Le micro-crédit - Sciences Économiques et Sociales Académie de

Transcription

Le micro-crédit - Sciences Économiques et Sociales Académie de
Un mode de financement alternatif au système bancaire
LA MICRO FINANCE
FICHE DE PRESENTATION
Classe(s) concernée(s)
Durée
Savoir-faire mobilisés
Evaluation
Contenu du dossier
documentaire
Le TD proposé est destiné à une classe de première .
Il peut être modifié pour être utilisé en terminale par exemple lors de la
présentation de la notion développement dans l’introduction générale .
Deux séances de TD ; deux semaines consécutives afin que les élèves
puissent faire des préparations entre deux.
-
travailler sur des textes parfois longs
mettre en relation plusieurs types de documents
organiser un travail en groupe (de trois élèves)
rédiger un résumé
préparer, en groupe, une intervention orale
rédiger une synthèse
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évaluation sommative du résumé construit par le groupe
évaluation formative de l’oral
évaluation sommative individuelle de la synthèse
-
une présentation de la micro finance à partir d’informations collectées
sur le site : http://www.lamicrofinance.org (on pourra reprendre la
présentation qui est faite en 12 points, ce qui oblige les élèves à
sélectionner les informations et justifie la première étape du TD)
-
des extraits d’articles de journaux ; le même site en propose . On
sélectionnera un nombre d’articles correspondant au nombre de groupes
d’élèves .
-
un compte rendu d’une observation de terrain faite par des
professeurs de SES en stage à Dakar (Sénégal) en novembre 2006.
Autre possibilité :
A partir du même dossier documentaire, limiter l’étude au micro crédit
Auteur
TD conçu par Marie-Claire Delacroix, lycée Jeanne d’Arc à Rouen à partir
de la visite d’une caisse à Grand Yoff, enrichie par les échanges et les
apports de collègues en poste en Afrique de l’Ouest.
1ère ES
Un mode de financement alternatif au système bancaire :
LA MICRO FINANCE
Il vous est proposé dans les pages qui suivent un dossier documentaire dense mais cependant loin d’être complet.
Ce dossier comporte trois types de documents :
-
une présentation de la micro finance à partir d’informations collectées sur le site : http://www.lamicrofinance.org
des extraits d’articles de journaux
un compte rendu d’une observation de terrain faite par des professeurs de Sciences économiques et sociales en
stage à Dakar (Sénégal) en novembre 2006
Ce TD doit vous permettre de découvrir et comprendre :
-
ce qu’est la micro finance et plus précisément le micro-crédit dans les pays dits en développement
comment fonctionne ce mode de collecte de l’épargne et d’octroi de crédit
les avantages que peuvent en retirer ceux qui épargnent et obtiennent des crédits
les conditions à remplir pour que ce système fonctionne
les limites notamment en matière de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement.
Organisation du travail :
-
Pour la 1ère séance : vous lirez attentivement la première partie du dossier documentaire en soulignant au fur et
à mesure (de deux couleurs différentes) :
• les termes économiques que vous ne connaissez pas dont vous rechercherez une définition
• les idées importantes
Au brouillon vous rédigerez un résumé (d’une vingtaine de lignes) présentant les origines de la micro-finance,
les acteurs concernés, les objectifs. Il ne s’agit donc pas d’un résumé de l’ensemble du document, il faut faire du
tri !
Déroulement de la 1ère séance :
• travail par groupes de trois élèves (groupes constitués par le professeur). Après un échange s’appuyant sur le
travail préparé au brouillon, chaque groupe produira un texte définitif qui sera évalué. Durée : maximum 30
minutes
• la deuxième partie de la séance sera consacrée à l’étude, par chaque groupe, d’un article de presse de la
deuxième partie du dossier.
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_
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Pour la 2ème séance : vous lirez l’ensemble des documents de la deuxième et troisième partie du dossier ;
lorsque cela est possible, vous mettrez en relation l’article de presse que vous avez étudié avec l’exemple de la
Caisse de Grand Yoff à Dakar (travail à faire au brouillon) .
-
Déroulement de la 2ème séance : Chaque groupe ,ayant travaillé sur un article de presse différent, en fera un
compte rendu oral à la classe (cela suppose que chacun s’y soit préparé !)
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Travail individuel à rendre sur feuille quinze jours après la 2ème séance :
Vous traiterez le sujet ci-dessous en suivant le plan qui vous est proposé. Vous rédigerez une brève introduction
et une brève conclusion. Le tout ne dépassera pas trois pages .
Après avoir présenté le fonctionnement du micro crédit, vous en exposerez les avantages et les limites.
Dossier documentaire
1ère partie
Ces documents sont extraits du site : http://www.lamicrofinance.org
1.
Qu'est-ce que la microfinance ?
Pour beaucoup de personnes et pour le grand public en particulier, la microfinance se confond avec le microcrédit. Elle
désigne les dispositifs permettant d’offrir de très petits crédits (« microcrédit ») à des familles très pauvres pour les aider
à conduire des activités productives ou génératrices de revenus leur permettant ainsi de développer leurs très petites
entreprises.
Avec le temps et le développement de ce secteur particulier de la finance partout dans le monde, y compris dans les pays
développés, la microfinance s’est élargie pour inclure désormais une gamme de services plus large (crédit, épargne,
assurance, transfert d’argent etc.) et une clientèle plus étendue également. Dans ce sens, la microfinance ne se limite plus
aujourd’hui à l’octroi de microcrédit aux pauvres mais bien à la fourniture d’un ensemble de produits financiers à tous
ceux qui sont exclus du système financier classique ou formel.
2.
Quelles sont les différentes formes d'institutions de microfinance ?
Au cours des vingt dernières années, on a vu se développer de nombreuses organisations actives en micro finance. Il
existe, de nombreux cas plus ou moins différents de par le monde et trois courants essentiels coexistent dans cette
démarche :
• Le premier, d’inspiration plus coopératif, a cherché à mettre en place ou à renforcer des organisations populaires
où les micro entrepreneurs étaient à la fois épargnants et emprunteurs du système. Sa spécificité est de vouloir
construire des institutions à partir de leurs bénéficiaires, c’est en cela qu’on y retrouve un côté coopératif plus
affirmé.
