Kongo - Marines Editions
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LA FLOT T E J A P O C O MB I N NÉE A I S E de Pearl Harbour à Hiroshima Simon Liot de Nortbécourt Marines éditions I N T R O I I N T R O D N T R O I N O I N D U C T IN T R O D U CT I O N R T I Lorsqu’en 1851, le commodore américain Perry, chargé d’établir des relations avec le Japon, arriva en baie d’Edo (ancien nom de Tokyo), celui-ci sortait à peine du Moyen Âge. Replié volontairement sur lui-même, le Japon s’ouvrit enfin au monde par l’intermédiaire des Américains puis des Anglais. Pays insulaire, il lui fallut rapidement se constituer une flotte pour pouvoir commercer. Une marine moderne prit forme avec des navires anglais, sous le contrôle d’officiers de la Royal Navy. Puis les Japonais commencèrent à commander des bâtiments de guerre aux chantiers européens, avant de conclure une alliance navale en 1902 avec la GrandeBretagne. Disposant d’une flotte bien entraînée et commandée par de brillants amiraux, le Japon anéantit la flotte russe à Tsushima en mai 1905, se révélant alors au monde entier comme une puissance naissante. Désireux de voir son influence s’accroître, le Japon resta toutefois aux côtés des Anglais lors de la Première Guerre mondiale (gagnant alors les bases allemandes dans le Pacifique central) mais se démarqua ensuite d’eux peu à peu. Jusqu’à la fin des années vingt, les différents gouvernements, la plupart modérés, acceptèrent les programmes navals de la marine tout en refusant une course effrénée aux armements qui aurait mené le pays à la catastrophe. O flotte de guerre nippone se développa donc rapidement et - même si tous les programmes ne purent être respectés pour des raisons économiques - devint en 1941 la troisième marine du monde : elle disposait de 10 cuirassés modernes (deux cuirassés géants allaient entrer en service), une flotte de porte-avions d’escadre unique, des croiseurs modernes ainsi qu’une flottille de destroyers performants. L’entraînement au combat, particulièrement le combat de nuit, avait été très poussé (il portera ses fruits lors des premiers mois de la guerre), les différents armements tels que les canons et les torpilles comptaient parmi les plus efficaces… Mais à cause du crack boursier de 1929 et de la crise économique mondiale qui s’ensuivit, les officiers les plus bellicistes s’imposèrent et décidèrent de créer une marine capable de rivaliser avec les États-Unis, enfreignant ainsi le traité de Washington de 1922 qui prévoyait un rapport de 5-3 entre les USA et le Japon. La Cependant, si elle remporta de nombreux succès, de décembre 1941 à mai 1942, la marine impériale fut vite incapable de protéger l’ensemble du territoire conquis, la pénurie de carburant limitant notamment son action. Quant à la construction navale, elle ne put suivre durant le conflit les besoins en réparations ou en constructions neuves. Plus grave encore, la stratégie était défaillante car la doctrine sur laquelle s’appuyait la marine se révéla obsolète. Lorsqu’elle entra en guerre, son seul but était de rechercher à tout prix la « bataille décisive » qu’elle remporterait immanquablement avec ses cuirassés. Tout l’effort mis sur les porte-avions et sur les croiseurs lourds ne servit à rien puisqu’ils restèrent assujettis à la flotte de bataille sans être suffisamment employés à opérer des raids après la phase de conquête. Restant sur la défensive à la suite de Midway et de Guadalcanal, la marine japonaise fut écrasée par l’effort de guerre américain malgré des tentatives ingénieuses de contre-offensive. En 1945, la quasi-totalité des navires nippons reposait au fond du Pacifique. 