Compte rendu de la manifestation pour les collègues de l`Europe

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Compte rendu de la manifestation pour les collègues de l`Europe
Compte rendu de la manifestation pour les collègues de l’Europe
http://lpsc.in2p3.fr/TAZA/
F. Malek, 13 avril 2011
Photo de quelques participants à EPAM2011 – Hotel Friouato - Taza
C’est lors de la conférence d’Oujda en 2007 que j’ai organisée à la demande de la commission
Nord-Sud de la SFP (Société Française de Physique) qu’est née l’idée d’une Ecole de
Physique Avancée au Maghreb (EPAM) sur le modèle des sessions pré doctorales de
l’Ecole des Houches. Avec l’aide du MAE (France), un gros effort a été fait pour initier ce
projet et la première EPAM a eu lieu en Tunisie en 2009 sur la thématique de la
Nanophysique. Dans la lancée, la seconde EPAM fut organisée en Algérie en 2010 sur la
thématique des Energies Renouvelables. Ces deux écoles ont été une réussite puisqu’environ
une quarantaine de doctorants des 3 pays du Maghreb y ont participé.
La 3ème édition de cette école (EPAM2011) ayant pour thématique "Physique des Hautes
Energies, Astroparticule et Cosmologie", le bureau de l’EPAM m’a proposé de la codiriger
avec le Professeur Abdeslam Hoummada de l’Université de Casablanca, Maroc, tous les deux
appartenant travaillant dans cette thématique. Elle s’est déroulée du 26 mars au 3 avril 2011 à
Taza, à environ 120 Km de la ville de Fès, dans les montagnes du « Moyen ATLAS »,
retrouvant par la-même les paysages des Houches.
Le paysage du « Moyen ATLAS »
au dessus de la Médina de Taza.
Cette école, comme les deux précédentes, s’est donnée comme objectif principal, la
formation. Mais elle fut plus que cela car elle a permis de tisser des liens entre les participants
des 4 pays organisateurs : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la France. Mieux, la participation
de quelques personnalités du CERN, John Ellis en particulier, a permis de discuter d’un
renforcement des liens avec cette organisation.
John Ellis et les participants algériens
Nous attendions 92 étudiants, doctorants, post-doctorants et professeurs, 75 sont finalement
venus. La défection, fut hélas, essentiellement due à des raisons financières et administratives
(délais des conseils scientifiques qui doivent traiter des missions ou statut des étudiants ne
permettant pas les financements à l’étranger etc. …). Parmi les 25 Algériens inscrits, seuls 15
ont pu venir et certains ont du payer leur voyage et leur séjour de leur poche.
Ce fut aussi un forum d’échanges extrêmement riche et attachant. Les jeunes, en particulier
les jeunes marocains et algériens travaillant dans le domaine traité par l’école ont montré une
maitrise stupéfiante et solide. Ce que nous avons constaté c’est que pour ce qui concerne le
Maroc, le côté expérimental est plus développé, il y a une maitrise des outils de la physique
des hautes énergies. Pour ce qui concerne l’Algérie, la maîtrise est plutôt dans le domaine de
la physique théorique et la phénoménologie et il semblerait qu’il leur manque beaucoup
d’outils de travail, même théoriques ….
C’est pour cette raison que les travaux pratiques que nous avons proposés lors de cette école
(Root, Géant4, analyse de données, grille de calcul, …) ont été très prisés, en particulier la
pratique de « ROOT » proposée par Johan Collot (Grenoble), l’analyse de données de
physique proposée par Mohamed Gouighri (Casablanca) et la session « Geant4 » proposée par
Driss Benchekroun (Casablanca). Les exercices se prolongeant parfois jusqu’à 3h du matin,
Gilbert Moultaka (Montpellier) s’improvisant en expert « Mathematica ».
Apprentissage de Root et de Géant 4 et avec le sourire
Les cours théoriques sur le modèle Standard par Fawzi Boudjema (Annecy) et sur la
physique au-delà du MS (SUSY) par Gilbert Moultaka (Montpellier) ont été très appréciés.
De même que les cours de Cécile Renault (Grenoble), Delphine Hardin (Paris) et Corinne
Bérat (Grenoble) sur la cosmologie et les rayons cosmiques.