• Le second, illustré notamment par la BRI en Indonésie, a consisté à transformer une banque existante (ou dans le
cas de la BRI une partie de cette banque) de manière à la spécialiser en direction des micro entrepreneurs.
• Le troisième a mis sur pied des ONGs ayant pour vocation de réaliser elles-mêmes l’intermédiation financière.
On a ainsi vu la création d’ONG de microfinancement qui, après s’être procuré des fonds, soit au travers de
donations soit au travers d’emprunts, octroyaient elles-mêmes des crédits aux micro-entrepreneurs. Dans ce
dernier cas, l’accent a surtout été mis sur l’octroi de crédit, la collecte de l’épargne étant généralement interdite
aux ONGs.
Parallèlement, on doit souligner que depuis une dizaine d’années à peine, il existe aussi des cas de banques
privées à vocation commerciale qui pour des raisons de stratégie propre, se sont orientées vers la microfinance.
3.
Qu'y a-t-il de "fondamentalement nouveau avec le microcrédit" ?
Pour Maria Nowak, fondatrice de l'Association pour le droit à l'initiative économique (France), "la différence principale,
par rapport au crédit classique, est qu'il est orienté sur une cible nouvelle : les pauvres et les exclus. Il reconnaît leurs
talents, leurs besoins et leur capacité à rembourser les prêts. Au lieu de les éliminer, par avance, de la clientèle du crédit
parce que les méthodes, les critères et les garanties ne sont pas adaptés à leur situation, il invente des méthodes et des
garanties qui leur conviennent. Au lieu de leur imposer l'objet de leur prêt, ( ) il est à l'écoute de leurs besoins. Il permet
ainsi de découvrir que les gens exclus du crédit bancaire sont, comme les autres, dotés de l'esprit d'entreprise, de la
capacité de jugement et qu'au surplus, ils remboursent plutôt mieux que les riches." Microcrédit comme microfinance
s'adressent à cette cible nouvelle. Mais l'un et l'autre ne proposent pas les mêmes services.
4.
Quand la microfinance a-t-elle démarré ?
Le microcrédit a pris véritablement son essor dans les années 1980, bien que les premières expérimentations remontent au
début des années 1970 au Bangladesh en particulier et dans quelques autres pays. Par rapport à la situation antérieure qui
se caractérisait grosso modo par l’octroi de crédits subventionnés effectués le plus souvent par des non spécialistes, la
différence tient à l’importance accordée au remboursement, à la fixation d’un taux d’intérêt couvrant le coût de la
prestation du crédit, et au ciblage de groupes de clients n’ayant le plus souvent pour seule autre source de crédit que le
secteur informel. L’accent est donc mis aujourd’hui sur la création d’institutions locales pérennes destinées à servir les
pauvres. En Afrique, les pratiques de la microfinance sont encore plus anciennes, surtout celles qui relèvent de la collecte
de la petite épargne. Dans des pays comme le Burkina Faso ou le Cameroun par exemple, les premières coopératives
d’épargne et de crédit ont vu le jour au cours des années 60.
5.
Qui sont les clients de la microfinance ?
Le client type des services de microfinance est une personne dont les revenus sont faibles et qui n’a pas accès aux
institutions financières formelles faute de pouvoir remplir les conditions exigées par ces institutions (documents
d’identification, garanties, dépôt minimum etc.). Il mène généralement une petite activité génératrice de revenus dans le
cadre d’une petite entreprise familiale.
• Dans les zones rurales, ce sont souvent de petits paysans ou des personnes possédant une petite activité de
transformation alimentaire ou un petit commerce.
• Dans les zones urbaines, la clientèle est plus diversifiée : petits commerçants, prestataires de services, artisans,
vendeurs de rue, etc.
On les dénomme généralement sous le terme de micro-entrepreneur et la plupart de ces micro-entrepreneurs travaillent
dans le secteur informel ou non structuré. C’est donc aux individus qui composent ce segment de marché exclu ou mal
servi par les institutions financières classiques (banques, assurances) que s’adresse la microfinance.
6.
En quoi la microfinance aide-t-elle les pauvres ?
L’expérience montre que la microfinance peut aider les pauvres à :
• augmenter leur revenu,
• créer des entreprises viables,
• sortir ainsi de la pauvreté.
Elle peut également constituer un puissant instrument d’émancipation en permettant aux pauvres, et en particulier aux
femmes, de devenir des agents économiques du changement. En effet, en donnant accès à des services financiers, la
microfinance joue un rôle important dans la lutte contre les nombreuses dimensions de la pauvreté. Par exemple, les
revenus générés par une activité non seulement permettent à cette activité à se développer mais ils contribuent également
au revenu du ménage, et par là même à la sécurité alimentaire, à l'éducation des enfants, à la prise en charge des soins de
santé etc.
Selon Michel Lelart (CNRS-Université d'Orléans), membre du Réseau Entrepreneuriat de l'Agence universitaire de la
francophonie (AUF) : "La microfinance repose sur le lien social et s'en sert"....."La microfinance est une finance de
proximité, proximité géographique bien sûr, car les personnes se connaissent et se cautionnent parfois mutuellement, mais
surtout culturelle. Elle est toujours adaptée aux besoins, c'est pourquoi elle innove en permanence : ce sont des services
d'assurance ( ), ce sont aussi les services de transferts de fonds utilisés par les migrants".
7.
Quand la microfinance n’est-elle pas un instrument approprié ?
C’est surtout au niveau du crédit que la microfinance montre ses limites. En effet, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, le
microcrédit, comme tout crédit d’ailleurs, doit être remboursé. Il nécessite donc au niveau de l’emprunteur une bonne
capacité de remboursement, aptitude qui bien entendu s’amoindrit si la personne est très pauvre, sans revenus fiables pour
lui permettre de rembourser un prêt. Octroyer un prêt à de tels individus risque plutôt d’aggraver leur situation
d’endettement et de pauvreté.
