais aussi dangereux, voire
301
nuisible » . En particulier, « le suremploi polémique a fait » du mot « populisme »
302
« une étiquette disqualificatoire » indépendamment de toute caractérisation savante du
concept : « les principaux utilisateurs contemporains, journalistes et acteurs politiques, du
mot « populisme » (...) supposent la validité [du] consensus dénominatoire : on postule
303
qu'est « populiste » tout ce qui est ordinairement qualifié de « populiste ». » . Orianne
Ledroit remarque ainsi que « la campagne présidentielle de 2007, dans son traitement
médiatique ainsi que dans les discours des candidats, a été le lieu d’un usage souvent
304
grossier (au sens d’approximatif et ascientifique) et stratégique du mot » - l'utilisation du
305
terme « populisme » s'avérant souvent « évasive et confuse » - et que « la plupart des
acteurs emploie le terme de manière vague et imprécise caractérisant les candidats eux306
mêmes de « populistes » et non leurs discours » . Ces usages non savants auraient ainsi
participé d'« un processus historique de perte de signification du mot, le réduisant à n’être
307
utilisé majoritairement qu’à des fins stratégiques. »
Cependant, les usages non savants seuls n'expliquent pas le manque de précision
du concept « populisme » dans la littérature savante : s'il est difficile à cerner, c'est aussi
que les études qui en sont faites témoignent quasi unanimement du fait qu'il recouvre
des phénomènes difficiles à relier ensemble. D'après Laclau, le populisme « n'est pas
une constellation fixe mais une série de configurations discursives qui peuvent être mises
308
à contribution de façons très différentes » , et pour Laurent Bouvet « la variété des
mouvements politiques qui se rattachent ou que l'on rattache au populisme est telle qu'il
est impossible non seulement d'en dresser la liste mais encore d'en déterminer à coup
309
sûr les traits exacts » . La confusion ne serait donc pas une caractéristique des usages
non savants du terme mais toucherait également les analyses savantes, les deux sphères
n'étant pas hermétiques l'une à l'autre : « Avant 1990, dans le discours politique comme
dans le discours sur le ou la politique, le mot « populisme » pouvait paraître sous-employé.
La situation semble se renverser au cours de la dernière décennie du XXe siècle : ce terme
en « isme », jusque-là plutôt oublié, revient en force dans l'espace public, saturant tous les
registres du langage politique, donnant l'impression d'être suremployé, et ce, de l'analyse
savante du politique à la conversation ordinaire sur « la politique ». Il est donc arrivé une
singulière mésaventure au mot « populisme » : il est récemment devenu populaire, en
se transformant en opérateur d'illégitimation. Sa signification n'en est devenue que plus
310
obscure » , expose Pierre-André Taguieff, cette inflation soudaine des usages expliquant
que « le champ du nouveau populisme est plus large que celui qu'occupent les formations
301
302
303
304
305
306
307
308
309
310
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.17
Pierre-André Taguieff, 2007-1, pp.17-18
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.109
Orianne Ledroit, 2006-2007, p.77
Orianne Ledroit, 2006-2007, p.28
Orianne Ledroit, 2006-2007, p.37
Orianne Ledroit, 2006-2007, p.12
Ernesto Laclau, 2008, p.206
Laurent Bouvet, 2012, p.231
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.93
55
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
311
labellisées « populistes ». » Ce que confirme Henri Deleersnijder : « Le terme reste rétif
à la moindre définition digne de ce nom. Depuis qu'il a refait surface au cours des années
1980 dans les médias et chez les commentateurs politiques, il paraît prendre un malin plaisir
à s'esquiver dès qu'on essaye d'éclairer sa signification ou de l'enfermer dans un moule
théorique, tant sont diverses les manifestations du phénomène qu'il recouvre et les causes
312
qui sont à leur origine. »
Ainsi, lorsque Laclau expose que « le référent du mot « populisme » devient flou,
parce que de nombreux phénomènes qui ne sont pas traditionnellement considérés comme
313
populistes sont rangés dans cette catégorie » , il se réfère aussi bien à l'extension
considérable du champ d'application de la qualification « populiste »/« populisme » dans
les commentaires journalistiques et politiques qu'aux études savantes sur le concept
« populisme » qui, prenant la suite des premiers ou les précédant, participent de cette
multiplication des usages et de cette extension de leur champ d'application. Les analyses
savantes du concept « populisme » sont partie intégrante des usages récurrents du
terme, or ce dernier « n'est pas appliqué à un phénomène délimité mais à une logique
sociale dont les effets sont transversaux », ce qui explique que la notion « n'a pas d'unité
314
référentielle » . Ainsi, si « aucune théorie générale n'a encore réussi à expliquer le
315
phénomène populiste » , si « aucune théorie [du populisme] ne s'est portée garante
316
d'une logique rationnelle et scientifique » , si « certains sociologues dédaignent ou
317
refusent » « de traiter le populisme comme une idéologie » , c'est précisément parce
qu'il tient du phénomène, c'est-à-dire que le concept « populisme » s'attache avant tout
à l'étude de caractéristiques de mouvements et personnes précises, situés chacun dans
un contexte historique, politique et rhétorique, ce qui explique que « le populisme n'aurait
318
pas une pensée cohérente, encore moins précise. » En effet, Bertrand Badie expose
que « l'imprécision » du concept « populisme » « tient pour beaucoup à la richesse et à la
319
diversité des expériences qu'elle recouvre » , ajoutant que « la notion ne peut être utilisée
de manière discriminante ni pour décrire une idéologie, ni pour désigner un moment de
320
l'Histoire, ni pour qualifier un régime politique » , car « il est souvent délicat - voire arbitraire
- de distinguer un mouvement populiste d'une opposition façonnée par des idéologies
321
d'inspiration nationaliste, fasciste ou socialiste » , diagnostic que partage Jean-Pierre
Rioux, pour qui « le populisme » « n'est en lui-même ni une théorie politiquement fortement
322
constituée, ni un programme économique, ni un projet social, ni une franche utopie » . De
311
312
313
314
315
316
317
318
319
320
321
322
56
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.33
Henri Deleersnijder, 2009, p.111
Ernesto Laclau, 2008, p.11
Ernesto Laclau, p.11
Alexandre Dorna, 1999, p.106
Alexandre Dorna, 1999, p.10
Alexandre Dorna, 1999, p.7
Alexandre Dorna, 1999, p.7
Bertrand Badie, 1997, p.226
Bertrand Badie, 1997, p.226
Bertrand Badie, 1997, p.227
Jean-Pierre Rioux, 2007, p.13
IIème partie : Les réactions négatives
même, pour Patrick Charaudeau, « [les] différentes figures du populisme montrent que l’on
ne peut proposer de celui-ci une définition unique, car les contextes historiques et politiques
323
l’infléchissent de différentes façons » . Cela rend « toute tentative de généralisation »
324
« imprudente »
: « dire que le populisme contemporain n'est pas conforme à un
populisme idéologique « idéal », c'est oublier que le populisme dépend fondamentalement
325
des contextes, des acteurs et des usages dont il est l'objet » , rappellent MM. Mény et
Surel. D'après Serge Halimi, c'est précisément à cause du « relâchement intellectuel »
et de « l'inculture historique » qui les caractérisent que « tel un virus, l'adjectif populiste
326
contamine le journalisme et l'analyse sociale » . Ainsi, l'oubli des contextes dans lequel
évolue la notion dans l'analyse politique serait préjudiciable à ses usages, savants comme
non savants.
D'après Alain Bergounioux, « le terme populisme peut prendre aujourd'hui un sens qui
327
le détache d'une appartenance trop précise » , ce qui conforte l'argumentaire de Jean-Luc
Mélenchon selon lequel « le populisme [est] devenu un concept tellement fourre-tout que
328
ça ne veut plus rien dire » . Ceux qui emploient la qualification « populiste »/« populisme »
seraient selon lui « incapables de nous dire en quoi consiste le populisme qu'ils dénoncent,
car il y en a 50 définitions différentes », et il n'hésite pas à dénoncer « la bêtise de ceux
qui utilisent un mot qu'ils sont incapables de définir », réclamant avant de répondre à
l'accusation « que quelqu'un [veuille] bien se donner le mal de [lui] dire ce que c'est,
329
parce qu'il y a au moins dix définitions possibles » , diagnostic partagé avec Bergounioux
qui avance que « la complexité que l’étiquette populiste engendre » est notamment
330
due aux « cent pistes définitoires » qui « nous sont ouvertes » . Et cette multiplicité
des définitions impliquerait une perte de sens du mot « populisme » et, partant, du
concept « populisme ». A l'appui de cette thèse, Mélenchon invoque à l'occasion du
forum Libération-Marianne l'expertise savante d'Alexandre Dorna sur le thème, répliquant
à une intervenante qui le qualifiait de « populiste » que « le livre d'Alexandre Dorna »
lui apprendrait « que le « populisme » est un mot qui ne veut rien dire, tellement il a
331
eu de significations différentes. » Un an auparavant, à l'occasion du premier discours
donné après l'officialisation de la proposition de sa candidature pour 2012 au Front de
Gauche, il avait déjà invité « à aller se renseigner, lire le bouquin d'Alexandre Dorna »
sur le sujet avant d'expliquer : « il n'y a pas de typologie du populisme, il n'y a qu'une
323
324
325
326
327
328
Patrick Charaudeau, 2011, p.103
Alexandre Dorna, 1999, p.114
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.195
Serge Halimi, 1998, p.115
Alain Bergounioux, 1997, p.229
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012
329
Vidéo : « Mélenchon : "DSK représente si mal la gauche" », mise en ligne le 05/01/2011, http://www.europe1.fr/MediaCenter/
Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/, consultée le 29/06/2012
330
331
Maurice Tournier, 2004, p.1
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012
57
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
332
phénoménologie : on observe des gens que l'on qualifie de « populistes" » . On a ainsi
« qualifié de « populiste » le régime de Peron, on qualifie de « populiste » le régime d'Orban »
333
alors que « les deux n'ont rien à voir » , précise-t-il en février 2012 à l'émission Objectif
Élysée sur LCP. Dans son livre Populisme. Le fantasme des élites, Benoît Shneckenburger,
philosophe et militant politique du Parti de Gauche, chef du service d'ordre de Jean-Luc
Mélenchon, confirme : « les chroniqueurs et polémistes qui voient des populistes partout ne
334
s'accordent pas sur la typologie du phénomène » , et de dénoncer « un concept instable
335
et fourre-tout » ou encore de contester sa valeur théorique car il serait « un mot qui ne
336
renvoie à aucun phénomène uniforme » . En citant l'auteur d'un ouvrage reconnu comme
« de référence » sur le sujet (Alexandre Dorna est l'auteur du Que sais-je ? consacré
au populisme), en ayant dans son entourage proche l'auteur d'un ouvrage (paru au cours
de la campagne présidentielle) prétendant à la démarche d'ouvrage savant consacré au
populisme et qui a signé sur son site de campagne et sur son blog des argumentaires
militants sur le sujet, le candidat du Front de Gauche appuie sur la littérature savante sa
démarche de délégitimation du concept « populisme ».
Ce refus d'accorder la moindre pertinence au concept « populisme » au prétexte qu'il
provient au départ de l'analyse de phénomènes distincts et contextualisés se retrouve
d'ailleurs dans une partie de cette littérature savante, notamment dans la critique que fait
Annie Collovald du travail de Pierre-André Taguieff sur le populisme, qu'elle accuse de
« brouill[er] les pratiques politiques du passé » et « les enjeux cognitifs de la notion » en
assimilant « des analyses du « populisme » relevant de paradigmes différents, sans que
soient relevés les changements de perspectives qui les ont motivées ». Il affranchirait « le
337
concept de « populisme » de ses enjeux à la fois politiques et savants » , transformant
« un mot qui a visé d'abord à désigner des problèmes locaux successifs (en Amérique
latine puis aux États-Unis) en un concept « autosuffisant », doté d'une vie et d'une filiation
propres, et à lui seul explicatif de phénomènes politiques disparates regroupés dans une
même « essence populiste" » et conférant « une vérité purement théorique à sa définition
338
du « populisme ». »
Les démarches visant à caractériser le concept « populisme » au-delà de la simple
étude des phénomènes qualifiés de « populistes » usent d'une acceptation large de la
notion, éloignée de la précision attendue par certains. Employant indifféremment le singulier
et le pluriel pour désigner le concept « populisme », Pierre-André Taguieff expose que
« l'irréductible ambiguïté des populismes » provient de ce qu'ils sont « régis par un
principe d'omnipotence syncrétique : ils peuvent entrer en composition avec n'importe
332
Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le 22/01/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-luc-melenchon-candidature-pour-2012_news, consultée le 18/06/2012
333
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012
334
335
Benoît Schneckenburger, 2012, p.38
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
336
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
337
338
58
Annie Collovald, 2004, p.85
Annie Collovald, 2004, pp.88-89
IIème partie : Les réactions négatives
339
quel contenu idéologique, se jumeler avec n'importe quelle orientation politique » , que
« la caractéristique formelle peut-être la plus spécifique des populismes est leur haute
compatibilité avec n'importe quelle idéologie politique (...), avec n'importe quel programme
340
économique (...), avec diverses bases sociales et divers types de régime » , ce qui
explique que « le populisme (...) ne [peut] être considéré ni comme une idéologie politique, ni
341
comme un type de régime » . La détermination du populisme comme objet nécessairement
ambigu du fait de son champ d'application en-dehors des classifications et autres topologies
politiques est résumée ainsi : « il n'y a pas d'idéologie populiste, il n'y a que des synthèses
342
entre les protestations populistes et telle ou telle construction idéologique » .
Au final, « ce qui reste commun aux populismes, c'est une rhétorique structurée par le
343
blâme et l'éloge » , ce qui fait du concept « populisme » « un style politique, fondé sur le
recours systématique à la rhétorique de l'appel au peuple et la mise en œuvre d'un mode
344
de légitimation de type charismatique » et qui, étant « idéologiquement non fixé », « n'est
ni de droite, ni de gauche », ce qui expliquerait qu'« il y a des leaders populistes à droite et
345
à gauche, et aux deux extrêmes. » Une approche minimaliste du concept « populisme »
comme style et comme rhétorique qui peut être interprétée comme la manifestation d'une
absence de réel contenu à la notion et sert d'argument à Jean-Luc Mélenchon pour contester
la pertinence du concept « populisme » : « la comparaison en termes de communication,
346
je m'en fiche, de ça. Regardez les contenus » réplique-t-il dans l'émission Questions
d'Infos sur LCP le douze janvier 2011 à la journaliste qui lui demandait s'il se voyait des
similitudes avec le style oratoire de Jean-Marie Le Pen. Récusant la valeur du concept
« populisme » suivant cette approche au nom de laquelle nombre de commentateurs
politiques l'ont rapproché de la candidate du Front National, il accuse ceux qui y accordent
347
348
crédit de « rendre tout confus » et de « brouill[er] les repères » , répondant encore
le premier février 2012 dans l'émission Questions d'Infos sur LCP à Frédéric Haziza qui
évoquait « trois populismes : celui de Marine Le Pen, le votre [Jean-Luc Mélenchon] et celui
de François Bayrou » : « Si c'est pour qu'il y ait autant de populismes que de candidats,
349
qu'est-ce ça éclaire ? Rien du tout. » , tandis que Benoît Shneckenburger dénonce les
339
340
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342
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346
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.9
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.31
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.24
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.9
Pierre-André Taguieff, 2012-2, p.67
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur LCP dans Questions d’Info le 12/01 », mise en ligne le 13/01/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xgjvqr_jean-luc-melenchon-sur-lcp-dans-questions-d-info-le-12-01_news, consultée le 18/06/2012
347
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon candidat à la présidentielle de 2012 », mise en ligne le 21/01/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xgo05k_jean-luc-melenchon-candidat-a-la-presidentielle-de-2012_news, consultée le 18/06/2012
348
Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting-
a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012
349
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012
59
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
350
« effets délétères dans le monde médiatique » de l'utilisation du terme « populiste » ,
soulignant : « actuellement, il n'est pas un jour sans que la presse se fasse l'écho d'une
351
menace, d'une poussée populiste, qualifiant tout et son contraire de populisme »
et
352
concluant au vide sémantique du terme, parlant même d'« un mot dénué de concept » .
La caractérisation du concept « populisme » comme style et rhétorique rejoignant de fait
les emplois journalistiques de la qualification « populiste »/« populisme », elle aurait atteint
une limite en permettant des parallèles entre personnalités (et mouvements) d'orientations
politiques radicalement différentes. « Il existe (...) un usage à la fois extensif et englobant du
populisme qui étend si loin ses frontières qu'il en perd toute signification et toute capacité
353
à rendre intelligible la réalité politique » , dénoncent Yves Mény et Yves Surel, tandis que
Henri Deleersnijder attribue à la multiplication des usages cette déperdition sémantique : « Il
arrive que les mots, à l'imitation des prix, soient entraînés dans des spirales inflationnistes.
