TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu
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TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu
TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS ■ 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 JUGEMENT rendu le 20 Mars 2014 N° MINUTE : L1 DEMANDERESSE HACHETTE FILIPACCHI PRESSE, SA - HFP 149 rue Anatole France 92534 LEVALLOIS PERRET CEDEX représentée par Maître Casey JOLY de la SELARL ipSO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0052 DÉFENDERESSES Société CUPID Plc 23 Manor Place Edimburgh EH3 7DX ECOSSE - ROYAUME UNI Société FRINDR Ltd 8 Duncannon Street Golden Cross House LONDON WC2N 4JF UNITED KINGDOM ANGLETERRE représentées par Maître Yves ARDAILLOU de la SCP BERSAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0485 CAERUS AG Lauriedstrasse 1 Ch-6300 ZUG - SUISSE représentée par Maître Grégoire GOUSSU de la SELARL LAVOIX AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515 Expéditions exécutoires délivrées le : 2_ C 31,,E / /) Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente Thérèse ANDRIEU, Vice Présidente Camille LIGNIERES, Vice Présidente assistées de Léoncia BELLON, Greffier DEBATS A l'audience du 13 Janvier 2014 tenue en audience publique en premier ressort JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société HACHETTE FILIPACCHI PRESSE (dite HFP) est une société anonyme immatriculée au RCS de Nanterre en 1958, dont l'extrait Kbis indique des activités de presse, impression, édition et diffusion de journaux, revues, livres, cartes, brochures et de façon générale dans le domaine de la communication, de l'audiovisuel et de la publicité, quelqu'en soit le support La société HFP est propriétaire de la marque verbale communautaire BE, n° 7317456, déposée le 17 octobre 2008 avec priorité française, en désignation des services suivants : « services de communication interactive, fourniture de forums de discussion sur l 'internet ; exploitation de forums de discussion en ligne et de chat-rooms, services d'échanges de correspondances par ordinateurs, ou par appareils de téléphonie, de télécommunications et sur le réseau internet ; services de transmission de textes, de sons, d'images et de vidéos par téléchargement à partir d'une base de données informatique ou téléphonique à destination des téléphones portables, services destinés à la récréation du public (divertissement)». La société HFP anime un site internet communautaire à l'adresse "be.com", dont la vocation serait de recueillir des échanges interactifs, sous forme de forums et de blogs, en relation avec la marque BE. La société Cupid (anciennement « Easy-date Ltd ») est une société de droit écossais créée en 2005, spécialisée dans les services de rencontre en ligne. A ce titre, Cupid exploite directement ou par l'intermédiaire de ses filiales plusieurs sites de rencontre en ligne. Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 Dans le cadre de son activité, Cupid a enregistré plusieurs marques désignant la France dont les marques communautaires suivantes : - la marque semi-figurative "BE COQUIN" n° 10175073, déposée le 4 août 2011 et désignant les produits et services des classes 9, 38 et 45. L'enregistrement de cette marque fait actuellement l'objet d'une procédure d'opposition initiée par HFP. - la marque semi-figurative "BE NAUGHTY" n° 8560971 déposée le 18 septembre 2009 et désignant les produits et services des classes 38, 42 et 45. La société Frindr est une filiale de Cupid. Elle exploite le site de rencontre disponible à l'adresse www.benaughty.com. Selon la société HFP, la société de droit suisse CAERUS exploite le site de rencontre disponible à l'adresse www.benaughty.fr. Estimant que sa marque communautaire BE n° 7317456 fait l'objet de contrefaçon, la société HFP a fait établir par huissier de justice un procès-verbal de constat en date du ler mars 2012 sur les sites internet " becoquin.fr", "becoquin.com", "benaughty.fr" et "benaughty.com". Après leur avoir adressé une mise en demeure du 21-10-2011 demeurée vaine, la société HFP a fait assigner la société Cupid, la société Frindr et la société Caerus par acte du 16-03-2012 devant ce tribunal en contrefaçon de sa marque communautaire BE. Dans ses dernières e-conclusions en date du 10 décembre 2012, la société HFP demande au tribunal de : - Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ; -Débouter FRINDR, CUPID et CAERUS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions auxquels il ne saurait être fait droit ; - Dire et juger que les faits constituent une atteinte aux droits exclusifs de HFP sur la marque BE n° 7 317 456, ce en application de l'Article 9 1° b) du Règlement Communautaire n°40/94 ; En conséquence de quoi : - Interdire à CUPID, FRINDR et CAERUS d'exploiter, de promouvoir, de prester les services de « services de communication interactive, fourniture de forums de discussion sur l 'internet ; exploitation de forums de discussion en ligne et de chat-rooms, services d'échanges de correspondances par ordinateurs, ou