Souvent les gouvernements et les agences de coopération souhaitent utiliser la microfinance comme un outil de résolution
de divers problèmes sociaux. Victimes d’inondations ou d’autres catastrophes naturelles, réfugiés fuyant les conflits,
nouveaux diplômés de la formation professionnelle, chômeurs, autant de types d’individus se trouvant dans une situation
de précarité que les gouvernements sont tentés de vouloir aider par le microcrédit depuis que celui-ci a été « vendu »
comme un excellent outil de réduction de la pauvreté. Les programmes de microcrédit conçus pour ce type de situation
fonctionnent cependant rarement. Ils enregistrent le plus souvent des taux d’impayés ou de non remboursement très
élevés.
L’utilisation dirigée de la microfinance pour résoudre des défis de développement dans des situations où la base de la
subsistance des populations est détruite ou très précaire a rarement été un succès.
Le microcrédit se révèle par contre le plus utile pour ceux qui ont identifié une opportunité économique et qui sont en
situation de faire fructifier cette opportunité s’ils ont la possibilité de se procurer une petite somme d’argent au moment où
ils
en
ont
besoin.
Ainsi, les personnes pauvres qui travaillent dans des économies stables ou en croissance, qui ont démontré leur capacité à
conduire les activités proposées dans un esprit d’entreprise et leur engagement à rembourser leurs dettes, sont les meilleurs
candidats pour le microcrédit.
L’univers des clients potentiels s’élargit cependant de manière exponentielle si l’on prend en compte le concept plus large
de la « microfinance ». Par exemple, au niveau de l’épargne ou de la sécurisation des petites économies, il est encore
difficile aujourd’hui dans beaucoup de pays d’ouvrir un simple compte dans une institution bancaire faute de remplir
toutes les conditions exigées (carte d’identité, dépôt minimum qui est souvent un maximum pour les populations pauvres
etc.). De plus, les banques n’ont bien souvent de guichets ou d’agences que dans les capitales ou les villes secondaires
importantes, ce qui donc exclut directement une bonne partie de la population.
8.
Pourquoi les IMF appliquent-elles des taux d’intérêt si élevés à leur clientèle ?
Fournir des services financiers à des personnes à revenus modestes revient cher, particulièrement en proportion des
montants des transactions concernées. C'est d’ailleurs l'une des principales raisons pour lesquelles les banques n’octroient
pas
de
petits
prêts.
Un prêt de 100 €, par exemple, exige pour son traitement le même personnel et les mêmes ressources qu’un prêt de 10.000
€, ce qui augmente considérablement le coût par unité de transaction.
En microfinance, les agents de crédit doivent en effet rendre visite au client à son domicile ou sur son lieu de travail,
évaluer sa solvabilité sur la base d’entretiens avec la famille, le voisinage, et une fois le prêt accordé, effectuer un suivi
rapproché et fréquent par le biais de visites pour renforcer la culture de remboursement.
Les coûts de gestion d’une multitude de petits prêts sont donc très importants, ce qui oblige les institutions à appliquer un
taux d’intérêt généralement plus élevé que celui du secteur bancaire.
L'expérience prouve aussi que les clients sont prêts à payer des taux d'intérêt assez élevés pour s’assurer un accès
permanent au crédit. En effet généralement, le retour sur les investissements réalisés grâce au capital obtenu peut s’avérer
bien supérieur au taux d'intérêt du crédit. Ils reconnaissent aussi que les alternatives – faire appel par exemple aux prêteurs
sur gages, aux usuriers du secteur financier informel – ou l’absence de toute source de crédit sont beaucoup plus
pénalisants pour eux. A titre d’exemple, les taux d'intérêt dans le secteur informel peuvent atteindre 20 % par jour pour
certains vendeurs sur le marché.
9.
Les pauvres ne sont-ils pas trop pauvres pour épargner ?
Les pauvres épargnent en permanence, même si cette épargne prend des formes moins « courantes » que l’argent :
• bijoux en or,
• animaux domestiques,
• matériaux de construction, etc.
Après tout, ils font face comme nous tous aux mêmes évènements imprévus ou récurrents qui nécessitent une somme
d’argent urgente :
• maladie,
• frais de scolarité,
• agrandissement de l’habitat,
• enterrement, etc.
Certains de ces moyens d’épargne informels posent cependant problème. Il est en effet difficile de vendre par exemple un
bœuf ou un zébu lorsque le ménage a soudain besoin d’une petite somme d’argent. Ou encore, si la femme a prêté son
épargne à un membre de sa famille afin de la mettre à l’abri du vol (car la seule autre alternative est de la conserver sous
son matelas), cet argent ne sera pas forcément disponible au moment où elle en aura besoin.
Les pauvres ont donc besoin d’une épargne qui soit à la fois sûre et liquide. Ils tiennent moins compte du taux de
rémunération de leur épargne, car ils ne sont pas habitués à placer leur épargne dans des instruments financiers, mais
accordent en revanche une grande valeur aux mécanismes leur assurant une épargne disponible en cas d’urgence ou
d’opportunité d’acquisition de biens.
Ces services d’épargne doivent être adaptés pour répondre à la demande particulière des pauvres et à leur cycle de
trésorerie. Le plus souvent, les pauvres ne souffrent pas seulement de la faiblesse de leurs revenus mais aussi de leur
irrégularité.
Ainsi, pour optimiser l’épargne des pauvres, les institutions doivent proposer des dispositifs souples, à la fois en terme de
montants déposés et de fréquence des dépôts et retraits. Pour les pauvres, le besoin d’épargne est tout aussi important que
le besoin de crédit.
10. Qu’est-ce qu’une institution de microfinance (IMF) ?
En termes simples, une institution de microfinance est une organisation qui offre des services financiers à des personnes à
revenus modestes qui n’ont pas accès ou difficilement accès au secteur financier formel.
Au sein du secteur, le terme institution de microfinance renvoie aujourd’hui à une grande variété d’organisations, diverses
par leur taille, leur degré de structuration et leur statut juridique (ONG, association, mutuelle/coopérative d’épargne et de
crédit, société anonyme, banque, établissement financier etc.).
