Culte du jeudi de l`Ascension 15 mai 2012

Transcription

Culte du jeudi de l`Ascension 15 mai 2012
Eglise française réformée de Berne
Prédication du jeudi de l’Ascension 17 mai 2012
Porté disparu !
Textes bibliques: Actes 1/3-26
Pour les compagnons, pour les disciples, les amis de Jésus, son Ascension est une
disparition,
- une distance, une séparation nouvelles : plus de Jésus à portée de mains, de
regards, d’oreilles !
Une page est tournée ; la suivante, ils l’écriront eux-mêmes.
La nuée est comme un voile à leurs yeux, qui les empêche désormais de voir leur
maître et leur ami.
Il leur faudra désormais croire sans voir…
Mais ils ne vont pas tarder à découvrir que cette nuée qui les sépare est également
une voile,
- une voile qui se tendra bientôt au souffle de l’Esprit et les poussera vers des terres
nouvelles !
Si leur maître et ami doit revenir, - et il reviendra ! -, ce n’est pas en regardant le ciel
qu’ils guetteront au mieux son retour, mais à fleur de terre, à taille d’homme, à pleine
pâte d’humanité.
L’Ascension est un appel à redescendre sur terre !
‘Il reviendra !’
A partir de la disparition de Jésus, l’espace est orienté.
Le chemin qui peut nous conduire vers le Ressuscité n’est pas une tentative, - ni une
tentation -, de nous élever au-dessus de notre commune condition d’humains, audessus de notre grande et de nos mille petites histoires : ce n’est pas nous qui
monterons vers lui, c’est lui qui reviendra, - à fleur de terre, là où les humains
préservent leurs racines d’humanité, lorsqu’ils n’oublient pas que l’humain va de pair
avec les mots humus et humilité.
‘Il reviendra !’
A partir de la disparition de Jésus, le temps aussi, comme l’espace, est orienté.
Nous ne savons pas quand, - mais nous savons qu’il reviendra.
Et nous ne le ferons pas revenir plus vite en nous activant : son retour ne dépend
pas de nos efforts, - c’est lui qui reviendra, comme s’il était en route, remontant le
temps à la rencontre de notre temps.
Chaque jour qui passe nous rapproche de lui, comme l’affirmait l’apôtre Paul :
‘Aujourd’hui, le salut est plus proche de nous qu’au premier jour de notre foi !’
(Romains 13/12)
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‘Il reviendra !’
L’évangéliste Luc souligne que l’Ascension de Jésus se passe au Jardin des
Oliviers, - là même où Jésus avait prié, la veille de sa mort, là même où il avait
consenti à sa souffrance…
Le choix de ce lieu n’est pas fortuit : il nous rappelle que c’est un chemin
d’épreuves, de combats et de souffrance qui attend les compagnons et disciples
de Jésus dans l’attente confiante de son retour futur, - et non pas encore un chemin
de gloire, une ascension quelconque vers les hautes sphères du firmament religieux
ou des contemplations mystiques…
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Et c’est pourquoi, l’évangéliste Luc fait suivre immédiatement le récit de l’Ascension
céleste de Jésus par celui de la descente des apôtres !
Descente dans l’espace, - puisqu’ils quittent aussitôt le Jardin des Oliviers et
retournent en ville, à Jérusalem, là où leur maître avait été brièvement acclamé et
fêté avant d’être raillé, jugé et condamné.
Mais plus surprenante encore est la descente des disciples dans leur humanité, qui
se manifeste dans la première décision qu’ils prennent à Jérusalem : afin qu’il y ait
de nouveau douze apôtres-témoins, ils choisissent de désigner un successeur à
Judas, celui qui avait livré Jésus aux mains de ses ennemis… et qui venait à peine
de se donner la mort.
Après la grande histoire, - l’Histoire sainte de l’élévation céleste de Jésus -, les
Actes nous ramènent aussitôt à la petite histoire de l’Eglise sur terre, avec ses
faiblesses, ses trahisons et ses reniements !
