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Les Editions Antoine Wave Garnier présentent :
LES SUPREMES, la révolution vibracultic*
Des jeunes issus de quartiers populaires révolutionnent le monde du show-biz en imposant leurs
propres codes. Ils influencent la société jusqu’à la transformer. Ce sont les Suprêmes. Voici
leur incroyable saga.
Plus de 700.000 caractères résument 10 ans d’observation anthropologique, sociale, politique et
culturelle sur un des phénomènes les plus énergiques de notre époque : l’influence grandissante
de la culture jeune des quartiers populaires.
* L’alchimie que produit le lien étroit entre la vibration, la technologie et la culture.
ISBN : 2-9525814-0-1
EAN : 9782952581400
Format 14/21
360 pages
Cahier photos + dessins
Editions Antoine Wave Garnier
Date de sortie : Août 2006
Prix : 20 euros TTC prix public
Lieux de vente : les-supremes.com/Fnac
Commentaires : [email protected]
Présentation du livre
Les années 80 ont placé sous les projecteurs mondiaux une culture artistique, singulière,
expression de la dénonciation et de la rébellion d’un groupe d’Américains : celle des jeunes
urbains, pauvres et exclus.
Animés par une force mentale étonnante, des gamins, dont on se souciait peu, ont su mêler leurs
créativité et génie, force de caractère et persévérance, pour franchir des barrières considérées, dès
l’origine, comme infranchissables, et se hisser sur la plus haute marche de la représentation
internationale. Contre toute attente, ils ont réussi à devenir des superstars planétaires. Les
Suprêmes, c’est eux !
Une aventure imprévue et extraordinaire de ces jeunes hommes et femmes qui en bousculant les
schémas imposés, ont établi de nouvelles limites, créé une plate-forme de multiples innovations
et permis l’émergence de nouveaux créateurs. Inventeurs d’un nouveau statut ils ont redéfinies
des normes de société, l’ont profondément affectée. C’est l’histoire du talent, mêlée à la
détermination, au courage, à l’exigence et à l’acharnement, celle des moyens utilisés pour vaincre
l’adversité face à la violence de leur environnement, du prix de la sueur et des sacrifices. Plus que
la légende de son visage le plus jaugé, la musique rap, c’est celle de sa destinée, de son impact et
de son influence profonde sur les hommes.
Témoin privilégié et expert de terrain, l’auteur nous livre ses observations pour ne plus avoir peur
de notre ombre. Bilan objectif de notre contemporanéité, « Les Suprêmes » s’inspire de « Souffle,
au cœur de la génération Hip Hop entre New York et Paris 1986/2003» du même auteur.
Les Suprêmes, le livre qui va aider le citoyen à
mieux comprendre le passé, le présent et le futur
pour faire progresser la société.
SOUFFLE, au cœur de la génération Hip Hop entre New York et Paris. Vol 1.
(Nouvelle édition)
Présentation du livre
Paris, 1986. Antoine est un passionné de musique. Il part à New York pour rendre visite à son
oncle, un retraité militaire. L’Amérique qu’il découvre dans la Grosse Pomme le pousse à y
consacrer ses études et y repartir pour mieux observer une ville et une société américaine
mythique. Entre-temps, il y a croisé un des seigneurs de la scène Hip Hop naissante. Cette
plongée en apnée sociale, politique et culturelle se propose de partager en prise directe les
tranches de vies d’habitants de ghettos ethniques et sociaux capturées entre 1986 et 2002, aux
Etats-Unis et en France, dans une forme d’écriture liant actualités musicales, interviews,
commentaire social et observations sociétales. Souffle est beaucoup plus qu’un livre sur la
musique rap, il en chronique l’aventure correspondant à la période et à la facture à travers
lesquelles une voix sociale et artistique s’exprime. Véritable radiographie de ce mouvement
artistique, social, économique, politique et culturel capturé sur le terrain des années 80 à 2000,
entre Paris et New York où il a vécu pendant 10 ans, Souffle New York vous invite à partager
une somme d’informations et vous permettre de mieux comprendre, apprécier et être critique face
à l’expression rap, tout en en validant la formidable existence. Instructif, pédagogique, historique,
suivez-en les pérégrinations et le rythme.
Oxmo Puccino - Rappeur émérite
“Pour ceux qui prennent le train en marche, voici l’histoire de la gare en construction.”
ISBN : 2-9525814-1-X
EAN : 9782952581417
Format 14/21
290 pages.
Cahier photos + dessins
Editions Antoine Wave Garnier
Date de sortie : Août 2006
Prix : 15 euros TTC prix public
Lieux de vente : les-supremes.com/Fnac
Commentaires :
SOUFFLE, le livre de la respiration de la culture
Hip Hop entre New York et Paris.
L’auteur
Antoine Wave Garnier. Sociologue diplômé d’un D.E.A en civilisation américaine, il est
devenu correspondant de presse aux Etats-Unis pour L’Affiche, Black News, Da Niouz,
Vibrations, The Source, Urban, Power, Groove. Il y a vécu une dizaine d’années. Témoin
Privilégié et expert de terrain, il est devenu rédacteur en chef de Radikal, producteur du show
radio « Check Ca» (Fun Radio), concepteur des émissions tv “Caméra Graffiti” (La 5), “Bouge
Ta Nuit” (RFO Sat.), réalisateur de «Culture Rock spécial rap» (M6), de “La Guerre Des
Gangs” (13e RUE), de « Une Journée à New York», et ainsi apporté son regard et son
expérience pour une meilleure compréhension des liens étroits liant la culture moderne
américaine à son homologue française. Son travail, des deux côtés de l’Atlantique, mêle
sociologie, culture, politique et art, réaffirmant toujours l’idée qu’il n’y a pas de texte sans
contexte. Il est l’auteur d’une série de livres dont le dernier en date, «Les Suprêmes, la
révolution vibracultic», dresse un bilan objectif de notre contemporanéité.