Selon les pays, ces institutions sont réglementées ou non, supervisées ou non par les autorités monétaires ou d’autres
entités, peuvent ou ne peuvent pas collecter l’épargne de leur clientèle et celle du grand public.
L’image que l’on se fait le plus souvent d’une IMF est celle d’une ONG « financière », une organisation totalement et
presque exclusivement dédiée à l’offre de services financiers de proximité qui vise à assurer l’auto promotion économique
et sociale des populations à faibles revenus.
11. La microfinance peut-elle être rentable ?
Oui. Contrairement aux idées reçues, certains investisseurs commerciaux considèrent aujourd’hui que la microfinance
présente
un
niveau
de
risque
faible
pour
un
retour
sur
investissement
acceptable.
Bien entendu, cela concerne « le haut du panier » des institutions de microfinance, celles qui sont les plus développées,
celles qui sont arrivées à maturité et qui travaillent dans des conditions réelles.
Les rapports de rating et d’évaluation externe de performance de ces institutions attestent en effet des marges de rentabilité
dégagées. Certains pensent d’ailleurs qu’il s’agit de la seule trajectoire à suivre si l’on veut avoir une croissance massive
du
nombre
de
clients.
D’autres s’inquiètent par contre de ce qu’un souci excessif de la recherche du profit en microfinance pousse les IMF à
changer leur segment cible de clients et à servir une clientèle plus aisée capable d’absorber des montants de prêt plus
importants.
Dès lors, ces institutions ne rempliraient plus leur mission originale, c'est-à-dire de permettre aux pauvres de sortir de leur
situation de précarité. D’où la tendance aujourd’hui de développer également des instruments de mesure des performances
sociales de ces institutions en complément de ceux habituellement utilisés pour mesurer leurs performances financières.
12. Quel est le rôle des gouvernements pour le développement de la microfinance ?
Jusque récemment, les gouvernements estimaient généralement de leur devoir et de leur responsabilité de prendre une part
active au « financement du développement », en conduisant par exemple de vastes programmes de crédit pour les
populations défavorisées (rurales en particulier). Ces dispositifs, généralement fort coûteux, ont toutefois rarement
démontré une réelle efficacité et il existe très peu d’exemples ou le crédit distribué aux pauvres par l’Etat ou ses
démembrements ait été récupéré à un coût relativement acceptable.
Aujourd’hui, la tendance consiste à ne plus intervenir directement mais plutôt à faire appel à des opérateurs spécialisés en
microfinance.
Par contre, les gouvernements devraient beaucoup plus s’impliquer en menant par exemple une réflexion globale avec les
différents
acteurs
sur
le
développement
du
secteur
en
général.
Ces réflexions ont généralement pour objet d’aboutir dans les pays où la microfinance est la plus développée à la
définition et à l’adoption d’une politique sectorielle.
Une telle politique peut constituer à l’appui à la mise en place :
• d’associations professionnelles,
• de centrales de risques,
de cercles de réflexion sur le cadre réglementaire et jurisprudentiel.
DOSSIER DOCUMENTAIRE
2ème partie
Document 1 : Le micro crédit, un contrat social ?
Alors qu'il n'existait pas il y a trente ans, le microcrédit est présent aujourd'hui dans de nombreux pays parmi
les plus pauvres. L'ONU a même déclaré 2005 année internationale du microcrédit et souhaite ouvrir un très
grand nombre d'institutions de microfinance (IMF) de par le monde. Une belle occasion de faire un bilan de
cette pratique au service du développement. Les chercheurs intéressés par la monnaie dans les pays du Nord ont
mis du temps à se rendre compte que les pratiques n'étaient pas les mêmes dans les pays du Sud, en particulier
en Afrique. La monnaie y est plus perçue dans sa fonction sociale que dans sa fonction financière, elle facilite
les échanges et circule entre les personnes, elle est peu conservée et elle n'est prêtée que pour très peu de temps.
Il s'ensuit des pratiques financières originales - les tontines, les tontiniers - qui reposent sur des relations
personnelles entre les débiteurs et les créanciers. C'est ce qu'on appelle la finance informelle, qui est une
finance de proximité. Ces pratiques subsistent toujours, mais elles sont éclipsées depuis une vingtaine d'années
par d'autres opérations perçues comme un nouveau mode de financement. Il s'agit de crédits de faible montant équivalant à moins de 150 euros dans la plupart des pays africains - accordés à des personnes sans ressources le plus souvent des femmes - pour développer ou entreprendre « une activité génératrice de revenus ». Ces
crédits sont accordés par des institutions qui naissent « sur le terrain », sans reproduire à l'identique un modèle
existant. Ce sont les institutions de microfinance (IMF) qui sont ou ont vocation à devenir de véritables
intermédiaires financiers. Ce changement s'est opéré à la faveur d'une innovation au Bangladesh en 1976. Elle
consistait à prêter un peu d'argent - très peu à vrai dire - non pas à une femme pauvre, mais à cinq femmes qui
constituaient un groupe solidaire. Lorsque le crédit accordé à l'une d'elles était remboursé, un crédit était
accordé à une autre. Lorsque toutes avaient emprunté - et remboursé -, le crédit était renouvelé pour un montant
plus élevé. Ce système a remarquablement fonctionné. Le microcrédit a surtout bénéficié de quelques facteurs
favorables: l'endettement excessif de nombreux États qui ont dû privilégier le recours à l'épargne domestique et
la prise de conscience progressive du rôle essentiel du secteur privé, notamment des petites et des
microentreprises. Le microcrédit ne permet pas seulement de développer la petite activité, il permet de lutter
contre la pauvreté. C'est là une préoccupation majeure de la communauté internationale. C'est ce qu'a affirmé le
premier Sommet du microcrédit, à New York en février 1997, qui a souhaité aider de cette façon cent millions
de familles parmi les plus pauvres à l'horizon 2005. C'est donc désormais un souci des institutions financières
internationales comme celui de l'ONU.
