La couleur de l`argent

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La couleur de l`argent
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La couleur de l’argent
Soudain, il y a un blanc dans la conversation. Louis
Schweitzer est inquiet. Cela se voit à son visage. Pas
de doute quelque chose tourmente le PDG de
Renault.A quelques centimètres de lui, Recep Tayyip
Erdogan, qui l’a jusqu’ici patiemment écouté, a
compris que quelque chose n’allait pas.Va-t-il oser
parler de ce qui le tenaille ? Aurait-il cette audace ?
C’est cette “nouvelle fiscalité turque sur les voitures”,
lâche le PDG – qui est aussi co-président du Conseil
franco-turc des hommes d'affaires. Ouf !, ça va mieux
en le disant. L’inquiétude était intenable en effet. En
1940, les dirigeants de la firme avaient dû exprimer le
même genre d’inquiétude en voyant débouler les
dirigeants nazis et les délégués de l’industrie
allemande. On sait comment l’aventure
collaborationniste finit : Renault fut nationalisé par de
Gaulle.Alors, sans doute, si le lieu est le même,
l’époque est différente, diront les uns.
A chacun son business, diront les autres. Et celui du
Conseil franco-turc des hommes d’affaires n’est-il pas
… de faire des affaires ? Reste que certains points de la
“transaction” demeurent pour le moins obscurs. En
collaborant avec le puissant establishment patronal
turc, le Tusiad, présent à Paris aux côtés du Premier
ministre en juillet dernier, les investisseurs français ont
également épousé ses thèses. En matière de
négationnisme tout d’abord. Si les parlementaires
français se souviennent de l’extraordinaire pression
dont ils ont fait l’objet lors de la loi sur le Génocide,
c’est davantage en provenance des industriels français
qu’elle s’est exercée que de l’ambassade de Turquie.
En matière d’intégration européenne ensuite.
Car, ce sont ces mêmes lobbys qui œuvrent plus que
jamais dans les couloirs de Bruxelles, à moins d’un
mois de la prochaine échéance. C’est en effet le 6
octobre prochain que le commissaire allemand à
l’élargissement, Günter Verheugen, rendra public son
rapport destiné à faire le point sur la capacité
d’Ankara à remplir les critères politiques : garantie des
libertés individuelles et droits de l’Homme. Du côté de
Paris, les dés sont déjà jetés : en marge de la visite
officielle de Recep Tayyip Erdogan, le président du
Medef n'a pas caché “être de cœur” avec son hôte
pour défendre “la cause européenne” au nom des
entrepreneurs de France. Qu’Ernest Antoine Seillière
déroule le tapis rouge au siège du syndicat patronal
n’est pas plus immoral qu’une valse entre Bernadette
Chirac et un dirigeant chinois. En revanche, que le n°1
du Medef joue de son influence pour favoriser la voie
d’une intégration de la Turquie à l’UE sur celle d’un
simple partenariat économique est nettement plus
douteux. Et il est à craindre que les investisseurs
français et européens en Turquie ne répondent jamais
des manipulations qu’ils exercent sur le destin des
peuples théoriquement souverains.
Habiles, les dirigeants turcs ont également su tirer
profit du complexe tiers-mondiste des Européens.
Cette culpabilité post-chrétienne et post-coloniale que
le cardinal Ratzinger, bras droit du Pape – et opposé à
l’intégration de la Turquie –, dénonce comme une
“haine de l’Europe contre elle-même”. A Ankara,
depuis bientôt deux ans, on ne prive pas de
communiquer sur les “critères religieux cachés”. Or,
si critères cachés il y a, ceux-ci pourraient bien être
marchands – et à la faveur de leur candidature. Car la
remarque de Schweitzer s’adresse tant à Erdogan qu’à
Chirac : délivré de frontières et d’obstacles fiscaux, le
lobby industriel aurait alors tout loisir de fondre sur
soixante dix millions de consommateurs turcs.
Sans vision pour l’Europe, le Président français a
déjà opté pour une version marchande de l’Europe.
En parrainant la transaction d’Airbus sous les lambris
dorés de la République, en usant de l’espace politique
le plus noble comme d’une succursale commerciale,
Jacques Chirac vient sceller l’idée d’une Europe
comme espace de libre échange. Un pari aussi absurde
qu’irresponsable : cette fois, à vouloir tout ingérer,
l’appât du gain pourrait bien faire éclater l’autruche
européenne.
Reste que tous les Européens n’ont pas perdu leur
désir d’exprimer leur désir de citoyenneté. D’ici le 15
décembre 2004 - date à laquelle les chefs d’Etats
trancheront sur le principe d’une candidature turque à
l’intégration – ces deniers ne manqueront pas d’avoir
quelques surprises du côté du front du refus. Dressés
sur leur “vieux continent”, certains ont encore à cœur
de démontrer que l’achat de quelques Airbus n’a pas
valeur de billet d’entrée pour l’Europe. Les Français
d’origine arménienne sont de ceux-là.
Varoujan Sarkissian
FranceArménie / septembre 2004
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