Nestlé-Danone et le secteur de l`eau embouteillée
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Nestlé-Danone et le secteur de l`eau embouteillée
DIRECTION DE L'ENSEIGNEMENT RESSOURCES PEDAGOGIQUES CCMP 49, rue de Tocqueville - 75813 PARIS CEDEX 17 Tél: 01 55 65 65 97 Fax : 01 40 54 06 93 E-mail : [email protected] Internet : www.ccip.fr/ccmp NESTLE - DANONE G1329 Par Franck BRULHART Université Aix-Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE TOUTE COMMUNICATION A DES TIERS INTERDITE Nestlé-Danone et le secteur de l’eau embouteillée Franck BRULHART Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Université Aix-Marseille II © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 1 Table des matières Introduction................................................................................................................................ 3 1. La lutte pour le leadership du marché de l’eau................................................................... 5 1.1 Les forces en présence.......................................................................................................... 5 1.2 L’attaque des challengers d’outre atlantique ........................................................................ 5 1.3 Le secteur du « HOD »......................................................................................................... 7 1.4 Le secteur de l’eau purifiée ................................................................................................ 11 2. Les leaders mondiaux de l’eau en bouteille ..................................................................... 11 2.1 Nestlé Waters, leader mondial en valeur ............................................................................ 11 2.2 Danone, leader mondial en volume .................................................................................... 15 © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 2 Introduction La décennie 2000 est marquée par l’explosion de la consommation mondiale d’eau embouteillée, et cette croissance devrait se poursuivre sur les années à venir. Ainsi en 2003, la consommation d’eau en bouteille atteint 138 milliards de litres (contre 83 milliards de litres en 2001), les prévisions tablent encore sur un doublement d’ici 2010. En fait, l’eau bénéficie d’une croissance du marché bien supérieure à celle des autres boissons sans alcool (cf. figure 1). Cette croissance est liée d’une part, à la méfiance des consommateurs des pays développés à l’égard de l’eau du robinet (l’eau en bouteille étant associée à des qualités de bien-être et de santé par opposition à une eau du robinet considérée comme polluée) ou à l’égard des soft drinks (perçus comme trop sucrés) et d’autre part, à la montée en puissance des marchés des pays émergents (pour lesquels l’eau en bouteille constitue la solution au manque d’eau potable et ce d’autant plus que la distribution d’eau en bouteille coûte parfois moins cher que la remise en état du réseau d’eau potable). Figure 1 : Taux de croissance annuel en volume entre 2003 et 2005 (prévisions) 7,00% 6,00% 5,00% 4,00% 3,00% 2,00% 1,00% 0,00% Boissons gazeuses Jus de fruits Boissons énergétiques Eau embouteillée Source : Canadean Au sein de cette activité en pleine croissance, de nombreuses marques s’affrontent, et les géants du secteur redoublent d’efforts pour développer leurs parts de marché. Ainsi en France, sur les linéaires des GMS, on ne trouve pas moins d’une cinquantaine de marques différentes, les budgets de communication explosent et les nouveaux produits (eau aromatisée1 , bonbonne à eau etc…) se multiplient. Avec le coût d’exploitation d’une source, les politiques marketing offensives (125 millions d’euros investis en France dans les campagnes publicitaires en 2002) constituent des barrières à l’entrée importantes ; la notoriété des marques existantes est tellement forte que le lancement d’une nouvelle marque devient de moins en moins aisé, ce qui explique en partie la forte concentration du secteur. Cependant ces phénomènes de croissance, de concentration et d’internationalisation sont à nuancer en fonction des types de produits. En effet, le secteur de l’eau en bouteille comprend trois familles de produits (hiérarchisées en France selon un aspect réglementaire et trois labels). Il s’agit de la distinction entre « eau minérale naturelle », « eau de source » et « eau de table » (ou « eau de boisson »). Dans certains pays (tels que la France où les eaux minérales 1 Les eaux aromatisées constituent le substitut principal de l’eau en bouteille car les autres boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA) n’entrent en concurrence que marginalement avec les eaux plates. Cependant, malgré une croissance à deux chiffres (près de 20% en France en 2002), leur poids reste encore réduit pour peser significativement sur la croissance globale du marché. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 3 représentent deux tiers des ventes), les consommateurs sont très sensibles aux labels de qualité ; dans d’autres au contraire, les consommateurs, dans leur majorité, privilégient l’aspect prix (Etats-Unis par exemple). 1. « L’eau de source » a une origine souterraine ; elle est naturellement pure, issue de nappes d’eaux souterraines non polluées, profondes ou protégées des rejets dus aux activités humaines ; les eaux dites de source sont des eaux naturellement propres à la consommation humaine. Elles ne doivent subir aucun traitement mais doivent se conformer aux mêmes normes de potabilité que l’eau du robinet. Les seuls traitements qu’il soit permis de leur appliquer afin d’éliminer les éléments instables que sont les gaz, le fer et le manganèse, sont l’aération, la décantation et la filtration. Les eaux naturellement gazeuses, qui contiennent du gaz carbonique dissous, peuvent également être regazéifiées avant d’être embouteillées. Ces eaux de source sont en général consommées au niveau régional car leur transport en augmenterait trop le coût. En outre, ces eaux de source sont trois fois moins onéreuses que les eaux minérales d’où le différentiel de prix qui explique en partie le décalage du rythme de croissance. 