gazette de la propriété industrielle
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Gazettedu Palais EN LIGNE SUR TRI-HEBDOMADAIRE DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 129e année Nos 88 à 90 GAZETTE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE No 5 Sous la direction de Emmanuelle Hoffman Attias Avocat à la Cour Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle Cabinet Serge Hoffman JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES PAR ACTIONS CETTE PUBLICATION COMPORTE 3 CAHIERS : CAHIER 1 RÉDACTIONNEL P. 1 à 48 DIRECTION : 12, PLACE DAUPHINE 75001 PARIS / TÉL. 01 44 32 01 50 / FAX 01 46 33 21 17 / E-MAIL [email protected] RÉDACTION : 33, RUE DU MAIL 75081 PARIS CEDEX 02 / TÉL. 01 56 54 16 00 / FAX 01 56 54 57 50 / E-MAIL [email protected] CAHIER 2 ANNONCES LÉGALES DU JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS [LE NOMBRE DE PAGES FIGURE DANS LE SOMMAIRE DU CAHIER 3] 8, RUE SAINT-AUGUSTIN 75080 PARIS CEDEX 02 INSERTIONS : TÉL. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 00 ET 01 47 03 99 11 / FORMALITÉS : TÉL. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 55 / SERVEUR INTERNET JSS : http ://www.jss.fr CAHIER 3 ANNONCES LÉGALES DE LA GAZETTE DU PALAIS [LE NOMBRE DE PAGES FIGURE AU SOMMAIRE DE CE CAHIER] ADMINISTRATION : 3, BD DU PALAIS 75180 PARIS CEDEX 04 STANDARD : 01 44 32 01 50 DIFFUSION : TÉL. 01 44 32 01 58, 59, 60 OU 66 www.gazette-du-palais.com FAX 01 44 32 01 61 / INSERTIONS : TÉL. 01 44 32 01 50 FAX 01 40 46 03 47 / FORMALITÉS : TÉL. 01 44 32 01 70 FAX 01 43 54 79 17 INDUSTRIELLE S O M M A I R E GAZETTE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE NO 5 Sous la direction d’Emmanuelle Hoffman Attias Entretien 4 BENOÎT BATTISTELLI, NOUVEAU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ORGANISATION EUROPÉENNE DES BREVETS Doctrine LES ATTEINTES À LA MARQUE DE RENOMMÉE (À propos de l’arrêt Intel de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 novembre 2008) par Frédéric Pollaud-Dulian 7 MARQUE COMMUNAUTAIRE : CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE par José Monteiro 17 DE LA CONTREFAÇON EN AMÉRIQUE par Emmanuelle Hoffman Attias et Amaïa Oyhamberry 24 BREVETABILITÉ DES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES : UNE PREMIÈRE DÉCISION DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS DE L’OFFICE EUROPÉEN DES BREVETS par Gaëlle Bourout L’INVENTION DE MISSION OUVRANT DROIT À UNE RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE DES INVENTEURS SALARIÉS par Magali Touroude et Marie Cercle 28 30 PROPRIÉTÉ Jurisprudence Rendez-vous ■ CONCURRENCE DÉLOYALE • C. Paris, 14 janvier 2009 34 ■ BREVETS D’INVENTION • C. Lyon, 5 février 2009 • Trib. gr. inst. Paris, 14 janvier 2009 35 ■ MARQUES • C. Paris, 28 janvier 2009 • C. Paris, 24 septembre 2008 • C. Paris, 8 octobre 2008 37 ■ DESSINS ET MODÈLES • C. Paris, 10 septembre 2008 • C. Paris, 17 décembre 2008 40 ■ Entretien avec Marc-Antoine Jamet ■ 14ème Forum européen de la propriété intellectuelle (Paris − 7 et 8 avril 2009) 42 Libres propos 44 Internet et clair ? par Marc-Antoine Jamet 2 46 GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 ÉDITORIAL Éditorial P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3696 A près avoir principalement abordé dans nos précédentes éditions le thème de la contrefaçon et les instruments juridiques de lutte contre ce fléau mondial et multisectoriel (1), à travers notamment l’étude de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007, nous faisons une large place dans ce numéro à la matière des brevets, spécialement dans sa dimension européenne, en accueillant notamment le directeur général de l’INPI Benoît Battistelli, élu récemment à la tête du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets, qui évoque pour nous la construction d’une « Europe des brevets » (2). Le droit des marques n’est pas en reste, comme l’atteste l’étude du professeur Frédéric Pollaud Dulian (3) consacrée aux atteintes portées à la « marque de renommée », à travers l’analyse qu’il fait de l’arrêt Intel de la Cour de Luxembourg. La marque communautaire fait également l’objet d’une étude d’actualité jurisprudentielle (4). Quant à la contrefaçon, elle est toujours présente avec une étude sur le phénomène Outre-Atlantique (5)... le tout sur fond de crise économique, dont les conséquences sur le secteur seront au cœur du prochain Forum européen de la propriété intellectuelle organisé par l’Union des fabricants, que nous présente Marc-Antoine Jamet (6). Ajoutons enfin que le jour où nous bouclons ce numéro reprend à l’Assemblée nationale l’examen de la loi Création Internet (7), qui aurait pu légitimement trouver sa place dans ce numéro (8) mais qui fera prochainement l’objet dans la Gazette du Palais d’un dossier spécial. Éric Bonnet Directeur de la rédaction de la Gazette du Palais (1) Gaz. Pal. no 311 du 6 novembre 2008 ; no 87 du 27 mars 2008 ; no 268 du 25 septembre 2007 et no 355 du 21 décembre 2006. (2) V. son interview infra, p. 4 ; sont également abordées dans ce numéro d’autres questions touchant à la brevetabilité, notamment au plan européen, celle des cellules souches embryonnaires humaines : v. infra, p. 28 l’article de G. Bourout. (3) Infra, p. 7. (4) J. Monteiro, infra, p. 17. (5) E. Hoffman Attias et A. Oyamberry, infra, p. 24. (6) Infra, p. 42 ; v. également son article : « Internet et clair », infra p. 44. (7) Journal du Dimanche du 29 mars, p. 10. (8) Inutile de souligner, dans le cadre notamment de la lutte contre la contrefaçon, la place centrale d’internet et particulièrement des sites de vente en ligne et d’enchères (v. sur ce point Gaz. Pal. no spécial du 25 septembre 2007, préc.). DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 3 I N D U S T R I E L L E H3639 Gazette du Palais : Vous venez d’être élu à la tête de l’Organisation européenne des brevets (*). Quelles premières impressions en retirez-vous ? Benoît Battistelli : L’Office européen des brevets (OEB), malheureusement trop méconnu, est une grande réussite de la construction européenne. L’organisation, qui vient de fêter ses trente ans, a été fondée par sept pays dont la France, et compte maintenant 35 États membres. Ainsi, en plus des États de l’Union européenne, on trouve le Liechtenstein, la Suisse, la Norvège, l’Islande, Monaco, la Turquie, la Croatie et la République yougoslave de Macédoine. Mais ce succès ne tient pas seulement à l’extension géographique de l’OEB mais aussi au fait qu’il a su, pendant ces trente dernières années, s’imposer comme l’Office de brevet de référence au niveau mondial en termes de recherche et d’examen. Or, vous savez que la qualité d’un brevet tient d’abord à la qualité de la recherche qui précède le dépôt et qui permet d’assurer que l’invention est effectivement nouvelle. Enfin, pour vous donner une idée de son importance, cet Office européen comprend 6.500 personnes dont 4.000 ingénieurs brevets. Le budget est de 1.400.000.000 Q entièrement autofinancé. Le travail s’y effectue dans les 3 langues officielles : anglais, allemand, français. P R O P R I É T É G.P. : Quel a été le rôle de la France dans cette construction d’une « Europe des brevets » ? 4 B.B. : La France a été un des pays fondateurs de l’OEB. Elle a très tôt organisé sa procédure de délivrance de brevets en intégrant cette dimension européenne. En effet, comme vous le savez, l’INPI délivre ses brevets en sous-traitant à l’OEB le rapport de recherche. Ainsi, le déposant français dispose pendant l’année de priorité d’un rapport de recherche de qualité et de niveau européen. Ceci a un certain nombre de conséquences, la première étant que la France est le pays en Europe à avoir le taux de transformation des brevets nationaux en brevets européens le plus important : près de 60 % des brevets français deviennent des brevets européens. Ceci est dû à cette intégration des procédures européennes et françaises au sein de la (*) NDLR : L’Organisation européenne des brevets est une organisation intergouvernementale instituée le 7 octobre 1977 sur la base de la Convention sur le brevet européen (CBE) du 5 octobre 1973. Elle comprend deux organes : l’Office européen des brevets (OEB) qui délivre un brevet européen et le Conseil d’administration, qui exerce un contrôle sur les activités de l’Office. L’Organisation compte actuellement 34 États membres. Plus de 220.000 demandes de brevets européens ont été déposés à l’OEB en 2007. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 Crédit photo : D.R. INTERVIEW Entretien avec Benoît Battistelli, nouveau Président du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets procédure nationale française. Donc pour nous, il est essentiel que l’Office européen des brevets fonctionne bien ; il est essentiel qu’il continue à jouer pleinement son rôle d’autorité centrale de délivrance d’un titre européen en Europe. L’Office européen des brevets est toutefois victime de son succès et il est confronté comme tous les grands offices dans le monde à une croissance du nombre de dépôts de brevets, ce qui engendre des arriérés de « stock » et donc une difficulté à traiter des demandes dans des délais raisonnables. La Convention de Paris fixait à trois ans le délai moyen pour traiter un brevet européen dont 18 mois de délai de confidentialité et 18 mois de délai administratif. Nous en sommes plutôt maintenant à cinq ans de délai en moyenne. Donc, il est important que l’OEB, par une série de mesures à venir, parvienne à retrouver une capacité de traitement des demandes sans diminution naturellement de la qualité. C’est la raison pour laquelle la France s’implique dans la vie quotidienne de l’OEB. L’Office est dirigé par une présidente, Alison Brimelow, la présidence du conseil d’administration « non executive » pour laquelle j’ai été élu permettant d’exercer une influence sur le fonctionnement de l’Office. G.P. : Que vous inspirent de façon générale les positions de la France en matière de dépôt de brevets ? B.B. : Je crois qu’il faut lutter contre un certain nombre d’idées reçues. Les performances françaises en matière de dépôt de brevets sont tout à fait honorables même si elles sont susceptibles d’être encore améliorées. D’une part, nous sommes le deuxième pays en terme de dépôts de brevets européens après l’Allemagne, mais devant la GrandeBretagne et l’Espagne. Pour les dépôts de brevets internationaux (brevets PCT), nous nous situons au cinquième rang avec une part de l’ordre de 5 %. Or, si l’on compare notre place en termes de PIB, la France se place au sixième rang avec une part du PIB mondial qui est de l’ordre de 4,5 %. Nous nous situons donc au même niveau voire à un niveau légèrement supérieur. Les dépôts de brevets par les entreprises françaises ont augmenté très régulièrement ces dernières années, de l’ordre de 2 à 3 % depuis une douzaine d’années. Cette tendance s’est accentuée depuis 2004, étant plutôt à 3 à 4 % plutôt que 2 à 3 %. Naturellement, 2008 est une année particulière : nous étions sur un rythme de croissance de dépôt de brevets par les entreprises françaises de l’ordre de 4 % à 5 % jusqu’au mois de juillet 2008. Il y a eu ensuite une inflexion liée à la crise mais nous avons tout de même terminé l’année 2008 à plus 1,6 % par rapport à l’année 2007. La tendance est donc à une augmentation régulière des dépôts de brevets par les entreprises françaises. Il est vrai que ces dépôts de brevets sont encore très largement le fait des grandes entreprises françaises. Nous avons un effort particulier à faire pour les petites et moyennes entreprises. C’est tout le sens de la politique que mène l’INPI depuis plusieurs années. Ce que nous cherchons à faire, c’est réduire le coût d’accès aux brevets de manière à ce que celui-ci ne soit pas un obstacle pour les petites et moyennes entreprises. Cet effort est financé par les annuités que nous percevons sur les brevets qui durent le plus longtemps sachant qu’un brevet dont on continue à payer les annuités pendant 15 à 20 ans est un brevet qui rapporte de l’argent car, s’il en ne rapportait pas, c’est très simple : le titulaire arrêterait de payer l’annuité et le brevet tomberait dans le domaine public. Pour illustrer cette politique de coût d’accès réduit, nous avons notamment lancé – et nous sommes les premiers en Europe à l’avoir fait – des tarifs réduits pour les petites et moyennes entreprises sur les principales redevances de l’INPI. Cette réduction a été portée au 1er mai 2008 à 50 %. Elle concerne les PME qui emploient jusqu’à 1.000 salariés. G.P. : Vous êtes à l’origine, en tant que directeur général de l’INPI, de mesures permettant de simplifier notamment le dépôt des marques grâce à Internet. Ces simplifications ont-elles eu une incidence sur le nombre de dépôts et la connaissance notamment par les PME de l’importance de la propriété industrielle ? B.B. : Depuis novembre 2008, les innovateurs peuvent effectuer leurs dépôts de marques en ligne. Le système est simple et rencontre un grand succès puisqu’à l’heure actuelle, plus du tiers des marques qui sont déposées à l’INPI le sont par voie électronique. C’est donc une amélioration importante pour les entreprises ; cela permet aussi de réduire les erreurs par rapport au dépôt sur formulaire papier puisque le déposant est guidé par l’ordinateur. G.P. : Vous nous aviez fait part dans un précédent numéro ( 1) des objectifs 2005-2008 sur lesquels l’INPI était engagé. Quels sont les résultats, ainsi que les nouveaux axes fixés dans le contrat 2009-2012, notamment face à une crise économique d’une envergure sans précédent qui ne peut bien évidemment qu’avoir une incidence sur les dépôts et le développement de la propriété industrielle ? B.B. : L’INPI avait effectivement signé avec l’État un premier contrat d’objectifs pour la période 20052008, qui est arrivé à échéance à la fin de l’année dernière. L’INPI s’engageait à évoluer « d’une culture de procédure à une culture de services ». Cela ne veut pas dire que nous voulons négliger les procédures que nous gérons car c’est bien notre cœur de métier de délivrer des titres de qualité, qu’il s’agisse de brevets, de marques ou de dessins et modèles. Mais cela signifiait que l’INPI ne peut pas se contenter de gérer les procédures en obligeant les innovateurs à se déplacer dans ses bureaux. La propriété industrielle est un outil stratégique pour les entreprises. Elle leur permet d’avoir des avantages compétitifs par rapport à leurs concurrents. L’INPI doit donc devenir une sorte d’agent du développement économique qui permet aux entreprises françaises de mieux utiliser la propriété industrielle. C’est cette culture de service de proximité que nous avions déjà avec nos grands déposants, pendant ces quatre dernières années que nous voulons développer auprès des petites et moyennes entreprises. Ces deux contrats d’objectifs avec l’État – le précédant et le suivant – se traduisent par des indicateurs très précis qui permettent de mesurer la réussite. Nous avons à la fin du contrat 2005-2008 été très heureux de constater que nous avions globa(1) Gaz. Pal. spécial Propriété industrielle no 355 du 21 décembre 2006, p.45 à 52. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 5 INTERVIEW lement atteint, voire légèrement dépassé, nos objectifs, en particulier en ce qui concerne la sensibilisation et la promotion de la propriété industrielle. P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3639 6 Sur cette base, le nouveau contrat d’objectifs que nous venons de signer avec l’État pour une période de quatre ans (2009 à 2012), se caractérise à la fois par la continuité et le changement. Continuité dans le sens où nous allons continuer à mettre l’accent sur la politique de sensibilisation et de formation à la propriété industrielle, auprès des petites et moyennes entreprises mais aussi les centres de recherches. Nous allons continuer à proposer notre maintenant fameux pré-diagnostic de propriété industrielle. Je dis « fameux » parce que nous en avons réalisé 3.600 et donc, il y a 3.600 petites et moyennes entreprises au cours de ces quatre dernières années qui ont bénéficié de cette prestation. Je rappelle qu’elle est gratuite et qu’elle consiste à ce qu’un expert de l’INPI vienne passer une ou deux journées dans l’entreprise, et évalue à la fois le potentiel et les lacunes de l’entreprise en termes de propriété industrielle. Le gouvernement a trouvé que ce service offert aux petites et moyennes entreprises était très utile et il nous a demandé de doubler le nombre de prédiagnostics que nous réalisons par an. Nous allons donc passer d’un rythme annuel de 500 à 1.000. Le deuxième changement instauré par le contrat d’objectifs 2009-2012 consiste en un développement de la « e administration ». Nous sommes largement engagés dans cette voie avec les dépôts électroniques de brevets et de marques. Nous allons aussi, dans quelques mois rendre accessible sur le net non seulement aux déposants mais aussi aux tiers les pièces publiques concernant les dossiers de brevets. Nous allons également permettre l’accès libre et gratuit à l’ensemble des bases de données propriété industrielle, que ce soit la base brevets, la base marques, la base dessins et modèles ou la base jurisprudence. Pour vous donner une idée, la base brevets comprend 4 millions de demandes de brevets, français, européen et PCT en remontant GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 jusqu’à 1978. Dans quelques jours, début avril il y aura donc un accès libre et gratuit sur le site www. inpi.fr à environ 2.000.000 de références marques françaises, marques communautaires et marques internationales, à près de 1.000.000 de dessins et modèles et également à 55.000 décisions de jurisprudence. La qualité est aussi un enjeu pour les 4 années à venir et nous nous sommes engagés à ce que l’INPI soit certifiée ISO 9000 d’ici 2012. Enfin, dernière priorité du contrat d’objectifs : nous renforçons notre action en matière de lutte anticontrefaçon. Ceci est légitime puisque l’INPI d’une part délivre des titres qui permettent de se prémunir et de se défendre contre la contrefaçon et que, d’autre part il assure le secrétariat général du Cnac (Comité national anti-contrefaçon). Notre action se situe au niveau de la coordination des actions menées par les acteurs publics et privés (douanes, police, fédérations...). Je pense que pour être efficace il faut agir à la fois sur l’offre de contrefaçon – c’est essentiellement le rôle des douanes, de la police, et de la gendarmerie, de manière à ce que il y ait moins de produits de contrefaçon qui soient proposés en France –, mais il faut aussi agir sur le consommateur de contrefaçon en lui faisant comprendre que, contrairement à ce qu’il croit, il ne fait pas une bonne affaire en achetant un produit de contrefaçon, qu’il peut mettre en danger sa vie et sa sécurité, et qu’il contribue à détruire des emplois, à favoriser les organisations criminelles internationales et l’exploitation des enfants. C’est un peu comme en matière de sécurité routière : il faut à la fois des radars et de la pédagogie. Si vous n’avez que de la pédagogie vous n’êtes pas très crédible et si vous n’avez que de la répression, les gens ne comprennent pas pourquoi. Il faut donc les deux. C’est ce que nous essaierons de faire pendant les quatre ans à venir. Propos recueillis par Emmanuelle Hoffman Attias Les atteintes à la marque de renommée (À propos de l’arrêt Intel de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 novembre 2008) DOCTRINE Frédéric POLLAUD-DULIAN Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) Directeur du Master 2 « Propriété industrielle et artistique » P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 Selon la directive no 89/104 du 21 décembre 1988 sur les marques, les atteintes à la marque de renommée sont de plusieurs ordres : le fait de tirer indûment profit de la renommée ou du caractère distinctif de la marque, c’est-à-dire le parasitisme, et le fait de porter préjudice soit à son caractère distinctif, soit à sa renommée, ces deux sortes de préjudice étant distinctes. La Cour de justice des Communautés, dans l’arrêt Intel, énonce que « les atteintes contre lesquelles l’article 4, § 4, sous a) de la directive assure la protection en faveur des marques renommées sont, premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque » (1). Pour que la protection s’applique, il suffit de démontrer l’existence d’une seule de ces trois sortes d’atteintes, ce qui n’empêche pas qu’elles puissent parfois se cumuler (2). Ce que l’on tend ainsi à protéger, ce n’est pas tellement la fonction de garantie d’identité d’origine de la marque, qui constitue certes sa principale finalité mais pas la seule, que sa valeur économique, notamment à travers sa fonction publicitaire et l’image qu’elle véhicule (3). Dans un arrêt Spa finders du 25 mai 2005, le TPICE relève en ce sens que, si la fonction de garantie d’identité d’origine est la fonction première de la marque, « il n’en reste pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant notamment les qualités ou caractéristiques des produits ou services qu’elle désigne, ou les images ou sensations qu’elle projette, tels que, par exemple, le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment (4) une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce (1) Points no 27-28. (2) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890-III834. (3) H. Cohen-Jehoram, La protection des marques contre l’usage pour des produits différents : la loi Benelux, un exemple pour l’Europe ?, La propriété industrielle (OMPI), septembre 1978, p. 224 et s., spéc. p. 225 et 230 ; C. Paris, 17 septembre 2008, Dom Perignon, PIBD 2008, no 886-III-701 ; C. Paris, 15 juin 2007, Must/Pedimust, PIBD 2007, no 859-III-569 ; Trib. gr. inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288. (4) C’est nous qui soulignons. d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire » (5). Or, ces marques de renommée sont dotées d’une vulnérabilité paradoxale (6), sensibles qu’elles sont, malgré leur force attractive, aux atteintes à leur image, à leur caractère distinctif, à leur éventuelle unicité... Les articles 4, § 3 et 5, § 2 de la directive du 21 décembre 1988, les articles 8, § 5 ; 9, § 1, c) et 52, § 1, a) du règlement no 40/94 sur la marque communautaire et l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle offrent à ces marques une protection élargie contre des atteintes qui leur sont portées même au-delà de la spécialité. L’arrêt Intel, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 27 novembre 2008 (affaire C. 252/07) donne l’occasion d’étudier l’atteinte au droit sur la marque de renommée hors de la spécialité, en abordant d’une part ce qui constitue l’atteinte (I) et, d’autre part, la manière d’établir cette atteinte (II). I. LES COMPOSANTES DE L’ATTEINTE À LA MARQUE DE RENOMMÉE Nous ne reviendrons pas ici sur la condition relative à la qualification de marque de renommée (7), pour ne traiter que des deux éléments nécessaires à la sanction de l’atteinte : le lien opéré entre la marque renommée et le signe critiqué, condition préalable que nous ne traiterons qu’en second toutefois, après avoir défini les différentes sortes d’atteintes. A – La notion d’atteinte 1 – Les trois types d’atteintes à la marque de renommée Le parasitisme est une notion familière en droit français, depuis les travaux de Saint-Gal notamment. Ce qui est ici intéressant, c’est que les textes communautaires comme le texte français n’établissent pas de lien nécessaire entre la faute et le préjudice, de sorte qu’en théorie, il peut y avoir agissement parasitaire sans préjudice : le tiers tire avantage de la marque en se plaçant dans son sillage sans pour autant toujours lui causer un dommage. (5) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, Rec. II, p. 1825, no 35. (6) Conclusions E. Sharpston dans l’affaire Intel, point no 32. (7) V. notre étude : Marques de renommée, histoire de la dénaturation d’un concept, Prop. intell. 2001, no 1, p. 43. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 7 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 8 Comme l’écrivent MM. Braun et Cornu (8) : le risque de profit indu, c’est le « risque que l’image de la marque renommée soit transférée aux produits ou services désignés par la marque attaquée. Ce risque se distingue donc du risque de confusion (...) », car il n’est pas nécessaire que le consommateur se méprenne sur l’origine du produit ou du service (9). Il en résulte que l’appréciation s’opère du côté de l’auteur de l’utilisation critiquée : quel avantage en retire-t-il ? Dans l’affaire Intel, l’avocat général relève que cette notion de profit indu s’attache à l’avantage retiré par le titulaire de la marque postérieure plutôt qu’au préjudice subi par la marque antérieure. Il s’agit d’établir « l’existence d’une espèce de coup de pouce dont profiterait la marque postérieure du fait de son lien avec la marque antérieure » (10). Le profit indu est tiré aussi bien de la renommée (11), que du caractère distinctif, le distinguo entre les deux étant, du reste, probablement superflu en pareil cas (12). Quant au préjudice causé à la marque, il peut revêtir deux aspects (13) : d’une part, le ternissement (traduction littérale mais peu parlante de la terminologie légale américaine, ternishing) ou, pour mieux dire, l’avilissement, c’est-à-dire l’atteinte au caractère renommé de la marque, la dégradation de son image ; d’autre part, le brouillage (là encore repris de la loi américaine, qui parle de blurring) ou, pour mieux dire, la dilution ou l’érosion, qui est une perte d’effet attractif, voire d’unicité, c’est-à-dire une atteinte au caractère distinctif de la marque (14). Dans l’arrêt Intel, la Cour de justice donne une définition de la dilution (15) : « (...) Ce préjudice est constitué dès lors que se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l’usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur l’esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n’est plus en mesure de le faire ». Par exemple, l’utilisation de (8) A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier (Bruxelles) 2009, no 410. (9) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, Rec. II, p. 1825 ; TPICE, 22 mars 2007, Sigla c/ OHMI, aff. T. 215/03, Rec. II, p. 711. (10) Conclusions E. Sharpston point no 62. (11) Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI, PIBD 2008, no 875-III345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy ; C. Versailles, 27 avril 2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 ; Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890-III-834. (12) Conclusions Jacobs, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, 10 juillet 2003, Rec. I, 2003, p. 12537, point no 39 ; conclusions E. Sharpston dans l’affaire Intel, aff. C. 252/07, présentées le 26 juin 2008, point no 33. (13) Conclusions Jacobs dans l’affaire C. 408/01, Adidas c/ Fitnessworld, Rec. I, p. 12537, points no 336-38. (14) Conclusions Sharpston, nos 11-12 ; conclusions Jacobs préc., no 37. (15) Points nos 29 et 76. