Pélican n°49 - Printemps 2009 ( PDF - 1.3 Mo) - AOP
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LE PELICAN Bulletin de liaison de L’Amicale de l’Offshore Pétrolier N° 49 Printemps 2009 SOMMAIRE EDITORIAL DU PRESIDENT ________________________________________________ 2 UN MOIS DE VACANCES AU CAMEROUN par André Lamarque __________________ 3 LES ACRONYMES ? Suite . . . par Henri Flesselle _______________________________ 5 LA PLUS RECENTE CONTREPETERIE de Lucien Pigeon ________________________ 7 LA VANILLE par Christian Compain __________________________________________ 8 LES HYDROLIENNES par Jean Pepin-Lehalleur. _______________________________ 9 LIBERATOR EN LIBYE par Steve Johnson ____________________________________ 15 LA DEVINETTE DU PELICAN : QUI EST-CE ? par C. Compain __________________ 19 LES HOTELS CONVENABLES par Christian Compain __________________________ 21 LE GROUPE VALLOUREC _________________________________________________ 23 COMMENT J'AI VECU LA FIN DU CUIRASSE "BRETAGNE" _________________ 27 AIDEZ LE PELICAN ______________________________________________________ 33 EDITORIAL DU PRESIDENT Le 23 janvier 2009 la météo prévoyait un coup de vent sur le sud ouest…. Samedi 24 janvier 2009, le vent est passé…avec des vitesses de l’ordre de 180 km/h… un désastre national…les arbres couchés sur les routes….plus d’électricité…plus de chauffage…le congélateur arrêté…de nombreux adhérents parmi les victimes.. Voilà encore des points matériels que l’homme ne sait pas maitriser….Tout le monde se souvient encore de décembre 1999…Face aux éléments l’homme est très démuni. Mais il doit faire face au défi de l’Energie, et le relever pour sa survie. L’AOP en soutenant les élèves-ingénieurs permet d’apporter son petit « grain de sable » dans cet énorme défi grâce au concours ENERGIA CHALLENGE qui encourage les jeunes esprits innovants et intrépides à entrer dans cette industrie de l’ENERGIE.. Les Journées du Pétrole d’octobre 2008 organisées par le GEP et l’AFTP ont permis aux 600 participants de connaître l’AOP grâce à ce concours développé en commun. L’AOP souhaite la bienvenue à tous ses nouveaux adhérents en espérant qu’ils sauront apprécier ce que l’Amicale peut leur apporter … A vous tous merci d’être présents au rendez-vous du 16 mai pour le 25éme anniversaire de l’A.O.P.. Philippe JOSSE 2 UN MOIS DE VACANCES AU CAMEROUN par André Lamarque Cela se passe à la mi-temps du mois d’avril 1955. J’ai presqu¹achevé l’année scolaire 1954-1955 à l¹Institut du Pétrole de Rueil Malmaison, après deux années vécues dans la forêt gabonaise, comme ingénieur de chantier sur une sonde de forage. Un mercredi ou un jeudi de cette semaine-là, je reçois un appel téléphonique du secrétaire général de la SEREPCA, (l’ancêtre d’Elf au Cameroun), qui me déclare avec une élégance assez relative : " mon cher Lamarque, nous avons un puits de gaz en éruption sur le champ de Logbaba au Cameroun, nous ramassons " les fonds de tiroir " pour compléter l¹équipe d¹intervention : vous passerez en conséquence au siège prendre votre billet d’avion pour Douala, départ lundi prochain. Je m’informe de ce qu¹il adviendra de mon diplôme IFP du fait d’un arrêt prématuré de ma scolarité. Le cher homme me répond avec quelque désinvolture que ce problème est tout à fait accessoire au regard du service que je dois à la Société. Le lundi matin, je retrouve donc, au départ de l’avion, deux ou trois distingués compagnons appartenant, comme moi, à l¹honorable tribu des "fonds de tiroir ". L¹arrivée au petit matin à Douala est toujours assez décoiffante lorsqu¹on émerge, de l¹habitacle de l’avion gentiment climatisé et que l’on plonge dans la touffeur ambiante et les 80% de saturation humide qui caractérisent l¹endroit ; autre élément d¹appréhension pour les initiés que nous sommes : le grondement lointain de Logbaba en éruption, à quelques kilomètres à vol d’oiseau, est parfaitement audible, de l’aéroport. Le directeur des opérations, qui se trouve être mon ancien patron du Gabon, mon ami Guy Dechet, a eu la gentillesse de me traiter princièrement : je loge à l’Akwa Palace, un vieil hôtel de style colonial au charme suranné qui date vraisemblablement de la colonisation allemande qui précéda la nôtre au Cameroun. Dès l’après-midi du même jour, je me rends sur le site de Logbaba et suis derechef intégré dans la fameuse équipe d¹intervention. Le mentor de l’équipe n’est autre que Myron Kinley, le " pompier volant " des pétroliers de l’époque : une bonne soixantaine d’années, une forte claudication d¹origine professionnelle, un accent texan à couper au couteau. Il va, au cours des trois semaines à venir, tout évaluer, tout décider, tout ordonner par le geste plus que par le verbe. L’épaisse colonne de gaz dépasse le sommet du derrick et s’élève haut dans le ciel, dans un bruit infernal. Au pied du derrick, sur le sol, gisent les éléments endommagés de l’ancien obturateur, détruit par la pression du gaz. Le premier travail consiste donc à évacuer, avec toutes les précautions voulues, ces équipements hors d’usage. Ce travail, qui va prendre une grande semaine, n’a rien de génial : il implique le déblocage de l¹impressionnante boulonnerie qui assemblait l’obturateur originel, puis l’évacuation par des moyens manuels des pièces détruites. Peu de risques dans cette affaire, certainement moins qu’à conduire sa voiture sur les routes de France un jour de grand départ de vacances d’été. Le seul domaine, pourtant assez ordinaire, où l’intendance n’a pas suivi, est celui de notre protection auditive. Nous ne disposons d’aucun équipement sérieux et notre seule défense est le colmatage de nos conduits auditifs auquel nous procédons chaque matin à l’embauche, avec un chapelet de " boules Quiès " achetées en pharmacie : fatale confusion entre le déchaînement des décibels qui nous agressent et le bruit des honnêtes ronflements que ces innocentes boulettes sont supposées combattre. Le résultat ne se fait pas attendre : dès le 3 premier jour, nos tympans sont en charpie et nous partageons fraternellement une surdité avancée. Les opérations sont chaque soir suspendues. Chaque fin d’après-midi, journée de travail terminée, je traverse le hall d’accueil de l’Akwa Palace, précédé et suivi par de puissantes effluves au délicat parfum de pétrole. Un soir, dans ma chambre, après un très énergique rinçage pour tenter d¹atténuer mon imprégnation à la gazoline, je me suis affalé sur mon lit, dans le plus simple appareil. J’ai lancé à fond mon électrophone pour oublier un peu la dureté des temps, je vais déguster " la vie en rose " d’Edith Piaf. En fait, j’ai posé ma tête contre la table de nuit tout contre l¹appareil et, même dans cette situation de grande proximité, je ne perçois qu¹un très faible murmure " mais çà m’fait quelque chose ". C’est là que j’éprouve la sensation d’une présence dans la chambre, je me retourne : au pied du lit, un grand escogriffe, (que je n’ai évidemment pas entendu entrer), se démène, il n¹a pas l’air heureux. Je finis par réaliser qu’il est mon voisin de chambre, que mon électrophone, remonté à bloc, a interrompu une sieste tardive de gouverneur portugais, que cette personne n’a aucune sympathie particulière pour Edith Piaf ni pour sa " vie en rose " et tout particulièrement lorsque la belle complainte tourne en boucle pour la troisième ou la quatrième fois. Sur le chantier, après une dizaine de jours d’efforts soutenus, le nettoyage initial est achevé et nous allons pouvoir entamer la phase constructive du programme : la mise en place d’un puissant obturateur acheminé par avion des USA. Un grand moment d’émotion lorsque nous faisons basculer au travers de la colonne de gaz la lourde structure de l’obturateur présenté, évidemment, en position ouverte. Le voilà enfin posé sur son socle : la colonne de gaz emprunte désormais le large conduit intérieur de l’obturateur et jaillit de son ouverture supérieure trois mètres au-dessus de nos têtes, ce qui accroît notablement notre confort pour poursuivre notre travail de montage. Suivent des tâches de routine, la mise en place du décor pour le dernier acte : l’installation d’un dispositif de commande à distance de l’obturateur, la confection de dizaines de mètres cubes de boue alourdie qui, le moment venu, nous permettront de " tuer " le puits. Trois semaines se sont écoulées depuis notre première rencontre avec Myron Kinley. Le jour J du succès (ou d’une nouvelle catastrophe) est arrivé. Nous sommes groupés derrière notre mentor, à une cinquantaine de mètres du puits : Myron actionne le dispositif de fermeture à distance de l’obturateur et soudain nous sommes subjugués par l’épais silence qui succède abruptement au bruit infernal qui habitait ces lieux depuis un mois. Nous observons avec anxiété la montée de la pression en tête de puits… elle se stabilise. C’est alors que s’élève le bruit rassurant, le joyeux tintamarre de nos pompes à boue qui, à grands coups de pistons, expédient dans le forage la boue alourdie qui va progressivement " peser " sur la colonne de gaz. Après deux heures de pompage, le puits est gavé de boue, il est stabilisé, le gisement de gaz est " sous contrôle ". L’éruption du puits " Logbaba 101 " n’est plus qu¹un mauvais souvenir. Toutefois, les intervenants (équipe de base et " fonds de tiroir " unis dans le malheur), vont vivre avec quelque anxiété les premières semaines qui suivent l’opération : il va falloir attendre un bon mois pour constater que cette surdité, durement vécue, n’était que temporaire. Dans les tout premiers jours suivant la fin de nos travaux, alors que je suis encore à Douala et toujours au niveau zéro de perception auditive, je dois me rendre à la BIAO pour me procurer de l’argent liquide. La procédure de la banque est simple : on donne son chèque au comptoir d¹accueil et on reçoit en échange un jeton métallique numéroté. Le caissier camerounais est installé dans une sorte de cagna grillagée d’où il appelle, à tour de rôle, les numéros et délivre l’argent contre remise du jeton. 