Intervention Maître LODS (du 30-03-2007)

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Intervention Maître LODS (du 30-03-2007)
LA DISCRIMINATION A L’EMBAUCHE
La lutte contre les discriminations suppose une ingérence dans les pouvoirs de direction du
chef d'entreprise.
Il y a perte d’autonomie du dirigeant, au nom du principe d'égalité.
Une évolution des mentalités est donc nécessaire, qu’accompagne un encadrement juridique
complexe notamment dans les domaines sensibles que sont :
- l’embauche
- l’exercice d’une activité syndicale.
C’est le droit européen qui a donné les premières bases juridiques à la lutte contre les
discriminations en droit du travail.
On peut citer :
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l’article 119 du Traité de Rome sur l'égalité de rémunération et le sexe
l’article 14 du protocole 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme.
Comme le droit national est en retard sur les directives européennes, la Cour de cassation se
réfère, de façon directe, aux textes européens, lorsque le besoin s’en fait sentir : à titre
d’exemple, un arrêt de la Cour de Cassation Chambre Sociale du 10 décembre 2002 (pourvoi
00-42. 158) sur la discrimination exercée en raison de la nationalité.
Dans la lignée du droit européen, le droit du travail français a produit un certain nombre de
textes, dont l’art. L. 122-45 du Code du Travail, qui définit la notion de discrimination :
« La discrimination est caractérisée lorsque, sur le fondement d'un des critères
discriminatoires visés par la loi, un salarié est traité de manière moins favorable qu'un autre
que ce soit par un acte positif ou négatif, dès lors que la situation des intéressés est
comparable et que la différence constatée n'est pas justifiée par des facteurs objectifs non
discriminatoires ».
Ont par la suite été adoptées de nombreuses règles, telles que :
-
le principe d'égalité énoncé par les articles L. 140-2 et L. 140-8 du Code du
travail,
l’article L. 323-9 du Code du travail, qui concerne les handicapés,
l’article L. 311-4 du Code du travail, sur le recrutement,
l’article L. 342-3 du Code du travail, relatif au salarié détaché en France,
les articles L. 225-1 à 3 du Code pénal, qui répriment les discriminations liées à
l'embauche, la sanction ou le licenciement.
La jurisprudence a également fait son œuvre en reconnaissant au principe d'égalité une valeur
constitutionnelle (Cassation Sociale 5 mai 2004 pourvoi 03-60. 175).
1
Sur le plan institutionnel, les pouvoirs politiques ont montré une volonté forte de lutter contre
les discriminations, en créant la HALDE.
I.
LES MESURES DE PROTECTION
a. Qui concernent-elles ?
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les salariés,
les demandeurs d’emploi (loi du 31.12.1992),
puis les candidats à un stage ou à une période de formation, en ce compris les
apprentis dont les recrutements font l'objet d'un contrôle au regard de l'article L. 12245 (loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances),
mais également les travailleurs intérimaires : a été reconnue coupable de
discrimination une entreprise utilisatrice qui refusait de conclure, avec une entreprise
de travail temporaire, un contrat de mise à disposition d'un délégué syndical
(Cassation criminelle 2 septembre 2003 pourvoi 02-86. 048)
b. Quels sont les critères discriminatoires ?
Les critères discriminatoires prohibés par le Code du travail (L. 122-45) et par le Code pénal
(225-1) sont relatifs à :
l'origine,
le sexe,
les mœurs,
l'orientation sexuelle,
l'âge,
la situation de famille,
l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation ou une race,
les opinions politiques,
les activités syndicales ou mutualistes,
les convictions religieuses,
l'apparence physique,
le patronyme,
les caractéristiques génétiques
et, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé ou le
handicap.
Certaines exceptions sont toutefois prévues :
¾ les différences de traitement fondées sur l'âge (L. 122-45-3) ne constituent pas une
discrimination lorsqu'elles sont « objectivement et raisonnablement justifiées par un
objectif légitime, notamment par des objectifs de politique de l'emploi, et lorsque les
moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ».