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 la marque « Rolls » et du dessin de la calandre d’automobiles pour désigner de la bière crée une possibilité de dilution (16). Cette approche correspond bien à celle de l’arrêt Claereyn, rendu par la Cour de justice de Benelux le 1er avril 1975 (17), auquel se référaient d’ailleurs tant les conclusions de Mme Sharpston dans l’affaire Intel, que celles de M. Jacobs dans l’affaire Adidas c/ fitnessworld (18). En l’occurrence, il s’agissait de l’emploi d’une marque similaire à une marque de genièvre pour désigner du savon liquide. Par ailleurs, il arrive qu’une marque de renommée soit « unique », en ce sens qu’elle n’est utilisée que par son titulaire et pour des produits ou services particuliers, éventuellement très limités en nombre : si d’autres s’en servent pour des produits ou services différents, elle perd la force que lui donne son unicité, que ce soit l’unicité tirée de son emploi pour un tout petit nombre de produits, voire un seul, ou celle qu’elle tire de ce que le signe n’est employé que par son propriétaire et par aucune autre entreprise... Encore faut-il bien souligner que le risque de dilution ne joue pas seulement si la marque présente ce caractère d’unicité. Les deux formes de dommages – préjudice causé au caractère distinctif ou à la renommée – sont bien distinctes et touchent deux caractéristiques différentes. En ce qui les concerne, à la différence du parasitisme, on s’attache au préjudice subi par la marque antérieure et non à l’avantage procuré à la marque postérieure. Le préjudice causé au caractère distinctif (dilution, brouillage, grignotage, banalisation (19)) (20) implique un certain affaiblissement de ce caractère distinctif pour les produits ou services que la marque touchée sert à désigner (21) et donc une détérioration de la valeur de la marque (22). Le préjudice causé à la renommée, l’avilissement de la marque, est peut-être encore plus grave, car c’est l’image même de la marque qui se (16) Trib. com. Bruxelles (réf.), 5 janvier 1988, Rolls-Royce, Ing.-Cons. 1988, p. 28. (17) L’atteinte « peut consister dans cette circonstance que la marque n’est plus susceptible, par la perte de son caractère exclusif, de provoquer dans l’esprit du public l’association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée, mais il est également possible que le produit qui fait l’objet de l’autre emploi de la marque ou d’un signe ressemblant influence les sens de manière telle que la marque soit atteinte dans son pouvoir attractif et dans son pouvoir d’inciter à l’achat de la sorte de produits pour lesquels elle est enregistrée ; dans les deux cas, cet autre emploi peut causer préjudice au titulaire de la marque ». V. aussi C. just. Benelux, 22 mai 1985, Lever c/ IMS (aff. Lux/Lux Talc), Ing.-Cons. 1985, p. 189 (en l’espèce, la marque de savon était reprise pour du talc destiné à l’industrie). (18) Conclusions Jacobs, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, 10 juillet 2003, Rec. I, 2003, p. 12537, PIBD 2004, no 781-III-128, point no 38. (19) Cass. com., 20 février 2007, Desperados, PIBD 2007, no 850-III-275 ; Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI (utilisation de la marque figurative de maroquinerie sur la couverture de phonogrammes), PIBD 2008, no 875-III-345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy. (20) « (...) the gradual whittling away or dispersion of the identity and hold upon the public mind of the mark or name by its use upon noncompeting good s », F.-I. Schechter, article cité infra note 25, p. 825. (21) Conclusions Sharpston, no 78 ; conclusions Jacobs, sous Marca Mode c/ Adidas, points 43-44 ; H. Cohen-Jehoram, article cité, p. 226. (22) C. Paris, 15 juin 2007, Must c/ Pedimust, PIBD 2007, no 859-III-569 ; Trib. gr. inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288. trouve dégradée dans l’esprit de la clientèle par ce qu’évoque ou véhicule la marque postérieure (23). Bien entendu, un même usage peut simultanément porter atteinte au caractère distinctif et à la réputation de la marque (24). Ces diverses atteintes peuvent justifier aussi bien le refus ou l’annulation de l’enregistrement sur le fondement de l’article 4, § 1 de la directive, que l’interdiction de l’usage dans la vie des affaires du signe qui porte de telles atteintes à une marque de renommée (article 5, § 2). À cet égard, peu importe que les produits ou services visés par la marque de renommée et par le signe litigieux soient identiques, similaires ou entièrement différents. 2 – L’origine de la prise en compte de la dilution par le droit communautaire des marques. La construction de la notion de « dilution » se trouve dans un très intéressant article publié au début du XXe siècle par Frank Schechter, qui s’efforçait de déterminer la véritable fonction de la marque (25), la trouvant davantage dans son rôle publicitaire et son pouvoir d’attraction que dans la fonction de garantie d’origine (26). Il proposait de sanctionner la dilution (27) mais uniquement lorsque la marque touchée était une marque unique, de pure fantaisie, extrêmement distinctive (« (...) arbitrary, coined or fanciful marks or names ») et non seulement une marque renommée, du moins dans la mesure où celle-ci pourrait être constituée de termes laudatifs, plus ou moins évocateurs ou semidescriptifs (28). On en trouve un écho, mais heureusement affaibli, dans un arrêt Spa Finders du TPICE, qui considère que le risque de dilution est moins élevé (sans être complètement exclu), lorsque la marque antérieure consiste en un terme qui est très répandu, fréquemment utilisé indépendamment de la marque elle-même, comme le mot « Spa » (29). Schechter lui-même s’était inspiré de la doctrine allemande et avait emprunté le mot « dilution » (Verwässerung) à une décision allemande (30). La loi uniforme Benelux du 1er janvier 1971 qui a certainement eu une grande influence sur l’élabo(23) Conclusions Sharpston, no 79. Par exemple : C. Paris, 17 septembre 2008, Dom Perignon, PIBD 2008, no 886-III-701 ; C. Paris, 11 mai 2007, Ricard, PIBD 2007, no 858-III-538 (« t-shirts » revêtus de logos imitant celui de Ricard mais avec des termes dévalorisants tels que « tricard », « smicard », « zonard », « flicard », « ringard », etc.) ; C. Paris, 9 septembre 1998, Mr. Propre, D. Aff., 1998, p. 1960 (« T-shirts » portant une imitation déformante de la marque verbale et figurative « Mr. Propre » à forte connotation homosexuelle) (24) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, préc. ; Trib. com. Bruxelles, 26 juillet 2007, Ikéa c/ Idéa, Ing.-Cons. 2007, p. 752. (25) F.-I. Schechter, The rational basis of trademark protection, Harvard Law Review, vol. XL, 1926-27, p. 813. (26) « The true functions of the trademark are, then, to identify a product as satisfactory and thereby to stimulate further purchases by the consuming public » (p. 818) ; « the value of the modern trademark lies in its selling power » (p. 831). (27) Article cité p. 825. (28) Ibid. p. 824-830. (29) TPICE, 25 mai 2005, Spa finders, préc., no 38. (30) F. Schechter, préc., p. 832. ration de la directive communautaire (31), comportait un article 13, A, 2) qui permettait au titulaire d’une marque de s’opposer non seulement à tout emploi de la marque ou d’un signe similaire pour les produits pour lesquels elle est enregistrée ou des produits similaires, mais aussi à « tout autre emploi qui, dans la vie des affaires et sans juste motif, serait fait de la marque ou d’un signe ressemblant, en des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire de la marque » (32). Et la Cour de justice Benelux avait bien précisé, d’une part, que cette disposition tendait à donner à la marque une protection allant au-delà de la défense contre une atteinte à son pouvoir distinctif et de la prévention du risque de confusion et, d’autre part, que rien n’autorisait « à limiter la portée de la disposition à une protection de la marque contre un emploi par lequel il serait indûment tiré avantage de la renommée de la marque dont la protection est invoquée ». La qualification de marque de haute renommée pouvait seulement avoir une utilité pour apprécier si, dans un cas donné, il est effectivement plausible que l’emploi visé puisse « causer au titulaire de la marque un préjudice consistant en une atteinte au pouvoir de la marque d’inciter à l’achat » (33). Autrement dit, cette approche différait en partie de celle de la future directive, puisqu’elle ne se limitait pas à la défense des marques notoires ou de renommée mais pouvait bénéficier à n’importe quelle marque, en même temps que de la doctrine de Schechter, bien que la fonction d’incitation à l’achat soit aussi mise en exergue par ce dernier (the true functions of the trademark are, then, to identify a product as satisfactory and thereby to stimulate further purchases by the consuming public)... (34) L’article 14, alinéa 2 de l’avant-projet de convention relative à un droit européen des marques publié en 1973, reprit le texte de l’article 13, A, 2) de la loi Benelux, ce qui fut critiqué (35) : la dispo(31) H. Cohen-Jehoram, article précité, La propriété industrielle, septembre 1978, p. 230 ; D. Brandt, La protection élargie de la marque de haute renommée au-delà des produits identiques et similaires, éd. Droz (Genève), 1985, p. 226 ; A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier (Bruxelles), 2009, no 408. (32) A. Braun, Précis des marques, 2e éd. Larcier (Bruxelles), 1987, nos 411 et s. ; D. Brandt, La protection élargie de la marque de haute renommée au-delà des produits identiques et similaires, éd. Droz (Genève), 1985, p. 221 et s. (33) C. just. Benelux, 1er mars 1975, Colgate-Palmolive c/ Distillerie Bols, Journal des tribunaux, 1975, p. 293, Ing.-Cons. 1975, p. 73, IIC 1976, p. 420 ; N.J. (Nederlandse Jurisprudentie), 1975, no 472, Grur.-Int. 1975, p. 399 et obs. Krasser. (34) Article cité, p. 818. « (...) the most effective agent for the creation of goodwill, imprinting upon the public mind an anonymous and impersonal guaranty of satisfaction, creating a desire for further satisfactions. The mark actually sells goods. And, self-evidently, the more distinctive the mark, the more effective is its selling power » (ibid. p. 819). (35) Dans le Memorandum sur la création d’une marque communautaire de la Commission européenne du 6 juillet 1976, Bull. des Communautés européennes, suppl. 8/76, qui refusait l’idée d’étendre ainsi le droit sur la marque au-delà de sa fonction et n’admettait que l’idée d’un régime particulier en faveur des marques notoirement connues contre une utilisation pour des produits non similaires qui serait de nature à porter DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 9 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 10 sition fut supprimée dans l’avant-projet présenté par la Commission en 1977, avant de réapparaître dans les textes ultérieurs mais seulement pour défendre les marques renommées (article 8, alinéa 1, b) de la proposition de règlement du Conseil sur la marque communautaire du 25 novembre 1980 (36). La Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005 reprend, dans son article 2.20, alinéa 1er, c), la règle permettant de sanctionner l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services non similaires, lorsque l’usage tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice, mais cet alinéa ne concerne que la marque qui jouit d’une renommée à l’intérieur du Benelux et non plus toutes les marques comme avec l’article 13 A, 2) de la loi uniforme de 1971 (37). Toutefois, à la différence du droit français mais conformément à la directive communautaire, cette protection est fondée sur le droit de marque et non sur la responsabilité civile (38), le texte précisant bien in limine qu’il est sans préjudice de l’application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile. De plus, ce même article 2.20, alinéa 1er, d) interdit aussi de « faire usage d’un signe à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice ». Ainsi, la règle Benelux se trouvait-elle à l’origine de la règle communautaire, même si celle-ci en a circonscrit sa portée, ce qui confère un intérêt particulier à la jurisprudence et la doctrine Benelux sur ce point. B – L’existence d’un lien entre la marque de renommée et le signe critiqué dans l’esprit du public concerné La notion de lien a déjà été explorée par la jurisprudence communautaire et la doctrine en matière d’imitation illicite. Nous serons donc plus bref sur cette notion malgré son importance. L’existence d’un lien constitue la condition préalable, sans laquelle il ne saurait y avoir ni profit indu ni préjudice (39). Si le public concerné n’opère aucun rapprochement, n’établit aucune espèce d’association entre la marque de renommée et le signe postérieur, ce dernier ne peut pas tirer un atteinte au caractère distinctif et attractif de ces marques, mais de façon exceptionnelle, considérant d’ailleurs que la question relevait plutôt de la responsabilité civile... Cf. H. Cohen-Jehoram, article cité, p.230 ; D. Brandt, op. cit., p. 226. (36) Bulletin des Communautés européennes, supplément 5/80. (37) A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd. Larcier, Bruxelles (2009), no 176 : « la directive ne va cependant pas aussi loin que l’ancienne loi Benelux, qui s’appliquait à toute marque, qu’elle soit de haute renommée, notoirement connue ou ordinaire ». (38) A. Braun et E. Cornu, préc., no 177. (39) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, Rec. I, p. 12537, point no 31 ; CJCE, 27 novembre 2008, Intel, point no 32. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 profit parasitaire de la ressemblance des signes, et cette ressemblance ne peut causer aucun dommage à la marque. Il faut donc qu’il existe un certain degré de similitude entre les deux marques, qui fasse que le public concerné établisse un lien entre elles (40). Mais ce lien n’implique pas une confusion ou un risque de confusion. Il peut y avoir association bien que le client ne confonde nullement les deux signes (41) : le risque de confusion n’est pas une condition de cette protection, à la différence de celle que prévoient l’article 4, § 1, b) et l’article 5, § 1, b) de la directive. Cela fait une bonne part de l’intérêt de la protection résultant des articles 4, § 4, a) (42) et 5, § 2 (43) de la directive, qui ne contiennent effectivement aucune exigence explicite ou implicite relative à la création d’un risque de confusion (44). Lorsqu’il s’agit d’imitation pour des produits identiques ou similaires, la directive fait du risque de confusion, « la condition spécifique de la protection » (considérant no 10). S’agissant de la protection renforcée de la marque de renommée, l’arrêt Intel précise (45), à propos de l’article 4, § 4, a) de la directive, que « la condition spécifique de cette protection est constituée par un usage sans juste motif de la marque antérieure qui tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte ou porterait préjudice » – ce qu’elle avait déjà énoncé à propos de l’article 5, § 2 (46). Dès lors, il n’est pas nécessaire que la similitude entre les signes en litige crée un risque de confusion (47) : il suffit que le public concerné établisse un lien entre la marque de renommée et la marque ou le signe postérieur (48). Mais, bien entendu, si le titulaire de la marque de renommée démontre qu’il existe un risque de confusion, il établit par là même l’existence d’un lien (49) et d’un préjudice (50) car l’atteinte au caractère distinctif en découle nécessairement. (40) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, préc., no 41. (41) C. Paris, 11 mai 2007, Ricard, PIBD 2007, no 858-III-538 ; C. Paris, 9 septembre 1998, Mr. Propre, D. aff., 1998, p. 1960. (42) CJCE, 27 novembre 2008, Intel, point 30. (43) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C.408/01, Rec. I, p. 12537, point 29 ; CJCE, 14 septembre 1999, General motors c/ Yplon, aff. C.375/97, Rec. I, p. 5421, point 23. (44) CJCE, 10 avril 2008, Adidas c/ Marca Mode, aff. C. 102/07, PIBD 2008, no 875-III-336, point no 41. (45) Points nos 26 et 32. (46) CJCE, 10 avril 2008, Marca Mode, point 36 ; CJCE, 23 octobre 2003, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, Rec. I, p. 12537, point 27 ; CJCE, Adidas c/ Marca Mode, aff. C. 102/07, point no 40. (47) Point no 58 : « la mise en œuvre de la protection instaurée à l’article 4, § 4, a) de la directive n’exige pas l’existence d’un risque de confusion » ; C. Versailles, 27 avril 2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 ; C. Paris, 18 janvier 2006, Orlane c/ Dior, PIBD 2006, no 826-III-226. (48) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas Salomon et Adidas Benelux c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, point no 31 et conclusions Jacobs, point no 44. (49) Point no 57, Trib. com. Bruxelles, 26 juillet 2007, Ikéa c/ Idéa, Ing.Cons. 2007, p. 752. (50) En ce sens : C. just. Benelux, 22 mai 1985, Lever c/ IMS (aff. Lux c/ Lux Talc), Ing.-Cons. 1985, p. 189. Rapprochez : Cass. com., 23 septembre 2008, Hachette Filipacchi c/ Chefar Archeval (Elle c/ X-elle-S), PIBD 2008, no 884-III-620, Prop. ind., novembre 2008, no 85, obs. P. Tréfigny-Goy. L’association peut tenir dans le fait que le public concerné est conduit à penser que les produits ou services émanent du titulaire de la marque de renommée ou d’une entreprise liée. Elle surgit aussi lorsque le public fait rejaillir la nature ou la mauvaise qualité des produits marqués sur la marque renommée, qu’ils dévalorisent dans son esprit (51). Il se peut encore que, quelle que soit la qualité des produits ou services, le tiers se place délibérément dans le sillage de la marque pour bénéficier de sa célébrité, de son image, de son unicité ou des efforts publicitaires, commerciaux ou d’innovation de son titulaire, imposant alors lui-même un lien à un public qui n’attribue pourtant pas forcément l’origine de ces produits au titulaire de la marque renommée. Par ailleurs, le rapprochement ou l’association peut être opéré par le public concerné, même s’il ne considère pas qu’il existe un lien économique ou juridique entre les deux marques (52). C – L’usage dans la vie des affaires L’article 5, § 2 de la directive du 21 décembre 1988 permet au titulaire d’interdire l’usage du signe « dans la vie des affaires », précision qui ne se retrouve pas dans la législation française (53) mais dans laquelle il convient de la sous-entendre. Que faut-il entendre par là ? Dans l’arrêt Arsenal du 12 novembre 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a dit que l’usage ressortit à la vie des affaires « dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine (51) Trib. com. Bruxelles (référé), 24 février 1987, Guerlain, Ing.-Cons. 1987, p. 200 (association avilissante de marques de parfum avec le contenu d’une bande dessinée) ; Trib. com. Anvers, 1er juin 1989, Davidoff, Ing.-Cons. 1990, p. 317 (usage de la marque « Davidoff » comme dénomination sociale et enseigne d’un débit de boissons, entraînant à la fois dilution et avilissement). (52) Conclusions Sharpston, point no 61. C’est le cas notamment des pseudo-parodies de marques de renommées utilisées pour vendre divers produits, supra note no 23. (53) J. Passa, Droit de la propriété industrielle, T. 1, LGDJ 2006, no 382 ; A. Braun et E. Cornu, préc., nos 355-355 bis. privé » (54). La jurisprudence Benelux va dans le même sens, la Cour de justice Benelux considérant que l’expression doit s’interpréter largement, comme couvrant tout emploi de la marque dans le cadre d’une activité commerciale ou dans des circonstances telles qu’il procure à son auteur un profit commercial (55). Par exemple, l’usage du mot « décathlon » dans son sens commun pour critiquer la pratique de ce sport, serait-ce de façon vulgaire, sur un site Internet ne ressortit pas à l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle en l’absence de toute référence aux signes distinctifs de l’entreprise Décathlon (56). II. LA DÉMONSTRATION DE L’EXISTENCE D’UNE ATTEINTE À LA MARQUE DE RENOMMÉE Que faut-il démontrer ? Deux étapes doivent être franchies (57) : d’abord il faut démontrer que le public établit un lien entre la marque critiquée et la marque de renommée, ou, du moins, qu’il existe un risque d’association ; ensuite seulement, on pourra établir qu’au moins l’une des trois sortes d’atteinte (préjudice au caractère distinctif, préjudice à la renommée, ou profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque) est consommée ou présente un risque sérieux de survenir dans l’avenir (58). Les deux étapes sont cumulatives : s’il n’y a pas de lien, il ne peut y avoir de préjudice ni de parasitisme mais si le lien est concevable, il n’emporte pas nécessairement par lui-même la dilution ou le parasitisme (59). (54) CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal, aff. C. 206/1, Rec. I, p. 10273, point no 40. (55) C. just. Benelux, 9 juillet 1984, Ciba-Geigy, Ing.-Cons. 1984, p. 317 ; Trib. com. Bruxelles (référé), 24 février 1987, Guerlain, préc. (56) Cass. com., 20 février 2007, Décathlon, PIBD 2007, no 850-III-273. (57) Conclusions E. Sharpston, point no 40. (58) Points nos 38-39. (59) Points nos 31-32. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 11 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 12 Quant à l’« impératif de disponibilité », la Cour de justice a, dans un arrêt du 10 avril 2008 (60), déjà trouvé l’occasion de dire, sur le terrain de l’article 5, § 2 de la directive, qu’il est « étranger tant à l’appréciation du degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers, qu’au lien qui pourrait être fait par le public concerné entre ladite marque et ledit signe. Il ne saurait donc constituer un élément pertinent pour vérifier si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice ». A – L’appréciation globale du lien entre la marque renommée et le signe critiqué Si le risque de confusion n’entre pas dans la définition du lien que le public opère entre les deux signes, la méthode d’appréciation de l’existence du lien s’apparentant à celle que la Cour de justice, suivant les instructions du 10ème considérant de la directive, a imposé en matière de risque de confusion (61) une appréciation globale. Ainsi, la Cour affirmait-elle dans l’arrêt Adidas c/ Fitnessworld (62) que : « L’existence d’un tel lien doit, de même qu’un risque de confusion dans le cadre de l’article 5, § 1, b) de la directive, être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents ». On remarquera que c’est de l’existence d’un lien qu’il s’agit et non du risque qu’un tel lien soit établi, sauf, en bonne logique, lorsque le signe critiqué n’a pas encore été exploité, comme, spécialement, quand il s’agit d’une marque qui vient d’être déposée. Ce sont tous les facteurs pertinents de l’espèce qu’il faut prendre en compte. L’arrêt Intel énumère les principaux (63) : la similarité des signes ; la nature des produits ou services visés ; le public concerné ; l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque... Tous ces facteurs doivent être pris en compte dans le cadre d’une appréciation d’ensemble, sans que l’un ou l’autre prévale (64). L’arrêt mentionne le degré de similitude entre la marque de renommée et le signe critiqué. Il ne peut y avoir de risque d’association en l’absence de toute similarité. La démonstration de ce que le signe évoque la marque de renommée dans l’esprit du public concerné établit l’association, donc le lien (65). Plus la similarité est grande – et a fortiori en cas d’identité –, plus il est vraisemblable que le public établisse un lien. Toutefois, ni (60) CJCE, 10 avril 2008, Marca Mode, préc., point no 43. (61) CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C. 251/95, Rec. I, p. 6191, PIBD 1998, no 653-III-248, point no 22 ; conclusions E. Sharpston, no 52. (62) CJCE, 10 juillet 2003, préc., point no 30. (63) Point no 42. (64) Point no 61. (65) Conclusions E. Sharpston, point 46 ; point no 60 de l’arrêt : « Le fait que la marque postérieure évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien ». GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 la similarité ni même l’identité ne suffisent dans cet examen qui doit être global. La Cour de justice envisage deux séries d’hypothèses où le public n’associera pas le signe à la marque de renommée (66). D’une part, il se peut que la marque de renommée soit inconnue du public particulier que vise la marque postérieure et vice versa, notamment parce que l’une concerne une clientèle de professionnels, l’autre la grande consommation, si bien que « le public visé par chacune des deux marques peut n’être jamais confronté à l’autre marque, de sorte qu’il n’établira aucun lien entre ces marques ». D’autre part, même si les publics concernés sont les mêmes ou coïncident en partie, les produits ou services visés respectivement par les deux signes peuvent être si différents que la marque ou le signe postérieur ne sera pas susceptible d’évoquer la marque antérieure, ce qui signifie que, dans une certaine mesure, l’on peut prendre en considération le degré de similitude des produits ou services pour démontrer que les publics sont différents et peuvent ignorer l’une ou l’autre marque, sans que cette similitude soit pourtant suffisante ni même et surtout nécessaire (67). En effet, comme le remarque l’avocat général Sharpston, « la directive fait très clairement état de produits ou de services qui ne sont pas similaires, de sorte que l’on ne saurait imposer une condition de similitude. Cela reviendrait presque à effacer la distinction entre les conditions respectives auxquelles sont accordées la protection de base contre le risque de confusion et la protection élargie prévue à l’article 4, § 4, a) de la directive » (68). Mais, il se peut aussi que la marque ait une renommée particulière ou un caractère distinctif très fort : « Dès lors (...), il peut être nécessaire de prendre en considération l’intensité de la renommée de la marque antérieure, afin de déterminer si cette renommée s’étend au-delà du public visé par cette marque » – on relèvera au passage que cette précision s’explique par la définition de la marque de renommée retenue par la Cour de justice des Communautés dans l’arrêt General Motors c/ Yplon (69), qui n’exige pas que la marque soit connue d’une large fraction du grand public mais seulement du public concerné par les produits ou services qu’elle sert à distinguer –, « de même, plus la marque antérieure présente un caractère distinctif fort, qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage qui a été fait de cette marque, plus il est vraisemblable que, confronté à une marque postérieure, identique ou similaire, le public pertinent évoque ladite marque antérieure » (70). Le caractère dis(66) Points nos 46 et s. (67) Conclusions Sharpston nos 59-61. (68) Conclusions point no 59. (69) CJCE, 14 septembre 1999, General Motors c/ Yplon, aff. C. 375/97, Rec. I, p. 5421. (70) Points nos 53-54. tinctif est particulièrement marqué lorsque la marque est unique, c’est-à-dire qu’elle n’est utilisée que par un seul titulaire (ou quasiment), et ce quels que soient les produits ou services considérés, ce qui a forcément une incidence sur le risque d’association (71). Rapporter la preuve du lien ne suffit pas : c’est une condition préalable qui ne dispense pas de démontrer que la seconde est remplie, c’est-à-dire l’atteinte effective ou le risque sérieux d’atteinte à la marque de renommée (72). Il convient de souligner que des facteurs qui ont été pris en compte pour apprécier l’existence du lien, seront pertinents aussi pour apprécier la dilution. B – La preuve de l’atteinte Le titulaire de la marque de renommée qui invoque l’atteinte que ce lien rend possible ou effective, doit naturellement démontrer que l’usage du signe ou de la marque postérieure tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice ou, au moins, qu’il existe « un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur » (73). Il faut pouvoir agir de façon préventive avant que l’atteinte ne se produise, notamment dans l’hypothèse du dépôt second qui n’a pas encore été exploité. Mais on ne doit pas se contenter d’une simple hypothèse, il faut établir la vraisemblance de l’atteinte, comme l’enseignent la jurisprudence et la doctrine Benelux (74), ainsi que le TPICE (75). Si la démonstration de l’atteinte est distincte de celle de l’existence du lien entre les signes, il est évident que plus le lien est fort dans l’esprit du public concerné, c’est-à-dire plus le signe critiqué évoque la marque de renommée, plus le risque d’atteinte est grand, sans pour autant que le titulaire de la marque soit dispensé de prouver l’atteinte (76). La Cour de justice estime que le public pertinent par rapport auquel on apprécie l’atteinte n’est pas le même selon qu’il s’agit de parasitisme ou de préjudice au caractère distinctif ou à la renommée. Dans le cas où l’on invoque le profit indu que le tiers tirerait de la renommée ou du caractère distinctif de la marque par l’usage du signe similaire ou identique, l’arrêt Intel énonce que, « dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, l’existence de ladite atteinte doit être apprécié dans le chef du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque (71) Point no 56. (72) Points nos 31-32 et 71. (73) Points nos 37-39 ; conclusions no 85. (74) Bruxelles, 9 janvier 2003, Solvay, Ing.