À l`heure des constats

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À l`heure des constats
Dans le cadre du 22e Congrès
de l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie
« À l'heure des constats »
ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MONSIEUR ANDRÉ MÉNARD
PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
« CONCEPTION ET RÉALISATION : UNE COLLABORATION NÉCESSAIRE »
Le jeudi 10 avril 2008
Mesdames, Messieurs les congressistes
Bon après-midi.
D'abord, je tiens à remercier l'AQME de m'offrir cette tribune privilégiée. Si j'ai eu le privilège d'être aux
premières loges de ses galas Énergia, c'est la première fois que la Commission de la construction du
Québec participe au congrès de l'AQME et j'en suis heureux.
En tant qu'observateur et acteur privilégié du secteur de la construction, je suis témoin, depuis quelques
années, d'une réelle volonté de créer de nouveaux réseaux. Des réseaux plus intégrés, rassemblant des
intervenants impliqués, tant dans la fourniture de matériaux que dans la conception et dans la réalisation de
projets de construction.
Je fais partie de ceux et celles qui sont convaincus et engagés à soutenir et à encourager toute initiative
pouvant soutenir ce mouvement.
Pour amener une industrie et ses clients à être plus innovants, à changer leurs pratiques, il faut que les
instigateurs se tournent vers les moins convaincus et créent des liens pour les persuader d'embarquer dans
le mouvement.
À mon avis, c'est l'un des défis que doivent relever les précurseurs de l'efficacité énergétique. Dans le
secteur du bâtiment, pour provoquer des changements, il faut, non seulement convaincre et impliquer les
professionnels, mais aussi tous les groupes d'intervenants de la chaîne logistique, dont les constructeurs!
Aujourd'hui, je veux vous convaincre de la pertinence de miser sur l'une des clés de l'innovation : soit la
création d'un réseau élargi pour améliorer le niveau d'adhésion aux enjeux de la maîtrise de l'énergie.
Pour y arriver, je souhaite d'abord vous parler de la mission de la Commission de la construction du
Québec et des aspects communs qui la lient à l'AQME.
Par la suite, par des exemples de comportements modèles et de gestes concrets, je compte vous
convaincre de la pertinence d'ouvrir nos réseaux respectifs pour atteindre un objectif partagé : celui de faire
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de l'industrie de la construction un secteur économique qui mise sur le développement durable, en pensant,
en concevant et en réalisant notamment des bâtiments et des ouvrages plus efficaces sur le plan
énergétique.
Liens entre l'AQME et la CCQ
L'AQME se veut un carrefour d'intervenants qui ont pour intérêt la maîtrise de l'énergie et les enjeux
d'efficacité énergétique.
Elle se veut aussi une plaque tournante d'échanges entre les professionnels de la construction qui
partagent principalement une préoccupation commune : l'efficacité énergétique.
L’AQME est une organisation active dans la promotion de la recherche, du développement et de
l'innovation dans le domaine de l'efficacité énergétique.
Qu'ont en commun l'AQME et la CCQ?
Pour y répondre, permettez-moi de vous présenter la Commission comme je la connais et comme j’imagine
qu’elle sera au cours des prochaines années.
Comme l'AQME, la CCQ est un lieu d'échanges, un carrefour. Elle s'adresse quotidiennement aux
intervenants qui exécutent les travaux de construction au Québec : les quelque 25 000 entrepreneurs de
construction et les quelque 130 000 travailleurs et travailleuses qu'ils emploient. Ce sont eux qui assurent
presque en totalité le financement de notre organisation.
La Commission, c'est aussi un vaste réseau qui rassemble plus de 400 représentants patronaux et
syndicaux de la construction, appelés à siéger à plus d'une quarantaine de comités consacrés aux
différents programmes placés sous sa responsabilité : la protection des travailleurs et de leurs conditions de
travail, la formation et le perfectionnement de la main-d'œuvre, les régimes d'assurance et de retraite, la
lutte contre l’évasion fiscale, l’intégration de clientèles spécifiques telles que les Autochtones, la promotion
de l'industrie et de ses gens, etc.
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Le champ d'action de la Commission est étendu et varié, mais sa mission, précise. Tout en assurant le
respect de la réglementation et des conventions collectives sectorielles de l'industrie, elle doit, de pair avec
le monde syndical et patronal, favoriser une dynamique d'amélioration continue et être à l'avant-garde des
leviers permettant :
1)
d'assurer le respect des conventions collectives sectorielles de la construction et, de ce fait, une
concurrence loyale entre les entreprises;
2)
de favoriser le développement d'une main-d'œuvre de qualité suffisamment nombreuse pour
construire le Québec des prochaines années.
