Conférence de Maître Geissmar, les droits de succession

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Conférence de Maître Geissmar, les droits de succession
INTRODUCTION:
La dernière décennie a été marquée par un véritable foisonnement législatif, de
nombreuses lois sont venues profondément modifier entre autre le droit civil. Pour
l'essentiel, le droit des successions datait du Code Napoléon de 1804 ce qui ne
facilitait, ni son étude, ni son application.
Dès 1986, un groupe de travail sous l'éminente direction du Doyen Jean
Carbonnier avec la collaboration de la Chancellerie et du Conseil Supérieur du
Notariat avait entrepris d'élaborer une réforme des successions. Dès 1988, un
projet de loi était soumis aux parlementaires, puis à nouveau en 1991 et 1995 sans
qu'il n'y soit jamais donné suite. C'est une proposition de loi, en 2001, initiée par le
Professeur Pierre CA TALA et le notariat qui a enfin enclenché la procédure
législative qui a conduit à l'adoption de la loi du 3 décembre 2001.
Cette loi présente une nouvelle rédaction des trois premiers chapitres du Titre 1
er "des Successions" du Livre III du code civil. C'est dans la seconde partie du
chapitre 30 que se trouve l'essentiel de la réforme proprement dite et que se
concrétise l'amélioration - tant attendue - des droits successoraux légaux du
conjoint survivant; j'y reviendrait amplement dans la première partie de mon
exposé.
Toutefois, la réforme initiée par cette importante loi du 3.12.2001 est demeurée
inachevée car il convenait également de donner à chacun davantage de liberté pour
organiser sa future succession, accélérer et simplifier le règlement des successions,
enfin faciliter la gestion du patrimoine successoral, c'est ces objectifs qu'à tenté
d'atteindre la loi du 23.06.2006 portant réforme des successions et des libéralités.
Désormais, au visa de la loi du 3.12.2001 et de celle du 23.06.2006, toutes
deux codifiées au code civil, la France a un droit successoral et des libéralités
modernes adaptés à la réalité sociologique actuelle du pays et obéissant aux
principes et aux normes de la Cour Européenne de Justice.
Cependant, le droit est une chose et la fiscalité en est une autre ; certes survoler
le droit des libéralités et des successions est intéressant mais pour les bénéficiaires
de ces libéralités ou pour les héritiers et légataires connaître les impôts dus à
l'occasion de ces transmissions l'est encore davantage.
De ces constatations se déduisent les deux parties de l'exposé que je me propose de
vous présenter:
1ère partie: Juridique A) Le
conjoint survivant
Sect.l * Les droits légaux du conjoint survivant
Sect.2 * Comment augmenter les droits légaux du conjoint survivant
a) la donation entre époux
b) le changement de régime matrimonial
B) Les libéralités - donations - assouplissement et nouvelles règles * Donationspartages trans-générationnelles
* Renonciation à la réserve
* Représentation du renonçant
* Donations-partages dans les familles recomposées *
Donations graduelles et donations résiduelles
2ème partie: Fiscalité
A) Les droits de mutation à titre gratuit
* L'évaluation de l'usufruit - article 669 nv CGI *
Abattement en ligne directe
* Règle du non rapport fiscal des donations consenties depuis plus de six ans
* Dons exceptionnels
* Suppression des droits de succession entre époux
B) Comment optimiser la transmission de son patrimoine au moindre coût
fiscal
* Un exemple concret
A vant d'entamer mon exposé, il me faut faire une observation liminaire ; le
droit des libéralités et le droit des successions est excessivement technique et sa
complexité pour les usagers du droit est induite par cette technicité ; ainsi l'étude de
cette branche du droit occupe, en Faculté pour le droit civil, toute l'année de
maîtrise puis un semestre entier en droit civil et en droit fiscal à l'Ecole du Notariat;
tout ceci pour vous signaler que mon exposé est allé au plus simple possible pour
tenter de le mettre à la portée de chacun en n'envisageant pour l'essentiel que les
droit du conjoint survivant et ceux des descendants, les juristes et experts
comptables qui se trouvent parmi vous voudront bien m'excuser de n'être ni entré
dans les règles les plus complexes, ni de ne pas avoir été exhaustif.