2. Les « eaux minérales » sont des eaux de source ayant des propriétés particulières. Elles ont des teneurs en minéraux et en oligo-éléments susceptibles de leur conférer des vertus thérapeutiques, et leur composition est stable dans le temps. Comme les eaux de source, elles ne peuvent être traitées mais elles n’obéissent pas aux normes de potabilité appliquées aux eaux de sources et du robinet. Dans la législation, il n’existe pas de taux maximum de minéralisation. Une eau se caractérise par ses vertus médicinales, « ses caractéristiques sont de nature à lui apporter des propriétés favorables à la santé ». En France, une eau ne peut être qualifiée de minérale que si elle a été reconnue comme étant bénéfique pour la santé par l’Académie Nationale de Médecine. Toutes les eaux minérales ne sont pas de qualité identique, puisque la qualité d’une eau brute dépend de la nature des sols dans lesquels elle a voyagé. Il existe donc autant d’eaux minérales qu’il y a de sources, soit plus d’un millier en France qui possède 70 marques d’eaux minérales. 3. Les « eaux de table » désignent de l’eau du robinet (ou de puits) mise en bouteille et qui peut être gazéifiée ou déchlorée. L’eau dite du « robinet » est celle délivrée dans les agglomérations par un réseau de distribution. Cette eau a des origines diverses et subit généralement un traitement qui assure sa potabilité, mais qui peut donner un goût ou une odeur altèrant son appétence. L’eau du robinet a la réputation populaire de n’être ni naturelle, ni pure. Pourtant, elle répond à des normes physico-chimiques et bactériologiques strictement indiquées par des directives européennes (références en cartouches). Certains pays en revanche, comme les États-Unis, autorisent la commercialisation, sous l’appellation "eaux de source"(ou « eaux purifiées ») d’eaux traitées chimiquement : ces traitements visent soit à ôter des substances indésirables soit à ajouter des substances manquantes, c’est-à-dire à rendre ces eaux potables et de meilleure qualité. Forte de cet exemple et face à la menace grandissante de pollution des sources, l’Europe s’apprête aujourd’hui à suivre cette démarche. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 4 1. LA LUTTE POUR LE LEADERSHIP DU MARCHE DE L’EAU 1.1 LES FORCES EN PRESENCE Le marché mondial de l’eau embouteillée apparaît particulièrement concentré puisque les deux acteurs majeurs (Nestlé et Danone) représentent à eux seuls et selon les zones géographiques entre 18% et 46% des parts de marché 2 . En outre cette tendance se poursuit puisque ces entreprises consolident et accentuent leur stratégie de fusion-acquisition dans une course frénétique à la taille critique et à la part de marché (ainsi entre 2001 et 2003 Nestlé, qui reste le leader mondial de l’eau en bouteille, a réalisé l’acquisition de plus de 12 grandes entreprises dans ce secteur aussi bien en Europe qu’en Asie, au Moyen-Orient et sur le continent américain). Cependant, l’attractivité du secteur est telle que d’autres géants des boissons venus notamment des soft drinks se précipitent sur le créneau (Coca et PepsiCo par exemple) de même que des outsiders locaux (Castel Neptune en France par exemple), des grands distributeurs qui lancent leurs propres marques 3 (Puits Saint Georges pour Casino, Carat pour Intermarché) ou certaines entreprises étrangères (Ty Nant, Ramlösa etc…). Figure 2 : les groupes en présence et leurs marques principales Nestlé Danone Coca-cola Pepsico Castel Neptune Aquarel, Perrier, Vittel, Contrex, Valvert, San Pellegrino, Quezac… Evian, Volvic, Dasani, Badoit, Dannon Bonaqua Water, Wahaha, Arvie, Salvetat… Ciel, Aquafina Autres Cristaline, Vichy Puits Saint Georges, Célestins ou Saint Yorre Carat Ty Nant, Ramlösa… 1.2 L’ATTAQUE DES CHALLENGERS D’OUTRE ATLANTIQUE Sur le marché mondial, les deux leaders historiques ne sont plus seuls et les cartes sont en passe d’être redistribuées : en effet, CocaCola et PepsiCola se montrent de plus en plus incisifs en multipliant les acquisitions ainsi que les manœuvres de conquête de nouveaux marchés par l’utilisation des marques dont la notoriété ne cessent de croître : Dasani pour Coca et Aquafina pour Pepsi (cf. figure 3). Ainsi, si en Amérique du Nord, Nestlé reste leader avec plus de 30% des parts de marché, Danone (14%) y est quasiment égalé par les deux challengers (8% pour Coca et près de 10% pour Pepsi). En Amérique latine, Danone (avec 14% de parts de marché) a de plus en plus de difficulté à résister aux attaques de Pepsi (10%) et de Coca (8%) alors que Nestlé a traditionnellement négligé ce marché (4% de parts de marché). En Asie (qui représente aujourd’hui le marché le plus prometteur avec une croissance de plus de 16%, Danone résiste encore bien (avec 14% des parts de marché) face à Nestlé (6.5%), Coca (6%) et Pepsi (1%). Enfin, en Europe, la position des deux leaders traditionnels reste pour l’instant incontestée puisque Danone réalise 13% des parts de marché et Nestlé représente 16% des parts de marché contre 2% pour Coca et 1% pour Pepsi. 2 En France par exemple, cette industrie est très fortement concentrée puisqu’une poignée d’entreprises réalise plus de 75% du CA du secteur. Cette concentration s’explique en partie par le niveau élevé des coûts d’exploitation d’une source et par l’ampleur des manœuvres marketing à mettre en œuvre. 3 En France, les MDD prennent une importance croissante et la grande distribution investit lourdement dans ce domaine en construisant des usines de fabrication d’eaux embouteillées (c’est le cas en 2002 pour Leclerc et Intermarché) ou en faisant appel à des producteurs d’eau. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 5 Figure 3: Répartition des parts de marché dans le monde (en valeur) 40% 30% 20% 10% 0% Amérique du Amérique Latine Nord Danone Nestlé Europe CocaCola Asie PepsiCola Source : L’usine nouvelle Ainsi, devant les perspectives de rentabilité et de croissance du marché de l’eau en bouteille, les deux challengers se montrent de plus en plus agressifs, multipliant les nouvelles implantations et les acquisitions et s’appuyant sur leur têtes de pont : Dasani et Aquafina. Aux Etats-Unis, Coca et Pepsi ont investi le marché avec succès en déstabilisant au passage Danone qui a dû confier la commercialisation et le marketing de ses marques au groupe CocaCola pour redresser son activité. Au-delà du marché américain, pour Coca, la pénétration du marché européen constitue une des priorités de l’entreprise, et l’eau en bouteille est appelée à devenir le deuxième gisement de croissance derrière les soft drinks. L’ambition de l’entreprise