-Cons. 2004, p. 39 ; Gand, 9 février 2004, Proximusic, Ing.-Cons. 2004, p. 196 ; A. Braun et E. Cornu, préc., no 410 bis. (75) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, préc., no 40. (76) Points 67 et 71 de l’arrêt ; points 70 et 84 des conclusions. postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (77). Le titulaire de la marque seconde est supposé chercher à se placer dans le sillage de la marque renommée : on apprécie l’atteinte en fonction des consommateurs des produits ou services que lui-même vise pour déterminer s’il y a effectivement parasitisme. À l’inverse, lorsque le titulaire de la marque renommée invoque non le profit indu mais le préjudice causé au caractère distinctif ou à la renommée de sa marque, la Cour de justice impose d’apprécier l’existence de l’atteinte « dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (78). Cette fois, la volonté et même l’absence de profit ou d’avantage du côté du tiers sont indifférents, ce qui compte, c’est de savoir si le pouvoir attractif, la fonction publicitaire, l’unicité... de la marque de renommée sont atteints ou risquent de l’être : c’est alors du côté de la clientèle des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée qu’il faut se placer. Ce distinguo subtil est logique mais il devrait être nuancé pour au moins deux raisons : d’une part, les dispositions en cause servent à défendre la marque de renommée au-delà de la spécialité ; d’autre part, bien souvent les deux types d’atteintes se cumulent dans les faits. L’atteinte ou le risque d’atteinte doivent être appréciés, eux aussi, de façon globale, c’est-à-dire en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce (79), qui peuvent varier d’un cas à l’autre (80). Cela implique que les facteurs pris en compte pour apprécier le lien vont pouvoir intervenir aussi dans l’examen de l’atteinte (degré de similitude des signes ; public concerné ; intensité de la renommée ; degré de caractère distinctif...) (81). Mais il faut avoir une approche globale. Selon l’avocat général Sharpston (82), d’une part, « les faits pertinents variant d’une affaire à l’autre, il est impossible d’en dresser une liste exhaustive. Il est probable qu’aucun fait isolé ne soit décisif » et, d’autre part, « l’impératif d’une appréciation globale tenant compte de tous les faits pertinents oblige à accorder à chaque facteur l’importance qu’il mérite tout en donnant le dernier mot à leur mise en balance globale ». Cela veut dire qu’un facteur faiblement présent peut être compensé par un ou plusieurs autres facteurs qui le sont davantage. (77) Point no 36. (78) Point no 35. (79) Point no 68. La même règle avait déjà été posée par la Cour de justice de Benelux dans l’arrêt « Lux/ Lux Talc » du 22 mai 1985, Ing.-Cons. 1985, p. 189. (80) Conclusions Sharpston, point no 83 ; arrêt Intel, point no 68. (81) Conclusions no 45. (82) Points nos 77 et 83 des conclusions. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 13 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 14 L’arrêt Intel apporte d’utiles précisions sur le préjudice porté au caractère distinctif, qui est l’une des formes d’atteinte. En l’occurrence, la marque Intel est une marque unique, constituée d’un néologisme et employé par son seul titulaire – ce qui correspond bien au type de marques que Schechter entendait protéger du risque de dilution (83) – et se pose la question de savoir si cette unicité est une condition nécessaire pour admettre l’atteinte au caractère distinctif (84). Il parait indiscutable, comme l’admet la Cour de justice des Communautés, que plus le caractère distinctif de la marque est fort et, en particulier, si elle a un caractère unique ou quasiment unique (c’est-à-dire très rare ou très inhabituel), plus l’emploi d’un signe identique ou similaire est susceptible de porter atteinte à ce caractère distinctif. Néanmoins, la Cour refuse, à juste titre, de cantonner la sanction de ce type d’atteintes à de telles marques, ce qui restreindrait à l’excès la portée du texte : « (...) Même si une marque antérieure renommée n’est pas unique, l’usage d’une marque identique ou similaire postérieure peut être de nature à affaiblir le caractère distinctif dont jouit ladite marque antérieure » (85). Une autre précision concerne le point de savoir si un seul usage du signe critiqué peut suffire, le cas échéant, à porter atteinte au caractère distinctif de la marque de renommée. L’avocat général avait répondu plutôt par la négative, en soutenant que c’est plutôt un usage répété qui est de nature à éroder le caractère distinctif de la marque. Toutefois, dans la mesure où de telles atteintes doivent pouvoir être prévenues, Mme Sharpston admettait que l’usage répété et son effet de sape puissent être extrapolés à partir d’un premier usage (86). On y inclura le simple dépôt comme marque, même avant toute utilisation (87). La Cour de justice, quant à elle, admet qu’un premier usage « peut suffire, le cas échéant, à causer un préjudice effectif et actuel au caractère distinctif de la marque antérieure ou à faire naître un risque sérieux qu’un tel préjudice se produise dans le futur » (88). Sur un autre point, l’arrêt semble diverger des conclusions de Mme Sharpston, d’une manière d’ailleurs discutable (89) ou, en tout cas, ambiguë. La Cour était interrogée sur le point de savoir si le préjudice au caractère distinctif suppose « une inci(83) « The more distinctive or unique the mark, the deeper is its impress upon the public consciousness, and the greater its need for protection against vitiation or dissociation forom the particular product with which it has been used », préc., p. 825. (84) V. en ce sens (mais obsolète), BGH, 11 juillet 1958, Triumph, GRUR 1959, p. 29. (85) Point no 73 de l’arrêt ; point no 72 des conclusions. (86) Conclusions no 73. (87) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890III-834. (88) Point no 75 (89) V. le commentaire de A. Folliard-Monguiral, Prop. ind., janvier 2009, no 3. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 dence sur le comportement économique du consommateur ». L’avocat général avait estimé « qu’un préjudice porté au caractère distinctif n’implique pas nécessairement un préjudice économique, de sorte qu’un changement du comportement économique n’est pas essentiel. Si la marque Coca-Cola, ou une marque ou signe similaire, était utilisée pour distinguer une gamme de produits ou services sans rapport avec la célèbre boisson, il se pourrait fort que son caractère distinctif s’en trouve affaibli, mais sans que les gens se mettent à moins consommer la boisson. Il est clair, cependant, que toute preuve d’un changement négatif réel dans le comportement des consommateurs étaierait l’argumentation de la requérante » (90). La Cour de justice des Communautés (91), en revanche, rappelant que le préjudice au caractère distinctif est constitué en cas d’affaiblissement du pouvoir d’identification et de perte d’emprise sur l’esprit du public, « la preuve que l’usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif (...) suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise ». Comment expliquer cette exigence ? Le titulaire d’une marque ne possède pas un droit à l’unicité de sa marque hors de la spécialité : ce n’est que parce que se conjuguent la renommée et un usage préjudiciable au caractère distinctif ou fautif qu’il obtient une protection au-delà de la spécialité. Lorsque l’on n’invoque pas le caractère parasitaire de l’usage (ce qui correspondrait d’ailleurs aussi à l’hypothèse envisagée par l’avocat général), le préjudice est lié aux effets actuels ou potentiels de l’usage – usage qui touche à la fonction publicitaire de la marque – sur le comportement de la clientèle. Par conséquent, il faut au moins démontrer un risque de modification de ce comportement, serait-il limité, faute de quoi l’on voit mal où se situerait l’atteinte. Il est vrai que, dans l’exemple donné par Mme Sharpston, la marque est unique et l’usage entraîne la perte de cette unicité, ce que l’on pourrait bien considérer comme un préjudice en soi, indépendamment de toute référence au comportement de la clientèle : la perte d’unicité affaiblit nécessairement la force attractive et publicitaire de la marque dans l’esprit du consommateur, de sorte qu’il ne perçoit plus l’image de la marque de la même façon, même s’il ne s’en éloigne pas pour autant. C’est bien l’idée soutenue autrefois par Schechter. La formule retenue par la (90) Conclusions, point no 74. (91) Point no 77. Cour de justice semble donc trop restrictive et peutêtre aura-t-elle l’occasion de l’amender. En tout cas, la preuve de l’existence d’un risque doit suffire, faute de quoi la protection contre la dilution deviendrait inefficace et ne pourrait intervenir au moment où elle est le plus nécessaire, c’est-à-dire au moment du dépôt de la marque seconde ou dès les débuts de l’utilisation du signe critiqué, au premier stade de l’érosion ou du « grignotage » (92)... La Cour de justice ajoute, toutefois, que le fait que le titulaire de la marque postérieure tire ou non un réel avantage commercial du caractère distinctif de la marque antérieure est indifférent (93) : si l’on démontre qu’il en tire un tel avantage, on passe sur le terrain du profit indu (du parasitisme) mais s’agissant de la seule atteinte au caractère distinctif, la dilution suffit, quelle que soit l’intention de celui qui utilise le signe identique ou similaire et même s’il n’en tire aucun profit. Rien n’empêche, bien sûr, dans certains cas d’invoquer cumulativement les deux griefs. C – L’absence de “juste motif” Si le titulaire de la marque de renommée a établi à la fois le lien et l’atteinte ou le risque d’atteinte, la charge de la preuve passe à son adversaire, qui peut démontrer que l’usage du signe ou de la marque contestée a un juste motif, comme le prévoient les articles 4, § 3 et 5, § 2 de la directive mais pas l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle (mais il faut l’y sous-entendre (94)). L’arrêt Intel ne fait que mentionner cette possibilité (95) sur laquelle ne portait aucune question préjudicielle. La jurisprudence Benelux, ici encore, donne des indications sur ce que pourrait être le juste motif. En premier lieu, dans l’arrêt Claereyn du 1er mars 1975, la Cour de justice de Benelux a dit que l’on ne pouvait définir in abstracto les critères permettant de conclure à l’existence ou l’absence d’un « juste motif ». En deuxième lieu, la Cour a exclu que le juste motif puisse résulter du seul caractère particulièrement approprié du signe pour désigner les produits ou services de l’utilisateur (ce que l’on rapprochera de la mise à l’écart du concept d’« impératif de disponibilité » par la CJCE), ni du fait que le tiers s’en soit déjà servi. En troisième lieu, elle a énoncé qu’« il faut généralement poser comme condition qu’il y ait pour l’utilisateur du signe une nécessité à faire usage de ce signe-là, telle que, malgré le préjudice causé au titulaire de la marque, il ne puisse être raisonnablement exigé (92) A. Folliard-Monguiral, obs. sous l’arrêt Intel, Prop. ind., janvier 2009, no 3, p. 27. (93) Point no 78. En ce sens déjà : Trib. com. Bruxelles (réf.), 24 février 1987, Guerlain, Ing.-Cons. 1987, p. 200. (94) Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI, PIBD 2008, no 875-III345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy. (95) Point no 39. de l’utilisateur qu’il s’abstienne de l’emploi de la marque, ou que l’utilisateur ait un droit propre à faire usage de ce signe et que (...) ce droit propre ne soit pas primé par le droit du titulaire de la marque (...) au surplus, il appartiendra au juge du fond d’apprécier, d’après les circonstances particulières de chaque espèce, si le droit propre éventuel de l’utilisateur doit ou ne doit pas être primé par celui du titulaire de la marque (...) », en tenant compte de la nature et de l’importance du préjudice. Ainsi, l’utilisation de bonne foi de son propre patronyme (96) pourrait constituer un juste motif (97) sous réserve de la mettre en balance avec la nature et l’importance du préjudice causé à la marque et d’en démontrer la nécessité et pas seulement l’utilité (98). Dans l’affaire « Lux c/ Lux Talc » (99), la Cour de justice de Benelux a fourni une autre précision. Le tiers prétendait justifier l’usage de la marque « Lux » par référence à sa nationalité luxembourgeoise. La Cour de justice de Benelux lui répondit que : « Si un tiers fait usage de la marque ou d’un signe ressemblant dans la vie des affaires en des circonstances susceptibles de causer un préjudice au titulaire de la marque, le seul intérêt de ce tiers à exprimer sa nationalité par la marque ou le signe qu’il utilise ne peut pas être admis comme justification de pareil emploi ». Ces enseignements paraissent pouvoir être conservés pour l’application des textes communautaires et de l’article L. 713-5 : le « juste motif » implique la démonstration non d’un intérêt mais d’une nécessité d’employer le signe (100) et encore faut-il que le préjudice causé ne soit pas tel que cette nécessité doive passer au second rang pour donner la préférence au droit sur la marque de renommée. Ainsi, le droit communautaire des marques fait-il largement échapper la marque de renommée au carcan du principe de spécialité afin de préserver, non plus la fonction de garantie d’identité d’origine, mais d’autres fonctions économiques de la marque (101), notamment publicitaire (102), et finalement sa valeur de la marque, son pouvoir attractif et son image. Cependant, on ne peut s’empêcher de faire deux réserves. La première consiste à dire que ce renforcement de la défense de la marque, parfaitement justifié s’agissant de marques véritablement dotées d’une célébrité particulière (96) J. Passa, préc., no 387. (97) Trib. gr. inst. Paris, 22 mai 1991, Michelin, PIBD 1991, no 511-III683. Rapprochez : CJCE, 11 septembre 2007, Céline c/ Céline, aff. C. 17/06, Rec. I, p. 7041. (98) C. Versailles, 27 avril 2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 (confirmant Trib. gr. inst. Nanterre, 14 mars 2005, PIBD 2005, no 811-III-402). (99) C. just. Benelux, 22 mai 1985, Lever c/ International Metals, Ing.Cons. 1985, p. 189. (100) Trib. gr. inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288. (101) A. Braun et E. Cornu, préc., no 410. (102) G. Guglielmetti, La protection des marques de haute renommée, in Le droit comparé des marques dans la CEE, colloque Cuerpi (Grenoble), 1975, p. 116 (sp. p. 122) ; H. Cohen-Jehoram, préc. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 15 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3663 (au sens que la jurisprudence et la doctrine française donnaient à la marque notoire avant l’arrêt General Motors c/ Yplon), convainc moins pour les marques renommées telles que la Cour de justice les a définies de façon plutôt libérale, au point que l’on comprend mal que la protection des fonctions autres que de garantie d’origine et la sanction du risque de dilution ne soient pas offertes à toutes les marques comme le faisait la loi Benelux. La seconde réserve concerne la méthode de la Cour de justice des Communautés en la matière, consistant à donner des directives extrêmement complexes, théoriques et stratifiées, mais qui, de façon paradoxale, débouchent sur la plus grande incertitude, tant l’appréciation globale qu’elle systématise, n’assure aucune espèce de prévisibilité. Quant à l’exigence de la démonstration d’un changement de comportement économique de la clientèle, force est de reconnaître que la formulation de l’arrêt Intel prête à discussion. Si l’on tient compte de la volonté exprimée par la Cour de justice de sanctionner la dilution, il nous semble que cette exigence sera suffisamment satisfaite, avant toute exploitation dilutive ou dans ses premiers temps, si l’on établit un risque de changement de comportement, mais il peut y avoir des hypothèses où, bien que l’usage n’implique aucun changement de comportement, il doive être sanctionné quand même. Avec l’arrêt Intel, l’analyse jurisprudentielle du statut de la marque de renommée est complétée. Il reste à la Cour de justice des Communautés à finir de préciser celui qu’elle entend donner à la marque notoire. 16 GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 DOCTRINE Marque communautaire : chronique de jurisprudence (*) P R O P R I É T É I N D U S T R U E L L E H3668 José MONTEIRO Chargé d’enseignement au CEIPI et à l’Institut de sciences politiques de Paris I. HARMONISATION DU DROIT Dans le court laps de temps couvert par cette chronique, c’est-à-dire de décembre 2008 à février 2009, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu trois décisions de grande importance touchant aux confins de la notion d’usage sérieux de la marque enregistrée (1). Ces trois affaires ont ceci de commun qu’elles concernent les contours de la contrainte liée à l’utilisation du signe non pas sous l’angle quantitatif, mais qualitatif. A – CJCE, 9 décembre 2008, aff. C-442/07, Verein Radetzky-Orden (2) La Bundesvereinigung Kameradschaft Feldmarschall Radetzky (BKFR) est une association à but non lucratif autrichienne, qui se consacre au maintien de traditions militaires et à des œuvres caritatives destinés aux anciens combattants. Elle est titulaire d’une série de marques constituées pour l’essentiel des médailles et insignes d’honneur, décernées aux membres et aux donateurs pour annoncer des manifestations ou collecter des dons, dans ses papiers d’affaires ou sur son matériel publicitaire. La déchéance pour non-usage de ces marques est demandée par une entité similaire dénommée Verein Radetzky-Orden. La question qui était posée à la Cour de justice était la suivante : « L’article 12-1 de la directive doit-il être interprété en ce sens qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux pour différencier les produits et services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises lorsqu’une association à but non lucratif l’utilise pour annoncer des manifestations, dans ses papiers d’affaires ainsi que sur son matériel publicitaire et que ses membres l’arborent sur des insignes qu’ils portent lors de la collecte et de la distribution de dons ? ». Dans l’arrêt Ansul, la Cour de justice avait déjà jugé que la notion d’usage sérieux au sens de la directive devait s’entendre d’un usage qui n’est pas effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque, mais au contraire d’un usage effectif, conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité (*) La seconde partie de cette étude paraîtra dans la prochaine édition de la Gazette propriété industrielle. (1) J. Monteiro, L’usage sérieux de la marque communautaire, Propriété industrielle, juillet-août 2008, no 15, p. 10. (2) Toutes les décisions citées de la Cour de justice ou du Tribunal de première instance sont disponibles sur le site de la Cour accessible à l’adresse suivante : http://curia.europa.eu d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance (3). Un tel usage doit intervenir sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. De façon générale, quand il est question d’interpréter la notion d’usage sérieux, il faut tenir compte du fait que la protection accordée à la marque étant liée à son exploitation, cette protection ne saurait perdurer dès lors que la marque ne satisfait pas à cet objectif de créer ou conserver des débouchés pour les produits ou services auxquels elle s’applique. Toutefois, l’usage de la marque dans un environnement concurrentiel ne fait pas obstacle à ce que des services soient fournis sans contrepartie financière. Comme l’a souligné un éminent auteur, la gratuité ne vise que les bénéficiaires. Le titulaire de la marque peut être récompensé autrement que sous forme de profits (4). En réponse à la question posée, la Cour estime tout d’abord que la circonstance que l’offre de produits ou de services faite par le titulaire de la marque, le soit sans but lucratif n’est pas déterminante. Tant que l’association en question utilise les marques dont elle est titulaire pour identifier et promouvoir les produits ou services pour lesquels celles-ci sont enregistrées, elle en fait un usage effectif qui constitue un « usage sérieux » au sens de l’article 12-1 de la directive. Dans les faits, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si l’usage qui est fait par la BKFR a bien lieu pour identifier et promouvoir ses produits ou services auprès du public ou au contraire, dans un cadre purement interne. En conséquence, l’article 12-1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’une association à but non lucratif l’utilise, dans ses relations avec le public, pour annoncer des manifestations, dans ses papiers d’affaires ainsi que sur son matériel publicitaire et que ses membres l’arborent sur des insignes qu’ils portent lors de la collecte et de la distribution de dons (5). (3) CJCE, 11 mars 2003, aff. C-40/01, Ansul, points 35 et 36. (4) A. Folliard-Monguiral, Propriété industrielle, no 2, février 2009, comm. no 10. (5) CJCE, 9 décembre 2008, aff. C-442/07, Verein Radetzky-Orden, point 24. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 17 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R U E L L E H3668 18 B – CJCE, 15 janvier 2009, aff. C-49507, Silberquelle (6) Dans ce litige, également d’origine autrichienne, la Cour est interrogée sur le point de savoir si le titulaire d’une marque désignant une certaine catégorie de produits, fait un usage sérieux de celle-ci lorsqu’il l’appose sur des objets qu’il offre gratuitement aux acquéreurs d’autres produits. En l’espèce, la société Maselli exerce des activités dans le domaine de l’habillement. Elle est titulaire de la marque Wellness qu’elle utilise sans doute dans le cadre de son activité principale, mais aussi pour des boissons sans alcool qu’elle offre en accompagnement de la vente de ses vêtements. Cette affaire est différente de la précédente en ce sens que dans le cas de la BKFR les marques étaient utilisées en relation avec des produits ou services qui relevaient certes, du domaine d’activités du titulaire, mais surtout, il s’agissait de produits autonomes. Quand bien même il s’agirait de souvenirs, l’usage pour ces produits se suffisait à lui-même. Au contraire, dans l’affaire Silberquelle les boissons sans alcool n’ont pas une existence autonome en dehors des vêtements dont elles constituent le support promotionnel. En d’autres termes, l’apposition du signe sur ces produits constitue, en quelque sorte, le prolongement de l’activité principale de vente d’articles d’habillement et n’a donc pas pour objectif l’acquisition ou la conservation de débouchés et de parts de marché dans le domaine des boissons. Cet usage constitue certainement un geste sympathique en direction du consommateur, mais reste étranger au marché des rafraichissements dans lequel Maselli ne pénètre pas et ne rivalise pas avec les autres concurrents. Comme l’a relevé l’avocat général Damaso Colomer dans ses conclusions, il est nécessaire, eu égard au nombre de marques enregistrées et aux conflits susceptibles de surgir entre elles, de ne reconnaître le maintien des droits conférés par une marque pour une classe donnée de produits ou de services que lorsque cette marque a été utilisée sur le marché des produits ou services de cette classe. Cette condition n’est pas remplie lorsque des objets publicitaires sont distribués pour récompenser l’achat d’autres produits et pour promouvoir la vente de ces derniers (7). Selon lui, il semble hau(6) CJCE, 15 janvier 2009, aff. C-49507, Silberquelle c/ Maselli-Strickmode. (7) Conclusions de M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire C-495/ 07, Silberquelle, présentées le 18 novembre 2008, points 45 et 46 : « 45 – En justifiant la nécessité de prouver l’usage sérieux des marques sur le fondement de l’objectif de réduire le nombre total des enregistrements dans la Communauté et, partant, les éventuels conflits, le huitième considérant de la directive no 89/104 témoigne de l’attachement de celle-ci à la libre concurrence sur les marchés de biens et de services. Il est évident qu’elle vise également à alléger les procédures et à décharger les offices de marques, afin qu’ils ne deviennent pas des cimetières de ces signes, mais elle traduit réellement la réalité du marché, en fournissant aux concurrents la possibilité d’accéder à l’enregistrement afin d’obtenir la certitude que le signe peut être inscrit, acte auquel on ne saurait légitimement opposer un cadavre de marque, c’est-à-dire un signe identique ou très similaire qui ne jouit d’aucune vie sur le marché. 