1) Aspects juridiques des successions et des libéralités
A) Le conjoint survivant
1°) Les droits légaux du conjoint survivant
Avec la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant voit sa situation
nettement améliorée. Dans toutes les situations, ses droits héréditaires sont
augmentés. Lorsqu'il est en présence de parents autres que les descendants et
ascendants, il bénéficie même d'une réserve d'un quart en propriété. Par ailleurs, un
droit au logement lui est reconnu, de plein droit pendant un an et, s'il en fait la
demande un droit d'habitation et d'usage du mobilier sa vie durant.
En présence d'enfants ou descendants
Le code civil rénové distingue deux hypothèses. La première est celle où tous
les enfants ou descendants appelés à la succession sont issus des deux époux.
Le conjoint survivant aura légalement le choix entre: - le
quart en pleine propriété;
- ou l'usufruit de la totalité.
Antérieurement, le conjoint survivant n'avait droit qu'à un usufruit du quart de
la succession.
* Enfants non issus des deux époux
Seconde hypothèse : un ou plusieurs enfants ne sont pas issus des deux époux.
Le conjoint ne recueille alors qu'un quart en pleine propriété. Il ne peut donc pas
opter pour l'usufruit. La loi a pris ce parti pour éviter qu'un conjoint relativement
jeune bénéficie d'un usufruit de longue durée, alors qu'il peut être en présence
d'enfants d'un précédent mariage d'un âge proche du sien ou même plus élevé; les
droits de ces derniers risquaient d'être paralysés jusqu'à leur propre décès.
En présence d'ascendants
Lorsque le défunt ne laisse pas de descendants mais qu'il a encore ses père et
mère (ascendants privilégiés), le conjoint recueille:
- la moitié des biens en pleine propriété, si les père et mère sont tous deux
vivants;
- les trois quarts des biens en pleine propriété, si le défunt n'a laissé que l'un ou
l'autre de ses parents.
Désormais, le conjoint écarte les grands-parents.
En présence d'autres parents
Le conjoint prime les frères et sœurs et leurs descendants, c'est-àdire les neveux
et nièces (collatéraux privilégiés). Sa promotion est considérable, puisque le droit
antérieur ne lui accordait qu'un usufruit de moitié dans cette hypothèse. Le conjoint
prime évidemment les autres héritiers dans les ordres subséquents : ascendants
ordinaires et collatéraux ordinaires.
Une réserve pour le conjoint
Il est à noter qu'en l'absence de descendants et d'ascendants, le conjoint dispose
d'une réserve d'un quart. Le défunt ne peut donc plus disposer de la totalité de ses
biens au profit d'un tiers dans une telle hypothèse, alors que c'était le cas sous
l'empire de l'ancienne loi.
Conséquences pratiques : le conjoint hérite, en principe, de la totalité des biens
de la succession, puisqu'il n'existe ni descendant ni ascendant. Si le défunt veut
limiter ces droits, il doit établir un testament, par lequel il institue un légataire
universel, limitant alors la part de son conjoint à sa réserve, soit un quart des biens
dépendant de la succession.
Les droits au logement et au mobilier
Un an d'occupation gratuite (jouissance temporaire de plein droit) Tout d'abord, le
conjoint survivant, indépendamment de tout règlement de la succession, a droit à le
jouissance temporaire du logement qu'il occupait effectivement à la date du décès,
ainsi que du mobilier le garnissant. C'est une règle d'ordre public qui ne peut donc
être écartée par testament. Si le logement est loué, la succession rembourse au
conjoint survivant les loyers qu'il acquitte.
Un droit viager d'habitation et d'usage (sur demande du survivant)
D'autre part, le veuf ou la veuve dispose jusqu'à son décès d'un droit
d'habitation sur le logement qu'il occupe à l'époque du décès, ainsi qu'un droit
d'usage sur le mobilier le garnissant.
Mais le conjoint survivant doit manifester sa volonté de bénéficier de ce droit
viager, et ce, dans l'année du décès. S'il ne fait pas cette demande et s'il n'est pas,
par ailleurs usufruitier des biens dépendant de la succession, il est obligé de libérer
les lieux occupés, à l'issue de la jouissance d'un an qui lui est octroyée par la loi.
Réforme importante
Cette réforme est considérable. L'époux survivant trouve enfin une place plus
conforme aux souhaits des Français. Des situations parfois dramatiques seront
ainsi évitées. Mais cela ne devrait pas dissuader les époux de prendre leurs
précautions en temps utiles afin de choisir les solutions qui conviennent le mieux à
leur situation et à celle de leur famille.