Où en sommes-nous aujourd'hui? Des IMF existent partout dans le monde sous des formes variées. Elles sont
souvent nées de programmes d'appui gérés et financés par des ONG locales ou étrangères. Ce peut être des
caisses villageoises ou des banques rurales, plus ou moins proches de nos mutuelles. Toutes ces catégories ne
sont pas homogènes. Chacune rassemble des institutions qui peuvent être très différentes par leur ancienneté,
leur taille, leur clientèle, leur but, les modalités de leur fonctionnement, de leur financement...
La microfinance se développe partout. Le modèle du Bangladesh est présent dans 34 pays. Parfois, en Inde par
exemple, les crédits sont accordés à des groupes d'entraide qui ont un projet commun mais ne sont pas
solidaires. En Amérique latine, certaines IMF sont devenues de véritables banques. En Asie, des banques
commerciales se sont lancées dans le microcrédit. En Afrique, aucun modèle ne domine vraiment, d'un pays à
l'autre tous sont plus ou moins représentés. Ces institutions sont également présentes dans les pays d'Europe de
l'Est. […]
Mais s'il est certain que la microfinance peut aider beaucoup de pays, elle ne saurait constituer un remède
miracle aux problèmes du développement.
Lelart Michel, directeur de recherche émérite au CNRS, Laboratoire d'économie d'Orléans
Journal du CNRS n° 180, janvier 2005.
Document 2 : Muhammad Yunus, la Grameen Bank et le prix Nobel de la paix
La nouvelle est tombée sans que personne s'y attende : le prix Nobel de la paix a été attribué à Muhammad Yunus, le
banquier des pauvres. Nouvelle plus révolutionnaire qu'il n'y paraît. D'abord parce qu'elle reconnaît l'oeuvre d'un
économiste qui, abandonnant les rivages rassurants de l'économétrie, s'est attaqué à la réalité de la pauvreté qui ronge notre
planète. Ensuite parce qu'elle fait un lien entre l'éradication de cette pauvreté et la paix. ... / ...
Pourtant les résultats et enjeux du microcrédit vont au-delà de ces résultats, et le jury du prix Nobel a eu raison de
considérer qu'il était un facteur fondamental de la paix. Au moment où les pays riches souhaitent bâtir des murs de béton
ou des labyrinthes administratifs pour se protéger des pauvres - protections illusoires compte tenu des déséquilibres
démographiques et économiques -, au moment où l'exclusion d'une partie de la population crée un climat de violence dans
les quartiers populaires de notre pays, le prix Nobel de la paix rappelle que la misère et l'exclusion sont le terreau de la
révolte et du terrorisme. Que le seul vrai moyen d'étendre la paix est d'aider les pays pauvres à se développer et de
supprimer les poches de chômage et de misère, qui sont la honte des pays riches. Le microcrédit est un instrument de la
croissance et un outil de la cohésion sociale. Il ne met pas en cause la distribution actuelle des richesses, mais favorise une
répartition future plus juste en donnant sa chance à chacun. Dans une économie qui se dit mondialisée, mais où 3 milliards
de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour sans avoir accès aux services financiers, M. Yunus tente d'abattre la
frontière entre l'économique et le social et ouvre à la finance un marché nouveau tout en la dotant d'un supplément d'âme.
... / ...
Maria Nowak, Le Monde , 14/11/2006
Document 3: Le microcrédit fait-il baisser la pauvreté ?
À partir des expériences que vous avez observées, le microcrédit est-il un instrument adapté de lutte contre la
pauvreté ?
Oui, car la microfinance apporte une réponse à la fracture bancaire. En effet, la libéralisation financière des années 1980 et
la liquidation des banques publiques ont entraîné une polarisation des systèmes financiers. Dans les pays les moins
avancés, 70 % à 80 % de la population n'ont pas accès aux services bancaires. Dans les pays émergents comme le Mexique
et le Brésil, la proportion est de 40 % à 60 % et on assiste à un retrait du secteur bancaire des territoires les plus
marginalisés et enclavés. Dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la
fracture bancaire exclut plusieurs millions de personnes, dont 2 millions en France, selon certaines estimations. En même
temps, les besoins d'accès aux systèmes financiers sont de plus en plus importants, car le processus de monétarisation de
l'économie va croissant. Les populations sont de plus en plus intégrées au marché et il faut payer pour accéder à la
consommation, la santé, l'éducation, etc.
Dans ce cadre, le microcrédit permet de résoudre les problèmes de trésorerie des populations pauvres et la décapitalisation
qu'elle peut entraîner. Vendre une récolte de café dès la floraison au Burundi, c'est en obtenir deux fois moins que lorsque
le café est mûr. Vendre au détail des produits importés sur les marchés avec le crédit fournisseur du grossiste au
Nicaragua, c'est verser la moitié de sa recette sous forme d'intérêts. Le microcrédit permet d'y échapper.
Quel bilan tirez-vous ?
On constate souvent, dans les études d'impact, que le microcrédit permet "d'élargir le champ du possible" pour les pauvres
en leur permettant de financer la diversification de leurs activités, d'élargir leurs marchés, parfois de démarrer des
investissements sur du petit équipement. Pour les pauvres, qui ont la capacité de créer des activités, on observe des effets
sur les revenus familiaux, l'amélioration de l'habitat, la santé, les frais d'éducation... Les effets peuvent ensuite faire tâche
d'huile et se traduisent par des améliorations au niveau de l'économie locale, du marché du travail, des filières et ce, depuis
une dizaine d'années. ... / ...
François Doligez Propos recueillis par Adrien de Tricornot. Extrait de l'article paru dans Le Monde, 14-11-2006
Document 4 : Le microcrédit ne peut pas prétendre être un élément majeur pour éradiquer la pauvreté
La quasi-unanimité autour des vertus supposées du microcrédit paraît aujourd'hui si forte qu'il semble presque incongru
d'interroger les raisons pour lesquelles le Comité norvégien du Nobel a attribué son prix à Muhammad Yunus et à la
Grameen Bank.