4 Comme je suis dans l’incapacité totale de distinguer les annonces du caissier, je me précipite, jeton tendu, à l’occasion de chaque appel. Il me dissuade courtoisement, la première fois, ensuite, il semble perplexe. Quand enfin arrive mon tour, et que je lui donne mon jeton n° 8, il me remet mes billets avec une extrême lenteur, pour se mettre à la portée d’un client inhabituel au QI apparemment limité. Je peux discerner dans les yeux du brave camerounais une immense compassion dont à l’évidence je suis l’objet, je peux même deviner dans son regard, (et ce n’est pas gratifiant), le fond de sa pensée : " celui-là, c’est le petit blanc, il ne sait même pas compter jusqu’à huit ". LES ACRONYMES ? Suite . . . par Henri Flesselle Après un certain temps de méditation (comme le méritent tous les textes de son auteur), je voudrais prolonger un article du Pélican du Printemps 2008 "Saletés d'acronymes". Je ne reviens pas sur l'objet du courroux de notre ami Christian: la prolifération de tous les sigles qui ont envahi la vie moderne; leur hermétisme, voire parfois l'artifice de leur création, ce qui l'amenait à dénoncer un blocage de la communication avec le reste de la population ! Je note quand même, avec un peu de malice, que depuis longtemps les médecins et autres érudits ne se privaient pas, à défaut d'acronymes, d'inventer des néologismes : et la population ne les comprenait que si elle maîtrisait le latin et le grec (sauf apparemment Molière !). Faudrait-il y revenir ? Mais mon propos est d'éviter au lecteur un amalgame linguistique qui pourrait le troubler davantage : qu'il sache donc que tous les sigles ne sont pas des acronymes, que ceuxci soient composés d'initiales d'autres mots ou de certaines de leurs syllabes ! Notamment SNCF, ETPM et les prestigieuses opérations développées avec M. de Roissard n'en sont pas ! Si on risque d'ignorer la définition précise du mot "acronyme" , c'est qu'il est apparu récemment dans notre langue : en 1968, nous dit la dernière édition du Petit Robert, mais beaucoup plus tard justement dans le Petit Robert lui-même ! Il vient, non du grec comme on pourrait le croire, mais de l'anglais qui l'a forgé sur le grec. L'objet de ce néologisme est de désigner les mots formés artificiellement par la ou les premières lettres d’un groupe de mots, de telle sorte qu'on puisse les prononcer comme un mot normal (on parle de "lexicalisation"), et non en épelant les lettres une à une. Par exemple, "PLCA", le sigle désignant la Pipe – Line Contractors Association, n'est pas plus que SNCF ou ETPM déjà cités, un acronyme, puisque il faut le lire en épelant les lettres ! Lorsqu'on a distingué de l'Association américaine originelle, la branche créée en Europe, et en modifiant alors le sigle en IPLCA, celui-ci n'a pas changé de qualité puisqu'il fallait toujours le prononcer en épelant les lettres. Mais depuis que celui-ci est devenu IPLOCA (Merci, l'Offshore Pétrolier !), on le prononce naturellement en trois syllabes, et le sigle est devenu un acronyme ! Evidemment, la "lexicalisation" de toutes ces initiales contribue à masquer les mots dont elles proviennent et donc le sens de l'acronyme, obscurité possible que C. Compain a justement relevée. Mais est-ce que ce serait vraiment plus clair pour les non – initiés qui devraient retenir cinq mots (anglais) pour parler d'un SONAR, d'un RADAR ou d'un LASER? En tous cas, ces acronymes sont euphoniques et donc faciles à retenir même si leur étymologie est ignorée. 5 Ce caractère mnémotechnique peut même justifier la création de l'acronyme : c'est le cas de Achever utilisé dans l'aviation pour mémoriser des opérations précédant le décollage (A pour Atterrisseur à vérifier, C pour Contact, H pour Huile, pression, température, etc). Il n'y a plus qu'un pas à faire jusqu’à la rétroacronymie, qui consiste à choisir le groupe de mots à abréger en fonction de l'acronyme lui-même préalablement choisi. Des exemples récemment médiatisés me semblent être ainsi ceux des noms des fichiers administratifs "Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale" et de "Centralisation du Renseignement Intérieur pour la Sécurité du Territoire et les Intérêts Nationaux", que vous n'avez peut-être pas retenus exactement mais que vous connaissez probablement par leurs délicats acronymes de EDVIGE et de CRISTINA ! Un autre exemple sympathique de rétroacronyme (que les psychanalystes n'approfondissent pas trop mes associations d'idées !) est celui de la loi américaine "Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism", soit le "USA Patriot Act". N'est-ce pas bien trouvé ? D’ailleurs, la notoriété acquise par certains acronymes, si ce n’est l’autosatisfaction des auteurs de ces trouvailles, conduit quelquefois à les garder alors que les institutions ou les mots qui ont conduit à leur formation ont disparu ! Ainsi, la séculaire Compagnie des Agents de Change avait tout naturellement établi un indice représentatif des cours de bourses en le désignant à partir de ses propres initiales. Or on a supprimé le monopole , l'existence et le nom des agents de change ! Mais le CAC, devenu le CAC 40 ne pouvait vaciller sans entraîner des bouleversements, et on l'a donc maintenu en le rebaptisant officiellement "Cotation Assistée en Continu" ! Ce sont à peu près les mêmes financiers qui ont réformé il y a une quinzaine d'années le MATIF ("Marché à Terme International de France"en le remplaçant par son frère jumeau, le MATIF ("Marché à Terme des Instruments Financiers"). Comme beaucoup d'enfants, il arrive que les sigles et acronymes échappent à l'autorité de leurs parents : lorsque VALLOUREC se dota d'une banque, baptisée Société Industrielle de Banque, qui remplaçait d'ailleurs la SIFT (acronyme tiré de la Société Industrielle et Financière des Tubes), son Directeur Général espérait que le public la populariserait sous le terme d'Industrielle de Banque, mais spontanément clients et confrères la désignèrent sous le nom de SIB. Tous les partis politiques ont des noms prestigieux et prometteurs . . . peut-être trop ambitieux, car ils s'empressent parfois de les faire oublier en ne diffusant plus que des initiales ! Mais ces sigles ont rarement l'euphonie nécessaire pour former des acronymes , qui pourraient contribuer à leur rayonnement ! Une exception notable est celle du NSDAP allemand dont le sigle était sans avenir, mais qui s'est vite développé, à partir des premiers mots (national-sozialistisch) sous le nom de NAZI ! On connaît la suite. Une autre exception est celle que l'humoriste Pierre Dac avait imaginée en se portant candidat aux élections présidentielles de 1965, lorsqu'il annonça qu'il était soutenu par le MOU (Mouvement Ondulatoire Unifié) ; son succès fut tel que l'Elysée intervint pour qu'il se retire ! Même sans acronymes, les politiques font cependant de la rétroacronymie : ainsi l'Union pour la Majorité Présidentielle a cru bon de changer de nom, tout en restant la prestigieuse UMP,(est-ce pour changer de Président ?) et est devenue discrètement l'Union pour un Mouvement Populaire. 6 Enfin, et au risque de vous dégoûter définitivement de ces saletés d'acronymes, je vais vous indiquer celui qui a le record de longueur (d'après Wikipédia) ! il est russe et a 54 lettres (en cyrillique), et même 56 en caractères latins ! c'est : Нииомтплабопармбетзелбетрабсбомонимонконотдтехстромонт soit : Niiomtplaboparmbetzhelbetrabsbomonimonkonotdtekhstromont. Vous trouvez cet acronyme difficile à prononcer ou à retenir ? mais n'est-ce pas beaucoup plus simple que le nom développé de ce qu'il désigne : "laboratoire pour des opérations de couverture, de renfort, de béton et de béton armé pour les constructions composées-monolithiques et monolithiques du département de la technologie des opérations du bâtiment assemblé de l'institut de recherche scientifique de l'organisation pour la mécanisation de bâtiment et l'aide technique de l'académie du bâtiment et de l'architecture de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques". LA PLUS RECENTE CONTREPETERIE de Lucien Pigeon A propos de cette belle bête : La fermière qui vit aux champs et connaît son dû en a gardé l’espèce dans ses formes. 7 LA VANILLE par Christian Compain Voilà encore un sujet qui n’a aucun rapport avec l’offshore. Pourtant tous les lecteurs du Pélican connaissent la vanille depuis leur tendre enfance, ne serait-ce que sous forme de glace à la vanille. La vanille est le fruit, la gousse, du vanillier, une orchidée tropicale d’origine américaine, une liane qui pousse à 3 ou 4 mètres de hauteur en s’accrochant par des racines adventives à n’importe quel support, un peu comme le lierre. J’en avais planté une bouture le long de mon garage, du temps que j’habitais en Afrique centrale. Cela pousse tout seul. Et voilà des fleurs qui apparaissent ; elles sont, comme vous ou moi, soit mâles, soit femelles ; les insectes pollinisateurs mexicains spécialisés n’étant pas toujours présents, il faut procéder à une fécondation médicalement assistée, qui consiste à mettre en contact les étamines d’une fleur mâle avec le pistil d’une fleur femelle. Cela marche à tous les coups ; la preuve, j’ai obtenu, trois mois après, UNE gousse de vanille; vous n’imaginez pas ma fierté ! Donc une gousse (séchée, 3 grammes environ) contient 6 centigrammes de vanilline, son principe odorant majeur, qui est un aldéhyde phénolique de formule C8H8O3, et plus précisément du 3-méthoxy-4-hydroxybenzaldéhyde. Vous avez suivi ? Continuons. La vanilline naturelle est accompagnée de quelques dizaines d’autres molécules odorantes, en quantités très minimes, et c’est le cocktail de tous ces produits qui donne à la vanille naturelle sa pleine saveur. On produit environ 40 tonnes de gousses de vanille par an dans le monde. La formule de la vanille Bien entendu, les industriels de la chimie fabriquent de la vanilline véritable et authentique, et ce n’est pas bien difficile. Recette : mettre en présence du gaïacol (dérivé du phénol) et de l’acide glyoxylique ; on obtient de la vanilline pure, une poudre blanche. Ce n’est pas cher, on en fabrique environ 12 000 tonnes par an. Autrement dit, quand vous achetez une glace à la vanille, vous n’avez aucune espèce de chance qu’elle ait été confectionnée avec de la vanille. 