2°) Comment augmenter les droits du conjoint survivant
a) La donation entre époux
L'augmentation des droits légaux du conjoint survivant ne limite pas la volonté
des époux qui peuvent encore améliorer son sort. La pratique de la donation entre
époux et du changement de régime matrimonial, très fréquente depuis plusieurs
dizaines d'années, conserve tout son intérêt.
Donner d'avantage au conjoint survivant (la donation entre époux)
Lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, la vocation légale est
limitée, soit au quart de la succession, soit à l'usufruit de toute la succession, mais
les époux peuvent faire en sorte que le survivant puisse bénéficier d'une quotité
plus importante portant sur le quart en propriété et l'usufruit du surplus.
Lorsqu'il existe des enfants qui ne sont pas issus des deux époux, la vocation
légale est limitée au quart en propriété. Si les époux le désirent, ils peuvent faire en
sorte que le survivant puisse bénéficier de l'usufruit total, même si le défunt laisse
des enfants d'un précédent mariage ; ils pourront faire un testament écartant la
vocation légale du quart en propriété pour donner au survivant l'usufruit universel.
Des modalités adaptées
La diversité des familles doit conduire à une pratique des donations entre époux
adaptée à la situation de chaque couple et de leur cellule familiale. L'équilibre
familial et le caractère paisible du règlement des successions en dépendent.
b) Le changement de régime matrimonial
La loi du 13 juillet 1965 sur les régimes matrimoniaux avait brisé le grand
principe de l'immutabilité du régime matrimonial ; on se souviendra à ce sujet
qu'un professeur émérite de la Faculté de Droit de Strasbourg, mais Colmarien,
Mme Hélène SINA Y, avait dès 1948 soutenu dans sa thèse le Doctorat le principe
de la mutabilité du régime matrimonial.
Toutefois, la loi du 13 juillet 1965, en permettant le changement de régime
matrimonial, avait soumis ce changement à une procédure d'homologation
judiciaire, ce qui supposait pour les époux le recours à la fois au notaire pour établir
le contrat de mariage emportant changement de régime matrimonial, et à l'avocat
pour diligenter la procédure d'homologation judiciaire devant le Tribunal de
Grande Instance du ressort du domicile des époux.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions des libéralités entrée en
vigueur le 1 er janvier 2007 apporte une importante simplification de la procédure ;
l'homologation judiciaire n'étant désormais plus nécessaire sauf pour le cas de
présence d'enfants mineurs où cette homologation est encore requise.
Cette nouveauté qui aligne enfin notre droit sur celui de la plupart des pays
européens, permet dorénavant à de nombreux couples mariés de bénéficier d'un
gain de temps et d'une certaine économie lors de leur changement de régime.
Ainsi, pour accroître les droits légaux du conjoint survivant, les époux peuvent
par exemple opter pour l'adoption d'un régime de communauté de biens universelle
avec à titre de convention matrimoniale l'attribution de tous leurs biens sans
exception en propriété au conjoint survivant, et ceci qu'il existe ou non des enfants
ou descendants issus de l'union. Dans une telle hypothèse, le conjoint recueille tous
les biens en vertu du contrat de mariage, la succession pour ainsi dire ne s'ouvrant
qu'au décès du survivant des époux.
Bien évidemment, le contrat de mariage peut prévoir d'autres conventions
matrimoniales, par exemple une attribution au survivant moitié en propriété et
moitié en usufruit, ou encore toute clause de prélèvement avec ou sans indemnité
permettant au veuf ou à la veuve de prélever à son profit tel ou tel bien déterminé.
Ccl. : Pour conclure ce chapitre consacré au conjoint survivant, il convient de
retenir que les nouvelles dispositions légales ont largement accru ses droits
légaux, mais que les époux peuvent encore améliorer le sort du survivant d'eux par
acte notarié, soit par donation entre époux ou testament, soit par contrat de
mariage.
B) Les libéralités - donations - assouplissement et nouvelles règles
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités apporte
de nombreuses nouveautés juridiques. Certains droits sont créés, d'autres sont
élargis, avec chaque fois pour objectif de répondre aux évolutions, tant
économiques, que sociologiques de la société. Ainsi, en facilitant la transmission
du patrimoine du vivant des donateurs, les nouvelles mesures permettent de donner
un coup de pouce aux jeunes générations, tout en s'adaptant aux nouvelles
organisations de la famille, notamment des familles dites "recomposées" .
* La donation-partage peut désormais être trans-générationnelle
La donation-partage concerne des parents qui, de leur vivant, souhaitent
répartir tout ou partie de leurs biens entre leurs enfants. Pour être valable, cet acte
obligatoirement notarié nécessite l'accord du ou des donateurs (père et/ou mère) et
de chacun des enfants.