46 – Le fait que GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 tement improbable que « quiconque rendu enthousiaste par le rafraîchissement reçu en cadeau pour l’achat de vêtements wellness, soit disposé à dépenser de l’argent pour plus de vêtements, dont il n’a pas besoin, dans le seul but d’obtenir le breuvage. Mais, même s’il agissait de la sorte, ses achats n’augmenteraient pas la part de marché de la marque en cause dans le segment des boissons, mais bien dans celui de l’habillage, ce qui serait en parfaite adéquation avec la mission que Maselli avait assignée au jus : celle de réclame pour la diffusion de son activité principale, la mode » (8). En d’autres termes le maintien des droits exige davantage que la simple apposition de la marque sur des produits distribués à la clientèle. Il faut en outre que le titulaire utilise sa marque dans une logique de marché (9). Eu égard à ces considérations, la Cour répond à la juridiction de renvoi que les articles 10-1 et 12-1 de la directive doivent être interprétés en ce sens que, lorsque le titulaire d’une marque appose celle-ci sur des objets qu’il offre gratuitement aux acquéreurs de ses produits, il ne fait pas un usage sérieux de cette marque pour la classe dont relèvent lesdits objets. Cette conclusion, applicable en matière de déchéance pour non-usage d’une marque enregistrée devrait, à notre avis, s’appliquer dans les mêmes conditions en matière de contrefaçon. En effet il serait paradoxal de considérer que l’usage d’un signe sur des objets promotionnels ne constitue pas un usage permettant à son titulaire de conserver son droit, alors qu’il porterait atteinte à un droit antérieur dans l’hypothèse où il existerait un tel droit pour désigner la classe de produits dont relèvent les articles promotionnels. Dans un cas comme dans l’autre, l’usage du signe ne participe pas au jeu de la concurrence sur le marché des objets promotionnels dans lequel la marque appartient à un tiers, puisqu’il ne se situe pas dans le contexte d’une activité concurrentielle visant à un avantage économique dans le domaine des produits concernés par l’usage à des fins promotionnels. Enfin l’usage d’un signe pour des produits publicitaires serait aussi insuffisant pour établir une similes tâches d’« assainissement » du registre sont confiées aux entreprises concurrentes renforce le rôle prépondérant joué par la concurrence dans l’adaptation des offices de marques à la situation économique. De la même manière qu’il est exigé du titulaire d’un signe de l’utiliser effectivement en contrepartie de son droit de propriété industrielle, on impose au concurrent de déclencher le mécanisme de nettoyage, à savoir la déchéance, pour l’enregistrer en sa faveur. L’administration des offices de marques se comporte donc de manière neutre ». (8) Id., point 49. (9) A. Folliard-Monguiral, Propriété industrielle, no 3, mars 2009, comm. no 20. larité entre ces produits et ceux dont ils assurent la promotion ainsi que l’a jugé le Tribunal de première instance dans un arrêt du 12 juin 2007 (10). C – CJCE, 19 février 2009 (ordonnance), aff. C-62/08, UDV North America (11) Dans le contexte très médiatisé opposant les titulaires de marques à certaines plateformes de vente en ligne de produits de contrefaçon (12), cette décision de la Cour de justice revêt une importance particulière dans la mesure où la Haute juridiction était invitée, pour la première fois, à se prononcer sur la qualification du rôle de ces plateformes dans la réalisation de l’infraction. Le contexte factuel du litige peut être résumé comme suit : Brandtraders est une société belge qui exploite un site Internet sur lequel ses membres peuvent placer de façon anonyme des annonces en vue de la vente ou de l’achat de leurs marchandises. Les non-membres peuvent aussi visiter le site Internet où ils peuvent consulter les offres et les demandes, mais aucune information ne leur est fournie sur la localisation des marchandises ou sur le prix qui en est demandé. Conformément aux conditions générales, dès qu’un accord est intervenu entre l’offrant et le sollicitant, Brandtraders conclut un contrat de vente avec l’acheteur, en tant que commissionnaire du vendeur, c’est-à-dire en son nom propre mais pour le compte du vendeur. Au cours de la deuxième moitié de l’année 2001, un vendeur a placé une offre sur le site en vue de la vente d’une quantité importante de boissons Smirnoff ice. Suite à l’action engagée par la société UDV north America, titulaire de la marque, à l’encontre de Brandtraders, la Cour d’appel de Bruxelles a rejeté comme non fondée la demande de cessation considérant d’une part, que le déchargement des marchandises dans le port de destination par le partenaire logistique de Brandtraders ne peut en aucun cas constituer un usage de cette marque par cette société, d’autre part, que, dès lors que les mentions figurant sur le site ne sont pas le fait de Brandtraders, l’usage de la marque litigieuse Smirnoff ice ne saurait lui être attribuée, et enfin qu’ayant fait un usage dans la vie des affaires de cette marque pour le compte d’un tiers, Brandtraders n’a pas fait usage de ce signe au sens de l’article 9-1, a) et 9-2, d) du RMC. Sur recours de la société UDV, la Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice sur le (10) TPICE, 12 juin 2007, aff. T-105/05, Waterford Stellenbosch c/ Waterford, point 33 : « La distribution des verres à vin avec le vin sera normalement perçue par les consommateurs concernés comme l’expression d’un effort promotionnel visant à augmenter les ventes du vin, plutôt que comme une indication de ce que le producteur concerné consacre une partie de son activité à la distribution des articles de verrerie ». (11) Avec la collaboration d’Isabelle Leroux, avocat à la Cour, Cabinet Bird & Bird et Xavier Herfroy, ancien avocat, juriste au sein du département des marques de L’Oréal, en charge de la lutte anti-contrefaçon. (12) V. notamment Le Monde du 18 mars 2009, Internet facilite l’acheminement des contrefaçons, p. 12. point de savoir si l’usage d’une marque au sens de ces textes, exige que le tiers visé fasse un usage du signe pour son compte propre ou en tant que partie intéressée dans une vente de marchandises ? Ou encore si l’intermédiaire qui intervient en son nom propre mais pour le compte d’autrui, peut être qualifié de tiers au sens des dispositions précitées ? (13). De façon assez classique, la défense de la société Brandtraders consistait à dire que l’usage de la marque litigieuse dans les multiples supports dont elle a la conception ou à tout le moins la maîtrise, ne constituaient pas un usage dans la vie des affaires dès lors qu’elle n’a pas utilisé le signe comme partie intéressée dans une vente de marchandises dans laquelle elle était elle-même partie liée, étant donné qu’elle intervenenait pour le compte d’un tiers, en l’occurrence le vendeur. En d’autres termes, cette société qui conclut des contrats pour le compte des ses clients et touche des commissions sur les ventes réalisées sur le site dont elle assure la promotion, pourrait néanmoins continuer à s’enrichir en toute irresponsabilité, car les biens dont elle assure la promotion et la vente appartiennent à un tiers ! Cette argumentation a fort logiquement été rejetée par la Cour de justice. La démonstration est limpide. À titre préalable, la Cour commence par rappeler que la notion d’usage de la marque que le titulaire est en droit d’interdire au sens de l’article 5-1 de la directive, dont le contenu est identique à celui de l’article 9-1 du RMC, suppose la réunion cumulative des quatre conditions suivantes (14) : – l’usage est fait sans le consentement du titulaire ; – il a lieu dans la vie des affaires ; – il est fait pour des produits ou des services ; – l’utilisation du signe doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service. Au regard de ces conditions, la circonstance que le tiers en cause utilise un signe identique à une marque enregistrée pour des produits qui ne sont pas ses propres produits en ce sens qu’il ne dispose pas de titre sur ceux-ci, est sans pertinence et ne saurait donc signifier à elle seule que cette utilisation ne relève pas de la notion d’« usage », au sens de l’article 9-1 du RMC. En effet, l’usage en question a bien lieu dans la vie des affaires pour autant qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine (13) CJCE, 19 février 2009 (ordonnance), aff. C-62/08, UDV north America / Brandtraders (SMIRNOFF ICE), point 27. (14) V. notamment CJCE, 12 novembre 2002, aff. C-206/01, Arsenal football club. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 19 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R U E L L E H3668 20 privé (15). Selon la Cour, le fait que la société Brandtraders ait agi comme commissionnaire pour le compte du vendeur, fonction pour laquelle elle a perçu une rémunération, est sans pertinence. Cette situation est parue tellement incontestable que la Cour s’est prononcée par ordonnance et non pas par la voie classique. Ensuite, il est clair que l’usage en cause au principal est fait pour des produits, peu importe à cet égard que les produits en question soient ceux de l’opérateur ou d’un tiers. Enfin, il est tout aussi incontestable que l’utilisation du signe a lieu dans sa fonction de marque et peu importe de nouveau que l’usage soit fait par le tiers dans le cadre de la commercialisation de produits pour le compte d’un autre opérateur disposant seul du titre sur ces produits. Par ces motifs, la Cour répond à la Cour de cassation belge que la notion d’usage, au sens de l’article 9-1, a) et 9-2, d) du RMC, « vise une situation dans laquelle un intermédiaire commercial, agissant en son nom propre mais pour le compte du vendeur et n’étant pas, dès lors, une partie intéressée dans une vente de marchandises dans laquelle il est lui-même une partie liée, utilise, dans ses papiers d’affaires, un signe identique à une marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée » (16). Qu’en est-il de celles des autres plateformes de e-commerce qui n’auraient pas le statut de commissionnaire car elles n’agiraient pas pour le compte de leurs clients vendeurs ? Doit-on de ce fait, considérer que ces plateformes ne font pas usage des marques reproduites, dans la vie des affaires ? Dans la majeure partie des cas (notamment les sites dits de « ventes aux enchères »), ces plateformes sont actives à tous les stades du processus de vente. À titre d’exemple, le Tribunal de commerce de Paris a retenu que la société eBay ne peut bénéficier de la qualité d’intermédiaire technique au sens de l’article 6 de la directive e-commerce, car elle ne limite pas son activité à celle d’hébergeur mais déploie une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits mis en vente sur son site (17). La Cour de justice prend d’ailleurs le soin de préciser que « Brandtraders est intervenu dans un contrat de vente et a reçu une rémunération pour cette intervention. La circonstance que, dans ce (15) Id. point 40. (16) CJCE, 19 février 2009, ord. Smirnoff Ice, point 54. (17) Trib. com. Paris, 30 juin 2008, Parfums Christian Dior c/ eBay International, Revue Lamy Droit de l’immatériel, juillet 2008, no 40, p. 46. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 contexte, le commissionnaire ait agi pour le compte du vendeur est à cet égard sans pertinence » (18). C’est pourquoi, on doit considérer que l’usage fait par les plateformes de e-commerce des marques des produits commercialisés sur et ou par l’intermédiaire de leur site, constitue un usage au sens des article 5.1 de la directive et 9-1 du RMC. II. LA MARQUE COMMUNAUTAIRE VALABLE A – Signes dépourvus de caractère distinctif (article 7-1, b) du RMC) Il est acquis aujourd’hui, que l’exigence de caractère distinctif résultant de l’article 7-1, b) du RMC, lequel transpose relativement à la marque communautaire les dispositions de l’article 3-1 de la directive sur les marques, constitue une exigence autonome de validité du signe déposé à titre de marque. Cette condition, comme le souligne le professeur Jérôme Passa, n’a pas d’équivalent dans la loi française (19). C’est pourquoi il faut souligner comme une avancée significative de notre droit, les récentes applications par la jurisprudence (20), de cette condition même si sur le fond l’application n’emporte pas nécessairement notre conviction s’agissant en particulier de l’arrêt rendu à propos de la marque communautaire constituée par la photographie du « Che » au béret (21). 1 – TPICE, 17 décembre 2008, aff. T-351/07, Abri ombrageant (22) On sait bien que les signes figuratifs et complexes n’ont pas un bon accueil de la part des juridictions communautaires à tel point que, contrairement aux signes verbaux, les décisions infirmatives qui reviennent sur l’appréciation des chambres de recours constituent une rarissime exception. La motivation retenue est systématiquement la même : Si les critères d’appréciation du caractère distinctif de ces marques ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques, il n’en demeure pas moins, selon le Tribunal et la Cour, que les consommateurs n’ont pas l’habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme, en l’absence de tout élément graphique ou textuel (23). (18) CJCE, 19 février 2009, ord. Smirnoff Ice, point 46. (19) J. Passa, Droit de la propriété industrielle, Tome 1, LJDJ, 2006, no 112, p. 103. (20) C. Paris, 21 novembre 2008, Légende / XIII Bis Records (photographie du CHE au béret), PIBD no 889 du 1er février 2009, III, p. 792 ; C. Paris, 30 janvier 2009, Trianon Chocolatiers c/ Revillon Chocolatier (forme d’un produit torsadé évoquant un sarment de vigne), non publié. (21) C. Paris, 21 novembre 2008, préc. (22) TPICE, 17 décembre 2008, aff. T-351/07, Somm Srl c/ OHMI (marque tridimensionnelle constituée par la forme d’un abri ombrageant). (23) CJCE, 7 octobre 2004, aff. C-136/02 P, Mag Instruments c/ OHMI (lampes de torche), point 30. Concernant une des rares exceptions v. TPICE, 3 décembre 2003, aff. T 305/02, Nestlé Waters France c/ OHMI (forme d’une bouteille). Dans les faits l’application de la norme de l’article 7-1, b) du RMC aboutit purement et simplement à un renversement des rôles respectifs des parties. En effet, alors que dans le cadre de l’article 7-1, c), l’office est tenu de démontrer de façon positive le caractère descriptif du signe déposé à titre de marque communautaire, en ce qui concerne l’article 7-1, b) il se contente de procéder par simple affirmation et il appartient au déposant de démontrer que le signe constituant la marque communautaire se différencie de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, étant entendu que de simples variantes d’une forme habituelle de ce type de produits ne suffisent pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ce texte. C’est la conclusion à laquelle est arrivé le Tribunal s’agissant de cet objet insolite appelé « abri ombrageant » que l’on ne rencontre pas souvent le long des routes parisiennes tant le soleil nous manque ces temps-ci, mais auquel les chambre de recours de Alicante semblent plus habituées. En l’espèce, le titulaire de la demande de marque communautaire prétendait que « grâce à sa forme particulièrement esthétique caractérisée par des lignes harmonieuses réduisant l’impact visuel potentiel de la construction », résultant de la structure constituée d’un pilier unique au profil courbé, le signe contesté s’écarterait sensiblement des solutions traditionnelles présentes sur le marché. Malheureusement l’argument n’a pas convaincu la première chambre des recours dont la décision (24) est approuvée par le Tribunal. Il faut dire que la tache du Tribunal a été grandement facilitée par le déposant lui-même qui a décrit la marque demandée comme étant constituée de « plusieurs poteaux équidistants, suivis de plusieurs éléments tubulaires équidistants également, le tout surmonté d’une couverture de manière à former un abri ombrageant ». À partir de là, le Tribunal pouvait dire non sans raison, que la marque demandée était considérée par la requérante ellemême comme étant « une variante d’une des formes habituelles de ce type de produits ». Du reste, le fait qu’au moins une autre entreprise du secteur propose également une structure à pilier unique, confirme, selon la juridiction, que la marque demandée constitue une variante d’une des formes habituelles de ce type de produits (25). Le fait que la marque demandée présente une certaine hauteur esthétique et des caractéristiques qui lui donnent un caractère nouveau et individuel, la rendent attractive et facilitent ainsi sa mémorisation, n’est pas exclusif du défaut de carac(24) 1ère ch. de recours, 28 juin 2007, aff. R 1653/2006-1, Somm Srl. (25) TPICE, 17 décembre 2008, arrêt abri ombrageant, préc., point 27. tère distinctif intrinsèque. On sait bien que, sous réserve de leurs spécificités propres, les différents droits de propriété industrielle peuvent se compléter utilement en ce sens qu’un même objet peut, dans certaines conditions, être protégé par un brevet ou par un dessin ou modèle et par une marque (26). Toutefois on sait aussi que dans le dépôt de marque, le signe n’est protégé que dans la mesure de son caractère distinctif. C’est donc assez logiquement que le Tribunal conclut, en l’espèce, que les particularités esthétiques de la marque déposée ne suffisent pas pour en faire un signe distinctif de l’origine commerciale des produits visés, alors que la « la forme en cause pourrait être un modèle ou un dessin particulier » (27). 2 – TPICE, 20 janvier 2009, aff. T-424/07, dénomination Optimum (28) Nul ne conteste le fait que les termes élogieux ne peuvent être réservés à un opérateur économique mais doivent rester dans le domaine public afin que tous les concurrents puissent en disposer pour procéder à la promotion de leurs produits. En revanche la question que l’on peut se poser est de savoir si de tels signes doivent être refusés parce qu’ils sont descriptifs des produits ou services revendiqués, au sens de l’article 7-1, c) du RMC, ou bien parce qu’ils sont dépourvus de caractère distinctif, selon l’article 7-1, b). De prime abord, dès lors que le rapport entre ces signes et les produits et services auxquels ils s’appliquent n’est pas suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (29), leur caractère descriptif n’est toujours pas évident. C’est pourquoi la référence à l’article 7-1, b), semble plus juste. C’est en tout cas le choix qui a été fait par le Tribunal de première instance à propos de la demande de marque communautaire Optimum servant à désigner des produits biologiques destinés à l’agriculture. En effet, issu du latin, mais également d’utilisation courante dans la plupart des langues de la Communauté, le terme optimum relève de la catégorie des superlatifs signifiant « le plus favorable ou avantageux » ou « le meilleur ». Il s’agit par conséquent, d’un terme laudatif banal et répandu devant pouvoir être utilisé par n’importe quelle (26) TPICE, 12 novembre 2008, aff. T-270/06, Lego Juris c/ OHMI, brique Lego, point 47. (27) TPICE, 17 décembre 2008, arrêt abri ombrageant, préc., point 29. (28) TPICE, 20 janvier 2009, aff. T-424/07, Pioneer Hi-Bred International c/ OHMI (Optimum). (29) TPICE, 22 juin 2005, aff. T-19/04, Metso Paper Automation c/ OHMI (Paperlab), point 25. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 21 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R U E L L E H3668 22 entreprise pour promouvoir ses produits ou ses services, y compris les produits concernés relevant de la classe 1 au sens de l’arrangement de Nice (30). C’est précisément en raison de sa signification générique tendant à exalter de manière indéterminée la nature, la fonction ou les qualités de n’importe quel produit, que ce signe ne permet pas au consommateur d’imaginer à quel type de produit il se rattache, qu’il ne peut pas être considéré comme étant apte à identifier l’origine commerciale des produits qu’il désigne et, par conséquent, à remplir la fonction essentielle de la marque (31). B – Caractère descriptif (article 7-1, c) du RMC) 1 – TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-399/06, dénomination Giropay (32) Aux termes de l’article 7-1, c) du RMC, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». On sait que les signes visés par ce texte sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, à désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé. En effet, de tels signes sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque qui est celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service et permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service, de répéter le choix lors d’une acquisition ultérieure, si l’expérience s’avère positive, ou de s’en départir si elle s’avère négative (33). Enfin, l’interdiction prévue par ce texte s’applique dès lors que, dans au moins une de ses significations potentielles, le signe désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (34). S’agissant des marques constituées d’un néologisme ou composés d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, l’ensemble ainsi constitué est lui-même descriptif des caractéristiques des produits ou services désignés, à moins qu’il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent. Il en est ainsi lorsqu’en (30) (31) (32) (33) 28. (34) tion TPICE, 20 janvier 2009, arrêt Optimum, préc., point 24. Id. point 26. TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-399/06, Giropay c/ OHMI (Giropay). TPICE, 27 février 2002, aff. T-219/00, Ellos c/ OHMI (ELLOS), point CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-191/01, OHMI c/ Wrigley, dénominaDouble Mint, point 32. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 raison de son caractère inhabituel, la combinaison crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui la composent, de sorte que la somme desdits éléments prime (35). Dans cette affaire concernant la dénomination Giropay servant à désigner les produits et services des classes 9 et 36 et notamment les programmes de traitement des données et les affaires financières et monétaires, le Tribunal considère que les deux composantes de la marque sont couramment utilisés, le premier Giro, pour désigner un système de transfert de fonds entre établissements financiers d’un pays, et le second Pay, pour désigner un transfert d’argent versé en contrepartie d’un travail ou d’un service. Il s’ensuit que chacun des deux mots est descriptif des caractéristiques des produits et des services pour lesquels l’enregistrement est demandé et n’est donc pas susceptible de distinguer les produits ou services de la requérante de ceux d’autres entreprises (36). Prise dans son ensemble, la dénomination Giropay est tout aussi descriptive que les éléments qui la composent pris isolément, car elle est susceptible de désigner plusieurs opérations économiques se déroulant dans le milieu financier, se caractérisant par des transferts de fonds (37). Ainsi, le signe en cause, composé des mots Giro et Pay, placés dans un ordre correct du point de vue de la grammaire anglaise, ne crée pas, auprès du public pertinent, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple juxtaposition de ces deux mots pour en modifier le sens et la portée et ne contient pas d’éléments d’ordre créatif susceptibles de le rendre dans son ensemble apte à distinguer les produits et les services de la requérante de ceux d’autres entreprises (38). 2 – TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-307/07, dénomination Airshower (39) Dans cette affaire relative à l’enregistrement de la marque verbale Airshower désignant les produits de classe 11 et notamment les éléments sanitaires de douche, le déposant de la marque communautaire critique la décision de première chambre de recours de l’OHMI au motif que la technique consistant à souffler de l’air dans un dispositif de douche n’est pas connue du public ce qui aurait pour effet de rendre inhabituelle la combinaison des mots Air et Shower. Le Tribunal rejette cet argument considérant que, dans le contexte de l’article 7-1, c) du RMC, il n’est (35) TPICE, 22 juin 2005, arrêt Paperlab, préc., point 26. (36) TPICE, 21 janvier 2009, arrêt Giropay, préc., point 33. (37) Id., point 36. (38) Id., points 37 et 38. (39) TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-307/07, Hansgrohe c/ OHMI (Airshower). pas nécessaire que les signes et indications composant la marque soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins dans le futur (40). Par conséquent, lors de l’examen du caractère descriptif, l’office doit apprécier non seulement si une marque dont l’enregistrement est demandé constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés, mais aussi s’il est raisonnable d’envisager que cela soit le cas dans un avenir prévisible. Et si, à l’issue de cet examen, l’autorité compétente parvient à la conclusion que tel est le cas, elle doit refuser de procéder à l’enregistrement de la marque (41). En l’espèce, la décision apparaît d’autant plus justifiée que la technologie la plus élémentaire pour augmenter la pression du débit d’eau dans les systèmes de douche, et partant réaliser des économies du liquide précieux, consiste dans l’utilisation de l’air comme cela semblait résulter d’une publication scientifique australienne sur laquelle s’est appuyé la première chambre de recours dans la décision référée au Tribunal de première instance. S’agissant de la marque litigieuse, le Tribunal considère que la combinaison des mots Air et Shower est conforme aux règles syntaxiques et grammaticales de la langue anglaise. Dès lors, elle ne sera pas perçue comme inhabituelle par le public ciblé et de ce fait, ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par lesdits termes (42). 3 – TPICE, 2 décembre 2008, aff. T-67/07, dénomination Fun (43) Dans la décision soumise à la censure du Tribunal, la deuxième chambre de recours avait estimé qu’appliquée à des véhicules terrestres à moteur, la dénomination Fun serait perçue comme l’indication que le véhicule a un aspect original et est particulièrement amusant à conduire. En outre, ce terme faisant partie du vocabulaire anglais ordinaire de base, il y avait « clairement un intérêt général à le maintenir disponible pour d’autres commerçants et concurrents » (44). (40) TPICE, 16 mars 2006, aff. T-322/03, Telefon & Buch c/ OHMI (Weisse Seiten), point 92. (41) CJCE, 12 février 2004, aff. C-363/99, Koninklijke KPN Nederland, point 56. (42) TPICE, 21 janvier 2009, arrêt Airshower, préc., point 37. (43) TPICE, 2 décembre 2008, aff. T-67/07, Ford Motor c/ OHMI (Fun). (44) 2ème ch. de recours, 20 décembre 2006, aff. R 1135/2006-2, Ford Motor. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Selon lui, le fait qu’une entreprise souhaite conférer une image positive à ses produits, indirectement et de façon abstraite, sans pour autant informer directement et immédiatement le consommateur de l’une des qualités ou des caractéristiques déterminées des produits concernés, relève de l’évocation et non de la désignation au sens de l’article 7-1 c) du RMC. Ainsi, si le signe Fun peut être compris, en rapport avec les véhicules, comme indiquant qu’ils peuvent être amusants et leur conférer une image positive, il ne dépasse pas le domaine de la suggestion. Dans ces circonstances, force est de constater que le lien existant entre le sens du mot Fun, d’une part, et les véhicules terrestres à moteur, d’autre part, apparaît trop vague, indéterminé et subjectif, pour conférer à ce mot un caractère descriptif par rapport auxdits produits. À la différence de certaines indications descriptives des caractéristiques d’un véhicule, telles que turbo, ABS ou 4x4, le signe Fun situé à l’arrière d’un véhicule ne peut pas servir pour désigner directement un véhicule terrestre à moteur ou une de ses caractéristiques essentielles, mais sera perçu par le consommateur comme une désignation de l’origine commerciale du produit. Partant, la constatation par la chambre de recours selon laquelle le consommateur percevra le mot Fun comme indiquant qu’un véhicule a un aspect original ou est amusant à conduire, est insuffisante pour conférer au signe un caractère descriptif au sens de l’article 7-1, c) du RMC. En conclusion, le Tribunal est d’avis que le vocable Fun ne présente pas en rapport avec les véhicules terrestres à moteur, un rapport suffisamment direct et concret permettant au public concerné de percevoir immédiatement, sans autre réflexion, une description de ces produits ou de l’une de leurs caractéristiques. Partant, il ne tombe pas sous le coup de l’interdiction de l’article 7-1, c) du RMC (45). Nous ne pouvons qu’approuver et nous réjouir de cette motivation et ce d’autant plus que la jurisprudence du Tribunal de première instance n’est pas prolifique en ce qui concerne les signes encourageants à destination des titulaires de marques. En effet comme l’a affirmé une chambre de recours à propos de la marque Oilgear, « les entreprises peuvent avoir un intérêt légitime à utiliser des marques évocatrices et suggestives lesquelles ne doivent pas être exclues de la protection » (46). (à suivre) (45) TPICE, 2 décembre 2008, arrêt Fun, préc., points 33 à 38. (46) 2ème ch. de recours, 22 septembre 1998, aff. R 36/1998-2, The Oilgear Company, point 10. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 23 De la contrefaçon en Amérique DOCTRINE Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS Avocat au Barreau de Paris Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle Cabinet Hoffman Amaïa OYHAMBERRY Élève-avocate Master 2 Droit des créations intellectuelles P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3638 24 Selon James Moody, ancien chef de la division drogue et crime organisé du FBI, la contrefaçon tend à devenir le « crime du XXI ème siècle » (1). Aux États-Unis, comme en France et dans le reste du monde, la contrefaçon représente désormais un véritable fléau et une menace de plus en plus prégnante pour l’économie. L’impact direct de la contrefaçon est en effet évalué à 6 % du PNB américain, et, selon les douanes américaines, le trafic de marchandises contrefaites serait responsable de la perte de plus de 750.000 emplois pour l’année 2007. L’Agence américaine des douanes et de la protection des frontières estime que les biens contrefaits et piratés saisis s’élèvent à une hauteur de 196,7 million de dollars (contre 155,3 millions de dollars en 2006) (2). Tous les secteurs de l’économie sont touchés par ce phénomène, et notamment l’industrie de la mode et du prêt-à-porter dont le montant total de la production s’élevait à 350 milliards de dollars... et les pertes liées à la contrefaçon sont estimées à un montant de 12 milliards de dollars annuels (3). La ville de New York est particulièrement touchée par la contrefaçon : selon un rapport publié en 2004 (4), environ 8 % que représente le commerce des biens contrefaits est vendu à New York, ce qui aurait pour conséquence un manque à gagner en matière fiscale s’élevant à plus d’un million de dollars. La ville est une des plaques tournantes de la contrefaçon à l’échelle mondiale en raison notamment de sa situation géographique, 13,4 % des échanges maritimes passant par le port de New York. Selon Caroline Joiner, directrice du Global intellectual property center, la plupart des biens contrefaits viennent de Chine ou seraient fabriqués 60 à 85 % des biens contrefaits à l’échelle mondiale... avant d’être revendus dans les rues de Chinatown. C’est justement pour lutter contre ce phénomène que le maire Michael Bloomberg s’est attaqué en février 2007 au « triangle de la contrefaçon » en faisant procéder par le New York City police department et le Mayor’s office special enforcement à de véritables raids pour sévir contre le commerce des (1) G. W. Abbott, Jr. and Lee S. Sporn, Trademark counterfeiting § 1.01 (2001). (2) http://www.cfo.com/article.cfm/11475740/c_11476271?f=singlepage (3) R. Moody, Logo Cops fight Apparel Knockoffs, Portland Business Journal, 9 april, 2004. http://www.intellectualsecurity.com/2004 avril logo_cops_fight_apparel_knocko.html (4) http://www.comptroller.nyc.gov/bureaus/bud/04reports/BootlegBillions.pdf GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 biens contrefaits, nuisible à l’économie locale ; la totalité des biens saisis a été estimée à une valeur de 16 millions de dollars. M. Bloomberg qualifie luimême la contrefaçon de « crime organisé » et l’opération d’une des plus importantes « attaques contre l’argent facile et sale » dérivé du commerce des biens contrefaits (5). La ville de New York a fondé son action sur le « nuisance abatement law » – comparable aux troubles de voisinage – et ce afin d’obtenir des injonctions permettant de procéder à des opérations anti-contrefaçon. Cette opération de grande ampleur fait suite à une série d’actions en justice intentées par des grandes marques à l’instar de Burberry, Givenchy et Marc Jacobs, à l’encontre d’une société immobilière – Terranova Estate – louant les locaux destinés au commerce de biens contrefaits à Chinatown. C’est plus précisément suite au dépôt d’une plainte par Louis Vuitton pour atteinte au droit des marques devant le Tribunal du Southern district de New York (6) contre trois sociétés immobilières, propriétaires d’immeubles abritant des commerces vendant des biens contrefaits, que l’action menée par M. Bloomberg a abouti. En l’espèce, Louis Vuitton accusait lesdits propriétaires d’avoir facilité le commerce des biens contrefaits et d’en avoir tiré profit, en basant son action sur le New York Real property law § 231 qui permet en effet d’engager la responsabilité des propriétaires pour l’atteinte aux droits d’auteur et aux droits des marques pratiqués par leurs locataires et résultant en des dommages liés à un usage illicite, au commerce ou à la fabrication de biens illicites. Le 19 avril 2005, le Tribunal du Southern District de la ville de New York a enjoint les propriétaires des immeubles au cœur du litige à changer immédiatement de locataires, à afficher des encarts reproduisant la décision de justice sur les lieux dits, à inclure une nouvelle clause « anti-contrefaçon » dans les contrats de location à venir, et enfin à expulser tous les locataires refusant de suivre ces règles. Cet accord constitue une véritable avancée dans la lutte contre la contrefaçon et ouvre une nouvelle brèche quant à la responsabilité des propriétaires des locaux dans le commerce des biens contrefaits. (5) http://www.nytimes.com/2008 février 27/nyregion/27chinatown.html (6) Louis Vuitton Malletier v. Richard E. Carroll, 05 CV 3331 (SDNY 2005). Aux États-Unis comme en France, la contrefaçon se développe sous de nouvelles formes, représente de nouvelles menaces et appelle de nouvelles réponses pour faire face à ce défi. La législation et la jurisprudence américaines, en véritable évolution, ont récemment permis des avancées notables en matière de lutte contre la contrefaçon, en accordant une protection plus adaptée aux droits de la propriété intellectuelle, en étendant cette protection et en favorisant les actions préventives. En matière de droit des marques, l’arrêt Louis Vuitton malletier v. Haute diggity dog rendu par la Cour d’appel de Virginie a, pour la première fois, fondé sa décision sur le Trademark dilution revision act qui permet aux titulaires d’une marque de prévenir tout risque de dilution de leur marque (I). En matière de droit des dessins et modèles, la dernière avancée majeure en matière de droit de la propriété intellectuelle est le vote du Design piracy prohibition act qui propose d’amender le US copyright act afin de fournir une véritable protection aux créations de mode (II). I. LE TRADEMARK DILUTION REVISION ACT : UN OUTIL PRÉVENTIF CONTRE LE RISQUE DE DILUTION DE LA MARQUE La Cour d’appel de Virginie (4th circuit), dans l’arrêt Louis Vuitton malletier v. Haute diggity dog (7) du 13 novembre 2007, a pour la première fois mis en œuvre le Trademark dilution revision act (TDRA) voté le 6 octobre 2006. Le TDRA vient réviser le Lanham act (8) qui établit le statut fédéral du droit des marques aux États-Unis en permettant au titulaire d’une marque connue d’engager une procédure en cas de risque de dilution de sa marque. Avant l’application du TDRA, le Federal trademark dilution act se situait dans le cadre classique d’une action en responsabilité qui requiert de prouver une réelle dilution de la marque, un réel préjudice économique né de l’atteinte au droit de la marque, et un lien de causalité entre les deux. Ainsi, le TDRA a restauré la possibilité offerte au propriétaire d’une marque de se prémunir contre toute atteinte à l’image de sa marque née de l’usage de cette même marque par un tiers pour la commercialisation de biens ou services différents, sans toutefois avoir à apporter la preuve d’un préjudice réellement subi. Le TDRA prévient donc toute atteinte à l’image de marque qui peut se matérialiser par un risque de confusion (dilution by blurring, soit l’utilisation d’un signe qui, en raison de sa similarité avec une marque antérieure jouissant d’une certaine réputation, porte atteinte à sa distinctivité sans pour (7) 507 F 3d 252 (4th cir. 2007). (8) Title 15, chapter 22 of the United States Code. autant créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur (9)) ou par un avilissement de la marque (dilution by tarnishment, soit l’utilisation par le défendeur d’une marque identique ou similaire d’une manière qui crée une association indésirable, équivoque avec la marque jouissant d’une certaine réputation, résultant en un véritable avilissement). Pour qu’une action fondée sur le TDRA aboutisse, le titulaire de la marque jouissant d’une certaine réputation doit en être propriétaire et elle doit être distinctive, le défenseur doit avoir fait usage de sa marque dans le commerce, il doit y avoir similitude entre les deux marques, et cette même similitude doit être susceptible de porter préjudice au titulaire de la marque. Dans l’affaire précitée, Louis Vuitton Malletier (ci-après LVM) a assigné Haute diggity dog (ciaprès HDD), une petite société spécialisée dans la fabrication de jouets et niches pour chiens parodiant des marques notoires en produisant des articles baptisés « Furcedes » ou encore « Chewnel n o 5 ». En l’espèce ladite société avait mis en vente une peluche pour chien intitulée « Chewy Vuitton », évoquant un sac Vuitton dans sa forme, ses couleurs et ses motifs. En première instance, il avait été juge que HDD ne portait pas atteinte aux droits de LVM car « Chewy Vuitton » était une parodie ne créant pas de confusion dans l’esprit du public, et donc ne portant pas atteinte à l’image de marque de LVM. Dans la mesure ou le jouet pour chien « Chewy Vuitton » n’avait pour autre but que d’imiter en parodiant la marque LVM, la question posée en appel devant le 4th Circuit était de savoir dans quelle mesure le risque de confusion était réel et prégnant entre les soi-disant parodies de HDD et la marque de luxe LVM. LVM a en effet estimé que le jouet portait atteinte à sa marque dans la mesure où le design, le marketing et la commercialisation des jouets risquaient de faire naître une confusion dans l’esprit du public. La Cour d’appel a tout d’abord rappelé la définition de la parodie, soit la production humoristique créée par la juxtaposition de la représentation irrévérente d’une marque avec l’image idéalisée créée par le propriétaire de la marque (10). Afin de déterminer si les produits « Chewy Vuitton » étaient susceptibles de créer un risque de confusion, elle a appliqué les critères (11) déterminés par (9) D’autres facteurs sont à prendre en compte, au titre desquels les tribunaux retiennent (1) le degré de similarité ; (2) le degré de distinctivité de la marque jouissant d’une certaine réputation ; (3) l’étendue de l’utilisation exclusive de cette marque par son titulaire ; (4) l’étendue de la reconnaissance de cette marque ; (5) l’intention de créer une association dans l’esprit du consommateur entre cette marque et la marque postérieure ; (6) toute association existant entre les deux marques. (10) PETA v. Doughney, 263 F3d 359,366 (4th circuit 2001). (11) (1) la distinctivité de la marque du plaignant ; (2) la similarité entre les deux marques ; (3) la similarité des biens et services rattachés à la marDIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 25 DOCTRINE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3638 l’arrêt Pizzeria Uno (12), pour conclure qu’il s’agissait bel et bien d’une parodie excluant tout risque de confusion en raison de la réputation installée de la marque LVM et de la faible similitude avec l’appellation « Chewy Vuitton ». S’agissant du « dilution by blurring », LVM a estimé que l’usage et l’imitation de la marque engendrait un risque de dilution de sa marque. La Cour a tout d’abord rejeté la suggestion de LVM selon laquelle une parodie ouvrait automatiquement la voie à une action judiciaire pour dilution de la marque. Elle a ensuite, dans son raisonnement, appliqué les six critères prévus par le TDRA afin de déterminer s’il y avait ou non risque de dilution de la marque, pour conclure que la marque LVM était particulièrement forte et distinctive et qu’il était peu probable qu’une parodie vienne affaiblir la distinctivité de la marque. La Cour va même plus loin en suggérant qu’en choisissant de parodier la marque Louis Vuitton, une parodie réussie pourrait renforcer la distinctivité de la marque en la transformant en véritable icône. Enfin, concernant le « dilution by tarnishment » de la marque, la Cour a rejeté pour absence de fondement l’argument de LVM selon lequel l’éventuelle mort par étouffement d’un chien pourrait engendrer une bataille judiciaire qui porterait atteinte à la réputation et à l’image de marque de LVM. Enfin, concernant l’avilissement de la marque, la Cour a rejeté pour absence de fondement l’argument de LVM selon lequel l’éventuelle mort par étouffement d’un chien pourrait engendrer une bataille judiciaire qui porterait atteinte à la réputation et à l’image de marque de LVM. L’intérêt de cet arrêt est double dans la mesure où d’une part, il met en œuvre pour la première fois le TDRA, et d’autre part, il apporte la preuve que, bien que le droit des marques protège habituellement les titulaires d’une marque notoire contre toute atteinte ou dilution, il en va différemment lorsqu’il s’agit d’une parodie réussie, l’humour constituant alors un bouclier imparable. II. LE DESIGN PIRACY PROTECTION ACT : VERS UNE PROTECTION DES CRÉATIONS DE MODE Contrairement aux pays de l’Union européenne ou au Japon, les créations de mode ne bénéficient pas aux États-Unis d’un régime de protection adéquat par le droit de la propriété intellectuelle. Une telle protection est revendiquée de longue date par les acteurs de l’industrie de la mode, et a été récemque ; (4) la similarité des infrastructures utilisées par les parties dans le cadre de leur activité ; (5) la similarité des stratégies marketing ; (6) l’intention du défendeur ; (7) la confusion réelle. (12) Pizzeria Uno Corp. v. Temple, 747 F 2d 1522, 1527 (4th circuit 1984). 26 GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 ment réalisée par le Design piracy protection act qui consacre désormais une protection aux créations de mode de trois ans, suite à leur enregistrement auprès du US Copyright office. Ce projet de loi – voté le 16 octobre 2008 – avait été introduit le 25 avril 2007 par les Representative Delahunt, Maloney, Bono et Goodlatte pour qui « la plupart des pays industrialisés offrent un cadre juridique de protection pour les créations de mode. Pourtant, aux États-Unis – leader mondial de l’innovation et de la créativité – les créations de mode ne sont pas protégées par le droit de la propriété intellectuelle (...). Ce vide juridique permet aux pirates de tirer profit des efforts de création et d’empêcher les designers de récolter un juste retour sur leur investissement créatif » (13). Ce projet de loi a été largement soutenu par le puissant lobby du Council of fashion designers in America, au nom duquel notamment Narcisso Rodriguez a – entre autres – témoigné lors des débats parlementaires pour qui cette protection est indispensable en raison de l’investissement financier nécessaire pour créer une collection (14). De telles constatations justifient donc la mise en place d’un régime de protection adéquat pour les créations de mode. En effet, le droit de la propriété intellectuelle au niveau fédéral offrait déjà une gamme de protection, incomplète, à travers le droit d’auteur, le droit des brevets et le droit des marques. Tout d’abord, la protection des créations par le droit d’auteur est limitée aux aspects « utilitaires » des objets, sans tenir compte de la dimension artistique. De plus, le droit des brevets n’est pas non plus adapté dans la mesure ou l’obtention d’un brevet est longue et onéreuse, et les critères de nouveauté et d’inventivité peuvent être difficiles à appliquer aux créations de mode. Par ailleurs, le droit des marques n’offre pas en soi une protection aux créations de mode, mais protègent plutôt certaines configurations permettant d’identifier la source du produit. La question de la protection des créations de design avait déjà été évoquée et débattue à plusieurs reprises devant le Congrès depuis 1914 sans jamais réellement aboutir. Un projet de loi voté par le Sénat en 1975 prévoyait un titre consacré à la protection des création du design, sans toutefois apparaître lors du vote de la loi modifiant le Copyright act en 1976. De même, en 1998, le Digital millenium copyright act en son titre V a offert une protection sui generis pour le design des coques de vaisseau. Ce n’est qu’en 2007 que le Design piracy prohibition act a été voté, modifiant le chapitre 13 du US Copyright act, et accordant une protection de trois ans pour les créations de mode. Sont désor(13) http://www.wptn.com/Mailing/May_17/details/crights/ notaro.html (14) http://www.publicknowledge.org/node/1399 mais protégées les créations de mode (15), soit l’aspect extérieur d’un article d’habillement y compris les ornementations. La notion d’habillement est définie très largement et inclut les vêtements pour homme, femme et enfants, y compris sousvêtements et vêtements d’extérieurs, chaussures, chapeaux et autres accessoires tels que sacs, ceintures et montures de lunettes. Ces créations bénéficieront d’une protection de trois ans (16), qui semble adaptée au cycle de vie d’un produit dans l’industrie de la mode. Pour bénéficier d’une telle protection, une demande d’enregistrement auprès de l’US Copyright office doit être effectuée dans les deux ans suivant la divulgation de la création (17). Toute contrefaçon s’entendant comme un article imitant le design ou l’image (18) d’un article enregistré et protégé. Les sanctions ont également été modifiées : le titulaire des droits peut demander à titre de dommages pour toute contrefaçon d’une création de mode jusqu’à 250.000 $, ou à titre alternatif, une somme proportionnelle à 5 $ par copie (19). Ce projet de loi a été largement commenté par les professionnels de la mode et du droit qui ont exprimé divers points de vue quant à la nécessité et l’opportunité de cette nouvelle législation. (15) (16) (17) (18) (19) Les adversaires au DPPA estiment qu’une protection des créations de mode n’est pas fondée dans la mesure ou il est de l’essence même des créations d’être copiées, ce qui est une partie intégrale et acceptée de l’industrie de la mode. De plus, ils craignent que cette loi ait pour conséquence d’accroître le contentieux relatif aux créations de mode, et par extension d’étouffer la production de celles-ci, dont il résulterait un choix limité pour les consommateurs. Le design piracy protection act a au contraire eu de nombreux échos positifs auprès des professionnels qui se réjouissent de la création d’une protection adéquate pour la dimension artistique et créative des créations de mode, lesquelles ne sauraient être réduites à une dimension purement utilitariste. Par ailleurs, a été également mis en avant la menace des nouvelles technologies qui à travers les photos et vidéos postées sur le net permettent un large accès aux créations, et accroît donc le risque de copie. Enfin, cette loi est tout particulièrement destinée aux jeunes créateurs dont les noms et l’empreinte ne sont pas encore suffisamment développés pour faire face au risque de copie par leurs compétiteurs, à armes égales. HR 2033, 110th Cong., 1st Session § 2(a)(2)(A)(2007). § 2(a)(2)(B). 17 USC §§ 1310 (a-b). § 2 (d)(2). 17 USC § 1323(a). DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 27 DOCTRINE Brevetabilité des cellules souches embryonnaires humaines : une première décision de la Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets Gaëlle BOUROUT Conseil en propriété industrielle Mandataire agréée près l’Office européen des brevets I N D U S T R I E L L E H3662 La Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets (OEB), la plus haute instance de cet organisme chargé de la délivrance des brevets européens, a rendu récemment sa décision G 2/06 dans l’affaire WARF (Wisconsin alumni research foundation). La saisine de la Grande chambre de recours portait sur la brevetabilité des cellules souches embryonnaires humaines. DES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES Ces cellules, issues d’embryons, suscitent de nombreux espoirs dans le domaine biomédical : elles ont la capacité quasi miraculeuse de pouvoir se différencier en tout type cellulaire, c’est-à-dire qu’elles ont le potentiel de se transformer en neurones, cellules de foie, cellules de rein, etc. Cette technologie devrait, à l’avenir, ouvrir d’immenses perspectives pour la thérapie. Malheureusement, ces fameuses cellules sont extrêmement instables et difficiles à manipuler : elles perdent très rapidement leurs propriétés intéressantes. P R O P R I É T É DE LA BREVETABILITÉ DES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES Le droit européen exclut certaines inventions biotechnologiques de la brevetabilité, en particulier au titre de l’article 53(a) et de la règle 28(c) de la Convention sur le brevet européen (CBE), qui s’énoncent comme suit : Article 53 CBE : « Exceptions à la brevetabilité : Les brevets européens ne sont pas délivrés pour : a – les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, une telle contradiction ne pouvant être déduite du seul fait que l’exploitation est interdite, dans tous les États contractants ou dans plusieurs d’entre eux, par une disposition légale ou réglementaire (...) ». Règle 28 CBE (anciennement 23 quinquies c)) : « Exceptions à la brevetabilité : Conformément à l’article 53 a), les brevets européens ne sont pas délivrés notamment pour 28 GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 les inventions biotechnologiques qui ont pour objet (...) : c – des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales (...) ». Ces dispositions découlent immédiatement de la directive no 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, qui a été directement intégrée à la CBE, et également transposée en droit français (1). DE LA SAISINE DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS DE L’OEB, ET DE SES RÉPONSES EN L’ESPÈCE En l’espèce, l’inventeur de la demande de brevet européen « WARF » a pour la première fois réussi à isoler et mettre en culture in vitro des cellules souches embryonnaires humaines. Cette demande, déposée en 1995 et revendiquant des cultures de cellules souches embryonnaires humaines, a été rejetée en première instance par l’OEB, sur la base de l’article 53(a) et de la règle 28(c) de la CBE. Suite à ce rejet, WARF a fait appel de la décision, et la Chambre de recours en charge de l’affaire, considérant que se posait une question de droit d’importance fondamentale, a saisi la Grande chambre de recours, lui posant quatre questions : 1 – La règle 23 quinquies c) CBE (présentement règle 28(c) CBE) s’applique-t-elle à une demande déposée avant l’entrée en vigueur de ladite règle ? La Grande chambre a répondu par l’affirmative, se basant essentiellement sur l’absence de mesures transitoires lors de l’introduction de ladite disposition dans la CBE. 2 – S’il est répondu par l’affirmative à la question 1, la règle 23 quinquies c) (présentement règle 28(c)) CBE interdit-elle de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des produits (en l’espèce : des cultures de cellules souches embryonnaires humaines) qui – comme indiqué dans la demande – ne pouvaient être obtenus à la date de dépôt qu’à l’aide d’une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l’origine desdits produits, si ladite méthode ne fait pas partie des revendications ? La Grande chambre a répondu par l’affirmative. (1) Articles L. 611-17 et L. 611-18 du Code de la propriété intellectuelle, créés par la loi no 2004-800 du 6 août 2004, dite « loi de bio-éthique ». En l’espèce, d’après la description de la demande de brevet, l’objet des revendications ne pouvait être obtenu que par destruction d’embryons humains. Quand bien même la demande de brevet portait sur un produit et non un procédé, et quand bien même le mode d’obtention des cultures de cellules ne figurait pas au libellé de la revendication, la Grande chambre a considéré que l’invention était exclue de la brevetabilité au titre de l’article 53 (a) et de la règle 28(c) CBE : ces dispositions font en effet référence à l’invention dans sa globalité, et donc à l’enseignement technique exposé dans la demande de brevet. La Grande chambre a également noté qu’un produit doit effectivement être obtenu avant d’être utilisé, et que le titulaire d’un brevet de produit est en mesure d’interdire un tiers de fabriquer le produit en question. Ainsi, puisque le produit de demande « WARF » ne pouvait être obtenu que par des procédés nécessitant la destruction d’embryons humains, les dispositions correspondantes s’appliquaient, et l’objet de la demande « WARF » n’était pas brevetable. La Grande chambre a également jugé utile de préciser que certaines considérations n’avaient pas place dans la discussion, notamment la question d’une définition de l’ordre public et des bonnes mœurs (notions pouvant évoluer au cours du temps, et pouvant varier d’un état à l’autre) ; l’autorisation de mener des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines ; et la question du bénéfice apporté par l’invention à l’humanité (comme cela a pu être considéré dans l’affaire de la souris oncogène). 3 – S’il est répondu par la négative à la question 1 ou 2, l’article 53a) CBE interdit-il de délivrer des brevets sur la base de telles revendications ? Cette question n’a pas nécessité de réponse de la Grande chambre. 4 – Dans le cadre des questions 2 et 3, est-il utile de savoir que les mêmes produits pouvaient être obtenus après la date de dépôt sans devoir recourir à une méthode impliquant nécessairement la destruction d’embryons humains (par exemple, en l’espèce, par dérivation à partir de lignées de cellules embryonnaires humaines disponibles) ? La Grande chambre a répondu par la négative. La sécurité des tiers a primé : comme pour la question de la suffisance de description, le critère retenu est le contenu de la demande telle que déposée. PERSPECTIVES La Grande chambre a précisé dans sa décision que les conclusions tirées ne peuvent s’appliquer à la question de la brevetabilité des cellules souches humaines en général, et a expressément limité la portée de cette décision au cas où les produits revendiqués nécessitent la destruction d’embryons humains. La demande « WARF » avait été déposée en 1995. La décision G 2/06 aura donc vraisemblablement un impact restreint, dû aux prochaines avancées technologiques en la matière, notamment pour les nouvelles sources de cellules embryonnaires. De futures décisions, de l’OEB ou des cours et tribunaux nationaux, permettront sans doute de clarifier l’interprétation des dispositions correspondantes de la CBE et de la directive no 98/44/CE. Outre les enjeux éthiques, à l’heure où les ÉtatsUnis envisagent d’encourager à nouveau la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, les questions de brevetabilité, cruciales au développement de cette technologie, ne sont donc pas encore tranchées. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 29 L’invention de mission ouvrant droit à une rémunération supplémentaire des inventeurs salariés DOCTRINE Magali TOUROUDE Ingénieur brevet en biologie Mandataire agréée près l’Office européen des brevets Cabinet Plasseraud Marie CERCLE Juriste Cabinet Plasseraud P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3664 30 La question de l’inventeur salarié, en particulier l’inventeur salarié ayant une mission inventive, est de plus en plus fréquemment soulevée par les entreprises et par les inventeurs. En effet, comme nous le verrons, si un tel régime est bien prévu dans la loi, son application peut être complexe et ambigüe du fait de l’absence de réglementation claire et d’une jurisprudence, abondante en la matière mais pas toujours homogène. Nous nous intéresserons en particulier à la question de la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié dans le cadre d’une invention de mission, des modalités pratiques de versement et des critères de calcul qui découlent de l’analyse jurisprudentielle et enfin de l’épineuse question de la prescription de l’action en revendication de cette rémunération supplémentaire. En introduction, il convient de rappeler l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose : « Les inventions faites par le salarié dans l’exécution [...] d’un contrat de travail comportant une mission inventive [...] appartiennent à l’employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une telle invention, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail ». De plus, la loi dispose que tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit être constaté par écrit, sous peine de nullité (article L. 611-7-3, alinéa 3 du CPI). L’absence d’information plus précise contraint les entreprises à mettre en place une politique interne pour définir notamment les conditions d’octroi et le calcul des rémunérations supplémentaires de leurs salariés inventeurs ayant une mission inventive dans le cadre de leur contrat de travail, ou explicitement chargés d’études ou de recherches. Le système prévu doit être incitatif pour encourager l’innovation au sein de l’entreprise, équitable aux yeux des salariés (et de la loi !), et suffisamment complet pour tenter de prévenir tout litige sur cette question. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 I. LA DÉCLARATION D’INVENTION : CLASSEMENT DE L’INVENTION EN “INVENTION DE MISSION” OU EN “INVENTION HORS MISSION” L’inventeur doit informer son employeur de l’existence d’une invention et proposer un classement de ladite invention en « invention de mission » ou en « invention hors mission ». La déclaration d’invention est nécessairement écrite et peut se faire directement auprès de l’employeur, préférablement par lettre recommandée avec accusé de réception (ou tout autre moyen permettant de prouver la bonne réception), ou par le biais de l’INPI (article R. 611-9 du CPI). L’employeur a ensuite deux mois pour contester le classement effectué par le salarié. Ce délai court à compter de la date de réception par l’employeur de la déclaration de l’invention. En cas d’inobservation des formalités de déclaration par le salarié, le délai ne court qu’à partir de la date à laquelle l’employeur a finalement eu connaissance de l’existence de l’invention. La preuve pourra en être faite par l’employeur par tout moyen. Le silence de l’employeur pendant plus de deux mois équivaut à acceptation du classement proposé par l’inventeur salarié. Cette déclaration permet à l’employeur de prendre connaissance de l’invention et, dans le cas d’une « invention hors mission attribuable », d’exercer ses droits sur ladite invention, contre versement d’un « juste prix ». Nous développerons ici le cas particulier du classement de l’invention en « invention de mission » et la question des modalités d’attribution de la rémunération supplémentaire qui en découle pour l’inventeur. II. “INVENTION DE MISSION” : OBLIGATION D’UNE RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE POUR L’INVENTEUR Cette rémunération supplémentaire est obligatoire au sens de l’article L. 611-7-1 du CPI et la doctrine s’accorde pour estimer qu’elle constitue une disposition d’ordre public. Les conditions dans lesquelles le salarié auteur de l’invention a droit à cette rémunération supplémentaire doivent être définies par les conventions collectives, les accords d’entreprise ou les contrats de travail, la disposition la plus favorable devant s’appliquer. En pratique, les conventions collectives ne suivant pas toujours une évolution jurisprudentielle rapide concernant cette question de la rémunération supplémentaire, de nombreuses entreprises établissent un accord d’entreprise et/ou prévoient le versement d’une rémunération supplémentaire dans les contrats de travail eux-mêmes, dont le mode de calcul est plus en adéquation avec la jurisprudence. III. MODALITÉS DU VERSEMENT ET CRITÈRES DE CALCUL DE LA RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE Rappelons ici que la Cour de cassation, notamment dans un arrêt de 2000 rendu par sa chambre commerciale (1) a estimé que la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié doit être déterminée en s’intéressant : – au salarié (sa contribution à la réalisation de l’invention, son salaire annuel), étant entendu que la rémunération ne saurait être fixée au regard du seul salaire (2) ; – mais aussi à la valeur de l’invention pour l’entreprise. Conformément à cet arrêt, le montant de la rémunération supplémentaire doit tenir compte de « l’intérêt économique ou commercial de l’invention », par exemple du chiffre d’affaires ou des profits réalisés grâce à son exploitation commerciale. La Cour d’appel de Lyon (3) a confirmé par la suite en 2002 que le fait de subordonner la rétribution des inventeurs à un intérêt exceptionnel de l’invention pour l’entreprise contrevenait aux dispositions de l’article L. 611-7 du Code de la propriété industrielle. Confirmant cet arrêt, la Cour de cassation (4) a estimé que de telles conditions, prévues en l’espèce dans une convention collective, devaient être réputées non écrites. Rappelons ici que le droit au versement d’une rémunération supplémentaire ne saurait être subordonné au dépôt effectif d’une demande de brevet, mais à la brevetabilité de l’invention déclarée, et ce (1) Cass. com., 21 novembre 2000, Société Hoechst Marion Roussel c/ Raynaud. (2) Contrairement à ce qui est statué dans l’arrêt Cour d’appel de Paris (4e ch., sect. B), 28 novembre 2008, Thurier c/ SA Comau, qui opère un retour sur la jurisprudence antérieure constante, retour très critiqué, notamment par l’Association des inventeurs salariés (AIS) : en effet, l’arrêt se fonde sur le seul dernier salaire de l’inventeur salarié pour la détermination de la rémunération supplémentaire. À noter qu’il n’y a pas eu de pourvoi en cassation dans cette affaire. (3) C. Lyon, 14 novembre 2002, Scrémin c/ ADG. (4) Cass. com., 22 février 2005, Scrémin c/ ADG. selon une jurisprudence constante (5). En effet, l’employeur peut décider de garder l’invention secrète, sans pour autant se dédouaner de l’obligation de paiement d’une rémunération supplémentaire à l’inventeur salarié. En outre, il n’est pas d’obligation d’exploitation de l’invention pour ouvrir un droit à une rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié. Ainsi, une invention brevetable mais qui ne serait pas protégée par un dépôt de brevet ni exploitée par l’employeur devra néanmoins faire l’objet d’une rémunération supplémentaire à l’inventeur salarié (6). Au vu de ces décisions jurisprudentielles, il est prudent, pour les entreprises, d’établir un mode de calcul préalable prenant en compte la brevetabilité de l’invention et son intérêt économique et commercial. Ce mode de calcul devant être reconnu par l’employeur et les salariés, afin de prévenir tout litige ultérieur sur cette question. En pratique, un grand nombre d’entreprises semblent avoir opté pour un ou plusieurs versements forfaitaires à une ou plusieurs étapes de la vie de l’invention. Ces entreprises font également suivre ces versements forfaitaires d’une gratification ultérieure si l’invention vient à être exploitée. Pour résumer, en pratique, la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié se fonde généralement sur deux « primes » distinctes, et ce, conformément à la jurisprudence précitée : – une prime « d’incitation à la brevetabilité », pour rémunérer la déclaration d’une invention brevetable par un inventeur salarié et éventuellement le dépôt d’une demande de brevet. Cette prime permet d’inciter à l’innovation les salariés tout en les dissuadant de toute publication anticipée d’une innovation potentiellement brevetable ; – une prime liée à l’intérêt économique ou commercial de l’invention, dans le cas d’une exploitation de l’invention, une exploitation directe, ou une cession du brevet (ou de la demande de brevet), ou encore une concession de licence pouvant générer des revenus substantiels pour l’entreprise. À ce stade de la réflexion, force est de constater que de nombreux litiges opposent les entreprises à leurs inventeurs salariés, faute d’un procédé d’attribution et de calcul de la rémunération supplémentaire plus clair. Les inventeurs salariés voient également leur action en justice complexifiée par le problème de la prescription en la matière. (5) Par exemple, Trib. gr. inst. Paris, 5 avril 2006, Sebillaud c/ Fabricom Airport System et Trib. gr. inst. Paris, 10 septembre 2008, Grek c/ Sanofi, Centelion. (6) Concernant la rémunération supplémentaire due à l’inventeur salarié, même en cas de non exploitation de l’invention, v. par exemple Trib. gr. inst. Paris, 24 septembre 2008, Levasseur-Cruz c/ Laboratoires Goëmar. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 31 DOCTRINE IV. PRESCRIPTION P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3664 32 En effet, il existe actuellement et depuis de nombreuses années un problème quant à la durée et au point de départ de cette prescription. On verra ici que la jurisprudence peine à trancher ces deux points. En ce qui concerne tout d’abord la question de la durée de la prescription, jusqu’à récemment, la jurisprudence assimilait la rémunération supplémentaire à un complément de salaire et admettait donc la prescription quinquennale en vertu de l’article 2277 du Code civil et de l’article L. 143-14 du Code du travail, selon lesquels les actions en paiement de salaire se prescrivent par cinq ans. Cette assimilation n’est plus aussi évidente depuis notamment l’arrêt Scrémin c/ ADG du 22 février 2005 rendu par la Cour de cassation. Selon cet arrêt, la prescription quinquennale n’est pas applicable à une action en paiement de rémunération supplémentaire d’invention de salarié « dont le montant (qui constitue l’objet même du litige) n’est pas déterminé ». D’autres arrêts rejettent la prescription quinquennale dans des cas particuliers : Cour d’appel de Paris, 28 avril 2004 (Meybeck c/ Christian Dior Parfums) et 13 mai 2005 (Ray c/ Rhodia) : en l’espèce, défaut d’information de l’exploitation de l’invention et de son étendue par l’employeur envers le salarié inventeur. La durée de la prescription à prendre en compte lors d’un litige entre un employeur et un inventeur salarié est donc une question dont la réponse donnée par la jurisprudence est plus que fluctuante ! Autre point problématique : le point de départ de cette prescription. Ainsi, le jugement Sebillaud c/ Fabricom Airport du Tribunal de grande instance de Paris du 5 avril 2006 fait courir la prescription (qui est quinquennale en l’espèce) à compter de la date à laquelle elle devient « déterminable », c’est-à-dire : i – la date à laquelle l’une des parties notifie à l’autre l’évaluation qu’elle croit pouvoir en faire ; ii – ou la date de la cessation de tout monopole d’exploitation de l’employeur (donc la date de cession ou de concession exclusive du brevet) ; iii – ou encore la date de cessation d’exploitation de l’invention si celle-ci est postérieure à l’expiration du brevet. Cette dernière éventualité peut faire partir la période de prescription 25 ans (ou davantage) après le dépôt de la demande de brevet. La loi no 2008-141 du 17 juin 2008 porte réforme de la prescription en matière civile. Elle ne modifie pas la prescription quinquennale de l’article 2277 du Code civil sur les créances salariales. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 L’article 2233 du Code civil confirme expressément que la prescription quinquennale n’est applicable que pour autant que les conditions exigées pour son applicabilité soient satisfaites, c’est-àdire que le montant de la créance salariale soit déterminé et ne fasse pas l’objet même du litige. Néanmoins, la loi du 17 juin 2008 et les travaux parlementaires ne mentionnent pas le paiement de rémunération supplémentaire d’inventions. En résumé, la jurisprudence est mouvante sur la question de la prescription et la loi du 17 juin 2008 n’apporte pas de réponse claire. Aussi, si l’inventeur salarié n’a pas perçu de rémunération supplémentaire dans un délai raisonnable après dépôt du brevet, et/ou si ses demandes d’information auprès de son employeur sont restées infructueuses, ce dernier court le risque d’être assigné en justice par une action recevable pendant une période pouvant atteindre 25 ans ou davantage après le dépôt du brevet. CONCLUSION S’il est bien établi que la rémunération supplémentaire est obligatoire pour les inventions de mission, il n’en reste pas moins que différents points peuvent faire l’objet de désaccord entre l’inventeur salarié et son employeur. En premier lieu, le classement de l’invention dans la catégorie des « inventions de mission » peut poser problème et doit se faire par un accord écrit entre l’inventeur salarié et son employeur. Ensuite, le mode de calcul de la rémunération supplémentaire par l’employeur doit être basé sur la brevetabilité de l’invention et sur l’intérêt économique et commercial apporté à l’entreprise par l’invention afin de respecter la loi et l’évolution jurisprudentielle, ayant été vu que ces notions sont parfois délicates à évaluer. Enfin, la prescription de l’action en justice pour faire valoir ce droit à la rémunération supplémentaire est malheureusement très mal définie, la jurisprudence étant particulièrement irrégulière sur cette question. Le silence de la loi et l’instabilité jurisprudentielle sur le mode de calcul de la rémunération supplémentaire et sur la prescription entraînent un risque pour les entreprises de voir leurs accords sur la question invalidés ou réputés non écrits lors d’éventuels litiges avec leurs salariés. Les inventeurs salariés, quant à eux, peuvent voir leur droit à la rémunération supplémentaire mal appliqué par leur employeur et le montant de cette rémunération supplémentaire sous-évalué. De plus, leur action en justice peut se retrouver avortée faute d’une règle de prescription plus claire. Le Conseil supérieur de la propriété industrielle (CSPI) a donc été chargé, depuis novembre 2007, d’élaborer un rapport proposant des mesures législatives afin d’instituer un mode de calcul légal de la rémunération supplémentaire des inventeurs salariés. Début décembre 2008, le CSPI a remis au ministère de l’Économie et des finances son rapport prévoyant diverses mesures pouvant éventuellement faire l’objet d’un projet de loi. Malheureusement, au 17 mars 2009, cet avis n’a pas encore été rendu public. Il serait souhaitable qu’il soit rapidement publié afin d’étudier les propositions du CSPI et d’en apprécier les conséquences pour les employeurs comme pour les inventeurs salariés. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 33 JURISPRUDENCE Sommaires de jurisprudence P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3657 34 CONCURRENCE DÉLOYALE Concurrence déloyale résultant d’actes parasitaires – Preuve – Éléments constitutifs du parasitisme distinct de la concurrence déloyale Les sociétés demanderesses appelantes font grief à une société intimée d’avoir commis à leur préjudice des actes de concurrence déloyale pour avoir rompu les relations commerciales précédemment entretenues puis commercialisé une gamme de lunettes de protection reproduisant servilement les modèles diffusés par son ancien fournisseur, et créé ainsi un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle tout en profitant indûment du travail de prospection et du marketing qu’elles ont réalisé pendant plusieurs dizaines d’années. Ce dernier grief relève précisément de la qualification de parasitisme, étant observé que la concurrence déloyale et le parasitisme sont certes pareillement fondés sur l’article 1382 du Code civil, mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. En effet, la concurrence déloyale comme le parasitisme présentent la caractéristique commune d’être appréciés à l’aune du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit sous certaines conditions, tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce. L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié. En l’espèce, les modèles opposés s’adressent à une clientèle de professionnels qualifiés et avertis des secteurs de l’industrie, de la médecine ou des services qui ont une connaissance aiguisée du marché et de ses acteurs qui, visant au premier chef à assurer à leurs personnels une protection efficace et confortable contre les risques du travail et se déterminant en conséquence en fonction de GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 critères de qualité, ne sont pas susceptibles de confondre les produits en présence à raison de leur aspect ressemblant. S’agissant du grief de parasitisme, les sociétés demanderesses appelantes se bornent à invoquer l’importance de leurs investissements de prospection de la clientèle et de marketing, sans donner la moindre précision quant à leur nature, à leur importance ni à les justifier au regard des modèles en cause. Par ailleurs, elles n’établissent nullement que la société intimée aurait indûment profité de leurs investissements humains, techniques ou publicitaires. Il s’ensuit que les sociétés appelantes ne sont pas fondées, au regard des critères précédemment invoqués, à reprocher à la société intimée d’avoir cherché, en les imitant, à détourner leur clientèle en semant la confusion sur l’origine des produits ou à tirer profit, sans bourse déliée, du succès rencontré par leurs produits, de sorte que la prétention émise au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme doit être rejetée. C. Paris (4e ch. A), 14 janvier 2009 : SAS Bushnell Outdoor Products, SARL Bolle Protection c. SARL Euro Protection – M. Carre-Pierrat, prés. ; Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq-Pellerin, H3657 avoués ; Mes LLacer, Saunier-Plumaz, av. ........................................................................................................................................... 1) APPEL CIVIL Qualité pour interjeter appel – Entreprise sous procédure de sauvegarde – Loi du 26 juillet 2005 – Dirigeants de l’entreprise sous sauvegarde – Recevabilité 2) BREVETS D’INVENTION Brevet européen – Exploitation des brevets – Cession des droits moyennant une redevance 3) CONTRATS ET OBLIGATIONS a) Vices du consentement – Dol – Charge de la preuve – b) Cause – Obligation avec ou sans cause – Office du juge 1) Il résulte des dispositions des articles L. 622-1 et L. 622-3 du Code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, qu’au cours de la période d’observation faisant suite au jugement de sauvegarde, l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant qui continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration. Il s’ensuit qu’une société alors sous procédure de sauvegarde est recevable à relever appel d’un jugement lui faisant grief. 2) Une société a conclu le 8 janvier 1999 avec un inventeur un contrat par lequel ce dernier s’engageait à fournir chaque année un nombre indéter- miné d’inventions dans le domaine des jouets à base électronique ou mécanique, ces inventions devant faire l’objet de brevets dont la société et l’inventeur seraient copropriétaires, l’inventeur cédant à la première l’exclusivité de ses droits d’exploitation et de priorité. Les inventions étant payées à l’inventeur par lots et en cas d’exploitation moyennant une redevance de 2 %. Deux avenants à ce contrat ont été signés prévoyant le remplacement de la redevance de 2 % par une redevance forfaitaire applicable rétroactivement ; le second avenant précisait la quantité vendue en 2001. La société contractante ayant le 29 octobre 2002 résilié le contrat passé avec l’inventeur à compter du 31 janvier 2003, a été assignée par l’inventeur à effet de voir prononcer la nullité des avenants. Le premier juge y ayant fait droit, la Cour a infirmé la décision. En effet, le premier avenant incriminé ne concernait que les dispositions relatives à la redevance dont il modifie le mode de calcul et le montant. Le second se limitant à préciser le nombre de ventes au titre de l’année 2001. L’intimé, l’inventeur, invoque la nullité de ces deux avenants pour dol. Or, selon le dernier alinéa de l’article 116 du Code civil, le dol ne se présume et doit être prouvé. L’intimé ne produit à l’appui de ses affirmations aucun élément permettant de caractériser des manœuvres frauduleuses de la part de son cocontractant. 3) La société appelante conteste la décision de première instance en ce qu’elle a retenu l’absence de cause pour prononcer la nullité des avenants. Dans un contrat synallagmatique, la cause d’une obligation de chacune des parties réside dans l’obligation de l’autre. Il y a absence de cause lorsque la contrepartie attendue pour l’un des contractants fait défaut. L’existence de la cause d’une obligation doit s’apprécier à la date où elle est souscrite, c’est-àdire au moment de la formation du contrat, or, en l’espèce, à la date de la formation du contrat, soit le 8 janvier 1999, les obligations de l’inventeur étaient, d’une part, la fourniture de brevets à son cocontractant, et d’autre part, la concession des droits d’exploitation de ces brevets. En contrepartie de la première obligation, il recevait le versement d’une somme d’argent et une redevance. En tout état de cause, même si les nouvelles conditions découlant de l’adoption des deux avenants s’avéraient moins intéressantes que dans le contrat initial, il n’en demeure pas moins que ceux-ci n’étaient pas dépourvus de cause dès lors que l’intimé continuait à percevoir une redevance en contrepartie de l’exploitation de ses inventions. De plus, la contrepartie de la cession des droits d’exploitation ne se limitait pas au versement de la redevance. En effet, l’inventeur ne disposait pas des moyens techniques et commerciaux pour la fabrication et la commercialisation de ses inventions que la société contractante assurait en contrepartie de la cession des droits d’exploitation. C. Lyon (1re ch. civ. A), 5 février 2009 : Société Groupe Berchet SA, Mes Picard, Jeannerot, ès qual. c. M. X – Mme Martin, prés. ; Mmes Biot, Auge, cons. – SCP Laffly-Wicky, Me Verrière, avoués ; H3656 Mes Prothière, Delsart, av. ........................................................................................................................................... BREVETS D’INVENTION Contrefaçon – Sanction de la contrefaçon – Réparation du préjudice – Éléments constitutifs – Masse contrefaisante – Taux du report – Effet tremplin En l’espèce, la société américaine Waters fabrique les appareils comprenant le dispositif contrefaisant. La société française Waters SAS les commercialise en France. Elle s’approvisionne auprès d’une société faisant partie du même groupe et ayant son siège aux Pays-Bas. Un jugement du 29 mai 2002 a retenu que les sociétés Waters Corporation et Waters SAS avaient commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 10, 11 et 12 du brevet des requérants en important, en offrant à la vente et en vendant en France des dispositifs 2690 et 2695 et leurs variantes 2690 D et 2690 XE, et il les a condamnées in solidum à payer une provision de 150.000 Q à valoir sur le préjudice subi. Il est ainsi suffisamment établi que la société Waters Corporation réalise des actes de contrefaçon et elle doit donc être tenue à indemniser la société requérante victime de la contrefaçon, du préjudice résultant de l’introduction et de l’offre de vente en France des appareils comprenant le dispositif contrefaisant dès le 12 septembre 1997. Il convient en effet de rappeler que la prescription de l’action de la victime du dommage contre l’un des responsables in solidum n’exclut pas la condamnation pour le tout de l’autre responsable. Il ressort des rapports d’expertise que la société Waters Corporation devra être tenue à indemniser seule le préjudice résultant de l’importation et de l’offre de vente en France entre septembre 1997 et septembre 1998 de 117 dispositifs contrefaisants, et que les sociétés Waters Corporation et Waters SAS seront tenus in solidum à réparer le préjudice résultant de l’importation, de l’offre de vente et de la vente en France entre septembre 1998 et le 29 juillet 2002 de 692 dispositifs contrefaisants. Si l’indemnité allouée au breveté, en compensation du manque à gagner que lui a causé la DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 35 JURISPRUDENCE contrefaçon, peut être calculée sur la base d’une licence, c’est seulement dans le cas où le breveté n’exploite pas lui-même son brevet. Si, au contraire, il exploite lui-même son brevet, le gain manqué correspond au bénéfice que la contrefaçon l’a empêché de réaliser. P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3673 36 Il convient en effet d’admettre que la société Agilent Technologies Deutschland qui fabrique les appareils brevetés et les vend à une société française en vue de leur commercialisation exploite le brevet en France, et qu’elle est donc bien fondée à solliciter l’indemnisation de son préjudice sur la base des gains manqués sur ce territoire, car tout appareil non vendu par la société Agilent Technologies France est un appareil non vendu par la société Agilent Technologies Deutschland. Le préjudice subi par la société victime de contrefaçon sera donc évalué sur la base de sa marge sur coûts directs, dans la mesure où celle-ci pourra être déterminée avec suffisamment de certitude. Pour déterminer le taux de report, même si les sociétés Waters et Agilent se partagent le marché de la chromatographie haut de gamme, il ne peut être retenu un taux de report de 100 % compte tenu des nombreux éléments intervenant dans le choix d’un appareil de mesure de ce type, et notamment la fidélité à un fabricant. Ainsi que le soutient la société Waters, à défaut de proposer des appareils de la gamme Alliance, elles auraient pu continuer à vendre des appareils de la gamme 600 à leur clientèle en raison notamment de la fidélité de celle-ci à un fabricant réputé. Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y aura lieu de retenir un taux de report de 50 % pour les appareils de chromatographie et leurs accessoires concomitants à la vente. S’agissant des autres accessoires, il y aura lieu de retenir la proposition des sociétés Waters, soit un taux de 20 % à appliquer aux 50 % retenu. La redevance indemnitaire doit être utilisée pour les années 1997, 1998 et 1999, ainsi que pour évaluer le préjudice résultant des ventes des appareils contrefaisants qui ne se seraient pas reportées sur la société Agilent. Dans l’évaluation de cette indemnité, il y a lieu de tenir compte de l’avantage commercial important qui résultait de ce dispositif qui, s’il avait uniquement été proposé par la société requérante, aurait nécessairement conduit à une réduction de la part de marché des sociétés Waters. Le taux sera également fixé en tenant compte du fait que la société requérante n’aurait pas consenti de licence à son principal concurrent pour un dispositif présentant un tel intérêt. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité telle que prévue par l’expert apparaît correspondre à une juste évaluation du préjudice subi par la société requérante, victime de l’infraction. La société requérante explique que les appareils modifiés n’ont pas été considérés comme contrefaisants, mais que la société Waters SAS n’en aurait pas vendu autant si elle n’avait pas auparavant commercialisé des appareils contrefaisants. Elle fait valoir que les laboratoires d’analyse notamment sont tenus d’utiliser des appareils ayant des caractéristiques identiques sur une longue durée (7 à 15 ans) pour continuer à utiliser « la qualification d’analyse » définie pour un produit. Elle précise que les appareils modifiés ont été vendus sous les mêmes références que les appareils contrefaisants 2690, 2695, 2790 et 2795. La société Agilent Technologies Deutschland estime que si les appareils contrefaisants n’avaient pas existé, elle aurait réalisé 40 % des ventes non contrefaisantes intervenues en août 2002 et 20 % des ventes intervenues en 2003. Elle réclame 460.490 Q à ce titre. Les sociétés Waters répondent que les parts de marché sont restées stables avant, pendant et après la période de contrefaçon, et que cette stabilité exclut tout effet tremplin. Elles font valoir que cette demande n’a d’autre objet que de contourner le jugement ayant exclu la contrefaçon pour les appareils modifiés. En l’absence de toute contrefaçon et compte tenu de l’avantage technique et commercial que conférait le brevet à la société Agilent, celle-ci aurait dû voir s’accroître ses parts de marché. Ainsi, la stabilité du marché apparaît comme une conséquence de la contrefaçon et n’est pas de nature à exclure l’effet tremplin invoqué par la société requérante. En utilisant les appareils modifiés, les mêmes références que pour les appareils contrefaisants, les sociétés contrefaisantes ont entendu les placer dans le sillage de ces derniers et continuer ainsi à bénéficier de l’avantage commercial qu’il lui avait indûment procuré. Pour apprécier le préjudice résultant de ce comportement fautif, il convient de tenir compte de la fidélité des clients à leur fournisseur et aux appareils qu’il fabrique. Il doit aussi être tenu compte du fait que ces appareils s’adressent à des spécialistes capables de comprendre les différences entre les dispositifs proposés. Enfin, en raison de la grande durée de vie des chromatographes, les clients qui ont acquis des appareils modifiés n’avaient pas nécessairement déjà acheté des appareils contrefaisants pendant la période 19972002. Ainsi, il y a lieu d’apprécier le préjudice subi par la société requérante à la somme de 100.000 Q, sans qu’il apparaisse nécessaire de procéder à son actualisation. Trib. gr. inst. Paris (3e ch., 1re sect.), 14 janvier 2009 : Société Waters Corporation, Société Waters SAS c. Société Hewlett-Packard GmbH, Société Agilent Technology Deutschland GmbH – Mme Hervé, vice-prés. ; Mmes Chaply, Viton, juges – Mes Casalonga, Véron, Bouvet, SCP Véron et H3673 Associés, av. ........................................................................................................................................... MARQUES a) Perte du droit de propriété – Déchéance – Défaut d’exploitation – b) Éléments constitutifs – Caractère de fantaisie et d’originalité – Caractère distinctif – c) Contrefaçon – Risque de confusion – Produits similaires – d) Nullité – Marque portant atteinte à la marque antérieure – Nullité – e) Concurrence déloyale et arguments parasitaires – Défaut de grief distinct de la contrefaçon – Débouté Aux termes de l’article L. 714-5 du Code la propriété intellectuelle, l’usage sérieux doit s’entendre d’un usage qui n’est pas effectué à titre symbolique aux seuls fins du maintien des droits conférés par la marque, mais qui répond à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage à prendre en considération repose sur les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque, notamment la nature du produit en cause. de faire du café et non pas d’être rapide. Il s’ensuit qu’un consommateur d’attention moyenne ne saurait faire un lien direct, immédiat et indiscutable entre ce signe et une machine à café ; la marque Presto étant distinctive selon l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, sa validité est donc contestée à tort par les WMF. En l’espèce, les signes opposés d’une marque n’étant pas identiques, il convient d’apprécier la contrefaçon alléguée en application des dispositions de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que justement retenu par le tribunal selon lesquelles « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement », en second lieu que le signe critiqué n’étant identique à la marque opposée faute de la reproduire sans modification ni ajout, il convient de rechercher s’il existe entre eux un risque de confusion visuelle, auditive, conceptuelle au terme d’une appréciation globale fondée sur l’impression d’ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants. En l’espèce, la société intimée pour la période considérée justifie l’exploitation de la marque contestée, d’une part par son apposition sur les produits visés aux factures versées aux débats, peu important que le mode d’exploitation prenne la forme d’une vente ou d’une location, et d’autre part par les compagnes publicitaires sans omettre les contrats de licence conclus par la société intimée. Les premiers juges ont justement retenu que, au plan visuel, le signe second reproduit l’élément dénominatif, dominant et distinctif de la marque – Presto – dans une calligraphie très proche, renforcée par l’utilisation d’un point d’exclamation dans le signe second aux lieux et place du tréma en forme de fumerolles s’échappant de la lettre O. Au plan phonétique, l’élément distinctif prépondérant dans l’un et l’autre des signes, à savoir Presto, se prononce avec évidence de la même manière. Au plan intellectuel, la seule adjonction du sigle WMF constitue une différence insignifiante pour le consommateur d’attention moyenne qui, tout au contraire, sera enclin à penser que la société WMP commercialise le produit marqué Presto de la société intimée, de sorte que, en réalité, une telle adjonction est de nature à accroître le risque de confusion dans l’esprit de ce consommateur. Il résulte de ces éléments que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au sens des dispositions de l’article L. 714-5 précité, de sorte que la demande en déchéance formée par les sociétés appelantes sera rejetée. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les premiers juges ont, à bon droit, estimé que la contrefaçon de marque était constituée de sorte que, sur ce point, le jugement déféré sera confirmé. En l’espèce, à supposer même que le terme de langue étrangère Presto soit compris comme signifiant rapide, il ne saurait être regardé comme une caractéristique du produit en cause, dès lors que celle d’une machine à café est précisément La demande de nullité formée par la société M. constitue manifestement une conséquence des actes de contrefaçon précédemment retenus, ou à tout le moins, le complément des sanctions prononcées pour mettre fin à ces actes illicites, de DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 37 JURISPRUDENCE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3682 38 sorte que le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société appelante n’étant pas fondé doit être rejeté et la société intimée déclarée recevable en sa demande. Pour les motifs précédemment retenus au titre de la contrefaçon de marque, celle déposée par la société appelante porte atteinte à la marque antérieure de la société intimée. Il convient, en conséquence, de prononcer la nullité de la marque WMF presto, enregistrée sous le no 828.015. La requérante en contrefaçon doit être déboutée de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale, dès lors qu’elle ne formule aucun grief distinct de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, de sorte que sur ce point, le jugement déféré mérite confirmation. C. Paris (4e ch. A), 28 janvier 2009 : SARL WMF France c. SA Maj et autres – M. Carre-Pierrat, prés. ; M m e s Rosenthal, Chokron, cons. – M e Couturier, SCP Monin-d’Auriac de Brons ; H3658 Mes Pernez, Blandin, av. ........................................................................................................................................... MARQUES a) Éléments de nature à constituer une marque – Originalité – Signes distinctifs – Appréciation par rapport au produit et services désignés à la date du dépôt – Terme silhouette – b) Contrefaçon – Éléments constitutifs (article L. 713-3 Code de la propriété intellectuelle) – Cure – Silhouette – Risque de confusion (non) En droit, aux termes des dispositions de l’article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service. L’alinéa B de l’article L. 711-2 du Code précité dispose que sont également dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur... du bien. Le caractère distinctif d’un signe doit s’apprécier par rapport aux produits et services désignés dans l’enregistrement et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, en se plaçant à la date du dépôt. En l’espèce, les marques en présence sont déposées pour désigner notamment en classe 5, les « aliments, substances, boissons diététiques et préparation biologiques à usage médical : thé amaigrissant à usage médical, tisanes, préparations médicales pour l’amincissement ». d’une part, force est de constater que la société Téléshopping ne produit aux débats aucun docu- GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 ment de nature à établir qu’au jour du dépôt des marques incriminées, le terme « silhouette » était dans le langage courant ou professionnel la désignation exclusive, nécessaire ou usuelle pour désigner les produits visés, et notamment les substances liées à l’amaigrissement. D’autre part, le vocable « silhouette », même évocateur, n’est pas au sens de l’article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle dans le langage courant ou professionnel, la désignation exclusivement nécessaire, générique ou usuelle des produits visés aux dépôts, et notamment les préparations alimentaires ou médicales destinées à l’amincissement. Ce terme ne peut davantage être regardé au visa de l’article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle comme la désignation d’une caractéristique des produits désignés aux dépôts, mais au mieux comme leur évocation indirecte, dès lors que le vocable « silhouette », ne présentant pas un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent et concerné de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une de leurs caractéristiques, ne dépasse le domaine licite de la suggestion. Par voie de conséquence, confirmant le jugement déféré, les marques « Silhouette » sont valables. L’expression « Cure silhouette » a été utilisée sur les documents promotionnels de la société Téléshopping proposant aux clients l’achat d’un substitut de repas destiné à la perte de poids. Les marques Silhouette n’étant pas reproduites à l’identique faute de reproduction, sans modification ni ajout de tous les éléments, il convient de rechercher au sens de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, s’il existe entre les dénominations en présence un risque de confusion qui doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, l’appréciation des similitudes visuelle ou conceptuelle entre elles devant être fondée sur l’impression d’ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants. L’appréciation du risque de confusion dépend d’une part du caractère distinctif de la marque première élevé intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance sur le marché, de l’intensité et de sa durée d’usage. En l’espèce, force est de constater que la Société Laboratoires Élysée ne peut se prévaloir du caractère distinctif fort de ses marques, soit par leur distinctivité propre ou par l’usage qu’elle en fait, de sorte qu’elle n’est pas fondée à revendiquer un monopole sur le terme « Silhouette » faiblement attractif, pour l’avoir déposé à titre de marques. La société Téléshopping fait pertinemment valoir qu’au sein de l’expression « cure silhouette », employée à l’occasion d’argumentaires de vente ou de publicité sur ses documents promotionnels et rédactionnels, le vocable « silhouette » qui n’est pas mis en exergue, ne conserve ni son individualité, ni son pouvoir attractif, dès lors qu’associé aux termes « cure », « cure d’attaque », « cure de stabilisation », « mincir là où il faut », « c’est très simple avec la cure silhouette », il est employé dans un sens évocateur d’acception courante comme nom commun et non comme un signe distinctif. Par voie de conséquence, la reprise du terme « silhouette » est insuffisante à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui ne sera conduit à confondre les dénominations en présence, voire à accroître à une origine commune des produits offerts sous les deux signes en forme de déclinaison des marques premières. Il en résulte que, réformant la décision déférée, le grief de contrefaçon n’est pas caractérisé. C. Paris (4e ch. A), 24 septembre 2008 : SA Laboratoires Élysées, SA société Groupe Lea Nature c. SA Téléshopping – M. Carre-Pierrat, prés. ; Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, M e Olivier, avoué ; H3682 Mes Demoly, Pillot, av. ........................................................................................................................................... MARQUES Contrefaçon – a) Usage d’une marque non autorisée – Saisie – Qualité pour l’exercer – b) Atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque – Pratique dite de la marque d’appel – c) Concurrence déloyale – Actes constitutifs – Publicité induisant manifestement en erreur – Tromperie – Préjudice – Réparation Si dans sa requête en contrefaçon le titulaire de la marque indiquait que l’entrepôt 2A5, mentionné sur le mailing litigieux invitant à la vente de costumes de sa marque par un revendeur qui n’était pas autorisé à commercialiser les produits de sa marque reproduite sur ce document, il avait qualité à solliciter une mesure de saisie-contrefaçon aux fins de constater l’offre de vente de costumes contrefaisants de la part d’une société contrefaisante. C’est à bon droit que le titulaire d’une marque invoque les dispositions des l’article 1382 du Code civil, en soutenant qu’une société s’est rendue coupable de la pratique dite de la marque d’appel en diffusant un mailing annonçant l’arrivage et la vente privée dans son entrepôt de 2.600 costumes dont ceux marqués de sa marque, alors qu’elle n’en détenait qu’une quantité dérisoire. Le distributeur de produits marqués régulièrement acquis, qui est en droit de les revendre sous la marque, peut librement faire référence à celle-ci à des fins promotionnelles. En revanche, la liberté d’usage de la marque dans la publicité cesse lorsque le commerçant, détenteur de produits marqués authentiques régulièrement acquis, en tire prétexte pour utiliser la marque, certes pour désigner les produits eux-mêmes, mais dans le but, en réalité, de promouvoir des produits ou services d’une autre marque, voire ses propres activités de manière générale. Dès lors, la pratique dite de la marque d’appel est constituée lorsqu’un distributeur annonce à la vente des produits d’une marque, alors qu’il en détient un nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle afin d’attirer cette dernière et de lui proposer d’autres produits. Le fait que d’autres vêtements étaient revêtus de six autres marques est inopérant à écarter le grief de la pratique illicite de marque d’appel. En effet, en raison de la quantité dérisoire des costumes de la marque requérante, au regard de l’annonce faite, les consommateurs, attirés par l’invitation faisant mention de la présence de ces produits, se sont nécessairement tournés vers ceux des autres marques en présence, circonstance qui constitue un détournement de clientèle à son préjudice. L’usager non autorisé se rend ainsi coupable de la pratique dite de la marque d’appel, au préjudice de la société titulaire de la marque. La publicité effectuée par le contrefacteur qui utilise le pouvoir attractif d’une marque afin d’attirer la clientèle qu’elle induit manifestement en erreur en lui faisant croire de manière trompeuse à un arrivage massif de costumes griffés de celle-ci, cette publicité est constitutive d’actes de concurrence déloyale par publicité trompeuse, au détriment de la société titulaire de la marque. Les actes illicites retenus à l’encontre de la société incriminée ont indéniablement porté atteinte à l’image de la société titulaire de la marque. L’indemnité de 60.000 Q fixée par le tribunal, répare exactement l’entier préjudice de la société requérante. C. Paris (4 e ch. A), 8 octobre 2008 : SARL Golfergreen c. SAS Cerruti 1881 – M. Carre-Pierrat, prés. ; Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP Petit-Lesénéchal, SCP Narrat-Peytavi, H3659 avoués ; Mes Amiel, Abrat, av. ........................................................................................................................................... DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 39 JURISPRUDENCE P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3678 40 DESSINS ET MODÈLES a) Propriété – Paternité – Détermination – Preuve – Certitude – b) Concurrence déloyale – Éléments constitutifs – Distinction avec le parasitisme – Éléments constitutifs de ce dernier La preuve de la création d’un modèle revendiquée ou de la présomption de paternité, doit être établie avec certitude à la date soit de la création, soit de la divulgation, ainsi que la correspondance entre le modèle divulgué et celui dont la paternité est revendiquée. En l’espèce, il se déduit des constatations que la société revendiquante ne produit aucune pièce probante de nature à justifier de la titularité des droits d’auteur dont elle entend se prévaloir sur les modèles litigieux, alors que s’agissant de la présomption de titularité, il lui appartient d’identifier de manière certaine les modèles sur lesquels elle revendique des droits d’auteur. La société revendiquante ne saurait établir l’identification des modèles divulgués avec les modèles litigieux en opérant un rapprochement avec les fiches techniques, dès lors que ces dernières n’ont aucune valeur probante. Au vu de ces éléments, la société revendiquante ne justifie pas de sa qualité d’auteur sur les modèles litigieux, de sorte que son action en contrefaçon fondée sur les dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ne saurait valablement prospérer. Au soutien de ses prétentions formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, la société requérante fait griefs aux sociétés intimées d’avoir commis une copie systématique de ses modèles et pratiqué des prix inférieurs aux siens. Cependant, le principe de la liberté du commerce implique qu’une prestation qui ne fait pas ou ne fait plus l’objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite, à supposer au demeurant que la preuve en soit rapportée sous certaines conditions, tenant notamment à l’absence de risque de confusion dans l’esprit des consommateurs sur l’origine du produit, et si une telle reprise procure nécessairement à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour faute, sauf à vider de toute substance ce principe. Or, en l’espèce, aucune confusion ne peut exister dans l’esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, dès lors que les modèles commercialisés sont griffés sous la dénomination de leur enseigne Jennyfer, de telle sorte que leurs produits sont parfaitement identifiables et se distinguent de ceux mis sur le marché par la société requérante. GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 Or, force est de constater en l’espèce que la société requérante ne verse aux débats aucun document de nature à justifier, au regard des modèles en cause, de la réalité et de l’importance de ses investissements tant techniques que publicitaires, ni de la réalité de son savoir faire, alors même qu’il résulte des constatations précédentes que les modèles litigieux n’ont pas été créés par la société revendiquante mais acquis par elle auprès d’une tierce entreprise. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal l’a débouté de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. C. Paris (4e ch. A), 10 septembre 2008 : SAS Étam lingerie c. SARL Jennyfer Secret, SAS Stock J. Boutique Jennyfer – M. Carre-Pierrat, prés. ; Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP Fanet-Serra, SCP Baskal-Chalut-Natal, avoués ; H3678 Mes Neri, Hoffmann, av. ........................................................................................................................................... DESSINS ET MODÈLES a) Propriété paternité – Preuve – Certitude – b) Concurrence déloyale – Éléments constitutifs – c) Parasitisme – Agissements parasitaires – Éléments constitutifs distincts de la concurrence déloyale L’exploitation d’une œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, en l’absence de revendication judiciaire du ou des auteurs contre elle à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre, qu’elle soit collective ou non du droit de propriété incorporelle de l’auteur. Toutefois, cette présomption devant être regardée comme étant simple, il convient de retenir pour la combattre, outre la circonstance de l’absence d’une revendication judiciaire du ou des auteurs du modèle litigieux celle tenant à la preuve apportée par le défendeur à l’action en contrefaçon d’une exploitation antérieure de celui-ci par une personne morale tierce. En l’espèce, la société revendiquante prétend justifier d’une telle exploitation sous son nom de six modèles litigieux par la production de factures de commercialisation de l’historique des ventes et de catalogues. En réponse à des attestations de nature à mettre à néant la présomption de titularité de ses droits, la société revendiquante ne produit aucune pièce (ni attestation, ni bon de commande de fabrication, ni patron des modèles...). Or, compte tenu de l’évolution de la commercialisation mondiale, il convient d’observer le procédé devenu classique et utilisé par un grand nombre de distributeurs européen qui consiste à prospecter, notamment le marché asiatique, à y découvrir des modèles dont ils évaluent le potentiel commercial, à les importer dans un premier temps puis à les déposer en tant que modèle à l’INPI, ou encore à en assurer la commercialisation sous leur nom afin de se garantir l’exploitation monopolistique de ce modèle vis-à-vis de leurs concurrents sur leur territoire de distribution. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société revendiquante n’est pas fondée à se prévaloir d’une quelconque présomption de titularité, de sorte que ne disposant d’aucun droit de propriété intellectuelle sur les modèles litigieux, elle est irrecevable faute de qualité à agir en ses prétentions émises au titre de la contrefaçon. S’agissant de la concurrence déloyale, la société requérante fait valoir que, d’une part, la société défenderesse incriminée ne se serait pas contentée de copier servilement un seul modèle de sa création mais six, créant ainsi un effet de gamme, et, d’autre part, d’avoir pratiqué des prix de commercialisation inférieurs aux siens. Outre la circonstance selon laquelle la société requérante ne saurait, ainsi que précédemment retenu, se prévaloir de la qualité de créateur des modèles en cause, il convient de rappeler le principe de la liberté du commerce et de la libre concurrence qui permet, sauf à démontrer des pratiques déloyales dont la preuve n’est pas rapportée en l’espèce, de mettre dans le commerce de manière concurrente des produits acquis auprès d’un même fournisseur. Il convient en conséquence, par voie d’infirmation du jugement déféré, de rejeter les prétentions émises par cette société au titre de la concurrence déloyale. En ce qui concerne les agissements parasitaires allégués par la société requérante, il convient de rappeler que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fuit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il se déduit des éléments précédemment retenus par la Cour que la société requérante ne saurait se prévaloir d’un quelconque savoir-faire ou travail intellectuel, et que, s’agissant des investissements publicitaires, force est de constater qu’aucun élément propre aux modèles litigieux n’est versé aux débats. Cette circonstance est d’ailleurs reconnue par la société intimée qui indique dans ses dernières écritures, que ses investissements ne sont pas individualisés puisqu’ils concernent « plusieurs centaines d’articles ». Il convient, en conséquence, de confirmer sur ce point le jugement déféré l’ayant débouté de sa demande au titre de la concurrence parasitaire. C. Paris (4e ch. A), 17 décembre 2008 : SARL Oscar et Lola c. Société Codico, Société Codico international SAS – M. Carre-Pierrat, prés. ; M m e s Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – M e Teytaud, SCP Calarn-Delaunay, avoués ; H3684 Mes Mergui, Kœring, av. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 41 INTERVIEW Entretien avec Marc-Antoine Jamet, président de l’Unifab P R O P R I É T É MARC-ANTOINE JAMET, PRÉSIDENT DE L’UNION DES FABRICANTS (UNIFAB), NOUS ème FORUM EUROPÉEN DE PRÉSENTE LE 14 LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE QUI SE TIENDRA LES PARIS (V. 7 ET 8 AVRIL PROCHAINS À PROGRAMME INFRA P. 46). Gazette du Palais : Pouvez-vous nous présenter le 14 ème Forum européen de la propriété intellectuelle ? Marc-Antoine Jamet : Il s’agit sans doute du meilleur plateau que nous ayons rassemblé depuis la création de cette manifestation. Le premier élément qui mérite d’être souligné est le nombre de responsables gouvernementaux qui ont accepté de parler du sujet. Seront en effet présents Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, qui s’exprimera sur la politique du gouvernement, dont il est le porte-parole, ainsi qu’Éric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, qui révélera les derniers chiffres des douanes et leurs performances pour l’année 2009. Ils dresseront un bilan de leur action respective. Les actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), le plan douanier européen, les initiatives importantes prises sous présidence française seront évidemment expliqués, éclairés. Nous aurons donc de très précieux interlocuteurs. Mais je note également la présence, pour la première fois, d’un commissaire européen, László Kovács, qui viendra donner la vision qu’a la Commission de la propriété intellectuelle. Le deuxième élément important, c’est la présence d’experts pour évoquer les plans européens. Nous réunirons la « Troïka », c’est-à-dire l’ambassadeur de la République tchèque Pavel Fischer, l’ambassadeur Suédois Gunnar Lund et Gilles Briatta, secrétaire général aux Affaires européennes. Ils parleront d’une seule voix de la lutte anti-contrefaçon. Enfin, au cours de ces deux journées interviendront également des praticiens chevronnés tels Hervé Lécuyer ou Alain Carre-Pierrat. Une fois encore, jamais le Forum n’avait réussi à mobiliser de tels intervenants pour parler d’un sujet européen. 42 GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 D.R. I N D U S T R I E L L E H3683 G.P. : Quels thèmes seront abordés au cours de ces deux journées ? M.