Les avantages d`administrer le vaccin antigrippal pendant la

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Les avantages d`administrer le vaccin antigrippal pendant la
Point de pratique
Les avantages d’administrer le
vaccin antigrippal pendant la grossesse pour le
fœtus et le nourrisson de moins de six mois
Noni E MacDonald, Jane C McDonald; Société canadienne de pédiatrie
Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2014;19(9):e123-24
Affichage : le 3 novembre 2014
Résumé
La grippe est un grave problème pour les nourrissons de
moins de six mois. Chez ces nourrissons, le taux
d’hospitalisation attribuable à cette maladie et à des
maladies connexes est comparable à celui des personnes
âgées. Puisque les vaccins antigrippaux ne sont pas
efficaces dans ce groupe d’âge, la stratégie optimale,
fondée sur des données probantes, consiste à administrer
les vaccins trivalents inactivés pendant la grossesse.
L’administration de ces vaccins au cours des deuxième et
troisième trimestres a fait l’objet d’études approfondies et
est sécuritaire. Non seulement protège-t-elle la femme
enceinte et son nourrisson de moins de six mois, mais elle
est également bénéfique pour le fœtus. En effet, ce vaccin
contribue à réduire le risque de faible poids à la naissance.
Sur la scène internationale, la grippe représente un fardeau
considérable chez les enfants de moins de cinq ans. En effet,
on estimait le nombre de cas à 90 millions en 2008, dont 20
millions de patients ayant une maladie aiguë des voies
respiratoires inférieures et 28 000 à 111 500 décès.[1] Même
dans les pays industrialisés, la grippe demeure une cause
importante d’hospitalisations, de visites à l’urgence et en
consultations externes dans ce groupe d’âge. Les nourrissons
de moins de six mois présentent le taux d’hospitalisations
attribuables à la grippe le plus élevé de tous les groupes d’âge
pédiatriques,[2] les estimations variant entre neuf et 104 cas
sur 10 000 nourrissons de moins de six mois,[3] ce qui est
comparable aux taux observés chez les adultes de plus de 80
ans.
Chez les nourrissons et les enfants de six mois et plus, il est
démontré que les vaccins trivalents inactivés (VTI) contre la
grippe constituent un moyen sécuritaire et efficace de réduire
le risque de grave maladie causée par la grippe.[4][5]
Cependant, il est plus difficile de prévenir la grippe chez les
enfants les plus vulnérables à une maladie grave, notamment
les nourrissons de moins de six mois. En plus d’une hygiène
des mains méticuleuse pendant la saison grippale et de
l’évitement des contacts avec les personnes infectées, diverses
stratégies d’immunisation ont été évaluées.
Les vaccins antigrippaux ne sont ni homologués, ni
recommandés pour les nourrissons de moins de six mois,[4]
car, selon les études, leur efficacité reste à déterminer, tandis
que la réponse immunitaire de ces jeunes bébés est variable.[6]
Deux autres stratégies d’immunisation pour protéger les
nourrissons ont fait l’objet d’évaluations : la vaccination
familiale, dite du « cocooning » (la vaccination des femmes
après l’accouchement et des contacts familiaux du
nourrisson), et la vaccination des femmes enceintes.
Les programmes de cocooning ont obtenu un certain succès.
D’après les données probantes, c’est la vaccination de la mère
qui protège le plus le nourrisson contre la grippe.[7]
Cependant, même si la stratégie est modérément efficace
dans les projets de recherche et certains milieux cliniques, elle
est coûteuse et difficile à adopter à grande échelle.[8] De plus,
comme elle n’est pas rentable dans la prévention des décès
attribuables à la coqueluche chez les nourrissons de moins de
six mois,[9] elle est peu susceptible de l’être pour prévenir les
décès attribuables à la grippe dans ce groupe d’âge.