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Ces différences peuvent notamment consister en :
- l'interdiction à l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue
d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés. Il peut, par exemple, s'agir de
mesures renforcées d'ergonomie pour les travailleurs âgés, de la réservation de certains
travaux aux salariés expérimentés... ;
- la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le
poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite. Ainsi, une
offre d'emploi peut parfois fixer une fourchette d'âge pour l'embauche.
¾ L'état de santé est soumis à un régime particulier, tenant compte des difficultés de
santé de candidats au recrutement :
« Les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail
(…) en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination
lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.
Les mesures appropriées au bénéfice des personnes handicapées visant à favoriser l'égalité
de traitement prévues à l'article L. 323-9-1 ne constituent pas une discrimination. »
( article L. 122-45- 4 créé par la Loi n° 2005-102 du 11 févr. 2005)
Conséquences :
™ l'employeur ne peut s'enquérir de l'état de santé et le juger lui-même incompatible avec
le travail : seul le médecin du travail assure cette mission en vérifiant l'aptitude lors
des visites médicales.
D’où le risque d’embaucher avant la visite médicale prévue par la loi :
« Lorsque l'employeur décide que le salarié recruté avec une période d'essai prendra ses
fonctions avant l'accomplissement de l’examen médical d'embauche, il ne peut se prévaloir
d'un prétendu dol du salarié quant à son état de santé ou à son handicap, que ce dernier n'a
pas à lui révéler » Cour de Cassation Chambre sociale 21 septembre 2005 (pourvoi numéro
03-44855).
™ Sauf inaptitude, le handicap ne peut pas non plus être pris en considération, sous la
réserve toutefois d'une obligation d'emploi à hauteur de 6 % de l'effectif (C. trav., art.
L. 323-1).
c. la discrimination positive
Il semble s’agir d’une question d’actualité, mais elle existe dans notre droit depuis quelques
temps déjà :
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La circulaire ministérielle du 2 mai 1984 énonce :
« l'embauche, pour certains postes de travail, pourra être réservée aux femmes. Dans ce cas,
l'offre d'emploi peut valablement mentionner que des femmes sont recherchées. Certaines
formations pourront être proposées aux seules femmes. Des objectifs de nomination de
femmes à tel ou tel poste pourront être fixés. Enfin, s'agissant des conditions de travail,
modifier l'environnement, les contraintes ou l'organisation de tel ou tel atelier ou bureau, en
vue d'y faire accéder les femmes, pourra apparaître nécessaire ».
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Plus récemment,
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le législateur a instauré au profit des salariées la possibilité de bénéficier de mesures
propres à l'entreprise, négociées dans le cadre d'un plan pour l’égalité professionnelle
entre hommes et femmes (article L. 123-4 du code du travail), ayant pour objet
« l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à
établir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux
inégalités de fait qui affectent les chances des femmes (article L. 123 -3) ».
Ce plan est négocié dans la forme d'un accord d'entreprise. Cette négociation n'est pas une
obligation. Si la négociation n'aboutit pas, l'employeur peut mettre le plan en oeuvre, après
consultation des représentants du personnel.
Le plan s'applique sauf opposition notifiée par écrit, avant l'expiration d'un délai de deux
mois, du directeur départemental du travail. La saisine du directeur départemental du travail
est obligatoire ; le plan ne peut entrer en application à défaut de cette saisine et avant que soit
écoulé le délai de deux mois laissé au directeur départemental pour s'opposer totalement ou
partiellement à son exécution. Son contrôle porte sur la régularité de l'élaboration du plan
(négociation de l'accord, à défaut consultation du comité d'entreprise et à défaut des délégués
du personnel), et sur le fond (adéquation de la nature des mesures prévues à l'objet qui doit
être l'égalité des chances).
-
Dans le même sens, 40 entreprises ont signé le 22 octobre 2004 la « Charte de la
diversité », proposée par l'institut Montaigne, fondé par Claude Bébéar, président du
conseil de surveillance d'AXA.
Adoptée depuis par 610 entreprises, cette Charte contient l’engagement de modifier leurs
procédures de recrutement, comme de gestion des carrières de leurs salariés.
