Nestlé-Danone et le secteur de l`eau embouteillée

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Nestlé-Danone et le secteur de l`eau embouteillée
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NESTLE - DANONE
G1329
Par
Franck BRULHART
Université Aix-Marseille II
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TOUTE COMMUNICATION
A DES TIERS INTERDITE
Nestlé-Danone et le secteur de
l’eau embouteillée
Franck BRULHART
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion
Université Aix-Marseille II
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1
Table des matières
Introduction................................................................................................................................ 3
1.
La lutte pour le leadership du marché de l’eau................................................................... 5
1.1 Les forces en présence.......................................................................................................... 5
1.2 L’attaque des challengers d’outre atlantique ........................................................................ 5
1.3 Le secteur du « HOD »......................................................................................................... 7
1.4 Le secteur de l’eau purifiée ................................................................................................ 11
2.
Les leaders mondiaux de l’eau en bouteille ..................................................................... 11
2.1 Nestlé Waters, leader mondial en valeur ............................................................................ 11
2.2 Danone, leader mondial en volume .................................................................................... 15
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2
Introduction
La décennie 2000 est marquée par l’explosion de la consommation mondiale d’eau
embouteillée, et cette croissance devrait se poursuivre sur les années à venir. Ainsi en 2003, la
consommation d’eau en bouteille atteint 138 milliards de litres (contre 83 milliards de litres
en 2001), les prévisions tablent encore sur un doublement d’ici 2010. En fait, l’eau bénéficie
d’une croissance du marché bien supérieure à celle des autres boissons sans alcool (cf. figure
1). Cette croissance est liée d’une part, à la méfiance des consommateurs des pays développés
à l’égard de l’eau du robinet (l’eau en bouteille étant associée à des qualités de bien-être et de
santé par opposition à une eau du robinet considérée comme polluée) ou à l’égard des soft
drinks (perçus comme trop sucrés) et d’autre part, à la montée en puissance des marchés des
pays émergents (pour lesquels l’eau en bouteille constitue la solution au manque d’eau
potable et ce d’autant plus que la distribution d’eau en bouteille coûte parfois moins cher que
la remise en état du réseau d’eau potable).
Figure 1 : Taux de croissance annuel en volume entre 2003 et 2005 (prévisions)
7,00%
6,00%
5,00%
4,00%
3,00%
2,00%
1,00%
0,00%
Boissons
gazeuses
Jus de fruits
Boissons
énergétiques
Eau
embouteillée
Source : Canadean
Au sein de cette activité en pleine croissance, de nombreuses marques s’affrontent, et les
géants du secteur redoublent d’efforts pour développer leurs parts de marché. Ainsi en France,
sur les linéaires des GMS, on ne trouve pas moins d’une cinquantaine de marques différentes,
les budgets de communication explosent et les nouveaux produits (eau aromatisée1 , bonbonne
à eau etc…) se multiplient. Avec le coût d’exploitation d’une source, les politiques marketing
offensives (125 millions d’euros investis en France dans les campagnes publicitaires en 2002)
constituent des barrières à l’entrée importantes ; la notoriété des marques existantes est
tellement forte que le lancement d’une nouvelle marque devient de moins en moins aisé, ce
qui explique en partie la forte concentration du secteur.
Cependant ces phénomènes de croissance, de concentration et d’internationalisation sont à
nuancer en fonction des types de produits. En effet, le secteur de l’eau en bouteille comprend
trois familles de produits (hiérarchisées en France selon un aspect réglementaire et trois
labels). Il s’agit de la distinction entre « eau minérale naturelle », « eau de source » et « eau de
table » (ou « eau de boisson »). Dans certains pays (tels que la France où les eaux minérales
1
Les eaux aromatisées constituent le substitut principal de l’eau en bouteille car les autres boissons
rafraîchissantes sans alcool (BRSA) n’entrent en concurrence que marginalement avec les eaux plates.
Cependant, malgré une croissance à deux chiffres (près de 20% en France en 2002), leur poids reste encore
réduit pour peser significativement sur la croissance globale du marché.
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représentent deux tiers des ventes), les consommateurs sont très sensibles aux labels de
qualité ; dans d’autres au contraire, les consommateurs, dans leur majorité, privilégient
l’aspect prix (Etats-Unis par exemple).
1. « L’eau de source » a une origine souterraine ; elle est naturellement pure, issue de nappes
d’eaux souterraines non polluées, profondes ou protégées des rejets dus aux activités
humaines ; les eaux dites de source sont des eaux naturellement propres à la
consommation humaine. Elles ne doivent subir aucun traitement mais doivent se
conformer aux mêmes normes de potabilité que l’eau du robinet. Les seuls traitements
qu’il soit permis de leur appliquer afin d’éliminer les éléments instables que sont les gaz,
le fer et le manganèse, sont l’aération, la décantation et la filtration. Les eaux
naturellement gazeuses, qui contiennent du gaz carbonique dissous, peuvent également
être regazéifiées avant d’être embouteillées. Ces eaux de source sont en général
consommées au niveau régional car leur transport en augmenterait trop le coût. En outre,
ces eaux de source sont trois fois moins onéreuses que les eaux minérales d’où le
différentiel de prix qui explique en partie le décalage du rythme de croissance.
2. Les « eaux minérales » sont des eaux de source ayant des propriétés particulières. Elles
ont des teneurs en minéraux et en oligo-éléments susceptibles de leur conférer des vertus
thérapeutiques, et leur composition est stable dans le temps. Comme les eaux de source,
elles ne peuvent être traitées mais elles n’obéissent pas aux normes de potabilité
appliquées aux eaux de sources et du robinet. Dans la législation, il n’existe pas de taux
maximum de minéralisation. Une eau se caractérise par ses vertus médicinales, « ses
caractéristiques sont de nature à lui apporter des propriétés favorables à la santé ». En
France, une eau ne peut être qualifiée de minérale que si elle a été reconnue comme étant
bénéfique pour la santé par l’Académie Nationale de Médecine. Toutes les eaux minérales
ne sont pas de qualité identique, puisque la qualité d’une eau brute dépend de la nature des
sols dans lesquels elle a voyagé. Il existe donc autant d’eaux minérales qu’il y a de
sources, soit plus d’un millier en France qui possède 70 marques d’eaux minérales.
