Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours

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Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite!
C’est le conseil de notre interlocuteur Monsieur
Nermin
Vučelj
(43),
maître
de
conférences
en
littérature et culture françaises dans la Faculté
de philosophie à Niš. Il a une ambition en même
temps très simple et très difficile dans la vie –
il veut être lui-même.
«Les étudiants en Serbie ne peuvent pas bien connaître la littérature française, et la
culture française en général, après leur enseignement primaire et secondaire qui se borne à
quelques auteurs français et leurs œuvres (Molière, Balzac, Camus) et quelques personnages
historiques et les événements (absolutisme de Louis XIV, Révolution française, Napoléon). Je
pense qu’ils entendent, pour la première fois, parler Montaigne, Racine, Diderot, Stendhal,
Gide, ou Vercingétorix, affaire Dreyfus, la Résistance, à la faculté, plus précis – aux études
de la langue et littérature françaises...» - raconte ce docteur ès Lettres.
«JE N’AI PAS CHOISI LE FRANÇAIS, C’EST LE FRANÇAIS QUI M’A CHOISI!»
À l’âge de treize ans, après deux ans
d’apprentissage, tout d’un coup, il s’est rendu
compte de son amour pour le français et qu’il
le rendait heureux. Nous croyons que tous les
francophiles sont d’accord avec lui: «À mes
oreilles, c’était la plus belle langue du monde
qu’on puisse entendre.» Tout le monde a un
enseignant préféré et grâce à lui on choisit
souvent
sa
future
profession.
Son
enseignante préférée Cana, qui enseignait le
français, lui avait appris beaucoup de choses:
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«elle était laborieuse et exigeante, ses cours étaient fort intéressants.» À son tour, en tant que
professeur de français à l’école primaire, il apliquait ses méthodes de travail.
Il nous raconte que c’était l’administration d’école qui partageait les classes d’élèves
entre le français et le russe: «C’était prévu d’être le russe, comme notre institutrice nous avait
appris, d’un ton irrité, à la fin de l’année scolaire. À cet effet, je me préparais pendant les
vacances: j’ai trouvé un manuel de russe et cherché à apprendre à lire en russe. À la rentrée,
une surprise merveilleuse: l’administration d’école a décidé que notre classe devait
apprendre la langue française. Donc, je n’ai pas choisi le français, c’est le français qui m'a
choisi.»
LES DEUX CULTURES
Son premier séjour en France n’était qu’une visite touristique d’une semaine à
Paris: «Guidé par l’instinct, et comme Alice au Pays des merveilles je me suis trouvé devant
Le Louvre. J’ai passé six heures au Louvre et j’y suis revenu le jour suivant. La visite du
château de Versailles a suscité les réflexions sur la grandeur de la civilisation française, sur
le sentiment des rois et des reines qui se prenaient sans doute pour les dieux d’Homère –
capricieux, voluptueux, féroces. J’ai réfléchi à tout le sang versé des mortels, des «vilains»,
pour avoir construit ce temple de la vanité royale.» À Paris il était fasciné par des
dictionnaires et des encyclopédies (Hachette, Larousse, Le Robert...): «je me suis dit que
j’étais Gulliver au pays des géants. Nous n’avons aucun dictionnaire encyclopédique de la
langue serbe.»
Serbes et Français sont deux peuples amicaux depuis toujours et ils partagent
beaucoup de chose entre eux. C’est parce que la vraie culture ne connaît pas les frontières
nationales. «Le vrai commencement des lettres serbes n’était qu’au XIXe siècle. La France a
vécu jusqu’à là les siècles des génies. Quand la France vivait le classicisme et les Lumières,
nous étions toujours dans la poésie épique, c'est-à-dire au Moyen Age... Mais, cela ne
diminue pas la haute valeur de notre culture. Au contraire. Nous avons Meša Selimović,
Miloš Crnjanski et Ivo Andrić, qui sont à la hauteur de Stendhal, Balzac et Proust. Sterija est
notre Molière. Au moment où le cinéma français était marqué par la Nouvelle Vague, le
cinéma yougoslave était connu dans le monde par sa Vague Noire...» Monsieur Vučelj sur
l’influence française chez nous: «À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, beaucoup de
grands noms de la culture serbe avaient fait leurs études en France («élèves français»). Pour
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les Serbes de la première moitié du XXe siècle, le français était la langue véhiculaire des
connaissances du monde entier.»
Nous rappelons que plus de 130.000 élèves en Serbie (quant à l’enseignement
primaire et secondaire) apprennent le français (source: Politika). Notre interlocuteur aussi
croit que la culture française est populaire en Serbie: «La culture française est présente
parmi les Serbes au niveau diplomatique, puis restreinte aux îlots des esprits raffinés, tels
que les quatre chaires d’études françaises de l’enseignement universitaire et les écoles
françaises à Belgrade.» La nouveauté qui l’encourage ce sont les classes dans quelques lycées
serbes où on enseigne aux élèves l’histoire, la géo ou la chimie en français.
Le Concours de la chanson franophone, et surtout le festival francophone de théâtre à
Novi Sad sont les manifestations préférées de Monsieur Vučelj. Quand on parle sur le cadre de
promotion de la francophonie, il a noté qu’il faut suivre l’exemple de l’Allemagne dans ce
domaine à propos de la langue allemande. Ce maître, qui dans le temps libre adore lire les
bouquins, écouter de la radio et regarder les films, trouve qu’aujourd’hui les bouquins français
en Serbie sont beaucoup plus chers qu’en France: «Quand j’étais étudiant, il y avait des
rayons ‘livres français’ dans les librairies de Belgrade. Aujourd’hui, c’est très rare...» On ne
connaît pas la musique française: il pense que ZAZ, par exemple, très connue et populaire en
Serbie, ne représente que l’exception de la règle. Quant aux films la situation,
malheureusement, n’est pas très différente: «La connaissance du cinéma français chez les
Serbes d’aujourd’hui se réduit aux Visiteurs, Taxi 1, 2, etc., et Astérix. On connaît Audrey
Tautou en tant qu’Amélie Poulain, Jean Reno par ses rôles holywoodiens et Gérard
Depardieu par son passeport russe.»
SOYEZ ÉPRIS DU FRANÇAIS ET AMUSEZ-VOUS BIEN!
Durant ses séances, dont nous étions témoins, Monsieur Vučelj faisait revivre
certaines époques d'histoire et de littérature françaises. «Faire le choix des événements à
analyser, c’est faire comprendre l’esprit d’un moment ou d’un siècle ou de la nature humaine
en général» - ajoute-t-il.
Stefan Zdravković
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