Suremployés, ils ont une regrettable tendance à se vider de leur sens et, comme essoufflés
par un usage débridé, finissent pas ne plus être porteurs de la moindre signification. Celui
354
de « populisme » est sur la bonne voie pour connaître ce funeste sort. »
En effet, comme le rappelle Pierre-André Taguieff, « qu'un substantif existe n'implique
355
pourtant pas l'existence d'une substance correspondante. »
Cependant, même si le
concept est mal utilisé dans ses usages courants, à ses yeux « le populisme existe
indépendamment des manipulations dont il fait l'objet et il existe autrement qu'elles ne le
356
présentent dans un discours de dénonciation » , thèse que ne partage absolument pas
Annie Collovald, pour qui « le « populisme » n'est (...) qu'un mot dont la définition est
dépourvue de toute signification sociologique. Il a tout d'une réalité « de papier » faite par et
pour des intellectuels politiques et pour la lutte politique, et celle d'un objet construit par et
357
pour l'analyse d'un phénomène concret pensé contre ses « façades » les plus officielles. »
Voyant dans le concept « populisme » « une notion qui n'a aucun sens sociologique », qui
« échappe à tous les acquis de la sociologie politique (en les ignorant le plus souvent) » et
« ne renvoie à aucune pratique ou réalité politique concrète », bref « une pure abstraction
pour intellectuels politiques affectionnant les « universaux » dépouillés de tout référent
concret », « un mot sans substance véritable autre que les usages qu'ils [les savants et
358
commentateurs politiques] en font » , elle s'attache surtout à en déceler l'utilité supposée
pour ses utilisateurs et ses promoteurs.
Tout d'abord, le concept « populisme » est censé permettre de « rassembler
collectivement les historiens du « contemporain » autour d'un « mot totem » permettant
de changer la labellisation d'une des droites sans pour autant bouleverser l'ensemble
359
de leur ordonnancement ni renoncer à l'activité de classification » , d'offrir « le
350
351
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354
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357
358
359
60
Benoît Schneckenburger, 2012, p.9
Benoît Schneckenburger, 2012, p.11
Benoît Schneckenburger, 2012, p.38
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.10
Henri Deleersnijder, 2009, p.118
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.288
Pierre-André Taguieff, 2007-2, pp.247-248
Annie Collovald, 2004, p.50
Annie Collovald, 2004, pp.46-47
Annie Collovald, 2004, p.32
IIème partie : Les réactions négatives
360
moyen de réconcilier tous les intellectuels politiques inconciliables. » Notion purement
intellectualiste, le concept « populisme » aurait « d'enrôlements en enrôlements » conquis
« son évidence auprès de différents savants, évidence renforcée par leurs usages collectifs
361
de la notion et par son succès élargi auprès des autres commentateurs politiques. »
Offrant à peu de frais un véritable confort intellectuel aux examinateurs de la scène
politique, il aurait ainsi pour objectif non de décrire un objet politique mais de fournir une
étiquette sans contenu à des objets différents dont les similarités sont trop marginales pour
établir rigoureusement une catégorie qui leur soit commune. D'une manière plus large,
le populisme « n'est pas une qualification scientifiquement fondée. Il est une réponse
362
apaisante et moralement sécurisante aux inquiétudes des élites dirigeantes. »
Ainsi,
l'emploi que fait Collovald du concept « populisme » correspond à un paradigme identifié
par Orianne Ledroit : « le mot n’existerait pas en tant que tel et ses contours seraient
difficilement saisissables hors de tout contexte. Les emplois qu’en font les politiques ainsi
que les commentateurs (journalistes ou autres spécialistes) donneraient la substance au
363
terme lui-même. » En d'autres termes : en parlant de « populisme », on n'identifierait pas
une notion existante mais on donnerait corps à un concept sans existence.
Ensuite, le concept « populisme » servirait en France spécifiquement à la description
du Front National et banaliserait celui-ci sur la scène politique : « Dépossédée de ses
localisations intellectuelles et politiques, la notion de « populisme » fait perdre alors de vue
que lorsqu'on parle de « populisme », on parle aussi du FN. Or, le moins que l'on puisse dire
c'est qu'une telle formulation abstraite du « populisme » pose beaucoup plus de problèmes
qu'elle n'en résout pour saisir la réalité frontiste. (...) Elle « désidéologise » le populisme
au moment même où le FN connaît une forte radicalisation idéologique (...). Elle se
substitue au label d'extrême-droite au moment où (...) le FN rassemble tous les mouvements
d'extrême-droite en France (...). Elle dirige l'attention vers les groupes populaires alors que
s'intensifient les stratégies en direction des élites politiques et intellectuelles (...). Elle insiste
sur la démagogie (...) alors que s'amplifie un travail d'implantation systématique dans des
catégories socioprofessionnelles ciblées (...). Non seulement le « populisme » efface les
pratiques et les stratégies politiques que le FN adopte, mais il offre à celui-ci une identité
bien plus respectable dans le discrédit que le label de fascisme ou d'extrême droite qui le
364
qualifiait précédemment. »
En premier lieu, l'usage pour qualifier ce parti du concept « populisme » « propose
une nouvelle classification du FN, bien plus floue et bien moins stigmatisante que les
365
précédentes labellisations de fascisme ou d'extrême-droite auxquelles elle se substitue » ,
ce qui « tempère l'intolérable et modifie les critères rendant inacceptable en démocratie
366
un mouvement politique. » L'utilisation même du concept « populisme » servirait ainsi
à « dédiaboliser » voire « légitimer » le Front National sans qu'il ai changé le moins du
monde : « le « populisme » conduit ainsi les savants qui en font usage à participer, qu'ils
le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non, à la production de la légitimité politique du
360
361
362
363
364
365
366
Annie Collovald, 2004, p.73
Annie Collovald, 2004, p.46
Annie Collovald, 2004, p.74
Orianne Ledroit, 2006-2007, p.42
Annie Collovald, 2004, pp.112-113
Annie Collovald, 2004, p.10
Annie Collovald, 2004, p.52
61
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
FN en reconstruisant son illégitimité : à la différence du « fascisme » et du « poujadisme »
auxquels il succède, le « populisme » est une injure polie qui continue à discréditer, mais
367
dans les formes de la convenance savante. » Cette dimension de l'emploi du concept
« populisme » pour caractériser le Front National aurait d'ailleurs été remarquée de celuici : « Les dirigeants frontistes comprennent, en outre, d'autant mieux l'intérêt qu'ils ont de se
reclasser politiquement (et de perdre l'image radicalisée de leur passé groupusculaire) que
ce reclassement a d'abord été un enjeu de lutte interne sur la meilleure façon de diffuser
leur cause et de la faire aboutir : en restant entre eux ou en s'essayant à la voie électorale.
Tout comme ils ont pu reprendre à leur compte, grâce à leurs compétences intellectuelles
et politiques, des analyses scientifiques (par exemple la démographie de l'immigration), ils
ont su trouver, dans le « national-populisme » et le « populisme », une ressource identitaire
et l'assumer, à un moment où ils entendaient interdire, par le recours au droit, l'emploi de
l'étiquette d'extrême droite ou de droite extrême, pour imposer celle de « vraie droite »
368
qu'ils réclamaient contre la droite classique. » Au final, « les spécialistes du populisme
qui croyaient les injurier et les condamner en les taxant de « populistes » ont offert aux
369
dirigeants frontistes des sources inestimables de légitimation. »
En second lieu, le concept « populisme » appliqué spécifiquement au Front National
ne serait pas un outil performant car il imposerait « une conception des raisons du
succès frontiste fondées uniquement sur ses propres performances électorales. » Les
spécialistes « s'enferment dans un raisonnement circulaire qui explique le FN par le FN
lui-même et imputent à sa propre « force intérieure » sa force politique (...). En quelque
sorte, les spécialistes du « populisme du FN » s'enferment dans leur propre définition
du « populisme » puisque celle-ci devient la seule explication de ce qu'ils se proposent
370
justement d'expliquer. » Ainsi, « le « populisme » du FN est une erreur scientifique ;
à la manière des prénotions du sens commun, elle fait écran non seulement à ce qui
anime les mobilisations électorales et politiques des groupes populaires mais également à
371
ce qui constitue l'énigme politique du FN. » Parler de « populisme » au sujet du Front
National serait ainsi se tromper d'objet et ce serait commettre une erreur d'interprétation de
la réalité de ce parti politique que de le qualifier ainsi car cela lui prêterait « un caractère
372
populaire. » Sur ce point précis, Alexandre Dorna rejoint Annie Collovald en estimant que
373
« le développement du lepénisme n'est pas un simple phénomène populiste » et que
« le masque populiste du FN dissimule assez efficacement son véritable visage idéologique
et politique. D'autant mieux que ses adversaires politiques cultivent l'utilisation du terme
374
populisme sans lui donner une définition précise. » Parler de « national-populisme » ou de
« populisme » pour qualifier le Front National serait recourir à « la manière la plus commode
375
d'identifier le FN, faute d'une autre plus précise" » , une solution de facilité plus qu'une
367
368
369
370
371
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374
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62
Annie Collovald, 2004, p.53
Annie Collovald, 2004, p.208
Annie Collovald, 2004, p.209
Annie Collovald, 2004, p.50
Annie Collovald, 2004, p.16
Annie Collovald, 2005, p.2
Alexandre Dorna, 1999, p.83
Alexandre Dorna, 1999, p.83
Alexandre Dorna, 1999, p.89
IIème partie : Les réactions négatives
désignation rigoureuse.Dire du Front National qu'il est « populiste », ce serait commettre la
double erreur de dissimuler sa vraie nature et de ne pas parvenir à en rendre compte au
travers de l'emploi de ce nouveau vocabulaire.
De plus, utiliser ainsi ce qualificatif dérivé du mot « peuple » permettrait de dénigrer ce
dernier. « En désignant maintenant le FN, le mot s'est complètement retourné, qui projette
désormais les traits « vulgaires » et « dégradants » prêtés avant aux leaders « populistes »
376
sur les groupes populaires supposés les suivre aveuglément. » « La désignation rend
licites des verdicts d'une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leurs
377
voix à ce parti. Le « populisme du FN » (...) ouvre un sur un blâme du « peuple" » et
autoriserait une « dévaluation des groupes populaires » qui permettrait aux « intellectuels
politiques auxquels appartiennent les savants mobilisés dans l'interprétation du FN », au
nom de « l'expertise » devenue « une vertu scientifique et démocratique », de délégitimer
« tous ceux pour qui le « peuple » est une cause à défendre » au profit de « ceux pour qui
378
le « peuple » est un problème à résoudre. » Le « brouillage idéologique » du concept
« populisme » ferait perdre au peuple « les raisons politiques de son action, sa dignité et
379
la dignité des causes qu'il défendait. »
Enfin, la qualification « populiste »/« populisme », trop étroitement liée au concept
« populisme » pour l'en distinguer tout à fait, se réduirait à une injure politique,
faisant de ce qui est censé être une catégorie politique neutre et descriptive un terme
polémique : « alors qu'il prétend être une catégorie d'analyse, le « populisme » est pourtant
380
également une injure politique. » De même, pour Deleersnijder, l'usage de la qualification
« populiste »/« populisme » contient « une intention polémique affirmée : mettre au pilori
381
un adversaire et disqualifier sans appel son discours » et le concept « populisme » serait
382
« un concept suremployé et stigmatisant » .
Tout ce développement permet à Annie Collovald de nier la pertinence du concept
« populisme » en le désignant dans les titres des chapitres de son ouvrage Le « populisme
383
du FN », un dangereux contresens (2004) comme « juste un mot et non un mot juste » ,
384
« un lieu commun repoussoir » et, non sans un certain humour « une notion à écran
385
total »
Précisons qu'une partie du diagnostic de Collovald sur le rôle de la qualification
« populiste »/« populisme » vis-à-vis du Front National est partagée par Taguieff, qui
précise qu'avant que le « national-populisme » ne s'impose dans la littérature savante,
« être antiraciste, c'était être antilepéniste », autrement dit que « le « racisme populaire »
était en quelque sorte monopolisé, exprimé et exploité politiquement par un seul parti,
376
377
378
379
380
381
382
383
384
385
Annie Collovald, 2004, p.108
Annie Collovald, 2004, p.10
Annie Collovald, 2004, pp.17-18
Annie Collovald, 2004, p.90
Annie Collovald, 2004, p.9
Henri Deleersnijder, 2009, p.118
Henri Deleersnijder, 2006, p.108
Annie Collovald, 2004, p.46
Annie Collovald, 2004, p.71
Annie Collovald, 2004, p.80
63
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
le Front National, le type même du parti d'extrême-droite. » Mais « les choses se sont
compliquées lorsque la caractérisation de son leader comme « populiste » s'est diffusée
comme une nouvelle évidence dans l'espace médiatique. » A partir de ce moment, pour être
386
« antilepéniste » il fallait être « antipopuliste. » A ceci près que si pour Annie Collovald
la qualification comme « raciste » (ou « fasciste ») du Front National rend compte de la
réalité politique de ce parti, telle n'est pas l'appréciation de Pierre-André Taguieff, pour
lequel au contraire ces désignations antérieures posaient plus de problèmes encore que
la qualification « populiste »/« populisme », quand bien même celle-ci serait dévoyée par
ses usages courants. Maurice Agulhon établit le même parallèle entre les désignations
« populiste » et « fasciste », soulignant que « «populisme» est la façon dont la mode de notre
siècle finissant désigne l'objet historique que la mode du milieu du siècle aurait qualifié de
387
« fasciste ». » Le mot « populisme » aurait remplacé dans le commentaire politique le mot
« fascisme » employé par la génération précédente et jugé désormais non-pertinent, pour
388
« désigner la famille des démagogues dangereux » . Autre convergence entre Collovald
et Taguieff : le constat que le recours à la qualification « populiste »/« populisme » sert
également à s'en prendre au peuple, entendu comme les « classes populaires ». Il estime
même que « les classes populaires ont été poussées vers le Front National, puis accusées
389
d'être tendanciellement lepénistes » .
Certaines des caractérisations du concept « populisme » avancées notamment par
Annie Collovald dans la perspective de la dénonciation d'une notion vide ont été néanmoins
intégrées aux utilisations non savantes sur le sujet. Ainsi, dans une tribune en ligne publiée
sur le site du Monde, Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel, parle d'un mot
« piégé » qui « brasse des représentations négatives » et relève « pour une large part d'un
jugement politico-moral disqualifiant qui s'est développé à mesure de la prospérité ou de
390
l'enracinement du Front national dans l'espace politique français. »
Finalement, le concept « populisme » serait une dérive d'une caractérisation d'un parti
politique précis (le Front National), qui serait peu performante car elle se substituerait sans
la remplacer fidèlement à sa caractérisation antérieure (son caractère supposé « fasciste »
ou « poujadiste » d'extrême-droite) et lui confèrerait un blanc-seing démocratique injustifié,
en une notion générale vide de sens car décontextualisée et qui se révèle à l'usage
un dénigrement du peuple (compris comme les « catégories populaires ») et une injure
politique.
Cette thèse est reprise et soutenue par Jean-Luc Mélenchon. « Au début, on a
commencé par euphémiser ; on ne voulait pas dire « fasciste » pour monsieur Le Pen
parce que les gens de droite trouvaient que « extrême-droite », ça sonnait mal, donc on
a commencé à dire « populiste » sans se soucier trop de savoir ce que ça voulait dire.
391
Et ensuite, c'est devenu le mot qui tue. » expliquait-il à l'émission Ce soir ou jamais le
386
387
388
389
390
Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.13
Maurice Agulhon, 1997, p.225
Maurice Agulhon, 1997, p.225
Pierre-André Taguieff, 2012-1, p.12
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur
du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
391
Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste-
melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012
64
IIème partie : Les réactions négatives
quatorze octobre 2010. Puis le dix-huit dans un discours au théâtre Dejazet : « Quand ils
ont arrêté d'appeler Le Pen « fasciste », ils l'ont appelé « populiste », parce que c'était
une manière de dire que le peuple était toujours dangereux parce qu'il ne pouvait vouloir
392
qu'un énergumène comme celui-là. »
Et le seize mars 2011 à Toulouse : « On dit
« populisme » et on met dans le même sac tout le monde, parce que ça permet de faire
deux choses : premièrement ça brouille les repères, deuxièmement ça permet une fois de
393
plus d'insulter le peuple » , expliquant le premier mai 2011 dans l'émission Dimanche Soir
politique sur i>Télé que « les belles personnes mettent dans la barque populiste tout ce
qu'ils espèrent en quelque sorte stigmatiser », que « le mot « populiste » sert à stigmatiser
394
tous ceux qui ne sont pas d'accord avec les belles personnes. » De la même manière, il
dénonçait le vingt-sept janvier 2012 à l'occasion du forum Libération-Marianne de Grenoble
« un mot fourre-tout qui a permit à un certain nombre de gens d'enlever la dimension fasciste
du contenu du Front National pour le rebaptiser en populiste et donc diluer la signification
politique du Front National, et éventuellement mettre dans le même sac des gens comme
395
moi », ajoutant : « Ça ne sert qu'à ça, un mot comme celui-là ! » , manière d'insister
sur la délégitimation du concept « populisme » en le réduisant à un mot utilisé dans une
perspective purement tacticienne, et notamment comme injure politique disqualifiante. « On
jette ça à la figure uniquement pour dire : « écoutez, vous êtes rien, alors dégagez, circulez,
396
parce que vous parlez pas comme nous" » , expose-t-il à l'émission Ce soir ou jamais
le quatorze novembre 2010, avant d'établir lors de son discours au théâtre Dejazet quatre
jours plus tard un parallèle avec une autre injure disqualifiante, subie celle-là pendant la
campagne pour le « non » au referendum sur le TECE : « Quand nous parlons, aussitôt les
voilà aussitôt qui crient : « populisme ! » On a tout entendu. Quand on faisait campagne en
2005, c'était : « xénophobes !" »
De même, pour Benoît Schneckenburger, le concept « populisme », « usé
spécifiquement pour qualifier le Front National pendant les années 1980 (« national397
populisme ») sans employer les qualificatifs « fasciste » et « néo-fasciste" » , le
398
« réhabilite » en faisant précisément « oublier son origine néofasciste » , ce qui « dans
le champ médiatique », « a permis de faire peu à peu oublier la lignée historique de
399
cette extrême droite. » Au passage, « le populisme devient de manière ambivalente une
400
401
catégorie d'analyse et un terme de dénigrement » , un « anathème » .