La Charte de la diversité incite notamment à :
«
sensibiliser et former nos dirigeants et collaborateurs impliqués dans le recrutement,
la formation et la gestion des carrières aux enjeux de la non-discrimination et de la
diversité.
Respecter et promouvoir l'application du principe de non-discrimination sous toutes
ses formes et dans toutes les étapes de gestion des ressources humaines que sont
notamment l'embauche, la formation, l'avancement ou la promotion professionnelle
des collaborateurs.
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Chercher à refléter la diversité de la société française notamment sa diversité
culturelle et ethnique dans notre effectif, aux différents niveaux de qualification »
-
Le 11 octobre 2006, un accord national interprofessionnel a été signé par les
partenaires sociaux.
Ce texte, qui donne une impulsion mais qui n’a pas de contenu véritablement normatif,
prévoit notamment :
o L’instauration d’un «correspondant égalité des chances » chargé de suivre la mise en
oeuvre de la politique de non-discrimination.
o la réunion une fois par an du comité d'entreprise élargi pour faire le point sur la
diversité,
o des procédures adaptées pour que les recrutements soient réalisés dans le cadre de
dispositifs de sélection exempts de toute forme de discrimination et visant à une
diversification des sources de recrutement. Cela concerne toutes les embauches,
qu'elles soient effectuées en interne par le biais du service public de l'emploi ou de
cabinets spécialisés.
Le CV anonyme y est évoqué.
d. La discrimination indirecte
La discrimination indirecte s'exerce à travers une pratique en vigueur dans l'entreprise,
apparemment neutre, mais susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour une
catégorie de salariés. Ainsi, à titre d'exemple, constitue une discrimination indirecte une
disposition ou un critère apparemment neutre qui affecte une proportion nettement plus élevée
de femmes, sauf si cette disposition est justifiée par des facteurs objectifs. (les juges
européens ont considéré comme une discrimination indirecte, l'exclusion des salariés à temps
partiel d'un mécanisme de retraite supplémentaire, car la majorité des salariés à temps partiel
étaient des femmes (CJCE, Kalanke).
Si le concept a été employé par le juge français à partir de 1995, c’est pour en rejeter
l’application : ainsi, la Cour de cassation a refusé de voir une discrimination indirecte dans le
fait d’exiger de salariés à temps partiel, des durées de pratique professionnelle majorées à due
concurrence de la réduction du temps de travail (Cass. soc., 9 avr. 1996, n° 92-41.103).
La notion a finalement été consacrée par la loi du 16 novembre 2001 (L. n° 2001-1066, 16
nov. 2001, JO 17 nov. 2001, p. 18311), mais ce n’est que très récemment que la Cour de
Cassation a, pour la première fois, retenu un cas de discrimination indirecte (Cass. Sociale 9
janvier 2007 pourvoi numéro 05-43. 962).
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Si le litige ne portait pas sur le recrutement, objet de notre étude (il s’agissait d’un problème
afférent à la régularisation des temps d'absence pour maladie, en fin d'année, d’un salarié
soumis au régime de modulation des horaires), la décision présente cependant un double
intérêt :
d’une part du fait de la consécration judiciaire de la discrimination indirecte,
d’autre part en raison de la portée générale de l’arrêt : la Cour de Cassation ne fait pas
allusion à la possibilité que la mesure, quoique discriminatoire dans ses effets, puisse être
justifiée par un objectif légitime, ce qui va au-delà des exigences du droit national et du droit
européen.
II.
LES MOYENS D’ACTION
a. Les moyens traditionnels
¾ L'action en justice devant la juridiction civile :
™ Quelle juridiction civile ?
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Pour les salariés, cela va de soi, c’est le Conseil de prud’hommes.
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Qu’en est-il pour les candidats à un emploi ?
L'article L. 511-1 du Code du Travail énonce :
Les conseils de prud'hommes, juridictions électives et paritaires, règlent par voie de
conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail
soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et
les salariés qu'ils emploient.
Ce qui a priori exclut les candidats à un recrutement.
Cependant, la Cour de Cassation vient d’affirmer que « le conseil de prud'hommes est
compétent pour connaître de tout litige relatif à l'article L. 122-45 » (Cass. Soc 20
décembre 2006 n° 06-40.662).
