soudan : pétrole et darfour
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SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Recherches et écriture: LEPAC/ Mathias Strobel Réalisation : Alain Jomier Graphisme : Anne Criou Diffusion sur Arte le 07.11.2007 Au ban de la communauté internationale, à cause de la crise au Darfour, le Soudan connaît pourtant une croissance économique soutenue grâce à l’exploitation du pétrole. Une situation paradoxale que renforcent encore les fractures internes du pays. Le plus vaste Etat d’Afrique Le Soudan s’étend sur 2,5 millions de km2, soit près de 5 fois la superficie de la France. Il est voisin notamment de l’Egypte au nord, du Tchad à l’ouest, de la République Démocratique du Congo au sud, et de l’Ethiopie à l’est. Une très forte croissance économique Le boom pétrolier Le Soudan détient les cinquièmes réserves prouvées de pétrole du continent africain. La carte nous montre les différentes concessions pétrolières du pays. Actuellement 3 d’entre elles (en orange) fournissent plus de la moitié de la production soudanaise, et sont exploitées par un consortium qui est formé par : - la compagnie chinoise CNPC, à hauteur de 40%, - la compagnie malaise Petronas (30%), - la compagnie indienne ONGC (25%), - et la compagnie nationale Sudapet qui a 5%. En 2006, les trois quarts de la production soudanaise ont été exportés, principalement vers la Chine et le Japon, via Port-Soudan. Les revenus pétroliers représentent aujourd’hui 80% de la valeur des exportations du pays. La capitale Khartoum, est située à la confluence du Nil Bleu et du Nil Blanc. Elle compte 5 millions d’habitants, sur un total de 40 millions pour l'ensemble de ce pays. Le Soudan a eu un chiffre de 8% de croissance en 2005, 10% en 2006, et ce alors que le pays est instable sur le plan politique. Le dessous des cartes : SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Diffusion sur Arte le 07.11.2007 1 Les projets de développement La diversité ethnolinguistique Le gouvernement peut ainsi développer des projets géants comme ce nouveau quartier de Khartoum, AlMogran, qui associe des hôtels de luxe, des milliers de villas privées et des appartements. Le modèle, au fond, est un peu Dubaï. Le second facteur est lié à la grande diversité ethnique et linguistique. On peut distinguer de façon schématique : - au nord et au centre, des peuples arabes, des Bejas, des Nubiens (le long de la vallée du Nil). Ils sont musulmans, comme 70% de la population soudanaise. - au sud, on a notamment les peuples Dinkas, Nouer, Shillouk. Ce sont des peuples noirs, majoritairement chrétiens ou animistes (même si certains de ces peuples noirs ont été islamisés, comme les Fours, qui ont donné leur nom à la province du Darfour). En outre, plus d’une centaine de langues sont parlées au Soudan, même si la plus répandue est l’arabe, qui est la langue nationale. Plusieurs facteurs pèsent sur l’unité du pays Le facteur historique Mais le Soudan reste un pays très inégalement développé, et plusieurs régions de ce pays ont été, ou sont aujourd’hui touchées par des conflits internes. Le premier facteur qui pèse sur l’unité du pays est son immensité. Le Soudan s’étend du nord au sud sur plus de 2000 km, ce qui le place au contact de plusieurs milieux naturels : - au nord, une zone désertique ou semi désertique, - au centre, une zone de steppe, - et au sud, une zone de savane et de marais. On a aussi des montagnes comme le Djebel Erba et le Djebel Marra. Ces milieux naturels impliquent des modes de vie différents, notamment entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires. Le dessous des cartes : SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Enfin, l’histoire politique a renforcé le clivage entre le nord et le sud. D’abord, les populations noires du sud du pays ont subi l’esclavage, pratiqué notamment par les Egyptiens après leur conquête du Soudan au début du XIXe siècle. L’objectif était alors de ramener des esclaves et de les vendre sur les marchés du Moyen-Orient. Diffusion sur Arte le 07.11.2007 2 Le sud et l’ouest du pays marginalisés Le conflit du sud-Soudan Ensuite, à la fin du XIXe siècle, lorsque le Soudan est passé sous influence britannique, le colonisateur a surtout mis en valeur les territoires du nord en y développant la culture du coton, qui était destiné à l’exportation. Le sud a ainsi été délaissé, de même que l’ouest du pays, impropre à l’irrigation. Le conflit du sud-Soudan est l’un des plus longs qu’ait connus l’Afrique au cours des dernières décennies. Dès l’indépendance du Soudan, les partis politiques du sud du pays ont réclamé l’autonomie de leur région, ouvrant sur une guerre contre le gouvernement central de Khartoum. Le conflit reprend en 1983, lorsque le chef de l’Etat soudanais de l’époque, le général Neimayri, impose la charia à l’ensemble du pays. Pendant plus de 20 ans ce conflit va opposer les troupes du gouvernement au Mouvement de Libération du sud Soudan (SPLA), dirigé par John Garang. Le SPLA est soutenu par l’Ethiopie, qui lui sert de base arrière, puis par l’Erythrée et l’Ouganda. Les germes des conflits actuels L’accord de paix de 2005 Quand le Soudan accède à l’indépendance en 1956, les élites arabes du nord s’imposent naturellement au pouvoir à Khartoum, tandis que les régions périphériques continuent à être marginalisées économiquement et