Contact :
Antoine Wave Garnier
adresse email : [email protected]
site internet : les-supremes.com - souffle2vie.com - myspace.com/lesupremes antoinewave garnier.com
Tel 06 60 76 29 80
LES SUPREMES -EXTRAITS CHOISIS
1971
Pour entrer sans détour dans la confidence, je ne me rappelle pas comment s’est développé mon
intérêt pour la musique puisque que je n’ai fréquenté aucune église baptiste dès le plus jeune âge,
et que seuls les noms d’André Torrent ou de François Diwo (animateurs populaires sur RTL)
évoquent vaguement un accompagnement régulier pour cette matière. En revanche, de vagues
souvenirs font remonter à Isaac Hayes et au générique de la série télévisée Shaft, diffusée le
week-end, comme la toute première musique noire étrangère significative pour mes tympans.
Richard Roundtree l’acteur, était rapidement devenu le héros de toute la famille, avec sa
moustache virile, son blouson de cuir noir, son sourire, sa coiffure afro, sa musculature, … La
Soul Power de James Brown et le The Family Affair de Sly and The Family Stone,
suivraient occasionnellement sur l’antenne des radios de l’époque. Dans le sud, le comédien
méridional Fernandel mourrait et emportait avec lui son personnage Don Camillo avant qu’une
publicité pur des pâtes ne le récupère. Il était marseillais. Je l’avais toujours trouvé très bronzé.
Cette année-là, c’est à Paris* qu’un accord de cessez-le-feu entre le Vietnam et les Etats-Unis
était signé dans la guerre monstrueuse qui les opposait.
* Après tout, c’était bien normal que cela se fasse dans la capitale française, car depuis les années 40, les
gouvernements américains successifs aidaient financièrement et militairement leur alliée, la France, à maintenir en
Asie du sud-est son empire colonial déjà bien défait à la bataille de Dien Bien Phu par le nationaliste indépendantiste
Ho Chi Minh.
1972
En Allemagne, on arrête la bande à Badder, leader de la Fraction Armée Rouge. Aux EtatsUnis, on entend parler d’un énorme scandale qui secouerait le président du pays Richard
Nixon, le Watergate. Les compagnies allemandes et néerlandaises Philips et Siemens
fusionnent à 50% pour donner l’entreprise Polygram, spécialisée dans la production et la
distribution de produits manufacturés liés à l’industrie du disque. En France, monsieur Pierre
Messmer est premier ministre. Quand Nino Ferrer a chantéJe Voudrais Etre Noir, je n’ai pas
compris pourquoi. J’ai longtemps pensé qu’il se moquait de nous.
* Des compagnies nées de l’intérêt de servir le grand public de produits de distraction surtout après la fin de la
seconde grande guerre européenne et dont la croissance s’explique par un compliqué mais exponentiel système
d’alliances, de licences et d’acquisitions d’entreprises liées soit à la production, la distribution ou à l’administration
de l’industrie du disque.
1973
A l’automne 1973, j’ai le souvenir d’un malaise dans la société française. Le journal télévisé
n’arrête pas d’en parler. Une guerre israélo-arabe du Yom Kippour explique le quadruplement du
prix du baril de brut décidé par les pays de l’O.P.E.P pour faire pression sur les pays
occidentaux et multiplie, du même. coup, la facture énergétique du pays*. Si la France ne dispose
pas de pétrole, elle a des idées**. Sous le septennat de son président, Valéry Giscard
d’Estaing, elle se lance dans un grand programme d’économie d’énergie et devient la seconde
puissance électronucléaire mondiale. C’est à la même époque que la ceinture de sécurité devient
obligatoire aux places avant pour les constructeurs de voitures. Le saxophoniste camerounais
Manu Dibango «funk-jazzifie» des rythmes africains – Soul Makossa – mais sa proposition
originale et avant-gardiste n’interpelle que les initiés. C’est Kung Fu Fighting, de Carl
Douglas, davantage diffusé, que mes parents acceptent d’acheter. C’est l’un des premiers 45
tours de la maison. Pas question, non plus, d’acheter Lady Marmalade de Patti Labelle. Un
disque, c’est un luxe et il y a cinq bouches à nourrir, alors pas d’excès. Nous n’avons pas encore
a télévision en couleur. On y voit le Belge Eddy Mercks remporter le Tour de France pour la
cinquième fois et apprenons que Salvador Allende, premier président du Chili élu
démocratiquement, meurt après un coup d’Etat des militaires qui le «remplacent». L’hexagone
craque pour Le Zizi de Pierre Perret. Hilarant, il est aussi provocateur dans un pays à l’esprit
paillard. Le titre aurait généré 1 milliard d’anciens francs de gains apprendra-t-on.
* L’indice des prix à la consommation passe de 5.5 % (avant le choc du Kippour) à des fluctuations comprises entre
8 % et 14 %. Cette inflation du prix des hydrocarbures casse le rythme de la croissance en Occident en en modifiant
également un fondement important, la fin du pétrole à bas prix.
** Référence au slogan, “En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées”.
AUX ÉTATS-UNIS
L’ECHEC ET LA HONTE
La fin des années 60 est une époque de transformations radicales au sein de la société américaine
de l’après-gouvernement de Lyndon Johnson*. Après l’échec militaire cuisant infligé par le
Vietnam**, suivi d’un mouvement de protestation pour un arrêt de la guerre et d’un retour des
boys (le mouvement anti-war). Après une série de protestations revendiquant une considération
différente de la femme et de son corps au sein du ménage et de la société (le mouvement
féministe). Après les revendications de fierté noire introduites par le black power de la côte
Ouest accompagnées d’un mouvement plus large de remise en cause du statu quo raciste et
discriminatoire dans le Sud, puis dans le Nord, (le mouvement pour les droits civiques*** + la
critique de l’envoi disproportionné de jeunes Noirs pauvres et inexpérimentés sur le front du
Vietnam), les U.S.A se consument. Detroit, Newark, Cincinnati, Atlanta, East Oakland, près de
150 autres villes s’insurgent****. Car la vie du pays est basée/ancrée sur l’exclusion raciale
extrêmement violente institutionnalisée et entrée dans les mœurs de chaque communautés
composant la population. Du sang coule, des coups de matraques pleuvent, des corps sont
enterrés. Un sentiment de désobéissance civile embrase une partie des jeunes du pays qui
manifeste contre l’ordre établi et l’establishment. Le pays se divise. Ebranlée de toutes parts,
attaquée et critiquée de tous côtés, l’Amérique conservatrice, piteuse et honteuse, schizophrène,
douteuse de ses valeurs, se mue en une société intermédiaire, prise entre l’obligation de se
conformer à son discours officiel et tiraillée par les sautes d’expressions violentes de ses vieux
démons rétrogrades. Le 8 août 1974, pour cause de parjure dans l’affaire du Watergate*****, le
départ du président Richard Nixon, successeur de Lyndon Johnson, finit d’entamer la
confiance du peuple en ses institutions. Il est remplacé par Gerald Ford, lui aussi du parti
republican, qui lui accorde le pardon.