Gilbert, Johan et Fawzi à la pause thé ; Delphine nous faisant voyager dans la galaxie
En plus des cours qui formaient le cœur de notre discipline, 3 cours sur la physique médicale
ont été donnés par Yannick Arnoud (Grenoble) et une journée entière a été consacrée à la
grille de calcul avec des travaux pratiques à la clé.
Pour cette session, Ghita Rahal, Farida Fassi, David Bouvet et Eric Cogneras du Centre de
Calcul de l’IN2P3 (Villeurbanne, France) se sont déplacés.
Farida Fassi et la grille
Eric Cogneras et ses disciples
La manifestation n’a pas oublié les jeunes et leurs travaux. Douze posters de très grande
qualité ont été présentés par des Algériens, Marocains, Tunisiens et Français (une seule
participante d’un laboratoire français, Subatech-Nantes).
Meriem Lagraa, université d’Oran, Algérie
Imène Garali, Subatech-Nantes, France
Session Poster perturbée le 2ème jour, match de foot Algérie-Maroc s’étant invité et imposé.
Un match de qualification à je ne sais quel ligue ou tournoi. Les Algériens ont exulté de joie
et les Marocains ont été fair-play. Ouf ! Je m’inquiétais de l’ambiance future de l’école.
Des pieds qui tapent dans la baballe au milieu des
posters.
Nous avions prévu d’attribuer 2 prix de poster : Le prix du meilleur poster et le prix du
meilleur poster de physique des particules dit Prix John Ellis. Un comité formé de 6
scientifiques des 4 pays participants a évalué les posters. Les deux prix, 2 PC portables offerts
par l’université de Casablanca, ont été remis donc à Amel Hadj Kaddour de l’université
d’Oran, Algérie et à Youssef Khoulaki de l’université de Casablanca, Maroc lors de la
cérémonie de clôture organisée à la maison de la culture en présence des autorités locales et
en particulier le gouvernorat de la région de Taza.
Les deux lauréats des prix du poster avec John Ellis (CERN), Le gouverneur de la province
de Taza et Michèle Leduc (SFP). A l’extrême gauche avec la jolie robe grenat, une
participante Tunisienne : Neila Zerrouk.
A la demande de certains participants algériens et marocains, 5 séminaires ont été organisés,
donnés principalement par des Post-doc et des professeurs. Réfractaire dès le départ sur ces
exposés car le programme étant déjà très chargé, je fus, finalement, extrêmement ravie de
découvrir les talents de nos confrères et collègues enseignants chercheurs du Maghreb.
Mustapha Maamache de l’Université de Sétif, Algérie.
Deux conférences « grand public » ont été organisées à la chambre de commerce de Taza.
L’une sur la mission Planck donnée par Cécile Renault (Grenoble) et l’autre sur le LHC
donnée par Daniel Denegri (CEA). Lors de ces conférences, des classes de lycées de la ville
de Taza se sont déplacées et beaucoup de questions, parfois étonnantes, parfois agaçantes, ont
été posées. Mais nos deux conférenciers, s’en sont très bien sortis.
Gi
Cécile Renault et la Mission Planck
Daniel Dénegri et le LHC
Pendant 10 jours, les jeunes ont été d’une assiduité et d’un sérieux qui fait rêver. Les cours
démarraient tous les jours à 9h et se terminaient vers 20h. A peine le temps de diner et hop,
certains reprenaient leurs exercices de « ROOT » ou de « Geant4 ». Nous étions isolés, certes,
mais nous n’avons pas dérogé à des séances de défoulement général et beaucoup de calories
ont été nécessaires pour maintenir le rythme de folie de cette école. Après tout, on nous avait
dit qu’il fallait faire aussi bien que les Houches. L’ambiance était tout à fait appropriée, le
paysage, l’air pur et la vie de moine nous a fait beaucoup de bien.
Cette quantité de calories par personne/par jour et se défouler après les cours furent
nécessaires
Nous avons quand même fait une virée hors des murs de notre monastère pour visiter la ville
de Fès, une excursion d’une journée, totalement folle où nous avions perdu la moitié du
groupe dans les ruelles étroites, tortueuses et très fréquentées. Ce qui nous a fait arriver 2h en
retard à la conférence de Cécile, Cécile y compris.