politiquement. En somme, c’est la réaction à cette situation qui est à l’origine du conflit du sud-Soudan (jusqu’en 2005), puis du Darfour aujourd’hui. Le conflit du sud-Soudan s’interrompt en 2005 grâce à un accord de paix, obtenu notamment sous la pression des Etats-Unis. Deux facteurs ont permis d’y parvenir : - d’abord, le régime soudanais cherche à sortir de son isolement diplomatique. Depuis 1997 il subit des sanctions commerciales américaines pour son soutien à divers mouvements islamistes en Egypte, Le dessous des cartes : SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Diffusion sur Arte le 07.11.2007 3 en Ethiopie, en Erythrée ou encore en Palestine. Le pays a même accueilli jusqu’en 1996 Oussama Ben Laden suspecté d’avoir développé au Soudan des camps d’entraînement jihadistes. Après le 11 septembre 2001, le Soudan est donc sous la pression directe et forte des Etats-Unis. - ensuite, si le Président soudanais Omar el-Bechir décide de conclure la paix avec le sud-Soudan, c’est aussi pour favoriser l’exploitation du pétrole qui a débuté à la fin des années 90 dans le pays. Ainsi est signé en janvier 2005 un accord qui prévoit un gouvernement d’union nationale, mais aussi un référendum d’autodétermination pour le sud-Soudan d’ici 2011. Au total, cette guerre civile entre le nord et le sud du pays aura causé près de 2 millions de morts, plusieurs millions de déplacés internes, et 600 000 réfugiés dans les pays voisins (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Egypte). Le Darfour Le déclenchement de la guerre Au début de l’année 2003, deux mouvements armés, le SLA et le JEM (Mouvement pour la Justice et l’Egalité), composés surtout de peuples Fours, Massalits, et Zaghawas, revendiquent un partage du pouvoir et une meilleure redistribution des richesses. Le Darfour pourrait posséder d’importantes réserves en pétrole, ce qui évidemment incite le gouvernement central à garder son contrôle sur cette région. La répression de Khartoum Or, ce conflit à peine terminé, un autre se déclenche à partir de 2003, au Darfour. Le Darfour est cette province de l’ouest du pays, grande comme la France, qui compte 6 millions d’habitants et de nombreuses ethnies, dont les Fours. Cette région connaît un retard de développement, aggravé par des famines récurrentes liées aux sécheresses qui touchent de façon endémique la zone sahélienne depuis les années 80. Et ces famines sont facteurs de tensions inter ethniques. Le dessous des cartes : SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Le gouvernement de Khartoum ne veut pas négocier, il s’appuie sur des miliciens armés essentiellement arabes, appelés Djanjawids, qui en 4 ans ont pillé, brûlé et détruit quelque 1 600 villages dans le Darfour. La carte montre les principales zones de destructions. Diffusion sur Arte le 07.11.2007 4 Un bilan catastrophique Les déplacés internes Depuis 2003, le conflit du Darfour a causé plus de 200 000 morts, et entre 150 000 et 250 000 réfugiés au Tchad et en Centrafrique. Le conflit a aussi créé quelque deux millions de déplacés internes, qui s’entassent dans des dizaines de camps (en bleu sur la carte) Est-ce qu’il faut parler de génocide au Darfour ? Peut-être que le terme est impropre, car le conflit ne se fonde pas sur un mobile spécifiquement ethnique. L’ethnicité ou la religion ne sont que des facteurs aggravants d’un conflit qui est lié à l’histoire, et à l’absence de perspectives de développement, en tout cas économique. La manne du pétrole au Soudan, qui n’est pas redistribuée, ou mal redistribuée, devient en fait un facteur aggravant, car cette ressource accroît les rivalités internes. La Chine, on le sait, pour satisfaire ses besoins énergétiques, livre des armes au gouvernement de Khartoum, d’ailleurs la Russie aussi. Et rien ne dit que l’arrivée des casques bleus début 2008, si tout se passe bien, rétablira la paix. À cela, s’ajoute qu’au Sud-Soudan, l’enjeu n’a pas disparu : le référendum prévu pourrait bien déboucher sur la création d’un nouvel Etat en Afrique. Donc rendez-vous pour un Dessous des Cartes en 2011... ARTE REPORTAGE : 12 octobre 2005 Darfour : preuves d’un génocide ? De Thomas Dandois – ARTE GEIE / Hot News Productions – France 2005 Mercredi 30 septembre, 34 personnes ont été tuées dans un raid au camps de réfugiés de HaroSharow à une centaine de kilomètres d’El Genina au Darfour. L’attaque a été menée par 300 miliciens arabes sur des chameaux et dromadaires. Le gouvernement de Khartoum dément toute implication dans cette razzia. La région du Darfour s’est enflammée en 2003. Le conflit oppose les minorités noires musulmanes à d’autres musulmans, les fameux djendjawids (des miliciens arabes et nomades). Le conflit aurait fait près de 300.000 morts. Depuis deux ans les témoignages de réfugiés au Tchad parlent d’attaques organisés et de massacres de civils. Les survivants accusent l’armée d’avoir participé et même orchestré les crimes. Ils parlent de génocide. Le gouvernement central du Soudan a-t-il réellement orchestré ces massacres à grande échelle ? Nous sommes partis vérifier la réalité de ces accusations sur place. Les rebelles de l’Armée de Libération du Soudan nous ont permis d’entrer clandestinement au Darfour pour retrouver des indices et nous les avons trouvés. Le dessous des cartes : SOUDAN : PÉTROLE ET DARFOUR Diffusion sur Arte le 07.11.2007 5