Le respect des conventions collectives, c’est aussi l'administration d'importants fonds, dont le régime de
retraite, 4e déposant à la Caisse de dépôt et placement, et de 66 fonds différents d'assurance offerts
principalement aux travailleurs et à leur famille.
Le développement de la main-d'œuvre repose sur une connaissance raffinée du niveau d'activité, afin de
définir les besoins en main-d'œuvre des prochaines années. Ça signifie aussi de revoir, au besoin, les
contenus des 26 programmes de formation des métiers, de soutenir les apprentis pour qu'ils deviennent
compagnons, et d'élaborer, chaque année, des cours de perfectionnement destinés à la main-d'œuvre
active.
Bref, la Commission offre des assises de discussions paritaires ainsi que des leviers de changement
efficaces dans le domaine des relations de travail et du développement de la main-d'œuvre qui favorisent la
gestion du changement.
Quel est le lien entre la mission de la Commission et les enjeux d'efficacité énergétique?
Sans être un expert, je comprends que l'amélioration des pratiques en matière d'efficacité énergique passe,
inévitablement, par la chaîne des exécutants.
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À titre d'exemple, si pour être efficace on doit changer les matériaux sur les chantiers de construction, il faut
se préoccuper de la connaissance qu'ont les entrepreneurs de ces matériaux, des objections qu'ils peuvent
avoir à les utiliser, de même que de la capacité de la main-d'œuvre à bien les installer.
S'il faut changer les normes de construction pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments, il faut, à
l'instar de la démarche entreprise par l'Agence d'efficacité énergétique, réunir tous les groupes
d'intervenants de la chaîne logistique de la construction et discuter de ces changements, aller chercher leur
adhésion, ce qui ne permet pas toujours d'éviter de nécessaires arbitrages.
C'est pourquoi je crois que l'AQME et la Commission partagent une mission commune et complémentaire.
Je crois que le contenu et l'évolution des programmes placés sous la gouverne de la Commission peuvent
influencer le rythme avec lequel se déploient les changements à apporter pour favoriser des pratiques
d'efficacité énergétique.
Des stratégies favorables aux pratiques d'efficacité d'énergétique
Comment s'y prendre pour élargir le réseau, le rendre plus fluide et concret? Comment faire pour renforcer
les liens entre les intervenants et les rendre complices d'une plus grande efficacité énergétique?
1. Des professionnels collaborateurs
Dans un premier temps, il faut des professionnels collaborateurs. La connaissance et l'approche avec
lesquelles les professionnels du bâtiment introduisent les nouvelles pratiques peuvent déterminer le niveau
d'adhésion du client, mais aussi de la chaîne de réalisation d'un projet de construction.
À titre d'exemple, les professionnels sont presque systématiquement impliqués, voire consultés, par les
instances responsables de l'évolution des normes de construction du bâtiment.
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Le regard critique posé sur les normes se fait parfois sans tenir compte de l'organisation ou de la structure
du marché des entrepreneurs et de l'identité des métiers. Des professionnels collaborateurs devraient s'y
intéresser.
Bien entendu, il n'est pas toujours possible de changer des normes sans solliciter des changements dans
l'organisation du marché. Il faut alors mesurer le niveau de changement requis pour mieux le gérer.
2. Des entrepreneurs ouverts et une main-d'œuvre apprenante
Pour que l'apport des professionnels collaborateurs ait l'effet escompté, il faut des entrepreneurs prêts à
remettre leurs pratiques en question. Il faut qu'ils soient réceptifs à acquérir un nouveau savoir. Qu'ils soient
ouverts à gérer les changements que cela peut entraîner dans la structure de leur entreprise et dans la
gestion de leur personnel.
Prenons un exemple : le secteur de l'isolation. Ce secteur est clairement interpellé par les pratiques visant
l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments.
Or, la révision des normes d'isolation est souvent le résultat d'une réflexion et d'études qui portent sur
l'ensemble du bâtiment et qui ne tiennent pas nécessairement compte des enjeux reliés à leur éventuelle
mise en œuvre.
Lorsque vient le temps de les appliquer, il faut tenir compte des différentes spécialités des entrepreneurs et
des divers métiers concernés : les couvreurs, les charpentiers, les ferblantiers, les cimentiers-applicateurs.