Même s'il y a entorse aux dispositions de l'article L. 511-1, le raisonnement adopté par la
Cour de Cassation est louable :
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l'article L. 122-45 ne vise pas uniquement les salariés mais également toute
personne engagée dans une procédure de recrutement (loi numéro 92-1446 du 31
décembre 1992) ou demandant l'accès à un stage ou à une période de formation
en entreprise (loi numéro 2001-1066 du 16 novembre 2001) ;
-
il est cohérent d'admettre la compétence du conseil de prud'hommes pour traiter
de toute discrimination, que celle-ci se manifeste lors de la rupture du contrat de
travail, en cours d'exécution ou dans les différentes formes d'accès à l'emploi.
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™ La charge de la preuve :
Des articles L. 122-45 et L. 123-1 du Code du travail, il résulte que :
« le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de
formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une
discrimination directe ou indirecte».
C'est l'application du principe de l'allégation.
La preuve de la différence de traitement demeure cependant difficile à apporter lorsqu’elle
se situe à l'embauche.
Par prudence, et pour démontrer son souci de lutter contre les discriminations, l'employeur
aura tout intérêt à produire des grilles de compétences qui lui ont permis de sélectionner
telle ou telle personne au poste qu'il proposait. Les évaluations doivent être de réelles
évaluations ou les qualités et défauts des candidats sont clairement mis en lumière.
Selon la Cour de Cassation (Chambre sociale), le juge du fond est même autorisé, pour
s'assurer de l'absence de discrimination, à vérifier l'appréciation de la compétence du
salarié effectuée par l'employeur.
La Cour de Cassation ne permet pas au juge de se substituer totalement à l'employeur ;
elle exige en fait une certaine transparence en matière d'appréciation de la compétence.
Elle considère qu'il ne devrait pas être exigé du salarié une compétence parfaite, dès lors
que les tests révèlent une compétence suffisante pour occuper les emplois revendiqués,
autrement dit, la compétence n'a pas à être appréciée de manière absolue mais seulement
par comparaison avec le niveau moyen des salariés appartenant la catégorie à laquelle le
demandeur prétend (arrêt Fluchère du 28 mars 2000)
¾ L'action en justice devant les juridictions pénales :
Du fait de la présomption d’innocence de l’employeur, la charge de la preuve est inversée.
De plus, il faut démontrer l'élément moral autrement dit l'intention discriminatoire.
La plainte avec constitution de partie civile, qui permet de bénéficier des moyens
d'investigation du juge d'instruction, est donc préférable à la citation directe devant le
tribunal correctionnel.
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b. Les moyens innovants
¾ le testing
La jurisprudence répressive accepte les preuves obtenues de façon illicite ou déloyale par les
parties, et notamment le testing (Cassation Criminelle 11 juin 2002 N° 01-85.559). Si pour sa
décharge, le prévenu, c'est-à-dire l'employeur, allègue un fait de nature à faire disparaître la
matérialité du délit, c'est à lui de rapporter la preuve de ce fait.
Le législateur a admis ce moyen de preuve : c’est le nouvel article 225-3-1 du Code du
Travail.
La HALDE (rapport d'activité 2005) promeut la méthode de contrôle par autotest de
discrimination, déjà pratiquée dans certaines grandes entreprises (Peugeot-Citroën, SNCF).
Pour que le test de discrimination puisse être considéré comme pertinent, des candidats de
deux groupes objectivement semblables (même diplôme, même expérience professionnelle,
tenue vestimentaire similaire etc.), se présentent dans les mêmes circonstances (répondre à la
même période, à la même offre d'emploi etc.).
Cette technique d'administration de la preuve bénéficie des recommandations du Bureau
international du travail (B.I.T.)
En 1992, le B. I. T. a élaboré une méthodologie dite de « Bovenkerk », qui conclut à une
situation de discrimination dès lors qu'un seul différentiel de 15 % est atteint entre les deux
groupes.
