Robien retourne le couteau dans la plaie

Transcription

Robien retourne le couteau dans la plaie
Journal trimestriel
réalisé par la Fédération des syndicats
Sud éducation
Numéro de CPPAP : 0408 S 06443
éducation
L’école n’est pas
une entreprise
pas
L’éducation n’est
une marchandise
Prix : 1,5 euro, Abonnements : 10 euros
Directrice de la publication
Huguette Cordelier
Imprimerie Rotographie, Montreuil
Dépôt légal en cours
Appel à refuser
les remplacements
de courte durée
numéro 15
janvier-février 2006
Expression des syndicats membres de la Fédération Sud éducation
La Fédération Sud éducation appelle tous les personnels du second degré à refuser les remplacements de courte durée en heures supplémentaires dans le
cadre du décret Fillon-Robien du 29 août 2005.
Les remplacements font peser une lourde menace sur les statuts des enseignants. De fait le décret permet d’augmenter et d’annualiser de façon pernicieuse leur temps et leur charge de travail. Ils constituent un non-sens pédagogique et un mépris de nos missions éducatives, l’enseignant ne devenant
qu’un gardien de classe.
Mais cela ne saurait se résumer aux enseignants du second degré : ce décret
s’inscrit dans la continuité de ce que subissent les autres personnels de l’Éducation nationale (enseignants du premier degré, ATOSS...) qui doivent depuis
des années assurer une surcharge de travail en assurant le remplacement de
leurs collègues absents.
C’est pourquoi Sud éducation exige une véritable politique de remplacement par
le recrutement de personnels titulaires, et la titularisation (sans condition de
concours ni de nationalité) des personnels précaires.
À partir du premier janvier, la Fédération Sud éducation
déposera un préavis de grève pour couvrir les personnels
refusant ces remplacements ainsi que ceux qui seraient
amenés à les soutenir.
précarité page 2
douce france page 3
Atoss pages 4-5
colonialisme page 6
répression page 7
élection pro page 8
Encart jeté en aléatoire pour certains destinataires
S
uite au drame du lycée Louis-Blériot d’Etampes, dans
lequel notre collègue Karen Montet-Toutain a été grièvement blessée par un de ses élèves, Robien nous a donné
un bel exemple de démagogie. Il a en effet encouragé
cette enseignante à porter plainte tout en déclarant, avant
même l'achèvement de l’enquête, qu’il n’y avait «pas eu de faute
administrative grave.» Fidèle à la langue de bois gouvernementale, il a même prétendu que cette agression «montre bien l’urgence
de mettre en place des réponses rapides en termes de sécurité,
mais aussi en terme de formation des enseignants.» Ces propos
insupportables, car ils laissent entendre que Karen Montet-Toutain
était incompétente et donc in fine responsable de son sort, font tristement écho au mépris de ses appels à l'aide par sa hiérarchie.
Cette longue chaîne d’irresponsabilités, qui transforme les victimes en coupables, fait le lit des politiques sécuritaires en laissant élèves et personnels démunis face à la violence. Or celle-ci ne
frappe pas au hasard. Elle se concentre là où la misère et la précarité ont été installées par deux décennies de politiques gouvernementales : 10% des établissements signalent à eux seuls 50% des
81366 actes de violences recensées par l’enquête SIGNA 20042005. Une situation qui déstabilise les équipes éducatives et laisse
nos collègues, souvent très jeunes, de plus en plus isolés : en cinq
ans, l’académie de Créteil a ainsi renouvelé tous ses enseignants.
Robien retourne
le couteau dans la plaie
Quelles réponses le gouvernement apporte-t-il aux causes des violences à l'école que sont la précarité, la mise en échec des élèves et
l’isolement des personnels ? A la misère sociale, il répond par le
Contrat de responsabilité parentale qui prévoit la mise sous tutelle
des allocations familiales en cas d’absentéisme, transformant ainsi
le travail scolaire des enfants en revenus pour leurs parents. A
l’échec scolaire, il répond par l’apprentissage junior : un dispositif
qui abaisse l’âge de la scolarité obligatoire à 15 ans, et sort de facto
les jeunes de l’école dès 14 ans, alors que des alternatives à l’orientation précoce ont déjà fait leurs preuves dans le cadre du collège
unique. Enfin, à l’isolement des personnels, Robien répond par la
création de permanences policières dans nos établissements. Une
véritable provocation qui alimentera la rancœur des élèves contre
l’institution, mais aussi une sombre farce aux antipodes de l'éducation : va-t-on désormais faire traiter par la police les bagarres
dans les cours de récréation (29% des actes sont des violences
physiques sans arme) ou les insultes (25% des actes recensés) ?
Loin de résoudre les problèmes, ces annonces gouvernementales
ne feront que les aggraver. Car les solutions justes et efficaces ne
sont ni sécuritaires ni répressives. Elles passent d’abord par des
changements dans l’école, ce qui exige d’y mettre les moyens.
Or d’années en années, les gouvernements successifs les ont
réduits avec une belle constance : supression des personnels de
vie scolaire (les MI-SE d’abord, puis les 30 000 aides éducateurs
qui les avaient remplacés) ; licenciement de 15000 professeurs
contractuels ; diminution du recrutement des enseignants, des
assistantes sociales, des Co-psy et des infirmières ; mesures de
cartes scolaires frappant en priorité les académies les plus déshéritées comme celle de Lille ; baisse de 50% en 17 ans des aides aux
associations de soutien scolaire ; menaces sérieuses sur la pérennité des Missions Générales d’Insertion…
Et pendant ce temps là, les politiques de casse du marché du travail continuent de précariser en priorité les habitants des quartiers dits sensibles, pour la plupart issus de l'ex-"empire" français.
Et c’est à leurs enfants que le Parlement nous demande d’enseigner
les aspects «positifs» de l’oppression coloniale !
Le révisionnisme historique combiné au déni de la réalité sociale
est un véritable cocktail Molotov jeté à la face de la société
toute entière. Les travailleurs de l’éducation sont parmi les
premiers à en subir les contrecoups. Si nous ne voulons pas
voir perdurer la violence à l'école et dans les banlieues, si nous
ne voulons plus subir la démagogie de ministres irresponsables,
alors il nous faut dès maintenant nous battre pour une autre
école, pour une autre société.
Saint-Denis, le 20 janvier 2006

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