Les réserves que j'exprime ici ne doivent en aucun cas limiter l'admiration que je porte au dévouement de nombre de
banquiers aux pieds nus. Mais trop de mythes circulent aujourd'hui autour de la nature, de l'impact et des effets du
microcrédit pour qu'il ne soit pas urgent d'attirer l'attention sur ses limites. Le risque est en effet immense qu'après une
période d'euphorie les déceptions soient grandes et qu'on en vienne à jeter l'anathème sur une technique qui, employée
avec modération dans des circonstances opportunes et avec des méthodes d'accompagnement appropriées, révèle quelques
efficacités. Mais pour répondre aux besoins de la planète, il faudrait un changement plus important et une volonté bien
plus forte que ces petits prêts.
Aujourd'hui la microfinance ne se limite pas au microcrédit. Une épargne en sécurité est souvent un service plus important
que le crédit. Les transferts financiers pour les migrants, la microassurance se développent. Mais là où il y a carence en
hôpitaux, dispensaires, médicaments et médecins, ce n'est pas la microassurance qui par miracle va les faire apparaître
spontanément sous le simple effet de la demande. Proposer des services qui n'existent pas est plus source de
dysfonctionnements que d'efficacité. Les besoins en eau, en éducation, en santé, en transport notamment sont, pour les
pauvres, des besoins plus urgents à résoudre.
Une erreur courante est de croire que Muhammad Yunus est le premier à avoir pratiqué le microcrédit. Sans se plonger
dans l'histoire financière du XIXe siècle qui révèle nombre d'initiatives de précurseurs il convient de remarquer que les
premières initiatives, principalement à partir d'activistes chrétiens, sont apparues en Amérique latine.
Une autre erreur serait d'imaginer que la Grameen Bank a toujours pour modèle les prêts solidaires de petits groupes alors
qu'une crise très forte d'impayés l'a conduite en 2002 à modifier fondamentalement sa technique de prêt et à promouvoir
les prêts individuels.
Une troisième erreur est de penser que le microcrédit s'adresse aux plus pauvres parmi les plus pauvres. Les contraintes
exercées par les coopérations multilatérales et bilatérales, ainsi que la plupart des grandes fondations privées pour que les
organisations de microfinance deviennent financièrement autonomes les a fait se tourner vers des clientèles de moins en
moins pauvres.
... / ...
Venons-en aux impacts. Les études d'impact les plus sérieuses montrent que dans la plupart des cas le microcrédit améliore
la gestion des budgets des familles (en faisant la soudure entre les périodes de besoin et celles de perception des revenus).
Il stabilise des petites activités entrepreneuriales, ce qui est fort utile. Mais, le microcrédit ne peut pas prétendre être un
élément majeur pour éradiquer la pauvreté ; ce que pourtant le comité du prix Nobel affirme. Le plus souvent les
microcrédits sont utilisés pour des dépenses de santé et d'alimentation, qui prouvent son caractère indispensable ; mais ces
dépenses l'emportent de loin sur les investissements créateurs de revenus. Le microcrédit peut de plus conduire au
surendettement et crée alors plus de drames que d'espoirs. ... / ...
Jean-Michel Servet Extrait de l'article paru dans la Tribune de Genève, 25 Octobre 2006 p. 15
Jean-Michel Servet est professeur à l'IUED de Genève, fondateur du programme de recherche sur la microfinance à l'Institut français de
Pondichéry (Inde) et auteur de « Banquiers aux pieds nus ». La Microfinance (Paris, Odile Jacob, 2006).
Document 5 : Le microcrédit fait-il baisser la pauvreté ?
Le microcrédit a été récompensé par le prix Nobel remis au fondateur de la Grameen Bank. Le sommet international du
microcrédit réuni à Halifax du 12 au 15 novembre envisage de plus que doubler le nombre de ses clients pauvres, de 82
millions à la fin 2005 à 175 millions en 2015.
Estimez
vous
qu’il
s’agit
d’un
moyen
adapté
de
lutter
contre
la
pauvreté
?
Non, ce n’est pas un instrument de lutte contre la pauvreté et encore moins contre les inégalités : c’est ce qui ressort des
études que je mène avec Marc Roesch, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement en poste à l’Institut
français de Pondichéry (Inde) et Jean-Michel Servet, professeur à l’Institut universitaire d’études du développement de
Genève. Ce n’est pas pour autant que le microcrédit est inutile : il améliore la gestion des budgets familiaux et stabilise les
petites activités entrepreneuriales. Mais le discours actuel repose sur un mythe, celui du « pauvre entrepreneur », et sur une
vision erronée du marché. Les échecs sont de plusieurs ordres : non- rentabilité de l’activité – comme l’élevage dans
certains contextes ; saturation rapide des marchés locaux, en partie faute de pouvoir d’achat ; fonctionnement très
hiérarchique des marchés locaux – les monopoles ou quasi-monopoles sont fréquents ; compétitivité insuffisante face à des
produits manufacturés. Par ailleurs, les pauvres ont des difficultés à se transformer en entrepreneurs, faute de savoir-faire,
de réseau relationnel, d’accès à l’information, ou encore en raison de leur attachement au salariat ou à l’agriculture. On
oublie souvent que dans nombre de pays du Sud, la majorité de la population est dépendante de l’agriculture, tant d’un
point de vue matériel que psychologique.
Globalement,
quel
bilan
tirez-vous
du
microcrédit
?
Selon nos études, 25 % des clients en profitent vraiment car ils en ont les capacités entrepreneuriales. 50 % améliorent
simplement par cet outil la gestion du budget familial. Pour les 25 % restants, la situation s’aggrave car ils échouent. Ce
que j’ai constaté en Inde, c’est qu’une large partie des sommes empruntées est utilisée pour des dépenses d’urgence de
santé, d’alimentation ou d’amélioration de l’habitat. Il ne s’agit pas de critiquer, mais de constater que le microcrédit
fonctionne plus comme un instrument de survie que de lutte contre la pauvreté ou de création de richesses.
…/…
Isabelle Guérin Extrait de l'article paru dans Le Monde, 14-11-2006
Isabelle Guérin est chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement
Document 6 : Les défis de la microfinance après le prix Nobel de Yunus
Le prix Nobel de la paix de Muhammad Yunus vient récompenser une pratique qui a fait ses preuves : la microfinance.