-A. J. : Les deux principaux thèmes abordés au cours de ce 14e Forum sous la forme de nombreuses tables rondes, seront, le premier sur l’Europe face à la contrefaçon, et, le second, sur la propriété intellectuelle face à l’internet. Pour traiter de ces thèmes, des parlementaires en charge des dossiers, comme Jean-Paul Gauzès, coordonnateur des députés PPE-DE à la Commission des affaires économiques et monétaires, Jacques Toubon, ou encore Arlen McCarthy, qui est la présidente de la Commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs, seront évidemment les mieux placés. À côté de ces derniers, on trouvera à la tribune des acteurs importants impliqués dans la création de l’Observatoire européen de la Contrefaçon, dont Alvydas Stancikas, qui sera véritablement le l’orga- nisateur et le coordinateur de l’« Observatoire européen de la Contrefaçon : un outil performant contre le faux ? ». En ce qui concerne le second volet du Forum, consacré à la loi « Création et Internet », nous assisterons à une véritable réflexion entre ceux qui sont vraiment actuellement en charge du dossier, comme Franck Riester, député de Coulommiers qui est le rapporteur du projet de loi sur la diffusion et la protection de la création sur internet, et les députés Christian Paul et Didier Mathus, qui sont ses principaux contradicteurs. La présence autour d’une même table de Bruno Parent, directeur général de la DGCCRF, de Mercedes Erra, présidente du groupe publicitaire Euro RSCG worldwide, et de Richard Health, président de l’International trademark association, constituera aussi un temps fort et sera un symbole à l’adresse des consommateurs. La deuxième journée s’ouvrira sur un débat d’économistes autour de la question de savoir si l’économie grise suit le même rythme que l’économie transparente, en d’autres termes si la contrefaçon va chuter ou prospérer en fonction de l’intensité de la crise. Y participeront notamment les professeurs Bernard Maris, journaliste, écrivain et économiste, et Philippe Chalmin, économiste, dont certains d’entre nous aiment entendre les débats animés sur les ondes de France Inter ou sur I Télévision. Seront également à leurs côtés Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), et Liêm Hoang-Ngoc, par ailleurs candidat du parti socialiste à la députation européenne. Nous aurons ainsi à la fois des libéraux, des alternatifs et des opposants. La matinée du mercredi, où sera abordé le thème de la distribution sélective et du commerce électronique, réunira à la fois le président du comité de la propriété intellectuelle du Medef, Thierry Sueur, le chef de l’unité politique de l’antitrust et des concentrations et contrôle interne des décisions à la DG Concurrence de la Commission européenne Claude Rakovsky, le directeur général de Colipa, Bertil Heerink, qui sera là pour soutenir que la distribution sélective permet de lutter contre la contrefaçon. Interviendront également Antoine Winckler, avocat spécialiste du droit européen, et Pierre Kosciusko Morizet, PDG de Prime Minister, qui soutiendra pour sa part que l’on peut faire de l’Internet sans pour autant mettre en jeu la transparence du marché et favoriser la fraude. Avec ces cinq personnalités, nous aurons plusieurs manières d’abor- der le sujet : la vision de la Commission européenne, la vision d’un avocat, la vision d’un utilisateur et la vision d’un chalengeur. L’après-midi du mercredi, consacré à « La propriété intellectuelle est-elle un droit en Amérique du Nord ? », va permettre de se pencher, non pas sur un pays habituellement montré du doigt comme la Chine, l’Italie ou le Maroc, mais sur un grand pays consommateur de faux, les États-Unis. Cette table ronde s’annonce de qualité car y participeront entre autres le chargé d’affaires américain Mark Pekala, le procureur en charge de la section criminalité informatique et propriété intellectuelle au ministère de la Justice américain Matthew Bassiur, la directrice de la propriété intellectuelle à l’Office des représentants de commerce des ÉtatsUnis – en quelque sorte l’Office des marques américain – Rachel Bae, le juge fédéral Ronald S.W. Lew, spécialiste de contrefaçon. Ce sont tous des praticiens et techniciens du droit américain spécialistes de la lutte anti-contrefaçon. C’est probablement une approche que l’on n’avait jamais eu, alliant une vision tout à fait moderne et des témoignages de terrain, une prise de conscience du danger « contrefaçon » par rapport au terrorisme, par rapport à l’actualité américaine, par rapport à la fiscalité, à l’emploi et la croissance des États-Unis. G.P. : Qu’attendez-vous de ce Forum ? M.-A. J. : Cette année, la plupart des intervenants seront des témoins de la société civile, des gens inattendus, que l’on n’a pas l’habitude d’entendre dans nos forums. C’est ce qui fera la particularité de cette édition par rapport à la précédente. Nous conjuguerons la pertinence du propos avec la qualité des intervenants. Pour tout cela, je tiens évidemment à remercier Benoît Battistelli, directeur général de l’INPI, qui est notre partenaire et qui a accepté de présider l’une des journée, de même que Bernard Brochand président du CNAC, Philippe Lacoste, qui n’est plus à présenter, et Marc Mosset de Microsoft, tous présidents de séance de ce forum inédit en France, qui s’annonce d’un très haut niveau et nous apportera sans nul doute un éclairage pertinent et nouveau sur le problème de la contrefaçon. Propos recueillis par Emmanuelle Hoffman Attias (v. programme détaillé, infra p. 46) DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 43 LIBRES PROPOS Internet et clair ? H3697 P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3697 44 En matière de propriété intellectuelle, aussi, la présidence française de l’Union européenne, son dynamisme, son volontarisme, ont produit leurs effets. Lancement, le 2 avril, à Bruxelles, de l’Observatoire de lutte anti-contrefaçon. Démarrage en trombe du plan douanier commun aux 27 États membres. Initiatives appuyées, en dépit d’un contexte post-olympique traumatique, vers la Chine, pour enfin qu’elle ferme ateliers et usines qui inondent de faux la planète. Irruption soudaine du sujet, avec les avantages et les inconvénients que peut avoir ce brusque réveil, dans une demi-douzaine de textes sur les droits des consommateurs, la distribution sélective, l’« e.commerce », l’harmonisation des sanctions pénales. Séminaires et colloques comme s’il en pleuvait faisant appel à de terribles Savonarole ou à de naïfs néophytes. Au total, pas moins de la moitié de la commission sur le pont, Lazlo Kowacs, Jacques Barrot Charlie Mc Greevy, Nelly Kroess ou Milena Kunéva, tous, parmi d’autres et sous des angles parfois divergents, s’emparant d’un dossier qui laissait naguère indifférent. La France n’est pas en reste. Réunion en mars à Bercy du Comité national anti-contrefaçon sous l’égide, ce qui était encore inédit sous ce gouvernement, du ministre Luc Chatel qu’il faut pour cela saluer. Consigne donnée par ce dernier au tandem de choc, Bernard Brochand, député-maire de Cannes et Pierre Sirinelli, de proposer, avec un agenda qui se compte en mois, une « Charte » pour amener au dialogue titulaires de droit et acteurs du numérique, engageant une course de vitesse avec la DG Markt qui, à Bruxelles, s’est jurée, dans le même calendrier, d’arriver à des buts approchants. Déclaration unilatérale, à Paris, puis à Londres, de Price Minister appelant par la voix de son président, Pierre Koziusko-Morizet, à la diffusion et à l’adoption de « bonnes pratiques », conjurant ses homologues européens et américains de sortir de l’ambiguïté et de se déterminer en faveur de sites propres, sécurisés, débarrassés des produits contrefaisants. Quadruplement des services des douanes dédiées à la GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 lutte contre la cybercontrefaçon pour faire face à la déferlante des copies sur Internet. Mobilisation record autour du Forum européen de la propriété intellectuelle, 14ème du nom, organisé par l’Unifab pour trouver des solutions réelles aux problèmes posées en matière de copies par les réseaux, portails, fournisseurs d’accès et autres enchérisseurs on line qui peuplent l’univers quasi divin, déjà sacré, souvent irrationnel du virtuel. L’exigence d’une régulation Pour en faire disparaître les marchands du temple, le monde de l’Internet, comme celui des banques, des médias, des assurances, a besoin de régulation. Faut-il le rappeler ? C’est également par ses tuyaux et ses claviers que la crise est arrivée jusqu’à nos écrans. Or, en matière d’authenticité, il y a plus d’un dysfonctionnement dans le petit monde du numérique. Les profits peu imposés, l’utilisation des données personnelles par certaines de ses plus importantes sociétés systématiquement prônée, les sièges et les services de ses empires de la vente par écran interposé souvent délocalisés dans des contrées laxistes ou lointaines, associant paradis informatiques et nirvanas fiscaux, les garanties absentes pour les clients, les douanes contournées et les autres administrations publiques ignorées, les factures jamais fournies, les conditions de reprise abracadabrantesques, les procédures d’après-vente fantômes, en sont le quotidien. Ces dérives exigent sans délais un minimum d’ordre qui ne viendra pas que de la softlaw. Un média sans censure, c’est l’idéal des démocrates. Un média sans cadre, c’est le bonheur des démagogues. Comme à chaque fois qu’est inventé un nouveau moyen d’échanger et de communiquer, sur la toile ont, hélas, surgi tous les extrémismes, toutes les intolérances, tous les négationnismes. L’enfance, l’innocence, l’intimité ont, ainsi, été confrontées avec une multiplicité de perversités. Ce qui est vrai pour les mœurs ou en politique l’est également en économie. Idées fausses et faux produits ont suivi les mêmes canaux accessibles depuis l’ordinateur d’un bureau, d’une chambre d’enfants ou d’un cyber- café. Il est grand temps de diminuer la volatilité des ventes sur Internet, d’en organiser la traçabilité. Le boom de la cybercontrefaçon S’appuyant sur des paiements électroniques pas toujours sécurisés, sur des transporteurs express inégalement sensibilisés (La Poste, avec lucidité, vient seulement d’adhérer à l’Union des fabricants), les contrefaçons se sont mises à pulluler (1). La fraude, en changeant d’échelle, a changé de nature. Utilisant de vraies publicités, n’hésitant pas à pratiquer des prix déments, des platesformes, plus ou moins inconsciemment, ont participé à une double escroquerie. Celle qui consiste, non seulement, à vendre aux consommateurs une copie qui, le plus souvent, ne vaut rien, comme naguère à Vintimille ou à Canton. Mais également à leur faire croire, là est le caractère vicieux du marketing du faux sur Internet, qu’ils achètent un produit authentique avec les dangers que l’on imagine pour la santé et la sécurité des personnes lorsque ce sont des aliments, des outils, des équipements, des médicaments imités qu’on cherche à faire passer pour des produits normés et vérifiés... Certaines absurdités, loin de le freiner, ont permis au système de prospérer. Grâce à nombre de moteurs de recherche, les addwords pirates, liens commerciaux frelatés, apparaissent, sur la même page que les adresses authentiques, comme si un même hôtel se revendiquait de la pension de famille et du bouge mal famé. Les keys words spam font bondir, sans retenue, hors de la clandestinité, au milieu de nos écrans, les sites « lookalike » et « replica », bazar des imitations. Cela ne peut perdurer sans conduire à des catastrophes. Une solution en quatre propositions Internet, dans son propre intêret, ne peut rester un espace de droit à éclipses. Pour mettre fin à cette situation, propositions, négociations, (1) En 2008, les saisies effectuées par les douanes d’articles commandés sur Internet et acheminés par fret express ont augmenté de 115 % aboutissant à plus de 600.000 procédures, chiffre qui devrait doubler en 2009. discussions prolifèrent à foison. Il suffirait de quatre décisions, de s’engager dans quatre directions pour mettre fin à cette situation. La première est celle de la responsabilisation. Internet est le seul système où le distributeur n’est pas responsable de ce qu’il met sur le marché. On peut rapporter des tomates avariées au marchand de quatre saisons, sur le marché, à l’épicerie du coin, dans la grande surface ou la supérette. Pas sur le Net ! Pourquoi et au nom de quoi ? Parce que c’est nouveau et qu’il ne faudrait pas embêter le progrès qui passe. Quelle drôle de moralité qui ne serait fondée que sur l’ancienneté. Même après avoir touché une commission, parfois deux, l’une pour la mise en ligne et l’autre lors la transaction, ce qui dans le monde brick & mortar serait considéré, pour le loyer d’une boutique par exemple, comme du recel d’argent de la contrefaçon se fait, dans le monde du virtuel, quotidiennement, sans plus de façon. Notations et promotions des vendeurs, publicité des adresses ou des sites, échanges financiers sont assurés dans une très grande irresponsabilité comme s’il s’agissait, sur second life ou ailleurs, d’un grand jeu de société. Non, les hébergeurs ont beau se proclamer simples et neutres intermédiaires, ils sont de très prosaïques prestataires, des courtiers, parfaitement impliqués dans un processus, dont ils ne sont pas les spectateurs désengagés, mais les acteurs conscients et rémunérés. Les opérateurs doivent donc respecter les lois en vigueur. La seconde, c’est la répartition. Celle qui existe partout entre ce qui est occasionnel et ce qui est commercial, entre ce qui est individuel et ce qui est professionnel entre l’annonce sympathique passée de particulier à particulier et le discounter, le grossiste, le contrefacteur qui, discrètement, vide ses stocks. Trop de vendeurs d’un objet unique l’écoulent des dizaines de fois. Nous avons tous de autour de nous des victimes de ces grivèleries. La frontière entre business et réseau social ne se construira pas en limitant le nombre d’objets vendus par chaque internaute, ni par la détermination d’un seuil de chiffre d’affaires qui, dépassé, démasquerait le vendeur professionnel. On ne définit pas un marché et ses opérateurs, donc les règles à leur appliquer, uniquement par le franchissement de seuils de tolérance. La confiance ne viendra que d’une totale transparence et d’une véritable codification. La troisième, c’est la régulation. Le système de veille, éclaté, difficile à mettre en place, coûteux et a posteriori, comme les titulaires de droit tentent de l’assurer actuellement, ne pourra continuer éternellement. C’est aux sociétés on line de réaliser ce contrôle et très largement de le financer. Alors qu’il le met en ligne, c’est, a priori, que le fournisseur d’accès, le portail, la société on line, devra, à l’avenir, vérifier l’honnêteté du vendeur et s’assurer la régularité de son offre. Il en a les moyens techniques. Il en dispose des éléments cachés (adresse physique, adresse IP, identité, compte bancaire, etc...). S’appuyant sur des data rooms, confidentialisées, permettant la coopération entre « titulaires de droits » et sociétés Internet, un filtrage par critères, centralisé, concret pourrait demain être instauré, la fin de l’anonymat des vendeurs professionnels obtenue, le délistage rapide et automatique des offres suspectes facilité, l’opacité des « pseudos » déjouée. Il est invraisemblable que l’on puisse vendre un véhicule ou un appareil électroménager en masquant sa marque ou son nom... La quatrième repose, comme toute règle de droit, sur la sanction. Elle seule peut garantir l’application des trois conditions précitées. Il faut donc bien parler, sans fausse honte ou pudeur déplacée, de répression. Les pistes sont nombreuses : interdiction, provisoire ou définitive, de vente pour l’internaute indélicat, mise à la charge de la plate-forme du coût liée à la saisie des contrefaçons, publication des condamnations en page d’accueil, insertion sur chaque site d’un cahier de doléances ouvert aux cyberconsommateurs. On le constatera, cet arsenal relève peu de la torture ou de la violence... Mais le mal original vient de la loi. En oubliant de créer une circonstance aggravante de cybercontrafaçon, au contraire de ce qu’il avait fait contre le négationnisme ou la pédophilie, en n’ajoutant pas le cyberdélit à la récidive et à l’action en bande organisée pour porter les condamnations de 300.000 à 500.000 5 d’amende, de trois à cinq ans d’emprisonnement, appliqués désormais à ceux qui mettent en danger la santé et la sécurité des personnes par la production ou la distribution de faux, le législateur, en 2007, a oublié une partie de son ouvrage en chemin. Il lui appartient de le reprendre. Rapidement. Ces actions ne sont ni complexes, ni excessives. Elles ne nécessitent nulle expertise. Elles exigent simplement de tous les acteurs concernés le sens des valeurs et des responsabilités. Elles demandent de préférer la clarté à l’obscurité, la protection sans exception des consommateurs à la promotion sans discernement des cyberentrepreneurs, les stratégies coopératives au rapport de force qui, s’il est maintenu par les intégristes numériques finira, hélas, à la barre des tribunaux. Quand, parce que l’Internet aura décrédibilisé le marché, il n’y aura plus rien à vendre ni à acheter, que la loi de l’offre et de la demande aura été remplacée par celle du clic et du troc, il n’y aura plus d’économie classique, c’est vrai, mais il n’y aura plus non plus d’économie numérique. Pour définir une stratégie d’avenir et envisager le commerce de demain, sans copie, ni faux, ni imitations ou contrefaçons, il faut « ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe », lever le nez de son clavier, s’apercevoir qu’un système a disjoncté et prendre la peine, lorsqu’il en est encore temps de le réformer. Ainsi agiraient les véritables partisans de l’Internet. Marc-Antoine Jamet Président de l’Union des fabricants DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 45 14 ème Forum européen de la propriété intellectuelle (Paris, 7 et 8 avril 2009) RENDEZ-VOUS H3653 P R O P R I É T É I N D U S T R I E L L E H3653 46 L’Union des fabricants (Unifab) organise les 7 et 8 avril prochains de 8 h 30 à 19 h 30 à Paris, au Jardin d’acclimatation (bois de Boulogne, 75116 Paris), son 14ème forum européen sur le thème : « Crise économique, initiatives européennes, controverse « distribution sélective vs internet » : 2009 va-t-il changer le paysage de la lutte anti-contrefaçon ? ». PROGRAMME : • Mardi 7 avril 2009 8 h 30 : Accueil 9 h 00 : Allocution de bienvenue, par Marc-Antoine Jamet, président de l’Unifab 9 h 15-10 h 00 : Discours d’ouverture : La politique du gouvernement pour 2009, par Luc Chatel, secrétaire d’État, chargé de l’Industrie et de la Consommation, porte parole du gouvernement La propriété intellectuelle sera-t-elle une priorité de la Commission européenne en 2009 ?, par László Kovács, commissaire européen chargé de la Fiscalité et de l’Union douanière, et Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien commissaire européen Président de séance : Bernard Brochand, député-maire de Cannes, président du Comité national anticontrefaçon (CNAC) 10 h 00-11 h 15 : Le plan européen anti-contrefaçon, une action efficace et durable ?, par Gunnar Lund, ambassadeur de Suède en France, Pavel Fischer, ambassadeur de la République Tchèque en France, Kunio Mikuriya, secrétaire général de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), Anne-Laure de Coincy, secrétaire générale adjointe aux Affaires européennes auprès du Premier ministre, Philippe Setton, directeur des Affaires communautaires internes du Quai d’Orsay, et Jérome Fournel, directeur général des douanes et droits indirects 11 h 15-11 h 45 : Pause 11 h 45-13 h 00 : Observatoire européen de la Contrefaçon : un outil performant contre le faux ?, par Jacques Toubon, député européen, GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 Jean-Paul Gauzès, député européen, Arlen McCarthy, députée européenne, présidente de la Commission parlementaire du Marché intérieur et de la protection des consommateurs, Alvydas Stancikas, chef de l’Unité mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle de la DG Marché intérieur de la Commission européenne, Silvio Paschi, secrétaire général de l’Indicam (Italie), Doris Moeller, directrice générale de l’APM (Allemagne), et Antonio Campinos, président de l’Institut national de la propriété industrielle (Portugal) 13 h 00-14 h 30 : Déjeuner Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique Président de séance : Benoît Battistelli, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), président du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (OEB) 14 h 30-15 h 30 : Sensibilisation des consommateurs : une campagne européenne est-elle possible ?, par Benoît Parent, directeur général de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Richard Heath, président de l’International trademark association (INTA), vice-président juridique de Unilever Plc, Thadeus Burns, directeur juridique à General Electric France, Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, Loïc Armand, président de l’Union des annonceurs (UDA), et Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG worldwide 15 h 30-16 h 00 : Questions – Débats 16 h 00-16 h 45 : La loi française de 2007 sur la propriété intellectuelle peut-elle être le moteur de l’harmonisation du droit européen ?, par Philippe Gosselin, député, rapporteur du projet de loi de lutte contre la contrefaçon de 2007, Alain CarrePierrat, avocat général à la Cour de cassation, et Hervé Lécuyer, professeur à l’Université Paris II PanthéonAssas 16 h 45-17 h 00 : Questions – Débats 17 h 00-17 h 45 : La loi « Création et Internet » : peut-elle sauver le droit d’auteur sur la toile ?, par Franck Riester, député, rapporteur du projet de loi sur la diffusion et protection de la création sur Internet, Frédéric Lefebvre, député, et Didier Mathus, député, secrétaire du groupe d’études Internet, audiovisuel et société de l’information 17 h 45-18 h 00 : Questions – Débats 18 h 00-18 h 15 : Douanes : quelles performances pour 2009 ?, par Éric Wœrth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique 18 h 15 : Cocktail • Mercredi 8 avril 2009 9 h 15-9 h 30 : Message d’ouverture, par Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, commissaire européen responsable pour la justice, la liberté et la sécurité 9 h 30-9 h 45 : Président de séance : Philippe Lacoste, vice-président de l’Unifab 9 h 45-11 h 00 : Récession, essor : l’économie grise suit-elle le même rythme que l’économie transparente ?, par Philippe Chalmin, économiste, professeur associé à l’Université Paris-Dauphine, Bernard Maris, économiste, écrivain, journaliste, professeur à l’Université Paris VIII, Liêm Hoang-Ngoc, économiste, maître de conférence à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) 11 h 00-11 h 30 : Pause 11 h 30-12 h 45 : Distribution sélective et commerce électronique : une cohabitation utopique ?, par Claude Rakovsky, chef de l’unité politique de l’antitrust et des concentrations et contrôle interne des décisions à la DG Concurence de la Commission européenne, Eliana Garces Tolon, membre du cabinet de Meglena Kuneva, commissaire européen chargé de la Protection des consommateurs, Isabelle Falque-Perrotin, présidente du Forum des droits sur Internet, Daniel Fava, président de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (AFA), directeur business et qualité de Telecom Italia, et Antoine Winckler, avocat au cabinet Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP 12 h 45-13 h 00 : Questions – Débats 13 h 00-14 h 30 : Déjeuner cocktail 14 h 30-16 h 00 : La propriété intellectuelle est-elle un droit en Amérique du Nord ? Président de séance : Marc Mossé, directeur des Affaires juridiques et publiques de Microsoft, administrateur de l’Unifab Interventions de Ronald S.W. Lew, juge au Tribunal fédéral de première instance, District central de Californie, Stuart Dwyer, conseiller économique à l’Ambassade des États-Unis d’Amérique en France, David Appia, président de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), ancien chef de la mission économique de Washington, Richard Rademan, directeur de la Protec- tion de la marque Nike Europe (1), Matthew J. Bassiur, procureur en charge de la Section criminalité informatique et propriété intellectuelle au ministère de la Justice des États-Unis, Graham Henderson, président de l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement, vice-président de la Chambre de commerce du Canada 16 h 00-16 h 15 : Questions – Débats 16 h 15-17 h 00 : Art et propriété intellectuelle : où s’arrête le droit des artistes ?, par Jean-FrançoisHébert, directeur de cabinet de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, Martin Bethenod, commissaire général de la Foire internationale des arts contem- porains (FIAC), Nathalie MoulléBerteaux, directrice de la propriété intellectuelle de Louis Vuitton Malletier, et Ora-Ïto, designer 17 h 00 : Conclusion, par Christine Laï, directrice générale de l’Unifab 17 h 15 : Cocktail de clôture Renseignements : Contact : Delphine Sarfati-Sobreira Union des fabricants 16, rue de la Faisanderie 75116 Paris Site : www.unifab.com E-mail : [email protected] Tél. : 33 (0)1 56 26 14 14 Fax : 33 (0)1 56 26 14 01 (1) Sous réserve. DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 47 PETITES ANNONCES P E TI TES A N N O N CES Tél. 01 44 32 01 50 / Fax 01 40 46 03 47 Offres d’emploi Collaboration Cabinet d’Avocats SENS (Yonne) RECHERCHE D’URGENCE COLLABORATEUR(TRICE) 3e année souhaitée Avec possibilité d’association ultérieure. Envoyer CV par e-mail à [email protected] Cabinet d’avocats d’affaires PARIS 17e recherche secrétaire technique (droit des sociétés et suivi du judiciaire). Poste à pourvoir immédiatement. Envoyer au journal : Annonces et Formalités Légales 1, rue Eugène et Armand Peugeot Case postale 610 92856 RUEIL-MALMAISON CEDEX qui transmettra. F002330 F002329 Secrétariat Demandes d’emploi Divers J.F., Secrétaire de direction cherche CDI. Disponible immédiatement Tél. 01.34.12.05.65 / 06.81.16.37.80 G000221 Hôtesse standardiste dactylo, 15 ans expérience, recherche poste. Tél. 06.81.48.62.83 G002958 Immobilier Vente Sur le boulevard Sébastopol, au 3e étage avec ascenseur, dans bel immeuble pierre de taille, appartement de 121 m_ (loi Carrez), 3 pièces en parfait état avec parquet en point de Hongrie, moulures et cheminées. Balcon exposé plein ouest, cuisine dînatoire équipée. Grande cave et nombreux rangements. Chauffage individuel gaz, digicodes + interphone. Prestation de qualité. Prix : 950.000 euros. Tél. 06.24..24.37.28 Sec. exp. rech. emploi 25 h/sem. Tél. 06.74.76.14.11 FRANÇAISES PAR ACTIONS DIRECTEUR HONORAIRE JEAN-GASTON MOORE G002957 NO NO NORMAL 1,55 Q 6Q 6Q 9Q NO SPÉCIAL NON ABONNÉS O N NORMAL NO SPÉCIAL + FRAIS DE PORT ABONNEMENT/FRANCE ET U.E./UN AN DIRECTEUR DE LA RÉDACTION E u RIC BONNET JOURNAL RÉDACTION 33, RUE DU MAIL, 75081 PARIS CEDEX 02 Tél. : 01 56 54 16 00 Fax : 01 56 54 57 50 E-mail : [email protected] 48 TARIFS 2009 PRIX TTC AU ABONNÉS DIRECTEUR DE LA PUBLICATION FRANÇOIS PERREAU DIRECTION 12, PLACE DAUPHINE, 75001 PARIS TÉL. : 01 44 32 01 50 FAX : 01 46 33 21 17 E-mail : [email protected] Domiciliations LA DOMICILIATION DE QUALITE à 12e, 16e, 17e et le meilleur px.... A ACAIRE 01.44.67.87.00 Secr. exp. sérieuse et motivée ch. CDD ou CDI. 06.89.79.35.51 GAZETTE DU PALAIS LE JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS SEUL (PRIX RECUEILS + TABLE (PRIX TTC) : TTC) : ET GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 DES MANUSCRITS COMMUNIQUÉS. E u DITEUR GROUPEMENT D’INTE u RÊT E u CONOMIQUE 425 Q FRANÇAISES PAR ACTIONS 530 Q AN 329 Q C.C.P. PARIS 213-93 J RESPONSABLE LE JOURNAL SPE u CIAL DES SOCIE u TE uS CD PAR AN) SEUL ET REPRODUCTION DES NOTES ET ARTICLES RIGOUREUSEMENT INTERDITE. LA RÉDACTION DU JOURNAL N’EST PAS LA GAZETTE DU PALAIS ABONNEMENT/E u TRANGER/UN JOURNAL, RECUEILS K000001 315 Q TABLE : JOURNAL ET CD-ROM (2 PRIX TTC JOURNAL 285 Q SEULS JOURNAL, RECUEILS PRIX TTC TABLE K000003 L001520 G002953 F000109 Domiciliations d entreprises 520 Q ADMINISTRATEUR : FRANÇOIS PERREAU CONTRÔLEUR DE GESTION : JEAN-CLAUDE LESEUR SIÈGE SOCIAL : 3, BLD DU PALAIS 75180 PARIS CEDEX 04 R.C.S. PARIS 383 314 671 COMPOSÉ DE : LA GAZETTE DU PALAIS − SOCIE u TE u DU HARLAY S.A. AU CAPITAL DE 75.000 Q P.-D.G. : GILLES DE LA ROCHEFOUCAULD 3, BLD DU PALAIS 75180 PARIS CEDEX 04 SOCIE u TE u DE PUBLICATIONS ET DE PUBLICITE u POUR LES SOCIE u TE uS S.A. 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