* Pétri d’intentions généreuses, il voulait être le président de la reconstruction du pays, allouant des budgets pour une
politique sociale visant l’égalité de ses citoyens (fin de la discrimination, programme de refonte des villes, système
de protection sociale performant à l’attention des plus faibles). Ses budgets seront finalement affectés à l’effort de
guerre.
** En 1975, le chiffre de 57,000 américains morts au Vietnam est avancé. Depuis 1950, les Etats-Unis ont dépensé
$155 milliards de dollars en Asie du sud-est. 7 millions de tonnes de bombes ont été lâchées sur le Vietnam, des
armes chimiques ont été testées et des milliers de civils vietnamien(ne)s tuée)s laissant un gouffre physique
émotionnel et psychologique permanent.
*** Le mouvement pour les droits civiques est l’aboutissement des politiques de revendications conjuguées des
Indiens, des femmes et des Noirs face à leurs libertés individuelles ou collectives bafouées, malgré leur participation
à l’effort de guerre (cas des femmes et des Noir(es) ou face à leur isolement et leur négation (cas de Indiens). Il est
établi que les boys du Vietnam étaient envoyés selon des critères d’appartenance raciale et sociale. Les plus pauvres
ayant constitué le gros des troupes quand les plus aisés réussissaient à se faire exempter. Les Noirs constituaient 10%
de la population nationale, 12,5% de l’armée et 14,6% des morts. Une aberration dénoncée par le boxeur
Muhammad Ali. Il lui en coûtera son titre de champion du monde.
**** Il est intéressant de constater que les médias focaliseront leur couverture et leurs commentaires sur une
demande progressiste d’acceptation des Noirs du Sud par l’Amérique blanche du Sud, alors que les affrontements
entre polices locales et populations noires ayant émigré hors-sud tend à prouver que cette demande visait les
difficultés rencontrées lors de l’installation des Noir(e)s dans TOUS les états du pays. Preuve d’un racisme national.
***** Le Watergate est l’histoire de la révélation de deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et
Carl Bernstein, d’une affaire d’espionnage des activités du parti democrat par des membres du parti du président
republican le 17 juin 1972 via le placement dans ses bureaux de micros. Un crime connu, couvert et longtemps niée
par sa direction.
LA DÉCEPTION
Malgré une volonté «négociée» au couteau d’améliorer le sort d’une communauté noire dont la
fraction pauvre est la plus tenue à l’écart*, les effets de cette absolution nationale sont noyés dans
la récession qui balaye l’Amérique du début des années 70 ; notamment la crise du pétrole qui
atteint de plein fouet un pays aux longues et lourdes voitures. Paradoxalement, ce début de
décennie est marqué par une sorte de refus d’une vision avortée de la société idéale de Martin
Luther King Jr.** remplacée par une nouvelle donne économique, mais surtout morale. Si, en
Angleterre, ses victimes économiques traduisent leur frustration via l’apparition et l’explosion
radicale de «choking» punks extra-«sentimentalisés» et fanatisés par leur public (les groupes The
Clash et autres Sex Pistols, relais d’un mouvement contestataire***), ici, leurs doubles
américains gèrent leur amertume en se réfugiant dans une autre culture de l’artifice et de la
consommation à outrance, où le corps est roi, la libération sexuelle consommée. A l’instar des
drogues (douces et moins douces) dont les marchés respectifs explosent. Sex, drugs and rock ‘n’
roll devient la philosophie de vie d’une génération d’Américain(e)s aisée)s, quand une autre
ramène au pays la violence vécue au/héritée du Vietnam. C’est dans ce contexte qu’apparaît la
culture de la rébellion hippy (des jeunes Blanc(he)s), des privilégiée)s des banlieues et des
campagnes qui veulent changer le monde incarnés par Robert Allen Zimmerman/Bob Dylan
; et de la disco (des jeunes non-Blanc(he)s), des défavorisés des centres-villes qui veulent, eux, y
participer. Woodstock, psychédélisme, LSD, marijuana et idéal pour les premiers. Drogues dures,
déception, frustration et enclaves à la Bronx du Sud pour les seconds.
* On oublie trop souvent que la Communauté noire est composée à 60% de gens issus de la classe moyenne et de la
classe supérieure pour ne voir que la frange cible privilégiée des médias, celle des pauvres à hauteur de 40%.
** En perte de vitesse chez les noirs ouvriers compte tenu de son discours pro-classe moyenne.
*** En ce sens, il est opportun de tracer un parallèle entre la trajectoire de la culture rap et punk, similaire en
matière de sens et de récupération.
