Chroniques de Voyage: Taza! Après une nuit de brume pesante, je

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Chroniques de Voyage: Taza! Après une nuit de brume pesante, je
Chroniques de Voyage: Taza!
Après une nuit de brume pesante, je me suis réveillé à 4h 20 pour rejoindre mes amis du club des
Explorers. On s'apprêtait à visiter la ville de Taza mais surtout le fameux parc national du Tazekka. C’est un
samedi matin de la mi-avril et il faisait un froid de canard; alors j'ai mis mon écharpe autour du cou toujours
meurtri par ce froid terrible mais qui annonçait une journée ensoleillée. Une dose d'adrénaline s'est infiltrée
dans mes tissus ravivés, sans doute, par la belle perspective d'une aventure. J'ai alors retrouvé un plaisir
subtil qui m'a abandonné pendant un bon moment de temps. En compagnie d'une amie, J'ai commencé à
arpenter la chaussée, les pas pesants dans le silence de la nuit. Le croissant lunaire régnait sans partage
sur le ciel serein de cette nuit-là, un ciel d'un bleu qui ne cessait de prendre le dessus sur l'obscurité. Cette
clarté du ciel est une première après presque une semaine de pluie et d'orages. Seulement, une gelée s'en
est suivie au point que les différents arbrisseaux et plantes parsemées au campus ont endossé des armures
de glace qui brillaient d'une lueur magnifique sous la lumière des projecteurs.
Le rassemblement ce matin-là à la "Bus Station" rebaptisée par la suite " Bus Shelter" était de
courte durée à cause du froid. La plupart de mes co-randonneurs, somnolents mais surtout chancelants de
sommeil, se sont rués sur le minibus pour s'y réfugier. Le départ était prévu pour 5 heures sonnantes. Or, un
quart d'heure était nécessaire car nous avons l'habitude de trouver des excuses aux autres pour qu'à leur
tour, ils nous en trouvent eux aussi quand nous en avons besoin; ainsi le marché est conclu et ça marche à
merveille. Nous avons enfin décidé de partir bredouilles même avec le quart d'heure d'attente car trois
personnes ne se sont pas jointes comme prévu à l'excursion. J'ai, comme d'habitude, exigé qu'on me cédât
le siège de devant pourvu de deux vitres afin de ne rien rater des paysages qui défileront tout au long de la
route. Le départ a enfin pris place à mon incommensurable joie; celle-ci m'a saoulé et m'a ranimé l'esprit
pour reconquérir une anodine joie de vivre. Les cèdres et les chênes se dressaient comme des soldats, au
petit jour, raids dans leurs bottes sur un fond de ciel bleuté d'aurore qui ne cessait de gagner du terrain.
Laissée derrière, l'université me sembla comme un château légendaire de la Transylvanie hanté par ses
démons; ce qui, au contraire, n'en rajoutait qu'à son charme une fois quittée pour une courte période. Un
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frisson profond m'agita comme un éclair, l'un de ces frissons qu'on ne peut nous expliquer nous même.
Après un bon moment de temps, un changement dramatique s'opéra .En effet, la forêt épaisse céda place à
un paysage rocheux, aride et austère avec quelques pitons rocheux dignes d'une sculpture futuriste. Une
plaine aride qui ne trahissait aucun signe de vie humaine sauf quelques demeures isolées en bordure de la
route avec leurs cheminées qui dissipaient de la fumée matinale distinguable à cause du froid pesant. La
route en question est la route numéro 8 qui s'étend de la ville d'Agadir à la ville d'El Hoceima plutôt fameuse
pour son nom "Tariq Al Wahda"(au tronçon Taounate -El Hoceima) qui vient de fêter son cinquantenaire.
Cette route m'est d'une charge symbolique très importante car j'ose dire qu'une bonne partie de ma vie s'est
déroulée tout au long de cet axe routier pour lequel on n'a pas choisi n'importe quel nombre mais, de surplus,
mon nombre fétiche le numéro 8. Loin d'être superstitieux, je me plaisais à y penser pendant le silence qui
régnait dans le minibus pendant ce temps là.