8 L’ennui, c’est que la vanille synthétique a un goût beaucoup moins délicat que la vanille naturelle, précisément parce qu’elle n’est pas accompagnée des autres composants odorants présents dans la gousse de l’orchidée. Alors comment faire ? Eh bien il y a des solutions bio : Faire pousser successivement deux champignons filamenteux, Aspergillus niger et Pycnoporus cinnabarinus (n’ayez pas peur, ce sont des moisissures proches de celles qui poussent sur la confiture ouverte depuis trop longtemps) sur de la pulpe de betterave (c’est à dire le résidu de la fabrication du sucre). Cette pulpe contient de l’acide férulique, que les champignons transforment gratuitement en une vanille naturelle, avec là encore un assortiment de nombreux composants odorants. Autre méthode bio : la matière première du papier est la cellulose du bois, mais il y a aussi dans le bois de la lignine (c’est pour cela que le bois est dur) et les papetiers n’aiment pas la lignine qui fait jaunir le papier. Alors ils séparent chimiquement la lignine et la rejettent avec leurs eaux résiduaires polluées et polluantes. Cette lignine a une molécule très compliquée que l’on peut briser chimiquement ; parmi les débris on peut isoler la vanilline. Moralité : Si vous voulez parfumer votre pâtisserie maison à la vanille, vous avez trois possibilités, c’est vous qui voyez ; 1) Vous achetez des gousses de vanille. C’est bon, c’est hors de prix en Europe. Mon marchand de légumes vend deux gousses de vanille (dans un tube en verre) 4,95 euros, soit environ 825 euros le kilo. 2) Vous achetez de la vanilline synthétique, qui se vend sous le nom d’ « arôme artificiel de vanille » chez les commerçants scrupuleux, et sous le nom d’ « arôme de vanille » chez les autres. C’est moins bon ; départ usine, cela vaut 48 euros le kilo. 3) Vous achetez de la « vanilline biotechnologique » fabriquée à partir des résidus moisis de l’industrie sucrière ou des rejets de l’industrie papetière. On n’en trouve pas partout ; sous prétexte que c’est bio, et que le bio est à la mode, c’est beaucoup plus cher que la vanilline synthétique, mais c’est un peu meilleur. LES HYDROLIENNES par Jean Pepin-Lehalleur. INTRODUCTION L’AOP, notre AMICALE DE L’OFFSHORE PETROLIER, ne peut se limiter au pétrole en mer et se doit se regarder d’autres énergies de l’offshore, elles produites par les vagues et par les courants… Cet article se propose de faire un petit tour (sous-marin) dans le monde des « hydroliennes ». Ce néologisme s’apparente à celui maintenant plus répandu des « éoliennes », machines qui produisent de l’électricité à partir du vent. Les « hydroliennes » sont donc des machines qui visent à produire de l’électricité à partir des courants marins, ceux dus à la marée, en général. 9 L’idée n’est pas neuve et les premiers prototypes ont vu le jour il y a plus de dix ans. Cependant, on assiste actuellement à un engouement pour ce type d’énergie « verte » (plutôt « énergie bleue ») et une profusion de concepts et de sociétés de développement, surtout en Grande-Bretagne, aux USA et maintenant en France. En France, le prix garanti pour ce type d’installation est bonifié par l’arrêté du 01/03/2007: 0.06 €+prime pour petites installations de 0.005 à 0.02 € +prime de régularité en hiver 0 à 0.016 €, par kWh : il y a donc un véritable coup de pouce pour promouvoir ces énergies durables et propres, comme l’éolien. A noter que l’éolien en mer est acheté à 0.013 €/KWh pendant les 10 premières années, tarif considéré comme trop favorable d’après la commission de Régulation de l’Energie. (À comparer à environ 0.05 €/ kWh pour le nucléaire et 0.03 €/ kWh pour le gaz) Les hydroliennes se distinguent des installations du type « moulin à marée » (qui existent depuis le Moyen Age) comme le barrage de La Rance avec ses groupes submergés (puissance 240 MW installés, la plus grosse installation de production électrique en Bretagne) : en effet, les hydroliennes captent le courant au fil de l’eau ; celui-ci fait tourner une turbine qui entraîne un générateur Tout parait simple, surtout quand on lit les articles dithyrambiques de journalistes et promoteurs, qui vantent les mérites d’une énergie si propre .Cependant, rien n’est facile, et les spécialistes de l’offshore savent bien que les installations en mer posent de nombreux problèmes, surtout si elles sont sous-marines…Heureusement le développement de l’industrie offshore pétrolière a permis de très gros progrès dans toutes les technologies nécessaires à la mise en œuvre de ces hydroliennes. Faisons donc un petit tour, qui ne prétend être exhaustif, en hydrolienne … AVANTAGES ET INCONVENIENTS DES HYDROLIENNES La plupart des concepts proposés utilisent les courants de marée pour des lieux spécifiques où le courant est fort (plusieurs nœuds) (1 nœud = 0.5 m/s = 1.8 km/h) et souvent alternatifs ; il y a des courants en surface de 10 nœuds dans le raz Blanchard par vives eaux ! Quelques projets se proposent d’utiliser les courants permanents, beaucoup plus faibles : 1 à 0.5 nœud comme le Gulf Stream , conduisant à des installations énormes qui ne paraissent pas économiques actuellement. Les projets qui semblent les plus réalistes sont basés sur des turbines sous-marines entraînant des générateurs de 100 kW à 1 MW environ pour des courants de marée de quelques (3 à 10) nœuds. AVANTAGES -Le plus gros avantage de l’hydrolienne est une production d’électricité propre, renouvelable et surtout prévisible (il suffit de lire l’annuaire des marées !) : on a de la production d’électricité tous les jours –contrairement aux éoliennes-, production variable en fonction du coefficient de la marée, indépendante des vagues et vents. -Autre avantage : les hydroliennes ne gênent pas la navigation et sont invisibles (la plupart des concepts sont entièrement sous-marins), contrairement aux éoliennes, très critiquées pour leur impact visuel. 10 INCONVENIENTS -Les courants de marée sont cycliques et alternatifs: trois solutions sont proposées en général, chacune posant des problèmes technologique spécifiques : .des turbines à pas variables et réversibles, .des turbines et générateurs tournants dans les deux sens au détriment de la performance, (Rappel : Les éoliennes ont des pales à incidence variable et s’orientent dans le sens du vent, au prix de mécanismes complexes qui sont difficilement transposables au monde sousmarin). .des turbines à axe vertical, qui fonctionnent quelque soit la direction du courant, mais avec faible rendement -La corrosion et les salissures marines demanderont de l’inspection et de l’entretien -La technologie des générateurs électriques sous-marins en est à ses débuts … Il subsiste encore des doutes quand à la fiabilité de ces machines tournantes sous-marines soumises à des efforts variables et alternatifs -Les zones d’implantation d’hydroliennes devront être interdites à l’ancrage et au chalutage. -Il y a peu de zones favorables (moins que pour les éoliennes) c’est-à-dire à fort courant : dans ses goulets ou estuaires (en France : l’Odet, le goulet de Brest,…), ou le long de certaines côtes, comme la Bretagne Nord et le Cotentin ou le long de certaines îles (en Bretagne et les îles Anglo-Normandes). Il y a plusieurs sites identifiés en Grande Bretagne, en Irlande, au Canada, aux USA et en Australie. Pour l’anecdote, citons les passes de certains atolls du Pacifique. -Le problème principal reste l’accès aux installations pour entretien ou réparation : il faut des moyens spécifiques et travailler par temps calme à l’heure de l’étale (Les spécialistes des travaux offshore apprécieront à sa juste valeur ce que cela implique...) Tous les développements actuels visent à donner des réponses à ces inconvénients ; des prototypes des différents concepts ont été évalués depuis plus de 10 ans ou sont en cours d’évaluation. A ce jour (fin 2008), il n’existe pas encore de grosse installation industrielle d’hydroliennes : une première installation de 2 x 600 kW de Marine Current Turbines est en fonction en Irlande et est connectée au réseau national. D’autres doivent suivre.La première installation en France devrait voir le jour (plutôt l’eau..) en 2011, si les essais du prototype sont concluants (voir plus loin) LES CONCEPTIONS PROPOSEES Il y a de très nombreux concepts et la liste ci-dessous n’est certainement pas exhaustive. Les concepts étant assez innovants et protégés souvent par des brevets, il y a peu de détails techniques disponibles. Nous présentons les projets dans l’ordre de leur maturité apparente à ce jour ; 11 -Concept « SEAGEN » de MCT (Marine Current Turbines) : voir illustration. Ce concept est le plus avancé : une première installation de 2 x 600 kW avec 2 turbines bipales de 16 mètres de diamètre, est raccordée sur le réseau irlandais à Langford Lough près de Belfast où on trouve des courants de 8 nœuds ; d’autres machines devraient suivre. Un prototype de 300 kW a été essayé en 2003 au large du Devon. Le concept n’est pas très innovant et est conçu pour des faibles profondeurs, mais résout la plupart de difficultés énoncées plus haut,sauf l’interférence avec la navigation : un gros pieu supporte deux turbines de part et d’autre. Celles-ci peuvent être relevées pour entretien ou réparation (une pale a du être changée cet été).Les pales sont à pas réversible (et pas variable ?) pour tenir compte de la direction alternative du courant. Il semble qu’il ait un système de transmission hydrostatique entre les turbines et les générateurs. -Concept« LUNAR ENERGY » de Rotech Engineering. (Voir illustration) C’est bien sûr la lune qui provoque les marées qui provoquent les courants, d’où ce nom bien poétique! Ce concept est basé sur une turbine multi-pales entraînant un générateur électrique via un « standard marine hydraulic motor ».L’ensemble est placé dans un conduit convergentdivergent symétrique du fait du sens alternatif du courant. L’ensemble turbine et générateur peut être relevé pour entretien ou réparation. Un prototype a été essayé en 2007 et 2008 au centre d’essais « European Marine Energy Center » situé aux Orkneys. Un Joint Venture Anglo-Coréenne a été crée pour un projet de 300 turbines en Corée ! La transmission hydrostatique semble être le point faible du concept, car pas très fiable et peut-être complexe. -Concept « OPEN HYDRO » (voir illustration) La conception est basée sur une turbine multi-pales avec un trou au centre (d’où son nom) et un générateur électrique périphérique, sur la circonférence extérieure de la turbine. Il y a donc un seul palier et pas d’accouplement turbine/générateur. Les pales sont fixes et donc 12 l’ensemble tourne alternativement dans un sens puis dans l’autre quand le courant s’inverse comme dans le concept précédent. Aucun détail n’est publié sur le type de générateur ni le nombre de pôles, mais le fait que son diamètre soit maximisé est favorable .Le point crucial semble être la conception d’un grand palier qui doit assurer un petit entre-fer constant entre le rotor et le stator du générateur. L’ensemble est très compact et simple. OPENHYDRO est une société irlandaise qui a levé 50 M £ avec plusieurs partenaires. Un prototype a été testé au centre EMEC en 2008 et un autre vient d’être installé à Bréhat. Si les essais sont favorables EDF envisage 4 à 10 turbines en 2011 : 2 à 4 MW au total pour 23 à 27 M€.