La structure actuelle de marché nécessite d'être prise en compte pour faciliter l'introduction de nouvelles
pratiques dans le domaine de l'isolation, comme dans d'autres secteurs.
Il faut savoir, ensemble, relever ces défis. Il faut savoir trouver les meilleures solutions, en sachant que les
meilleures sont souvent le résultat d’un travail concerté.
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Pour améliorer la combinaison de l'équation, il faut associer aux professionnels collaborateurs et aux
entrepreneurs ouverts, à une main-d'œuvre apprenante.
En 2007, la Commission a soutenu le perfectionnement de plus de 17 000 travailleurs. C'est un record!
Près de 60 % des nouveaux apprentis qui entrent, depuis quelques années, sur les chantiers de
construction ont en main un diplôme d'études professionnelles de leur métier.
Il y a bel et bien une culture de formation qui se développe dans la construction.
Une main-d'œuvre diplômée et qui se perfectionne peut être un levier d'intégration de nouvelles pratiques.
Il est désormais possible, par les programmes de formation, d'introduire des changements structurants pour
s'assurer de la compétence de la main-d'œuvre à bâtir des ouvrages efficaces sur le plan énergétique.
3. Un milieu associatif et des institutions stimulantes
Enfin, et ce ne sont pas les moindres, les milieux associatifs, corporatifs et institutionnels doivent aussi
emboîter le pas et se mettre en mode d'ouverture et de changement.
Ce groupe d'intervenants, dont la Commission fait partie, ne doit pas être frein au changement. Il doit savoir
accompagner et soutenir l'accélération des changements.
Pour ce faire, il peut avoir recours à des activités de formation. Il peut favoriser l'échange de
renseignements et la révision de normes.
L'efficacité énergétique n'est pas un luxe. Plusieurs études démontrent sa nécessité, garante de
développement durable dans les normes de construction.
Les institutions doivent donc emboîter le pas. Certaines l’ont fait.
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À titre d’exemple, je vous citerai M. Gilbert Grimard, président de l'Association de la construction du
Québec, dans un éditorial récent de la revue Construire : « Même si les initiatives ne sont pas toutes jugées
nécessaires par notre industrie, plusieurs d'entre elles le sont par nos clients et par la population en
général. La demande est telle qu'elle constitue un incitatif commercial… et un enjeu politique pour le
gouvernement. Bref, le développement durable constitue un marché durable qui invite toutes nos
entreprises à se familiariser le plus rapidement possible avec ce nouvel... environnement!»
Voyons maintenant comment il est possible, concrètement, de renforcer les liens entre les intervenants.
Je veux vous parler de gestes déjà faits ou qui le seront au cours des prochains mois.
4. Accomplir des gestes concrets
Au cours des dernières années, la Commission a accompli des gestes concrets et elle envisage d'en faire
d'autres pour soutenir la mise en place de processus d’innovation bien vivants en matière d'efficacité
énergétique.
Je souhaite vous parler de quatre programmes ou initiatives qui touchent :
le développement des compétences de la main-d'œuvre et le développement durable;
le soutien à une initiative de benchmarking (CERACQ);
la participation à une initiative visant la promotion de l'efficacité énergétique (CECD);
la tenue d'un événement ayant pour thème « Réseau Innovation ».
Le développement des compétences de la main-d'œuvre et le développement durable
Chaque année, la Commission développe des cours de perfectionnement de la main-d'œuvre visant
l'amélioration des connaissances des gens de métier. Plusieurs de ces cours traitent des connaissances et
des pratiques en matière d'efficacité énergétique.
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Que l'on pense aux devis de cours développés pour les couvreurs, les charpentiers-menuisiers et les
cimentiers-applicateurs sur l'installation de membranes spécifiques ou de pare-vapeur efficaces.
Les électriciens pourront suivre, dans un avenir rapproché, des cours sur les énergies solaires, et les
tuyauteurs, sur la géothermie.
Bref, la Commission et les représentants patronaux et syndicaux assurent une veille. Ils ont en main les
moyens de voir au développement de la main-d'œuvre et d'être prêts à répondre à la demande du marché.
Un resserrement des liens avec le milieu professionnel ne pourrait qu'améliorer les choses et assurer une
meilleure vigie.
Par ailleurs, en réponse à la Loi sur le développement durable, la Commission entend produire un premier
plan d'action au cours de 2008. On peut déjà penser que ce plan d'action devrait prévoir des activités de
sensibilisation et de réflexion avec les partenaires patronaux et syndicaux sur les enjeux du développement
durable.