Le tronçon de route reliant Ifrane à Imouzzer Kandar s'était fait dans un silence dissipé par le bruit
des moteurs du minibus tandis que je me délectais de la beauté du paysage comme si c'était pour la
première fois que je le découvre. Soudain, notre bus fut assailli par une brume mystérieuse comme le sont
d'ailleurs toutes les brumes qu'on puisse imaginer pour obstruer l'accès à un vallon. Effectivement, la brume
s'est appropriée la petite dépression géologique comme lit pour y passer la nuit ce qui n'empêchait pas des
petits nuages de brume à se détacher pour errer dans les parages à l'approche inéluctable de la lumière du
jour. La brume se réveillait, elle s'apprêtait à se dissiper tel un fantôme à la lumière du jour qui rampe
toujours mais qui s'approche sûrement. La route commença tout d'un coup à prendre un ton moins tortueux
jusqu'à l'arrivée à Imouzzer Kandar toujours somnolente. La somptueuse pinède surplombant la ville ainsi
que la vallée du Saiss se déroulait sur le versant du massif du Kandar qui culmine à plus de 1700m. Elle
diffusait une senteur piquante de résine dont j'ai pu me saouler pendant un court laps de temps. Nous
avions enfin atteint la fertile vallée du Saiss à travers laquelle on pouvait apercevoir une étendue de champs
de blé et d'orge prématurément jaunâtres ainsi que des oliviers qui longeait la route.
Après avoir contourné la ville de Fés en passant, outre l'intersection avec la route Fés-Sefrou, par le
complexe sportif et l'école de médecine de Fés, des falaises spectaculaires se présentaient à nous et on
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pouvaient voir des collines fleuries de la répandue tête de lion, une fleur très commune en ce temps d'Avril.
Soudainement, nous abordâmes des collines et des montagnes arides comme par un effet d'érosion
avancée. Quelques arbres y étaient pendus ce qui donne un charme unique à ces collines qui décelaient
l'une des plus célèbres stations thermales du pays; nous étions à Sidi Harazem. Des mots aussi célèbres
sont peints en chaux sur des pierres ordonnées pour acclamer haut et fort la devise du pays non moins
solennelle: "Allah, Al Watan, Al Malik". Seulement, et selon toute vraisemblance, cette devise là (Dieu,
Patrie, Roi) d'après ce que je viens d'apprendre quelques jours auparavant pouvait être empruntée à une
ancienne monarchie arabe déchue par le régime de Nasser en 1952. C’est la monarchie égyptienne qui
portait la même devise. Quelques mètres parcourus, nous nous sommes arrêtés pour faire des provisions
en essence. Nous avons saisi l'occasion, moi, Taha et Luna la jordanienne pour nous étirer et de reprendre
haleine tandis que la plupart des présumés randonneurs s'endormaient ou s'assoupissaient à coeur joie en
s'accommodant des conditions de confort drastiques des sièges de notre minibus. La station d'essence
Shell est à deux pas de la fameuse usine à eau minérale de Sidi Harazem. Ensuite, nous avons poursuivi
notre périple en passant outre un pont d'une architecture assez sobre mais spéciale qui chevauche l'Oued
de Sebou. Parallèlement au pont, des câbles électriques supportaient des boules argentées desquelles je
n'arrive pas à comprendre la fonction exacte. Notre route s'est poursuivie à travers des virages en remontée
tout en apercevant la voie ferrée qui vient rejoindre la route nationale 6 à certains endroits. Des petits
villages se sont succédés sur fond de route plate. Des contrées dépravées, sous équipées mais qui décelait
sûrement des richesses à découvrir, je ne peux m'empêcher de penser, malgré l'évidence qui me fait défaut,
que c'est un nouveau far-west à découvrir mais surtout à exploiter pour en dégager ses richesses. Se
perdant dans mes pensées, j’ai réalisé à un moment qu’on passait par un barrage dit barrage de régulation
ou quelque chose de la sorte; il s'appelle barrage Allal El Fassi, c'est une annexe au barrage Idriss 1er qu'on
allait rencontrer sur quelques kilomètres. En effet, l'une de mes injonctions qui ont suscitées la curiosité de