JAMES BROWN
Père reconnu, le “N° 1 soul brother”, “The Godfather of Soul”, “Mr. Dynamite”, “The
Hardest-working Man in Show Business”, Joe “James” Brown Jr. Chanteur,
compositeur, producteur, homme d’affaires noir émérite, élément incontournable du patrimoine
culturel musical américain en ayant influencé les genres rock, soul, r&b, jazz et rap, symbole
d’une culture africaine qu’il a su réinterpréter et ajuster au goût et à la philosophie américaine
après un voyage sur le continent-mère. James Brown, produit d’une tradition religieuse et
spirituelle transmise à tout(e)s descendant(e)s de la diaspora africaine sur le sol du nouveau
monde, a longtemps symbolisé l’effort, la détermination et la réussite* du Noir face aux obstacles
et aux stéréotypes négatifs attachés à sa couleur de peau dans le pays déjà exterminateur des
Indiens. La précision de son travail – l’invention de la funk music, des changement de rythmes et
de la notion de groove -, sa qualité – son travail acharné et le recours à des pointures Bootsy
Collins, Fred Wesley, Maceo Parker, Jimmy Nolen, Phelps Collins -, ses innovations –
le mariage d’éléments r&b avec la tradition rythmique du jazz – son message politique – Say it
loud, I’am black and I’m Proud** – son esprit d’entreprise – il a acheté des stations de radio en ont fait un modèle de référence.
* En 1963, il financera lui-même l’enregistrement de son disque Live at the Apollo.
** Son morceau coïncidera une époque de réappropriation de son identité par les Noirs qui adoptent le terme black
plutôt que celui de negro imposé par les Blancs.
SOUL COMME SOUL(IGNER)
Dans une société américaine des années 60 en crise où blancs et noirs vivent séparément, la
musique noire répond à cette réalité*. Elle ne passe sur les ondes que sous l’étiquette race music
et est souvent reprise par des artistes blancs. De Bill Halley à Elvis Presley. Une partie de la
jeunesse du pays ne comprend pas et conteste le décalage existant entre le discours officiel et une
effroyable et choquante** réalité mise à nu, alors que le monde change et que les médias en
couvrent l’actualité*** Comment, «à la maison», les Noir(e)s peuvent-ils subir toujours autant
les effets d’un racisme institutionnel violent, honteux et dommageable (que dénoncent les poètes
Last Poets) quand d’anciennes colonies africaines gagnent leur indépendance…? La musique
va progressivement se faire porte-parole d’un désir de libération plus directement exprimé.
* We’re Moving On Up – Curtis Mayfield
** Uncle Sam – Tevin Campbell
*** C’est au cours des années 50 que la télévision entre dans les foyers et modifie considérablement combien le
public voit le monde. Les grands médias américains ne vont couvrir qu‘une fraction de l’Amérique noire, celle de
l’influence/conséquences des immigrants du Sud confrontés à la brutalité raciale du sud – images de chiens bergers
allemands mordant des manifestants en Alabama, par exemple. Puis, ce seront des images de violence raciale dans le
Nord qui constituent les premières images que découvre l’Amérique blanche puis le monde via la télévision –
insurrection urbaine. C’est la principale représentation qui est donnée des Noir(e)s. Aucune image de Noir(e)s
retournée)s dans un esclavage abject via un système de métayage tronqué et souffrant le martyr dans le Sud ne sera
montré/disponible avant plusieurs années, car l’Amérique ne veut pas de cette image intérieure et contradictoire
d’elle-même. Et parfois, elle en a honte. Une certaine image médiatique du Noir a été imposée.
SOUL COMME SOUL(ÈVEMENT)
Au cours des années 70, c’est une musique qui répond aux secousses produites par le mouvement
pour les droits civiques et l’espoir qu’il a suscité: atteindre une société égalitaire entre noirs et
blancs, la demande de reconnaissance identitaire du mouvement Black Power, la tristesse de
ses héros disparus (King Jr, Kennedy, X), l’accès à une nouvelle étape identitaire. La narration
du blues, la déstructuration rythmique du be-bop, l’esprit de liberté du jazz, le témoignage du
gospel, se traduisent maintenant au travers d’une musique qui célèbre la reconnaissance
statutaire et esthétique de la couleur noire, de ses représentant(e)s, et de leur histoire. C’est la
musique des messages d’amour, de solidarité et d’émulation collective. Une musique qui, comme
la salsa ou le boogalo pour les Hispaniques, chante la fierté, le black power.
LE DJ KOOL HERC
De ces soirées tenues notamment au Community Center, (1520 Sedgwick, avenue du Bronx), ou
au Twilight Zone, le nom d’un organisateur particulier ressort : Clive Campbell, alias DJ Kool
Herc. Fils d’immigrant d’origine jamaïcaine influencé, à la fois, par la culture des sound systems
du pays de ses parents, leurs disques de r&b «à la Motown», le ska, le reggae, et par ce qui est
diffusé à la radio. Herc crédite, lui aussi, Lightning Rod et James Brown pour avoir fourni
les bases fondatrices de la musique liée à la Hip Hop*, mais c’est lui qui lui donnera vie. C’est en
effet la Jamaïque qui a apporté au rap américain ses éléments reggae, et c’est à l’emprunt de
rythmes r&b que l’on peut attribuer le premier son rap. Herc est le premier DJ identifié aux
Etats-Unis comme ayant popularisé ces soirées inspirées de celles existant dans sa Jamaïque
natale. Aux platines de son sound system, «Herculords», il mélange un vaste répertoire de
cultures musicales qu’il affectionne, mixant, à l‘oreille, des standards de pop, de rock, de funk,
de r&b ou de musiques latines que l’on peut entendre en clubs ou à la radio, MAIS à la différence
d’autres DJ’s existant, qu’il a le génie d’entrecouper de séquences sélectionnées à partir de ces
mêmes disques**. En isolant et rejouant la partie instrumentale de deux mêmes disques (le break
beat) et en en allongeant la durée au cours de laquelle le public choisit plus particulièrement d’y
chanter et danser, il invente une nouvelle manière de jouer un disque et sa réponse par le public.
Plus tard, en demandant à un ami d’animer la foule au micro, Cock La Rock, il pose les bases
de ce qui va devenir l’art du Mcing (l’art de rapper). Il métamorphose, américanise la culture des
DJ’s jamaïcains sur le terrain new-yorkais.
* Jalal Nuridin, le grand-père de cette façon de scander la réalité fait un distinguo entre rap et poésie. Pour le
premier, l’effort ne consiste qu’à produire des rimes, alors que pour le second, il s’agit de penser au sens des mots et
de leur impact sur un public qui y est attentif.
