Compte rendu de la manifestation à mes collègues du Maghreb http

Transcription

Compte rendu de la manifestation à mes collègues du Maghreb http
Compte rendu de la manifestation à mes collègues du Maghreb
http://lpsc.in2p3.fr/TAZA/
F. Malek, 15 avril 2011
Photo de quelques participants à EPAM2011 – Hotel Friouato - Taza
C’est lors de la conférence d’Oujda en 2007 que j’ai organisée à la demande de la commission
Nord-Sud de la SFP (Société Française de Physique) qu’est née l’idée d’une Ecole de
Physique Avancée au Maghreb (EPAM) sur le modèle des sessions pré doctorales de
l’Ecole des Houches. Avec l’aide du MAE (France), un gros effort a été fait pour initier ce
projet et la première EPAM a eu lieu en Tunisie en 2009 sur la thématique de la
Nanophysique. Dans la lancée, la seconde EPAM fut organisée en Algérie en 2010 sur la
thématique des Energies Renouvelables. Ces deux écoles ont été une réussite puisqu’environ
une quarantaine de doctorants des 3 pays du Maghreb y ont participé.
La 3ème édition de cette école (EPAM2011) ayant pour thématique "Physique des Hautes
Energies, Astroparticule et Cosmologie", le bureau de l’EPAM m’a proposé de la codiriger
avec le Professeur Abdeslam Hoummada de l’Université de Casablanca, Maroc, nous deux
appartenant à cette discipline. Elle s’est déroulée du 26 mars au 3 avril 2011 à Taza, à environ
120 Km de la ville de Fès, dans les montagnes du « Moyen ATLAS », retrouvant par la-même
les paysages des Houches.
Le paysage du « Moyen ATLAS »
au dessus de la Médina de Taza.
Cette école, comme les deux précédentes, s’est donnée comme objectif principal, la
formation. Mais elle fut plus que cela car elle a permis de tisser des liens entre les participants
des 4 pays organisateurs : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la France. Mieux, la participation
de quelques personnalités du CERN, John Ellis en particulier, a permis de discuter d’un
renforcement des liens avec cette organisation.
John Ellis et les participants algériens : de droite à gauche, Djamel Ghafor (Oran), Zouina
Belghobsi (Jijel), Essma Redouane (M’sila), Nassima Boulkroune (Bejaïa), Amel Hadj
Kaddour (Oran), Linda Ghegal (Constantine) et de dos, Meriem Lagraa (Oran).
Nous attendions 92 étudiants, doctorants, post-doctorants et professeurs, 75 sont finalement
venus. La défection, fut hélas, essentiellement due à des raisons financières et administratives
(délais des conseils scientifiques qui doivent traiter des missions ou statut des étudiants ne
permettant pas les financements à l’étranger etc. …). Parmi les 25 Algériens inscrits, seuls 15
ont pu venir et certains ont du payer leur voyage et leur séjour de leur poche.
La relation que nous avons, nous en France dans la discipline de la physique des Hautes
Energies avec nos collègues Marocains et Algériens est exceptionnelle. Avec le Maroc, nous
entretenons des liens depuis maintenant plus de 20 ans. Des échanges réguliers entre les
universités marocains impliquées dans la physique des hautes énergies et les laboratoires de
l’IN2P3 sont intenses. Nous avons travaillé et maintenu les échanges grâce aux contacts de
type PAI, PICS, 2 GDRI puis très récemment, nous avons mis en place un « LIA », appelé
LIA ILCP (Laboratoire International Associé en physique des hautes énergies impliquant la
France, la Suède et les universités marocaines). La communauté s’est étoffée pendant 20 ans
et la présence du Maroc au CERN et en particulier dans l’expérience ATLAS est visible et
percutante.
Les relations entre la France et l’Algérie dans cette discipline son encore faibles mais
certaines relations existent depuis plusieurs années entre les laboratoires de l’IN2P3 (et de
l’INP) du CNRS et les universités d’Oran, Jijel et Constantine. Les liens les plus étroits sont
avec l’université d’Oran et en particulier avec la Professeur Farida Iddir sans laquelle il aurait
été impossible d’établir les contacts avec les participants Algériens de Sétif, Jijel, Bejaïa et
Alger.