Ce qui me surprend le plus, dans cet épisode, c’est la manière dont les apôtres
procèdent pour désigner ce treizième compagnon qui doit rejoindre et compléter leur
cercle : ils ne fixent qu’une seule et unique condition, - ‘qu’il ait connu et suivi
Jésus’ lorsqu’il était encore au milieu d’eux.
Il n’y a pas ici la moindre réflexion sur la versatilité et la faiblesse humaines qui ont
pu amener Judas à trahir ! Comment fut-il donc possible à quelqu’un que Jésus luimême avait choisi et appelé comme compagnon de ‘délaisser ainsi son ministère’
pour livrer à ses adversaires son maître et son ami ?!
Non : les apôtres ne prennent aucune précaution particulière avant de désigner le
successeur de Judas,
- aucune espèce d’examen préalable pour éviter que se
reproduise une telle trahison !
Ils se contentent de désigner deux candidats : deux hommes qui avaient connu et
suivi Jésus avec eux dès le début de son ministère, sur les chemins de Galilée, - et
ils remettent le choix final à Dieu !
En présentant deux candidats à la succession de Judas, peut-être reconnaissent-ils
qu’ils sont incapables d’opérer eux-mêmes le ‘bon’ choix ; ils ne savent pas ni ne
peuvent savoir ce qui habite en vérité le cœur de chacun, - ils savent, autrement dit,
que chacun d’eux aurait pu devenir Judas, que chacun d’eux aurait pu trahir ou
renier Jésus.
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Le nouvel apôtre n’est pas donc appelé à corriger, à gommer le mal que Judas avait
commis en livrant son maître et ami : il est simplement appelé à remplacer Judas,
pour que soit complété le collège des douze apôtres, - car si le témoignage de foi
est toujours une affaire personnelle, l’Evangile, lui, relève du message transmis au fil
des temps par une communauté qui vit à fleur de terre, à cœur d’humanité.
Le livre des Actes indique simplement que Dieu désigne, par le sort, un certain
Matthias, dont nous ne savons rien d’autre que son nom ; la raison de son élection
divine nous demeure inconnue.
Et l’humour de l’Evangile, c’est que celui des deux que désigna le tirage au sort
n’était justement pas celui à qui l’on avait donné le surnom de ’Justus’ : ‘le Juste’ !
Le choix de Mathias met en évidence qu’il n’y a aucune différence de nature ni de
vertu humaine entre les apôtres et le reste des hommes, pas davantage qu’entre
Judas ou Pierre et ce Matthias, ‘appelé par le sort’ : aucun d’entre eux ne serait
digne d’être surnommé ‘Justus : le Juste’ aux yeux de Dieu, parce que tous sont
faillibles, simplement humains, - et c’est comme tels que Dieu les a appelés… et
nous a appelés.
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Un dernier mot encore à propos de ce choix surprenant des premiers disciples
complétant leur équipe : il éclaire l’un des mystères de l’Eglise et de sa longévité.
Malgré les siècles qui passent et nous éloignent des campagnes originelles de
Galilée ;
- malgré les trahisons des uns, les reniements des autres ;
- malgré les divisions et les ruptures qui n’ont jamais cessé dans l’histoire de
l’Eglise,
chaque fois qu’un des témoins vient à disparaître, il s’en est toujours trouvé un ou
une autre, - et même deux, voire davantage…, - pour prendre le relais !
C’est que dans l’Eglise des amis de Jésus, il n’est pas demandé de ceux qui s’y
engagent de mériter des hommes ni de Dieu le titre de ‘Juste’ : l’Eglise n’est
qu’humaine, tissée d’humus et d’humilité,
- elle pourrait adopter comme devise
ce bref poème d’Anne Perrier, femme de lettres de chez nous :
L’éblouissant me porte
Moi
Porteuse d’ombre
(Anne Perrier ; ‘Feu les oiseaux’)
‘L’éblouissant nous porte’, chacune et chacun, jusqu’à ce qu’il revienne, - et il ne
cesse de revenir…
Ion Karakash
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