** Par exemple, des breaks de batteries qu’il a la particularité d’isoler et être le seul à posséder à cette époque :
Scorpio de Dennis Coffey coupé par The Mexican de Babe Ruth, par exemple. Mais plus important, les dates
d’apparitions des disques de James Brown et leur impact ont correspondu à, soit une danse, soit un message social
et culturel de la star noire. Exemple : Funky Drumer en 1969 et Get on The Goodfoot en 1972.
UNE RENCONTRE DE CULTURES : L’APPORT JAMAïCAIN
Héritière technique de la culture des DJ’s jamaïcains, mais pas de la même spiritualité, la
musique qui porte le nom de rap music aux Etats-Unis représente ainsi la première musique
américaine afro qui exprime, partage, confie, sans détour, l’univers d’une Amérique des laissés
pour-compte plus durement touchée que les autres, notamment par la première crise liée au
pétrole. En réalité, le rap est l’amalgame direct d’origines musicales américaines passées par
différents filtres, dont un, culturel, jamaïcain. La programmation des radios locales jamaïcaines
imposant l’influence américaine sur place, puis sa réinterprétation/enrichissement lors de son
retour» sur le sol américain. C’est l’univers du toasting jamaïcain d’un Ewart Beckford/U-Roy
u d’un Osbourne Ruddock/King Tubby, (premiers artistes de dub des années 60), fusionné
avec celui du Delta et de l’Urban Blues (la musique du sud des Etats-Unis), du r&b (une forme
plus légère, plus romantique et plus rythmée que le gospel), de la funk (la version dynamique et
sexuelle du r&b) de la disco (la version édulcorée et issue des studios d’enregistrements du r&b).
Finalement, c’est une nouvelle création insolite, appréciée, soutenue et familière de la culture
musicale des jeunes Noirs et Hispaniques du Bronx. Si la musique américaine noire
introduit/produit du contraste, la musique caribéenne introduit une palette de racines. Elles
conjuguent leurs ingrédients respectifs.
LES DJ’S/LES MC’S : UNE NOUVELLE MANIÈRE D’ANIMER
Ce sont les DJ’s principalement originaires de la circonscription du Bronx du sud et de l’ouest –
Grand Wizard Theodore*, Fashion, Disco King Mario, Flowers, Hollywood**,
Grandmaster Flowers, AJ, Breakout, Baron, – qui mixent des morceaux de funk «à la»
James Brown ou “à la” Isaac Hayes, Peoples Choice, The Ohio Players, Dennis
Coffey, Willie Hutch, Curtis Mayfield, The Isley Brothers, BB King, Johnny Taylor,
Fatback Band, en fonction des évolutions cycliques du r&b. Chacun a son style, sa manière
d’animer que l’on retrouve disponible sur des cassettes à la vente. Le plus jeune, Flash/Joseph
Sadler****, est considéré comme un DJ compte tenu de sa virtuosité, alors que son aîné Herc
l’est comme record player/programmateur de disques. Pete DJ Jones, (plus âgé, comme un DJ
exclusif des clubs noirs adultes situés downtown (Nell Gwynn’s, Pippins, Nemos, Justine’s,
Ipanemas) et n’officiant pas dans les parcs. Lui, place le diamant à un endroit donné précis du
disque plutôt que ne mixe les disques et joue exclusivement de la disco. Leur programmation
n’est pas la même car chacun évolue pour des publics et à des endroits différents. Ils sont bientôt
rejoints par des DJ’s originaires de Brooklyn – Maboya, Plumber, Frankie D, Master
Monkay - et de Manhattan - tels que Master Don and the Def Commitee, Crash Crew,
The Force MC’s (qui deviendra The Force MD’s), de Staten Island, Disco Twins, de
Queens. Chacun choisit de focaliser soit sur une programmation de disques de disco, soit de r&b
et de funk.
* Les Livingston Brothers étaient un pool d’équipes constitué de Cordeo, Grand Wizzard Theodore, Mean
Gene (son petit frère) qui travaillait avec Grand Master Flash (avant qu’ils ne se séparent), et de Master Rob et
Kevvy Kev connu sous le nom de Fantastic Five. Il existait de nombreuses équipes de DJ’s dont les membres se
croisaient dont l’animation verbale se faisait via une foule de MC’s. Fantastic Five et Cold Crush Brothers
vont lancer la mode des battles bon enfant ou de rimes salaces. Bambaataa fera travailler jusqu’à 10 MC’s mettant
l’accent sur la citation d’hommes noirs illustres.
** Sur ses flyers, on pouvait lire «Featuring the Golden Voice of DJ Hollywood».
**** Jeune étudiant de la Samuel Gompers Vocational School, féru en bidouillage électrique, il va révolutionner le
genre. Il concocte dans sa chambre un mélangeur de sons entre deux platines et entreprend de perfectionner la
technique de mixage inspiré de celle de Pete DJ Jones (qu’il a rencontré et observé en utilisant le disque
différemment. Il y ajoute la méthode dite de la montre – il utilise le diamant en tant que répétiteur du rythme -, sur
les breaks, et perfectionne également la technique inventée par Theodore Livingston/Grand Wizard
Theodore, l’art du scratch. Nouvel art du mixage et technique de scratchs maîtrisés, Grand Master Flash et née.
Une révolution sonique débute.