¾ le CV anonyme, preuve de l'absence de discrimination
1. La loi pour l’égalité des chances
La loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 (art. L. 121-6-1 nouveau ) a rendu le CV
anonyme obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. L'entrée en vigueur de cette
obligation a été néanmoins repoussée dans l'attente du décret d'application.
2. L'accord national interprofessionnel du 11 octobre 2006 :
Le ministre délégué à l'emploi s'est rangé derrière la volonté exprimée par les partenaires
sociaux, et a décidé de ne pas publier le décret qui imposerait l'anonymisation du CV.
Les négociateurs de l'accord préconisent une simple expérimentation du CV anonyme, mais
ne l'imposent pas. Pour le moment, le CV anonyme reste donc expérimental, ses résultats
devant faire l’objet d’une évaluation avant le 31 décembre 2007.
En deux mots, le CV anonyme ne mentionne ni le nom, ni l'âge, ni l'adresse des candidats à
l'embauche. Seuls apparaissent leur formation et leur parcours professionnel.
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Mais il y aura nécessairement, dans le processus de recrutement, un entretien d’embauche, où
la différence apparaître d’autant plus.
Certains proposent donc de renoncer à cette mesure, et prônent une norme qualité du
recruteur.
¾ la HALDE
1. Présentation et pouvoirs
Elle est issue de la loi numéro 2004-1486 du 30 décembre 2004.
Elle a pour mission générale de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, de
fournir toute information nécessaire, d'accompagner les victimes, d'identifier et de
promouvoir les bonnes pratiques pour faire entrer dans les faits le principe d'égalité.
Très souvent, la principale difficulté est d’établir la preuve de la discrimination.
La HALDE s’est vu reconnaître de véritables pouvoirs d’investigation :
- Elle exige de la part de la personne ou de l’entreprise mise en cause, la transmission de
toutes les pièces, tous les documents nécessaires à apprécier la situation.
- En cas de refus, elle peut saisir le juge des référés pour obtenir la transmission des
documents.
- Elle peut faire procéder à des auditions et des vérifications sur place.
Une fois les éléments de preuves réunies, la HALDE a une mission de conseil sur le meilleur
moyen de faire valoir les droits de la personne discriminée :
- Elle propose une conciliation ou une médiation,
- Elle fait état de ses observations devant les juridictions.
- La HALDE demande à l’auteur d’une discrimination d’y mettre fin et peut rendre
publique son intervention.
- Elle informe le Procureur de la République lorsque des faits constitutifs d’un crime ou
d’un délit sont portés à sa connaissance.
L’une des missions de la HALDE est d’aider à l’évaluation, la formalisation, puis la diffusion
des bonnes pratiques :
- la HALDE mène des actions d’information et de sensibilisation.
- Elle coordonne des études nécessaires à mieux connaître les pratiques discriminatoires,
leurs manifestations et leurs conséquences.
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- Et elle encourage les nouveaux moyens d’action en diffusant les bonnes pratiques.
- A partir des réclamations et des bonnes pratiques dont elle a connaissance, la HALDE
formule des avis et des recommandations.
La Haute autorité peut être saisie par :
• Tout particulier qui se plaint d'être victime d'une discrimination.
• Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, et dont
la raison d’être est de combattre les discriminations ou d’assister les victimes.
L’association pourra saisir la haute autorité "conjointement avec toute personne qui s’estime
victime de discrimination", et avec son accord.
• L’intermédiaire d’un député, d’un sénateur ou d’un représentant français au parlement
européen.
• La Haute autorité peut aussi se saisir d’office des cas de discrimination directe ou indirecte
dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu’elle est identifiée, ait été avertie
et qu’elle ne s’y soit pas opposée.
Particularité :
L’article 15 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE dispose qu’elle peut
recommander toute modification législative ou réglementaire.
Les résultats de l'intervention de la HALDE ne sont pas négligeables, ainsi que cela résulte du
rapport d'activité 2005 :
-
Une candidate à un poste a déposé une plainte pour discrimination raciale. La HALDE a
obtenu la communication d'informations complémentaires que la candidate n'aurait pas
eues, en l'occurrence les notes des autres candidats embauchés.
