Quoi, ma gueule - France Arménie
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Quoi, ma gueule - France Arménie
france arménie 17 place de la Ferrandière 69003 Lyon Tél : 04 72 33 24 77 Fax : 04 72 34 59 05 e-mail : [email protected] Edition FRANCE-ARMÉNIECOMMUNICATION Fondateurs : Mihran Amtablian, Kévork Képénékian, Jules Mardirossian, Vahé Muradian Directrice de la publication : Maral Assadourian Pages en langue française Rédacteur en chef adjoint Varoujan Sarkissian Collaborateurs de ce numéro Arminé Adjamian, Sévan Ananian, Annick Asso, Zmrouthe Aubozian, Ara Babanian, Stéphanie Bagdikian Frank Bairamian, Rose-Marie Frangulian-Le Priol, Armand Gaspard, Florence Gopikian-Yérémian, Guiliguia, Louis Guinamard, Jilda Hacikoglu, Hoviv, Vrej Kassouny, Mariam Khatlamajyan, Patrick Kodochian, Edouard Mardirossian, Jules Mardirossian, Elise Oskian, Robin Sarian, Sevane Serandour, Youri Stépanian, Krystèle Tachdjian, Garo Ulubeyan, Sandra Yasmadjian, Alain Yéramian, Jean-Manoug Yérémian, Chantal Zadikian Pages en langue arménienne Rédacteur en chef adjoint Vartan Kapriélian Rédacteurs de ce numéro Arminé Adjamian,Anna Balian, Edouard Barseghian, Maryam Barseghian, Sylva Habéchian, Marie Kalantarian, Karékine Khoumarian, Angéla Sahakian, Karen Varandian Secrétaire de rédaction et conception graphique Véronique Sanchez-Chakérian Responsables régionaux Paris Varoujan Sarkissian Lyon Zmrouthe Aubozian Marseille Alice Derderian Régie publicitaire : France entière: Odette Eutudjian 04 74 43 92 18 Imprimerie IMAV - Feyzin Commission Paritaire des journaux et publication n° 64545 Reproduction interdite de tout article, photo ou document sans l’accord de l’administration du journal. La rédaction n’est pas responsable des documents qui lui sont adressés spontanément. Quoi, ma gueule ? L’aventure avait plutôt mal démarré. Si, à la maternité, les visiteurs s’enquièrent en général du sexe, du poids ou de la taille des nouveaunés, ce bout de choux-là attirait malgré lui une toute autre inquiétude. “Est-ce qu’au moins il n’est pas trop noir ?”. Contrôle de faciès à la naissance, qui vous donne, à l’adolescence, une passion pour le délit de fuite. Comme souvent dans ces cas-là, les apparences sont trompeuses. “Antillais sur scène”, certes, Pascal Légitimus n’a jamais cessé de se définir comme “Arménien dans la vie”. Ce n’est pourtant qu’une fois le succès venu que certains le considérèrent comme l’un des leurs. A croire que son passage chez Bouvard l’avait subitement blanchi. Un comble pour un artiste qui a composé avec toute la palette de la négritude– parfois jusqu’à la caricature. Sacrée revanche, en fin de compte, pour ce fils d’Arménienne. Evidemment, ce n’est pas lui qui présenterait les choses sous cet angle. Le couteau entre les dents et le poing levé, ce n’est pas son truc. D’autres que lui auraient crié à l’injustice à corps et à cri, en auraient fait leur combat, s’écartant définitivement de leurs racines pour effacer la souillure. Pascal Légitimus, lui, parle de son attachement pour la culture de sa mère en toute sérénité. Fidèle. Il n’ira donner de leçon à personne, n’ira tailler des croupières à aucun de ses juges. Trop attaché aux siens. A tous les siens. Il compatit, affirme même comprendre qu’un peuple martyr puisse voir le monde en noir et blanc. Car voilà bien le risque qu’encourt un peuple dépossédé de tout : céder à l’illusion de la pureté. Pureté de la langue, pureté de la race ou des origines comme pour se persuader qu’il existe encore. Bref, une atmosphère de dessous de cloche à vous asphyxier les derniers gènes restants (les autres étant sortis depuis longtemps par la fenêtre). Les plus grands perdants ne sont d’ailleurs pas ceux que l’on croit. En laissant le champ libre au racisme ordinaire, aux petites crispations, aux petites rectitudes, une nation se prive de ses meilleurs ambassadeurs. A cheval sur plusieurs cultures, ces passeurs de mémoire ne rateraient pas une occasion de s’exprimer en public s’ils se sentaient davantage investis par les leurs. Gâchis de compétence d’autant plus absurde pour un peuple qui se plaint de ne pas être suffisamment entendu. Connu ou Inconnu, n’est-il pas temps de donner à ces médiateurs naturels la place qui leur est due ? La pureté des origines, à propos, quelle bonne blague ! Si les termes de “multiculturalisme” ou de “mondialisation” sont passés à la mode ces dernières années, l’Arménie, elle, n’a pas attendu 2000 ans pour les tester en grandeur nature. Carrefour des civilisations oblige. Tenez, vous ne trouvez pas que Vartan Mamigonian a un petit air “bridé” ? Bien-sûr, on ne trouve pas tous les jours sa photo dans Gala ou Voici. La race des paparazzis n’était pas encore apparue en 451 ap. J.C.. Alors courez immédiatement chez votre oncle ou votre grand-mère, regardez bien ce profil princier, fier dans son cadre en cuivre importé d’Arménie. Et bien oui ! Ça n’est pas un conte de Noël et vous n’avez pas rêvé. Le premier des résistants de notre Histoire – et certainement le plus élégant – avait des origines asiatiques. Est-ce que quelqu’un s’est pour autant penché sur son berceau pour vérifier son teint ou la forme de ses yeux ? Parbleu, non ! Naître prince ou parvenir en haut de l’affiche… Nous y revoilà. Vartan Mamigonian, un cas de métissage unique ? L’exception qui confirme la règle ? Pas du tout. Qu’on se le dise, l’Arménie n’est pas née sous cloche, mais de l’effervescence d’un monde qui lui apporta certains de ses plus grands défenseurs ou visionnaires – du moment qu’elle sut les accepter. La libération du pays et sa christianisation en 301 n'ontelles pas été le fruit du trio le plus cosmopolite qui soit? Grégoire l'Illuminateur, d'ascendance 100% perse. Le roi Dertad (Tiridate III), élevé à Rome et largement latinisé (parlait-il seulement l'arménien?). Le guerrier Man Kun, originaire d'Asie centrale et fondateur de la dynastie des Mamigonian. Et oui. Il fallait bien que les yeux du beau Vartan lui viennent de quelque part. D’ailleurs, si le délit de faciès avait existé en cette fin du IIème siècle, sans doute nous ne serions pas là pour en discuter. Varoujan Sarkissian FranceArménie / novembre 2003 9