8 9 Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM C H A P I T CUIR A SSÉS I C H A P T R E A A P P I I T T R R E E H Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM K o n g o 1937 Le Kongo d’origine était reconnaissable à ses canons anti-torpilleurs situés au sommet des tourelles. Kongo LeLeKirishima Kirishina en 1941. Chantiers Sur cale Lancement En service Vickers 17/01/11 18/05/12 16/08/13 Hiei Yokosuka 04/11/11 21/11/12 04/08/14 Haruna Kawasaki 16/03/12 14/12/13 19/04/15 Kongo Kirishima Mitsubishi 17/03/12 01/12/13 19/04/15 Déplacement : 32 220 t 37 200 t Dimensions : 221.9 x 30.8 x 9.5 Puissance : Machines : 136 000 ch Vitesse : 30 4 turbines Kampon, 8 chaudières Kampon ( Haruna : 11 ), 4 hélices Rayon d’action : 10 000 milles à 18 nœuds Effectif : 1 437 Protection : Armement : Ceinture : 203, pont : 120, tourelles : 230 8 x 356 ( II x 4 ), 14 x 152, 8 x 127 ( II x 4 ), 20 x25, 1 catapulte, 3 hydravions de juillet 1926 à juillet 1928 ; le Kirishima à Kure de mars 1927 à mars 1930. La coque fut renforcée, le blindage du pont fut augmenté et on passa de trois à deux cheminées. Trois hydravions pouvaient être embarqués ; le mât avant se transforma en une superstructure plus importante. Les 36 chaudières furent remplacées par de nouvelles (Kongo : 10, Haruna : 16, Kirishima : 10) et la vitesse diminua de 27,5 à 26 nœuds. Enfin, l’élévation des canons de 356 mm fut rehaussée de 33 à 43 degrés et on enleva 4 tubes lance-torpilles. Du fait du traité de Washington de février 1922, qui limitait le tonnage de navires de ligne, le Hiei fut démilitarisé d’octobre à novembre 1929 et devint navire école. Il perdit sa tourelle arrière de 356 mm, ses canons Lorsque le Japon voulut se doter d’une classe de croiseurs de bataille, il décida de commander la première unité aux chantiers anglais. Conçu par Sir George Thurston, le Kongo, premier numéro de la série, fut suivi de trois autres bâtiments assemblés sur le territoire nippon. Avec un blindage élevé et une forte puissance de feu, les Kongo représentaient un grand pas en avant. Mis en service avant et pendant la Première Guerre mondiale, ils ne jouèrent qu’un faible rôle durant celle-ci. Toutefois, en 1917, le Haruna fut endommagé par une mine allemande mouillée par le corsaire Wolf. Puis tous, sauf le Hiei, furent modernisés à la fin des années vingt, le Kongo à Yokosuka de septembre 1929 à mars 1931 ; le Haruna à Yokosuka également 15 pour les revues navales. Placés en réserve, ils naviguèrent ensuite en Chine et à Formose. En 1940-1941, le blindage des barbettes fut augmenté et la ventilation revue. Au début du conflit, les quatre Kongo formaient la 3e division de cuirassés. Le Kongo et le Haruna étaient rattachés depuis le 29 novembre 1941 à la 2e Flotte du vice-amiral Kondo et partirent pour Makung où ils arrivèrent le 2 décembre, en vue d’un soutien éloigné des forces d’invasion. Le Hiei et le Kirishima faisaient partie du 1er Koku Sentaï du vice-amiral Nagumo ayant pour but d’attaquer la base navale américaine de Pearl Harbour. Ils avaient donc quitté le Japon depuis le 26 novembre. Le Kongo et le Haruna ratèrent un engagement avec l’escadre anglaise de l’amiral Philipps qui fut finalement coulée par l’aviation terrestre le 10 décembre en mer de Chine méridionale. Ils soutinrent ensuite l’invasion de la Malaisie en escortant des convois. Pendant ce temps, les deux autres, après l’assaut sur Pearl Harbour le 7 décembre, rentrèrent au Japon. Ils mouillèrent à Kure le 24 décembre. Cette pause fut brève de 152 mm, son blindage fut réduit ainsi que le nombre de chaudières. La vitesse était de 18 nœuds. De 1934 à 1940, on les refondit tous complètement (Kongo à Sasebo de juin 1935 à janvier 1937 ; Hiei à Kure d’avril 37 à janvier 1940 ; Haruna à Kure d’août 33 à septembre 1934 ; Kirishima à Sasebo de novembre 1934 à juin 1936). Cette mesure était nécessaire pour que les porte-avions d’escadre soient protégés