mes co-randonneurs s'est élevé à la vue de ce grand barrage qui reposait tranquillement sur son lit à
gauche de la route menant à Taza. On voyait même une barque se promener dans ses eaux tranquilles car
l'accalmie a commencé après une semaine agitée. Un peu plus loin, une vallée traversées par des
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aqueducs droits et martiaux pour ce paysage varié et courbé abrite un village nommé Matmata que nous
avons laissé sur notre droite. Tout de suite, j'ai aperçu des tentes au loin qui constituaient l'un de ces souks
archaïques jonchant la route. Mais à ma grande surprise, j’aperçus des citrouilles oranges et toutes grosses
pendues par des cordes et prenants des formes très variées comme si s'était une galerie d'art moderne
dans son archaïsme intentionnel. Mais ce fut seulement des citrouilles et rien d'autre. Comme je le pense
toujours, le chemin est la moitié du plaisir ce qui éclipse à premier abord la destination qui, une fois atteinte,
reconquit sa part du plaisir de voyager. J'étais déjà au paroxysme de l'euphorie quand nous dépassâmes
après une légère secousse à l'abord du pont bâti sur le oued Yenawen; ce oued sur lequel le barrage en
question est érigé. Tout à coup, nous entendîmes un bruit de friction d'un objet métallique avec la chaussée
qui provenait de l'arrière du véhicule. On s'arrêta au beau milieu du pont en obstruant la circulation à notre
plus grand embarras. Ce fut le support métallique qui s'est détaché avec fracas et qui laissait le pneu de
secours qu’il supportait traîner derrière. Entre temps, j'eus l'occasion de jeter un coup d'oeil sur l'autre pont
parallèle à la droite du notre et qui supportait les rails de la voie ferrée. Il semble qu'il est de construction
française car, en outre l'évidence que ce chemin de fer remonte au protectorat, les bases du pont qui se
jettent dans les eaux boueuse et opaques de la rivière avait la même texture de pierres taillées que le
fameux aqueduc à l'est de la ville de Meknès. Ce dernier a été construit autour des années 20 à ce que j'en
sais. Une usine d'exploitation minière se trouve également à droite avec ses engins qui perçaient le mont
d'à coté ce qui dégageait une couleur noire mais j'ignorait quel matériau en est extrait. Notre dévoué
chauffeur a réglé le problème à la hâte, donc provisoirement, pour faciliter le passage aux autres véhicules.
On s'est encore arrêtés à quelques mètres du pont pour nous assurer que tout ira bien par la suite. Ensuite,
nous passâmes par la « bourgade-halte » de Oued Amlil qui sert généralement de halte aux voyageurs qui
voyageaient plus loin dans les deux sens à Rabat, Oujda ou voire Oran au passé. Ces « villes-haltes » ont
la classique fonction de gâter les voyageurs affamés du fameux Méchoui. (Tout au long de ce récit, je
commence à avoir l'impression que Taza serait inatteignable tellement ça en valait de raconter des chose
sur ce périple). Une verdure exceptionnelle se dessinait sur les montagnes à droite de la route. Seulement,
ce qui m'a enchanté le plus c'est toujours cette brume épaisse coincée entre deux blocs rocheux très droits
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dans une vallée profonde qui nourrissait mon imaginaire d'un goût de mystère. Un polar y serait poignant, je
commençais à m'imaginer un meurtre ou un suicide par noyade surtout que cette vallée, semble-t-il, est une
gorge qui abrite une rivière obscure et brumeuse ce matin là. Et si une horrible affaire s'y déroulait au
moment même que j'y pense? Un très bon sujet de polar! Pourquoi pas? La brume m'a toujours inspirée
fascination et mystère mais paradoxalement de la chaleur. Un sujet qui laisse divaguer…
Réveillé de mes divagations, nous étions en remontée et nous atteignîmes un sommet ou un
écriteau affichait l'altitude qui environne les 540m. C'était le Tizi’n’Touhar, littéralement le col de n’Touhar en
Tamazight. Un col est une forme de relief entre deux montagnes qui joue le rôle de passage entre ces
derniers. A peine franchi, j'ai poussé une autre exclamation en voyant un vrai jardin d'Eden à perte de vue.