Certains jours, des sorties ont été organisées pour se balader dans les montagnes et la
campagne époustouflante de beauté, pour explorer la célèbre grotte du « Friouatou » et même
pour voir le lieu où sera construit le futur télescope à neutrinos, appelé NOY de Taza, petit
frère du même instrument installé dans le Vercors, NOY de Grenoble (prononcer noix de
Grenoble).
Nous avons eu la visite des média dès le début et jusqu’à la fin de la semaine : on s’est prêté
au jeu et on est même passé à la TV et à la radio (RTM). On a dit beaucoup de bien des
coopérations intermaghrébines, des opportunités de rencontres scientifiques et nous avons
même fait un peu de politique. Tout est enregistré !
Abdeslam Hoummada, la personne la plus interviewée
Le temps du départ est arrivé, nous avons bouclé nos valises, contents d’avoir passé de bons
moments ensemble, d’avoir partagé la connaissance et nous nous sommes promis plein de
choses.
Mon dernier verre de thé à la menthe et aux fleurs d’oranger
Que reste-il aujourd’hui de tout cela? Un réseau de personnes très motivées, se jurant de
continuer l’aventure autrement. Cet « autrement » a été travaillé sur place car nous ne
pouvions pas partir, se dire au revoir, sans bâtir quelque chose. Nous avons décidé d’un
commun accord de mettre en place des accords bilatéraux entre universités marocaines et
algériennes, d’impliquer les universités algériennes et marocaines dans des échanges
d’étudiants par exemple pour que les expertises de part et d’autres des deux pays s’exportent.
C’est un premier pas et c’est aussi la chose la plus basique que nous puissions faire d’autant
que les problèmes de type « visa » ne sont pas prégnants comme avec la France. Le RUPHE
(le réseau de compétences en physique des hautes énergies du Maroc) propose quant à lui de
former un réseau plus étendu incluant les universités algériennes qui travaillent dans le même
domaine en physique des particules.
L'école aurait été utile aux étudiants français également ... Il est dommage que la participation
française ait été si faible (1 étudiante). Il faudrait que nos autorités de tutelle encouragent cette
mixité et la prise de contact entre les deux rives.
Cette école a bénéficié d’un soutien très important de l’IN2P3 (institut de physique nucléaire
et de physique des particules du CNRS), aussi bien financier que scientifique. J’ai été
mandatée par la SFP pour organiser cette école et j’ai reçue de même le soutien de l’IN2P3
pour le faire. Le projet scientifique de l’IN2P3 consiste à élargir le concept du RUPHE à
toute la méditerranée en démarrant par les trois pays du Maghreb. Il est clair que l’IN2P3,
forte de la réussite de cette école, voudra continuer l’aventure pour que la physique des
particules, sa technologie, sa puissance de formation et sa dissémination des savoirs puisse
atteindre le continent africain. Contrairement à ce qui se pense, ce n’est pas une science des
riches, elle est à la porté de toutes les nations et le CERN en est témoin.
L’aventure de l’EPAM va se poursuivre puisque la prochaine édition se tiendra en Tunisie et
aura pour thématique « la physique des Lasers et la photonique ». Il est plus qu’évident que ce
type de manifestation doit perdurer, doit être soutenu. Il y a des talents au Maghreb qu’il faut
absolument révéler.
Et pour finir, notons que rien n’aurait pu se faire sans nos soutiens, scientifiques et financiers.
J’aimerai citer en premier le gouverneur de Taza, les élus et les autorités locales qui nous ont
mis à l’aise dès le départ en nous recevant avec faste et intérêt. Le gouverneur nous a
d’ailleurs exprimé son désir de pérenniser cette école en apportant annuellement son aide
matérielle et logistique.
Rien n’aurait pu se faire sans l’aide des petites mains marocaines qui se sont occupées du
secrétariat, du web, de l’intendance, des inscriptions etc. et je nommerai de mémoire :
Youssef, Said, Fatma Zhor, Aziz, Adil et le pôle de compétence du RUPHE.
Merci aussi à tous nos soutiens européens, la SFP, le CNRS, le CEA, l’ICTP, l’EPS, France
Grilles, l’ambassade de France au Maroc, le CERN et la fondation « partage du savoir ».
Abdeslam et moi-même avons reçu un prix du gouvernorat de Taza. Abdeslam à gauche assis
sous la photo du roi du Maroc.