Le mécanisme de la donation-partage, jusqu'à présent possible uniquement
entre parents et enfants au premier degré, est élargi aux descendants de générations
différentes. Ainsi, dorénavant, les grandsparents peuvent choisir de répartir leurs
biens entre leurs enfants et leurs petits-enfants.
Les grands-parents peuvent même favoriser qu'uniquement leurs petits-enfants;
pour cela, l'enfant (fils ou fille du donateur et parent du bénéficiaire) doit accepter
que ses propres enfants bénéficient de cette donation ; de la même façon, les petitsenfants qui bénéficient de la renonciation de leur parent, doivent également donner
leur consentement.
* L 'héritier réservataire peut désormais renoncer à l'action en réduction
A compter du 1er janvier 2007, un héritier réservataire dont la réserve a été
atteinte en raison d'une donation effectuée au profit d'une autre personne pourra, de
son vivant, renoncer à exercer une action en réduction sur cette donation. Ainsi, par
exemple, les grands-parents ayant un fils et une petite-fille, pourront attribuer par
donation plus de la moitié de leurs biens, voire la totalité, à leur petite-fille. Cette
donation portera donc atteinte à la réserve de leur fils qui est de moitié, mais ce
dernier consentant à ce que sa fille soit ainsi favorisée, pourra, de son vivant,
renoncer à toute action en réduction sur cette donation, bien que celle-ci porte
atteinte à sa réserve; avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, une telle
renonciation était impossible.
La renonciation à une succession au profit de ses descendants constitue une des
grandes avancées apportées par la réforme. Hériter un patrimoine important à 65
ans est appréciable, mais nombreux sont les parents qui, voyant les difficultés de
leurs enfants, préfèreraient "passer leur tour". Un souhait resté lettre morte jusqu'à
l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, puisqu'il était en effet impossible de renoncer
à une succession au profit de ses propres héritiers. Désormais, dans les successions
en lignes directes et en lignes collatérales, le renonçant sera représenté par ses
propres descendants.
* La donation-partage dans les familles recomposées
Depuis quelques dizaines d'années, l'organisation des familles a connu un
profond bouleversement. Ainsi, on ne dénombre pas moins de 700.000 familles
recomposées en France. Mariage, divorce, remariage, enfants de différents lits, etc
... Ces situations n'ont plus rien que de banal. Toutefois, elles restaient méconnues
par le législateur. La réforme ouvre désormais l'accès aux donations-partages aux
familles recomposées.
Jusqu'à présent, un enfant issu d'un premier lit et le conjoint de son père ou de
sa mère étaient considérés juridiquement comme deux étrangers. Une donation
entre eux était par conséquent soumise au paiement des droits de mutation à titre
gratuit au taux de 60 %, et ce malgré un lien affectif souvent très fort. Depuis le 1er
janvier 2007, la donation-partage est étendue aux familles recomposées. De telle
sorte qu'il est désormais possible d'effectuer une donation-partage conjointe au
profit de tous les enfants du couple, issus ou non de l'union. L'enfant non commun
peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens
communs, sans que le conjoint puisse être considéré comme co-donateur de ces
biens communs ; cela est important du point de vue fiscal.
La réforme apportée par la loi du 23 juin 2006 modernise le droit des libéralités
en permettant plus de souplesse et de libertés. C'est ainsi qu'elle fait entrer dans le
Code Civil deux catégories de libéralités: les libéralités graduelles et les libéralités
résiduelles.
La libéralité graduelle permet au disposant d'imposer à la personne gratifiée de
conserver toute sa vie les biens ou droits transmis en vue de les transmettre à son
propre décès à une autre personne désignée par le disposant lui-même. Il s'agit de
deux libéralités émanant du même auteur et devant bénéficier successivement à
deux personnes distinctes, la première qui doit conserver et transmettre le bien
donné ou légué, est dite "le grevé", la seconde est dite "l'appelé".
La donation (ou le legs) graduelle est désormais valable et sans conditions
particulières, aucun lien de parenté n'est plus exigé entre le disposant, le premier
gratifié et le second gratifié.
Au décès du premier gratifié ("le grevé"), le second gratifié ("l'appelé")
recueille les biens objet de la libéralité, mais est réputé tenir ses droits de l'auteur
initial de la donation.
Le second gratifié ("l'appelé") ne peut pas être obligé de conserver et de
transmettre à un troisième gratifié.