-
Dans une autre affaire, la HALDE a demandé au ministère de l'éducation nationale de
modifier le décret qui prévoit que l'attestation de sauvetage aquatique est un pré requis à
l'inscription au concours du professorat EPS pour le rendre compatible avec la loi du 11
février 2005 pour l'égalité des droits des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées
-
Concernant les offres d'emploi, la HALDE a informé les auteurs des annonces et des
diffuseurs sur Internet des pratiques discriminatoires relevés et de la transmission
procureur de la république ; elle engageait une réflexion sur les recommandations à
émettre afin d'éviter les pratiques discriminatoires sur les conditions de recrutement liées
à l'âge ;
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Surtout, elle a pris les mesures suivantes :
• par un courrier adressé aux organes de presse et de diffusion, elle leur a rappelé la
responsabilité pénale et les sanctions prévues par la loi ; elle a approfondi les contacts avec
certains de ses diffuseurs pour les inciter à améliorer leur pratique.
• Elle a informé les organisations d'employeurs et les représentants des associations des
gestionnaires de ressort du même afin d'établir un partenariat.
• Elle a engagé des tests de discrimination sur des annonces publiées par la presse ou
diffusées sur Internet.
• Elle a invité le ministre de la fonction publique à examiner attentivement les conditions
d'accès (notamment d'âge) aux concours de la fonction publique.
Par ailleurs, la HALDE a pris des mesures préventives :
A titre d’exemple, elle a adressé une lettre à 146 grandes entreprises installées en France
rappelant l'importance de la lutte contre les discriminations, et leur demandant les voies
d'action mise en oeuvre, ce qui a provoqué la désignation d'un correspondant permanent de
la HALDE dans 72 entreprises ;
Certaines entreprises prévoient d'ailleurs des autotests de discrimination, voie encouragée
par la HALDE.
2. Les nouveaux pouvoirs de la HALDE
La loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 et le décret d'application du 1er juin 2006
permettent à la HALDE de proposer une transaction pénale impliquant :
-
le versement d'une amende à la charge de l'auteur d'une discrimination ;
-
des mesures d'affichage ou la diffusion d'un communiqué ;
-
l'indemnisation de l'intégralité du préjudice de la victime (préjudice matériel,
préjudice moral, impact sur l'état de santé, notamment en cas de harcèlement, ainsi
que du préjudice subi par les proches : retentissement sur le niveau de vie, droits à
la retraite, éventuellement réintégration.
L'auteur d'une discrimination ne peut pas demander à bénéficier d'une transaction.
Si la transaction échoue, la haute autorité peut enclencher l'action publique, par le moyen
d'une citation directe devant le tribunal.
Les pouvoirs de la HALDE sont donc considérables, et assimilables à ceux détenus par
l'administration fiscale. Mais à la différence de l’administration fiscale, la haute autorité n'est
pas elle-même victime, et elle occupe donc toujours une position de tiers.
11
Question chiffre : sur 1822 dossiers enregistrés à la date du 28 février 2006, plus du tiers ont
reçu une réponse définitive de la part de la HALDE le délai moyen de traitement étant de 3
mois.
CONCLUSION (Les questions à ne pas poser – et les réponses à donner) : les
contradictions au travers d’un exemple
La lutte contre les discriminations permet d'envisager le passage d'un contrat de travail à un
contrat social, c'est-à-dire d'un rapport marchand à un rapport plus humain.
Mais toutes les questions ne sont pas pour autant réglées : prenons pour exemple le cas des
salariés protégés.
Sont protégés contre le licenciement :
¾ les conseillers prud'homaux à compter de la publication de la liste des élus au recueil
des actes administratifs de la préfecture, cette publicité rendant les résultats des
élections opposables à tous (Cass. soc., 20 juin 2000, no 98-43.320) ;
¾ les salariés ayant cessé leurs fonctions de conseillers prud'homaux depuis moins de six
mois ;
¾ le salarié qui remplace un conseiller prud'homal défaillant ou démissionnaire (Cass.
soc., 3 mars 1988, no 86-43.000).