Des oliviers et des champs verdâtres se présentaient à nous. Enfin, nous étions aux abords de la ville de
Taza. Une ville très empreinte par un aspect provincial qui trahissait une ville pauvre et mal organisée avec
un urbanisme assez incohérent. Une incohérence due, je présume à une série d'improvisations qui a affecté
l'architecture de la ville sur différentes périodes. On peut apercevoir une architecture morose des années 80
qui reflétait bien la crise économique et la sécheresse qui sévissaient au Maroc au début des années 80.
C'est d'ailleurs le cas de ma ville, Meknès. Des bâtiments très reconnaissables à travers le Maroc. Que ce
soit des administrations publiques, des écoles, ou des universités à Rabat, Meknès ou même à Taza et
partout dans le Maroc, j'estime qu'ils ont les mêmes caractéristiques architecturaux que ce soit les
matériaux utilisé, la texture, ou le plan d'ensemble ce qui les rend reconnaissable et représentatif de la
période. L'hôtel ou la pension" La Dauphiné" dans lequel nous avons pris notre petit déjeuner est, quant à
lui,de style colonial ou ce qu'on appelle en Afrique du Nord l'art Mauresque en architecture avec ses
terrasses ou même de l'Art déco de la période des années de l'entre deux guerres. Cet hôtel a de larges
balcons donnant sur la place de l'indépendance qui me semble être le coeur de la ville de Taza. Un circuit
approximatif du Parc National du Tazzeka était dessiné à l'entrée de l'hôtel.
Comme prévu, nous avons pris notre petit déjeuner sur fond de discussion interculturelle surtout
que nous étions un groupe multiculturel avec une tunisienne, une jordanienne et deux américains. Le
dévoué Taha qui était responsable de l'excursion s'est arrangé pour trouver quelque part ou nous pourrions
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commander des sandwichs surtout que l'hôtel a proposé des sandwichs de viande hachée à 51dh. Un prix
exorbitant mais gonflé à premier abord et de surplus absurde car je n'arrive toujours pas à comprendre
pourquoi 51 mais pas 50 tout court surtout que le prix est manifestement gonflé. On dirait qu'ils ont une
formule mathématique spéciale non pas pour calculer mais pour nous surprendre comme c'est toujours le
cas. Par conséquent, nous avons décliné cette offre "absurde" et nous nous sommes arrangés à trouver les
fameux sandwichs de viande hachée à 17dh grâce à notre délégué Taha car on craignait une augmentation
importune de prix. J'ai à ce moment là compris pourquoi de tels gérants d'hôtel ou de restaurants de fortune
ne se sont pas enrichis et ne s'enrichiront jamais. Ils ne savent pas faire des affaires car ils pensent profiter
des clients sans même leurs montrer le minimum de courtoisie. Or, au contraire, c'est l'arrogance qui fait la
règle.
Pendant ce temps là, notre véhicule stationnait en face du bâtiment tout blanc de la fameuse série
de bâtiments typiques et reconnaissables de Bank Al Maghrib(la banque centrale Marocaine Makhzenienne)
comme on pouvait l'appeler autrefois. On se réfugiant du soleil de plomb, j'eus l'envie pressante de boire
une gorgée d’eau. Je suis allé à la plus proche des épiceries pour m'acheter une bouteille d'eau. Je l'ai
demandée et en attendant la monnaie, un homme apparemment sexagénaire entra et commença à parler à
l'épicier d'attentas à Casablanca ce matin. Un frisson d'horreur me secoua mais j'ai été rassuré car le
kamikaze était la seule victime de ses actes. Un désarroi s'empara de moi pendant un court moment de
temps pour céder la place à une curiosité joyeuse de savoir qu'elle sera la réaction de mes co-randonneurs.
Ainsi, j'ai du me hâter pour leur annoncer la morbide nouvelle. Leurs réactions ont été diverses; j'ai pu
constater qu’une bonne partie des réactions avaient été indifférentes car en fin de compte "C'est loin, c'est à
Casa!" ou " ça n'arrive qu'aux autres!" si je me permet de conclure. D'autres réactions ont été empreintes
par un humour noir quand d'autres se sont rués sur leurs téléphones portables pour avoir les dernières
nouvelles de l'attentat.