par des navires aussi rapides qu’eux. La longueur augmenta de 214,6 à 219,6 m. Le blindage (et donc le tonnage) s’accrut lui aussi, les derniers tubes lance-torpilles furent supprimés et de nouvelles turbines et chaudières portèrent la vitesse à 30 nœuds. L’armement antiaérien fut remanié : ils possédaient 8 x 127 mm et 20 canons de 25 mm. Une catapulte et un système de rails furent disposés juste devant la tourelle de 356 mm n° 3. Trois hydravions de reconnaissance furent embarqués. Le Hiei reçut une superstructure nouvelle qui servit pour les cuirassés Yamato. En effet, il fut choisi par Hiro-Hito comme navire impérial Malgré son désarmement en 1929, le Hiei fut reconstruit en cuirassé rapide au cours des années 30 et reçut une superstructure spéciale qui influença celle des supercuirassés Yamato. Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM 16 la bataille des Salomon orientales le 24 août. Le 14 septembre, le Kongo fut attaqué sans succès par des bombardiers US. Puis, dans la nuit du 13 octobre, le Kongo et le Haruna (vice-amiral Kurita) arrivèrent devant Henderson Field à Guadalcanal pour pilonner la piste d’aviation. Pendant deux heures, ils la bombardèrent à l’aide de plus de 400 obus de 356 mm, détruisant au moins 40 avions et ébranlant le moral des marines. La bataille des îles Santa Cruz, treize jours plus tard, n’eut aucun effet sur la classe, seul le Kongo subit l’attaque d’Avenger. Bien que se révélant être une victoire japonaise, la bataille de Santa Cruz laissait toujours les combats de Guadalcanal (surnommé « île de la mort » par les Japonais) en suspens. Aussi, le vice-amiral Kondo demanda au vice-amiral Abe d’écraser une fois pour toutes Henderson Field. Les navires nippons (Hiei et Kirishima) se présentèrent avec leur escorte le 12 novembre au soir mais les Américains étaient sur zone. Bien que repérés, les Japonais profitèrent de leur expérience du combat de nuit : une salve s’écrasa sur le croiseur léger Atlanta tuant l’amiral Scott. Le Kirishima détruisit le pont du San Francisco qui réussit à survivre. Au final, Abe n’avait perdu que deux destroyers ; cependant le Hiei, touché par une cinquantaine d’obus, se retira piteusement. Très abîmé, il fut découvert par l’aviation américaine qui l’acheva à la torpille. Il semblerait que le Hiei fut sabordé mais des doutes subsistent toujours sur la cause finale de sa disparition. En tout cas, Abe fut relevé de son commandement par Yamamoto, furieux de la perte du navire. Quant au Kirishima il revint le 14 pour tenter d’accomplir la mission. Cette fois-ci, les Américains l’attendaient de pied puisque Nagumo repartit début janvier pour la prise de Rabaul et le bombardement de Port Darwin. Le 21 février 1942, la jonction fut faite entre Nagumo et les deux autres Kongo aux îles Célèbes, en baie de Sterling. Ils restèrent en alerte du 10 au 25 mars puis se préparèrent pour le raid en Océan Indien. Le Kongo, le Hiei, le Kirishima, et le Haruna étaient placés sous les ordres du vice-amiral Mikawa. Le 26 mars, l’opération débuta : la flotte appareilla et pendant un mois elle effectua une opération spectaculaire. Le Kongo fut néanmoins attaqué par des bombardiers anglais Blenheim le 9 avril mais ne fut pas touché. L’amiral Nagumo rentra en métropole le 22 avril. Les quatre navires entrèrent alors en carénage. Le 27 mai 1942, le Kongo et le Hiei quittèrent Hashirajima appartenant à la 2e Flotte du vice-amiral Kondo pour participer à la bataille de Midway. Le Haruna et le Kirishima accompagnaient alors la flotte de porte-avions de Nagumo censée détruire les défenses de l’atoll et leurs adversaires américains. Le plan échoua, les cuirassés ne purent empêcher la perte des porte-avions le 4 juin malgré leur DCA ; ils furent même attaqués par des appareils