(On est loin des 1M € /MW des éoliennes !) Il y a un projet de 285 MW à Aurigny et un autre dans la baie de Fundy au Canada. -Concept HYDROHELIX de la société française SABELLA SAS (ex HYDROHELIX ENERGIE). (Voir illustration) Cette société propose des turbines multipales à pas fixes de 10 m de diamètre entraînant directement un générateur électrique. Un prototype de 1.5 m de diamètre a été installé dans l’Odet début 2008 avec le financement partiel de diverses autorités publiques bretonnes. -AUTRES CONCEPTS. Il y a beaucoup d’autres réalisations, prototypes ou concepts en cours de développement. La difficulté de tous les promoteurs est la finance : à partir d’une idée, il faut fabriquer et tester en vraie grandeur un ou des prototypes suffisamment grands pour intéresser les clients potentiels ; or ceci coûte très cher et de nombreuses idées tombent à l’eau (un comble pour une hydrolienne…) faute de financement. Citons parmi d’autres : -HAVEST du Laboratoire des Ecoulements Géophysiques et Industriels de Grenoble qui propose des turbines horizontales disposée en grappes entre des flotteurs et le fond. Le concept de la turbine horizontale ne donne pas de bon rendement mais celle-ci fonctionne quelque soit la direction du courant. -VERDANT POWER : seule véritable réalisation industrielle aux USA mais de très faible taille : 6 turbines entraînant chacune un générateur de 35 KW seulement, s’orientant dans le courant de l’estuaire de l’East River à New-York. 13 -DAVIS HYDROTURBINE de BLUE ENERGY INTERNATIONAL (Canada) : des turbines verticales installées par faible profondeur sur des structures fixes en béton. Le générateur est en aérien .Plusieurs prototypes de faibles puissances ont été construits. -STINGRAY TIDAL STREAM ENERGY de la société Néerlandaise IHC BUSINESS LTD, basée sur le battement d’une pale horizontale (comme la queue d’une baleine) ,qui entraîne un vérin hydraulique. Projet suspendu faute de financement. -THAWT (Transversal Horizontal Water Turbine) par l’Université d’Oxford: concept innovant qui propose un rotor horizontal de 10 m de diamètre et 60 m de long (!) pour produire 12 MW. Prototype en 2009. -HYDRO-GEN de la société AQUAPHILE : une roue à aube placée entre les deux flotteurs d’un catamaran entraîne un générateur. Un petit prototype a été essayé en Bretagne en 2008. -WATFORCE de GUINARD ENERGY : le concept innovant est basé sur des turbines de grand diamètre, s’orientant dans le sens du courant, et entraînant chacune une pompe haute pression. L’eau de mer est envoyée à terre par une conduite sous-marine et alimente une turbine HP du type Pelton qui entraîne un gros alternateur. -Il y a des projets pour la Norvège, l’Australie, la Nouvelle–Zélande, le Japon, la Floride le détroit de Messine…avec des turbines fixes ou suspendues sous des flotteurs en général. Comme on voit, les idées ne manquent pas ! LE FUTUR : QUE PEUT-ON-ESPERER DANS L’AVENIR PROCHE ? Nous entrons dans la prospective… De nombreux projets et prototypes ont fleuri depuis quelques années, et surtout depuis 2007/2008, avec nos préoccupations environnementales, les engagements de l’Union Européenne, le prix du pétrole et les subventions pour l’énergie renouvelable. Malgré tous les essais, les nombreux colloques, déclarations et articles, les nombreuses agences nationales et internationales, il faut avouer que le problème de réaliser et exploiter une ferme d’hydroliennes de façon rentable reste d’actualité. Les diverses réalisateurs sont très discrets sur les technologies utilisées et tous ont eu de déboires et des surcoûts. Espérons que, grâce au prix bonifié et aux essais en cours les opérateurs se décideront au lancement de grosses installations industrielles, à partir de 2010 ( ?) en Bretagne et en Grande Bretagne. Il y a actuellement une grosse pression entre les concurrents car le marché assez limité du fait du nombre réduit de sites favorables, quoiqu’en disent les promoteurs. D’après certains d’entre eux, il y aurait un potentiel de 3 à 6 GW (équivalent à 2 à 3 centrales nucléaires) en France, soit 5000 hydroliennes ! 10 % de ces chiffres nous paraissent raisonnables, au moins dans les 20 ans à venir, tant qu’il y aura des centrales nucléaires. (Pour information, le surcoût des éoliennes, telles que prévues à l’horizon 2015, est estimé entre 1.7 et 2.1 Milliards d’€ par an selon la commission de régulation de l’énergie .Espérons que le parc d’hydroliennes ne coûte pas autant aux Français !)Affaire à suivre … comme l’autre énergie renouvelable de l’offshore : celles des vagues, mais c’est un autre sujet (peut-être plus tard !) 14 LIBERATOR EN LIBYE par Steve Johnson J’ai travaillé deux ans en Libye, de 1960 à 1962 ; j’étais basé à Tripoli mais passais beaucoup de temps sur le champ (NDLR : de pétrole). C’était donc avant l’ère Kadhafi. Le roi Idriss, un chef religieux sénoussi, investi par les alliés, était sur le trône depuis 1951. Du pétrole avait été découvert en 1959 par Esso à Zelten et de nombreuses compagnies exploraient activement. Shell avait un derrick en Tripolitaine et deux en Cyrénaïque. Les distances étaient longues et nous volions surtout sur les DC3 de Silver City Airways. Nous enregistrions beaucoup d’heures de vol. Un de mes premiers boulots fut de créer une piste d’atterrissage à Agédabia. Nous avons engagé une troupe de nomades pour ramasser les pierres, les aligner sur le côté de la piste et les peindre en blanc, comme dans l’armée. Puis nous avons dressé un mât avec une manche à air Shell, rouge et jaune. Comme nous allions partir, l’un des indigènes vint me voir pour être le « khafir », celui qui fait gaffe, donc le gardien de la piste. Naïf que j’étais, je lui dis que nous n’avions pas besoin de « khafir », et nous avons décollé pour Tripoli. En revenant trois jours plus tard, plus de manche à air ; il restait le poteau. Mais le même bédouin était toujours là, suggérant que nous devions engager un « khafir ». Il portait une djellaba à rayures rouges et jaunes. Du coup j’ai compris ! Nous sommes tombés d’accord sur un salaire de 20 livres par mois. La guerre avait pris fin depuis longtemps et les derniers combats dans le désert avaient eu lieu 18 ans auparavant, mais il en subsistait de très nombreuses traces. Au Sud de Benghazi, où nous devions forer le puits sec le plus profond du pays, tous les sites et leurs voies d’accès devaient être déminés. Cela faisait également partie de mon job. Ce qui m’amusait était que mon entrepreneur de déminage soit un allemand. Quand il avait terminé son travail sur un secteur, il utilisait un bédouin qui y promenait ses chameaux, juste pour vérifier... Partout sur notre concession 41 en Cyrénaïque, on pouvait encore voir des traces de chenilles dans le sable ; c’était assez surprenant. Il y avait aussi des caisses de cartouches en laiton, des jerrycans, des caisses d’obus et des boîtes de singe disséminées partout, ainsi que des véhicules incendiés, irrécupérables. Mohammed Nga, notre transporteur de rigs, possédait quatre camions Kenworth et une flottille de camions plus petits. Il avait fait fortune en vendant de cette ferraille. Il m’a dit qu’il avait commencé sa récupération avec une charrette à bras et qu’il s’était tout d’abord spécialisé dans le cuivre et le laiton. « LADY BE GOOD » est le titre d’un film de 1941 tourné sur le thème d’une comédie musicale antérieure de Fred Astaire à Broadway, avec un tube de Gershwin qui a gagné un oscar et qui était « The last time I saw Paris ». C’était aussi le nom donné par son équipage à un bombardier Liberator B24 basé 30 miles au Sud de Benghazi qui a effectué sa première et seule mission en territoire ennemi en 1943. Cet avion, longtemps perdu, fut finalement repéré lors d’un survol par un géologue de B.P., à 385 miles au Sud de Tobrouk Il en informa les Américains de la base aérienne de Wheelus, mais il fallut encore dix-huit mois pour que toute l’histoire soit reconstituée. En 1959, d’autres prospecteurs de B.P., partis en Landrover de l’oasis de Koufra, repérèrent l’avion et l’examinèrent pour enquête. Le Liberator géant gisait sur le ventre, l’arrière brisé, l’empennage double de travers. Chose bizarre, tous les équipements semblaient 15 intacts; le matériel d’équipage était toujours en place, les munitions étaient engagées dans les canons. Il n’y avait pourtant aucune trace de l’équipage ni aucun parachute, ce qui conduisait à penser que l’avion avait atterri tout seul. Ils relevèrent le numéro de série, prélevèrent à titre de souvenirs le sextant, le viseur de bombardement et le chronomètre, et poursuivirent leur route avec leurs observations. Un mois plus tard, ils en informèrent les forces aériennes américaines de Wheelus, à la suite de quoi une équipe entama des recherches. En conclusion il apparut que l’avion était tombé en panne de