392
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012
393
Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting-
a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012
394
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon sur I>Télé dans l'émission "Dimanche soir Politique" le 01/05/2011 », mise en
ligne le 02/05/2011, http://www.dailymotion.com/video/xiig82_jean-luc-melenchon-sur-i-tele-dans-l-emission-dimanche-soir-politiquele-01-05-2011_news, consultée le 20/06/2012
395
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news, consultée le 23/06/2012
396
Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste-
melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012
397
398
Benoît Schneckenburger, 2012, p.8
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
399
Benoît Schneckenburger, 2012, p.12
65
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
A la thèse d'Annie Collovald sur le rôle de la qualification « populiste »/« populisme »
du Front National permise par le concept « populisme », le co-président du Parti de Gauche
ajoute la dénonciation de l'amalgame de son courant ou de sa personne avec le Front
National ou Marine Le Pen. Là encore, la littérature savante a abondamment abordé cette
dimension.
Pour Serge Halimi, l'amalgame créé par la qualification « populiste »/« populisme »
a une véritable « fonction idéologique » : « dissimuler les vrais rapports de pouvoir en
fabriquant une catégorie qui fait diversion, substituer l'étude d'analogies de style à l'analyse
402
des clientèles sociales et des programmes » . Les usages de « populisme » en font
« un opérateur d'amalgame permettant de stigmatiser, en les rassemblant abusivement,
un certain nombre de phénomènes sociopolitiques ou de leaders jugés détestables ou
403
redoutables par celui qui les dénonce » , explique Pierre-André Taguieff, tandis que JeanFrançois kahn dénonce ceux qui « ont fait le jeu de Jean-Marie Le Pen » en employant
« systématiquement le mot « populiste » pour faire taire ceux qui dérangent », car si oser
dire « écoutez, il y a des gens trop riches, des gens trop pauvres » est « populiste », « si
tout le monde est populiste » (citant à la suite « Le Pen », « Bayrou », « Ségolène Royal »,
« Mélenchon » et « Sarkozy », soit les quatre sujets de la présente étude ainsi que l'ancienne
candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007), alors « les gens [se] disent : « il n'y a
pas de différence, c'est la même chose, qu'est-ce qu'on nous emmerde avec « ce monsieur
n'est pas gentil, il est méchant, etc », de toutes façons vous dites que tout le monde est
404
populiste ! » Donc on peut voter pour l'un, pour l'autre, ça n'a aucune importance" » . Outre
sa dimension première, c'est-à-dire l'association abusive visant à discréditer, l'amalgame
aurait ainsi également pour conséquence de faire perdre de vue les contenus politiques
présentés et de banaliser le Front National sur la scène politique nationale.
Le 24 octobre 2010 à l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé, le candidat du
Front de Gauche aborde la question de l'amalgame entre lui-même et le Front National
sur le mode de l'utilité supposée qu'y verraient ses utilisateurs : « à quoi ça sert de tout
brouiller, de dire : « tout ça c'est du pareil au même » ? Je sais à quoi ça sert : à nous
traiter de « populistes » et a donc rappeler que la seule classe dangereuse du pays, c'est le
405
peuple. » Là, l'amalgame serait un préalable à la qualification « populiste »/« populisme »
et une condition de celle-ci, dans le but de dénigrer le « peuple », ce qui est dans son optique
l'un des rôles du concept « populisme ». Par la suite, il inverse la perspective, et l'amalgame,
de condition rendant possible la qualification « populiste »/« populisme », devient une
conséquence de l'usage du concept « populisme », qualifié d'« abjecte diversion qui efface
406
les frontières entre le Front de gauche et le Front national » , qui, selon Clémentine
Autain, serait « un mot qui vise à mettre dans le même sac des projets qui n'ont rien à voir,
400
401
402
403
404
Benoît Schneckenburger, 2012, p.8
Benoît Schneckenburger, 2012, p.13
Serge Halimi, 1998, p.115
Pierre-André Taguieff, 2007-1, pp.17-18
« Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-
grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012
405
Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012
406
« Mélenchon lance sa campagne et vise DSK », par Sophie de Ravinel, mise en ligne le 24/01/2011, http://www.lefigaro.fr/
politique/2011/01/23/01002-20110123ARTFIG00235-melenchon-lance-sa-campagne-et-vise-dsk.php, consultée le 27/06/2012
66
IIème partie : Les réactions négatives
407
diamétralement opposés, en l'occurrence le Front national et le Front de gauche » . De la
même manière, Jean-Luc Mélenchon reproche le douze décembre 2010 lors de l'émission
Soir 3 Politique à son interlocuteur de parler de « populisme » s'agissant du Front National
et de Marine Le Pen, demandant : « Pourquoi ne dites pas « fascisme » ? Vous ne savez
pas que le Front National, c'est un système fasciste ? Vous n'avez pas lu leurs textes ? Non,
vous dites « populiste » parce que l'instant d'après ça vous permet de dire que moi aussi
je suis un populiste, et comme ça vous avez organisé votre petit paysage avec les deux
408
partis centraux et les deux extrêmes. » Au-delà de l'injure disqualifiante et de l'amalgame
avec le Front National, ce qui est reproché à la qualification « populiste »/« populisme »,
c'est donc de n'être qu'un moyen d'établir artificiellement une barrière d'espèces médiatique
entre « cercle de la raison » (pour reprendre la célèbre expression d'Alain Minc) et « cercle
du populisme » dans la scène politique française. Le concept « populisme » serait ainsi
« une facilité » permettant de « mettre dans le même sac le bourreau et sa victime, c'està-dire l'extrême-droite » et la gauche que représente Jean-Luc Mélenchon lui-même, « un
409
camp qui a toujours été persécuté par l'extrême-droite » , ainsi qu'il l'explique à l'émission
Question d'infos sur LCP le 1er février 2012. Le recours au concept « populisme » serait
410
donc « une honte » pour « des intellectuels aussi raffinés que ceux qui [l]'ont pris à partie » .
Le concept « populisme », devenu un « concept tellement fourre-tout que ça ne veut plus
rien dire » à force de permettre de mettre « dans le même sac quelqu'un qu'on accuse cinq
minutes avant d'être un crypto-communiste » et « quelqu'un dont on dit que c'est l'extrêmedroite fascisante » serait vide de sens, ce que « tout le monde » aurait « compris », à
411
part « quelques personnes qui font de la propagande de basses œuvres » . Si l'utilisation
même du concept « populisme » est donc « une honte » pour les « intellectuels », JeanLuc Mélenchon se déclare en revanche « heureux » le 17 février dans l'émission Objectif
Élysée de voir « le nombre d'intellectuels qui disent : « c'est bon, arrêtez avec [le concept
412
« populisme »], ça n'aide pas à penser !" » Une fois encore, on voit à l'œuvre dans la
démarche de Jean-Luc Mélenchon de délégitimation du concept « populisme » et donc de
la qualification « populiste »/« populisme » l'utilisation d'une légitimation intellectuelle.
Benoît Shneckenburger apporte à la campagne du candidat du Front de Gauche sa
contribution théorique en réponse au concept « populisme », dont le rôle serait « moins
413
de décrire un phénomène réel que de produire un effet d'amalgame » , en rapprochant
« deux projets politiques que tout oppose : le post-fascisme du Front National et la révolution
407
« Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http://
www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html, consultée le 27/06/2012
408
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon à Soir 3 Politique le 12/12/2010 », mise en ligne le 12/12/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xg3l8i_jean-luc-melenchon-a-soir-3-politique-le-12-12-2010_news, consultée le 17/06/2012
409
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012
410
Vidéo : « J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news, consultée le 24/06/2012
411
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/xoudkk_j-
l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012
412
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le 24/06/2012
413
Benoît Schneckenburger, 2012, p.13
67
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
414
citoyenne du Front de Gauche. »
Car l'un des effets de l'amalgame produit par le
concept « populisme » serait de rendre le Front National acceptable en le transformant
« pour être aussi populiste que le « non » au traité constitutionnel européen, ou le Chirac
415
de la fracture sociale. » L'amalgame ne serait donc pas qu'une erreur d'appréciation
associant abusivement des objets pourtant parfaitement distincts mais occuperait bel et
bien la fonction consciente ou inconsciente d'habiliter la présence du Front National sur
la scène politique française (présence dont, selon Jean-Luc Mélenchon, la légitimité est
tout sauf évidente). Il occuperait également une fonction d'injure à l'endroit des qualifiés,
pris individuellement ou collectivement associés dans la catégorie « populistes » : « tous
finissent par être qualifiés de populistes, le terme se faisant insulte : Tapie et Le Pen,
Berlusconi et Chirac, Mélenchon et le Guide Michelin jusqu’au couple Merkozy dans une
416
tribune récente d’Yves Charles Zarka. » . « Dans cette confusion, tout et tous y passent.
417
Même ceux que l'on attend le moins » , précise-t-il encore.
Pour Alain Bergounioux, l'amalgame produit par l'emploi du terme « populisme »
empêche l'émergence de classifications plus pertinentes pour désigner les phénomènes
ainsi regroupés collectivement. Il s'attarde sur le cas du parallèle entre Jean-Marie
Le Pen et Bernard Tapie établi pendant les années 1990 à l'aide de la qualification
« populiste »/« populisme » : « Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie ont tous deux été
qualifiés de populistes, alors que tous deux proclament leur opposition politique radicale,
que le premier cultive le nationalisme et la xénophobie, et que le second se dit européen
et antiraciste. La personnalisation et la force médiatique n'empêchent pas qu'il s'agisse
pour Le Pen et le Front national, pour Bernard Tapie et le Parti radical, de deux réalités
politiques contradictoires. Si évidemment, on veut dire simplement que tous les deux
sont des démagogues, pourquoi avancer la notion de populisme, qui, en plus, n'est
pas comprise par l'opinion. Il vaut sans doute beaucoup mieux revenir à des définitions
qui cernent de plus près les appartenances et les traditions auxquelles se rattachent le
« lepénisme » et le « tapisme », l'extrémisme de droite pour le premier, la démagogie pour
418
le second. Le citoyen s'y retrouverait mieux. » Pour Patrick Charaudeau, c'est « l'usage
courant » (comprendre : « non savant ») de la qualification « populiste »/« populisme » qui a
fait perdre « de sa spécificité » au concept « populisme » : « il est souvent employé comme
un équivalent de démagogique, de poujadiste, parfois de raciste ou même de fasciste –
419
amalgames qui ne peuvent apporter de grande lumière sur son sens. » De même Yves
Mény et Yves Surel s'interrogent sur la pertinence du changement d'étiquette des partis
d'extrême-droite européens auparavant identifiés « au fascisme ou au nazisme remis au
goût du jour » et désormais désignés comme « populistes » : « pourquoi (...) ne pas appeler
les choses par leur nom et donner à ces partis ou mouvements la seule qualification qu'ils
420
méritent ? » Nonobstant toutes les réserves qui peuvent être formulées par la littérature
414
415
Benoît Schneckenburger, 2012, p.25
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
416
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
417
418
419
420
68
Benoît Schneckenburger, 2012, p.26
Alain Bergounioux, 1997, p.229
Patrick Charaudeau, 2011, p.101
Yves Mény et Yves Surel, 2000, p.10
IIème partie : Les réactions négatives
savante sur la pertinence ou non de ces qualifications antérieures, ce diagnostic sur le
caractère inapproprié du terme par rapport à d'autres va au-delà de la critique opérée
par Annie Collovald et reprise par Jean-Luc Mélenchon : on n'aurait non pas affaire à
un changement d'étiquette d'un mouvement politique précis qui serait malvenu car il ne
permettrait plus de rendre compte de sa réalité mais à une substitution d'un terme imprécis
et impropre à toute une série de qualifications politiquement appropriées : « fascisme »,
« racisme », « poujadisme », « extrême-droite », « démagogie », etc, et cette substitution
concernerait aussi bien les usages non savants que les études savantes du concept
« populisme ».
Benoît Shneckenburger dénonce la caractérisation a minima du populisme opérée
dans la littérature savante et qui rejoint ses usages non savants : si « le populisme »
n'est « qu'une affaire de personnalité, de leader », alors il n'est qu'« une forme de
démagogie ». Et d'ajouter : « le mot existe, il est clair et bien établi. Pourquoi alors
421
le remplacer ? »
L'inadéquation supposée du concept « populisme » comme de la
qualification « populiste »/« populisme » pour rendre compte des réalités politiques ainsi
désignées proviendrait de ce qu'il « souffre d'un usage variable. » Concept qui « se veut
(...) scientifique et rigoureux », il « agit immédiatement au sein d'un monde politique où les
frontières entre acteurs, commentateurs et analystes sont troubles. Techniquement, on dira
422
qu'il oscille entre un usage descriptif et un prescriptif. »
Finalement, on a pu observer de la part de Jean-Luc Mélenchon une structuration
rapide de l'argumentaire de délégitimation du concept « populisme », laquelle sert de
manière explicite à « désamorcer » la qualification « populiste »/« populisme » en avançant
implicitement ou explicitement son supposé caractère purement tacticien. Survenu très tôt,
dès la première « vague » des utilisations de la qualification à son endroit durant l'automne
2010, l'argumentaire déployé repose implicitement essentiellement sur la critique apportée
au concept « populisme » par Annie Collovald. S'appuyant explicitement sur la littérature
savante (notamment le Que sais-je ? consacré au populisme écrit par Alexandre Dorna)
ainsi que sur les éléments argumentaires conçus par Benoît Shneckenburger (dont le
statut à mi-chemin de la démarche savante et du militantisme politique est particulièrement
ambigu), qui reprennent en les fondant sur une analyse approfondie les éléments utilisés par
le candidat du Front de Gauche sur toute la période, Jean-Luc Mélenchon entend apporter à
sa démarche la légitimation théorique qu'il conteste précisément au concept « populisme »
et partant à la qualification « populiste »/« populisme » (laquelle, privée de socle savant, est
censée relever au mieux de la facilité au pis de la malhonnêteté).
Cet argumentaire peut se résumer en quelques points récurrents :
le concept « populisme » n'a aucun sens car personne ne sait le définir
d'ailleurs la littérature savante récuse ses emplois journalistiques
il désigne des expériences et mouvements politiques qui n'ont rien à voir entre eux
en particulier, il sert à retirer au Front National son étiquette infamante « fasciste »
ce faisant il permet d'injurier le peuple en prétendant qu'il serait intrinsèquement bas
et vil
de plus il permet à bon compte de discréditer les mouvements qui dérangent en les
amalgamant au Front National
421
422
Benoît Schneckenburger, 2012, p.23
Benoît Schneckenburger, 2012, p.23
69
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
ce qui permet aux commentateurs de s'abstenir de se pencher sur les contenus
politiques proposés et de se contenter de comparaisons en termes de communication
donc la qualification « populiste »/« populisme » ne veut rien dire et ceux qui l'utilisent
l'emploient par facilité sans se poser de questions
Suivant les situations, tous les points de l'argumentaire ne sont pas nécessairement
évoqués, mais on retrouve quasi systématiquement le premier et le dernier points, pas
toujours du reste utilisés dans cet ordre. A partir d'octobre 2010, moment des premières
émissions spécialement consacrées au « populisme de Mélenchon », l'argumentaire est
parfaitement rodé et on trouve fort peu d'incohérences ni même de différences entre les
différentes évocations, quel que soit le cadre. Néanmoins, lorsqu'il est utilisé en réponse
à un interlocuteur qui questionne Jean-Luc Mélenchon sur l'emploi le concernant de
la qualification « populiste »/« populisme », l'évocation du rôle spécifique supposé du
concept « populisme » pour désigner de manière moins disqualifiante que « fasciste » le
Front National n'est généralement pas présente. En revanche, si l'interlocuteur établit luimême le parallèle avec le Front National sans parler de « populisme », la qualification
« populiste »/« populisme » est avancée à son initiative par Jean-Luc Mélenchon, sur le
mode de la dénonciation d'une manœuvre tacticienne retorse.
Section 2 : La contre-attaque
423
« Le recours aux mots dans l'espace politique est une arme subtile et à double tranchant. »
Sont dites « de contre-attaque » les réactions à la qualification de « populiste » qui rejettent
cette qualification en mettant en cause l'auteur de la qualification ou un adversaire politique.