dans ce domaine est de quadrupler ses ventes d’eaux d’ici à 2006 et d’accroître de manière significative l’importance de cette division dans ses ventes européennes pour la faire passer de 1,5% à 10% comme le montre par exemple le rachat du Suisse Valser. Les deux industriels du soft drinks sont donc prêts à investir très lourdement pour profiter de cette nouvelle manne et présentent des profils impressionnants (cf. figure 4) notamment en ce qui concerne leur marge nette. Les investissements éventuels pourraient facilement être nourris par les revenus des vaches à lait des groupes. En fait, si jusqu’en 2002, certains doutaient de la capacité de Coca ou de Pepsi à jouer un rôle hors des Etats-Unis, le discours des analystes du secteur semble avoir évolué. Dans cette perspective, l’une des grandes forces de Coca comme de Pepsico réside dans la taille et l’efficacité de leur réseau de distribution. Coca est en effet présent, au travers de son soft drink, dans la quasi-totalité des commerces de détail du monde entier, et Pepsi est devenu incontournable dans la majorité des circuits de distribution grâce à son portefeuille de marques très étoffé (Pepsicola, Tropicana, Gatorade, SevenUp, etc…). Figure 4 : les 4 acteurs en présence Résultat CA 2002 (milliards (milliards d'euros) d'euros) Danone 13,5 Nestlé 60,5 CocaCola 18 Pepsico 23 Sources mixtes net Marge nette Part du CA réalisée dans l'eau 1,3 9,50% 36% 5,2 8,40% 8,60% 2,8 15,50% NC 3 13,10% NC © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 6 Pour autant, face à la menace des deux challengers anglo-saxons, Nestlé semble avoir moins à craindre de cette nouvelle concurrence que Danone. En effet, l’entreprise suisse réalise moins de 9% de son CA dans cette activité, ce qui n’est pas le cas de Danone qui en réalise plus du tiers (36%). D’autant qu’en termes de distribution, Danone souffre d’un retard important puisque, si sa position est bien établie dans la grande distribution et la restauration, il n’en est pas de même dans les autres circuits ; l’une des priorités à court terme de l’entreprise réside d’ailleurs dans le développement de la couverture géographique pour les petits contenants de Volvic ou de Badoit, là où ils peuvent être consommés directement. Dans le courant 2002 et pour pallier ses insuffisances de « distribution numérique », Danone a passé une série d’accords avec son concurrent Coca-cola pour que celui-ci commercialise ses eaux en bouteille (Dannon Water, Sparkletts etc…). La raison de cette décision : élargir sa cible clientèle et tenter de toucher les « américains moyens » qui raffolent de l’eau purifiée et ne font pas véritablement la différence avec l’eau minérale. En effet, même si Evian bénéficie d’un succès intéressant aux Etats-Unis, Danone ne parvient à toucher pour l’instant essentiellement que les « happy few ». Dans ce contexte, l’implantation de Coca (dans les « general stores », les commerces de proximité ou les distributeurs automatiques) ouvre à Danone des perspectives attractives. Cependant, Coca et Pepsico, malgré tous leurs atouts n’ont pas partie gagnée. En effet, si leur légitimité est certaine en Amérique du Nord, elle reste faible dans les pays où la culture de l’eau minérale domine : en Europe de l’Ouest (c’est le cas en France ou en Italie), dans certains pays de l’Europe de l’Est ou encore au Moyen-Orient et au Maghreb. C’est pourquoi la stratégie de Coca comme de Pepsi en Europe reste prudente en se limitant à certains marchés (la Russie, l’Allemagne, l’Espagne ou la Grande-Bretagne par exemple pour Coca) et en avançant très progressivement. 1.3 LE SECTEUR DU « HOD » Un des créneaux les plus porteurs aujourd’hui est constitué par le HOD (« Home and office Delivery ») c'est-à-dire les bonbonnes livrées au bureau ou à domicile. En effet, à l’échelle mondiale, les eaux en bonbonne représentent 28% des volumes d’eau embouteillée avec un taux de croissance de l’ordre de 15% par an. En Europe, ce segment est le plus dynamique du marché (avec 40% de croissance moyenne par an depuis 1995). Ce créneau constitue aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de la bataille que se livrent Danone et Nestlé (pour le moment, les deux challengers, Coca et Pepsi, ne sont pas encore implantés sur ce marché). Dans cette perspective, la pénétration de ce marché conduit les deux leaders à des manœuvres de croissance externe parfois très lourdes financièrement. En 2003, Danone est leader mondial de ce marché : numéro un en Asie, en Turquie, en Argentine, au Canada (acquisition de Naya Inc en 2000, de Sparkling Spring Water et de Patrimoine des eaux du Quebec en 2002) et aux Etats-Unis (rachat de McKesson Water, n°3 du marché de l’eau américain en 2000). En 2002 Danone rachète pour 240 millions d’euros Château d’eau (50 millions d’euros de CA) : leader français du secteur et acteur majeur du marché européen avec des positions fortes en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. L’entreprise multiplie également les joint ventures : fin 2003, Danone a ainsi annoncé le regroupement par le biais d’une co-entreprise, de l’ensemble de ses activités HOD aux Etats- © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 7 Unis avec Suntory Water 4 , ce qui lui permet de devenir la première société de HOD aux EtatsUnis et de détenir la plus forte implantation géographique (40% des parts de marché). Dans le même temps, Danone, qui a multiplié ses volumes de vente par sept en trois ans, conclut un autre accord de joint venture avec Eden Springs 5 , ce qui le hisse à la seconde place européenne (avec 20% des parts de marché et un parc installé de 350 000 fontaines) et lui permet de surclasser Nestlé sur le marché mondial avec plus de 1150 millions d’euros de vente contre 900 millions d’euros pour son concurrent suisse. En 2004, Danone poursuit sa stratégie de renforcement de sa position dans le HOD en prenant le contrôle de Arco Iris, l’un des acteurs majeurs du HOD au Mexique ; cette acquisition sur le premier marché mondial en volume s’inscrit dans la stratégie de développement de Danone sur cette zone et fait suite à divers accords locaux conclus en 2003 (prise de participation dans Ultra Pura et acquisition de Aqua Pura). De son côté, même relégué à la seconde place, Nestlé fait tout pour rattraper son retard : sur les principales acquisitions effectuées au cours des deux dernières années, dix