carburant ; la radio, le compas et les canons étaient en état de marche. A l’intérieur, ils trouvèrent un thermos de café, des paquets de cigarettes et des mégots éparpillés ; les rations de survie étaient intactes et le livre de bord mentionnait les noms de l’équipage. L’équipe passa deux jours à prospecter les environs immédiats, sans trouver d’autres indices. Les Américains décidèrent d’une recherche approfondie et engagèrent les services de spécialistes du désert. Ils commencèrent sur le site du crash et prospectèrent vers le Nord. A 8 miles de là, ils trouvèrent des traces de pneus. Devinant que l’équipage aurait pu aussi les trouver, ils suivirent les traces et tombèrent bientôt sur le premier indice, une paire de bottes de vol. Puis ils trouvèrent un premier fanion de parachute, et, un peu plus tard, une pile de six gilets de sauvetage. Les enquêteurs poursuivirent le long de la piste ; ils trouvèrent d’autres fanions, mais rien de plus. Considérant comme impossible que les survivants aient pénétré dans la mer de sable, la recherche fut étendue à l’ensemble du plateau. Durant les deux semaines suivantes, ils ne découvrirent rien ; il fut alors décidé d’amener deux hélicoptères pour ratisser la totalité de la zone, et enfin d’en prendre des photos aériennes. Rien ne fut découvert ; après trois mois de travail, les opérations furent arrêtées. Six mois plus tard, une autre équipe, de B.P. celle-là, trouva des restes humains au centre de la zone couverte par la prospection précédente. L’armée de l’air américaine envoya un autre avion qui, ayant atterri à côté du campement, découvrit cinq corps groupés, entourés de vêtements personnels, ainsi qu’un agenda. Les pétroliers se joignirent au groupe de l’armée américaine en une cérémonie de prières au dessus des squelettes. Une prospection supplémentaire par hélicoptère fut effectuée et les personnels de B.P. signalèrent la découverte de deux autres squelettes au milieu des dunes, dont l’un avec un agenda. En 1961, une hélice provenant du LADY BE GOOD fut transportée à Wheelus, la base aérienne proche de Tripoli, et un vitrail commémoratif y fut placé dans la chapelle. Lorsque Kadhafi renversa le roi Idriss en 1969 et que les forces américaines et britanniques partirent, ces reliques furent transférées aux U.S.A. L’histoire, reconstituée, est la suivante : Le dimanche 4 avril 1943, le LADY BE GOOD devait prendre part à un raid sur le port de Naples ; son équipage de neuf hommes venait d’arriver et c’était sa première mission. 16 17 Un premier groupe de 12 bombardiers partit comme prévu, mais le sable brassé par leurs décollages endommagea les moteurs du second groupe, et 4 avions seulement sur 13, dont le LADY BE GOOD, purent décoller. Le temps d’arriver, il faisait trop sombre pour viser, ils ont largué leurs bombes au hasard, fait demi-tour et se sont éparpillés. A 23 heures 10, un dernier Liberator atterissait à Soluch. 24 sur 25 étaient là, tous sauf le LADY BE GOOD. Peu après minuit, la station de radio Benina recevait un appel demandant un relèvement ; on leur indiqua 330 degrés magnétiques. Il y avait en fait une erreur de 180 degrés ! L’équipage, pensant avoir un fort vent de face et n’ayant pas encore atteint la côte, volait vers le Sud-Est au cap de 150 degrés. Une heure plus tard, ils s’aperçurent que quelque chose clochait, mais étaient hors de portée par radio. Le pilote, Bill Hatton, décida qu’il était préférable de sauter plutôt que de faire un amerrissage forcé ; il vola donc en ligne droite et à altitude constante et donna ordre de sauter. On peut imaginer le choc des membres d’équipage qui avaient gonflé leurs gilets de sauvetage pour tomber à l’eau et qui se retrouvaient en plein désert de sable ! En fait, huit hommes atterrirent sans dommage ; ils cherchèrent le neuvième mais ne le trouvèrent pas. Le seul repère était un pointement rocheux à quelques miles de là. Ils se dirigèrent dans sa direction, et, trouvant des traces de pneus dans le sable, orientées à peu près Nord-Ouest, ils les suivirent en déposant un fanion de parachute orienté dans la même direction. Ils n’avaient qu’une bouteille d’eau pour eux tous. Ils ont marché puis se sont reposés la nuit, puis ont marché 10 miles, puis déposé un autre fanion. Le matin suivant ils ont mis en pile leurs gilets de sauvetage et ont marché tout un jour avec seulement une cuillérée d’eau pour chacun, et placé un fanion au 25ème mile. Le soir du mercredi 7, affaiblis, découragés, sans aucune aide en vue, ils arrivèrent au bord de la grande mer de sable. Le vendredi 9 au soir, ils avaient parcouru 65 miles, mais cinq d’entre eux étaient si éprouvés qu’ils durent s’arrêter ; ces hommes ont ajouté trois notes sur leurs agendas, la dernière le lundi, huit jours après leur atterrissage. Pendant ce temps, les trois derniers avançaient dans les dunes. Un tomba vingt miles plus loin, un autre s’effondra peu après. Le dernier tituba après avoir marché 90 miles au total, et expira. A posteriori, on peut dire que l’équipage et aussi la base aérienne ont commis des erreurs : Les opérateurs radio au sol auraient dû comprendre qu’un appel, parvenant une heure après que tous les autres avions soient de retour, voulait probablement dire que le LADY BE GOOD avait dépassé la base et s’en éloignait en direction du désert. De son côté, l’équipage aurait dû vérifier sa position avec son propre compas ADF à courte portée, alors que, apparemment confiants qu’ils atteindraient la côte dans quelques instants, ils ont volé vers la mort dans le désert libyen. 18 LA DEVINETTE DU PELICAN : QUI EST-CE ? par C. Compain 1818 est l’année de sa naissance, à Trèves, au bord de la Moselle, dans une famille de grands bourgeois. Son père, avocat éminent, était un juif converti au protestantisme ; sa mère, d’origine plus modeste, née en Hollande, eut au total sept enfants, qui tous furent élevés dans la religion luthérienne. Après des études secondaires médiocres, il devint à seize ans étudiant en droit à Bonn, ce qui ne lui convint pas. Il étudia ensuite la philosophie à Berlin. A l’instar des étudiants allemands de l’époque, qui buvaient de la bière des nuits entières, il se saoulait le soir, mais de préférence au porto et au champagne ; il récolta une arcade sourcilière fendue lors d’un duel au pistolet et passa une nuit au cachot pour ivresse publique et tapage nocturne. Ajoutons qu’il fut exempté de service militaire pour tuberculose. Eh bien, malgré tout, il devint docteur en philosophie en 1841. Entre temps, il avait revu à Trèves durant les vacances une amie d’enfance, une voisine, fille d’un haut fonctionnaire, nous dirions un sous préfet. Cette demoiselle de vingt deux ans était ravissante, c’était la plus belle fille de la ville. De surcroît elle était baronne Jenny von Westphalen, et lui était très sensible à cette appartenance à la noblesse ; son grand père Philip Westphal avait été anobli en 1763 ; sa grand-mère Jeannie Wishart of Pittarow appartenait à l’illustre famille écossaise des comtes d’Argyll. Le frère de Jenny fut plus tard, en 1850, ministre de l’intérieur du Royaume de Prusse. Jenny et lui devinrent amoureux fous. Ils se fiancèrent secrètement en 1836, se marièrent sans cérémonie en 1841 et s’établirent à Kreuznacht. Lui trouva un emploi de journaliste au Rheinische Zeitung ; hélas, ce journal fut interdit par la censure en 1843 sous divers prétextes, dont celui de francophilie. 1843. Nos jeunes mariés émigrent à Paris, rue Vaneau. Lui devient codirecteur des « Annales franco-allemandes » au salaire de 1800 francs par an. Encore hélas, ce journal ne publiera qu’un seul numéro, mais le couple mène une vie mondaine très active ; il reçoit le gratin intellectuel de la capitale ; les discussions se prolongent souvent tard dans la nuit, mais lui est en somme chômeur. Ils subsistent grâce à une collecte faite à leur profit à Cologne par un ami (6000 francs), et de dettes qui ne seront jamais remboursées. Et voilà que la police lui notifie un arrêté d’expulsion du territoire français. 1845. Le couple se réfugie à Bruxelles avec son premier enfant. Il est absolument sans ressources et lui ne fait aucun effort pour trouver un emploi. Ils vendent l’argenterie aux armes des comtes d’Argyll (c’était la dot de Jenny), empruntent à la famille et aux amis, et font des enfants (le troisième naîtra en 1846). Lui parle beaucoup et écrit un peu. En 1848 il obtient une avance de 600 francs sur l’héritage de son père, et du coup embauche une jeune servante, Hélène Demuth. Il renie officiellement sa nationalité prussienne, car il n’apprécie pas le régime prussien, en sorte qu’il devient apatride ; il le restera ensuite toute sa vie. Et voilà qu’un ordre d’expulsion est émis par le gouvernement belge ! 1848. Le couple s’installe à Cologne ; lui y fonde un journal quotidien, le Neue Rheinische Zeitung , qui est financé par la bourgeoisie locale, et en partie par le solde de l’héritage du père avocat. En seront publiés 301 numéros. Et voilà encore un arrêté d’expulsion ! Ils se sauvent à Paris où ils font encore l’objet d’un arrêté d’expulsion ! 19 1850. Les voilà à Londres, dans un misérable deux pièces poussiéreux, Dean Street. Lui monte un journal intitulé Revue, qui disparaît rapidement. Heureusement, un vieil et fidèle ami, qui a hérité d’une manufacture à Manchester, et qui est très à l’aise, lui poste chaque mois deux enveloppes contenant chacune la moitié d’un billet de cinq livres. La belle servante Hélène Demuth est toujours là, fidèle au poste. Elle accouche en 1851 d’un garçon. Lui veut absolument, mais en vain, que son vieux copain, celui qui le fait vivre, endosse la paternité du gamin. L’enfant portera donc le nom de sa mère, Frédérick Demuth ; il est certain que c’était le fils, le seul fils, de notre personnage ; d’ailleurs il lui ressemblait étrangement. 