Font partie des réactions « de contre-attaque » les réactions qui attribuent le caractère
« populiste » à la cible de la contre-attaque, les réactions qui prêtent aux auteurs de la
qualification de « populiste » des arrières-pensées inconscientes ou inavouables.
1. Le détournement de l'accusation sur un adversaire politique
Avec l'acceptation extrêmement large de la « contre-attaque » retenue, entrent
dans cette catégorie les méthodes rhétoriques visant à détourner la qualification
« populiste »/« populisme » subie en direction d'une autre cible. Si, ainsi que l'a mentionné
Orianne Ledroit dans son mémoire sur les usages stratégiques du mot « populiste »,
on a pu retrouver relativement fréquemment (rapporté au nombre d'occurrence de la
mobilisation du « populisme » par les candidats Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen) pendant
la campagne présidentielle de 2007, notamment chez Ségolène Royal et François Bayrou,
cette manœuvre consistant à répondre à l'accusation : « le populiste, ce n'est pas moi, c'est
l'autre ! », sur la période 2007-2012, les occurrences en ont été considérablement moins
nombreuses.
De manière assez surprenante, nous ne l'avons repérée que chez Jean-Luc
Mélenchon, et à une unique occasion, pendant l'émission Dimanche + du dix-neuf février
2012 quand, invité par Anne-Sophie Lapix à commenter la « campagne à droite » de Nicolas
Sarkozy, il soulignait : « on m'a beaucoup accusé de populisme, comme vous le savez, mais
à force de crier au loup, quand il y est, plus personne ne le voit », étayant son diagnostic
423
70
Alexandre Dorna, 1999, p.6
IIème partie : Les réactions négatives
sur le rôle qu'il attribue à Nicolas Sarkozy de « porte-parole » de l'« extrême-droitisation
424
de la droite » et au « discours du guide et du peuple » qu'il aurait tenu. Dans le même
registre, Benoît Schneckenburger souligne ce qui lui semble être une disparité de traitement
entre droite et gauche s'agissant de la qualification « populiste »/« populisme », affirmant
que « lorsque la droite se veut encore plus proche du peuple, elle n'est pas qualifiée de
425
populiste, mais veut s'arroger le terme de populaire » et que cette « démagogie » « n'est
426
évidemment pas qualifiée de populiste. »
Cette thèse d'une qualification « populiste »/« populisme » dont la visée tactique
concernerait avant tout la gauche est présente dans la littérature savante. Ainsi, pour Serge
Halimi, « il n'est pas innocent que, par le biais d'assimilations spécieuses, se développe,
au nom de la lutte contre le populisme, une campagne contre les meilleures traditions de la
427
gauche » , tandis que pour Claude Javeau, « la tradition des sciences politiques a coutume
de qualifier de « populistes » les partis ou mouvements qui se réclament d'un peuple aux
contours assez imprécis, mal inséré dans l'État de droit ou ce qui prétend en tenir lieu, mais
qui aurait la sagesse de ne pas prêter l'oreille aux sirènes du socialisme, sous les diverses
428
formes que celui-ci peut emprunter. »
Rigoureusement, s'agissant du détournement de la qualification stricto sensus, nous
devrions en rester là, car nous n'avons pas repéré sur la période d'autres mobilisations de
la qualification « populiste »/« populisme » dans ce registre par nos sujets. Néanmoins,
les deux derniers mois de la campagne présidentielle, et singulièrement le mois de mars
2012, ont vu de la part de Jean-Luc Mélenchon ce qui semble être une démarche non
recensée de réponse à la qualification « populiste »/« populisme », que nous pourrions
décrire comme le recours ironique à la qualification afin de souligner la reprise par d'autres
candidats de propositions, orientations, expressions et thèmes qui lui avaient valu d'être
ainsi qualifié. Après avoir hésité à créer dans la présente étude une catégorie spécifique
pour ces mobilisations de la notion par Jean-Luc Mélenchon, ne sachant s'il fallait les
classer parmi les réactions positives ou négatives, nous avons finalement pris le parti de
les disposer parmi les catégories existantes, en signalant à chaque fois que nécessaire leur
caractère atypique. Finalement, à l'exception d'une seule de ces mobilisations qui nous a
semblé relever formellement de la démarche d'assomption directe, toutes nous ont semblé
suffisamment proches de la démarche de détournement de l'accusation pour les intégrer
dans la présente sous-partie.
Ainsi le sept mars, lors de l'émission Expliquez-vous sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon
pointait du doigt le fait de s'être fait « traiter de « populiste » depuis un an parce [qu'il]
parlai[t] des oligarques » et « des riches », ce qui était considéré comme « un vocabulaire
429
insupportable », tandis que « maintenant, tout le monde y est » . De la même manière, il
soulignait lors de son discours à La Réunion du vingt-cinq que « les idées, les mots, ça prend
du temps pour faire son chemin », et notamment que quelques mois auparavant le mot
424
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Dimanche+" Canal+ », mise en ligne le 20/02/2012, http://www.dailymotion.com/video/xouxi8_j-
l-melenchon-dimanche-canal_news, consultée le 25/06/2012
425
426
427
428
429
Benoît Schneckenburger, 2012, p.54
Benoît Schneckenburger, 2012, p.55
Serge Halimi, 1998, p.116
Claude Javeau, préface à Henri Deleersnijder, 2006, p.9
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news, consultée le 25/06/2012
71
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
d'ordre « à bas les riches » était « "populiste », c'est entendu », tandis que « maintenant »
les commentateurs et les personnalités politiques « se sont tous aperçus qu'il y avait des
430
riches » . Plus précisément, lors de l'émission Spéciale élection présidentielle d'Europe 1
du douze, il avait visé Nicolas Sarkozy qui venait « de dire que l'on peut comme méthode de
conviction utiliser la désobéissance européenne », soit « la thèse » défendue par Jean-Luc
Mélenchon « il y a quelques mois », « raison pour laquelle » les journalistes le « regard[aient]
431
de haut et le trait[aient] de « populiste" » . Après la thèse de la désobéissance européenne
reprise par Nicolas Sarkozy, il exposait le vingt-sept à Lille que sa dénonciation de ceux qui,
« dès qu'ils commencent à empiler », « fuient et désertent à l'étranger pour ne pas payer
d'impôts » et qui avait valu « au début de la campagne » aux militants et sympathisants
du Front de Gauche d'avoir été traité « de « populistes" » serait désormais largement
432
partagée : « il semble qu'ils se soient tous rendus compte qu'il y avait un problème. »
Enfin, le dix-neuf avril, lors de son dernier discours de campagne à la Porte de Versailles
à Paris, il faisait observer à ses partisans « comment tout d'un coup celui-ci s'est dit : « oh
mais oui, la richesse est excessive, nous allons en prendre », et l'autre le lendemain qui
dit : « on va courir derrière ceux qui se sauveraient" », soulignant que « c'était populiste,
433
ça, il y a quelques mois » .
Cette stratégie discursive menée dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle
revient en fait à un raisonnement qu'on peut interpréter de deux manières différentes
comme une contre-attaque détournant l'accusation sur d'autres cibles : « si mes
propositions, expressions et dénonciations qui m'ont valu d'être qualifié de « populiste »
sont reprises par mes adversaires et par les journalistes, alors c'est que le populisme a fait
florès », manière de diluer l'accusation dans une contre-accusation collective normalisant
en quelque sorte le fait d'être populiste
comme
une
dénégation
du
sens
même
de
la
qualification
« populiste »/« populisme » : « si mes propositions, expressions et dénonciations qui sont
désormais reprises par mes adversaires politiques et par les journalistes sont qualifiées de
« populistes », alors c'est que cette qualification n'a aucun sens »
Sémantiquement, vue l'importance parmi les mobilisations de la notion par Jean-Luc
Mélenchon de la démarche de dénégation, il est probable que la seconde interprétation
corresponde plus à son intention. Cependant, d'un point de vue formel, c'est bel et bien à la
première que renvoie la construction syntaxique commune de ces mobilisations atypiques,
ce qui justifie leur classification dans cette catégorie.
Finalement, la contre-attaque « élémentaire » que constitue le détournement de
l'accusation de populisme envers une autre cible, soit adversaire politique qualifié ou non
ainsi, soit carrément l'énonciateur de l'accusation, n'a été que fort peu utilisée sur la période
étudiée. Au contraire, c'est sous une forme plus élaborée que s'est figée cette tactique
discursive : celle de l'accusation de mépris du peuple.
430
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news, consultée le 25/06/2012
431
Vidéo : « J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news, consultée le 25/06/2012
432
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpqrc9_jean-luc-melenchon-discours-de-lille_news, consultée le 25/06/2012
433
Vidéo : « J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012, http://www.dailymotion.com/
video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versailles-a-paris_news, consultée le 26/06/2012
72
IIème partie : Les réactions négatives
2. La contre-accusation de mépris du peuple
Sur la période étudiée, c'est Nicolas Sarkozy qui, dès le neuf décembre 2009, a le premier
entrepris d'accuser ceux pour qui « la référence au peuple, c'est déjà (…) le commencement
du populisme » d'entretenir « une forme de mépris » « du peuple », un « mépris » consistant
à devenir « sourd aux cris du peuple, indifférent à ses difficultés, à ses sentiments, à ses
aspirations », à ne pas prendre « en compte la souffrance des électeurs » et qui nourrirait
434
le (vrai) « populisme », contribuant au « succès des extrêmes » . Dans cette première
version de la contre-accusation de mépris du peuple, le mépris qui serait manifesté par ceux
qui portent l'accusation de « populisme » ne remet pas en cause la validité de la qualification
« populiste »/« populisme ». Autrement dit : ce serait moins l'usage de la qualification que
son mésusage pour désigner ce qui ne ressortirait pas du populisme mais du simple respect
du peuple qui serait une manifestation de mépris envers le peuple.
En revanche, pendant la campagne électorale de 2012, le même change son angle de
contre-attaque en mettant en cause non pas de supposés mésusages de la qualification
mais son usage même, qui serait révélateur d'un mépris manifesté au peuple. Ainsi, le
seize février 2012 à Annecy, il dénonce « ceux qui se sont toujours méfiés du peuple, qui
souvent ne se sont jamais présentés à une élection, considérant d'ailleurs que l'élection
n'était pas l'endroit de la démocratie », pour qui « se soucier de ce que pense le peuple, de
435
ce que ressent le peuple, c'est se vautrer dans ce qu'ils appellent le « populisme ». » La
qualification « populiste »/« populisme » ne fait alors plus partie d'un univers sémantique
commun au candidat comme à ceux qu'il dénonce, mais est attribué exclusivement à ces
derniers par le premier, qui ne lui reconnaît plus de validité. Le dix-neuf à Marseille, il
vise encore « ceux qui pensent que se tourner vers le peuple c’est du populisme » : « au
fond d’eux-mêmes ils trouvent sans doute que le peuple n’est pas assez raisonnable,
que le peuple n’est pas assez intelligent et que mieux vaut ne pas demander son avis
436
au peuple » , tandis que le vingt-huit mars à Élancourt, ceux qui l'ont désigné comme
« populiste ! » sont identifiés comme « une petite minorité parmi nos élites qui considèrent
qu'il n'est jamais bon de (...) demander [leur] avis » aux citoyens, « qui préfèrent décider
437
dans leur coin, ensemble. » Enfin, le deux avril à Nancy, il fustige conjointement les
accusations de « populisme » et d'« extrême-droite » à propos de sa proposition de
recourir au referendum pour faire adopter une proposition en cas de blocage institutionnel
ou semi-institutionnel à l'aide d'une anaphore sur six phrases associant dénégation du
caractère d'« extrême-droite » de sa proposition, validité historique et idéologique (l'UMP se
présentant comme héritière du gaullisme) d'icelle et accusation de défiance et de mépris du
peuple à l'encontre des accusateurs : « Comme si l'extrême-droite avait jamais porté dans
son cursus idéologique le referendum. Comme si le referendum n'avait pas été la base de
434
«
Le
Monde.fr
:
Pour
le
chef
de
l'Etat,
«
l'identité
nationale
est
un
antidote
au
communautarisme
» », par Nicolas Sarkozy, mise en ligne le 09/12/09, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=1ff89992bb250493854cb0e877d87cec9bc701f490acef47, consultée le 27/06/2012
435
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en ligne le 16/02/2012, http://
www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M, consultée le 26/06/2012
436
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Marseille », mise en ligne le 19/02/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=RrYUkXdU89Y, consultée le 26/06/2012
437
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=Mjjh7lIZ-_I, consultée le 27/06/2012
73
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
la volonté gaulliste de rendre la parole au peuple. Comme s'il fallait se méfier du peuple.
Comme si on était tellement tranquilles entre nous sans vous demander votre avis. Comme
si les affaires devaient continuer comme s'il s'était rien passé. Comme s'il n'y avait pas eu
438
la crise. Et comme si vous, vous n'étiez pas assez intelligents pour comprendre. »
De même, pour Jean-Luc Mélenchon le quatorze octobre 2010 dans l'émission Ce
soir ou jamais sur France 3, l'utilisation de la qualification « populiste »/« populisme »
correspondrait à une « théorie politique » : « il faudrait qu'en fait ça s'arrange entre nous,
439
les élites » . Le vingt-cinq dans l'émission Dimanche soir politique sur i>Télé, il affirme
plus explicitement : « ceux qui ont accusé et accusent les autres de populisme en général
veulent dire une chose, c'est leur haine du peuple » et dénonce « l'oligarchie, c'est-à-dire une
poignée de gens qui vivent entre eux, qui accaparent tous les leviers d'expression et d'argent
et qui, à la tête de tout, décident de tout et donne les bons points et les mauvais points »
440
qui aurait décidé « que le peuple est haïssable. » Après que son « populiste ? j'assume »
lors d'une interview donnée à L'Express a énormément fait couler d'encre, il explique lors de
l'Interview d'Europe 1 soir du cinq janvier 2011 avoir utilisé cette expression forte « pour une
raison » : marquer son opposition à « toutes ces belles personnes » qui « se donnent des
441
grands airs en regardant le peuple, qui pour eux est une masse confuse et dangereuse » ,
et encore le vingt-deux à l'occasion d'un discours lors du conseil national du Parti de Gauche,
il expose, s'appuyant sur son « jeune camarade philosophe Benoît Schneckenburger » :
« ce qui transparaît par-dessus tout, chez ceux qui dénoncent le populisme, c'est leur
442
haine du peuple. Voilà ce qu'ils détestent en réalité ! » Cette ligne argumentaire est suivie
par Clémentine Autain qui, « interrogée par la journaliste Pascale Clark sur le terme de
"populiste" évoqué à propos de Jean-Luc Mélenchon », « a expliqué qu'elle "n'aimait pas"
ce terme » notamment car il témoignerait d'« une forme de mépris du peuple qui est rampant
443
depuis un certain nombre d'années de la part de l'oligarchie, de la pensée dominante »
et en partie du moins insufflée par Benoît Schneckenburger, d'abord dans l'argument de
la semaine « Populisme : le peuple en accusation » disponible sur le blog de Jean-Luc
444
Mélenchon , ensuite dans une tribune, « Le populisme, refuge des oligarques ? » publiée
sur le site de campagne du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon et enfin dans son
ouvrage Populisme, le fantasme des élites, qui reprend notamment en l'approfondissant le
premier texte.
Cette thèse y est constamment répétée : « fantasme des oligarques, le populisme
exprime leur haine du peuple », car « le recours à la notion de populisme cache une forme
438
Vidéo : « Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://www.youtube.com/watch?
v=cLU7XWJpz6I, consultée le 27/06/2012
439
Vidéo : « Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste-
melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012
440
Vidéo : « J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le 25/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emission-dimanche-soir-politique_news, consultée le 16/06/2012
441
Vidéo : Mélenchon : « DSK représente si mal la gauche », mise en ligne le 05/01/2011, consultée le 29/06/2012, http://
www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/
442
Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le 22/01/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-luc-melenchon-candidature-pour-2012_news, consultée le 18/06/2012
443
« Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http://
www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html, consultée le 27/06/2012
444
74
http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/
IIème partie : Les réactions négatives
445
ancienne de mépris pour le peuple » , « il faut comprendre ce que porte l'accusation
446
de populisme : un mépris du peuple » , « derrière la dénonciation des populismes se
447
cache en fait une crainte plus ancienne et plus constante, la peur du peuple » . En effet,
selon lui, « l'utilisation d'un terme n'est jamais neutre, surtout quand elle joue de l'apparente
448
scientificité du mot » , et le mot « populisme » particulièrement connoté, permettrait
d'exprimer sans le dire un profond mépris du peuple qui, selon lui, « constitue le fond
449
souvent refoulé de la pensée libérale » : « l'accusation de populisme masque en fait l'idée
que l'appel à une forme plus directe ou plus impliquée du peuple reste fondamentalement
illégitime, parce que le peuple serait, comme par nature, incapable de se gouverner lui450
même » . En effet, les « détracteurs du populisme » « veulent (...) s'arroger l'usage
451
de la raison et la dénier au peuple en accentuant le mépris pour le peuple. »
Par
conséquent, « ce qui reste fondamentalement en jeu c'est la simple reconnaissance de la
452
compétence du peuple à prendre en main son destin. » , car « accuser de populisme,
453
c'est travestir le principe même de démocratie » : « le danger principal que court la
démocratie réside peut-être moins dans la résurgence du populisme que dans le renouveau
454
de l'oligarchie. » La crise de la démocratie « est paradoxalement accentuée par ceux-là
même qui la regrettent : plutôt que de dire que les élites ne représentent pas bien le peuple,
455
ils estiment que le peuple ne peut plus être le sujet de la démocratie. »
Si les utilisations de la qualification « populiste »/« populisme » seraient révélateurs
d'une tendance élitaire à mépriser, voire haïr, le peuple (compris comme les classes
populaires), le terme lui-même serait une marque de mépris, du fait de ses connotations et
de son origine étymologique.