La libéralité résiduelle, jusqu'ici dénommée "libéralité de residuo" (ou "legs de
residuo") permet au disposant de charger la personne gratifiée de transmettre à son
décès ce qui subsistera des biens ou droits transmis à une autre personne désignée
par le disposant luimême.
Elle diffère de la libéralité graduelle en ce sens que le premier gratifié ("le
grevé") n'est pas tenu de conserver ces biens ou droits, et que le second gratifié
("l'appelé") n'aura droit qu'à ce qui restera des biens et droits transmis lors du décès
du premier gratifié.
Le premier gratifié ("le grevé" peut valablement disposer à titre onéreux (vente,
échange, apport, etc ... ) des biens et droits ayant fait l'objet de la libéralité
résiduelle ; il peut également en disposer par donation entre vifs, sauf si la libéralité
résiduelle a exclu cette faculté, mais il ne peut pas en disposer par testament.
Les libéralités graduelles ou résiduelles présentent des avantages majeurs, leur
utilisation permet de mettre en place ces doubles transmissions tant souhaitées par
les clients de notaires.
Voila pour les principaux aspects juridiques nouveaux apportés par les lois du 3
décembre 2001 et du 23 juin 2006 portant réfonne des successions et des libéralités.
II) Fiscalité
Ces dernières années, la fiscalité des droits de mutation à titre gratuit a
également été bouleversée, mais il est vrai dans un sens très favorable aux
contribuables, et ceci récemment encore par la "Loi en faveur du travail, de
l'emploi et du pouvoir d'achat" adoptée le 1 er août 2007 et publiée au Journal
Officiel le 22 août 2007, donc désormais pour l'essentiel en vigueur à ce jour.
Il est impossible d'être exhaustif, tant les règles fiscales sont multiples, diverses
et complexes, on n'envisagera ici que celles principales applicables aux donations
entre vifs de biens présents aux descendants, et celles relatives aux successions
recueillies par le conjoint et/ou les descendants et portant sur un patrimoine privé
(hors entreprise ou société).
On a vu dans le cadre des successions que le conjoint est fréquemment amené à
recueillir l'usufruit, d'autre part, les donations par les parents à leurs enfants sont
tout aussi fréquemment consenties avec réserve d'usufruit au profit des donateurs,
les donataires ne recevant que la nue-propriété et ne recouvrant la pleine propriété
qu'au décès du survivant des donateurs.
Dès lors, je vous exposerai les règles d'évaluation de l'usufruit qui sont
communes aux successions et donations, la règle du non-rapport fiscal des
donations de plus de six ans, et les nouvelles dispositions relatives aux dons
exceptionnels, et pour clore, comment optimiser la transmission de votre
patrimoine à vos héritiers.
A) Les droits de mutation à titre gratuit
L'usufruit et un droit réel permettant à son titulaire de jouir d'un bien et d'en
recueillir les fruits, mais l'usufruitier n'a pas le droit de disposer du bien.
Pour expliquer ce droit, il convient de signaler que la propriété
d'une chose recouvre trois éléments constitutifs et cumulatifs: - l'usus :
le droit d'user de la chose,
- le fructus : le droit de recueillir les fruits de la chose,
- l'abusus : le droit de disposer de la chose.
Le propriétaire détient sur sa personne ces trois éléments, l'usufruitier ne
détient quant à lui que l'usus et le fructus, et le nupropriétaire ne détient que
l'abusus.
Ce droit d'usufruit, à le supposer viager, ce qui est le plus fréquent, a bien
évidemment une valeur et cette valeur est fonction de l'âge de l'usufruitier, plus
l'usufruitier est âgé, moins son usufruit a de valeur, car moins longtemps il
perdurera.
L'article 669 du CGI récemment modifié fixe en matière de libéralités et de
successions la valeur de l'usufruit en fonction de l'âge de l'usufruitier:
Age
de l'usufruitier
Jusqu'à 20 ans
21 - 31 ans
31 - 41 ans
41 - 51 ans
51 - 61 ans
61 - 71 ans
71 - 81 ans
81 - 91 ans
Au-delà de 91 ans
Usufruit
9/10°
8/10°
7/10°
6/10°
5/10°
4/10°
3/10°
2/10°
1/10°
Nuepropriété
1/10°
2/10°
3/10°
4/10°
5/10°
6/10°
7/10°
8/10°
9/10°
Pleine
propriété
10/1 0°
10/1 0°
10/1 0°
10/1 0°
10/10°
10/10°
10/10°
10/10°
10/1 0°
Ainsi par exemple, Monsieur et Madame DUPONT, âgés respectivement de 59
ans et 54 ans, envisagent de donner à leur fils unique un bien d'une valeur de
300.000,00 Euros, mais entendent en garder l'usufruit car ils veulent profiter des
revenus de ce bien jusqu'à leur décès.