concernaient le HOD (Opalia en France, Aqua Spring en Grèce, Saint Spring en Russie, Sparkling Spring Mineral Water aux Etats-Unis…) ; de la même façon, en février 2003 l’entreprise n’a pas hésité à dépenser 560 millions d’euros pour racheter Powwow (leader européen de l’eau en bonbonne). Aujourd’hui, Nestlé Waters distribue des bonbonnes dans 18 pays (ce qui contribue à hauteur de 16% de son CA) contre seulement deux il y a deux ans. En fait, Nestlé était arrivé le premier sur ce marché aux Etats-Unis dès 1984 avec des marques comme Poland Spring ou Arrowhead, devenant le leader avec 30% des parts de marché. La stratégie du leader suisse s’est alors orientée majoritairement vers les zones développées à fort revenu par habitant comme le Moyen-Orient ou l’Europe, au contraire de Danone qui a privilégié les marchés émergents comme l’Amérique centrale ou l’Asie. Cette différence de stratégie se traduit d’ailleurs très clairement sur les profils de marge dégagée par les deux concurrents sur ce créneau puisque Danone, qui vend plus de deux fois plus en volume que Nestlé (6,5 milliards de litres contre 3 milliards de litres) réalise un CA supérieur de seulement 27% à celui de son principal compétiteur. Ces choix ont donc permis à Danone de se retrouver à la tête de marchés pesant 80% du marché mondial en volume (contre 17% pour l’Amérique du Nord et 3% pour l’Europe) et encore promis à des taux de croissance élevés. Par ailleurs, ces choix stratégiques ont forcé Danone à développer de nouvelles compétences correspondant aux spécificités locales (gestion de la flotte de camions au Mexique, livraison à bicyclette en Chine, commercialisation en supermarché en Indonésie etc.…). Cependant, ce marché est encore au stade du démarrage en France et plus généralement en Europe (la consommation d’eau en bonbonne est évaluée à 2,4 litres par personne en Europe contre 20 litres sur le continent américain) et la vente de « HOD » ne représente encore qu’une part mineure du marché de l’eau embouteillée (cf. figure 5). 4 Suntory Water Group est une filiale de Suntory Limited, leader japonais des boissons alcoolisées et non alcoolisées. L’accord prévoit que Suntory Limited dispose d’une option lui permettant de céder sa participation au groupe Danone en deux étapes, au bout de 3 et 5 ans. 5 Dans un premier temps, Danone détient 53.5% du nouvel ensemble et dispose d’une option d’acquisition de 100% du capital de la société exerçable à partir de 2008. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 8 Figure 5 : Importance relative du "HOD" dans les ventes d'eau embouteillée (volume) 80,00% 80,00% 60,00% 35,00% 40,00% 2,00% 20,00% 0,00% Europe Etats-Unis Amérique Latine Source : L’usine nouvelle En effet jusqu’en 1993, un arrêté ministériel (largement défendu par les industriels de l’eau minérale) limitait à deux litres l’embouteillage de l’eau en France. Cependant, s’appuyant sur le code du travail qui impose aux employeurs de mettre de l’eau potable et fraîche à la disposition de leurs salariés, certaines entreprises parviennent à importer ces grands conditionnement (l’administration imposera alors l’appellation « eau de boisson » pour ces nouveaux types de produits conditionnés en contenant de plus de 8 litres). De 1993 à 1994 Château d’eau multiplie par dix son chiffre d’affaires et le marché français s’ouvre et se développe avec une structuration progressive des acteurs qui passeront de plus de 150 dans les années 90 à moins d’une douzaine aujourd’hui, avec la venue des deux géants de l’agroalimentaire pour lesquels ce créneau constitue également le moyen de compenser les pertes de parts de marché de leurs eaux minérales face aux eaux de source. Aujourd’hui, l’on estime à 250 000 le nombre de fontaines à eau installées sur le territoire national mais le taux de croissance est très élevé (20% / an), et le potentiel français est évalué à plusieurs millions de fontaines à installer dans les entreprises et les organisations susceptibles de proposer ce service. En outre dans un contexte caractérisé par des exigences croissantes en termes de qualité et d’hygiène, les fontaines et leurs gobelets jetables constituent une solution alternative souhaitable par rapport à l’eau du robinet. Pour autant, dans cette optique, l’une des clefs de la réussite des distributeurs et l’un des centres de coût principal résident dans l’entretien de ces fontaines (cf. figure 6) qui constituent en cas d’infection le maillon faible de la chaîne. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 9 Figure 6 : structure des coûts - fontaine HOD Marge Entretien Amortissement de la fontaine 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% Source : Le Nouvel Economiste Malgré ces perspectives de croissance importantes, la conquête de ce secteur s’annonce difficile et coûteuse. Sur le marché français et européen, il sera d’une part nécessaire de convertir les particuliers à ce nouveau mode de consommation (en Europe, 98% des fontaines sont installées hors domicile contre 2% seulement à domicile alors qu’aux Etats-Unis par exemple, la répartition est de 50/50) et il sera d’autre part impératif pour les entreprises de développer les compétences logistiques associées à ce créneau en croissance. Nestlé et Danone investissent lourdement dans ce secteur et font aujourd’hui le pari des particuliers même si, pour l’instant, l’administration française leur interdit de livrer directement les foyers en fontaine. En ce sens, l’évolution de la réglementation leur permettrait alors de profiter d’une croissance exponentielle de ce marché, les bonbonnes se substituant dès lors en partie, aux conditionnements en bouteille. Ce nouveau « modèle économique » s’appuierait alors sur l’émergence d’une relation suivie, récurrente et durable avec le consommateur final, sur une augmentation des marges par élimination des intermédiaires et sur une maîtrise stricte des coûts logistiques qui vont représenter l’immense majorité de la structure des coûts dans cette activité (cf. figure 7). Figure 7 : Structure des coûts - bonbonne "HOD" Gestion des stocks en entrepôt et marge Transport des bonbonnes et livraison au client Remplissage et transport de la source au dépôt Investissement en bonbonne (réutilisées) 0% 10% 20% 30% 40% 50% Source : Le Nouvel Economiste © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 10 1.4 LE SECTEUR DE L’ EAU PURIFIEE