américains. Le 6, le Kongo et le Hiei partirent pour le Nord en vue d’une contre-attaque américaine qui ne se réalisa pas. Après ce désastre, l’organisation de la classe fut remodelée : le Haruna rejoignit le Kongo à partir du 10 juillet tandis que le Hiei et le Kirishima (Sentai* 11) furent regroupés. Le Kongo et le Kirishima furent dotés d’un radar type 21 le 1er août. Durant les batailles des Salomon et de Guadalcanal, ils furent tous intensément engagés. Arrivés à Truk (grande base navale japonaise dans les îles Caroline) mi-août, le Sentai 11 prit part à 17 et Wake en septembre et octobre 1943. Les deux cuirassés retrouvèrent Sasebo à la fin de l’année. Du 30 janvier au 14 février 1944, ils furent réarmés, l’armement secondaire diminua (au final : 8 x 152 mm) au profit de deux autres affûts doubles de 127 mm et 12 x 25 mm. Le 15 mai, ils arrivèrent à Tawi Tawi ayant quitté le Japon le 11. Après mazoutage, ils escortèrent les porte-avions de la 3e division. Pendant l’opération A-Go, bataille de la mer des Philippines, ils ripostèrent aux attaques aériennes ennemies et protégèrent du mieux qu’ils purent le Chiyoda le 20 juin. Les deux cuirassés étaient alors commandés par le vice-amiral Yoshio Suzuki. Mais le Haruna fut atteint par une bombe. Le 22 juin, les restes de la première Flotte Mobile - dont les Kongo et Haruna - mouillèrent dans la baie de Nakagasuku à Okinawa. Le Kongo entra en cale sèche à Kure en été où il reçut deux radars type 13 et 22 ainsi qu’un nombre considérable de canons de 25 mm (tout comme le Haruna). Passant à 100, il atteignit ferme. L’engagement nocturne commença en faveur des Japonais puisque le Kirishima endommagea son homologue l’USS South Dakota. Néanmoins le cuirassé Washington commandé par le brillant contre-amiral Lee ouvrit le feu sur le Kirishima qui fut irrémédiablement touché. À l’état d’épave, il fut sabordé le 15 novembre. Ayant perdu deux cuirassés, Yamamoto refusa d’exposer tout autre navire de ligne. Après avoir couvert le repli japonais à Guadalcanal début février 1943, le Kongo et le Haruna furent immobilisés à Sasebo du 27 février au 13 mars et virent leur DCA augmenter à 28 x 25 mm (perdant en échange deux de 152 mm), décision prise à la suite de la destruction de leurs sister-ships. Le Haruna reçut un radar type 21. Le 12 mai, ils se préparèrent à repousser l’offensive américaine sur Attu dans les îles Aléoutiennes mais restèrent finalement en baie de Tokyo. Ils arrivèrent à Truk en septembre et participèrent aux tentatives nippones de repousser la flotte américaine qui bombarda Tarawa 18 *division. Le Kirishima, vu ici en 1939 avec le porte-avions Akagi, fut le premier navire de ligne japonais à être détruit par guidage radar, en novembre 1942. Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM Le Haruna en 1934. Le mât ‘ pagode’’ devint une caractéristique des cuirassés japonais reconstruits. À Midway, il ne fut pas endommagé malgré des attaques aériennes. lui ; mais, face à une résistance hargneuse des Américains, Kurita préféra se replier. La flotte fit demi-tour ; le Haruna se sépara ensuite du Kongo. Le 16 novembre 44, le Kongo appareilla de Brunei. Le 21, alors qu’il se trouvait dans le détroit de Formose, il fut torpillé par le sous-marin USS Sealion. Trois engins firent mouche provoquant une explosion. Le Kongo coula à 5 h 24 ne laissant que 237 survivants. Resté dans les parages de Lingga et de Singapour, le Haruna arriva à Sasebo le 10 décembre 44 avant de mouiller à Kure le 12. Il fut intensément bombardé par l’aéronavale américaine les 24 et 28 juillet 1945, et chavira le 28 vers 16 h 15. 