La valeur de la donation s'établira de la manière suivante: 300.000,00 E
(valeur en pleine propriété)
- 150.000,00 E (valeur de l'usufruit réservé eu égard à leur âge: 51-61 ans =
5/10°)
150.000,00 E (valeur de la seule nue-propriété donnée)
Il faut néanmoins savoir que si les donateurs se réservent l'usufruit et s'ils sont
imposables au titre de l'ISF, ils doivent continuer à faire figurer le bien donné pour
sa valeur en pleine propriété dans leur déclaration d'ISF.
Nonobstant cette réserve, vous diminuerez la valeur éventuellement imposable
de la donation en vous réservant l'usufruit et moins vous serez âgé, plus votre
usufruit aura de valeur, donc par voie de conséquence, moins la nue-propriété
donnée en aura et moins la donation risquera d'être imposable.
Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit (par décès ou entre
vifs), l'abattement sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des
enfants vivants ou représentés par suite de décès ou de renonciation, est porté
depuis la loi du 1 er août 2007 de 50.000,00 Euros à 150.000,00 Euros.
* Règle du non rapport fiscal des donations consenties depuis plus de six ans
Il faut savoir que les donations de plus de six ans sont quant à elles dispensées
de rapport fiscal. Le donataire ou l'héritier ou légataire peut alors à nouveau
bénéficier à l'expiration de ces six ans à plein de cet abattement; tous les six ans on
remet pour ainsi dire "les compteurs à zéro".
De ces dispositions très favorables, il convient de retenir qu'il est opportun de
consentir des donations aux enfants alors qu'on est encore assez jeunes, car en ce
cas, on pourra réitérer plus souvent tous les six ans des libéralités en franchise de
droits.
La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat instaure un
dispositif permanent en faveur des donations aux enfants et aux petits enfants. On
se souvient que les pouvoirs publics avaient mis en place à compter du 1
er.06.2004 un dispositif exceptionnel et temporaire jusqu'au 31.12.2005 permettant
aux parents ou aux grandsparents de donner à chacun de leurs enfants ou petitsenfants une somme d'argent pouvant atteindre 20.000,-E puis portée à 30.000,-E.
Ce dispositif incitatif avait été souhaité et mis en application en procédure
d'urgence par Nicolas SARKOZY alors ministre de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie.
Fort de la réussite rencontrée par cette initiative -dénommée par les
professionnels "Dons exceptionnels Sarkozy"- les pouvoirs publics ont décidé
d'instaurer un nouveau dispositif, fortement inspiré du précédent.
Quel est son champ d'application : ce dispositif instaure une exonération des
droits de mutation à titre gratuit pour les dons de sommes d'argent consentis en
pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant, d'un arrière petit-enfant, ou
à défaut d'une telle descendance d'un neveu ou d'une nièce.
Sont exonérés des dons d'argent dans la limite totale de 30.000,-€ par donateur
à un même donataire.
Cette exonération est subordonnée aux conditions suivantes :
* le donateur doit être âgé de moins de 66 ans au jour de la transmission;
* le donataire doit être âgé de 18 ans révolus ou avoir fait l'objet d'une mesure
d'émancipation au jour de la transmission.
L'exonération se cumule avec les différents abattements personnels prévus par
le C.G.I. et il n'est pas tenu compte de dons exceptionnels pour l'application du
rappel fiscal des donations consenties depuis moins de 6 ans.
Le don exceptionnel de somme d'argent peut être consenti, soit par acte notarié,
soit par la souscription directement entre les parties, en double exemplaire, d'un
formulaire conforme au modèle fourni par l'Administration et à faire viser par le
service des impôts du lieu du domicile du donataire dans le délai d'un mois qui suit
la date du don.
* Suppression des droits de succession entre époux mais maintien des règles
antérieures pour les droits de biens présents entre époux
En vertu de la loi du 1er.08.2007 entrée en vigueur le 22.08.2007, les droits de
succession sont totalement supprimés entre époux (et entre partenaires de pacs).
OPTIMISATION DE TRANSMISSION DE PATRIMOINEEXEMPLE
M. et Mme DUPONT, âgés respectivement de 53 et 52 ans, sont mariés sans contrat de
mariage et ont 3 enfants et 6 petits-enfants.