Hors d’Europe, un des enjeux majeurs réside dans la conquête du marché des eaux purifiées qui présente également un potentiel de croissance considérable. En effet, à l’échelle mondiale, et exception faite de l’Europe où l’eau minérale est traditionnellement reconnue, les consommateurs ne font pas véritablement de distinction entre eau minérale et eau purifiée (dans certains pays, notamment en Asie, l’idée d’une eau puisée dans le sous-sol constitue même un motif de méfiance et de réticence). Or pour les entreprises de ce secteur, l’eau purifiée est beaucoup plus facile à produire dans la mesure où il suffit de filtrer et de purifier l’eau du robinet (voire parfois de l’enrichir en ajoutant des substances manquantes). Ce segment représente donc une voie d’entrée privilégiée pour les challengers de ce secteur que sont Coca et Pepsi. Ceux-ci ont en effet l’opportunité de profiter de la demande forte pour ce type de produit sur le continent américain et d’utiliser leurs compétences en matière de circuit de distribution et de couverture géographique. En outre, les investissements de départ sont d’autant plus faibles pour Coca ou Pepsi que les embouteilleurs partenaires qui prennent en charge la phase industrielle sont implantés partout en Amérique, ce qui permet de réduire du même coup la facture logistique. La conséquence naturelle de cette situation est que les marges obtenues sur l’eau purifiée sont bien plus importantes que celles des eaux minérales ou des eaux de source puisque le rapport est de l’ordre de un à trois. Bien sûr, cet état de fait n’a pas échappé aux leaders traditionnels du secteur (Danone et Nestlé) qui lancent à leur tour leurs marques d’eau purifiée. Ainsi Danone s’est associé au chinois Wahaha pour lancer une marque qui a capté depuis 1996 plus de 30% du marché et qui est aujourd’hui considérée comme l’une des cinq marques phares du groupe. 2. LES LEADERS MONDIAUX DE L’EAU EN BOUTEILLE 2.1 NESTLE WATERS , LEADER MONDIAL EN VALEUR Premier groupe alimentaire mondial avec un CA de plus de 60 milliards d’euros, l’entreprise Nestlé intervient dans divers domaines d’activité : la nutrition, les produits laitiers, les glaces (pour un total de 26% du CA), les boissons (26%), les produits culinaires (18%), les chocolats et la confiserie (12%), les produits pour animaux de compagnie (12%) ainsi que les activités hors domicile (restauration hors foyer). L’entreprise est entrée dans le secteur des eaux minérales en 1969 avec le rachat de 30% des parts de la Société générale des Eaux de Vittel avant d’en acquérir la majorité en 1987. Depuis, en 15 ans, l’entreprise s’est offert le titre de numéro 1 mondial de l’eau en bouteille (en valeur) avec plus de soixante dix marques rachetées et toutes conservées ; en 1992, Nestlé lance une OPA sur Perrier avant de fusionner Perrier et Vittel dans une seule entité en 1993 qui regroupera toute son activité eau. En 1999, Nestlé lance pour la première fois une eau sous sa marque (Nestlé Pure Life) qui sera suivie par une seconde un an plus tard (Nestlé Aquarel). Enfin en 2002 l’entreprise rebaptise Perrier-Vittel en Nestlé Waters. Aujourd’hui, Nestlé Waters, qui vend une bouteille d’eau sur sept dans le monde entier, est passé d’un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros en 1993 à 5,2 milliards d’euros en 2002 et poursuit ses efforts en investissant toujours plus dans cette activité considérée comme l’une des sources de croissance majeure du groupe. Grâce aux liquidités générées par les autres activités (café, chocolat, glaces etc.…), Nestlé poursuit ses acquisitions et veut s’imposer dans tous les segments du marché en développant ses actions marketing et en élargissant son portefeuille de marques. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 11 Sa présence la plus forte se situe en Europe et en Amérique du Nord où l’entreprise écoule près de 90% de sa production. Ces deux marchés sont en effet les plus rentables et les perspectives de croissance y sont encore favorables (10% pour l’Amérique du Nord et 5% pour l’Europe). Cette implantation permet à Nestlé qui vend moins d’eau que Danone de réaliser un chiffre d’affaires d’un tiers plus élevé que son rival (implanté très largement dans les zones émergentes). Pour autant, Nestlé se positionne aujourd’hui sur ces marchés émergents pour assurer son développement futur. C’est le cas en Amérique latine où Nestlé se développe rapidement avec Nestlé Pure Life (notamment en Argentine où il est numéro 2, au Mexique et au Brésil). C’est le cas également en Asie où, si la consommation annuelle par habitant reste très disparate (43 l. en Thaïlande pour 2 l. au Pakistan), les perspectives de croissance apparaissent très importantes ; Nestlé est ainsi numéro 1 au Vietnam (la Vie) et innove en Thaïlande en proposant sa marque Minéré dans de nouveaux formats. Enfin, Nestlé poursuit sa politique d’acquisition et de joint venture au Moyen-Orient et progresse en direction de l’Afrique avec Nestlé Pure Life ; l’entreprise est numéro 1 en Arabie Saoudite, en Jordanie, en Egypte, numéro 2 en Afrique du Sud. Sur ces différents marchés, l’entreprise affirme sa volonté d’innover en utilisant ses marques locales (formats, conditionnements et packaging). Par ailleurs, Nestlé tente de maintenir une stratégie de différenciation sur ses différentes marques en investissant massivement dans la publicité. Ainsi son budget publicité est estimé à 70 millions d’euros (contre moins de 50 millions pour Danone), ce qui en fait le neuvième annonceur mondial. Dans cette perspective, Nestlé multiplie les actions publicitaires et utilise tous les moyens à son service : publicité traditionnelle, sponsoring (Perrier et le tournoi de Roland Garros, Buxton et le tournoi de Wimbeldon, Poland Spring et le marathon de NewYork, Aquarel et le Tour de France). Ces stratégies marketing offensives permettent ainsi à l’entreprise de lutter contre la percée des MDD et de consolider la notoriété de ses marques, gage de sa stratégie de différenciation sur un produit à la base relativement banalisé. L’ambition de l’entreprise est de toucher tous les consommateurs, quel que soit leur mode de consommation. Pour cela, elle maintient un nombre pléthorique de marques et en lance même de nouvelles : aux côtés de ses cinq marques premium (Perrier, Vittel, Aqua Panna, Contrex et San Pellegrino), l’entreprise a créé Nestlé Pure