118 en septembre de la même année ! Peu après le débarquement de MacArthur début octobre aux Philippines, l’amiral Kurita fut chargé d’annihiler la flotte de débarquement stationnant devant Leyte. Pour cela, il disposait d’une puissante force de frappe dont les deux Kongo. Le 25 octobre, au petit matin, l’escadre japonaise arriva face à Samar, dernier rempart avant Leyte. Le contre-amiral Sprague qui commandait un petit groupe de porte-avions d’escorte prit le parti de s’opposer à Kurita. Le destroyer Hoel attaqua le Kongo qui répliqua de plusieurs salves de 356 mm, touchant mortellement le destroyer téméraire. Le Kongo ne fut que légèrement atteint par des Helldivers, le Haruna échappa aux torpilles lancées contre 19 1941 Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM F u s o Le cuirassé Fuso en mer après sa mise en service. Il disposait alors de 12 canons de 356 mm mais les tourelles centrales étaient mal positionnées. Le Fuso en 1941. Fuso Yamashiro Chantiers Sur cale Lancement En service Kure 11/03/12 28/03/14 08/11/15 Yokosuka 20/11/13 03/11/15 31/03/17 Déplacement : 34 700 t 39 154 t Dimensions : 212,75 x 30,48 x 9,5 Puissance : Machines : Rayon d’action : Effectif : 75 000 ch Vitesse : 24,7 4 turbines Kampon, 6 chaudières Kampon, 4 hélices 11 800 milles à 16 nœuds 1 400 Protection : Armement : Ceinture : 305, pont : 96, tourelles : 305 12 x 356 ( II x 6 ), 14 x 152, 8 x 127 ( II x 4 ), 16 x 25, 1 catapulte, 3 hydravions Fuso pour servir de navire d’entraînement. Une plateforme de décollage fut installée sur sa seconde tourelle avant, la rendant inutilisable dans sa fonction première, mais contribuant utilement ainsi aux essais japonais en la matière. Plus tard, en 1927-1928, les mâts de misaine furent modifiés (comme sur les Ise) avec l’ajout de projecteurs et de deux canons de 80 mm. Afin de les moderniser, ils furent refondus au début des années trente (1930-1935) aux chantiers de Kure (Fuso) et de Yokosuka (Yamashiro). Ils reçurent une très haute superstructure en « pagode » qui allait devenir une caractéristique des cuirassés japonais reconstruits. De nouvelles turbines Les Fuso furent les premiers cuirassés « modernes » construits par le Japon. Mis en chantier peu avant la Première Guerre mondiale, ils possédaient un armement secondaire classique (16 x 152 mm) mais le principal était placé de façon inhabituelle : les deux tourelles centrales, séparées par une cheminée, se trouvaient décalées d’un niveau. Radicalement différents des navires antérieurs car plus grands, plus puissants et plus rapides (22 nœuds), le Fuso et le Yamashiro participèrent aux opérations de la Triple Alliance dans le Pacifique, modestement cependant. Lors des débuts de l’aéronavale japonaise en 1921-1922, le Yamashiro fut réquisitionné 21 et chaudières furent installées à l’intérieur d’une coque agrandie, dotée de ballasts et de bulges anti-torpilles. Une des deux cheminées fut enlevée, la protection du pont consolidée, les tubes lance-torpilles supprimés. En échange, on installa huit canons de 127 mm, 16 x 13,2 mm (Fuso) ou 8 x 13,2 mm et 2 x 40 mm (Yamashiro) ainsi qu’une catapulte (sur la tourelle centrale avant pour le Fuso et à l’arrière pour le Yamashiro) et trois hydravions. La catapulte du Fuso sera replacée à la poupe peu avant le début de la guerre. Le Yamashiro pouvait se différencier du Fuso par quelques petits détails. Le principal concernait les tourelles de 356 mm : alors que le Fuso avait ses deux tourelles centrales orientées différemment, le Yamashiro avait ses tourelles tournées toutes les deux vers l’arrière. De plus, la superstructure n’avait pas tout à fait la même forme. En 1937, ils perdirent 2 de 152 mm ; en 1941, ils disposaient d’une batterie de 16 x 25 mm. Dépassant les 24.5 nœuds, la classe Fuso était trop lente pour soutenir le rythme des porte-avions d’escadre. De plus, ils étaient jugés insuffisamment blindés, ce qui les fit reléguer au second plan. Ils restèrent donc au mouillage dans l’attente de la bataille « décisive » (le fameux duel au canon entre cuirassés qui devait démontrer la supériorité de la Musée maritime de Kure, Japon - YAMATO MUSEUM Le Fuso et le Yamashiro furent tous les deux anéantis le même jour, le 25 octobre 1944 dans le détroit de Surigao. 