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Droit des Servitudes
Egout des toits – Ecoulement eaux ménagère - Aggravation n° 166
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Justice de paix de Visé, Jugement du 23 janvier 2006
La servitude d'écoulement des eaux ménagères (ou servitude d'évier) est discontinue car son
exercice requiert le fait actuel de l'homme.
Seules les servitudes continues et apparentes peuvent s'acquérir par destination du père de
famille. Une servitude d'écoulement des eaux usées ne peut s'acquérir par destination du père
de famille (JLMB 2007, p. 1478).
Jugement du 23 janvier 2006
La décision
Le Tribunal,
I. La situation
(…)
Le demandeur conclut au caractère continu et apparent
de la servitude litigieuse pour en déduire qu'il l'a
acquise par destination du père de famille au moment
de la vente de l'immeuble aux défendeurs.
Vu le jugement avant dire droit prononcé le 8 décembre
2003, ordonnant une visite des lieux litigieux; ...
Vu le jugement du 3 octobre 2005 statuant
contradictoirement, avant dire droit au fond, ...
Les faits
Monsieur D. est propriétaire d'un fonds sur lequel se
trouvait une grange garage qu'il a transformée en
studio.
Selon acte notarié du 12 avril 1999, il a vendu à
monsieur K et à madame V. un immeuble situé sur le
fonds voisin.
En 200l, sembJe-t-il, monsieur K. et madame V. ont
empêché que les eaux ménagères usées du studio
continuent à s'écouler dans la fosse septique située sur
leur fonds.
Le 14 octobre 2003, monsieur D. a lancé citation contre
monsieur K. et madame V. pour les entendre
condamnés à raccorder à leurs frais exclusifs les
écoulements du studio à leur puits perdu, sous peine
d'astreinte de 125 euros par jour de retard et à lui payer
une indemnité pour trouble de jouissance.
Monsieur K. et madame V. se défendent en invoquant
l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux qui
existe à charge de leur fonds, au profit du fonds
appartenant à monsieur D.
Les actes relatifs au litige ne sont pas tous produits
dans leur intégralité.
Toutefois, des pièces déposées, il résulte que: le 17
janvier 1992, les consorts L. ont effectué un partage
d'ascendant constaté par l'acte dressé à la même date
par le notaire Rutsaert. Cet acte n'est pas produit. Les
défendeurs produisent, toutefois, le plan de mesurage
établi, semble-t-il, en vue du partage d'ascendant, le 6
janvier 1992, par le géomètre Walthery.
L'acte de vente de D. à K. mentionne le partage
d'ascendant toutefois sous le titre «servitudes
particulières» qui fait état de la subrogation des
acquéreurs (les actuels défendeurs) dans les droits et
obligations résultant de l'acte de partage et notamment
«les écoulements d'eau (?) pouvant exister dans la cour
sous liséré jaune et les biens sous liséré vert, bleu et
rose» dont on peut supposer, sur la base du plan du 6
janvier 1992 déposé par le demandeur, qu'il s'agit bien
de l'actuelle cour commune et des écoulements d'eau de
l'immeuble du demandeur.
Ce partage d'ascendant constitue manifestement le titre
établissant une servitude d'écoulement des eaux au
profit du fonds appartenant au demandeur, à la charge
du fonds appartenant aux défendeurs.
Il ne peut pas être contesté qu'à l'époque, le seul
bâtiment se trouvant sur le fonds dominant était un
bâtiment à usage de garage.
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Rien ne permet de penser qu'il existait une arrivée d'eau
courante dans ce garage et encore moins une
évacuation d'eaux usées.
Ce compromis n'étant pas produit, il n'est pas possible,
au stade actuel des débats, d'en préciser sa date.
Ill. Deuxième hypothèse
Au contraire, lors de la vue des lieux, monsieur L.,
ancien propriétaire de l'ensemble des biens, a exposé
qu'avant la transformation du garage, il n'existait pas de
raccordement vers la fosse septique, que les eaux de
pluie des toitures s'écoulaient comme actuellement dans
la cour, qu'il existait des tuyaux d'eau de pluie du
garage et que le raccordement des eaux usées a été fait
en même temps que l'alimentation en eau potable.
Le demandeur lui-même admet que ces travaux
d'écoulement des eaux usées ont été effectués après
1992, puisqu'il offre même de prouver qu'ils ont été
effectués en 1998.
Il parait donc évident que, lors de l'établissement par
titre de la servitude d'écoulement d'eaux au moment du
partage d'ascendant, il n'était question que d'écoulement
d'eaux pluviales.
Toutefois, en l'espèce, il ne s'agit pas de l'écoulement
d'eaux pluviales, mais bien de celui d'eaux ménagères
usées.
A cet égard, la solution du litige varie toutefois selon
qu'il s'agit de la création d'un nouvel égout ou de
l'utilisation, voire la transformation des écoulements
d'eau préexistants.