Taha nous annonça qu'on devrait attendre un peu plus nos sandwichs ce qui nous procura
l'occasion de visiter la ville pendant quelque temps. Il n'y avait absolument rien à voir. Nos provisions prêtes,
nous nous apprêtâmes à entamer la plus belle partie de notre excursion. Nous étions accompagnés par un
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guide pour aborder le circuit du Parc National du Tazekka. Tout d'abord, le minibus arpenta l'ascension
célèbre de Taza jusqu'à atteindre Taza El Alia (La haute) où se situe la médina de Taza. On commençait à
contempler la Basse-Taza ainsi que les monts du Pré Rif avec leur silhouette empreinte d'aridité mais
surtout la fine fumée qui couvrait la plaine. Je me penchai de la fenêtre pour regarder la route tortueuse et
spectaculaire qui se déroulait sous nos pieds. J'étais enchanté par les forêts de pins denses surplombant
l'étroite vallée qui abrite une succession de cascades vertigineuse. Les montagnes couvertes par une
verdure tenace, se dressent l'une contre l'autre ne laissant que des petits passages étroits. La route qui
gravit ces montagnes était sur la falaise; et par conséquent, était longée par des constructions blanches qui
alternent des hauts et des bas en guise de petits remparts afin de protéger les voitures d'un éventuel
dérapage fatal. Devant la beauté du paysage je me consternais également devant l'homme qui a su
dompter ces montagnes en y frayant un passage. Et naturellement, la première question qui m'est passée
par la tête fut: "Qui et Quand a été construite cette route? La réponse était sans équivoque: " C'est dans les
années 20 autour de 1925" répondit le guide. Une conclusion s'imposa à moi aussitôt:"C'est sous le
Protectorat !". Mais tout de suite, une autre question m'interpella:"Quelles sont les motivations de la
construction d'une telle route et surtout, en sachant qu'au même moment que nous la gravissons - ça veut
dire 80 ans après- elle est toujours déserte". La réponse de cette question reste à découvrir tout au long de
ce récit.
Le premier arrêt fut à Ras El Ma - littéralement" La tête de l'eau" -un nom qui a toujours éveillé ma
curiosité quand j’étais petit même si j'y ai jamais été. Il s'agit en fait d'une petite bourgade qui est sur le
chemin de fer entre Fes et Meknes ce dont je voyais le nom incrusté en calligraphie marocaine et qui
s'appelle également Ras El Ma - un nom très commun au Maroc. Une relation évidente avec l'eau est
perceptible mais d'après ce site ou nous nous trouvions, je suppose que ça renvoie à une source d'eau
sinon à une cascade. J'ai laissé mes divagations inéluctablement de coté au profit d'une séance de photos.
Mes premières impressions du site furent flattées de la fraîcheur de l'endroit qui édulcorait le soleil de
plomb de cette journée-là. Les ressources hydrauliques du site (environ 1400m) étaient évacuées par une
sorte de cuvettes débordantes d'eau qui longeaient la route. Il y avait aussi une piscine contenant une eau
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d'une couleur verdâtre terne qui trahissait le fait que cette eau stagnait depuis quelques jours. La chute que
nous avons seulement entendue était sous nos pieds du haut d'une terrasse qui a une vue imprenable sur la
ville de Taza ainsi que les monts lointains du Rif. En contrepartie, j'ai pu observer une espèce d'oiseaux au
plumage incrusté de jaune brillant comme pour compenser le spectacle manqué de la cascade.
Quelques minutes après, nous nous engagions en pleine chênaie pour visiter la fameuse grotte de
Friouato qui, à en croire notre guide, est parmi le top 5 des grottes mondiales. En route, nous croisâmes un
troupeau de moutons qui paissait dans la forêt ainsi qu'une 4*4 des gardes forestiers. L'atmosphère au bus
était un peu animée tandis que je me penchais toujours de la fenêtre pour bien sentir les odeurs de la forêt
et contempler les formes sublimes que peuvent engendrer des chênes chevauchant de grosses pierres
massives comme sculptées ou percées par les racines opiniâtres de ces mêmes chênes. A peine sortis de
la brousse, un espace s'ouvrit à nous sur la gauche de la route. C'est le défunt lac du Chiker qui céda la
place à une vaste plaine verte mais nous ne nous arrêtâmes point qu'à l'arrivée au gouffre.