3. Les « eaux de table » désignent de l’eau du robinet (ou de puits) mise en bouteille et qui
peut être gazéifiée ou déchlorée. L’eau dite du « robinet » est celle délivrée dans les
agglomérations par un réseau de distribution. Cette eau a des origines diverses et subit
généralement un traitement qui assure sa potabilité, mais qui peut donner un goût ou une
odeur altèrant son appétence. L’eau du robinet a la réputation populaire de n’être ni
naturelle, ni pure. Pourtant, elle répond à des normes physico-chimiques et
bactériologiques strictement indiquées par des directives européennes (références en
cartouches).
Certains pays en revanche, comme les États-Unis, autorisent la commercialisation, sous
l’appellation "eaux de source"(ou « eaux purifiées ») d’eaux traitées chimiquement : ces
traitements visent soit à ôter des substances indésirables soit à ajouter des substances
manquantes, c’est-à-dire à rendre ces eaux potables et de meilleure qualité. Forte de cet
exemple et face à la menace grandissante de pollution des sources, l’Europe s’apprête
aujourd’hui à suivre cette démarche.
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1.
LA LUTTE POUR LE LEADERSHIP DU MARCHE DE L’EAU
1.1 LES FORCES EN PRESENCE
Le marché mondial de l’eau embouteillée apparaît particulièrement concentré puisque les
deux acteurs majeurs (Nestlé et Danone) représentent à eux seuls et selon les zones
géographiques entre 18% et 46% des parts de marché 2 . En outre cette tendance se poursuit
puisque ces entreprises consolident et accentuent leur stratégie de fusion-acquisition dans une
course frénétique à la taille critique et à la part de marché (ainsi entre 2001 et 2003 Nestlé, qui
reste le leader mondial de l’eau en bouteille, a réalisé l’acquisition de plus de 12 grandes
entreprises dans ce secteur aussi bien en Europe qu’en Asie, au Moyen-Orient et sur le
continent américain). Cependant, l’attractivité du secteur est telle que d’autres géants des
boissons venus notamment des soft drinks se précipitent sur le créneau (Coca et PepsiCo par
exemple) de même que des outsiders locaux (Castel Neptune en France par exemple), des
grands distributeurs qui lancent leurs propres marques 3 (Puits Saint Georges pour Casino,
Carat pour Intermarché) ou certaines entreprises étrangères (Ty Nant, Ramlösa etc…).
Figure 2 : les groupes en présence et leurs marques principales
Nestlé
Danone
Coca-cola
Pepsico
Castel Neptune
Aquarel,
Perrier,
Vittel,
Contrex,
Valvert,
San
Pellegrino, Quezac…
Evian, Volvic, Dasani,
Badoit, Dannon Bonaqua
Water, Wahaha,
Arvie, Salvetat…
Ciel, Aquafina
Autres
Cristaline,
Vichy Puits Saint Georges,
Célestins ou Saint Yorre Carat Ty
Nant,
Ramlösa…
1.2 L’ATTAQUE DES CHALLENGERS D’OUTRE ATLANTIQUE
Sur le marché mondial, les deux leaders historiques ne sont plus seuls et les cartes sont en
passe d’être redistribuées : en effet, CocaCola et PepsiCola se montrent de plus en plus
incisifs en multipliant les acquisitions ainsi que les manœuvres de conquête de nouveaux
marchés par l’utilisation des marques dont la notoriété ne cessent de croître : Dasani pour
Coca et Aquafina pour Pepsi (cf. figure 3). Ainsi, si en Amérique du Nord, Nestlé reste leader
avec plus de 30% des parts de marché, Danone (14%) y est quasiment égalé par les deux
challengers (8% pour Coca et près de 10% pour Pepsi). En Amérique latine, Danone (avec
14% de parts de marché) a de plus en plus de difficulté à résister aux attaques de Pepsi (10%)
et de Coca (8%) alors que Nestlé a traditionnellement négligé ce marché (4% de parts de
marché). En Asie (qui représente aujourd’hui le marché le plus prometteur avec une
croissance de plus de 16%, Danone résiste encore bien (avec 14% des parts de marché) face à
Nestlé (6.5%), Coca (6%) et Pepsi (1%). Enfin, en Europe, la position des deux leaders
traditionnels reste pour l’instant incontestée puisque Danone réalise 13% des parts de marché
et Nestlé représente 16% des parts de marché contre 2% pour Coca et 1% pour Pepsi.
2
En France par exemple, cette industrie est très fortement concentrée puisqu’une poignée d’entreprises réalise
plus de 75% du CA du secteur. Cette concentration s’explique en partie par le niveau élevé des coûts
d’exploitation d’une source et par l’ampleur des manœuvres marketing à mettre en œuvre.
3
En France, les MDD prennent une importance croissante et la grande distribution investit lourdement dans ce
domaine en construisant des usines de fabrication d’eaux embouteillées (c’est le cas en 2002 pour Leclerc et
Intermarché) ou en faisant appel à des producteurs d’eau.
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Figure 3: Répartition des parts de marché dans le monde
(en valeur)
40%
30%
20%
10%
0%
Amérique du Amérique Latine
Nord
Danone
Nestlé
Europe
CocaCola
Asie
PepsiCola
Source : L’usine nouvelle
Ainsi, devant les perspectives de rentabilité et de croissance du marché de l’eau en bouteille,
les deux challengers se montrent de plus en plus agressifs, multipliant les nouvelles
implantations et les acquisitions et s’appuyant sur leur têtes de pont : Dasani et Aquafina. Aux
Etats-Unis, Coca et Pepsi ont investi le marché avec succès en déstabilisant au passage
Danone qui a dû confier la commercialisation et le marketing de ses marques au groupe CocaCola pour redresser son activité. Au-delà du marché américain, pour Coca, la pénétration du
marché européen constitue une des priorités de l’entreprise, et l’eau en bouteille est appelée à
devenir le deuxième gisement de croissance derrière les soft drinks. L’ambition de l’entreprise
dans ce domaine est de quadrupler ses ventes d’eaux d’ici à 2006 et d’accroître de manière
significative l’importance de cette division dans ses ventes européennes pour la faire passer de
1,5% à 10% comme le montre par exemple le rachat du Suisse Valser. Les deux industriels du
soft drinks sont donc prêts à investir très lourdement pour profiter de cette nouvelle manne et
présentent des profils impressionnants (cf. figure 4) notamment en ce qui concerne leur marge
nette. Les investissements éventuels pourraient facilement être nourris par les revenus des
vaches à lait des groupes.