Près de 100 millions de personnes dans le monde, exclues du secteur bancaire classique, ont aujourd'hui la possibilité
d'emprunter, d'épargner, d'investir. Ces services financiers de proximité sont délivrés par des organisations appelées «
institutions de microfinance » (IMF). Pour augmenter encore le nombre de bénéficiaires, l'enjeu est de renforcer et faire
grandir ces institutions. Et, pour cela, mobiliser des financements à la fois privés et publics.
Le financement privé de la microfinance existe déjà. En effet, sur les 10.000 IMF existant dans le monde, quelques
centaines sont rentables à ce jour. Pour faire face à une demande immense de microcrédits, elles font de plus en plus appel
à des fonds privés (banques, marchés financiers, investisseurs en capital).
Pourquoi un nombre croissant de banques, dans les pays en développement, prêtent-elles volontiers à ces IMF ? Tout
simplement parce que ces institutions sont pour elles de bons clients, rentables et sûrs, car leur risque est réparti sur des
milliers de petits crédits. De plus, les banques commerciales voient dans la microfinance un prolongement de leur propre
métier vers de nouveaux marchés. Ainsi, la « privatisation » de la microfinance, qui draine des capitaux privés vers ceux
qui en ont le plus besoin, ouvre des perspectives sans précédent.
On peut cependant craindre que cette privatisation n'incite les IMF commerciales à s'orienter vers une clientèle de moins
en moins pauvre, supposée plus rentable : celle des petits commerçants, déjà installés, en zones urbaines. Certes, financer
ces commerçants, qui n'ont pas accès aux banques, est très utile. Mais se focaliser uniquement sur eux entraîne deux
risques. Le premier est de renoncer à un public beaucoup plus vaste, qui se trouverait laissé pour compte. Le second est
d'instaurer une concurrence forte entre IMF sur un marché trop réduit. Les petits commerçants peuvent être tentés
d'emprunter à plusieurs institutions à la fois. S'ils le font, ils deviennent surendettés et les IMF sont fragilisées. Ce scénario
s'observe notamment en Bolivie, en Ouganda et au Bénin.
Un autre risque lié aux fonds privés est celui de l'emballement. Si des capitaux viennent s'investir en microfinance trop
rapidement, entraînant les IMF dans une course au décaissement, ils risquent d'aggraver le phénomène de concurrence
exacerbée. De plus, l'expérience prouve que les IMF doivent maîtriser leur croissance et se structurer progressivement.
Pour investir avec discernement, les financeurs privés doivent donc être conscients à la fois de ces risques et des
opportunités réelles que la microfinance leur offre aujourd'hui. ... / ...
Sébastien Boye, Michaël Cheylan et Jeremy Hajdenberg Extrait de l'article paru dans Les échos, 16-11-2006
DOSSIER DOCUMENTAIRE
3ème partie
Compte rendu d’une visite effectuée par des professeurs de SES à la Caisse de Grand Yoff à Dakar en novembre 2006.
La caisse d’épargne et de crédit des femmes de Grand Yoff (nom d’un quartier- pauvre - de Dakar) a été fondée en 1987 ;
elle est née de la réflexion de 13 groupements de femmes recherchant des solutions aux difficultés de mobilisation des
ressources du quartier. Son objectif principal était de drainer l’épargne, de faciliter l’accès au crédit pour permettre de
financer des activités génératrices de revenus. Le texte ci-dessous fait référence à Enda qui est une ONG internationale
installée dans divers pays du Tiers Monde, Enda graf a son siège dans le quartier de Grand Yoff. Après avoir été reçus
dans les locaux d’Enda, les professeurs se sont rendus à une caisse du quartier ; ce qui suit expose les informations
recueillies lors de cette visite.
Genèse :
La mise en place de caisses mutuelles relève de la logique globale d’Enda. A partir d’une connaissance des
filières et des pratiques réelles des gens, Enda essaie de favoriser l’émergence de projets qui génèrent des évolutions dans
le secteur concerné.
Dans le domaine financier, on est parti du constat de l’importance de la thésaurisation, des daïra des religieux des
pratiques usuraires des commerçants ( qui demandent de rembourser 12 500 francs CFA (1) pour 10 000 francs CFA
empruntés le matin même…), et même des tontines (2) traditionnelles de femmes (dont les dirigeantes utilisaient souvent à
des fins personnelles les fonds de caisse etc, ce qui se terminait à la police et en justice avec tous les aléas inhérents à la
corruption de ces institutions…). C’est en tant qu’alternative à ces pratiques que l’idée de caisse mutuelle a vu le jour en
1987. Elle est perçue comme une forme de tontine améliorée, plus sûre : les sommes déposées restent plus facilement
disponibles, on n’y pratique pas d’agios, les exigences sont moins strictes qu’auprès des institutions bancaires classiques…
Actuellement, on compte 17 Caisses ayant chacune plusieurs guichets et regroupées entre elles au niveau
national. Le guichet visité est tenu par la même personne, salariée par la caisse, depuis 1997. Il compte près de 600
membres dont une majorité de femmes (plus de 300) et 10 groupements.
L’activité des caisses :
1- Ces caisses ont tout d’abord une activité de collecte de l’épargne. Les dépôts sont rémunérés à un taux de 2% sur 6 mois
et de 4% sur 12 mois.
La caisse consacre une partie de son activité à ce qu’elle appelle la « mini épargne projet » : une cotisation minimale de
200 FCFA est bloquée sur 10 mois et vise à préparer des évènements tels que la Tabaski (3), le ramadan, Noël, Pâques, ou
des évènements familiaux. Le décaissement peut se faire un mois ou 15 jours avant la date de l’événement.