M. et Mme DUPONT ont d'importants revenus professionnels, M. DUPONT étant
directeur d'une importante agence de publicité et de communication ; Mme DUPONT
étant avocat associé dans un important cabinet d'avocats d'affaires à PARIS.
Ils disposent d'un important patrimoine, savoir: - un bel
appartement constituant leur résidence
principale à NEUILLY estimé ................................................................ € 1.200.000,00
- divers avoirs bancaires, portefeuille de titres
en PEA, SICAV, comptes à terme, etc ................................................... € 540.000,00
Par ailleurs, Mme DUPONT issue d'une famille de la haute
bourgeoisie parisienne et fille unique a hérité de ses parents:
- d'un immeuble de rapport à PARIS dans le
7ème Arrondissement, évalué à .............................................................. €1.800.000,00
- et d'une résidence secondaire à ANTIBES
évaluée à ................................................................................................. € 900.000,00
M. et Mme DUPONT sont mariés sans contrat de mariage et
l'appartement de NEUILLY, ainsi que les avoirs bancaires
dépendent de leur communauté légale réduite aux acquêts.
Par contre, l'immeuble de rapport à PARIS et la résidence
secondaire à ANTIBES constituent des biens propres à Mme
DUPONT pour les avoir recueillis dans la succession de ses
parents.
A reporter ........................................€4.440.000,00
Report ......................................................€4.440.000,OO
Outre ces avoirs, M. et Mme DUPONT ont souscrit
conjointement, avant le 20 novembre 1991, avec dénouement
lors du décès du survivant d'eux, trois contrats d'assurance-vie
avec versement d'une prime unique de € 30.000,00 au profit
de chacun de leurs enfants;à ce jour, la valeur de rachat de
chacun
de ces contrats s'établit à € 60.000,00 x 3 ............................................... € 180.000,00
De leur ISF 2007, il résulte que la valeur totale
de leur patrimoine s'établit à .................................................................... €4.620.000.00
M. et Mme DUPONT ne se sont jamais préoccupés de la transmission de leur patrimoine à
leurs enfants ou petits-enfants car trop occupés par leur activité professionnelle.
Néanmoins, début août 2007, ayant appris par voie de presse et de télévision les
dispositions qu'envisageait de prendre le Gouvernement, ils se sont rapprochés de leur
notaire de famille, Me DURANT, notaire à PARIS. Aux termes de ce rendez-vous, M. et
Mme DUPONT qui approchent de l'âge de la retraite ont convenu de changer de régime
matrimonial et d'adopter un régime de communauté universelle et ceci notamment, afin
d'équilibrer leur patrimoine respectif, le patrimoine de Mme DUPONT était en effet
notoirement plus important que celui de son mari compte tenu des biens qu'elle a hérités
de ses parents et qui constituaient des biens propres dont elle seule pouvait disposer où qui
auraient dépendu de sa seule succession.
* M. et Mme DUPONT ont donc régularisé mi- août 2007, avant leur départ en vacances,
un contrat de mariage de communauté de biens universelle avec clause d'attribution
moitié en pleine-propriété et moitié en usufruit au profit du survivant.
* Le 25 septembre 2007, toujours sur conseil de leur notaire, M. et Mme DUPONT font
donation à leurs trois enfants, de l'immeuble de rapport, mais en s'en réservant l'usufruit
jusqu'au décès du survivant, car ils souhaitent continuer à percevoir les loyers de cet
immeuble.
La valeur de cette donation s'établit ainsi:
- valeur en pleine-propriété ......................................................................€1.800.000,00
dont il convient de déduire la réserve d'usufruit
au profit de M. et Mme DUPONT (dans la
tranche d'âge 51-61 ans), évalué au visa de
l'article 669 du Code Civil à 5/10èmes, soit ...................................... - € 900.000,00
d'où une valeur de donation pour la seule nuepropriété de ............................................................................................. € 900.000.00
Eu égard au changement de régime matrimonial, M. DUPONT est donc réputé donner à
ses enfants € 450.000,00 et Mme DUPONT € 450.000,00, soit chacun, à chacun de leurs
enfants € 150.000,00. Ces enfants bénéficient depuis le 22 août 2007 d'un abattement de €
150.000,00 ; cette donation n'est donc pas taxable s'agissant des droits de mutation à titre
gratuit.