Centre d’études et de recherches pour l’avancement de la construction au Québec (CERACQ)
Pour innover, il faut savoir se mesurer. Connaître ses forces et ses faiblesses. Depuis plusieurs années, la
Commission accompagne le comité innovation du CERACQ dans le développement d'un outil d'étalonnage
qui permet aux propriétaires qui le souhaitent, dont les grands donneurs d'ouvrage publics, de mesurer
leurs pratiques et de se doter d'indicateurs leur permettant de s'améliorer.
Cet outil de mesure prévoit un indicateur au chapitre de la performance du bâtiment et il est accessible par
le biais de leur site internet.
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La CECD
Troisième geste que la Commission a accompli, c'est celui d'être l'un des membres fondateurs, avec
l'AQME, de la Coalition énergie et construction durable, la CECD. Créée il y a deux ans, cette coalition vise
à promouvoir l'efficacité énergétique en favorisant la concertation et le dialogue entre les intervenants de la
chaîne logistique de construction.
Cette coalition est au cœur d'un projet pilote extraordinaire qui sera lancé d'ici quelques semaines.
Il s'agit du démarrage d'un projet de mise à niveau du bâtiment de Moisson Montréal. C'est un exemple
inspirant de mobilisation du milieu et du partage des connaissances pour démontrer à quel point l'efficacité
énergétique peut être déterminante sur le plan social et sur la santé économique d'un organisme comme
Moisson Montréal.
Je vous invite à vous intéresser à ce projet, à miser sur sa réussite pour soutenir vos efforts à convaincre
vos clients, vos patrons et les différents intervenants avec qui vous travaillez, à adhérer à une vision et à
une démarche concrète qui misent sur l'efficacité énergétique des bâtiments.
La tenue d’un événement « Réseau Innovation »
Je souhaite maintenant vous parler d'un geste concret que posera la Commission dans un proche avenir.
C'est un événement qui vise à favoriser un meilleur réseautage de tous les intervenants liés, directement ou
indirectement, à la conception et à la réalisation d'un projet de construction.
La capacité à se réseauter est cruciale pour assurer la prospérité de tout secteur économique et la création
d’emplois. Cela l’est encore plus pour la construction qui est une industrie de projets et fortement
fragmentée.
Isolée, une entreprise de construction ou de génie-conseil ne peut réaliser des activités de veille ou de
validation en matière d'innovation.
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Dans cette optique, le réseautage est un moyen efficace et peu coûteux de trouver, auprès de ses pairs ou
d’autres intervenants, des solutions au regard de certaines problématiques ou pour partager les risques et
les gains liés à l’adoption de pratiques innovantes.
Tout comme certaines grappes industrielles ou créneaux d'excellence qui existent ailleurs, un réseau sur
l'innovation dans la construction permettrait, entre autres, d’accélérer auprès des gouvernements la
création de programmes sur mesure de soutien à l'innovation qui font gravement défaut au secteur, malgré
son poids économique.
Après avoir organisé, il y a deux ans, un Forum pour parler de productivité et des moyens de s'améliorer,
nous discutons actuellement avec le Conseil d'administration de la Commission de la tenue d'un événement
rassembleur ayant pour thème « Réseau Innovation ».
Il s'agit d'un événement d'une journée que nous organiserons, à l'automne prochain. Il permettrait
d'échanger, avec les leaders représentant tous les intervenants de la chaîne logistique de l'industrie de la
construction, des orientations et stratégies communes pour assurer les conditions propices à une industrie
innovante.
L'événement Réseau Innovation pourrait réunir des intervenants concernés par la question de l'efficacité
énergétique.
Conclusion
En guise de conclusion, je vous dirais que l'industrie de la construction profite d'un contexte économique
favorable : l'activité va bien, le climat de travail sur les chantiers se porte pour le mieux, depuis déjà
plusieurs années.
Le moment est bien choisi pour dresser le bilan, pour établir des constats — favorables ou non —, et pour
réfléchir à ce que devrait être l'industrie de la construction des prochaines années.
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Nous pourrons le faire en nous appuyant sur une confiance mutuelle, l'écoute et des échanges francs.
Vous pouvez compter sur la Commission pour faire en sorte que ces conditions puissent être réunies.
Je vous remercie de votre attention, et toutes mes félicitations aux organisateurs pour la tenue de cet
événement.
Bon congrès et bonne fin de journée.
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