En fait, si jusqu’en 2002, certains doutaient de la capacité de Coca ou de Pepsi à jouer un rôle
hors des Etats-Unis, le discours des analystes du secteur semble avoir évolué. Dans cette
perspective, l’une des grandes forces de Coca comme de Pepsico réside dans la taille et
l’efficacité de leur réseau de distribution. Coca est en effet présent, au travers de son soft
drink, dans la quasi-totalité des commerces de détail du monde entier, et Pepsi est devenu
incontournable dans la majorité des circuits de distribution grâce à son portefeuille de
marques très étoffé (Pepsicola, Tropicana, Gatorade, SevenUp, etc…).
Figure 4 : les 4 acteurs en présence
Résultat
CA
2002
(milliards
(milliards d'euros)
d'euros)
Danone
13,5
Nestlé
60,5
CocaCola 18
Pepsico
23
Sources mixtes
net
Marge nette
Part du CA
réalisée dans
l'eau
1,3
9,50%
36%
5,2
8,40%
8,60%
2,8
15,50%
NC
3
13,10%
NC
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Pour autant, face à la menace des deux challengers anglo-saxons, Nestlé semble avoir moins à
craindre de cette nouvelle concurrence que Danone. En effet, l’entreprise suisse réalise moins
de 9% de son CA dans cette activité, ce qui n’est pas le cas de Danone qui en réalise plus du
tiers (36%). D’autant qu’en termes de distribution, Danone souffre d’un retard important
puisque, si sa position est bien établie dans la grande distribution et la restauration, il n’en est
pas de même dans les autres circuits ; l’une des priorités à court terme de l’entreprise réside
d’ailleurs dans le développement de la couverture géographique pour les petits contenants de
Volvic ou de Badoit, là où ils peuvent être consommés directement. Dans le courant 2002 et
pour pallier ses insuffisances de « distribution numérique », Danone a passé une série
d’accords avec son concurrent Coca-cola pour que celui-ci commercialise ses eaux en
bouteille (Dannon Water, Sparkletts etc…).
La raison de cette décision : élargir sa cible clientèle et tenter de toucher les « américains
moyens » qui raffolent de l’eau purifiée et ne font pas véritablement la différence avec l’eau
minérale. En effet, même si Evian bénéficie d’un succès intéressant aux Etats-Unis, Danone
ne parvient à toucher pour l’instant essentiellement que les « happy few ». Dans ce contexte,
l’implantation de Coca (dans les « general stores », les commerces de proximité ou les
distributeurs automatiques) ouvre à Danone des perspectives attractives.
Cependant, Coca et Pepsico, malgré tous leurs atouts n’ont pas partie gagnée. En effet, si leur
légitimité est certaine en Amérique du Nord, elle reste faible dans les pays où la culture de
l’eau minérale domine : en Europe de l’Ouest (c’est le cas en France ou en Italie), dans
certains pays de l’Europe de l’Est ou encore au Moyen-Orient et au Maghreb. C’est pourquoi
la stratégie de Coca comme de Pepsi en Europe reste prudente en se limitant à certains
marchés (la Russie, l’Allemagne, l’Espagne ou la Grande-Bretagne par exemple pour Coca) et
en avançant très progressivement.
1.3 LE SECTEUR DU « HOD »
Un des créneaux les plus porteurs aujourd’hui est constitué par le HOD (« Home and office
Delivery ») c'est-à-dire les bonbonnes livrées au bureau ou à domicile. En effet, à l’échelle
mondiale, les eaux en bonbonne représentent 28% des volumes d’eau embouteillée avec un
taux de croissance de l’ordre de 15% par an. En Europe, ce segment est le plus dynamique du
marché (avec 40% de croissance moyenne par an depuis 1995). Ce créneau constitue
aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de la bataille que se livrent Danone et Nestlé (pour le
moment, les deux challengers, Coca et Pepsi, ne sont pas encore implantés sur ce marché).
Dans cette perspective, la pénétration de ce marché conduit les deux leaders à des manœuvres
de croissance externe parfois très lourdes financièrement.
En 2003, Danone est leader mondial de ce marché : numéro un en Asie, en Turquie, en
Argentine, au Canada (acquisition de Naya Inc en 2000, de Sparkling Spring Water et de
Patrimoine des eaux du Quebec en 2002) et aux Etats-Unis (rachat de McKesson Water, n°3
du marché de l’eau américain en 2000). En 2002 Danone rachète pour 240 millions d’euros
Château d’eau (50 millions d’euros de CA) : leader français du secteur et acteur majeur du
marché européen avec des positions fortes en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni.
L’entreprise multiplie également les joint ventures : fin 2003, Danone a ainsi annoncé le
regroupement par le biais d’une co-entreprise, de l’ensemble de ses activités HOD aux Etats-
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Unis avec Suntory Water 4 , ce qui lui permet de devenir la première société de HOD aux EtatsUnis et de détenir la plus forte implantation géographique (40% des parts de marché). Dans le
même temps, Danone, qui a multiplié ses volumes de vente par sept en trois ans, conclut un
autre accord de joint venture avec Eden Springs 5 , ce qui le hisse à la seconde place
européenne (avec 20% des parts de marché et un parc installé de 350 000 fontaines) et lui
permet de surclasser Nestlé sur le marché mondial avec plus de 1150 millions d’euros de
vente contre 900 millions d’euros pour son concurrent suisse. En 2004, Danone poursuit sa
stratégie de renforcement de sa position dans le HOD en prenant le contrôle de Arco Iris, l’un
des acteurs majeurs du HOD au Mexique ; cette acquisition sur le premier marché mondial en
volume s’inscrit dans la stratégie de développement de Danone sur cette zone et fait suite à
divers accords locaux conclus en 2003 (prise de participation dans Ultra Pura et acquisition de
Aqua Pura).