1853. Miracle ! Le New York Daily Tribune, qui tire à 200 000 exemplaires, lui demande deux articles par semaine. Et puis voilà que Jenny hérite de sa mère. L’aisance est là. La famille emménage dans une jolie maison, Grafton Terrace, en 1856. Lui fournira 212 articles au journal américain, puis la collaboration s’interrompra. Evidemment la dèche réapparaît. Il va quémander de l’argent auprès d’un oncle banquier en Hollande, qui lui avance 160 livres à valoir sur l’héritage de sa mère. Au passage, il séduit Nanette, la fille du banquier, 24 ans, « équipée de dangereux yeux noirs », qu’il appelle « ma douce petite cousine ». Fermons les yeux… Il va encore extraire 400 thalers d’un certain Lassalle, un ami qu’il qualifie de « nègre juif », et Lassalle l’emmène à l’opéra de Berlin dans la loge voisine de celle où se trouve Guillaume premier, Empereur de Prusse. Enfin sa mère à lui décède. Hourrah ! Il ne pouvait pas la souffrir. Il perçoit l’héritage. Un malheur n’arrivant jamais seul, un de ses vieux amis, un certain Lupus, décède aussi et lui laisse son héritage (700 livres). 1864. Tout va pour le mieux. Les voilà presque riches. Lui en profite pour boursicoter sur des valeurs américaines (400 livres de gains dès le début). Ils emménagent dans une belle maison de trois étages, 1 Modena Villas, Maitland Park, Haverstock Hill, à Londres. Jenny donne un bal somptueux pour faire plaisir à ses trois ravissantes filles. Lui devient un « élégant cavalier rayonnant de charme et de courtoisie » qui, à l’occasion d’un voyage en Allemagne, séduit une certaine Madame Tenga, 34 ans. Entre les réceptions mondaines et l’accueil des amis, il prend un peu de temps pour écrire un livre, le premier et le dernier. Cet ouvrage sera publié à Hambourg en 1867. 1867. Le vieil ami de notre personnage, l’industriel de Manchester, hérite de son père. Encore un héritage dans cette histoire… Il décide de payer toutes les dettes de notre héros et de lui verser une rente à vie de 350 livres par an. C’est la fortune. Lui n’a plus aucune activité. Ses filles sont mariées et mères de famille. Jenny souffre de diverses maladies et meurt en 1881. Il est lui-même atteint de plusieurs maux chroniques. Il va de cure en villégiature, il joue au casino de Monte Carlo, il prend les eaux à Enghien et meurt à Londres en 1884. ALORS QUI EST-CE ? On vous en a donné des détails sur ce Monsieur… Enfin, bon, si vous n’avez pas encore trouvé, voici un renseignement supplémentaire : Il prônait l’abolition de l’héritage ! 20 LES HOTELS CONVENABLES par Christian Compain Le Pélican, toujours soucieux de rendre service à ses lecteurs et de leur éviter les mésaventures occasionnelles qui pourraient ternir leur vie quotidienne, a jugé utile de leur indiquer quelques hôtels susceptibles de les accueillir dans des conditions de confort et de respectabilité compatibles avec leur notoriété et la qualité ordinaire de leur mode de vie. Une sélection préliminaire de 500 établissements a été effectuée par l’organisation Relais et Châteaux. Nous avons cru devoir écarter les hôtels qui se refusent à offrir des chambres à plus de 500 euros par nuit, considérant à l’évidence que la piètre qualité de leurs prestations leur interdisait d’en attendre une rémunération aussi modeste. Hélas de nombreuses régions du monde n’offrent aucune chambre à plus de 500€. Les lecteurs qui seraient contraints par les vicissitudes de leur existence de s’y rendre doivent craindre de ne pouvoir y être hébergés que dans des bouges sordides à la clientèle indigente, voire mal famée. C’est le cas en particulier du Nord de la France, de la Belgique, des Pays Bas, de l’Allemagne, de l’Europe de l’Est, de la Scandinavie, des pays arabes, d’Israël, de l’Afrique noire, de l’Extrême Orient (à l’exception du Japon), du Canada, de l’Australie et de la quasi totalité de l’Amérique du Sud. Les tarifs que nous indiquons sont ceux d’une chambre simple mais convenable. Nous n’avons pas évoqué les prix de suites ou d’appartements dans ces mêmes hôtels, qui sont évidemment plus onéreux. Selon les usages régionaux, le service et même parfois le petit déjeuner peuvent se trouver inclus. Se renseigner à l’arrivée. HOTEL MOITIE NORD DE LA FRANCE (euros) Hôtel de Vigny Château des crayères Bas Rupt et Chalet Fleuri SUD OUEST DE LA FRANCE Castel Marie-Louise Le Richelieu Château de Mirambeau Michel Trama Hostellerie de Plaisance Le Parc Victoria RHONE ALPES Château de Bagnols Hameau Albert Premier Chalet Le Mont d’Arbois Le Grand Cœur et Spa LOCALITE 21 TARIF Paris, rue Balzac Reims Gérardmer 520 545 500 La Baule La Flotte-en-Ré Mirambeau Puymirol Saint Emilion Saint Jean de Luz 523 520 525 500 520 690 Bagnols Chamonix Megève Méribel 605 600 830 575 PROVENCE,COTE D’AZUR,CORSE Le petit Nice Passedat Villa Gallici Hôtel du Castellet Le Club de Cavalière et Spa Hôtel Résidence de la Pinède Villa Belrose Le Mas Candille Hôtel Impérial Garoupe Le Mas de Pierre Le Château du Domaine Saint Martin Château de la Chèvre d’Or La Villa Grand Hôtel de Cala Rossa SUISSE (euros) Alden Hotel Splügenschloss Chalet d’Adrien AUTRICHE (euros) Gasthof Post Tennerhof GRANDE BRETAGNE (livres) Le Manoir aux Quat’ Saisons Chewton Glen ITALIE (euros) Hotel Hermitage L’Albereta Hotel Gardena Grödnerhof Hotel-Spa Rosa Alpina Bauer Palladio Hotel-Spa Villa la Vedetta Hotel la Collegiata Hotel Cala del Porto Hotel Il Pellicano La Posta Vecchia San Pietro di Positano Caesar Augustus Il Melograno ESPAGNE (euros) Mas de Torrent Hotel& Spa GRECE (euros) Elounda Mare Hotel La Maltese Estate Zannos Melathron Hôtel TURQUIE (euros) Mehmet Ali Aga Mansion TANZANIE (US$) Singita Grumeti Reserves AFRIQUE DU SUD (rands) Londolozi Private Game Reserve The Marine Hermanus 22 Marseille Aix en Provence Le Castellet Le Lavandou Saint Tropez Grassin Mougins Le Cap d’Antibes Saint Paul de Vence Vence Eze village Calvi Porto Vecchio 570 740 550 770 905 810 660 640 580 860 850 540 920 Zürich Verbier 910 516 Lech am Arlberg Kitzbühel 750 586 Oxford New Milton 540 517 Breuil-Cervina Erbusco Val Gardena San Cassiano Venise Florence Gimignano Punta Ala Porto Ercole Ladispoli, Rome Positano Anacapri Bari 600 575 540 600 770 980 520 770 813 590 600 560 600 Torrent 640 Crète Santorin Santorin 950 600 970 Datça 700 Serengetil 3000 Johannesburg Hermanus 7900 3900 Kurland Gorah Elephant Camp Marataba Safari Company The Cellars-Hohenort Hotel Ellerman House Bushmans Kloof Wilderness Reserve and Retreat JAPON (yens) Gôra Kadan Seiryuso Asaba Etats-Unis (US$) The Mayflower Inn Blantyre Castle Hill Inn & Resort Lake Placid Lodge The Point The Charlotte Inn The Wauwinet Blackberry Farm Woodlands Resort and Inn Triple Creek Ranch The Home Ranch The Little Nell Les Mars Hotel Meadowood Napa Valley Auberge du Soleil L’auberge Carmel ANTILLES FRANCAISES (euros) Eden Rock ARGENTINE (US$) El Colibri Plettenberg Bay Plettenberg Bay Plettenberg Bay Cape Town Cape Town Pinelands 3280 9900 8700 4500 7900 5600 Hakone Shizuoka-ken Shizuoka-ken 130 000 106 000 105 300 Washington Lenox Newport Lake Placid Saranac Lake Edgartown Nantucket Walland Summerville Darby Clark Aspen Healdsburg St Helena Rutherford Carmel 715 850 1159 750 2600 695 1025 1095 650 995 750 900 1025 950 1025 625 St Barthelemy 950 Santa Catalina 775 LE GROUPE VALLOUREC Tous ceux qui travaillent (ou ont travaillé) dans l’offshore ont eu affaire un jour ou l’autre à des tubes Vallourec. Bon. Mais savent-ils ce qu’est Vallourec ? Un groupe français, certes, qui fabrique des tubes, soit. Mais ils seront peut-être heureux de picorer quelques informations complémentaires et inattendues, issues pour l’essentiel du rapport annuel 2007 du groupe. QUELQUES MOTS D’HISTOIRE 1890-1899 Création de 5 sociétés de fabrication de tubes en acier à Montbard (21) et à Valenciennes, Louvroil, Recquignies et Aulnoye (59). 1930 Les usines de Valenciennes, Louvroil et Recquignies s’associent. 1952 L’association devient la société Vallourec. 1965 Invention du joint VAM, spécialement pour les tubes de forage. 23 1967 1975 1982 1985 1988 1992 2000 2001 2002 Acquisition des activités de fabrication de tubes du confrère la société LorraineEscaut. Acquisition du confrère la Compagnie des Tubes de Normandie (groupe Pont à Mousson). Prise de contrôle de la Société de Grands Travaux de Marseille, en apportant la société de travaux publics Entrepose pour former la société G.T.M.-Entrepose. Vente de la S.I.B., banque interne de Vallourec. Vente de G.T.M.-Entrepose à la société Dumez. Création de « V&M tubes » par Vallourec (55%) et Mannesman Rôhren Werke (45%), le confrère allemand. Acquisition de « V&M do Brazil ». Vente de la société « Le Métal Déployé ». Acquisition de « V&M Star » aux U.S.A. VALLOUREC AUJOURD’HUI Eh bien la société Vallourec n’est plus de nos jours une société de fabrication de tubes. Pas du tout. C’est une société holding qui n’a aucune activité industrielle propre. Vallourec contrôle majoritairement une soixantaine de sociétés dans une douzaine de pays, lesquelles fabriquent des tubes d’acier qui sont vendus sous le nom de Vallourec. Principe de jacket offshore construit en tubes carrés 24 On peut noter que le groupe a abandonné délibérément depuis trente ans certaines fabrications qui constituaient auparavant la plus grande partie de ses activités. C’est le cas des tubes soudés longitudinalement ou en hélice de grands diamètres (pipe-lines, canalisations souterraines, pieux de fondations), des tubes soudés de petits diamètres (chauffage central, échafaudages, cadres de vélo, clôtures, candélabres d’éclairage public, fabrications mécaniques). De même, Vallourec a arrêté progressivement son implication dans les sociétés de travaux publics, de fabrication de tubes plastiques, de revêtements anti-corrosion. Actuellement, le groupe Vallourec se consacre presque exclusivement à la fabrication de tubes sans soudure destinés aux forages pétroliers ; il en est le premier producteur mondial. En amont, il possède des aciéries qui lui fournissent une partie de sa matière première. En aval, il effectue les parachèvements indispensables sur les tubes de forage (traitements thermiques, filetages et en particulier joints VAM). En complément, le groupe produit des tubes destinés à certains autres usages requérant une forte technicité. ETABLISSEMENTS DU GROUPE VALLOUREC (hors participations minoritaires) ACIERIES ELECTRIQUES