Par contre, des essais aléatoires et contrôlés et des études en
population ont démontré l’efficacité clinique,[10][11]
l’innocuité[11][12] et la rentabilité de la stratégie
d’immunisation des femmes enceintes lors de leur deuxième
COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION, SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE |
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ou troisième trimestre de grossesse, car elle réduit les taux
d’hospitalisation des mères et des jeunes nourrissons pendant
la saison grippale.[13][14] Outre la réduction des taux
d’hospitalisation liée à la grippe chez les mères et les
nourrissons, une analyse d’études (y compris des études
canadiennes) sur la vaccination antigrippale aux deuxième et
troisième trimestres a révélé une diminution de la fréquence
de nouveau-nés prématurés et petits par rapport à leur âge
gestationnel (présentant un retard de croissance). Toutefois,
l’effet de ces vaccins présentait des écarts importants.[15]-[17]
La vaccination antigrippale en début de grossesse serait
encore plus bénéfique. En effet, en 2014, une analyse
systématique et une méta-analyse sur les répercussions de la
grippe pendant le premier trimestre de la grossesse a révélé un
risque plus élevé d’anomalies congénitales, notamment les
anomalies du tube neural, l’hydrocéphalie, les cardiopathies
congénitales (p. ex., atrésie ou sténose des valvules aortiques
et communication interventriculaire), les fentes labiales, les
anomalies du système digestif et les anomalies réductionnelles
des membres.[18] Ces effets tératogènes découlent peut-être de
la fièvre ou d’autres réponses de l’hôte à l’infection grippale.
La vaccination antigrippale pendant le premier trimestre
pourrait éviter certaines anomalies congénitales. Le Comité
consultatif national de l’immunisation recommande
l’administration du VTI aux femmes, quelle que soit l’étape
de la grossesse,[19] tout comme la Société des obstétriciens et
gynécologues du Canada (http://sogc.org/fr/publications/
immunisation-avant-et-pendant-la-grossesse).
Cependant,
puisque l’utilisation de ce vaccin est loin d’être généralisée
dans ce contexte, il faudra redoubler d’efforts pour
encourager les travailleurs de la santé à proposer le vaccin
antigrippal aux femmes enceintes et pour inciter les femmes à
l’accepter. Si le vaccin ne leur a pas été administré pendant la
grossesse, les mères d’un jeune nourrisson devraient être
vaccinées pour réduire le risque de grippe. Si elles allaitent, le
nourrisson sera protégé davantage grâce au transfert passif des
anticorps dans le lait maternel.[20]
En résumé, pour prévenir la grippe chez les nourrissons de
moins de six mois, la meilleure stratégie fondée sur des
données probantes consiste à administrer les vaccins
antigrippaux pendant la grossesse. L’immunisation par un
VTI pendant les deuxième et troisième trimestres est bien
étudiée et sécuritaire. Elle a également des effets protecteurs
tant pour la mère que pour son fœtus avant l’accouchement.
Par ailleurs, à la naissance, le nourrisson possède des
anticorps contre la grippe qui lui assurent une certaine
protection jusqu’à ce qu’il puisse recevoir la première dose du
vaccin antigrippal à l’âge de six mois. Dans les climats
tempérés, où la grippe est saisonnière, la mère devrait être
vaccinée avant le début de la saison grippale. Bien qu’une
bonne hygiène des mains de la part de tous ceux qui sont en
contact avec des nourrissons pendant la saison grippale et
l’évitement des contacts entre les nourrissons et les personnes
infectées contribuent à prévenir la maladie, l’immunisation
pendant la grossesse est essentielle pour protéger un groupe
particulièrement vulnérable pendant ses quelques premiers
mois de vie.
Remerciements
Le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né de la Société
canadienne de pédiatrie ainsi que des représentants de la
Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et du
Collège des médecins de famille du Canada ont révisé le
présent point de pratique.
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2 | LES AVANTAGES D’ADMINISTRER LE VACCIN ANTIGRIPPAL PENDANT LA GROSSESSE POUR LE FŒTUS ET LE NOURRISSON DE MOINS DE SIX MOIS
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2014;32(16):1786-92.
COMITÉ
DES
MALAD
IES
INFECTIEUSES
ET
D’IMMUNI
SATION
DE LA SCP
Membres : Natalie A Bridger MD; Jane C Finlay MD
(membre sortante); Susanna Martin MD (représentante du
conseil); Jane C McDonald MD; Heather Onyett MD; Joan L
Robinson MD (présidente); Marina I Salvadori MD (membre
sortante); Otto G Vanderkooi MD
Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe de recherche
canadien sur le sida chez les enfants; Michael Brady MD,
comité des maladies infectieuses, American Academy of
Pediatrics; Charles PS Hui MD, Comité consultatif de la
médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de
la santé publique du Canada; Nicole Le Saux MD,
Programme canadien de surveillance active de la vaccination
(IMPACT); Dorothy L Moore MD, Comité consultatif
national de l’immunisation; Nancy Scott-Thomas MD, Le
Collège des médecins de famille du Canada; John S Spika
MD, Agence de la santé publique du Canada
C
Noni E MacDonald MD
Aut
princi pales : Noni E MacDonald MD, Jane C McDonald
MD
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CANADIENNE
DE PÉDIATRIE
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