De son côté, même relégué à la seconde place, Nestlé fait tout pour rattraper son retard : sur
les principales acquisitions effectuées au cours des deux dernières années, dix concernaient le
HOD (Opalia en France, Aqua Spring en Grèce, Saint Spring en Russie, Sparkling Spring
Mineral Water aux Etats-Unis…) ; de la même façon, en février 2003 l’entreprise n’a pas
hésité à dépenser 560 millions d’euros pour racheter Powwow (leader européen de l’eau en
bonbonne). Aujourd’hui, Nestlé Waters distribue des bonbonnes dans 18 pays (ce qui
contribue à hauteur de 16% de son CA) contre seulement deux il y a deux ans. En fait, Nestlé
était arrivé le premier sur ce marché aux Etats-Unis dès 1984 avec des marques comme
Poland Spring ou Arrowhead, devenant le leader avec 30% des parts de marché. La stratégie
du leader suisse s’est alors orientée majoritairement vers les zones développées à fort revenu
par habitant comme le Moyen-Orient ou l’Europe, au contraire de Danone qui a privilégié les
marchés émergents comme l’Amérique centrale ou l’Asie. Cette différence de stratégie se
traduit d’ailleurs très clairement sur les profils de marge dégagée par les deux concurrents sur
ce créneau puisque Danone, qui vend plus de deux fois plus en volume que Nestlé (6,5
milliards de litres contre 3 milliards de litres) réalise un CA supérieur de seulement 27% à
celui de son principal compétiteur. Ces choix ont donc permis à Danone de se retrouver à la
tête de marchés pesant 80% du marché mondial en volume (contre 17% pour l’Amérique du
Nord et 3% pour l’Europe) et encore promis à des taux de croissance élevés. Par ailleurs, ces
choix stratégiques ont forcé Danone à développer de nouvelles compétences correspondant
aux spécificités locales (gestion de la flotte de camions au Mexique, livraison à bicyclette en
Chine, commercialisation en supermarché en Indonésie etc.…).
Cependant, ce marché est encore au stade du démarrage en France et plus généralement en
Europe (la consommation d’eau en bonbonne est évaluée à 2,4 litres par personne en Europe
contre 20 litres sur le continent américain) et la vente de « HOD » ne représente encore
qu’une part mineure du marché de l’eau embouteillée (cf. figure 5).
4
Suntory Water Group est une filiale de Suntory Limited, leader japonais des boissons alcoolisées et non
alcoolisées. L’accord prévoit que Suntory Limited dispose d’une option lui permettant de céder sa participation
au groupe Danone en deux étapes, au bout de 3 et 5 ans.
5
Dans un premier temps, Danone détient 53.5% du nouvel ensemble et dispose d’une option d’acquisition de
100% du capital de la société exerçable à partir de 2008.
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Figure 5 : Importance relative du "HOD" dans les ventes d'eau
embouteillée (volume)
80,00%
80,00%
60,00%
35,00%
40,00%
2,00%
20,00%
0,00%
Europe
Etats-Unis
Amérique Latine
Source : L’usine nouvelle
En effet jusqu’en 1993, un arrêté ministériel (largement défendu par les industriels de l’eau
minérale) limitait à deux litres l’embouteillage de l’eau en France. Cependant, s’appuyant sur
le code du travail qui impose aux employeurs de mettre de l’eau potable et fraîche à la
disposition de leurs salariés, certaines entreprises parviennent à importer ces grands
conditionnement (l’administration imposera alors l’appellation « eau de boisson » pour ces
nouveaux types de produits conditionnés en contenant de plus de 8 litres). De 1993 à 1994
Château d’eau multiplie par dix son chiffre d’affaires et le marché français s’ouvre et se
développe avec une structuration progressive des acteurs qui passeront de plus de 150 dans les
années 90 à moins d’une douzaine aujourd’hui, avec la venue des deux géants de
l’agroalimentaire pour lesquels ce créneau constitue également le moyen de compenser les
pertes de parts de marché de leurs eaux minérales face aux eaux de source.
Aujourd’hui, l’on estime à 250 000 le nombre de fontaines à eau installées sur le territoire
national mais le taux de croissance est très élevé (20% / an), et le potentiel français est évalué
à plusieurs millions de fontaines à installer dans les entreprises et les organisations
susceptibles de proposer ce service. En outre dans un contexte caractérisé par des exigences
croissantes en termes de qualité et d’hygiène, les fontaines et leurs gobelets jetables
constituent une solution alternative souhaitable par rapport à l’eau du robinet. Pour autant,
dans cette optique, l’une des clefs de la réussite des distributeurs et l’un des centres de coût
principal résident dans l’entretien de ces fontaines (cf. figure 6) qui constituent en cas
d’infection le maillon faible de la chaîne.
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Figure 6 : structure des coûts - fontaine HOD
Marge
Entretien
Amortissement de la
fontaine
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
Source : Le Nouvel Economiste
Malgré ces perspectives de croissance importantes, la conquête de ce secteur s’annonce
difficile et coûteuse. Sur le marché français et européen, il sera d’une part nécessaire de
convertir les particuliers à ce nouveau mode de consommation (en Europe, 98% des fontaines
sont installées hors domicile contre 2% seulement à domicile alors qu’aux Etats-Unis par
exemple, la répartition est de 50/50) et il sera d’autre part impératif pour les entreprises de
développer les compétences logistiques associées à ce créneau en croissance.
Nestlé et Danone investissent lourdement dans ce secteur et font aujourd’hui le pari des
particuliers même si, pour l’instant, l’administration française leur interdit de livrer
directement les foyers en fontaine. En ce sens, l’évolution de la réglementation leur
permettrait alors de profiter d’une croissance exponentielle de ce marché, les bonbonnes se
substituant dès lors en partie, aux conditionnements en bouteille. Ce nouveau « modèle
économique » s’appuierait alors sur l’émergence d’une relation suivie, récurrente et durable
avec le consommateur final, sur une augmentation des marges par élimination des
intermédiaires et sur une maîtrise stricte des coûts logistiques qui vont représenter l’immense
majorité de la structure des coûts dans cette activité (cf. figure 7).