Life à destination des pays émergents (mais lancée fin 2003 aux Etats-Unis) et Nestlé Aquarel pour le marché européen. Ces deux marques sont nées du constat de la généralisation sur la planète du besoin d’une eau saine destinée à toute la famille, d’un goût agréable, à prix accessible et adaptée aux particularités locales. Ce constat a initié un nouveau mode de production multi-sites d’eau embouteillée : produire une eau de même marque à partir de plusieurs sites. Ces dernières bénéficiant du label d’eaux de source sont donc puisées dans différentes sources locales mais vendues sous le même label afin de protéger la rentabilité (le transport d’eaux de source étant rendu difficile du fait du coût relatif induit, cette solution permet à l’entreprise de capitaliser sur une marque mondiale tout en minimisant les coûts logistiques, de stockage et de transport). Nestlé Pure Life, lancée au Pakistan en 1998, a été la première illustration du concept multi-sites. Destinée dans un premier temps à répondre aux besoins des populations des pays émergents en attente d’une eau saine, la marque est aujourd’hui présente sur tous les continents (Canada, USA, Mexique, Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Jordanie, Egypte, Liban, Turquie, Russie, Chine, Thaïlande, Philippines…). L’objectif de l’entreprise est d’en faire la première marque globale, à la plus large diffusion dans le monde d’ici 2010. Reprenant un même modèle de production multi-sites, Aquarel a été lancée simultanément dans 6 pays européens pour être présente aujourd’hui dans la plupart des pays de l’Europe ; source faiblement minéralisée, plate ou gazeuse, elle offre une alternative milieu © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 12 de gamme répondant aux besoins de toute la famille. Enfin, Nestlé conserve toute une série de marques purement locales (Plancoët en Bretagne ou Abatilles en Gironde) avec le même objectif : répondre à toutes les attentes et être présent sur tous les segments. Parallèlement, l’entreprise veut que ses produits soient présents dans toutes les situations de consommation. Elle décline ses marques (notamment les marques internationales) sous le plus grand nombre de formats possibles pour coller à toutes les situations de la vie quotidienne (au domicile, au restaurant, au bureau, dans la rue, etc.…). Elle souhaite aussi aborder tous les circuits de distribution (cf. figure 8). Etre présent partout, à tout moment et en toute circonstances est un véritable credo pour Nestlé Waters. Figure 8 : les différents packaging Vittel Type de packaging Situation de consommation et circuit de distribution 33 cl plastique classique Achat d’impulsion : distributeurs automatiques, kiosques à journaux 50 cl plastique Accompagne un repas rapide : grande surface, cafétéria, TGV Pour les sportifs : grandes surfaces, clubs de gym, stations 75 cl plastique sport services A consommer à la maison, en famille, au bureau : grandes 1,5 l plastique surfaces, épiceries… 1 l verre Au restaurant 50 cl verre Au restaurant 25 cl verre Format « quart vittel » dans les bars 50 cl plastique ronde Achat d’impulsion : distributeurs automatiq ues 33 cl plastique ronde Achat d’impulsion : distributeurs automatiques Source : Management Pour atteindre cet objectif d’innovation et de renouvellement permanent des produits, des tailles et des formes de bouteilles, Nestlé met tous les moyens en œuvre en investissant dans le marketing mais aussi dans la R&D (qui représente près de 11% du CA et est considérée comme un des moteurs de la croissance de l’entreprise). C’est le cas notamment dans le domaine des eaux aromatisées (avec par exemple Perrier fluo), stimulées par la désaffection des consommateurs pour les sodas jugés trop sucrés. C’est le cas également avec le lancement de « l’eau de Perrier » en 2003 en France et en Belgique dans un premier temps. En effet après avoir conquis une clientèle jeune avec Perrier fluo (15 millions de bouteilles vendues en 2002), le groupe lance désormais sa marque sur le segment des eaux finement pétillantes (Badoit, San Pellegrino) qui représente les deux tiers du marché européen de l’eau gazeuse, avec l’objectif de vendre une centaine de millions de bouteilles d’ici trois ou quatre ans. Mais Nestlé met également l’accent sur la réduction des coûts. En effet, grâce à une bonne communication sur la sécurité et le confort du consommateur d’une part, sur la facilité de consommation d’autre part, le groupe est passé du verre au plastique, ce qui lui a surtout © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 13 permis de réduire de façon importante ses coûts logistiques tout en maintenant sa politique de prix. Le contenant concentre en effet une part considérable du coût de revient (cf. figure 9). Dans ce domaine, les opérateurs utilisent majoritairement les matières plastiques aux dépens du verre soufflé (qui concerne essentiellement les produits hauts de gamme et la restauration) et depuis les années 90, le PVC laisse progressivement sa place au PET pour la fabrication des bouteilles. En effet, d’une part le PVC est considéré comme polluant et d’autre part le PET offre de nombreux avantages : résistance aux chocs et aux déchirures, compactage, aspect cristallin du produit ; raison pour lesquelles il est aujourd’hui adopté par la grande majorité des opérateurs. Figure 9 : Coût de revient d'une bouteille d'eau (matière première exclue) Stockage et manutention 19% Maintenance et taxes 6% Packaging 49% Energie 13% Main d'œuvre 13% Source : Management Dans cette perspective, l’une des priorités du groupe demeure l’augmentation de la rentabilité de cette activité (cf. figure 10). Cette volonté de rentabilité passe notamment par certaines actions de « recentrage » puisque fin 2003 Nestlé s’est retiré du marché indien (où le groupe commercialisait Perrier, San Pellegrino et Nestlé Pure Life) car les retours n’étaient pas suffisamment satisfaisants : distribution morcelée, prix trop élevés et concurrence exacerbée avec l’arrivée de Coca. Enfin, face à cette nouvelle concurrence au plan mondial, l’entreprise a lancé plusieurs actions de restructuration avec l’objectif de rationaliser les coûts de production comme les coûts administratifs (licenciements, suppression des activités périphériques, externalisation…). Figure 10 : CA et résultat opérationnel (Nestlé Waters) En millions de CHF 2001 2002 