UNE CULTURE DE L’ENVIRONNEMENT
Cette naissance artistique est possible parce qu’elle ne demande pas de moyens financiers
excessifs, mais permet cependant l’accès à la musique grâce au détournement de la technologie et
de son cadre d’expression*. Appartenir à une équipe de DJ’s, porter leurs bacs de disques ou les
leur passer durant leur prestation, c’est se voir recouvrir d’une aura particulière, notamment très
efficace en cas de drague des jeunes filles, car on est assimilé au DJ tout puissant, superstar du
quartier. C’est, à la fois, une grande responsabilité, mais aussi source d’avantages en nature,
l’assurance d’une protection physique. Les DJ’s, véritables vedettes de l’animation, font
progressivement la part belle aux animateurs de soirées qui les accompagnent, les MC’s
(Masters of Ceremony), dont les textes ne tournent qu’autour des prouesses au micro et des
femmes. Beaucoup n’auront pas de carrière commerciale autre que celle soutenue par un public
de quartier. A l’exemple des Grandmaster Caz, The Treacherous Three**, Charly
Chase, Cold Crush Brothers, AJ, Lovebug Starski, ou de Funky Four + 1 More***
qui deviendront des légendes. En effet, à l’époque, personne ne pense qu’une soirée entière et
l’esprit convivial qui s’en dégage peuvent sérieusement être «fixées» et rendus, fidèlement, sur le
plastique d’un vynil. Ce sont les premiers DJ’s à mixer ET rapper en même temps ou à
s’accompagner de MC’s pour animer la foule avant que l’art du MC’ing ne se structure et que
l’on passe de simple animateur, crowd motivator, radio announcer, à performer aux textes plus
construits****. C’est au DJ Hollywood qu’est attribuée la paternité d’avoir mêlé le premier
mixage de musiques, de chants, et d’éléments rythmiques rap et de participation collective, les
fameux «Eveybody scream !» ou «Throw your hands in the air !».
* Certains observateurs datent la naissance de la scène des DJ’s comme la conséquence de la grande panne
d’électricité de 1977 où de nombreux vols d’équipement électroménagers avaient été enregistrés dans un New York
plongé pendant des heures dans l’obscurité totale.
** That’s The Joint. Ils n’avaient pas 17 ans quand ils ont été signés sur le label Enjoy.
*** Sylvia Robinson a juste envoyé un chauffeur dans le parc où moi et mes potes KMD, L.A. Sunshine
et Special K avions l’habitude de traîner. On a fait le trajet en voiture jusqu’à Sugarhi', où nous avons fait
plus ample connaissance... A l’époque, c’était juste de l’expression, et je ne pensais même pas à l’argent.
Je n’avais pas vraiment la foi. Et puis, j’ai réalisé que je pouvais devenir riche et célèbre. Tu vois, le
fameux cliché... Kool Moe Dee.
**** Wanda Dee est le premier DJ féminin connu et les femmes y ont leur place tant sur les pistes – grâce à la
danse appelée the Freak – que derrière les platines. C’est le groupe Sequence mené par Sha-Rock qui représente
le premier groupe de rap féminin.
UNE CULTURE D’ÉVINCÉS
Cette culture est confinée au ghetto situé au nord de Manhattan, l’enclave du South Bronx,
oubliée par les gouvernements locaux successifs et désertée par ses habitants après le marasme
économique. Les années 70 voient New York frappée par une récession et une crise fiscale
majeure où le budget alloué aux programmes d’aide scolaire, aux départements d’arts a été réduit
à zéro. La vie y est rythmée par le climat de peur entretenue par les gangs*, les incendies
volontairement allumés par des propriétaires immobiliers en quête d’escroqueries aux assurances,
les trafics de drogues qui menacent le quotidien de la rue, une vie de classe ouvrière aux fins de
mois difficile, et les déboires de vie majeurs d’un sous-prolétariat croissant. C’est une culture
simple qui se déroule dans des salles de fête, les gymnases, les cours d’école, les rues, les
appartements, les HLM, les clubs, l’après-midi dans les parcs devenus les lieux gratuits où
peuvent s’exprimer l’énergie artistique et sociale des jeunes défavorisés - Echo Park, Hevalo,
Bronx River Center, Hiltop, Esctasy, Soundiew Center, Harlem Minisink Center, Executive
Playhouse, Harlem World, Twilight Zone, Disco Fever, Danceteria. Parfois, jusqu’à 2.000
personnes se rassemblent par soirée. C’est un mouvement artistique hybride, souterrain, insulaire,
ne portant pas de nom spécifique, mais l’application de concepts : la “party”/la “fête”, ou la
“street jam”, ces fameuses “block parties” où se mêlent poésie, danse, graffiti et musiques,
organisées par des jeunes n’ayant pas les moyens de se payer les clubs du centre-ville, comme le
public qui fréquente les soirées bien habillées de Pete DJ Jones. Bien que très populaire, la
disco y est vue comme contraire à la culture excentrée des jeunes isolés qui se rapproche
davantage de celle du blues : la musique de l’expression de l’oppression. L’ambiance est d’abord
au break dancing, des techniques de danses différentes de ce qui se fait en clubs. Elle permet,
dans le même temps, de libérer sa frustration sous la bienveillance des gangs de quartier**.
Beaucoup de ces danseurs pratiquent le graffiti avant de devenir DJ. Au Harlem World Cultural
and Entertainment Complex, par exemple, le MC Eddie Cheba anime avec le DJ Hollywood,
les soirées “Wild, Wild Wednesdays”***, “Terrible Tuesdays” et les “MC Battles” en y chantant
“We don’t need no music, a little louder... looking good” (c’est à l’une de ces occasions
qu’un jeune manager, Russell Simmons, le remarque). Plusieurs types de populations
fréquentent ces fêtes :
- Le public qui découvre la mystique de ce qu’est un club, une création nouvelle, de l’énergie qui
y est dispensée. Garçons et filles de même profil, ensemble, partagent le sentiment de liberté
underground, illégale, tabou et excitante propre à la jeunesse face à la culture impérative des
parents****.
- Les players, les maquereaux ou politiciens locaux qui fréquentent ou investissent dans ces
clubs.
- Les artistes et aspirants rappers auxquels une session open mic permet de briller ou de
participer à des compétitions (au cours desquelles des plaisantins sont recrutés par les
organisateurs afin de faire tomber la pression ambiante).
- Les gangs qui officient en tant que membres de la sécurité et évitent les bagarres, les conflits
dans les toilettes, les vols à la tire de bijoux ou autres effets personnels moyennant une
commission. Ils doivent également doivent affronter l’hostilité des Musulmans. Même si certains
rappeurs se déplacent avec leurs propres gangs*****, cette nouvelle pratique d’entreprise
contribue à diminuer l’élément de violence entre les gangs et à élargir le terrain de manifestation
de la culture Hip Hop à de nouveaux territoires géographiques. Progressivement, la violence
physique se mue en «battle», des confrontations sur un mode artistique.