Figure 7 : Structure des coûts - bonbonne "HOD"
Gestion des stocks en entrepôt et marge
Transport des bonbonnes et livraison au client
Remplissage et transport de la source au dépôt
Investissement en bonbonne (réutilisées)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
Source : Le Nouvel Economiste
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1.4 LE SECTEUR DE L’ EAU PURIFIEE
Hors d’Europe, un des enjeux majeurs réside dans la conquête du marché des eaux purifiées
qui présente également un potentiel de croissance considérable. En effet, à l’échelle mondiale,
et exception faite de l’Europe où l’eau minérale est traditionnellement reconnue, les
consommateurs ne font pas véritablement de distinction entre eau minérale et eau purifiée
(dans certains pays, notamment en Asie, l’idée d’une eau puisée dans le sous-sol constitue
même un motif de méfiance et de réticence). Or pour les entreprises de ce secteur, l’eau
purifiée est beaucoup plus facile à produire dans la mesure où il suffit de filtrer et de purifier
l’eau du robinet (voire parfois de l’enrichir en ajoutant des substances manquantes).
Ce segment représente donc une voie d’entrée privilégiée pour les challengers de ce secteur
que sont Coca et Pepsi. Ceux-ci ont en effet l’opportunité de profiter de la demande forte pour
ce type de produit sur le continent américain et d’utiliser leurs compétences en matière de
circuit de distribution et de couverture géographique. En outre, les investissements de départ
sont d’autant plus faibles pour Coca ou Pepsi que les embouteilleurs partenaires qui prennent
en charge la phase industrielle sont implantés partout en Amérique, ce qui permet de réduire
du même coup la facture logistique. La conséquence naturelle de cette situation est que les
marges obtenues sur l’eau purifiée sont bien plus importantes que celles des eaux minérales
ou des eaux de source puisque le rapport est de l’ordre de un à trois. Bien sûr, cet état de fait
n’a pas échappé aux leaders traditionnels du secteur (Danone et Nestlé) qui lancent à leur tour
leurs marques d’eau purifiée. Ainsi Danone s’est associé au chinois Wahaha pour lancer une
marque qui a capté depuis 1996 plus de 30% du marché et qui est aujourd’hui considérée
comme l’une des cinq marques phares du groupe.
2.
LES LEADERS MONDIAUX DE L’EAU EN BOUTEILLE
2.1 NESTLE WATERS , LEADER MONDIAL EN VALEUR
Premier groupe alimentaire mondial avec un CA de plus de 60 milliards d’euros, l’entreprise
Nestlé intervient dans divers domaines d’activité : la nutrition, les produits laitiers, les glaces
(pour un total de 26% du CA), les boissons (26%), les produits culinaires (18%), les chocolats
et la confiserie (12%), les produits pour animaux de compagnie (12%) ainsi que les activités
hors domicile (restauration hors foyer). L’entreprise est entrée dans le secteur des eaux
minérales en 1969 avec le rachat de 30% des parts de la Société générale des Eaux de Vittel
avant d’en acquérir la majorité en 1987. Depuis, en 15 ans, l’entreprise s’est offert le titre de
numéro 1 mondial de l’eau en bouteille (en valeur) avec plus de soixante dix marques
rachetées et toutes conservées ; en 1992, Nestlé lance une OPA sur Perrier avant de fusionner
Perrier et Vittel dans une seule entité en 1993 qui regroupera toute son activité eau.
En 1999, Nestlé lance pour la première fois une eau sous sa marque (Nestlé Pure Life) qui
sera suivie par une seconde un an plus tard (Nestlé Aquarel). Enfin en 2002 l’entreprise
rebaptise Perrier-Vittel en Nestlé Waters. Aujourd’hui, Nestlé Waters, qui vend une bouteille
d’eau sur sept dans le monde entier, est passé d’un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros en
1993 à 5,2 milliards d’euros en 2002 et poursuit ses efforts en investissant toujours plus dans
cette activité considérée comme l’une des sources de croissance majeure du groupe. Grâce
aux liquidités générées par les autres activités (café, chocolat, glaces etc.…), Nestlé poursuit
ses acquisitions et veut s’imposer dans tous les segments du marché en développant ses
actions marketing et en élargissant son portefeuille de marques.
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Sa présence la plus forte se situe en Europe et en Amérique du Nord où l’entreprise écoule
près de 90% de sa production. Ces deux marchés sont en effet les plus rentables et les
perspectives de croissance y sont encore favorables (10% pour l’Amérique du Nord et 5%
pour l’Europe). Cette implantation permet à Nestlé qui vend moins d’eau que Danone de
réaliser un chiffre d’affaires d’un tiers plus élevé que son rival (implanté très largement dans
les zones émergentes). Pour autant, Nestlé se positionne aujourd’hui sur ces marchés
émergents pour assurer son développement futur. C’est le cas en Amérique latine où Nestlé se
développe rapidement avec Nestlé Pure Life (notamment en Argentine où il est numéro 2, au
Mexique et au Brésil). C’est le cas également en Asie où, si la consommation annuelle par
habitant reste très disparate (43 l. en Thaïlande pour 2 l. au Pakistan), les perspectives de
croissance apparaissent très importantes ; Nestlé est ainsi numéro 1 au Vietnam (la Vie) et
innove en Thaïlande en proposant sa marque Minéré dans de nouveaux formats. Enfin, Nestlé
poursuit sa politique d’acquisition et de joint venture au Moyen-Orient et progresse en
direction de l’Afrique avec Nestlé Pure Life ; l’entreprise est numéro 1 en Arabie Saoudite, en
Jordanie, en Egypte, numéro 2 en Afrique du Sud. Sur ces différents marchés, l’entreprise
affirme sa volonté d’innover en utilisant ses marques locales (formats, conditionnements et
packaging).
Par ailleurs, Nestlé tente de maintenir une stratégie de différenciation sur ses différentes
marques en investissant massivement dans la publicité. Ainsi son budget publicité est estimé à
70 millions d’euros (contre moins de 50 millions pour Danone), ce qui en fait le neuvième
annonceur mondial. Dans cette perspective, Nestlé multiplie les actions publicitaires et utilise
tous les moyens à son service : publicité traditionnelle, sponsoring (Perrier et le tournoi de
Roland Garros, Buxton et le tournoi de Wimbeldon, Poland Spring et le marathon de NewYork, Aquarel et le Tour de France). Ces stratégies marketing offensives permettent ainsi à
l’entreprise de lutter contre la percée des MDD et de consolider la notoriété de ses marques,
gage de sa stratégie de différenciation sur un produit à la base relativement banalisé.