2003 Chiffre d'affaires 8482 9199 9251 Résultat opérationnel 622 696 782 © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 14 2.2 DANONE, LEADER MONDIAL EN VOLUME Danone rentre dans le secteur de l’eau en bouteille dans la décennie 1970. Après la fusion entre les deux sociétés verrières françaises Glaces de Boussois et Verrerie Souchon Neuvesel, en 1966 apparaît le groupe BSN (Boussois Souchon Neuvesel) qui réalise un CA de 150 millions d’euros dans le verre plat et le verre d’emballage. A partir de 1970, BSN engage une stratégie de diversification dans l’alimentaire en rachetant successivement les Brasseries Kronembourg, la Société Européenne de Brasserie et la Société des Eaux Minérales d’Evian. En 1973 BSN fusionne avec Gervais Danone devenant le premier groupe alimentaire français. Dans les années qui suivent, BSN poursuit son développement dans l’agro-alimentaire à la fois en termes de produits et de zones géographiques et se rebaptise Groupe Danone en 1994. En 1997, Danone engage un important programme de recentrage sur trois métiers prioritaires à vocation mondiale (produits laitiers frais, boissons et biscuits, produits céréaliers) en réalisant de nombreuses cessions dans les activités périphériques. Enfin, dans les premières années de la décennie 2000, Danone se désengage du verre d’emballage et des activités « bières » ce qui lui permet de concentrer ses moyens financiers et humains sur des métiers à forte croissance où il occupe une position de leader mondial et sur des zones géographiques à fort potentiel (hors Europe occidentale). Aujourd’hui le groupe est organisé en trois pôles mondiaux : les produits laitiers frais qui regroupent les yoghourts, les desserts et les aliments infantiles soit 47% du CA consolidé ; les boissons, c'est-à-dire essentiellement l’eau conditionnée pour 27% du CA consolidé ; et les biscuits et produits céréaliers qui représentent environ 23% du CA consolidé (cf. figure 11). Danone est leader mondial de l’eau en bouteille (en volume). Figure 11 : répartition du CA et du résultat opérationnel par pôle (groupe Danone) 2001 en d'euros 2002 millions en % en d'euros 6 928 3 796 3 371 375 14 470 47,9 26,2 23,3 2,6 100 790 432 316 60 11 1 609 49,1 26,8 19,6 3,7 0,7 100 2003 millions en % en d'euros millions 6 276 3 691 3 232 356 13 555 46,3 27,2 23,8 2,6 100 6 185 3 557 3 071 318 13 131 47,1 27,1 23,4 2,4 100 802 464 317 61 -54 1 590 50,4 29,2 19,9 3,8 -3,4 100 845 537 280 57 -115 1 604 52,7 33,5 17,5 3,6 -7,2 100 en % Chiffre d'affaires Produits laitiers frais Boissons Biscuits et produits céréaliers Autres Total Résultat opérationnel Produits laitiers frais Boissons Biscuits et produits céréaliers Autres Frais centraux non répartis Total Source : entreprise Danone est aujourd’hui le premier producteur mondial (en volume) d’eau conditionnée avec deux des cinq premières marques d’eau embouteillée (Evian et Volvic) et la première marque mondiale d’eau conditionnée (Aqua – Indonésie). Au total, le groupe détient une part de marché mondial de l’ordre de 11% avec 16,3 milliards de litres commercialisés en 2003. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 15 Danone détient des parts de marché importantes en Europe occidentale où il existe une longue tradition de consommation d’eau en bouteille : il est leader en France avec 23% des parts de marché volume (avec des marques comme Evian, Volvic ou Badoit), en Espagne avec 23% des parts de marché (avec ses marques Font Vella et Fonter), en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Aux Etats-Unis, l’entreprise a renforcé sa position sur les grands contenants livrés à domicile (accord avec Suntory Limited). Sur le marché des eaux en bouteille, le groupe occupe une position importante sur le segment premium grâce à la marque Evian, dont la commercialisation est assurée depuis 2002 par Coca Cola. En effet, en avril 2002 ces deux goupes ont signé un accord de distribution sur la base duquel Coca-Cola gère le marketing, les ventes et la distribution d’Evian pour la zone Amérique du Nord ; la distribution d’Evian se faisant au travers du réseau de distributeurs de Coca-Cola 6 . Le groupe est également présent sur le marché des eaux domestiques (Dannon et Sparkletts) au travers de la co-entreprise créée en juin 2002 avec Coca Cola qui concrétise un partenariat entre les deux entreprises pour la production, la commercialisation et la distribution des eaux de source domestiques en bouteille de Danone. Par cet accord, Danone apporte à cette nouvelle entité ses activités d’eau en bouteille aux USA, cinq sites de production, une licence pour l’utilisation des marques Dannon et Sparkletts ainsi que pour d’autres marques. Quant à Coca, outre son versement en cash pour 51% de ce partenariat, il apporte son savoir faire en termes de commercialisation, de distribution et de management. Enfin au Japon, le groupe est leader, en valeur, de l’eau embouteillée et détient une position dominante sur le segment « premium » des eaux importées avec ses marques Volvic et Evian. En septembre 2002, Danone a d’ailleurs signé un accord de partenariat avec Mitshubishi et Kirin Beveradge Corp., l’un des leaders japonais des boissons dans le but d’accélérer la croissance des ventes de la marque Volvic au Japon et de participer au développement du marché des eaux locales. Ce partenariat permettra à Volvic d’accéder au puissant réseau de commercialisation de Kirin (le troisième au Japon) et de consolider sa distribution en renforçant sa présence dans les distributeurs automatiques. Par ailleurs, avec 31% des ventes réalisées dans les pays émergents, le groupe se rapproche de sa cible de répartition du CA à savoir 60% pour les pays développés et 40% pour les pays en développement. Cet équilibre vise à lui permettre de bénéficier à la fois du fort potentiel de développement des zones émergentes et de la solidité des marchés des pays développés. Dans cette perspective, Danone se développe en Amérique Latine où le groupe est le premier acteur de l’eau conditionnée et occupe une position de leader en valeur sur le marché mexicain (avec la marque Bonnafont et sa participation dans Pureza Aga), sur le marché argentin (avec les marques Villa del Sur et Villacicencio) ainsi qu’en Uruguay. En Asie, Danone est également le principal acteur du marché avec une part de marché globale de 20%. Il est leader en Chine 7 avec plus de 40% du marché de l’eau en bouteille (principalement sous les marques Wahaha et Robust) et en Indonésie avec plus de 50% des parts de marché (une grande partie de son activité étant réalisée sur le segment des grands contenants). Dans la zone Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient, Danone a renforcé sa présence en Turquie (Danone Hayat), il est présent au Maroc où il a pris une participation de 30% dans Sotherma, une des sociétés leaders dans l’eau embouteillée. Enfin, en Europe de l’Est, le groupe est leader en Pologne 6 Dans le cadre de cet accord, Danone continue à assurer l’ensemble du développement des produits et la stratégie de la marque Evian et Coca-Cola assure le marketing opérationnel et les fonctions support y compris les tests de marché, le plan média, le merchandising et la gestion des promotions. 