C'est ce qu'expose Jean-Luc Mélenchon au théâtre Dejazet à Paris le dix-huit octobre
2010 : « C'est un mot prétexte, c'est un mot écran, c'est un mot fumée. Ça sert seulement
à injurier, à disqualifier. Mais pour une raison : c'est parce que dans « populisme », il y
a le mot « peuple », et qu'il leur faut dire : « le peuple est une classe dangereuse ».
456
C'est ça qu'ils veulent dire. » Il s'enorgueillit même le vingt-deux novembre d'être qualifié
de « populiste », recevant « avec gratitude » « cette injure » puisqu'elle proviendrait de
personnes qui auraient « peur à ce point du peuple » qu'elles penseraient « qu'un mot
445
« Le populisme, refuge des oligarques ? | PLACE AU PEUPLE ! 2012 », par Benoit Schneckenburger, mise en ligne le
07/02/2012, http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/, consultée le 15/03/2012
446
447
448
449
450
451
452
453
454
455
456
Benoît Schneckenburger, 2012, p.14
Benoît Schneckenburger, 2012, p.41
Benoît Schneckenburger, 2012, p.21
Benoît Schneckenburger, 2012, p.16
Benoît Schneckenburger, 2012, p.16
Benoît Schneckenburger, 2012, p.45
Benoît Schneckenburger, 2012, p.17
Benoît Schneckenburger, 2012, p.18
Benoît Schneckenburger, 2012, p.18
Benoît Schneckenburger, 2012, p.67
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news, consultée le 16/06/2012
75
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
457
décliné du peuple comme « populisme » est une injure » . Ce serait « parce que dans
« populisme », il y a « peuple" » que ce terme serait employé pour disqualifier, car « le
peuple » serait « un spectre qui hante [les] nuits » des accusateurs, qui « passent leur temps
458
à l'insulter, à le confiner, à le réduire, à le moquer » , avance-t-il à Toulouse le dix-huit mars
2011. Il expose finalement le sept mars 2012 à Rouen, que ce serait parce que les « belles
personnes » auraient « peur du peuple que le mot « populisme » (…) est une injure pour
459
la seule raison qu'il contient le mot « peuple ». »
L'accent mis sur l'origine étymologique de la qualification « populiste »/« populisme »
pour contre-attaquer se retrouve aussi chez François Bayrou, qui s'exaspère à Dunkerque
le dix-neuf janvier 2012 « que du mot de peuple, du grand nom de peuple, on forme
un qualificatif qui est une injure », ce qui serait « révélateur de la manière dont ceux
460
qui se croient des élites regardent ceux qu'ils croient être le peuple » . Interrogé le
surlendemain par Le Figaro Magazine, il assure « ceux qui disent « peuple » comme une
injure ne comprennent rien à la France, et ne savent pas ce que peuple veut dire, quelle
461
richesse et quelle force il y a en lui. »
La qualification « populiste »/« populisme »,
injurieuse, témoignerait donc d'un mépris du peuple caractérisé par une ignorance profonde
de la réalité dudit peuple, ce qui n'empêche pas le président du Mouvement Démocrate
et candidat à l'élection présidentielle de mettre, lors d'une interview avec la rédaction de
Marianne du quatre février, « en accusation ceux qui font du mot « peuple » une injure »,
assurant en avoir « été accusé mile fois ces dernières années » parce qu'il se serait efforcé
« de rappeler que se sent exclu des cercles de responsabilité ou de pouvoir, peut être 80%
462
de la population française » , diagnostic qui rejoint l'idée de la dimension essentielle, voire
primordiale, d'une lutte pour la légitimation de la participation au pouvoir politique de ces
« 80% de la population française ».
De son côté, Jean-François kahn, à la fois chroniqueur, journaliste et soutien de
François Bayrou à l'élection présidentielle de 2012 après avoir été tête de liste du
Mouvement Démocrate aux élections européennes, avait également souligné en janvier
2011 la dimension problématique et révélatrice qu'il y aurait dans le terme même
« populisme », exposant le quatorze lors de l'émission Le grand direct de l'info sur Europe 1
qu'« utiliser comme injure un mot où il y a le mot « peuple », il faut le faire ! » et
accusant « la caste, qui utilise » ladite injure « parce qu'elle déteste le peuple, parce qu'elle
463
a une haine du peuple ! »
et mettant en avant le vingt-neuf à l'occasion d'un débat
457
Vidéo : « Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-au-congres-du-pg_news, consultée le 17/06/2012
458
Vidéo : « En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/video/xhpa6m_en-meeting-
a-toulouse_news, consultée le 20/06/2012
459
Vidéo : « Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http://www.dailymotion.com/video/
xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news, consultée le 25/06/2012
460
Vidéo : « François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le 20/01/2012, http://www.dailymotion.com/
video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-de-dunkerque-190112_news, consultée le 08/07/2012
461
Interview dans le Figaro Magazine du 21/01/2012, http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine, consultée
le 09/07/2012
462
Interview à la rédaction de Marianne le 04/02/2012, http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle-
a-tout-les-francais-sans-les-diviser, consultée le 09/07/2012
463
« Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-
grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le 29/06/2012
76
IIème partie : Les réactions négatives
avec Jean-Luc Mélenchon le manque d'efficacité supposé de la qualification pour le débat
démocratique : « Si vous (...) expliquez [aux gens] que le summum de l'injure, c'est un mot
dans lequel il y a le mot « peuple », vous avez bien commencé vos affaires ! Ça, je peux
464
vous le promettre ! »
Cette idée selon laquelle la qualification « populiste »/« populisme » et/ou ses
emplois seraient révélateurs d'un mépris à l'égard du peuple n'est cependant pas une
exclusivité des mobilisations des candidats Sarkozy, Mélenchon et Bayrou sur la période
2007-2012 : depuis longtemps déjà la littérature savante sur le populisme estime que, pour
citer Henri Deleersnijder, « les occurrences du substantif « populisme » et de sa forme
adjective « populiste » en disent certainement plus long sur ceux qui en abusent que sur
465
ceux qui en sont estampillés » . Pierre-André Taguieff estime, plus directement que « la
466
peur des « masses » semble renaitre chez les élites en cette nouvelle « fin de siècle" »
et dénonçant « ce que voile et exprime à la fois la dénonciation du populisme » « par
les élites politico-administratives (surtout en France) », c'est-à-dire « la peur du peuple,
supposé insatiable en ses besoins ou ses revendications non maitrisés » et « le mépris
des peuples, rejetés dans l'animalité des passions ou dans le tribalisme de communautés
467
conduites par des pulsions. » En effet, « chez les élites arrogantes et émancipées vivant
dans un espace sans territoires ni frontières, l'usage accusatoire du terme « populisme »
va souvent de pair avec un mépris du peuple, un mépris affiché doublé d'une crainte des
mauvais penchants prêtés à ceux qui restent attachés à leur patrie, se sentent enracinés
468
et héritiers d'une longue histoire, et veulent conserver leur identité culturelle » . Ainsi,
le recours à la qualification recouvrirait en fait un jugement de valeur à portée culturelle
plus que politique : « le « populisme » vu par ses ennemis - ceux d'en haut - est quelque
chose comme un « populacisme », il se réduit à une préférence de type pathologique pour
469
le vulgaire et le populacier » , ce qui se retrouve dans la critique de la notion opérée
470
par Serge Halimi : « décideurs » et les médias ont ouvert la chasse au populisme ». »
« installée au pouvoir, dorlotée de privilèges, protégée des intempéries sociales, la haute
intelligentsia progressiste trouvait désormais le peuple un peu grossier, irrationnel, rigide, en
471
un mot trop « populiste ». » La différentiation sociale occuperait donc une place de choix
dans le recours à la qualification « populiste »/« populisme », qui ne serait qu'« expression
de la peur et du mépris de classe des élites de la classe moyenne » qui réduirait le concept
472
« populisme » « à un fait de grossière manipulation symbolique des masses. »
Cela rejoint l'analyse que fait Pascal Mbongo dans sa tribune sur lemonde.fr du cinq
novembre 2010, qui ne fait pas à proprement parler de la littérature savante sur le populisme
mais qui est l'une des rares incursions non partisanes de cette thèse dans la sphère
464
Vidéo : « Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous" », mise en ligne le 29/01/2011, http://www.jean-luc-
melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahn-sur-quils-sen-aillent-tous/, consultée le 18/06/2012
465
466
467
468
469
470
471
472
Henri Deleersnijder, 2006, p.108
Pierre-André Taguieff, 1998, p.7
Pierre-André Taguieff, 1998, P.11
Pierre-André Taguieff, 2012-1, pp.11-12
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.112
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.245
Serge Halimi, 1998, p.120
Pierre-André Taguieff, 2007-1, p.29
77
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
médiatique sur la période : « l'accusation de populisme postule pour sa part nécessairement
que la capacité à produire une opinion n'est pas à la portée de tout le monde, que toutes
les opinions ne se valent pas (...), que certains objets ou certaines questions sont ou
doivent être en dehors du champ du relativisme démocratique. Du même coup, ce que
la qualification de populisme révèle - peut-être malgré elle - au citoyen bien disposé à
l'égard des discours jugés populistes, c'est une contradiction structurelle de la démocratie
représentative entre le principe démocratique d'une part et le principe représentatif d'autre
473
part. » Annie Collovald, pour sa part, va plus loin encore, estimant que les « usages
actuels du populisme » et « la représentation stigmatisante des groupes sociaux les plus
démunis » justifieraient « la supériorité morale des élites sociales et politiques établies »,
autorisant « le retour de thèses réactionnaires ou hautement conservatrices comme celle,
énoncée lors de la trilatérale dans les années 1970, voulant que les démocraties soient
ingouvernables lorsqu'elles sont soumises « à une surcharge de demandes populaires » et
474
qu'il faut lutter contre les « excès de démocratie ». » Dès lors, « l'implicite des usages
actuels du « populisme" » serait « l'imposition d'une démocratie réservée aux seuls « initiés »
475
et « capacitaires » : une démocratie sans représentants, faite par et pour des « experts" » ,
ce qui rejoint l'analyse de Taguieff : la qualification « populiste »/« populisme » « exprime
la résistance à l'expertocratie ou, plus exactement, diverses réactions de résistance au
pouvoir « rationnel » des experts. D'où ce décryptage de l'antipopulisme ambiant : est
stigmatisée en tant que populiste toute critique ou mise en question du pouvoir des experts,
476
des technocrates, des élites administratives. » Ainsi « la critique politique de la posture
477
antipopuliste revient à décrypter en celle-ci une crainte irrationnelle des « masses" » .
473
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Poitiers, directeur
du groupement d'études juridiques franco-américaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/04/
populisme-et-democratie_1435102_3232.html, consultée le 27/06/2012
474
475
476
477
78
Annie Collovald, 2005, p.4
Annie Collovald, 2005, p.1
Pierre-André Taguieff, 1998, pp.9-10
Pierre-André Taguieff, 2007-2, p.247
Conclusion
Conclusion
Finalement, pour répondre à la (dis)qualification de « populiste », les personnalités étudiées
sur la période ont eu recours à des constructions argumentaires communes. Tout d'abord,
trois des quatre sujets étudiés ont eu recours à des réponses positives comme négatives à
la qualification « populiste »/« populisme », le dernier - Marine Le Pen - se distinguant d'eux
par un héritage argumentaire conçu de longue date sur le sujet. Ensuite, parmi les types de
réponses identifiés, il n'y en a eu que deux à avoir été, sur la période, utilisés spécifiquement
par un seul des sujets. Enfin, nous avons pu dégager à l'aide de cette typologie quelques
caractères des réponses apportées :
- D'abord, l'utilisation, parfois dans une même construction argumentaire, de plusieurs
types de réponses différents. On notera en particulier de la part de François Bayrou et JeanLuc Mélenchon une articulation rhétorique entre appropriation de la qualification et contreaccusation de mépris du peuple, que nous résumerions par le raisonnement : « ceux qui
utilisent la qualification « populiste »/« populisme » marquent par là leur mépris du peuple ;
c'est donc avec plaisir que je reçois d'eux cette qualification puisque pour ma part, j'aime le
peuple et entends lui accorder sa place, m'intéresser à son sort et protéger ses intérêts ».
- Ensuite, le cantonnement à un schéma argumentatif pendant les périodes
d'intensification de la qualification. Ainsi, sur des séquences allant d'une semaine à deux,
voire trois, mois, on retrouve une grande constance dans les réponses accordées à la
qualification, tandis qu'une plus grande variété argumentative peut être observée si on
compare deux séquences distinctes.
- Enfin, une tendance générale à refuser les paradigmes des qualifiants quel que
soit le type de réponse apporté : l'assomption (explicite ou implicite) de la qualification
ne signifie pas pour autant que soient acceptées les connotations péjoratives (on assume
quelque chose de positif pour soi, quand bien même telle n'est pas l'appréciation du
qualifiant), l'appropriation contre directement les paradigmes en opérant une redéfinition
positive, le rejet direct, l'usage accusatoire (avec les réserves mentionnées plus haut) et
le détournement de l'accusation acceptent les connotations péjoratives associées mais
refusent leur attribution, le déni de la pertinence du concept opère un démontage des
paradigmes et la contre-accusation de mépris du peuple (dont on notera que, bien que
présente dans la littérature scientifique de longue date, elle n'a émergé sur la scène
médiatique que du seul fait des réponses allant dans ce sens de la part des qualifiés) les
ignore purement et simplement
Nous pouvons tirer encore d'autres enseignements de ce travail.
On notera ainsi chez Nicolas Sarkozy la différence de traitement de la qualification
« populiste »/« populisme » et du concept « populisme » suivant qu'il se plaçait dans son
rôle institutionnel de président de la République ou dans son rôle partisan de dirigeant
du principal parti de la droite parlementaire et/ou de candidat à l'élection présidentielle.
Cette différenciation très nette confirme très clairement l'opportunité que constitue l'étude
des apports sémantiques des acteurs politiques à la notion, car ils se placent dans une
perspective radicalement différente de celle des observateurs et commentateurs de la vie
politique, plus institutionnalisés et ayant semble-t-il une plus grande tendance à souscrire
aux appréciations péjoratives de la qualification.
79
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Un autre enseignement par du constat que Jean-Luc Mélenchon est, des quatre
sujets étudiés celui qui a le plus, et de loin, mobilisé la notion « populiste », recouvrant
à lui seul (sans y inclure la contribution théorique de Benoît Shnekenburger) plus de
60% des mentions relevées sur la période. Cette quantité importante de réponses à la
qualification « populiste »/« populisme » peut permettre d'expliquer qu'il soit le seul parmi les
personnalités étudiées à être présent dans toutes les catégories de la typologie avancée,
à l'exception toutefois du seul usage accusatoire, lequel doit être abordé avec une extrême
prudence ainsi que nous l'avons vu. A l'inverse, Marine Le Pen est celle qui a le moins
répondu à la qualification « populiste »/« populisme », alors même qu'elle est l'héritière
politique de son père Jean-Marie Le Pen et la présidente et candidate du Front National, qui
ont été la personnalité politique et le parti les plus étroitement et les plus systématiquement
associés à l'étiquette « populiste » au cours des deux dernières décennies, et bien qu'elle
soit parmi les sujets étudiés l'une des plus, si ce n'est la plus, souvent qualifiée de
478
« populiste » dans les commentaires journalistiques .
Sans prétendre apporter avec certitudes d'explication sur ce phénomène, nous
pouvons néanmoins avancer l'hypothèse que si Marine Le Pen ne s'est pas sentie le besoin
de mobiliser la catégorie « populisme » pendant cette période, c'était parce que le « travail
avait déjà été fait », notamment au cours des années 1990. Au contraire, le fait que JeanLuc Mélenchon a été, des quatre étudiés, le dernier en date à avoir été ainsi qualifié,
peut expliquer qu'il se soit senti obligé, pour marquer sa différence d'avec ceux ayant
précédemment subit la qualification « populiste »/« populisme », de mobiliser abondamment
la notion, afin de la parer à destination de son camp politique d'un contenu permettant d'en
faire un usage politiquement utile. Ainsi, il pourrait exister un lien entre ancienneté de la
qualification « populiste »/« populisme » et l'importance stratégique d'y répondre : ceux qui
sont qualifiés ainsi depuis longtemps ont eu le temps d'y associer ce qu'ils souhaitaient,
tandis que ceux qui le sont de date récente doivent chercher à la fois à y associer un sens
positif et à se distinguer des précédents.