* C’est également à cette époque que, pour les mêmes raisons de désœuvrement économique et de survie sociale, se
forme sur la côte Ouest les gangs dans les communautés pauvres noires, asiatiques, mexicaines. Les plus médiatisés
étant les Bloods et les Crips, mais on tend souvent à oublier ceux beaucoup plus anciens et traditionnels
entretenant des liens avec une police corrompue tels que les gangs et mafias italiennes, anglaises, irlandaises,
écossaises.
** Le terme “breaker”/break boy, utilisé pour nommer les pratiquants de figures de danse sur les breaks de
batterie, fera même peur aux forces de police qui le prendront un temps au sens littéral. Breakers = casseurs. Plus
tard, l’acception du terme vaudra aussi pour b-boy, équivalent d’une attitude, d’une gestuelle, d’un style
vestimentaire, d’une origine Bronx Boy.
*** Scoopy Scoopy Rap - Patty Duke Groove
**** Parent Don’t Just Understand – Jazzy Jeff & The Fresh Prince
***** Morehouse Crew pour DJ AJ/The Valley Crew pour DJ Breakout, Casanovas pour DJ Flash,
Zulus pour DJ Bambaataa.
LE RECYCLAGE ESTHÉTIQUE
De par son coût peu élevé (l’acquisition d’un micro, de deux platines disques, d’une collection de
vynils), la culture Hip Hop et sa tête de pont, le rap, gagne ses galons de nouvelle forme
d’expression du ghetto urbain anti-esprit disco. Plus tard, elle se lance dans l’ère de l’électronique
grâce au sample/l’échantillonnage de sons*. Très vite, cet outil va permettre d’illustrer
l’ingéniosité avec laquelle les jeunes Noirs et Hispaniques des quartiers défavorisés, nouveaux
acteurs d’une industrie musicale qui pourtant les méprise, vont capturer avec une vitalité
artistique insoupçonnée l’énergie créative que nourri un talent exclusif. La culture de masse est
ébranlée par une génération de nouveaux créateurs. Ils accouchent d’une véritable révolution
artistique, culturelle et économique : LA culture dominante de ces trente dernières années. Via la
nouvelle ère du sampling, passerelle technique permettant la synthèse musicale entre les
références musicales passées et leur réinterprétation, le pont entre différentes générations de
musiques et d’auditeurs est franchi. C’est la jonction entre une musique r&b comprise comme
apolitique des années 70 et sa traduction politisée des années 80 par une nouvelle entité**.
* Five Minutes of Funk - Whodini
** Contrairement à ce que l’on a l’habitude de penser, ce n’est pas une musique qui retourne vers ses racines, elle
emprunte même le trajet inverse : elle en poursuit l’extension.
LA ZULU NATION
Comme l’illustre le mythique film Warriors de Walter Hill que mes parents m’interdisent de voir
de peur qu’il ne m’influence, à cette époque, ce sont les gangs qui règnent sur le Bronx du Sud
des années 70, un quartier dévasté comme peuvent l’être les finances de la ville* ; et la culture
«pacifique» que tente de mettre en place Kool Herc y est confrontée. « Il y avait également
des fauteurs de trouble dans la sa'e, et tu devais aussi faire en sorte qu’ils te respectent,
leur faire comprendre qu’il n’y avait pas qu’eux, mais que c’était avant tout une question
de «brothers & sisters», et que nous étions voisins. Les petits trafiquants venaient te
proposer leurs recels et je ne pouvais pas soutenir ça.»**. Cette culture s’étoffe de
principes et d’une direction après la réflexion de Kevin Donovan/Afrikaa Bambaataa, un
ancien membre de gang (ex-Black Spades) transformé en “travailleur social”, et de sa
rencontre avec un jeune artiste graffiti, William Braithwaite/Fab 5 Freddy. Bambaataa
conceptualise des éléments existants déjà. Il ne les invente pas, mais donne un sens à toute cette
énergie déjà en place, à l’intelligence de les fédérer sous une même bannière, derrière un esprit,
un drapeau, avec un but, un nouveau format de présentation*** en appliquant véritablement les
idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité à en faire rougir de honte/jalousie la maxime française.
Inspiré par le film Shaka Zulu****, de William C. Faure, il crée The Organization (appelée
par la suite Zulu Nation), un mouvement appelé à traduire l’énergie violente ambiante en
actions positives en mélangeant culture, efforts physiques, musiques appréciées de ses adhérents,
pour une création fédératrice où l’esprit collectif l’emporte à travers une battle/affrontement
artistique*****.
* En 1975, le gouvernement fédéral prend à sa charge les dettes de la ville de New York en pleine banqueroute.
** Voir Souffle New York.
*** Dès 1977, il s’est inspiré de la musique Trans Europe Express du groupe allemand techno Kraftwerk pour
donner naissance au style musical dit electro-funk.
**** Shaka Zulu, fils d’un chef du clan zulu Elangeni, est connu pour ses qualités de combattant, de stratège
militaire et de leadership. Tout au long de son règne, il a bâti, modelé, et insufflé à l’armée qu’il a organisé son
propre esprit de conquête de victoires à la tête d’un empire Mtetwa toujours grandissant en Afrique du sud-ouest.
***** Il existait un sentiment de haine entre Bambaataa et Flash, conséquence de la mentalité de gangs toujours
existant, Black Spades, Black Pearl, Savage Nomads, Bachelors, qui protégeaient son poulain, et que l’on
retrouvait lors de leurs battles.