par appareils de téléphonie, de télécommunications et sur le réseau internet ; services de transmission de textes, de sons, d'images et de vidéos par téléchargement à partir d'une base de données informatique ou téléphonique à destination des téléphones portables ; services destinés à la récréation du public (divertissement) » sous le vocable BE, dès lors que ce vocable constitue l'élément prévalent dans le signe constitué, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement, et de 700 euros par infraction constatée ; -Ordonner à titre de réparation la publication, par extraits, du jugement à intervenir, dans un ou deux périodiques, au choix de HFP, ce dans la limite de 10 000 euros au total, Hors TVA, et ordonner le remboursement in solidum par CUPID et FRINDR et non solidairement pour CAERUS, de l'insertion autorisée sur simple présentation de factures, le montant au principal étant augmenté des intérêts courant au Page 3 Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 taux légal + cinq (5) points passé le délai de huit (8) jours à compter de cette présentation ; -Ordonner l'exécution provisoire du Jugement à intervenir, nonobstant Appel et sans constitution préalable d'une quelconque garantie, personnelle ou réelle, par CUPID, FRINDR et CAERUS, en application des Articles 514 et 515 du Code de Procédure Civile; - Condamner in solidum CUPID et FRINDR et non solidairement CAERUS, aux dépens, dont distraction au bénéfice de Maître Casey JOLY, Avocat aux offres de droit, dans les conditions de l'Article 699 du Code de Procédure Civile. - Condamner in solidum CUPID et FRINDR et non solidairement CAERUS, à verser à HACHETTE FILIPACCHI PRESSE la somme de 5 000 euros en application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile. En défense, la société CAERUS a sollicité sa mise hors de cause 23 octobre 2012 Dans leurs conclusions n°2 notifiées par RPVA en date du 1" février 2013, les sociétés CUPID et FRINDR demandent au tribunal de : Vu les dispositions de l'article 9 du règlement communautaire n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Dire et juger que les sociétés Cupid et Frindr n'ont commis aucun acte de contrefaçon de la marque communautaire n° 7317456 « BE », - Dire et juger que la société Hachette Filipacchi Presse n'a subi aucun préjudice. En conséquence, - Rejeter l'intégralité des demandes, fins, moyens et prétentions de la société Hachette Filipacchi Presse. En tout état de cause, - Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à payer aux sociétés Cupid et Frindr la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Hachette Filipacchi Presse aux entiers dépens de l'instance. La clôture a été prononcée en date du 21 mai 2013. MOTIFS Sur la mise hors de cause de la société CAERUS La société demanderesse a attrait en la cause la société CAERUS en sa qualité d'exploitant du site internet "benaughty.fr". Cependant, au vu du WHOIS, la société CAERUS n'est pas titulaire du nom de domaine "benaughty.fr", seul le nom de la société FRINDR y est indiqué.(procès-verbal de constat sur internet du 1 er mars 2012 : pièce 3 en demande, page 39). La société CAERUS n'est qu'hébergeur du site et non éditrice, elle ne peut donc être tenue responsable de son contenu. Page 4 Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 Il convient, par conséquent, de la mettre hors de cause. Sur la contrefaçon de la marque verbale communautaire BE n° 7317456 par les marques semi-figuratives "BE COQUIN" n° 10175073 et "BE NAUGHTY" n° 8560971 ainsi que par les noms de domaine " becoquin.fr", "becoquin.com", "benaughty.fr" et "benaughty.com" L'article 9 du Règlement CE 207/2009 dispose que la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque, c) d'un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice". La titularité de la marque BE n'est pas contestée, et l'usage dans la vie des affaires des marques alléguées de contrefaçon n'est pas non plus contesté. Ce qui est contesté en défense est le risque de confusion dans l'esprit du public, en l'absence de similitude des signes en conflit, et à défaut de similitude des services couverts par les marques litigieuses. Concernant la similitude des signes, la société HFP soutient que dans les signes BE COQUIN et BE NAUGHTY, c'est l'élément BE qui prévaut car il apparaît en couleurs sous fond rouge alors que les termes COQUIN et NAUGHTY sont présentés dans des caractères plus petits, en décalage sur une ligne inférieure et que les signes COQUIN et NAUGHTY sont descriptifs sinon faibles au regard de l'activité visée soit un site de rencontre et ne peuvent donc jouer un Concernant la similitude des services, la société HFP fait valoir que les sites de rencontre sur internet exploités par FRINDR et CUPID sont des sites de divertissement au vu de leur slogan "Amuse-toi en flirtant en ligne ou sur ton mobile !", à l'instar des services exploités sous la marque BE, qu'ainsi l'internaute pourrait croire à une affiliation avec l'univers BE, comme une déclinaison autour de forums de discussion visant une clientèle