A premier abord, je fus déçu car je m'imaginais un trou bien béant entouré de bâtiments et je n'ai
pas soupçonné l'existence d'une grotte sous mes pieds. Je n'ai alors pas cru mes yeux quand nous a
demandé d'entrer par une porte comme si on n'entrait dans des toilettes publiques percées dans un bloc
rocheux. Nous passâmes par un tunnel en descente nullement obscure à cause de la proximité de son bout.
Un joie vertigineuse m'assomma et je commençais à lancer des cris pour en entendre les échos qui donnent
à cette grotte un aspect mystérieux mais fascinant. Elle était tout illuminée par les rayons du soleil qui
glissaient à travers le cratère béant de la grotte que j’ai enfin découvert. Des gouttes d'eau tombaient sur
les parois cramoisies. Des échelles vétustes et mal en point se jetaient au fond de la grotte en dessinant des
demi cercles imparfaits. Nous nous lançâmes à l'assaut de la grotte en prenant des photos par une
atmosphère fraîche et humide. Tout en descendant, je m'imaginais les flots vertigineux d'eau qui ont percés
cette grotte à travers le temps. Je me sentais pusillanime et infiniment petit. Nous atteignîmes le fond de la
chambre supérieure de la caverne tandis que les escaliers continuent leur passage à travers les rochers.
Nous redoutions l'obscurité et l'étroit passage; un aspect mystique s'empara de nos sentiments.
Soudain, un vieux cauchemar me hanta. Je me souvins d'Aladin qui resta prisonnier au fond de la
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grotte où il a trouvé la lampe magique sous ordre du Vizir qui enfin l'emprisonna au fond de la grotte.
Quoique Aladin réussira à s'en sortir, ce fut un terrible traumatisme de mon enfance qui a rejailli sans
m'effrayer pour le moins. A cet instant là, j'ai pu comprendre le mysticisme que recèle les grottes dans
l'imaginaire des marocains. Dans une grotte, un ultime sentiment de solitude et de peur mais de
consternation presque religieuse hante tout visiteur même s'il est accompagné,(du moins, c'est ma propre
perception). Bien que la remontée ne s'est pas faite sans peine, la visite de la grotte m'a rendu plus sensible
aux subtilités de la nature et ce n'est qu'en visitant de tels endroits que mon attachement à mon pays
s'accroît considérablement. J'étais aux anges à ce moment là que j'ai n'ai pu quitter la caverne sans un petit
chagrin sur le coeur. Ensuite, je suis allé voir le cratère du gouffre du haut du massif rocheux qui était
couverts de chênes. Étant là-bas, j'ai pu contempler le lit du lac défunt sous un ciel azur ainsi que des
variétés de fleurs stratifiées autour du trou. Un lézard coloré se faufilait à travers les roches basaltiques
d'une couleur bleue grisâtre comme celle des petites pierres parsemées tout au long des rails marocains.
C'était presque 15h et notre faim se faisait sentir immanquablement ce qui nous obligea à
reprendre la route pour effectuer une halte déjeuner à la fameuse station d'estivage Bab Boudir. Là bas, des
chalets sont en construction même si pour la période, le site semble totalement désert et abandonné. Nous
nous trouvâmes refuge sous un cèdre, sous lequel on avait mis des bancs autour de 3 tables rondes tous en
béton, pour manger nos sandwichs. Entre temps, je me suis mis avec le guide et Samir à chercher une
source d'eau afin de s'abreuver et de se laver les mains toutes crasseuses à cause des escaliers de la
grotte. Nous passions par un terrain en terre battue avec quelques plantes disparates mais aussi - à ma
grande joie - des traces de pattes de sangliers qui, selon toute vraisemblance, paissaient la nuit dernière. Le
guide nous avait dit qu'il y avait des colonies de vacances ou des chantiers internationaux organisés dans
ce centre d'estivage pendant l'été. La présence de beaucoup de bâtiments de divertissement ou des foyers
de jeunes ainsi qu'une piscine y est du. Nous retrouvâmes enfin chez des habitants du coin de l'eau, une
eau limpide et froide qui m'inspira une plénitude furtive d'esprit mais chargée de sens. De retour, j'ai mangé
mon sandwich sous le doux soleil de l'altitude avec un appétit ressuscité. On m'annonça ensuite une visite à