L’ambition de l’entreprise est de toucher tous les consommateurs, quel que soit leur mode de
consommation. Pour cela, elle maintient un nombre pléthorique de marques et en lance même
de nouvelles : aux côtés de ses cinq marques premium (Perrier, Vittel, Aqua Panna, Contrex
et San Pellegrino), l’entreprise a créé Nestlé Pure Life à destination des pays émergents (mais
lancée fin 2003 aux Etats-Unis) et Nestlé Aquarel pour le marché européen.
Ces deux marques sont nées du constat de la généralisation sur la planète du besoin d’une eau
saine destinée à toute la famille, d’un goût agréable, à prix accessible et adaptée aux
particularités locales. Ce constat a initié un nouveau mode de production multi-sites d’eau
embouteillée : produire une eau de même marque à partir de plusieurs sites. Ces dernières
bénéficiant du label d’eaux de source sont donc puisées dans différentes sources locales mais
vendues sous le même label afin de protéger la rentabilité (le transport d’eaux de source étant
rendu difficile du fait du coût relatif induit, cette solution permet à l’entreprise de capitaliser
sur une marque mondiale tout en minimisant les coûts logistiques, de stockage et de
transport). Nestlé Pure Life, lancée au Pakistan en 1998, a été la première illustration du
concept multi-sites. Destinée dans un premier temps à répondre aux besoins des populations
des pays émergents en attente d’une eau saine, la marque est aujourd’hui présente sur tous les
continents (Canada, USA, Mexique, Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite,
Jordanie, Egypte, Liban, Turquie, Russie, Chine, Thaïlande, Philippines…). L’objectif de
l’entreprise est d’en faire la première marque globale, à la plus large diffusion dans le monde
d’ici 2010. Reprenant un même modèle de production multi-sites, Aquarel a été lancée
simultanément dans 6 pays européens pour être présente aujourd’hui dans la plupart des pays
de l’Europe ; source faiblement minéralisée, plate ou gazeuse, elle offre une alternative milieu
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de gamme répondant aux besoins de toute la famille. Enfin, Nestlé conserve toute une série de
marques purement locales (Plancoët en Bretagne ou Abatilles en Gironde) avec le même
objectif : répondre à toutes les attentes et être présent sur tous les segments. Parallèlement,
l’entreprise veut que ses produits soient présents dans toutes les situations de consommation.
Elle décline ses marques (notamment les marques internationales) sous le plus grand nombre
de formats possibles pour coller à toutes les situations de la vie quotidienne (au domicile, au
restaurant, au bureau, dans la rue, etc.…). Elle souhaite aussi aborder tous les circuits de
distribution (cf. figure 8). Etre présent partout, à tout moment et en toute circonstances est un
véritable credo pour Nestlé Waters.
Figure 8 : les différents packaging Vittel
Type de packaging
Situation de consommation et circuit de distribution
33 cl plastique classique
Achat d’impulsion : distributeurs automatiques, kiosques à
journaux
50 cl plastique
Accompagne un repas rapide : grande surface, cafétéria, TGV
Pour les sportifs : grandes surfaces, clubs de gym, stations
75 cl plastique sport
services
A consommer à la maison, en famille, au bureau : grandes
1,5 l plastique
surfaces, épiceries…
1 l verre
Au restaurant
50 cl verre
Au restaurant
25 cl verre
Format « quart vittel » dans les bars
50 cl plastique ronde
Achat d’impulsion : distributeurs automatiq ues
33 cl plastique ronde
Achat d’impulsion : distributeurs automatiques
Source : Management
Pour atteindre cet objectif d’innovation et de renouvellement permanent des produits, des
tailles et des formes de bouteilles, Nestlé met tous les moyens en œuvre en investissant dans
le marketing mais aussi dans la R&D (qui représente près de 11% du CA et est considérée
comme un des moteurs de la croissance de l’entreprise). C’est le cas notamment dans le
domaine des eaux aromatisées (avec par exemple Perrier fluo), stimulées par la désaffection
des consommateurs pour les sodas jugés trop sucrés. C’est le cas également avec le lancement
de « l’eau de Perrier » en 2003 en France et en Belgique dans un premier temps.
En effet après avoir conquis une clientèle jeune avec Perrier fluo (15 millions de bouteilles
vendues en 2002), le groupe lance désormais sa marque sur le segment des eaux finement
pétillantes (Badoit, San Pellegrino) qui représente les deux tiers du marché européen de l’eau
gazeuse, avec l’objectif de vendre une centaine de millions de bouteilles d’ici trois ou quatre
ans. Mais Nestlé met également l’accent sur la réduction des coûts. En effet, grâce à une
bonne communication sur la sécurité et le confort du consommateur d’une part, sur la facilité
de consommation d’autre part, le groupe est passé du verre au plastique, ce qui lui a surtout
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permis de réduire de façon importante ses coûts logistiques tout en maintenant sa politique de
prix. Le contenant concentre en effet une part considérable du coût de revient (cf. figure 9).
Dans ce domaine, les opérateurs utilisent majoritairement les matières plastiques aux dépens
du verre soufflé (qui concerne essentiellement les produits hauts de gamme et la restauration)
et depuis les années 90, le PVC laisse progressivement sa place au PET pour la fabrication des
bouteilles. En effet, d’une part le PVC est considéré comme polluant et d’autre part le PET
offre de nombreux avantages : résistance aux chocs et aux déchirures, compactage, aspect
cristallin du produit ; raison pour lesquelles il est aujourd’hui adopté par la grande majorité
des opérateurs.
Figure 9 : Coût de revient d'une bouteille d'eau (matière première
exclue)
Stockage et
manutention
19%
Maintenance et taxes
6%
Packaging
49%
Energie
13%
Main d'œuvre
13%
Source : Management
Dans cette perspective, l’une des priorités du groupe demeure l’augmentation de la rentabilité
de cette activité (cf. figure 10). Cette volonté de rentabilité passe notamment par certaines
actions de « recentrage » puisque fin 2003 Nestlé s’est retiré du marché indien (où le groupe
commercialisait Perrier, San Pellegrino et Nestlé Pure Life) car les retours n’étaient pas
suffisamment satisfaisants : distribution morcelée, prix trop élevés et concurrence exacerbée
avec l’arrivée de Coca. Enfin, face à cette nouvelle concurrence au plan mondial, l’entreprise
a lancé plusieurs actions de restructuration avec l’objectif de rationaliser les coûts de
production comme les coûts administratifs (licenciements, suppression des activités
périphériques, externalisation…).