de 15 à 30 ans. Sur ce Il incombe au demandeur à l'action de prouver le risque de confusion généré entre le signe litigieux et la marque telle qu'enregistrée, et non telle qu'elle est exploitée sur le marché. Ce risque de confusion est apprécié au regard des ressemblances visuelles, phonétiques et Page 5 Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 intellectuelles de nature à conférer une même impression d'ensemble amenant ainsi le consommateur moyen à ne plus identifier ou à difficilement identifier l'origine des produits et/ou services lesquels doivent être similaires. En l'espèce, s'agissant de signes exploités pour désigner des sites internet, ce sont les ressemblances visuelles et intellectuelles qui sont les plus importantes à prendre en compte dans l'examen comparatif des marques en conflit. Concernant la ressemblance intellectuelle, il convient tout d'abord de relever que la marque verbale opposée est faiblement distinctive, le terme anglais BE signifiant "être" étant très usité partout dans le monde, y compris en France. En outre, les mots combinés "be coquin" ou "be naughty" constituent un tout indivisible, ayant une signification indépendante de celle de chacun de ses élements. Sur la similarité visuelle, la marque BE est verbale alors que les marques dites contrefaisantes sont semi-figuratives en couleurs et exploitées sous cette forme.(procès-verbal de constat sur internet du 1 er mars 2012: pièce 3 en demande) Les éléments verbaux "be coquin" et "be naughty" sont faiblement distinctifs au regard des services de sites de rencontre pour lesquels ils sont exploités à titre de marque et dont le but affiché est de "flirter en ligne", c'est à dire rencontrer via internet un éventuel partenaire sexuel. Ce qui est distinctif est l'élément figuratif commun aux deux marques BE COQUIN et BE NAUGHTY, c'est à dire le dessin en couleurs rouge, jaune et noir d'un diable stylisé en forme de coeur reconnaissable à ses cornes et sa queue.C'est bien ce dessin caractéristique que le public va repérer. L'examen des signes en conflit ne permet donc pas de dégager une même.impression d'ensemble. De surcroît, sur la similitude des services visés, la société HFP oppose sa marque BE pour les services suivants en classe 38 : « services de communication interactive, fourniture de forums de discussion sur l 'internet ; exploitation de forums de discussion en ligne et de chat-rooms, services d'échanges de correspondances par ordinateurs, ou par appareils de téléphonie, de télécommunications et sur le réseau internet ; services de transmission de textes, de sons, d'images et de vidéos par téléchargement à partir d'une base de données informatique ou téléphonique à destination des téléphones portables, services destinés à la récréation du public (divertissement)» Les marques "BE COQUIN" et "BE NAUHTY" sont en effet enregistrées pour ces services en classe 38. Cependant, ce qui est reproché par la société HFP est l'exploitation de ces signes, or ces signes sont exploités, que ce soit à titre de marque ou par l'exploitation des noms de domaines "becoquin.fr", "becoquin.com", "benaughty.fr" et "benaughty.com", exclusivement pour des sites de rencontre destinés à un public masculin ou féminin en quête d'un partenaire sexuel, alors que le signe BE est exploité sur internet par la société HFP sur le site "Be.com", présenté comme "la /1 Décision du 20 Mars 2014 3ème chambre lère section N° RG : 12/04768 première communauté 100% mode", lequel est destiné à un public féminin auquel des rubriques "mode", "beauté", "lifestyle" et "culture" sont proposées. Pour toutes ces raisons, il n'y a aucun risque de confusion dans l'esprit du public, et les faits de contrefaçon ne sont donc pas établis. La société HFP sera déboutée de sa demande en contrefaçon de la marque verbale communautaire BE n° 7317456 par la marque semifigurative "BE COQUIN" n° 10175073 et la marque semi-figurative "BE NAUGHTY" n° 8560971 ainsi que par les noms de domaine " becoquin.fr", "becoquin.com", "benaughty.fr" et "benaughty.com. Sur les autres demandes : La société HFP, partie qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens. L'équité commande que la société HFP soit condamnée à payer à chacun des trois défendeurs la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire de la présente décision est nécessaire. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré : Met la société CAERUS hors de cause, Déboute la société HACHETTE FILIPACCHI PRESSE de sa demande en contrefaçon de la marque verbale communautaire BE e 7317456 par la marque semi-figurative "BE COQUIN" n° 10175073 et la marque semi-figurative "BE NAUGHTY" n° 8560971 ainsi que par les noms de domaine " becoquin.fr", "becoquin.com", "benaughty.fr" et "benaughty.com, Condamne la société HACHETTE FILIPACCHI PRESSE à verser aux sociétés FRINDR, CUPID et CAERUS la somme de 3000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire, Condamne la société HACHETTE FILIPACCHI PRESSE aux entiers dépens. Fait et jugé à Paris le 20 Mars 2014 Le Greffie Le P Page 7