la petite exposition de la faune se retrouvant au parc. Une faune très variées; des renards, sangliers,
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chauve-souris, chouettes, faucons...etc. A peine sorti, j'ai proposé d'emprunter le circuit le plus court de
randonnées suggérées par une pancarte à l'entrée de l'exposition. Malheureusement, ni le guide ni les
autres n'ont été tentés par l'idée alors on a suivi un petit passage plus en hauteur que la route principale
mais qui s'est avéré spectaculaire surtout avec ses multiples vues panoramiques sur les montagnes du Rif
ainsi que le mont du Tazekka qui culmine autour de 1800m. La végétation varie entre cédraie, pinède mais
à dominante de chênes verts comme c'est le cas à Ifrane. Des fleurs et des plantes jusque là inconnues
pour moi se cramponnaient aux parois rocheuses de la montagne. Des paysages paradisiaques se
défilaient pendant notre marche paisible sous le doux soleil. La route était toujours longue à travers la forêt
qui, étrangement, n'était peuplée que de quelques hordes de touristes français en caravanes ou en 4*4 et
j'ai même eu l'impression qu'ils sont plus familiers avec les lieux que nous. La monotonie de la forêt qu'on
peut s'imaginer est trompeuse car à chaque tournant de virage, je m'éblouissais encore de quelques petites
merveilles: des petits torrents d'eau tout ruisselants, des massifs schisteux de couleurs allant du gris au
marron en passant par le rouge et des montagnes toutes fières s'affichent à l'horizon. Ainsi, le mont
Bouyblane en était le plus éblouissant, totalement couvert de neige; un îlot lointain de blanc entouré de
végétation. Nous profitâmes de l'occasion pour prendre des photos qui immortaliseront cet instant. Soudain,
nous étions assailli par des caravanes de retraités français d'un accent résolument sudiste. C'était des
nîmois à ce qu'ils nous ont déclaré. La route pour la prochaine destination - les gorges du Zireg - était longue
avec le même paysage de chênes- lièges cette fois - désemparés de leurs écorces. Pendant tout le trajet
qui passe également par une plaine habitée de l'arrière pays tazi, la plupart de mes co-randonneurs se sont
livrés à la tentation du sommeil à ma grande aubaine car ils ont raté tant de beaux paysages. En
débouchant sur les gorges du Zireg, j'ai réveillé Taha qui n'a pas pu réveiller les autres de crainte de les
déranger surtout qu'ils dormaient comme des enfants. C'était une vallée étroite et profonde. Les ruisseaux
perçaient résolument leur chemin à travers le massif rocheux se dressant en une hauteur imposante.
Dans une quinzaine de minutes, nous avons rejoint encore la route nationale 6 en repassant par le
même pont de l’incident de ce matin. A Taza, nous prenions un café au café Al Andalous. Ensuite on
s’apprêtait à visiter la Médina. Mais tout ce qu’on avait fait était de descendre les fameux escaliers qui
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mènent à la ville nouvelle sur fond de discussion interculturelle à propos des différences linguistiques entre
les dialectes arabes. Au crépuscule, c’était le départ. Il faisait déjà noir à l’arrivée à Oued Amlil ou un dîner
copieux était au menu toujours sur fond de discussion politique très cordiale. Le restant de la route s’est
déroulé en une atmosphère décontractée. Pendant ce temps là, j’étais au bout de mes forces sachant que
j’étais le seul à ne pas dormir durant tout le trajet.
Une petite halte non prévue s’est faite aux sources de Sidi Harazem. J’en ai bien profité pour
asperger Souad avec de l’eau tiède car elle ne cessait de me taquiner tout au long du trajet. Et ce fut ma
revanche. Une heure à peine, les tuiles orange de l’université s’annonçaient au loin au fond de l’obscurité de
la forêt. Nous étions enfin chez nous autour de minuit ce qui procure encore un sentiment de mission
accomplie assez originel. Ainsi, la suite relève de ma vie privée alors je ne serais qu’obligé de clore ce récit
qui ne décrit, malgré ses détails, qu’une fraction infime de la joie que j’ai éprouvée pendant ce voyage.
Houssam Jedda
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