Figure 10 : CA et résultat opérationnel (Nestlé Waters)
En millions de CHF
2001
2002
2003
Chiffre d'affaires
8482
9199
9251
Résultat opérationnel
622
696
782
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2.2 DANONE, LEADER MONDIAL EN VOLUME
Danone rentre dans le secteur de l’eau en bouteille dans la décennie 1970. Après la fusion
entre les deux sociétés verrières françaises Glaces de Boussois et Verrerie Souchon Neuvesel,
en 1966 apparaît le groupe BSN (Boussois Souchon Neuvesel) qui réalise un CA de 150
millions d’euros dans le verre plat et le verre d’emballage. A partir de 1970, BSN engage une
stratégie de diversification dans l’alimentaire en rachetant successivement les Brasseries
Kronembourg, la Société Européenne de Brasserie et la Société des Eaux Minérales d’Evian.
En 1973 BSN fusionne avec Gervais Danone devenant le premier groupe alimentaire français.
Dans les années qui suivent, BSN poursuit son développement dans l’agro-alimentaire à la
fois en termes de produits et de zones géographiques et se rebaptise Groupe Danone en 1994.
En 1997, Danone engage un important programme de recentrage sur trois métiers prioritaires
à vocation mondiale (produits laitiers frais, boissons et biscuits, produits céréaliers) en
réalisant de nombreuses cessions dans les activités périphériques. Enfin, dans les premières
années de la décennie 2000, Danone se désengage du verre d’emballage et des activités
« bières » ce qui lui permet de concentrer ses moyens financiers et humains sur des métiers à
forte croissance où il occupe une position de leader mondial et sur des zones géographiques à
fort potentiel (hors Europe occidentale). Aujourd’hui le groupe est organisé en trois pôles
mondiaux : les produits laitiers frais qui regroupent les yoghourts, les desserts et les aliments
infantiles soit 47% du CA consolidé ; les boissons, c'est-à-dire essentiellement l’eau
conditionnée pour 27% du CA consolidé ; et les biscuits et produits céréaliers qui représentent
environ 23% du CA consolidé (cf. figure 11). Danone est leader mondial de l’eau en bouteille
(en volume).
Figure 11 : répartition du CA et du résultat opérationnel par pôle (groupe Danone)
2001
en
d'euros
2002
millions
en %
en
d'euros
6 928
3 796
3 371
375
14 470
47,9
26,2
23,3
2,6
100
790
432
316
60
11
1 609
49,1
26,8
19,6
3,7
0,7
100
2003
millions
en %
en
d'euros
millions
6 276
3 691
3 232
356
13 555
46,3
27,2
23,8
2,6
100
6 185
3 557
3 071
318
13 131
47,1
27,1
23,4
2,4
100
802
464
317
61
-54
1 590
50,4
29,2
19,9
3,8
-3,4
100
845
537
280
57
-115
1 604
52,7
33,5
17,5
3,6
-7,2
100
en %
Chiffre d'affaires
Produits laitiers frais
Boissons
Biscuits et produits céréaliers
Autres
Total
Résultat opérationnel
Produits laitiers frais
Boissons
Biscuits et produits céréaliers
Autres
Frais centraux non répartis
Total
Source : entreprise
Danone est aujourd’hui le premier producteur mondial (en volume) d’eau conditionnée avec
deux des cinq premières marques d’eau embouteillée (Evian et Volvic) et la première marque
mondiale d’eau conditionnée (Aqua – Indonésie). Au total, le groupe détient une part de
marché mondial de l’ordre de 11% avec 16,3 milliards de litres commercialisés en 2003.
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Danone détient des parts de marché importantes en Europe occidentale où il existe une longue
tradition de consommation d’eau en bouteille : il est leader en France avec 23% des parts de
marché volume (avec des marques comme Evian, Volvic ou Badoit), en Espagne avec 23%
des parts de marché (avec ses marques Font Vella et Fonter), en Grande-Bretagne ou en
Allemagne. Aux Etats-Unis, l’entreprise a renforcé sa position sur les grands contenants livrés
à domicile (accord avec Suntory Limited). Sur le marché des eaux en bouteille, le groupe
occupe une position importante sur le segment premium grâce à la marque Evian, dont la
commercialisation est assurée depuis 2002 par Coca Cola. En effet, en avril 2002 ces deux
goupes ont signé un accord de distribution sur la base duquel Coca-Cola gère le marketing, les
ventes et la distribution d’Evian pour la zone Amérique du Nord ; la distribution d’Evian se
faisant au travers du réseau de distributeurs de Coca-Cola 6 .
Le groupe est également présent sur le marché des eaux domestiques (Dannon et Sparkletts)
au travers de la co-entreprise créée en juin 2002 avec Coca Cola qui concrétise un partenariat
entre les deux entreprises pour la production, la commercialisation et la distribution des eaux
de source domestiques en bouteille de Danone. Par cet accord, Danone apporte à cette
nouvelle entité ses activités d’eau en bouteille aux USA, cinq sites de production, une licence
pour l’utilisation des marques Dannon et Sparkletts ainsi que pour d’autres marques. Quant à
Coca, outre son versement en cash pour 51% de ce partenariat, il apporte son savoir faire en
termes de commercialisation, de distribution et de management. Enfin au Japon, le groupe est
leader, en valeur, de l’eau embouteillée et détient une position dominante sur le segment
« premium » des eaux importées avec ses marques Volvic et Evian. En septembre 2002,
Danone a d’ailleurs signé un accord de partenariat avec Mitshubishi et Kirin Beveradge Corp.,
l’un des leaders japonais des boissons dans le but d’accélérer la croissance des ventes de la
marque Volvic au Japon et de participer au développement du marché des eaux locales. Ce
partenariat permettra à Volvic d’accéder au puissant réseau de commercialisation de Kirin (le
troisième au Japon) et de consolider sa distribution en renforçant sa présence dans les
distributeurs automatiques.