¾ le salarié inscrit sur la liste préfectorale des conseillers du salarié lors de l'entretien
préalable de licenciement à compter du jour où la liste arrêtée par le préfet du
département est publiée au recueil des actes administratifs du département (C. trav.,
art. L. 122-14-16 ; Cass. soc., 13 juill. 2004, no 02-42.681 ; voir no 1105 ) même s'il
n'est jamais sollicité pour sa mission de conseil (Cass. soc., 14 janv. 2003, no 0045.883) ;
¾ les membres des commissions paritaires (C. trav., art. L. 132-30) ;
¾ les administrateurs des caisses de sécurité sociale (CSS, art. L. 231-11),
¾ les représentants des salariés aux chambres d'agriculture (C. rur., art. L. 515-1),
¾ les administrateurs de l'Urssaf
¾ et les administrateurs d'une mutuelle (C. mut., art. L. 114-24) ;
¾ les salariés membres des conseils d'orientation et de surveillance des entreprises de
service public (CE, 6 mai 1996, no 153102).
12
Au moment du recrutement, l'employeur n'est généralement pas informé des mandats détenus
par le candidat.
Peut-il interroger le candidat sur la détention de mandats, au moment du recrutement ?
Doit-il ignorer l’existence de ces mandats ?
¾ Les textes
Par application de l’article L. 121-6 du Code du Travail,les informations demandées, sous
quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme
finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes
professionnelles.
Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec
l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat à un emploi ou le salarié est tenu d'y
répondre de bonne foi.
¾ la jurisprudence répond non à la première question...
L'introduction dans un questionnaire d'embauche d'une question interrogeant les candidats à
un emploi sur leur affiliation syndicale est considérée comme abusive. En effet, une
semblable question, superflue et inutile, impliquant la prise en considération de l'appartenance
à un syndicat ou de l'exercice d'une activité syndicale, est prohibé par la loi. Le fait que
l'employeur ait eu pour son intention de déterminer le profil du candidat en comparaison de
celui de l'emploi ne peut pas constituer une justification (Cassation Sociale 13 mai 1969 JCP
1970 édition générale II 16 208 ; Dalloz 1969 page 528 note Savatier). » (le Droit ouvrier
avril 2006)
Conséquence : l'employeur n'a pas le droit de poser des questions sur les activités de défense
des salariés à la personne qu’il embauche.
¾ ... la jurisprudence répond encore non à la deuxième question
Mais l’employeur ne doit pas ignorer les éventuels mandats que la personne se présentant à
l’embauche détiendrait, à prendre en compte notamment au moment du licenciement,
puisqu'il faut alors appliquer une procédure particulière (autorisation de l'inspecteur du
travail... etc.).
- La Cour de cassation ( Sociale 22 mai 2002 n° 00-42.213) affirme :
1° La cour d'appel ayant constaté que la nomination du salarié comme administrateur de
l'URSSAF avait été publiée aux recueils des actes administratifs de la préfecture de région
et de la préfecture de département, il en résulte qu'en raison de cette publicité, cette
nomination est opposable à tous.
13
2° Le salarié exerçant les fonctions d'administrateur de l'URSSAF et licencié par son
employeur sans autorisation administrative a droit, lorsqu'il ne demande pas sa réintégration,
d'obtenir, outre les sommes lui revenant au titre de la méconnaissance du statut protecteur
applicable en vertu de l'article L. 231-11 du Code de la sécurité sociale, les indemnités de
rupture et une indemnité résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle
prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail.
- La Cour de cassation ( Sociale 14 janvier 2003) confirme :
1° La publication au recueil des actes administratifs de la préfecture du département, de la
liste des personnes qui assistent et conseillent le salarié lors de l'entretien préalable au
licenciement rend la protection de la personne qui assiste et conseille le salarié lors de
l'entretien préalable à son licenciement prévue à l'article L. 122-14-16 du Code du travail,
opposable à tous.
2° La protection dont bénéficie le conseiller du salarié est indépendante de l'accomplissement
de missions dont la mise en oeuvre ne lui appartient pas.
Une lutte efficace contre les discriminations supposerait donc davantage de clarté.
Didier LODS
SCP KARCENTY LODS
Avocats aux Barreaux de Nice et Grasse
Pour l’AAPDS
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