* Outre la donation de l'immeuble de rapport, ils consentent chacun à chacun de leurs
enfants, à titre de don exceptionnel, une libéralité de € 30.000,00, à prélever sur leurs
avoirs bancaires, soit:
- pour M. DUPONT: € 30.000,00 x 3 = € 90.000,00,
- pour Mme DUPONT: € 30.000,00 x 3 = € 90.000,00
€ 180.000.00
* Six ans plus tard, soit le 26 septembre 2013, M. et Mme
DUPONT conviennent également de donner à leurs trois
enfants, la pleinepropriété de leur résidence secondaire à
ANTIBES pour une valeur de .................................................................€ 900.000.00
Ce bien dépend désormais de la communauté ; M. DUPONT est réputé donner €
450.000,00 et Mme DUPONT réputée donner € 450.000,00, soit pour chacun des trois
enfants € 150.000,00 de son père et € 150.000,00 de sa mère.
Chacun des enfants bénéficiant à nouveau de l'abattement de € 150.000,00, cette donation
n'est pas taxée.
* Courant 2017, alors que M. et Mme DUPONT ont encore ni l'un, ni l'autre 66 ans et· que tous
leurs petits-enfants sont désormais majeurs, ils leur consentent, chacun et à chacun des
petits-enfants, un don exceptionnel de € 30.000,00 à prélever sur le solde de leurs
avoirs bancaires, soit:
- pour M. DUPONT: € 30.000,00 x 6 =
- et pour Mme DUPONT: € 30.000,00 x 6 =
€ 180.000,00 €
180.000,00
360.000.00
€
* Le 30 septembre 2019, M. DUPONT âgé de 65 ans décède accidentellement.
Ne dépend plus de sa succession que la résidence principale
de NEUILLY évaluée pour
le tout à .................................................................................................... € 1.200.000,00
soit pour la moitié.........................................................
1/2
dépendant de sa succession .....................................................................€ 600.000,00
S'agissant de la résidence principale du défunt et de son
conjoint, dans la déclaration de succession, la base imposable
peut être réduite
de 20 %, soit € 600.000,00 - € 120.000,00 = ................................................€ 480.000,00.
Sur cette moitié dépendant de la succession de M. DUPONT,
Mme DUPONT en détient l'usufruit en vertu des stipulations
du contrat de mariage établi courant août 2007.
Mme DUPONT étant âgée à l'époque du décès de son mari de
64 ans, son usufruit vaut 4/10èmes de la pleine propriété, soit
4/10èmes de € 480.000,00 = € 192.000,00.
La part taxable recueillie par les trois enfants s'établit à:
€ 480.000,00 - € 192.000,00 = € 288.000,00, d'où pour
chacun des trois enfants : € 96.000,00.
Ils bénéficient à nouveau de l'abattement de € 150.000,00, de
telle sorte qu'ils n'ont pas de droits de succession à payer dans
la succession de leur père.
* Courant 2020, suite au décès de son mari, Mme DUPONT est également amenée à
réfléchir quant à sa succession et elle décide· de faire donation à ses trois enfants, de la
nue-propriété de la moitié de l'appartement de NEUILLY dont elle est encore
propriétaire, l'usufruit qu'elle se réserve et celui qu'elle a recueilli dans la succession de
son mari, lui assurent jusqu'à la fin de sa vie la jouissance de cet appartement, ce qui lui
paraît suffisant.
Valeur de l'appartement.. .............................................€1.200.000,00
%
€ 600.000,00
Réserve d'usufruit par Mme DUPONT
âgée de 65 ans: 4/10èmes ................................................... - € 240.000,00
d'où une valeur de la donation de ..........................................€ 360.000,00
Chacun des enfants pouvant à nouveau bénéficier d'un abattement de € 150.000,00 dans
la succession de leur mère, aucun droit de succession n'est dû.
* Peu de temps après cette donation, Mme DUPONT tombe gravement malade et
décède à l'hôpital LARIBOISIERE.
Ses enfants recueillent le bénéfice des contrats d'assurance-vie dont la valeur s'établit
désormais à € 120.000,00 x 3 = € 360.000,00 en franchise d'impôt, ces contrats ayant été
souscrits avant le 20 novembre 1991 et la prime unique payée avant le 13 octobre 1998.
Au visa de cet exemple, entre 2007 et 2020, soit en l'espace de 13 ans, M. et Mme
DUPONT ont donc pu transmettre à leurs enfants et petits-enfants, un patrimoine global
très important de € 4.800.000,00, sans impôt.