22 que sur Biak en Nouvelle-Guinée. Du 20 juillet au 10 août, la DCA fut élargie à 110 x 25 mm (Fuso) ou à 92 x 25 mm (Yamashiro) avec l’installation de radars types 13 et 22. En octobre 1944, le Fuso commandé par le contre-amiral Ban, et le Yamashiro par le contreamiral Shinoda, formaient le gros de l’escadre du vice-amiral Nishimura chargé de forcer le détroit de Surigao, au sud de Leyte, pour écraser la flotte de débarquement ennemie avec l’aide de Kurita venant du nord. Appareillant de Brunei le 22 octobre, Nishimura dirigea ses navires vers l’entrée du détroit sous les assauts répétés des avions américains qui endommagèrent le Fuso par une bombe. Le 25 au matin, la force japonaise se heurta à la Task Force de l’amiral Oldendorf, constituée de six cuirassés anciens, huit croiseurs plus une trentaine de destroyers et quarante patrouilleurs torpilleurs. Écartant sans peine les vedettes lance-torpilles, les cuirassés furent pris à partie par les destroyers adverses. Vers 3 heures, l’USS Melvin lança deux torpilles sur le Fuso. Touché, ce dernier continua le combat mais, à 3 h 45, les soutes à munitions explosèrent avec une brutalité terrifiante, coupant le bâtiment en deux épaves enflammées qu’acheva au canon le croiseur Louisville. Bien que torpillé, le Yamashiro se dirigeait toujours vers l’accès au détroit lorsqu’il fut soudain pris sous le feu des cuirassés américains. Rapidement, la superstructure fut réduite en poussière, ses tourelles - hors d’usage - au silence. Brûlant de la poupe à la proue, le Yamashiro se retourna et s’engloutit avec Nishimura dans les flots. Le seul fait marquant des Fuso fut ainsi d’avoir participé au dernier affrontement de l’Histoire entre cuirassés. marine japonaise), gardés en Mer Intérieure comme force de réserve. Les Fuso ne sortirent des eaux territoriales que très peu : ils partirent pour les îles Bonin le 8 décembre 1941 mais rentrèrent au Japon le 13 et poursuivirent sans résultats les porte-avions US du raid Doolittle dont les B-25 avaient bombardé Tokyo le 18 avril 1942. En juin, ils firent partie de la flotte de diversion des îles Aléoutiennes (opération AL). Suite à l’échec du plan MI en juin (victoire américaine à Midway), ils restèrent avec les Ise au Japon. Après quelques carénages, le Fuso et le Yamashiro participèrent à des exercices en décembre 1942, le Fuso étant alors navire d’entraînement jusqu’au 15 janvier 1943. Lorsque le 8 juin, le Mutsu explosa à Hashirajima (voir Nagato), le Fuso se trouvait sur place et permit la récupération de 353 survivants grâce à ses embarcations de sauvetage. Il avait été prévu que la classe Fuso soit transformée en cuirassé/porte-avions ; cependant l’idée fut abandonnée à cause de l’importance de tels travaux (de toute façon l’aéronavale japonaise n’avait plus que quelques mois à vivre). Seule la classe Ise fut concernée. Du 18 au 22 juillet, ils furent placés en cales sèches à Kure et reçurent un radar type 21. La DCA passa à 37 x 25 mm. Ils prirent part ensuite au renforcement de Truk. Le Fuso y arriva le 23 août avec troupes et matériels divers. Il y fut rejoint le 20 octobre par son sister-ship. C’est sur le trajet Truk-Kure que, le 5 novembre 1943, le Yamashiro, escortant le porte-avions Junyo, fut touché par une torpille ainsi que le Junyo. Heureusement, elle n’explosa pas ce qui laissa le cuirassé indemne. Peu actifs au début de l’année 1944, le Fuso et le Yamashiro revinrent au Japon en juin après une tentative avortée de contre-atta- 23