Dans la seconde hypothèse, il est incontestable qu'il y a
eu aggravation de la situation, puisqu'au moment de la
transformation du garage en studio, le demandeur a
utilisé ou transformé les canalisations existantes pour y
déverser les eaux ménagères usées du studio qu'il
venait de créer vers la fosse septique située sur le fonds
appartenant aux défendeurs.
Il est admis par la jurisprudence et la doctrine que la
servitude d'écoulement d'eaux usées est discontinue.
Elle requiert, en effet, intervention du fait de l'homme
pour son exercice (voy. à cet égard: Civ. Bruxelles, 29
juillet 1896, Pas., 1898, II, 92; Ypres, 25 avril 1927,
Pas., III, 290; J.P. Wetteren, 4 juillet 1991, T.G.R.,
1993, p. 137; RJPERT et BOULANGER, Traité de
droit civil, tome II, 1957, n° 3088; DE PAGE et DECKERS, Traité, tome VI, n° 516; J. HANSENNE, Les
biens. Précis, tome II, 1996, n° 1092).
Or, une servitude discontinue ne peut pas s'acquérir par
destination du père de famille. En vertu de l'article 692
du code civil, la destination du père de famille ne
trouve à s'appliquer qu'aux servitudes continues et
apparentes.
II. Première hypothèse
Dans la première hypothèse, il est évident, sur la base
de l'article 688, alinéa 2, que la création d'égout
correspond à une servitude continue.
Il existe, par ailleurs, des ouvrages extérieurs, fût-ce
une chambre de visite, de sorte que cette servitude est
également apparente.
Elle peut s'établir par destination du père de famille.
Il convient, toutefois, que la preuve soit rapportée que
monsieur D. a bien créé des égouts à une époque où il
était propriétaire des deux fonds, soit avant la date de la
signature du compromis de vente de l'immeuble aux
défendeurs, un compromis opérant entre parties le
transfert de propriété (pour autant du moins qu'il n'y ait
pas de clause de réserve de propriété).
En conséquence, l'aggravation de la situation par
l'utilisation des canalisations raccordées à la fosse
septique du fonds des défendeurs pour l'écoulement des
eaux ménagères usées du fonds du demandeur ne peut
pas constituer une servitude acquise par destination du
père de famille.
Par ailleurs, aucun titre contemporain à la division des
fonds par la vente de leur immeuble aux défendeurs par
le demandeur n'est invoqué.
Enfin, l'hypothèse de l'article 694, à savoir le
rétablissement d'une servitude apparente mais
discontinue au moment de la division de deux fonds
qui, avant d'avoir été réunis en une seule main, étaient
respectivement grevés et bénéficiaires de ladite
servitude n'est pas non plus invoqué en l'espèce.
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Elle ne trouverait d'ailleurs pas à s'appliquer en l'espèce
dans la mesure où il est admis que c'est le demandeur
qui a procédé aux travaux de transformation du garage
en studio, ce qui a impliqué l'écoulement d'eaux
ménagères usées. La servitude litigieuse ne pourrait
donc être que postérieure à la réunion, dans le chef du
demandeur, des deux fonds.
Si le demandeur a utilisé les canalisations existantes, au
besoin en les transformant, pour y déverser des eaux
usées alors qu'à l'origine elles ont été créées pour
l'écoulement des eaux pluviales, c'est sans titre ni droit
qu'il a procédé de la sorte avec comme conséquence
que les défendeurs sont autorisés à empêcher
l'écoulement desdites eaux sur leur fonds.
IV. Conclusions
Ni les pièces déposées ni les explications données par
les parties ne permettent de déterminer si monsieur D. a
créé un égout ou s'il a utilisé et/ou transformé les
canalisations préexistantes pour s'en servir comme
égouts d'eaux ménagères usées.
A titre subsidiaire, il sollicite l'autorisation de faire la
preuve du fait que les travaux de raccordement ont été
effectués avant la vente.
A la lumière de ce qui précède, il convient de l'autoriser
à faire la preuve, par toutes voies de droit, témoins
compris, du fait dont le libellé sera reprécisé de la
façon suivante : «Monsieur D. a fait procéder à la
création d'un égout destiné à recevoir les eaux
ménagères usées du studio situé sur son fonds. Il n'a ni
utilisé ni transformé les canalisations d'écoulement
d'eaux pluviales préexistantes. Cette création d'égout
est antérieure à la date de la signature du compromis de
vente de l'immeuble de monsieur K. et de madame V.».
La preuve contraire étant réservée à monsieur K. et à
madame V. Le surplus de la demande sera réservé et
envoyé au rôle.
Dispositif conforme aux motifs.
Siég.: Mme Fr. Verheggen. Greffier: Mme B. Baillien.
Plaid. : Mes S. Douin et G. lIsen.