Par ailleurs, avec 31% des ventes réalisées dans les pays émergents, le groupe se rapproche de
sa cible de répartition du CA à savoir 60% pour les pays développés et 40% pour les pays en
développement. Cet équilibre vise à lui permettre de bénéficier à la fois du fort potentiel de
développement des zones émergentes et de la solidité des marchés des pays développés. Dans
cette perspective, Danone se développe en Amérique Latine où le groupe est le premier acteur
de l’eau conditionnée et occupe une position de leader en valeur sur le marché mexicain (avec
la marque Bonnafont et sa participation dans Pureza Aga), sur le marché argentin (avec les
marques Villa del Sur et Villacicencio) ainsi qu’en Uruguay. En Asie, Danone est également
le principal acteur du marché avec une part de marché globale de 20%. Il est leader en Chine 7
avec plus de 40% du marché de l’eau en bouteille (principalement sous les marques Wahaha
et Robust) et en Indonésie avec plus de 50% des parts de marché (une grande partie de son
activité étant réalisée sur le segment des grands contenants). Dans la zone Afrique du Nord,
Proche et Moyen-Orient, Danone a renforcé sa présence en Turquie (Danone Hayat), il est
présent au Maroc où il a pris une participation de 30% dans Sotherma, une des sociétés
leaders dans l’eau embouteillée. Enfin, en Europe de l’Est, le groupe est leader en Pologne
6
Dans le cadre de cet accord, Danone continue à assurer l’ensemble du développement des produits et la
stratégie de la marque Evian et Coca-Cola assure le marketing opérationnel et les fonctions support y compris les
tests de marché, le plan média, le merchandising et la gestion des promotions.
7
Le marché de l’eau en Chine est encore réduit (3l / hab. / an) mais présente une croissance forte (20 % / an).
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avec sa joint venture Polska Woda créée en 2000 et grâce à sa filiale Zywiec Zdroj acquise en
2001.
Dans cette perspective, chaque filiale du groupe est évidemment soumise aux lois et
règlements locaux en vigueur dans son pays sur les normes de production, la qualité des
ingrédients et des produits, l’étiquetage et la vente des produits finis. Pour assurer le respect
de ces normes, le Groupe et les différents pôles ont des spécialistes réglementaires ayant un
rôle d’expertise et de conseil auprès de toutes les filiales qui restent, cependant, responsables
de la bonne application de la réglementation en vigueur.
Outre cette stratégie d’équilibrage géographique entre pays développés et pays émergents, la
politique de croissance du groupe repose sur un marketing très actif visant à identifier très
précisément les besoins des consommateurs et à innover en permanence pour répondre à leurs
attentes en termes de produits ou de modes de consommation. Ainsi sur les dernières années,
le segment des eaux aromatisées s’est enrichi de nouvelles références et marques : Volvic
Magique Cassis, Salvetat Fraise pour les enfants ; la gamme Taillefine et ses déclinaisons
aromatisées ont été un succès (Danone détient 63% des parts de marché des eaux aromatisées
en France). A l’étranger, Danone activ’Aro a été lancé sur les marchés belge et britannique ;
sur le marché argentin, la gamme Ser s’est développée avec une eau pétillante peu sucrée
aromatisée (Lime & Lemon) qui est devenue n°2 peu après son lancement ; au Mexique,
Levite, l’eau aromatisée lancée en 2002 représente déjà 20% des ventes de Bonnafont en
2003. De nouveaux formats ont également été introduits dans plusieurs pays. Le lancement
d’un format 5 litres (Lanjaron, deuxième marque nationale en Espagne) va permettre à
Danone de profiter de la croissance du segment des grands contenants (40% du marché
espagnol des eaux plates avec une croissance de 10% par an). Le lancement réussi de la carafe
Montdore deux litres de la Source du Mont Dore en Auvergne cible les familles à la recherche
d’un produit pratique et esthétique. Enfin Evian Nomade, lancé au Japon en 2003 a fortement
contribué à la croissance de la marque dans ce pays.
Danone met également l’accent sur la consolidation de marques puissantes et concentrées et
sur une communication publicitaire soutenue. En effet les stratégies publicitaires et
promotionnelles constituent un élément clef dans la réussite de la politique du groupe axée sur
l’innovation et la force des marques. Danone qui mobilise des moyens financiers très
importants table ainsi sur un maintien des montants engagés en publicité (en termes de
pourcentage des ventes). Dans cette optique, l’entreprise focalise ses actions sur un nombre de
marques limité, ce qui se traduit par une utilisation toujours plus large des marques leaders
(Danone ou Taillefine par exemple).
Chaque filiale du groupe conduit par ailleurs une segmentation annuelle de son portefeuille de
marques afin de permettre une affectation optimale des moyens promotionnels et publicitaires
alloués. Le entités opérationnelles de Danone, dans chaque activité et marché géographique,
mettent au point leurs propres stratégies publicitaires, promotionnelles et commerciales, en
adéquation avec les habitudes de consommation locale. Cette décentralisation vise à conférer
la réactivité, la souplesse et la proximité nécessaires à une adaptation constante aux conditions
de marché changeantes. Par ailleurs, l’entreprise poursuit le développement de ses
programmes de marketing relationnel afin de créer une relation directe avec les
consommateurs. Cette politique s’articule, en France, autour d’une base de données de 3,5
millions de foyers, animée par un programme relationnel personnalisé et segmenté par profil
de consommateur. Ce programme inclut notamment l’envoi de Danoé, le magazine des
marques du groupe, de lettres d’informations électroniques ainsi que de coupons de réduction
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et d’offres transversales qui fédèrent l’ensemble des marques du groupe (Bingo des marques
par exemple).
Conclusion
L’eau embouteillée est devenue le secteur le plus dynamique de l’univers des boissons
rafraîchissantes, représentant 35% de ce marché. Aujourd’hui, 138 milliards de litres d’eau
embouteillée sont consommés chaque année dans le monde soit environ 22 litres par
personne. Ce marché est particulièrement actif puisqu’il enregistre des taux de croissance très
élevés qui devraient encore se maintenir dans les années à venir. En outre, ce marché est
illustré par de grandes disparités dans la consommation par habitant ; à la fois selon les zones
(L’Europe et l’Amérique du Nord comptent pour 54% de la consommation d’eau
embouteillée pour seulement 18% de la population mondiale), selon les pays (34 litres par an
et par habitant en Grande-Bretagne contre 203 en Italie), selon les conditionnements etc.…
Face à ces différents défis, de grandes entreprises s’affrontent pour tenter de se ravir le
leadership de ce marché. Elles doivent à la fois innover, s’adapter, communiquer et investir
sans cesse si elles veulent avoir une chance de l’emporter dans ce secteur de plus en plus
concurrentiel.
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