Saint Saulve (59) Belo Horizonte (Minas Geraes) Yougstown (Ohio) TUBERIES SANS SOUDURE Aulnoye-Aymeries (59) Saint Saulve (59) Montbard (21) Deville-les-Rouen (76) Mühlheim (Rhénanie du Nord-Westphalie) Düsseldorf-Rath - id Düsseldorf-Reisholz - id – Belo Horizonte (Minas Geraes) Youngstown (Ohio) TRAITEMENTS THERMIQUES Aulnoye-Aymeries (59),Cosne sur Loire (58), FILETAGES SUR TUBES Villechaud (58), Tarbes (65) PRODUITS TUBULAIRES DIVERS pour pétrole et gaz Houston (Texas), Nisku (Alberta) Clydesdale Bellshill (Ecosse) Belo Horizonte (Minas Geraes) Veracruz (Mexique) Changzou (Chine) Vung Tan (Viet Nam) Ile de Batam (Indonésie) TUBES SOUDES en titane, inox ou cuivre pour centrales électriques Les Laumes (21) Morristown (Tennessee) TUBES MINCES pour mécanique Changzou (Chine) et Xi’an (Chine) TUBES pour vérins Hyderabad (Inde) Bupyung (Corée du Sud) COURBES ET REDUCTIONS Maubeuge (59) TUBES POUR ROULEMENTS Montbard (21), La Charité sur Loire (58) Krefeld (Rhénanie du Nord-Westphalie) 25 TUBES SOUDES EN INOX pour centrales nucléaires Montbard (21) CENTRE DE RECHERCHES Aulnoyes-Aymeries (59) FILIALES de SERVICES et/ou de COMMERCIALISATION en Allemagne, Belgique, Italie, Suède, Ecosse, en Chine, à Singapour, à Dubaï, aux U.S.A. (Houston et Pittsburg), au Canada, en Angola, au Nigéria. CHIFFRE D’AFFAIRES Le chiffre d’affaires du groupe Vallourec en 2007a été de 6141 millions d’euros qui se répartissent comme suit, en pour cents : REPARTITION GEOGRAPHIQUE REPARTITION PAR MARCHES France 7 Allemagne 18 Autres pays européens 14 Amérique du Nord 19 Brésil 12 Chine 10 Asie,autres,et Moyen Orient 11 Divers 9 Industries pétrolières Industries électriques Industries mécaniques Industries chimiques Industries automobiles Autres 46 18 11 10 8 7 On pourra comparer ce chiffre avec le coût des achats de la matière première acier, en l’occurrence 2 266 millions d’euros, le montant des investissements réalisés, à savoir 445 millions d’euros, et le montant des activités sous traitées, soit 150 millions d’euros, pour apprécier la valeur ajoutée par le groupe… PERSONNEL Ouvriers : 12800 Maîtrise : 3700 Cadres : 1300 Soit un total de 17 800, (dont 15% d’intérimaires). La masse salariale totale a été de 827 millions d’euros (hors intérimaires), avec de très fortes disparités de salaires entre les différents pays. BILAN 2007 arrêté à 4 923 millions d’euros, savoir, en résumé : ACTF Immobilisations Stocks et en-cours Clients Autres PASSIF 1492 1169 1048 1214 Capitaux propres Passifs non courants Passifs courants 2789 615 1519 RESULTAT : Le résultat net consolidé de l’exercice 2007 a été de 1 024 millions d’euros. 26 COMMENT J'AI VECU LA FIN DU CUIRASSE "BRETAGNE" Vous vous approchez de nos lits de l’hôpital d’Oran pour savoir ce qui s'est passé, à quels périls les uns et les autres nous, l'infime minorité, avons échappé. Sachez que tous, à des degrés divers, devons la chance de survivre à une série de miracles. MERS-EL-KEBIR : 2 juillet 1940 Depuis l'armistice, nous sommes réduits à l'immobilité en tenue de paix, bas les feux. Les batteries côtières et l'aviation sont en voie de désarmement. La démobilisation en grand se prépare, mais en attendant, il faut distraire les équipages : tous les matins, une division, c'està-dire un quart de l'effectif part en promenade sous la conduite de ses officiers. Le soleil déjà haut resplendit sur les collines fauves, prometteur d'une belle journée. On embarque par les coupées disponibles dans les chaloupes, pour gagner la terre toute proche. Voici, à bâbord de la Bretagne, la haute silhouette du transport d'hydravions. "Commandant Test" embossé comme les navires de ligne, à l'arrière de la digue, cap à terre. La chaloupe vient de la droite, passe devant l'étrave. Le croiseur de bataille "Strasbourg", frère cadet du "Dunkerque" apparaît, puis la "Provence", cuirassé de 23 000 tonnes du type Bretagne. Voici enfin le Dunkerque, navire amiral, embossé le plus près de terre, à côté du phare. Sur la plage avant, les clairons répètent la sonnerie "Aux morts" pour une cérémonie prochaine. A gauche, plus près de Mers-El-Kébir, sont amarrées les flottilles de contre-torpilleurs. On débarque sur les quais, rapidement, et la longue colonne se met en route pour la plage d’Aïn-El-Turk, où un bon bain doit nous distraire des heures sombres du moment : il faut vivre. Hélas ! Combien resteront en vie le lendemain, au soir de la catastrophe ? MERS-EL-KEBIR : 3 juillet 1940 A bord, les exercices continuent comme si rien ne s'était passé. A 9 heures ? Je suis monté sur le pont pour prendre l'air. D'un regard circulaire j'ai parcouru la rade, le village de Saint-André, Mers-El-Kébir, la colline de Santa-Cruz et sa chapelle, Oran, le cap de l'Aiguille, quand, par hasard, mes yeux se posent sur un torpilleur stoppé devant les filets, à l'entrée de la passe au-delà du Commandant Test. Il n'a point l'allure d'un bâtiment français. Un rapide coup d'œil sur le Journal de Bord, au Bureau des Mouvements confirme mes hypothèses. Il s'agit d'un torpilleur anglais. Que vient- il faire dans les eaux désormais interdites ? Plusieurs de mes camarades prennent le frais sur le pont. Ils ignorent le motif de cette présence insolite, mais déjà, parlent d'ultimatum. C'est incroyable ! De fait, un signal flotte aux drisses des bâtiments : prendre immédiatement les dispositions de combat. Le long du bord, l'équipage s'affaire à rentrer les tentes qui protègent la Bretagne des ardeurs du soleil. En bas, dans les chaufferies on allume des brûleurs et les cheminées crachent noir. 27 Et voilà bientôt nos suppositions vérifiées : sur la mer calme, une puissante escadre britannique croise, en ligne de gisement. Voici à gauche l’ « Ark Royal », porte-avions tout récent, puis deux cuirassés que nous croyons être le « Warspite » et le « Résolution », suivis du « Hood ». A quelque distance, à droite, on distingue deux croiseurs, puis une dizaine de contre-torpilleurs et destroyers. L'officier des équipages timoniers descend de la passerelle. Peut-être allons-nous avoir des précisions : Des officiers du Foxbourg, le torpilleur stoppé devant les filets, sont venus, nous dit-il, remettre à l'amiral Gensoul un message de l'Amirauté anglaise. Il s'agit, nous l'avons su depuis, d'une sommation d'avoir à se rendre ou à saborder les navires dans un délai de 6 heures. L'officier ajoute : « Les Anglais espèrent très sincèrement que nous allons les suivre, mais l'amiral leur a fait savoir qu'il répondra à la force par la force devant cette sommation contraire à l'honneur ». Voici pourquoi règne à bord une animation fébrile. 10h30. Dans les trois artilleries du bord, tout est en ordre de marche. Nous allons surveiller dans les casemates l'approvisionnement de notre artillerie, les 138 : les parcs à douilles se remplissent peu à peu, tandis que les projectiles de combat garnissent les glissières. 12 h. Je sors du carré où mes camarades continuent leur déjeuner car j'assure la D.C.A. de 12 à 15 h. Les navires anglais ont disparu derrière le fort. Du télépointeur de 75, poste de direction de tir contre-avions, nous surveillons le ciel de la rade. Quelques minutes avant 14 heures cinq, des avions-bombardiers de l'Ark Royal se dirigent d'Oran vers la passe de Mers-El-Kébir ; conformément aux ordres reçus, je donne l'alerte aux 75 de bâbord, mais me garde d'ouvrir le feu, car il ne s'agit pas d'attaque caractérisée. Soudain, les voilà qui décrivent un cercle et laissent tomber dans la passe, juste à côté du chalutier de garde aux filets cinq mines magnétiques qui soulèvent un long fuseau d'écume. L'escadre est prise au piège : c’est le guet-apens. Les navires de ligne sont obligés de se soumettre aux britanniques, s'imaginent les gens d'en face. 14 h : Sur tous les navires de l'escadre, les clairons rappellent "aux postes de combat". L'escadre française s'apprête-t-elle à l’appareillage et à la riposte ? Pas encore. Les pourparlers continuent. On espère que les choses vont s'arranger. A 17 h, la vedette des délégués britanniques se dirige vers le Dunkerque. L'attitude du commandement français est toujours la même : à la force, la flotte répondra par la force. On a dédoublé du poste de combat et les bâbordais sont à la soupe, quand retentit par tout le bord le clairon du branlebas de combat. Ce n’est point la première alerte et tous gagnent leur poste posément. 28 J’arrive au poste central de 138. Un P.C. d’artillerie est l’endroit où s’élaborent mécaniquement tous les calculs qui serviront au pointage des pièces et à la rectification du tir. J'agrafe mon téléphone relié à celui du directeur de tir. Tous nos appareils sont en marche et les vérifications ont été rendues exactes au D.T. II fait une chaleur élevée au P.C., car les chaufferies avant sont voisines : les hommes se sont mis à l'aise...Les officiers-mariniers, le midship, second du P.C., et moi, nous avons abandonné nos vestons kakis et nos casquettes. Nous suons à grosses gouttes. Par la porte de communication entrouverte j'observe les servants du P.C. de 340. C'est comme on pense en cas de riposte, le calibre qui le premier entrera en action. Nous aurons ainsi connaissance de tous les événements de l'extérieur, car nous sommes à 4 m audessous de la flottaison. Alors que la voix grave du D.T. de 138 retentit dans mes écouteurs : Les Anglais ont prévenu que si à 17h30 nous n'avions pas accepté leurs conditions, ils nous coulaient au canon. Je n'en crois point mes oreilles : les échos recueillis ici et là ne laissaient point prévoir une solution si brutale. Sont-ce là les intentions de nos alliés de la veille, ceux qui, à Alexandrie, un mois plus tôt, nous reconduisaient à nos bords, la main sur l'épaule, dans leurs rapides vedettes, quand nous avions manqué les nôtres. Les minutes se succèdent, lourdes d'attente. Je réponds à mon directeur de tir que les Anglais n'oseront jamais commettre un tel crime. Il me tiendra au courant des événements. Dans le P.C., tous les hommes sont calmes : deux d'entre eux n'ont point abandonné la lecture de leur roman policier quand j'ai répété les communications téléphoniques. Leurs vérifications sont faites : à quoi bon s'inquiéter d'avance pour des choses qui n'arriveront sans doute pas ? Les deux malheureux périront quatre minutes après l'évacuation du Central. Nous sommes pris au piège. La plupart des tourelles de grosse artillerie ne sont pas battantes. Qu'importe ! L'escadre va tenter d'appareiller. Le "Strasbourg" vient de filer sa chaîne par le bout, nous annonce encore le D.T. Le midship est persuadé que les Anglais vont ouvrir le feu. Moi, je me refuse à y croire. 