L'attitude consistant à chercher à s'abstraire de cette qualification serait moins payante,
soit qu'elle serait vouée à l'échec soit qu'elle reviendrait à partager le point de vue d'un
adversaire politique réel ou supposé (qui peut être un commentateur de la vie politique), ce
qui serait contre-performant à une époque où la démarcation d'avec la « classe politique »
comme d'avec le « système médiatique », tous deux supposés faire partie intégrante
d'une quasi caste élitaire (on pourrait réemployer le mot de Raymond Barre s'agissant
des élites journalistiques parisiennes : « le microcosme ») éloignée des simples citoyens,
du peuple dont il faut au contraire se déclarer proche et à l'écoute, est une stratégie
rhétorique commune à presque toutes les personnalités politiques. Ainsi que le relève
Patrick Charaudeau : « si le populisme est une « attitude politique consistant à se réclamer
du peuple, de ses aspirations profondes, de sa défense contre les divers torts qui lui sont
faits », comme le propose le dictionnaire Larousse, on ne voit guère de différence avec ce
479
qui définit le discours politique en général. » , tandis que pour Christian Le Bart, « l'oubli de
la diversité (pourtant bien réelle) des citoyens et leur fusion en une mythique communauté
480
sont indispensables à l'économie générale du discours [politique] » . Pour Ernesto Laclau,
478
479
480
80
Ce constat est purement empirique et ne s'appuie pas sur des données objectives.
Patrick Charaudeau, 2011, pp.105-106
Christian Le Bart, 1998, p.92
Conclusion
« le populisme est tout simplement, une manière de construire le politique »
482
même « la constituante de toute politique » pour Alexandre Dorna.
481
, et il est
483
Dès lors, « il est erroné de juger le populisme de façon purement négative » , et
« la condition sine qua non d'une meilleure compréhension du populisme est de lui faire
quitter la position marginale qu'il occupe dans le discours des sciences sociales, qui l'a
confiné au domaine du non pensable, l'a réduit à être le simple contraire des formes
484
politiques respectables ayant un statut de pleine rationalité » , ce qui pose la question
des rapports entre les usages courants de la notion et ce qu'elle recouvre dans la littérature
savante. En apportant notre modeste contribution à l'éclairage de cette dimension qui
nous semble essentielle de l'étude du populisme, nous entendons nourrir des démarches
d'explicitation de ces rapports, par exemple via une démarche comparatiste pour tenter
d'identifier les évolutions et les permanences des réponses apportées à la qualification
« populiste »/« populisme » et comment ces réponses ont pu apporter une contribution
aux théorisations du concept « populisme » comme aux usages de la qualification
« populiste »/« populisme », champ d'étude jusqu'à présent assez peu traité par la littérature.
481
482
483
484
Ernesto Laclau, p.11
Alexandre Dorna, 1999, p.11
Alexandre Dorna, 1999, p.11
Ernesto Laclau, 2008, p.33
81
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Bibliographie
Ouvrages
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Paris, Gallimard
Annie Collovald, 2004 : Le « Populisme du FN » un dangereux contresens, Collection
Savoir/Agir, Éditions du Croquant, Broissieux
Henri Deleersnijder, 2006 : Populisme. Vieilles pratiques, nouveaux visages, Éditions
Luc Pire, Liège
Alexandre Dorna, 1999 : Le Populisme, collection « Que sais-je ? », PUF, Paris
Roger Dupuy, 2002 : La politique du peuple. Racines, permanences et ambiguïtés du
populisme, Albin Michel, Paris
Umberto Eco, 2006 : À reculons, comme une écrevisse. Guerres chaudes et populisme
médiatique, Grasset, Paris
Ernesto Laclau, 2008 : La raison populiste, Éditions du Seuil, Paris
Christian Le Bart, 1998 : Le discours politique, coll. Que sais-je ?, Paris, PUF
Yves Mény et Yves Surel, 2000 : Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les
démocraties, Fayard, Paris
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démocratique, Manchecour, Flammarion
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Articles
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82
Bibliographie
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Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers,
Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in
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226-228
Alain Bergounioux, 1997 : « LE SYMPTOME D'UNE CRISE », in Maurice Agulhon,
Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers,
Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses », in
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228-230
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2005, in Marc Lits (coord.), Populaire et populisme, CNRS Éditions, Lassay-lesChâteaux
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Benjamin Stora, 1997 : « L'ILLUSION D'UN PEUPLE ENTIER », in Maurice Agulhon,
Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers,
Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses »,
83
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et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
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in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242,
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Pierre-André Taguieff, 1984 : « La rhétorique du national-populisme », in Mots. Les
langages du politique, octobre 1984, N°9, pp. 113-139
Pierre-André Taguieff, 1998 : « Populismes et antipopulismes : le choc des
argumentations », in Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 5-26
Pierre-André Taguieff, 2007-1 : « Le populisme et la science politique », in Jean-Pierre
Rioux (dir.), Les populismes, coll. Tempus, éditions Perrin, Paris
Paul Thibaud, 1997 : « LE TROMPEUR ET LE CYNIQUE », in Maurice Agulhon,
Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean Stengers,
Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf réponses »,
in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp. 224-242,
pp.236-238
Alain Touraine, 1997 : « LE BRUN, LE ROUGE ET LE FRANÇAIS », in Maurice
Agulhon, Bertrand Badie, Alain Bergounioux, Alain Besançon, Odile Rudelle, Jean
Stengers, Benjamin Stora, Paul Thibaud, Alain Touraine, « Le populisme ? Neuf
réponses », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°56, octobre-décembre 1997, pp.
224-242, pp.239-242
Maurice Tournier, 1998 : « Les mots fascistes, du populisme à la denazification », in
Mots. Les langages du politique, juin 1998, N°55, pp. 153-168
Maurice Tournier, 2004 : « Pierre-André Taguieff, L’illusion populiste », Mots. Les
langages du politique [En ligne], 75 | 2004, mis en ligne le 23 avril 2008. URL : http://
mots.revues.org/3713
Mémoires
Orianne Ledroit, 2006-2007 : Les usages du terme « populisme » dans la campagne
présidentielle de 2007. Du succès des utilisations stratégiques d’un mot équivoque,
mémoire de fin d'études, année universitaire 2006-2007, à l'Institut d'Etudes
Politiques de Lyon, ressource en ligne : http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/
Documents/Etudiants/detail-memoire.html?ID=1772
84
Annexes
Annexes
Annexe 1 : liste des articles de presse du corpus
1/ Articles du Monde (consultation en ligne payante)
∙
« Le Monde.fr : <p>Pierre Milza : Sarkozy, Napoléon III, même combat ?</
p> », par Pierre Milza interrogé par Arnaud Leparmentier, mise en ligne le
16/11/2008, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=e25e9e468d45c8dc5533bc124845e24ec97bff10457376d7
∙
« Le Monde.fr : Archives », par Robert Solé, mise en ligne par 10/02/2009,
http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1069539,0.html?
xtmc=populiste_bayrou&xtcr=2
∙
« Le Monde.fr : M. Bayrou : « On conduit la France vers un modèle qui n'est pas le
sien » », par Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Patrick Roger, mise en ligne le
05/04/2009, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=7f373c71a03d12b346f7c6cac668ca22cd604a1deb70981b
∙
« Le Monde.fr : Pour le chef de l'Etat, « l'identité nationale est un antidote
au communautarisme » », par Nicolas Sarkozy, mise en ligne le 09/12/09,
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=1ff89992bb250493854cb0e877d87cec9bc701f490acef47
∙
« Le Monde.fr : Le pas très catholique Georges Frêche », par Gérard Davet, mise
en ligne le 10/02/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/
archives.cgi?ID=60a28cc0432747f40da82846568d225fb3fab65e67616935
∙
« Le Monde.fr : Nier, attaquer, triompher, la stratégie à risque de l'Elysée »,
par Pierre Jaxel-Truer et Sophie Landrin, mise en ligne le 10/07/2010,
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=c33a7894a99663a3b2efda2b169f769182eb745e4a0f839d
∙
« Le Monde.fr : Populisme rampant », par Françoise Fressoz, mise en ligne le
16/10/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=3451289eb912c36322e8d5bf87f8efce52bd4ded821203fc
∙
« Populisme et démocratie », par Pascal Mbongo, professeur de droit constitutionnel
à l'Université de Poitiers, directeur du groupement d'études juridiques francoaméricaines, mise en ligne le 05/11/2010, http://www.lemonde.fr/idees/
article/2010/11/04/populisme-et-democratie_1435102_3232.html
∙
« Le Monde.fr : Un signal d'alerte aux élites démocratiques », par Laurent Bouvet,
mise en ligne le 20/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/
archives.cgi?ID=810dca8181eb810d8bf0f04c753c0ab54a48f034d642fc96
85
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
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« Le Monde.fr : Le populisme, voilà l'ennemi ! », par Nicolas Truong, mise en ligne
le 21/11/2010, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=522c8aef3a3d0c0b6d6203f18621058f3b859c5b77b90b48
« Le Monde.fr : Le moralisme est inutile face au populisme », par Marc Weitzmann,
publiée le 05/01/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/
archives.cgi?ID=ae6ea6f1aa455a3b171cf333806475d462c45cde9f85d535
« Il aurait été inconcevable, autrefois, qu'une femme puisse incarner l'extrême
droite », par Michel Winock, historien, professeur émérite à Sciences Po, publié dans
Le Monde du 15/01/2011
« Le Monde.fr : Nicolas Sarkozy a érigé le populisme pénal en véritable
système politique », par Claire Sécail, mise en ligne le 16/02/2011,
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=e4d67f70ede34ec57c2101fab331d8a5d281f83c5e72610e
« Le Monde.fr : Populisme », par Philippe Paillard Lyon, mise en ligne le
20/02/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=faa365dbbc1fb1df8ab5ea9acaeab2316841a11c9800eb0b
« Le populisme est une réponse aux angoisses collectives », par Raffaele Simone,
linguiste, mise en ligne le 29/04/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/29/
le-populisme-est-une-reponse-aux-angoisses-collectives_1514261_3232.html
« Le Monde.fr : Le « peuple » existe-t-il ? », par Myriam Revault d'Allonnes, mise
en ligne le 15/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/
archives.cgi?ID=df872726e8d188faeabd283f9e230f6980ed772e7b976c80
« Le Monde.fr : Penser le populisme », par Pierre Rosanvallon, mise en ligne le
22/07/2011, http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=45988c406845c2754e025710b5dfa79029b972ae05ae163b
« Le Monde.fr : M. Bayrou souhaite se poser en candidat du « peuple
» », par Pierre Jaxel-Truer, mise en ligne le 05/01/2012, http://
abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=7bf27958a55d2d8cee84a088bcd7ec037a3539dff11e2752
« Le Monde.fr : Non, le populisme n'est pas une idée populaire ! »,
par Nicolas Truong , mise en ligne le 15/01/2012, http://
abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.cgi?
ID=5f025a7d41df96b91ae208d6ae331635961847fc24e7e0c7
2/ Article du Figaro et du Figaro Magazine (consultation en ligne
payante)
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86
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 01/07/2010
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 14/10/2010
« Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 23/12/2010
« Retraites : le pouvoir de la rue, par Chantal Delsol », philosophe et
romancière, mise en ligne le 30/09/2010, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2010/09/30/10001-20100930ARTFIG00653-retraitesle-pouvoir-de-la-rue.php
« Le populisme, ou le désir de régression », par Alain-Gérard
Slama, mise en ligne le 03/05/2011, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2011/05/03/10001-20110503ARTFIG00595-le-populisme-ou-le-desir-deregression.php
Annexes
∙
∙
∙
∙
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 15/06/2011
« Le bloc-notes d'Ivan Rioufol », paru dans Le Figaro du 29/09/2011
« La nouvelle ambition des deux Fronts extrêmes », par Alain-Gérard
Slama, mise en ligne le 20/03/2012, http://www.lefigaro.fr/monfigaro/2012/03/20/10001-20120320ARTFIG00581-la-nouvelle-ambition-des-deuxfronts-extremes.php
« Tzvetan Todorov ''La démocratie sécrète ses propres ennemis'' », par
Patrice De Méritens, mise en ligne le 20/01/2012, http://www.lefigaro.fr/
lefigaromagazine/2012/01/20/01006-20120120ARTFIG00852-tzvetan-todorov-lademocratie-secrete-ses-propres-ennemis.php
Annexe 2 : liste des articles en ligne du corpus
1/ Articles du site www.lemonde.fr
∙
∙
∙
« La montée du FN, un problème qui ne se pose pas qu'à la droite française », par
Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, mise
en ligne le 31/03/2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/30/la-montee-dufn-un-probleme-qui-ne-se-pose-pas-qu-a-la-droite-francaise_1499996_3232.html
« Henri Guaino : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à
la colère" », par Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider, mise en ligne le
31/03/2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/31/
henri-guaino-ne-pas-prendre-en-compte-les-passions-populaires-expose-a-lacolere_1678568_1471069.html
« Clémentine Autain sera suppléante de François Asensi contre Stéphane
Gatignon », mise en ligne le 08/02/2012, http://www.lemonde.fr/electionpresidentielle-2012/article/2012/02/08/clementine-autain_1640217_1471069.html
2/ Articles du site www.lefigaro.fr
∙
∙
∙
∙
« Copé a ''l'intuition'' que Sarkozy sera réélu », mise en ligne le 21/02/2012, http://
www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/02/21/97001-20120221FILWWW00562-cope-a-lintuition-que-sarkozy-sera-reelu.php
« Bayrou dénonce l'«atlantisme» de Sarkozy », par Rodolphe
Geisler, mise en ligne le 09/02/2009, http://www.lefigaro.fr/
politique/2009/02/09/01002-20090209ARTFIG00319-bayrou-denonce-l-atlantisme-desarkozy-.php
« Nicolas Sarkozy tente de rassurer son camp », par Solenn
deRoyer, mise en ligne le 09/03/2011, http://www.lefigaro.fr/
politique/2011/03/09/01002-20110309ARTFIG00696-nicolas-sarkozy-tente-derassurer-son-camp.php
« Sarkozy sonne la charge contre la gauche », par Judith Waintraub, Charles
Jaigu, Solenn de Royer, mise en ligne le 12/10/2011, http://www.lefigaro.fr/
87
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
politique/2011/10/11/01002-20111011ARTFIG00760-sarkozy-sonne-la-charge-contrela-gauche.php
∙
« Mélenchon lance sa campagne et vise DSK », par Sophie
de Ravinel, mise en ligne le 24/01/2011, http://www.lefigaro.fr/
politique/2011/01/23/01002-20110123ARTFIG00235-melenchon-lance-sa-campagneet-vise-dsk.php
3/ Articles du site www.lexpress.fr
∙
« Mélenchon: "Populiste, moi ? J'assume!" - L'EXPRESS », mise en ligne le
16/09/2010 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/melenchon-populiste-moi-jassume_919603.html
∙
« Bayrou tente une OPA sur l'électorat protestataire, vivier de Marine Le Pen LExpress.fr », mise en ligne le 05/01/2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/
politique/bayrou-tente-une-opa-sur-l-electorat-protestataire-vivier-de-marine-lepen_1068553.html
4/ Articles du site www.lejdd.fr
∙
« Gilbert Collard : "Qu'on n'aille pas dire que je fais ma Cécile Duflot" (interview)
- leJDD.fr », par Vivien Vergnaud et Anne-Charlotte Dusseaulx, mise en ligne le
21/12/2011, http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Gilbert-CollardQu-on-n-aille-pas-dire-que-je-fais-ma-Cecile-Duflot-interview-443015
5/ Articles du site www.lepoint.fr
∙
« Le candidat le plus populiste, c'est Bayrou ! », par Hervé Gattegno, rédacteur en
chef au Point, mise en ligne le 28/02/2012, http://www.lepoint.fr/politique/parti-pris/lecandidat-le-plus-populiste-c-est-bayrou-28-02-2012-1435798_222.php
6/ Articles du site www.marianne2.fr
∙
« En fait, le populisme, qu'est ce que c'est? », par Marc Crapez, mise en ligne
le 10/03/2012, http://www.marianne2.fr/En-fait-le-populisme-qu-est-ce-que-cest_a216188.html, consultée le 15/03/2012
∙
« Le populisme est imputable à la sécession des élites, » par Marc Crapez, mise
en ligne le 22/06/2012, http://www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-lasecession-des-elites_a219922.html, consultée le 27/06/2012
Annexe 3 : liste des émissions de radio du corpus
consultées en ligne
88
Annexes
1/ Émissions du site www.rtl.fr
∙
∙
« La tentation populiste », La chronique de Serge July, RTL soir, RTL,
07/07/2010, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/serge-july-la-tentationpopuliste-5944475442
« Olivier Besancenot, star de l'été politique à gauche », Le fait politique du jour, RTL
Matin, 06/08/2008, http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/olivier-besancenot-starde-l-ete-politique-a-gauche-785917
2/ Émissions du site www.europe1.fr
∙
∙
∙
∙
∙
∙
« François Bayrou : l'aventure présidentielle est elle terminée », L'édito politique,