YES YES Y’ALL’S, AND YA DON’T STOP : UNE CULTURE DE SUCCESSION
DE COUCHES
Cette culture-puzzle, de la combinaison d’éléments, animée à travers un nouveau prisme, s’inscrit
dans une logique sociale en substitution des militants sociaux d’hier tués/abattus par le F.B.I ou
le «système». Elle permet aux Noirs et aux Hispaniques exclus de s’insérer au mythe américain
alors que la culture des gangs et son éthique, «Join and Survive»/«Rejoints un gang et Survis»,
demeure le seul modèle d’intégration par association dans un quartier dévasté. Elle n’est pas,
pour ainsi dire, une véritable invention, mais plutôt la conjugaison simultanée de plusieurs
paramètres qui la rendent si particulière et unique. Par exemple, le rap n’est ni nouveau, ni le
résultat de la seule invention des Américains noirs, puisqu’il poursuit la tradition de jive talking,
du scattling (respectivement un vocabulaire, une manière d’articuler les mots et un rythme
particulier du début du 19ième siècle), du street corner developping, (une tradition de la
tchatche), et emprunte au toasting jamaïcain. Il n’est donc pas faux de dire que le squelette du
rap pré-existe déjà longtemps avant. De même, l’acception selon laquelle la musique rap ne
prend sa source exclusivement qu’auprès des musiques noires est facilement démontée au regard
du répertoire, des structures en place, et des politiques de diffusion de la musique en cours à
l’époque. Elle est le mélange de funk, disco, pop, rock, le combo de musiques jouées en live par
des musiciens accessibles à l’époque. Elle n’est pas simplement noire (dans le choix de ses
auteurs), mais se doit d’être funky, groovy, indépendamment de considérations raciales
existantes. Elle est une musique de classe sociale et de sensibilité artistique. Elle y adjoint un
code d’habillement (un port spécial d’un type de ceinture, des baskets propres qui permettent de
se distinguer et d’échapper à l’étiquette de pauvre, des cols roulés inspirés es adultes perçus
comme cool dans les films, une coupe de cheveux traduisant l’état d’esprit artistique et culturelle
du moment), la recherche d’un style individuel plutôt que collectif dicté par les ressources
financières, et le sens de la combinaison. Il n’existe pas de marques Hip Hop, mais des marques
phares détournées, réaffectées. De même que la musique, partie des danses dites appartenir à la
famille Hip Hop, trouve leurs EXACTES ancêtres, au centimètres près, chez les danseurs de
claquettes du 19 ième siècle (tap-dancing), ou des grands et spectaculaires ballrooms (concours
de danse) à l’époque du jump ‘n jive, du boogie–woogie ou du twist auxquelles étaient
attachées certaines danses* (on peu en voir une réminiscence dans le film Malcolm X de Spike
Lee). A l’instar du moonwalk de Bill Baley ou de ce qui est alors qualifiées d’ «exotic dances».
Ce qui n’enlève rien à l’apport d’un Don Campbella, un danseur de Los Angeles qui, en 1969,
invente une danse appelée campbe'ock, suivie des apports divers en 1971 de Mr. Rock, Nigga
Twins, Peewee Dance et Sister Boo qui perfectionnent la Freestyle dance, et la font
connaître sous le nom de break dance. Jusqu’à l’arrivée, fin des années 70, du Rock Steady
Crew/Jimmy D, Jimmy Lee, et JoJo** et une nouvelle contribution, le uprock et le locking,
quand d’autres danseurs introduisent le popping, Shabba-Doo et Lockotron. D’autres
innovations suivront au fur et à mesure que d’autres danseurs participent au mouvement et aident
à sa popularisation*** : Breakmachine, Uprock And The Motor City Crew, Dynamic
Rockers, Floormasters Incredible Breakers, Magnificent Force. La pratique du graffiti
semble remonter aux années 60****, mais elle est rendue célèbre par Taki 183, un habitant de
Washington. Quant à la pratique du tag, elle remonterait à un coursier du nom de Vic qui avait
pris pour habitude de marquer de son numéro d’identification, 156, les bus et métros qu’il
empruntait pour faire ses livraisons. Parallèlement, d’autres artistes commenceront à écrire sur
des murs en grosses lettres (technique dite throw up) dans toute la ville de New York. Son mode
de fonctionnement est simple. Il s’articule autour de la notion de liberté individuelle, de fierté de
groupe, de sens de l’appartenance ethnique et sociale, de producteur d’énergie. C’est cette fusion
entre la mise en perspective de produits artistiques d’une tradition ancestrale ET l’esprit
aventureux qui anime ces jeunes qui explique l’émergence et la qualité de la culture Hip Hop à
un moment donné. Culture de la participation dans l’expression, elle est l’aboutissement d’une
superposition de cultures qui donne, dans une production imaginative, virtuose et géniale,
naissance à une nouvelle strate culturelle. C’est la fusion unique entre la culture populaire et la
culture nationale. Elle est extra-ordinaire car elle illustre la concordance parfaite, le carrefour
entre une musique ET sa manière d’être vécue par un groupe particulier. Elle produit ses propres
héros, se transmet à travers son propre réseau, définit sa norme de production et d’expression, en
dépit du fait qu’elle soit mal perçue par d’autres (parents/société qui la critiquent et la nient.
Depuis 1972, l’émission Soul Train lancée depuis Chicago par un producteur indépendant noir,
Don Cornelius, permet une visibilité régionale des artistes et danses noires en cours, mais
refuse de relayer celle-ci. Paradoxalement, la culture Hip Hop entre davantage dans les foyers
d’une Amérique blanche curieuse, interloquée et progressivement déségréguée, que son
homologue noire. En 1977, 7 épisodes de la série Roots/Racines d’Alex Haley relatant l’histoire
de la déportation d’une famille noire des côtes de l’Afrique jusqu’en Amérique enregistre le plus
fort taux d’audience de l’histoire de la télé sur le réseau ABC. Deux ans plus tard, un ancien DJ
du nom de Kool DJ Kut alias Curtis «Kurtis» Walker Blow, sort l’album Christmas
Rappin sur la major Mercury Records et en vend un million d’exemplaires…
* Par exemple, dans les années 70, une danse du nom de hustle est crée par les Noirs, puis adoptée par les Latinos
et les Blancs.
** Ils seront rejoins par Crazy Leggs, Ken Swift, Kippy Dee, Buc 4, Cooliyaki, Mr. Freeze et Take One.
*** This is The Way You Do The Break Dance - Super Cooper and Clarence
Breakers
**** Cornebread et Cool Earl de Philadelphie