De droite à gauche : Farida Iddir (Oran),
Makhlouf Chennit (Bejaïa) et Meziane Abdelkader
(Bejaïa)
Cette école fut aussi un forum d’échanges extrêmement riche et attachant. Les jeunes, en
particulier les jeunes marocains et algériens travaillant dans le domaine traité par l’école ont
montré une maitrise stupéfiante et solide. Ce que nous avons constaté c’est que pour ce qui
concerne le Maroc, le côté expérimental est plus développé, il y a une maitrise des outils de la
physique des hautes énergies. Pour ce qui concerne l’Algérie, la maîtrise est plutôt dans le
domaine de la physique théorique et la phénoménologie et il semblerait qu’il leur manque
beaucoup d’outils de travail, même théoriques ….
C’est pour cette raison que les travaux pratiques que nous avons proposés lors de cette école
(Root, Géant4, analyse de données, grille de calcul, …) ont été très prisés, en particulier la
pratique de « ROOT » proposée par Johan Collot (Grenoble), l’analyse de données de
physique proposée par Mohamed Gouighri (Casablanca) et la session « Geant4 » proposée par
Driss Benchekroun (Casablanca). Les exercices se prolongeant des fois jusqu’à 3h du matin,
Gilbert Moultaka (Montpellier) s’improvisant en expert « Mathematica ».
Apprentissage de Root et de Géant 4 et avec le sourire
Les cours théoriques sur le modèle Standard par Fawzi Boudjema (Annecy) et sur la
physique au-delà du MS (SUSY) par Gilbert Moultaka (Montpellier) ont été très appréciés.
De même que les cours de Cécile Renault (Grenoble), Delphine Hardin (Paris) et Corinne
Bérat (Grenoble) sur la cosmologie et les rayons cosmiques.
Gilbert, Johan et Fawzi à la pause thé ; Delphine nous faisant voyager dans la galaxie
En plus des cours qui formaient le cœur de notre discipline, 3 cours sur la physique médicale
ont été donnés par Yannick Arnoud (Grenoble) et une journée entière a été consacrée à la
grille de calcul avec des travaux pratiques à la clé.
La manifestation n’a pas oublié les jeunes et leurs travaux. Douze posters de très grande
qualité ont été présentés par des Algériens, Marocains, Tunisiens et Français.
Meriem Lagraa, université d’Oran, Algérie
Imène Garali, Subatech-Nantes, France
Session Poster perturbée le 2ème jour, match de foot Algérie-Maroc s’étant invité et imposé.
Un match de qualification à je ne sais quel ligue ou tournoi. Les Algériens ont exulté de joie
et les Marocains ont été fair-play. Ouf ! Je m’inquiétais de l’ambiance future de l’école.
Des pieds qui tapent dans la baballe au milieu
des posters.
Nous avions prévu d’attribuer 2 prix de poster : Le prix du meilleur poster et le prix du
meilleur poster de physique des particules dit Prix John Ellis. Un comité formé de 6
scientifiques des 4 pays participants a évalué les posters. Les deux prix, 2 PC portables offerts
par l’université de Casablanca, ont été remis donc à Amel Hadj Kaddour de l’université
d’Oran, Algérie et à Youssef Khoulaki de l’université de Casablanca, Maroc lors de la
cérémonie de clôture organisée à la maison de la culture en présence des autorités locales et
en particulier le gouvernorat de la région de Taza.
Les deux lauréats des prix du poster avec John Ellis (CERN), Le gouverneur de la province
de Taza et Michèle Leduc (SFP). A l’extrême gauche avec la jolie robe grenat, une
participante Tunisienne : Neila Zerrouk.
A la demande de certains participants algériens et marocains, 5 séminaires ont été organisés,
donnés principalement par des Post-doc et des professeurs dont 3 algériens. Réfractaire dès le
départ sur ces exposés car le programme étant trop chargé, je fus, finalement, extrêmement
ravie de découvrir les talents de nos confrères et collègues enseignants chercheurs du
Maghreb.
Mustapha Maamache de l’Université de Sétif, Algérie et l’équation de Schrödinger.
Deux conférences « grand public » ont été organisées à la chambre de commerce de Taza.
L’une sur la mission Planck donnée par Cécile Renault (Grenoble) et l’autre sur le LHC
donnée par Daniel Denegri (CEA). Lors de ces conférences, des classes de lycées de la ville
de Taza se sont déplacées et beaucoup de questions, parfois étonnantes, parfois agaçantes, ont
été posées. Mais nos deux conférenciers, s’en sont très bien sortis.