Europe 1 matin. Le 7h00/9h30, Europe 1, 09/06/2009, http://www.europe1.fr/Radio/
Articles/L-edito-politique-de-Claude-Askolovitch-61053/
« Le débat des grandes voix - 16/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/
Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/Le-debat-des-grandesvoix-16-10-10-290543/
« Europe 1 Soir - 20/10/10 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/
Europe-1-Soir/Sons/Europe-1-Soir-20-10-10-293491/
« Mélenchon : "DSK représente si mal la gauche" », mise en ligne le 05/01/2011,
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-d-Europe-1-Soir/Videos/
Melenchon-DSK-represente-si-mal-la-gauche-361805/
« Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/
Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/
« Le débat des grandes voix - 22/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/
Emissions/Le-debat-des-grandes-voix/Sons/Le-debat-des-grandesvoix-22-01-11-382219/
3/ Émissions du site www.franceinter.fr
∙
∙
∙
∙
« Les listes souverainistes », L'édito politique, Le 7/10, France Inter, 04/06/2009,
http://www.franceinter.fr/chro/edito/80229
« Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le
sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231
« L'abstention du vote populaire », L'édito politique, Le 6h30/10h, France Inter,
25/03/2010, http://www.franceinter.fr/chro/edito/89901
« Le populisme appliqué à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », L'édito politique, Le
sept dix, France Inter, 08/12/2009, http://www.franceinter.fr/chro/edito/86231
Annexe 4 : émissions télévisées du corpus consultées
à l'INAthèque de Paris
89
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
∙
« Élysée 2012 : Tous sur la ligne de départ », Mots croisés du 20/02/2012 sur
France 2, consultée à l'INAthèque de Paris
Annexe 5 : liste des pages internet du corpus
1/ Pages du site www.archives.elysée.fr
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∙
∙
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2007/interventiondevant-les-parlementaires-de-la.7928.html
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/voeux-aux-corpsconstitues-et-aux-agents-de-la.6875.html
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/discours-sur-lamobilisation-pour-l-emploi.5201.html
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2008/colloque-ducinquantenaire-du-conseil.5208.html
http://www.archives.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2009/discours-a-saintquentin.6478.html
2/ Pages du site www.bayrou.fr
∙
∙
http://www.bayrou.fr/article/120121-bayrou-figaro-magazine
http://www.bayrou.fr/article/120206-je-ne-suis-pas-populiste-je-parle-a-tout-lesfrancais-sans-les-diviser
3/ Pages du site www.jean-luc-melenchon.fr
∙
http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/populisme-le-peuple-en-accusation/
4/ Pages du site www.placeaupeuple.fr
∙
http://www.placeaupeuple2012.fr/le-populisme-refuge-des-oligarques/
Annexe 6 : liste des vidéos du corpus consultées en
ligne
1/ Vidéos de Nicolas Sarkozy
90
Annexes
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∙
« Discours de Nicolas Sarkozy pendant son premier meeting à Annecy », mise en
ligne le 16/02/2012, http://www.youtube.com/watch?v=UeOY8O96Z6M
« Discours de Nicolas Sarkozy à Elancourt », mise en ligne le 28/03/2012, http://
www.youtube.com/watch?v=Mjjh7lIZ-_I
« Discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes », mise en ligne le 29/03/2012, http://
www.youtube.com/watch?v=HeZ82Kk71RQ
« Discours de Nicolas Sarkozy à Nancy », mise en ligne le 02/04/2012, http://
www.youtube.com/watch?v=cLU7XWJpz6I
2/ Vidéos de François Bayrou
∙
« François Bayrou - Meeting de Dunkerque - 190112 », mise en ligne le
20/01/2012, http://www.dailymotion.com/video/xnueo4_francois-bayrou-meeting-dedunkerque-190112_news
3/ Vidéos de Marine Le Pen
∙
∙
« Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news
« Grand meeting de Marine Le Pen au Zénith de Paris le 17 avril », mise en ligne le
19/04/2012, http://www.dailymotion.com/video/xq89s7_grand-meeting-de-marine-lepen-au-zenith-de-paris-le-17-avril_news
4/ Vidéos de Jean-Luc Mélenchon
Discours :
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∙
« Conclusion du Remue-méninges », mise en ligne le 02/09/2009,
www.dailymotion.com/video/xae2dl_conclusion-du-remue-meninges_news
« Jean-Luc Mélenchon au Dejazet le 18 octobre 2010 », mise en ligne le 20/10/2010,
http://www.dailymotion.com/video/xfadnx_jean-luc-melenchon-au-dejazet-le-18_news
« Discours de Jean-Luc Mélenchon au Congrès du PG », mise en ligne le 22/11/2010,
http://www.dailymotion.com/video/xfq4zm_discours-de-jean-luc-melenchon-aucongres-du-pg_news
« Discours de Jean-Luc Mélenchon candidature pour 2012 », mise en ligne le
22/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgopr1_discours-de-jean-lucmelenchon-candidature-pour-2012_news
« En meeting à Toulouse », mise en ligne le 18/03/2011, http://www.dailymotion.com/
video/xhpa6m_en-meeting-a-toulouse_news
« Jean-Luc Mélenchon Discours de Nantes », mise en ligne le 16/01/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xnq621_jean-luc-melenchon-discours-de-nantes_news
« Jean-Luc Mélenchon - Discours de Metz », mise en ligne le 19/01/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xntkky_jean-luc-melenchon-discours-de-metz_news
« Jean-Luc Mélenchon - Discours de Rouen », mise en ligne le 07/03/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xpa9q7_jean-luc-melenchon-discours-de-rouen_news
« J.-L. Mélenchon Discours Clerm.-Ferrand », mise en ligne le 15/03/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xpgmbl_j-l-melenchon-discours-clerm-ferrand_news
91
Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
∙
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∙
« J.-L. Mélenchon - Discours de La Réunion », mise en ligne le 27/03/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xppitq_j-l-melenchon-discours-de-la-reunion_news
« Jean-Luc Mélenchon - Discours de Lille », 28/03/2012, http://www.dailymotion.com/
video/xpqrc9_jean-luc-melenchon-discours-de-lille_news
« J.-L. Mélenchon discours Porte de Versailles à Paris », mise en ligne le 20/04/2012,
http://www.dailymotion.com/video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versaillesa-paris_news
Émissions :
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92
« melenchon integrale (privée) », mise en ligne le 09/10/2009, http://
www.dailymotion.com/video/k5xl49vOBJPFNr1dNMY
« 7 à Voir Fr3 Jean Luc MELENCHON », mise en ligne le 21/10/2009, http://
www.dailymotion.com/video/xavs4h_7-a-voir-fr3-jean-luc-melenchon_news
« Jean-Luc Mélenchon sur Direct 8 le 13/04/2010 », mise en ligne le 14/04/2010,
http://www.dailymotion.com/video/xcy8vy_jean-luc-melenchon-sur-direct-8-le_news
« J.L Mélenchon sur LCI dans "Politiquement Show" le 08/07/10 », mise en ligne le
08/07/2010, http://www.dailymotion.com/video/xdyuer_j-l-melenchon-sur-lci-danspolitiqu_news
« J.M. Mélenchon à l'émission "Le grand Jury" le 10/10/2010 », mise en ligne le
12/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xf6ez4_j-m-melenchon-a-l-emission-legrand_news
« Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xf7vol_populiste-melenchon-1-2_news
« Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://
www.dailymotion.com/video/xf7w7m_populiste-melenchon-2-2_news
« J.L. Mélenchon dans l'émission "Dimanche Soir Politique" », mise en ligne le
25/10/2010, http://www.dailymotion.com/video/xfcznx_j-l-melenchon-dans-l-emissiondimanche-soir-politique_news
« Jean-Luc Mélenchon au "Grand Journal" le 07/12/2010 », mise en ligne le
08/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg0s2f_jean-luc-melenchon-au-grandjournal-le-07-12-2010_news
« Jean-Luc Mélenchon à Soir 3 Politique le 12/12/2010 », mise en ligne le
12/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg3l8i_jean-luc-melenchon-a-soir-3politique-le-12-12-2010_news
« Jean-luc Mélenchon à "Salut les Terriens" le 12/12/2010 », mise en ligne le
19/12/2010, http://www.dailymotion.com/video/xg75fp_jean-luc-melenchon-a-salutles-terriens-le-12-12-2010_news
« Jean-Luc Mélenchon sur LCP dans Questions d’Info le 12/01 », mise en ligne le
13/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgjvqr_jean-luc-melenchon-sur-lcpdans-questions-d-info-le-12-01_news
« Jean-Luc Mélenchon candidat à la présidentielle de 2012 », mise en ligne le
21/01/2011, http://www.dailymotion.com/video/xgo05k_jean-luc-melenchon-candidata-la-presidentielle-de-2012_news
« Jean-Luc Mélenchon sur I>Télé dans l'émission "Dimanche soir Politique" le
01/05/2011 », mise en ligne le 02/05/2011, http://www.dailymotion.com/video/
xiig82_jean-luc-melenchon-sur-i-tele-dansl-emission-dimanche-soir-politique-le-01-05-2011_news
« J.-L. Mélenchon Questions d'info sur LCP », mise en ligne le 02/02/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xo9kcn_j-l-melenchon-questions-d-info-sur-lcp_news
Annexes
∙
∙
∙
∙
« J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news
« J.-L. Mélenchon - "Dimanche+" Canal+ », mise en ligne le 20/02/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xouxi8_j-l-melenchon-dimanche-canal_news
« J.-L. Mélenchon - "Expliquez-vous" I>Télé », mise en ligne le 08/03/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xpaoic_j-l-melenchon-expliquez-vous-i-tele_news
« J.-L. Mélenchon - Europe 1 (Elkabbach) », mise en ligne le 12/03/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xpe5oc_j-l-melenchon-europe-1-elkabbach_news
Autres :
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∙
∙
∙
« Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le
29/01/2011, http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francoiskahn-sur-quils-sen-aillent-tous
« Débat J.-L. Mélenchon / Le Pen "BFMTV" », mise en ligne le 14/02/2011, http://
www.dailymotion.com/video/xh12fp_debat-j-l-melenchon-le-pen-bfmtv_news
« Vœux à la presse de Jean-Luc Mélenchon », mise en ligne le 04/01/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xng33e_vyux-a-la-presse-de-jean-luc-melenchon_news
« J.-L. Mélenchon Forum Libé de Grenoble », mise en ligne le 29/01/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xo5dbj_j-l-melenchon-forum-libe-de-grenoble_news
Annexe 7 : ouvrages du corpus
∙
Benoît Schneckenburger, Populisme. Le fantasme des élites, Graffic/Editions Bruno
Leprince, Paris, 2012
Annexe 8 : transcriptions d'extraits des vidéos
consultées en ligne
1/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [1/2] »
« Populiste, Mélenchon ? [1/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xf7vol_populiste-melenchon-1-2_news, consultée le 16/06/2012
« Siné : J'avais commencé à écrire mes mémoires il y a quelques années : "ma vie,
mon oeuvre, mon cul", et j'étais lauréat du prix populiste, j'étais inscrit dans ceux qui allaient
le recevoir. Et j'étais un peu coincé : populiste, merde, ça fait un peu démago, c'est péjoratif.
Et je me suis amusé, j'ai demandé quels étaient les gens qui avaient reçu le prix populiste,
qui est décerné chaque année, et là il y avait des gens très sérieux. »
« Cynthia Fleury : J'en parle, d'ailleurs, du populisme. Ce qui est certain, c'est que les
démocrates sont parfois populistes, et c'est pas impossible. Ce qui est certain également,
c'est que les populistes sont pas toujours démocrates. Donc c'est là où le système se sépare.
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et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Il y a quand même une définition : donc effectivement, l'appel au peuple, le recours au
peuple, la critique des élites, voilà... Poujade disait, voilà : "ils s'occupent pas des affaires
des petites gens". Bon, c'est ça, le populisme. Et puis c'est une sorte de synchrétisme
entre le nationalisme et le socialisme, on va dire. Alors effectivement, soit on est plutôt
populisme de droite, et alors on a activer la dimension un peu nationaliste nationaliste, avec
des discours xénophobes, etc. Soit on est popu de gauche, populisme de gauche, et on va
aller plutôt sur la cohésion sociale, les petites gens, etc, on va défendre plutôt l'ouvrier, et
le contraire ça sera plutôt les petits bourgeois, etc. Donc ça c'est la définition classique du
populisme. Après, il y a deux grands critères qui sont importants, et c'est là où on va faire
tomber les masques, on va dire. C'est là qu'on va savoir qui est vraiment populiste et qui
ne l'est pas. Un des grands critères du populisme, c'est l'anti-intellectualisme, c'est-à-dire
c'est véritablement pas seulement l'attaque des élites, c'est l'attaque des intellectuels. C'est
Poujade qui dit... voilà, et là, visiblement, on récupère Mélenchon de notre côté, on va dire...
Frédéric Taddeï : Vous voulez dire qu'il n'est pas anti-intellectuel ?
Cynthia Fleury : Non.
Jean-Luc Mélenchon : Ah ben non, je considère comme un honneur qu'on veut bien
considérer que mes livres font de moi un intellectuel.
Cynthia Fleury : Donc ça, c'est... les masques tombent, c'est la haine de l'idée... Poujade
disait : "l'idée est nocive", "la culture c'est une maladie", ... enfin bon, voilà. Donc ça, c'est
un des grands critères pour tomber la chose. Et deuxième critère, c'est que logiquement,
le populisme est une idéologie par défaut, c'est une faible idéologie. C'est une idéologie
réactionnaire, mais c'est surtout une idéologie qui se pose par le "non" qu'elle oppose
aux autres programmes et qui ne propose pas quelque chose, et qui en plus souvent va
confisquer le pouvoir, qui plus est.
Jean-Luc Mélenchon : C'est pas mon cas non plus.
Cynthia Fleury : Là non plus, voilà. Donc j'ai fait l'avocat de Jean-Luc mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon : Non mais au moins vous proposez une définition, vous. Donc
on peut se repérer par rapport à des critères. Le reste du temps, on jette ça à la figure
uniquement pour dire : "écoutez, vous êtes rien, alors dégagez, circulez, parce que vous
parlez pas comme nous". »
« Nancy Huston : (...) Les plus populistes en ce moment ne sont pas ceux qui se disent
populistes, voilà. Le discours de Grenoble, c'est un discours typiquement populiste. »
« Christian Delporte : Les historiens, les politistes, sont assez mal à l'aise avec le
terme de "populisme", pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il a un caractère péjoratif,
également parce qu'il n'y a pas de théoricien, il n'y a pas de théorie (...) enfin pas de manière
aussi précise que le socialisme, que le communisme, que le fascisme, que le libéralisme,
etc. De telle sorte que d'ailleurs très souvent on a ajouté au "populisme" un mot qui essayait
de le définir : il y a eu le "libéral-populisme", le "télépopulisme" de Berlusconi...
Jean-Luc Mélenchon : Parce que depuis Aristote et Platon, les gens ne savent pas
nommer le peuple, ils sont incapables de dire qui est le peuple. Est-ce que c'est les citoyens
actifs, est-ce que c'est tout le monde ? Ca date depuis le début de la politique. Voilà pourquoi
il y a une difficulté. Donc c'est devenu une injure sans contenu. Cette dame [Cynthia Fleury]
a essayé de donner un contenu, au moins je peux me repérer, je peux savoir si c'est vrai
ou pas.
94
Annexes
Christian Delporte : Alors moi je vais continuer à essayer de donner un contenu. On peut
définir au moins trois caractères historiquement. Le premier caractère, c'est le caractère
contestataire : on joue la rue contre les élites, c'est assez classique.
Jean-Luc Mélenchon : Certaines élites, hein.
Christian Delporte : Certaines élites. Mais il y a plusieurs populismes. Il y a le
caractère identitaire : national, xénophobe, raciste. Et puis il y a le caractère plébéien.
C'est intéressant, le caractère plébéien, parce qu'il y a dans ce caractère-là une certaine
idéalisation du peuple ou d'une partie du peuple. C'est plutôt, c'est souvent à gauche, pas
toujours, parce qu'en fait ces trois caractères-là peuvent se combiner deux à deux ou tous
les trois, ça dépend. Historiquement, c'est tout à fait valable. »
« Natacha Polonyi : On remarque dans l'histoire politique française récente, que
tous ceux qui se sont réclamés du républicanisme ont été traités de "populistes". Et
justement, tous ceux qui ont voulu dépasser le clivage gauche-droite actuel ont été traités
de "populistes". C'est-à-dire qu'en effet il y a un moment où le système d'alternance tel qu'il
existe aujourd'hui entre des partis dominants fait qu'on se défend de toute personne qui
voudrait émerger en jetant cet anathème. Et c'est d'autant plus vrai qu'on utilise un autre
argument qui est : "vous voyez bien que dans les autres pays, il y a deux grands partis, c'est
plus moderne". (...) Et c'est pas par méchanceté, hein, c'est pas parce que les élites veulent
écraser le peuple. C'est parce qu'il y a un cadre mental qui fait qu'on est bloqué sur cette
idée que la démocratie c'est l'alternance entre cette droite et cette gauche. (...) Si on étouffe
tout cela, médiatiquement je veux dire, ce qui est fait de façon très efficace, non seulement
par l'idée de populisme mais aussi par d'autres façons de ne pas faire intervenir ces idéeslà, de les rejeter, on commet un crime contre la démocratie. »
2/ Extraits de la vidéo « Populiste, Mélenchon ? [2/2] »
« Populiste, Mélenchon ? [2/2] », mise en ligne le 15/10/2010, http://www.dailymotion.com/
video/xf7w7m_populiste-melenchon-2-2_news, consultée le 16/06/2012
« Thierry Levy : Quand on a parlé tout à l'heure du populisme et de la définition du
populisme, il y a un aspect qu'on a oublié, qui est la rhétorique. La rhétorique fait partie des
caractéristiques de...