2- Elles ont en parallèle une activité de prêt. Celle-ci prend trois formes principales :
a- Les prêts « classiques » :
Au niveau des guichets, on accorde des petits prêts de 25 000 à 75 000 francs CFA remboursables en trois mois à un taux
de 8%. Pour les prêts plus importants, il faut s’adresser à la caisse centrale qui accorde des prêts à 8% sur 12 mois ( avec
un différé de 2 mois). Les prêts à « long terme » sont remboursables à un taux de 16% sur 18 mois. Ils sont généralement
utilisés pour lancer une activité commerciale ou artisanale.
b- La vente de denrées alimentaires. La faiblesse et le manque de régularité des ressources amènent souvent les mères de
famille à retarder l’envoi des enfants à l’école après avoir pu gagner suffisamment d’argent pour leur donner à manger. De
même, la préparation tardive des repas (pour les mêmes raisons) faisait que les enfants arrivaient en retard en classe l’après
midi. Dans ces conditions, les enfants étaient pénalisés dans leur scolarité. L’idée a été de vendre à crédit des denrées
alimentaires de base ( riz, huile, sucre, …) pour le mois, afin de permettre aux femmes de pouvoir gérer leur budget et
d’organiser leur vie de manière plus efficace. Sans compter que les denrées sont fournies à des prix attractifs inférieurs à
ceux du marché en raison d’un approvisionnement auprès de grossistes.
c-Les caisses peuvent également assurer des transferts de fonds entre elles, et jouent un rôle important de conseil auprès
de leurs membres. Cette activité peut même parfois prendre la forme d’études de marché pour des projets commerciaux ou
artisanaux.
Au niveau du guichet visité, l’encours de l ‘épargne serait de 5 à 7 millions de francs CFA mensuels. Le guichet du
marché atteindrait lui 20 à 25 millions mensuels, et au total pour la caisse, le montant s’élèverait à 197 millions de francs
CFA maximum par an.
En matière de crédit, le guichet se limite à des montants allant de 600 000 à 800 000 francs CFA par mois. Pour
les emprunts supérieurs à 100 000 francs, il faut s’adresser à la caisse centrale. La caisse fait même des crédits supérieurs à
1 000 000 francs CFA . Pour l’ensemble de la caisse, l’encours de crédit s’élèverait à 195 millions de francs.
On voit donc que la quasi-totalité de l’épargne est reconvertie en crédits et que l’épargne est préalable au crédit. Il
n’y a donc pas de création monétaire.
En appliquant des taux d’intérêts moyens de 2% en dépôt et de 8% en remboursement, on arrive à un montant estimé de
recettes de l’ordre de 10 millions de francs CFA par an , cela permet notamment de payer les salariés de la caisse .
Les remboursements peuvent se faire à la journée, à la semaine ou au mois. Certaines personnes déposent de
l’épargne en même temps qu’elles remboursent leur crédit. Par exemple, une femme devant rembourser trois cent francs
CFA par jour peut déposer quand elle le peut 500 francs CFA. Cette pratique, conseillée par la caisse, leur permet de
pouvoir faire face à d’éventuelles difficultés de remboursement.
De manière générale, les taux de remboursements sont proches de 100%. Il faut dire que la caution solidaire et le
contrôle social jouent à plein. La plupart des membres se connaissent, les 5 membres du comité de gestion viennent
souvent s’enquérir des retards et vont rapidement voir les personnes concernées pour savoir ce qui se passe. La crainte de
passer pour une personne peu fiable semble assez forte.
Un ancrage progressif et pérenne ?
Pour attirer des membres, des réunions de sensibilisation sont organisées au niveau des quartiers et des marchés,
des campagnes publicitaires régulièrement lancées mais le bouche à oreille reste plus rapide et plus efficace. Si le
lancement a été difficile, les caisses sont aujourd’hui bien implantées. L’inscription dans la durée (« Ce qui est durable est
vrai »…) et les résultats ont permis une perte d’influence des tontines traditionnelles et autres pratiques usuraires dans le
quartier.
Il faut également signaler que la plupart des associations ou groupements liés à Enda sont membres de la
mutuelle. Les prestations y sont moins coûteuses et les contraintes moins fortes que dans le secteur bancaire
« traditionnel ». On peut par exemple citer le cas d’une coopérative de l’habitat qui souhaitait acquérir 68 parcelles avec
l’aide de l’Etat. Le dossier devait passer par l’Union des coopératives mais comme la leur était dans l ‘informel, leur
dossier a été rejeté par la banque chargée de suivre les transactions. Or, il se trouve que la coopérative était cliente de cette
banque. Depuis lors, elle a sorti ses fonds de la banque et est devenue membre de la caisse mutuelle... C’est également le
cas des coxeurs (4) du carrefour de la patte d’oie (5) qui ont monté une association, qui a maintenant le statut de GIE (6) .
Ce dernier a même monté son propre guichet.
Cette situation a pour conséquence de renforcer le poids économique des mutuelles. D’ailleurs, bien que la caisse
n’a pas de lien avec les institutions bancaires « classiques », ces dernières commencent à s’intéresser à leur démarche, qui
s’avère être efficace pour capter l’épargne, souvent très modeste, des ménages.
En revanche, la caisse entretient des relations suivies avec des structures visant la promotion de l’activité
économique susceptibles d’apporter des financements. Elle est ainsi en relation avec le Fonds National pour la Promotion
de la Jeunesse qui ne verse pas de crédit directement, et qui passe par des IMF telles que la caisse de Grand Yoff pour
cela.
Par ailleurs, la caisse applique les taux fixés par le Ministère de l’Economie et des Finances, et ce dernier fait
exécuter un audit annuel sur les activités de la caisse.
On est ainsi dans une logique de passage de l’informel vers le formel.
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
1000 francs CFA = 1,524 euros soit 1 euro = 655,957 FCFA
tontine : association de personnes versant régulièrement de l’argent à une caisse commune ; le montant de la caisse est remis, selon des modalités
diverses (par exemple par tirage au sort) , aux différents membres
tabaski : fête religieuse (musulmane) et culturelle au Sénégal ; c’est la fête du mouton ou Aïd el Kébir. Le prix élevé des moutons (entre 40 000 et
100 000 FCFA) amène certaines familles à s’endetter.
coxeurs : personnes qui incitent les clients à monter dans des mini bus
patte d’oie : nom d’un carrefour très animé de Grand Yoff, des coxeurs y ont leur « garage »
groupement d’intérêt économique