La rente viagère, un produit financier sous-estimé

Transcription

La rente viagère, un produit financier sous-estimé
Étude de cas
ASSURANCE
La rente viagère, un produit financier
sous-estimé ?
Géraldine envie la sécurité financière
de son conjoint Gérald, car ce dernier va
recevoir une rente de retraite du régime
de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP).
Il est assuré de recevoir un revenu pour
le reste de sa vie et s’il décède avant sa
conjointe, celle-ci continuera à recevoir
une partie de cette rente sa vie durant. Il
n’a donc pas à se préoccuper de la gestion
de ses placements.
De son côté, Géraldine doit choisir le
produit de placement qui lui permettra
de transformer ses épargnes en revenu
de retraite. Contrairement à son conjoint,
elle risque de survivre à son argent parce
qu’elle peut vivre trop longtemps, dépenser
trop ou faire de mauvais placements.
En prenant comme hypothèse que ses
placements sont actuellement investis dans
un fonds commun de placement équilibré
conservateur (40 % en actions avec un ratio
de frais de gestion de 2,2 %) et qu’elle
décide de retirer annuellement 5 000 $
par tranche de 100 000 $ de placement
qu’elle détient, la probabilité qu’elle épuise
son capital avant son décès est approximativement de 18 %1. La probabilité de
survivre à son argent a été calculée par
une simulation Monte-Carlo qui utilise
les hypothèses émises dans les Normes
1
Cette probabilité baisse à 17 % si le portefeuille
est investi à 100 % en actions. La probabilité
diminue légèrement puisqu’en théorie, les
actions procurent un revenu supérieur aux
obligations à long terme. Si le ratio de frais de
gestion est de 3,5 %, alors la probabilité de
survivre à son argent augmente à 28 %.
d’hypothèses de projection de l’IQPF et
une loi Gamma2.
Pour éliminer ce risque de survie,
Géraldine pourrait investir dans un produit financier lui garantissant qu’elle
recevra, sa vie durant, la somme de 5 000 $
par année par tranche de 100 000 $ investis.
Si ce choix l’intéresse, elle pourrait alors
transférer ses placements dans un fonds
distinct qui offre une garantie de retrait
à vie de 5 %. Cette garantie3 lui coûterait
entre 1 300 $ et 1 900 $ annuellement,
soit entre 1,3 % à 1,9 % de frais de gestion de plus. Les ratios de frais de gestion
des fonds distincts avec garantie de retrait
sont nettement supérieurs à ceux d’un
fonds commun de placement comparable
(même gestionnaire). Le coût de cette
garantie augmente avec le pourcentage
d’actions que contient le fonds distinct.
DENIS PRESTON
CGA, MFA, FRM,
PL. FIN., GPC
Formateur et consultant
en gestion des risques
Bachand Lafleur Preston,
Groupe conseil inc.
Mais Géraldine est réticente à choisir
ce produit et payer une garantie qui, dans
50 % des cas, générera un rendement de
0 %. En effet, selon les Normes d’hypothèses de projection de l’IQPF, une femme
de 70 ans a 50 % de probabilité de vivre
jusqu’à 90 ans. Si elle décède à 90 ans, elle
aura reçu 5 000 $ fois 20 ans, soit 100 000 $.
Cela signifie qu’elle aura seulement récupéré son capital. De plus, tout retrait supérieur à la somme garantie de 5 000 $ par
2
3
Pour plus de précisions concernant l’utilisation
d’une loi Gamma pour estimer la probabilité de
survivre à son capital, vous pouvez consulter
Moshe A. Milevsky, The Calculus of Retirement
Income, Financial Models for Pension Annuities
and Life Insurance, Cambridge University Press,
2006.
Incluant les garanties à l’échéance et au décès.
Août 2010 • Vol. 18, no 2
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Étude de cas
ASSURANCE
tranche de 100 000 $ investis viendra diminuer
le montant de la garantie de retrait dans les
années subséquentes.
Elle pourrait plutôt décider de souscrire une
rente viagère garantie 15 ans (le versement
de la rente est garanti pendant les quinze
premières années, et ce, même si elle décède
avant la fin de cette période). Elle recevrait
alors environ 7 200 $4 par an pour chaque
tranche de 100 000 $ de capital investi. Son
revenu annuel (intérêts et retour de capital)
serait alors de 44 % supérieur à l’option précédente (2 200 $ de plus). En outre, elle serait certaine d’obtenir un rendement positif puisque
7 200 $ fois 15 ans égale = 108 000 $. Si elle
décède à 90 ans, elle aura reçu 144 000 $, soit
44 000 $ de plus que si elle avait choisi le fonds
distinct avec garantie de retrait de 5 %.
Comme elle envie beaucoup la rente de
retraite de son conjoint, elle pourrait aussi
envisager de souscrire une rente viagère
réversible en partie avec garantie de 10 ans.
Le montant de la rente qu’elle recevra dépendra alors du pourcentage de réversibilité qu’elle
choisira.
Le graphique suivant compare les rendements minimaux garantis selon qu’elle choisit
un fonds distinct avec retrait garanti (selon
l’hypothèse d’un ratio de frais de gestion de
3,5 %) ou une rente viagère garantie 15 ans.
Par exemple, si Géraldine décède à 90 ans
(son espérance de vie à 50 %), le fonds distinct
devra avoir obtenu un rendement annuel
avant frais de 7,26 % chaque année pour
égaler, après frais, le rendement de la rente
4
12
Le montant varie selon la compagnie d’assurance qui
émettra la rente.
Magazine La Cible
viagère. Selon les Normes d’hypothèses de
projection de l’IQPF, c’est possible (mais loin
d’être certain) seulement si le portefeuille est
investi à 100 % en actions.
Géraldine pourrait aussi décider d’investir
69 450 $ dans une rente viagère garantie 15
ans. Elle recevrait alors une rente de 5 000 $
par année, la même chose que si elle investissait 100 000 $ dans un fonds distinct avec
garantie de retrait. Elle pourrait alors investir le 30 550 $ de différence dans un fonds
commun de placement pour faire face à des
dépenses variables ou en donner une partie à
ses enfants. Si elle opte plutôt pour un fonds
distinct et qu’elle retire 30 000 $ une année
(en plus de son retrait garanti de 5 000 $), les
prochains retraits garantis seront de 3 500 $
(5 % de 70 000 $).
Pour Géraldine, une combinaison rente viagère et placement traditionnel lui procurera à
la fois un revenu à vie et de la souplesse dans
l’utilisation de son capital.