Jean-Luc Mélenchon : C'est-à-dire que si on savait mal parler ça serait mieux ?
Thierry Levy : Non, non, pas du tout ! Mais, simplement, c'est le moment où on se dit :
"je peux parler", ce qui n'est pas une chose très facile. Et à partir du moment où se rend
compte qu'on peut parler, parler en public, il y a ceux qui savent s'arrêter et ceux qui ne
savent pas s'arrêter. Et vous, vous êtes de ceux qui ne savent pas s'arrêter.
Jean-Luc Mélenchon : Merci, cher maître, de me faire la leçon.
Thierry Levy : Mais si on parle du populisme en se demandant si c'est une bonne ou
une mauvaise chose, dans l'opposition, c'est toujours très obligeant. Dès que ça arrive au
pouvoir, ça devient beaucoup moins drôle, et beaucoup plus inquiétant. Et quand on vous
écoute, que vous proposez des solutions à tout, on se dit : "cet homme-là, tant qu'il est là à
mordre les mollets de ceux qui gouvernent, il est très bien ; s'il prenait la place de ceux qui
gouvernent, on aurait peut-être des raisons de s'inquiéter".
Jean-Luc Mélenchon : Ah oui ! Si on a beaucoup d'argent, on a de grosses raisons de
s'inquiéter de me voir arriver, hein.
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Thierry Levy : Ce n'est pas pour cela que je m'inquiète... »
« Natacha Polonyi : (...) Il y a surtout un truc frappant qu'on verra à la prochaine
élection présidentielle, c'est : est que est-ce que ça va se répéter comme la précédente ? La
précédente, les trois principaux candidats [en fait les quatre premiers candidats du premier
tour] se sont fait traiter de "populistes", c'est ça qui est intéressant, souvenons-nous. Nicolas
Sarkozy s'est fait traiter de populiste, Ségolène Royal aussi, et François Bayrou, il suffit de
se souvenir de l'éditorial de Jean-Marie Colombani expliquant que...
Thierry Levy : Mais la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon est très proche de celle de
Nicolas Sarkozy. Mais ils sont très proches, tous les deux. C'est la même rhétorique. Si,
c'est la même !
Jean-Luc Mélenchon : Mais vous avez remarqué, il y a un autre point commun entre
Nicolas Sarkozy et moi : on a deux bras tous les deux, on a deux jambes et on parle avec
la bouche. C'est extraordinaire ! On doit être d'accord, sûrement. Mais ça ne veut rien dire !
Ca veut dire que... Je suis un homme de gauche qui se propose de faire le contraire de ce
que fait Nicolas Sarkozy. (...) Et tout ce qu'on trouve à me dire, c'est : "vous avez la même
rhétorique" ! C'est une manière d'effacer, il n'y a plus ni droite ni gauche, il n'y a plus de
débat, il n'y a que des apparences : je jouis parce que je parle, et j'ai la même rhétorique
que Nicolas Sarkozy.
Thierry Levy : Et vous vous cachez derrière le discours. »
« Christophe Alévêque : (...) Moi, je pense qu'il y a des populistes bienfaisants et des
populistes malfaisants, hein. Ce que fait notre président de la république en ce moment,
pour moi est bien plus dangereux que ce que peut faire Mélenchon. Par exemple, la menace
terroriste qui nous tombe dessus au mois de septembre, c'est une manipulation populiste
extrêmement dangereuse qu'il est en train de faire pour cacher la merde qui est dessous,
c'est énorme. Et puis moi je me rends compte dans nos spectacles, on peut l'être. Si on
dit : "tous les hommes politiques sont pourris, ce sont des pourris", on est populiste. Si on
dit : "tous les hommes politiques sont populistes", par contre c'est vrai. Si on dit... on fait
des raccourcis, souvent. Elle est où la marge entre "populaire" et "populiste", elle est où ?
Parce que qu'est-ce qu'il vaut mieux ? Il vaut mieux une élite qui parle mais qui pour le coup
jouit en s'écoutant parler puisque personne ne les comprend et personne ne les saisit, ou
vaut-il mieux un Mélenchon - ou un autre, hein, il y en a qui sont des populistes à droite que
j'aime bien parce qu'au moins je comprend. Et même si je ne suis pas d'accord, au contraire
même, au moins il a parlé clairement, et je suis clairement pas d'accord avec ce qu'il vient
de dire. Donc la marge... et puis voilà. Est-ce que Molière était populiste ou populaire ?
Jean-Luc Mélenchon : Dès que tu deviens populaire, dans ce pays, tu es suspect d'être
un populiste. »
3/ Extraits de la vidéo « Débat avec Jean-François Kahn sur "Qu’ils
s’en aillent tous" »
« Débat avec Jean-François Kahn sur « Qu’ils s’en aillent tous » », mise en ligne le
29/01/2011, http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/01/29/debat-avec-jean-francois-kahnsur-quils-sen-aillent-tous/consultée le 18/06/2012
« Jean-François Kahn : Cette utilisation du mot "populiste" pour disqualifier la différence
systématiquement, quand on sait que "populiste", à l'origine, c'étaient les disciples de Tolstoi
qui allaient au peuple, c'étaient les fermiers américains qui refusaient l'oligarchie, pour le
96
Annexes
coup, de la finance... C'est les staliniens qui ont inventé ça, il ne faut pas oublier que c'est les
staliniens qui, pour s'opposer à tout mouvement populaire qui se réclamait pas du marxismeléninisme à la façon stalinienne, ont dit : "c'est des populistes !" C'est très intéressant de
voir aujourd'hui Alain Minc reprendre ce concept stalinien pour la même raison, c'est-à-dire
disqualifier la différence. Ça, c'est insupportable. J'ai quelquefois des discussions avec mon
ami Laurent Joffrin sur la pensée unique, qui dit que la pensée unique n'existe pas. J'admets
absolument son argument. Je dis simplement : quand vous avez un certain nombre de gens,
trois, quatre, cinq personnes - monsieur Alain Minc, monsieur Duhamel, etc - qui décident
"voilà ce qui est le cercle de la raison", voilà : "on peut être en désaccord, de gauche, de
droite, mais en gros on doit penser ça". Et vous n'êtes pas là, sur cette autoroute, vous
quittez la route, alors là vous êtes disqualifié, vous êtes hors-route, etc, vous êtes populiste !
Populiste ! Alors vous dites, vous avez le malheur de dire à un moment, vous vous laissez
aller et vous dites : "ce n'est pas normal qu'il y ai des riches de plus en riches et des pauvres
de plus en plus pauvres". Ah ! Vous êtes sorti de la route, vous êtes populiste ! Donc ça
c'est tout à fait insupportable. Mais ce qui est plus qu'insupportable, ce qui est extrêmement
grave, c'est lorsqu'à partir de cela, on vous dit : "Ségolène Royal populiste" - une petite
sortie de route -, "François Bayrou populiste" - il a attaqué les médias, petite sortie de route
-, "Mélenchon populiste", "Le Pen populiste". Bon, très bien. Alors si finalement c'est pareil,
si c'est la même chose, mettez-vous à la place des gens. Vous leur dites : "ah le Front
National, faut un cercle sanitaire, faut l'isoler, c'est pas la droite républicaine", ben de quoi
vous parlez ? Il est populiste, Marine Le Pen comme Mélenchon comme [untel], [untel]... Et
donc, à la limite, étonnez-vous ensuite que vous ayez des sondages avec une Marine Le
Pen à 18%. Ceux qui disent ça, ceux qui le disent systématiquement, comme un élément de
dévalorisation, de refus de la différence, le mot "populisme", et bien ils sont des complices
du Front National, et ils font le jeu du Front National. »
« Membre du MJS (public) : Je voudrais savoir, monsieur Mélenchon, au vu de votre
discours, en quoi on peut encore dire que vous n'êtes pas populiste ? Contrairement à ce
que monsieur kahn affirme, ce n'est pas parce qu'on sort des chemins qu'on est qualifié
de "populiste". Vous évoquez les difficultés des Français, et vous convoquez des causes et
des sources qui n'en sont pas à l'origine. Vous avancez des mesures mais on ne sait pas
comment vous faites, vous ne dites pas comment financer. (...) Vous voulez faire croire qu'on
vit dans un monde de bisounours, vous diabolisez d'un côté la richesse, et vous dites...
Public : (huées) »
« Jean-François kahn : Je voudrais dire d'abord à madame que si vous considérez que
quelqu'un est xénophobe, dites qu'il est xénophobe, si vous considérez qu'il est fasciste,
dites qu'il est fasciste, si vous considérez qu'il est raciste, dites qu'il est raciste, si vous
considérez qu'il est trotskiste, dites qu'il est trotskiste. En revanche, quelle valeur scientifique
a un qualificatif qu'on peut absolument appliquer à n'importe qui et des gens qui disent
des choses radicalement différentes ? C'est une aberration même scientifique ! J'ajoute
une chose, c'est - au moins on est tous d'accord là-dessus - qu'il faut qu'on ai le plus de
gens possible qui aident à transformer la société. Si vous leur expliquez que le summum
de l'injure, c'est un mot dans lequel il y a le mot "peuple", vous avez bien commencé vos
affaires ! Ça, je peux vous le promettre ! »
4/ Extraits de la vidéo « J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP »
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
« J.-L. Mélenchon - "Objectif Elysée" LCP », mise en ligne le 19/02/2012, http://
www.dailymotion.com/video/xoudkk_j-l-melenchon-objectif-elysee-lcp_news, consultée le
24/06/2012
« Caroline Fourest : Pour juste avancer sur la précision des mots. (...) Sur la question
du populisme, pour le coup, et là je ne suis vraiment pas d'accord, pour le coup, avec vous,
Jean-Luc Mélenchon, parce que je comprends bien qu'on vous l'a opposé de façon peutêtre abusive et que du coup vous ne supportiez pas qu'on l'utilise, mais le populisme, ça
existe. Et je prends un exemple, pour le coup vous serez peut-être plus d'accord : quand on
fait un référendum sur les chômeurs, si c'est pas du populisme, ça y ressemble fortement.
Donc, est-ce que ça existe ?
Serge Moati : La proposition de monsieur Sarkozy.
Jean-Luc Mélenchon : Non, non, non. Attendez, on ne va pas se battre pour des mots.
J'adorerais ça, hein, mais...
Caroline Fourest : Oui mais les mots sont au cœur de tout, là.
Jean-Luc Mélenchon : Vous avez commencé par poser un mot et l'attribuer à un
comportement. Mais vous êtes capable, vous, Caroline Fourest, de...
Caroline Fourest : Je vous demande : est-ce que c'est du populisme ou pas ?
Jean-Luc Mélenchon : Attendez, je suis aussi un intellectuel, comme vous.
Caroline Fourest : Oui.
Jean-Luc Mélenchon : Le mot "populisme" ne veut rien dire. Il y a une phénoménologie
du populisme, c'est-à-dire que on a qualifié de "populiste" le régime de Peron, on qualifie
de "populiste" le régime d'Orban. Les deux n'ont rien à voir. Le mot...
Caroline Fourest : Parce qu'il y a différents populismes.
Jean-Luc Mélenchon : Écoutez-moi. Le contenu de l'injure "populiste" - il y avait un
prix communiste de la littérature populiste. Pourquoi utilise-t-on le mot "populiste" ? Parce
qu'il y a un arrière-plan qui est de dire : "le peuple ne peut avoir que des instincts bas et
vils". Voilà ce que veut dire l'usage du mot "populisme". Alors on colle "populisme" à tout ce
qui semble être populaire, parce que le peuple ne peut être que bas et vil. Voilà. Caroline
Fourest, vous êtes une intellectuelle que j'admire, de grâce, pas vous, quoi ! N'allez pas
rentrer dans cette logique-là !
Caroline Fourest : Un referendum sur les chômeurs, c'est quoi ?
Jean-Luc Mélenchon : C'est de la démagogie de quelqu'un qui vient de prendre un
tournant dont personne ne parle. »
5/ Extraits de la vidéo « Le grand direct de l’info - 14/01/11 »
« Le grand direct de l’info - 14/01/11 », http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/
Le-grand-direct-de-l-info/Sons/Le-grand-direct-de-l-info-14-01-11-372261/, consultée le
29/06/2012
« Jean-Marc Morandini : On va parler de ce sondage CSA pour Marianne qui sera
publié demain dans lequel Marine Le Pen recueillerai 18% des voix à la présidentielle.
Martine Aubry de son côté ne recueille que 22%, Nicolas Sarkozy entre 25 et 28% selon son
adversaire, mais on va s'arrêter bien évidemment sur le score de Marine Le Pen. 18%, son
98
Annexes
père ne recueillait même pas la moitié de ce score un an avant la présidentielle de 2002.
Est-ce qu'on assiste, Jean-François kahn, à la montée du populisme ?
Jean-François kahn : Oui, absolument. Alors dans le sondage, je tiens à signaler que
DSK en revanche, lui, ferait 30, hein. C'est-à-dire, lui, il creuse l'écart. Oui, absolument...
Jean-Marc Morandini : Montée du populisme ?
Jean-François kahn : Oui. Moi, je ne supporte pas qu'on dise ce mot-là. Je vais vous
dire : réfléchissez deux secondes. Je dis ça à des gens quand je leur dit "réfléchissez deux
secondes", à mon avis ils sont très occupés, parce que même deux secondes, ils ne peuvent
pas consacrer ça pour réfléchir... »
« Jean-François kahn : Qu'est-ce qu'on essaye de leur dire ? (...) L'histoire de
"populisme", vous dites... aussitôt qu'on dit un mot de travers, vous êtes populiste ! Vous
osez dire que "écoutez, il y a des gens trop riche, des gens trop pauvres", vous êtes
populiste ! C'est-à-dire que déjà, il y a un côté terroriste, là ! C'est de la diabolisation
stalinienne, vous êtes terrible. Mais comme on emploie le mot : "Le Pen est lepéniste", très
bien. Bayrou est lepéniste. Ah bon ? Ségolène Royal est lepéniste. Ah bon ? Mélenchon
est lepéniste. Ah bon ? Sarkozy est... heu...
Jean-Marc Morandini : "Populiste", pas "lepéniste".
Jean-François kahn : Oui, oui, "populiste". Sarkozy est... Si tout le monde est populiste,
si Le Pen est populiste et que tout le monde est populiste, les gens ils disent : "il n'y a pas
de différence, c'est la même chose, qu'est-ce qu'on nous emmerde avec "ce monsieur n'est
pas gentil, il est méchant, etc", de toutes façons vous dites que tout le monde est populiste !"
Donc on peut voter pour l'un, pour l'autre, ça n'a aucune importance, etc. Donc tous ces gens
qui ont employé systématiquement le mot "populiste" pour faire taire ceux qui dérangent ont
fait le jeu de Jean-Marie Le Pen. »
« François de Clozets : D'accord pour dire qu'on met le populisme à toutes les sauces,
mais là où je ne serais pas d'accord avec Jean-François, c'est que je pense que le
populisme, ça existe. Simplement, il faut le situer où il est. Le populisme il est dans les
questions, il n'est pas dans les réponses. Poser uniquement les questions que se posent
les gens, ce n'est pas du populisme. Mais apporter comme réponses à ces questions la...
je dirais, la réaction instinctive, épidermique de ces gens, ça c'est du populisme. »
« Jean-François kahn : Il n'y a pas besoin d'employer le mot "populisme", t'as raison !
François de Clozets : On peut dire "démagogie".
Jean-François kahn : Voilà ! On peut dire "démagogie", on peut dire... je sais pas...
Jean-Marc Morandini : Pourquoi il gène, ce mot "populiste", je ne comprends pas ?
Jean-François kahn : D'abord, utiliser comme injure un mot où il y a le mot "peuple",
il faut le faire ! Déjà, il faut le faire ! Et la caste, la caste, qui utilise ça, c'est parce qu'elle
déteste le peuple, parce qu'elle a une haine du peuple ! Mais, là où il a raison...
Jean-Marc Morandini : Être populiste, ça ne veut pas dire "flatter les bas instincts",
justement ?
Jean-François kahn : Bah "les bas instincts", pourquoi dans "peuple" ? On n'a qu'à
employer un mot où il y a "bas instincts" !
François de Clozets : Si vous adoptez les réponses, comme vous dites, correspondant
aux bas instincts, vous êtes dans le populisme.
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Répondre au (dis)qualificatif « populiste » sur la période 2007-2012. Typologie des réactions
et stratégies argumentaires et discursives face à un terme accusatoire par quatre candidats à
l'élection présidentielle de 2012
Jean-François kahn : Mais "démagogie", ça dit mieux. »
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