7 Le marché de l’eau en Chine est encore réduit (3l / hab. / an) mais présente une croissance forte (20 % / an). © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 16 avec sa joint venture Polska Woda créée en 2000 et grâce à sa filiale Zywiec Zdroj acquise en 2001. Dans cette perspective, chaque filiale du groupe est évidemment soumise aux lois et règlements locaux en vigueur dans son pays sur les normes de production, la qualité des ingrédients et des produits, l’étiquetage et la vente des produits finis. Pour assurer le respect de ces normes, le Groupe et les différents pôles ont des spécialistes réglementaires ayant un rôle d’expertise et de conseil auprès de toutes les filiales qui restent, cependant, responsables de la bonne application de la réglementation en vigueur. Outre cette stratégie d’équilibrage géographique entre pays développés et pays émergents, la politique de croissance du groupe repose sur un marketing très actif visant à identifier très précisément les besoins des consommateurs et à innover en permanence pour répondre à leurs attentes en termes de produits ou de modes de consommation. Ainsi sur les dernières années, le segment des eaux aromatisées s’est enrichi de nouvelles références et marques : Volvic Magique Cassis, Salvetat Fraise pour les enfants ; la gamme Taillefine et ses déclinaisons aromatisées ont été un succès (Danone détient 63% des parts de marché des eaux aromatisées en France). A l’étranger, Danone activ’Aro a été lancé sur les marchés belge et britannique ; sur le marché argentin, la gamme Ser s’est développée avec une eau pétillante peu sucrée aromatisée (Lime & Lemon) qui est devenue n°2 peu après son lancement ; au Mexique, Levite, l’eau aromatisée lancée en 2002 représente déjà 20% des ventes de Bonnafont en 2003. De nouveaux formats ont également été introduits dans plusieurs pays. Le lancement d’un format 5 litres (Lanjaron, deuxième marque nationale en Espagne) va permettre à Danone de profiter de la croissance du segment des grands contenants (40% du marché espagnol des eaux plates avec une croissance de 10% par an). Le lancement réussi de la carafe Montdore deux litres de la Source du Mont Dore en Auvergne cible les familles à la recherche d’un produit pratique et esthétique. Enfin Evian Nomade, lancé au Japon en 2003 a fortement contribué à la croissance de la marque dans ce pays. Danone met également l’accent sur la consolidation de marques puissantes et concentrées et sur une communication publicitaire soutenue. En effet les stratégies publicitaires et promotionnelles constituent un élément clef dans la réussite de la politique du groupe axée sur l’innovation et la force des marques. Danone qui mobilise des moyens financiers très importants table ainsi sur un maintien des montants engagés en publicité (en termes de pourcentage des ventes). Dans cette optique, l’entreprise focalise ses actions sur un nombre de marques limité, ce qui se traduit par une utilisation toujours plus large des marques leaders (Danone ou Taillefine par exemple). Chaque filiale du groupe conduit par ailleurs une segmentation annuelle de son portefeuille de marques afin de permettre une affectation optimale des moyens promotionnels et publicitaires alloués. Le entités opérationnelles de Danone, dans chaque activité et marché géographique, mettent au point leurs propres stratégies publicitaires, promotionnelles et commerciales, en adéquation avec les habitudes de consommation locale. Cette décentralisation vise à conférer la réactivité, la souplesse et la proximité nécessaires à une adaptation constante aux conditions de marché changeantes. Par ailleurs, l’entreprise poursuit le développement de ses programmes de marketing relationnel afin de créer une relation directe avec les consommateurs. Cette politique s’articule, en France, autour d’une base de données de 3,5 millions de foyers, animée par un programme relationnel personnalisé et segmenté par profil de consommateur. Ce programme inclut notamment l’envoi de Danoé, le magazine des marques du groupe, de lettres d’informations électroniques ainsi que de coupons de réduction © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 17 et d’offres transversales qui fédèrent l’ensemble des marques du groupe (Bingo des marques par exemple). Conclusion L’eau embouteillée est devenue le secteur le plus dynamique de l’univers des boissons rafraîchissantes, représentant 35% de ce marché. Aujourd’hui, 138 milliards de litres d’eau embouteillée sont consommés chaque année dans le monde soit environ 22 litres par personne. Ce marché est particulièrement actif puisqu’il enregistre des taux de croissance très élevés qui devraient encore se maintenir dans les années à venir. En outre, ce marché est illustré par de grandes disparités dans la consommation par habitant ; à la fois selon les zones (L’Europe et l’Amérique du Nord comptent pour 54% de la consommation d’eau embouteillée pour seulement 18% de la population mondiale), selon les pays (34 litres par an et par habitant en Grande-Bretagne contre 203 en Italie), selon les conditionnements etc.… Face à ces différents défis, de grandes entreprises s’affrontent pour tenter de se ravir le leadership de ce marché. Elles doivent à la fois innover, s’adapter, communiquer et investir sans cesse si elles veulent avoir une chance de l’emporter dans ce secteur de plus en plus concurrentiel. © CCMP 2004 - ‘Nestlé – Danone et le secteur de l’eau embouteillée’ Franck Brulhart - Université Aix- Marseille II Licence d'utilisation accordée à : GROUPE ESC LILLE 18