Gi
Cécile Renault et la Mission Planck
Daniel Dénegri et le LHC
Pendant 10 jours, les jeunes ont été d’une assiduité et d’un sérieux qui fait rêver. Les cours
démarraient tous les jours à 9h et se terminaient vers 20h. A peine le temps de diner et hop,
certains reprenaient leurs exercices de « ROOT » ou de « Geant4 ». Nous étions isolés, certes,
mais nous n’avons pas dérogé à des séances de défoulement général et beaucoup de calories
ont été nécessaires pour maintenir le rythme de folie de cette école. Après tout, on nous avait
dit qu’il fallait faire aussi bien que les Houches. L’ambiance était tout à fait appropriée, le
paysage, l’air pur et la vie de moine nous a fait beaucoup de bien.
Cette quantité de calories par personne/par jour et se défouler après les cours furent
nécessaires
Nous avons quand même fait une virée hors des murs de notre monastère pour visiter la ville
de Fès, une excursion d’une journée, totalement folle où nous avions perdu la moitié du
groupe dans les ruelles étroites, tortueuses et très fréquentées. Ce qui nous a fait arriver 2h en
retard à la conférence de Cécile, Cécile y compris.
Certains jours, des sorties ont été organisées pour se balader dans les montagnes et la
campagne époustouflante de beauté, pour explorer la célèbre grotte du « Friouatou » et même
pour voir le lieu où sera construit le futur télescope à neutrinos, appelé NOY de Taza, petit
frère du même instrument installé dans le Vercors, NOY de Grenoble (prononcer noix de
Grenoble).
Nous avons eu la visite des médias dès le début et jusqu’à la fin de la semaine : on s’est prêté
au jeu et on est même passé à la TV et à la radio (RTM). On a dit beaucoup de bien des
coopérations intermaghrébines, des opportunités de rencontres scientifiques et nous avons
même fait un peu de politique. Tout est enregistré !
Abdeslam Hoummada, la personne la plus interviewée
Le temps du départ est arrivé, nous avons bouclé nos valises, contents d’avoir passé de bons
moments ensemble, d’avoir partagé la connaissance et nous nous sommes promis plein de
choses.
Que reste-il aujourd’hui de tout cela? Un réseau de personnes très motivées, se jurant de
continuer l’aventure autrement. Cet « autrement » a été travaillé sur place car nous ne
pouvions pas partir, se dire au revoir, sans bâtir quelque chose. Nous avons décidé d’un
commun accord de mettre en place des accords bilatéraux entre universités marocaines et
algériennes, d’impliquer les universités algériennes et marocaines dans des échanges
d’étudiants par exemple pour que les expertises de part et d’autres des deux pays s’exportent.
Et ceci sera fait dans un premier temps, d’abord entre l’université de Casablanca et
l’université d’Oran (Abdeslam et Farida) et nous espérons étendre cette collaboration entre le
RUPHE (le réseau de compétences en physique des hautes énergies du Maroc) et toutes les
universités algériennes impliquées dans la physique des hautes énergies.
C’est un premier pas et c’est aussi la chose la plus basique que nous puissions faire d’autant
que les problèmes de type « visa » ne sont pas prégnants comme avec la France.
Et pour finir, notons que rien n’aurait pu se faire sans nos soutiens, scientifiques, logistiques
et financiers.
J’aimerai citer en premier le gouverneur de Taza, les élus et les autorités locales qui nous ont
mis à l’aise dès le départ en nous recevant avec faste et intérêt. Le gouverneur nous a
d’ailleurs exprimé son désir de pérenniser cette école en apportant annuellement son aide
matérielle et logistique.
Rien n’aurait pu se faire sans l’aide des petites mains marocaines qui se sont occupées du
secrétariat, du web, de l’intendance, des inscriptions etc. et je nommerai de mémoire :
Youssef, Said, Fatma Zhor, Aziz, Adil et le pôle de compétence du RUPHE.
Merci aussi à tous nos soutiens européens, la SFP, le CNRS, le CEA, l’ICTP, l’EPS, France
Grilles, l’ambassade de France au Maroc, le CERN et la fondation « partage du savoir ».
Et une note particulière à l’université d’Oran qui a apporté un soutien scientifique, a fait en
sorte que les liens avec d’autres universités des autres régions d’Algérie se fassent et aussi a
marqué sa présence à l’école par une participation nombreuse.
Une imposante présence Franco-Maghrébine