29 Soudain il y eut un choc formidable qui souleva la "Bretagne" tout d'une pièce d'un demi-mètre au moins. Le choc nous fait vaciller mais personne ne broncha. Etait-ce le départ de nos salves de 340, destinées aux navires de lignes britanniques ? L'impulsion ne ressemblait point pourtant à celle que produit le recul des pièces de gros calibre, mais pour me convaincre, je glissai un coup d'œil dans le P.C. 340. Hélas ! C’étaient bien des coups encaissés par la "Bretagne", car tous, au P.C. voisin restaient immobiles et calmes devant leurs appareils. Deux minutes plus tard, alors que la lumière électrique commençait son decrescendo, la vapeur n'actionnant plus les dynamos, nous reçûmes à la voix, par le P.C. 340 l'ordre d'évacuation des Centraux. Je répétai à mes hommes l'ordre reçu : quelque chose de grave, d'irréparable avait dû arriver en haut pour qu'on n'ait pu songer à riposter à l'ennemi. Une porte blindée encastrée dans le pont blindé inférieur très difficile à ouvrir de l'intérieur, fermait l'accès du Central : nous étions bouclés. Deux hommes aux épaules solides, s'agrippant à l'échelle verticale, en porte-à-faux, parvinrent à soulever le lourd panneau, non sans mal. Alors, un à un, dans un ordre parfait, les hommes grimpèrent les deux échelles qui menaient aux batteries, dans l'entrepont principal, espace correspondant au premier étage de hublots. Je me tenais au bas des échelles, leur criant de faire vite. Le midship sortit enfin. J'étais toujours tenu en laisse par mon téléphone que je n'avais point dégrafé. Aucune lumière ne subsistait plus maintenant. Dans le noir, je larguai mes écouteurs et cherchais, à tâtons, ma casquette : c'était le seul signe distinctif que je pusse emporter si des ordres restaient à donner en haut. Des gaz d'explosion commençaient à envahir le Central par le tambour de descente. Quand j'eus gravi les deux étages, tout n'était, dans la batterie, que fumée noire et incendie : aucun accès vers les échelles des ponts ! De place en place, on percevait la trouée ronde des hublots par lesquels, déjà, des hommes s'étaient échappés. Avec les sabords de charge, c'étaient les seules issues possible. Sous nos ordres, un à un, les hommes se jetaient à l'eau par les rares ouvertures. Certains, ne sachant pas nager, hésitaient, mais les ordres impérieux galvanisaient leur volonté. Dans un acte d'héroïsme, le chef du P.C. 340, enseigne plus ancien, me cria, à ce moment, qu'il restait sur place, et m'ordonna de tenter de m'échapper, après avoir assuré le salut des hommes qui se trouveraient sur ma route. L'abandon continuait : un à un les matelots plongeaient dans les eaux. Soudain, averti par un secret instinct, je sentis que c'était la fin. 30 D'un saut je gravis l'échelle de l'infirmier située dans le deuxième entrepont à l'avant. Dans la chambre du maître infirmier, à bâbord, trois hommes se tenaient contre le hublot, prêts à sauter. C'est alors que la chose atroce se produisit : d'un mouvement lent, nécessaire, inexorable, le cuirassé de 23 000 tonnes s'inclinait sur tribord. La rotation s'accéléra. Dans un fracas épouvantable, les armoires, les tiroirs, les tables, des bouteilles, des chaises descendaient la pente de plus en plus raide, me dégringolant sur le dos. Une odeur de poudre, de gaz brûlés, de chaux pulvérisée régnait sur tout l'avant, augmentant l'horreur du spectacle. Puis, comme s'il hésitait à engloutir ses victimes, le mastodonte ralentit une seconde son mouvement de bascule : le hublot, grand ouvert, passa à la verticale, à une hauteur démesurée au-dessus de ma tête. J'essayai cependant de grimper la paroi à l'aide des renforts des cornières, mais plus rapide, le chavirement continuait. La rotation du navire rendait tout mouvement impossible : on était paralysés comme quand on est poursuivi, dans un rêve. J'allais mourir d'une mort terrible avec toute ma lucidité ! Alors, je fus bousculé, retourné, roulé, culbuté par les cloisons folles, où l'eau, maintenant, s'engouffrait. Dans une seconde, il faudrait absorber le plus vite possible les quelques lampées d'eau de mer qui produiraient l'asphyxie. Ici, il y a, dans la suite de ma mémoire, pendant que le navire achève son demi-tour, un trou d'une ou deux secondes, après quoi je me trouvai Dieu sait comment, dans un des locaux voisins, la cabine d'examens médicaux particuliers, je pense, marchant sur le plafond, à un mètre d'un hublot, où pénétrait une cataracte. Une lumière confuse régnait encore dans la pièce. Sans hésiter, je m'élançai, tête première comme une flèche, au centre de la cataracte. Par miracle, je dois le dire, je passai malgré la pression d'eau formidable, comme une lettre à la poste, et, après une remontée de plusieurs secondes, inoubliable, j'arrivai à la surface. J'avais parcouru de bas en haut, quelques sept mètres, puisque ce hublot se trouvait en temps normal à cinq mètres au-dessus de la flottaison. C'était une chance inouïe ! J'ouvris les yeux. D'énormes bulles venaient crever à la surface, comme si la mer bouillait tout alentour. La coque rouge, gigantesque, du cuirassé gisait à dix brasses, la quille en l'air, l'arrière disloqué, pointant vers le ciel son faux brion et ses chaînes de paravanes, tandis que des jets de vapeur, d'air comprimé, de mazout, fusaient en entraînant des geysers, dans un vacarme sourd et confus. Le chavirement avait duré vingt secondes. Exténué par les gaz d'explosion, par la décompression brutale, saisi par la fraîcheur de l'eau au sortir du central surchauffé, il fallait reprendre haleine malgré les remous violents qui 31 risquaient de m'entraîner, au cas où la coque s'abîmerait d'un seul coup dans les flots. En cherchant quelque épave où m'accrocher, je vis une gerbe de mazout enflammé, semblable à un feu d'artifice, qui retombait près des tôles disloquées des machines. Une bouée d'orin se trouvait là à vingt mètres du navire retourné, où gisaient des centaines de morts. J'y restai cramponné pendant deux ou trois minutes. Un homme s'approchait de la bouée providentielle : je l'aidai à s'agripper. Il avait le visage et les cheveux noirs, comme de l'encre : le mazout. Alors, détournant mes yeux pour mesurer les chances de fuite, je vis à tribord de l'épave, un spectacle aussi affreux que les pires scènes de l'Enfer : les soutes à combustibles, éventrées, s'étaient vidées sur la mer. La nappe noire, épaisse, gluante, nauséabonde, s'étendait à quelques brasses, recouvrant toute la rade. Les radeaux, les espars, les madriers, projetés au loin par les explosions et les remous, les têtes qui émergeaient ça et là, en étaient couverts. Des hommes s'accrochaient aux radeaux, glissants, cherchant à émerger de la couche visqueuse, mortelle. Vision dantesque. Et puis il y avait les morts... La canonnade continuait. La lueur des obus projetait une rougeur sinistre sur la scène infernale. D'une seconde à l'autre, un maelstrom pouvait anéantir l'épave, la bouée et les deux survivants : d'un commun accord nous décidâmes de gagner les radeaux en agrippant au passage quelque espar. Résolument, nous entrions dans la couche noire de mazout. Sur la rade, les 380 des Anglais avaient achevé leur œuvre. Le crime était consommé. Le radeau le plus proche se trouvait à deux cent mètres : le parcours nous sembla interminable. Enfin, un quart d'heure plus tard, nous arrivions au milieu des débris flottants où quelques dizaines de rescapés, noirs comme des nègres, comme nous-mêmes, se tenaient cramponnés : nous étions sauvés !... C’est à vous tous, mes camarades disparus, qui êtes morts pour l’honneur de la Marine, pour montrer au monde que lorsque la France a donné sa parole elle la tient quoi qu’il puisse arriver comme le proclamait l’ordre du jour de l’amiral DARLAN au lendemain de la première agression c’est au millier de familles plongées dans le deuil en un instant. C’est à toi, ma vieille Bretagne, sur laquelle j’ai pleuré, je le dis sans fausse honte, au moment où me hissait sur le radeau l’un de nos matelots du carré : « Regarde ce qu’ils ont fait de notre belle Bretagne ». ! Ecrit et vécu par l’Enseigne de Vaisseau DELAPORTE Maurice (père de Jean-Marie Delaporte de l’AOP) Données techniques du bâtiment : Admission en service 1915 Déplacement : 22 200 T Longueur : 166 m Largeur : 27 m Tirant d’eau : 9,80 m Equipage complet : 1 133 hommes Morts durant l’attaque : 977 hommes 32 AIDEZ LE PELICAN Le « PELICAN » et ses rédacteurs attendent vos articles originaux que vous nous rédigerez pour paraître une prochaine édition. Pour cela vous avez deux méthodes : 1. Vous êtes sur la toile, vous rédigez votre article avec photos, croquis, dessins,…. et vous l’expédiez par mail à Hervé KERFANT : [email protected] . Nous le transmettrons à notre rédacteur en chef, Christian COMPAIN. 2. Vous avez des articles qui sont manuscrits avec des photos, croquis, dessins, …. vous les expédiez par courrier à l’AOP à l’adresse suivante : Amicale de l’Offshore Pétrolier c/o ACERGY SA Attention M. Christian COMPAIN Immeuble « Blériot » 1 quai Marcel Dassault 92156 SURESNES CEDEX Vous nous précisez si vous voulez récupérer vos photos, croquis, dessins, … qui vous seront retournés après utilisation pour les besoins du Pélican Le comité de rédaction du PELICAN vous remercie par avance. 33 Le « PELICAN » est édité par Amicale de l’Offshore Pétrolier [AOP] c/o ACERGY SA Immeuble « Le Blériot » 1 quai Marcel Dassault 92156 SURESNES CEDEX Association loi de 1901 Déclarée sous le N° 6148 le 15 juin 1984 Modifications des statuts le 11 avril 1996 Déclarées le 15 avril 1996 JO du 8 mai 1996 Sous le N° 2042 Révisés le 9 Février 2006 34