CHAPITRE II ANALYSEURS DE MASSE
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CHAPITRE II ANALYSEURS DE MASSE
8 CHAPITRE II ANALYSEURS DE MASSE Quelle que soit la méthode d'ionisation utilisée, c'est un ensemble d'ions de masses, voire de charges, différentes qui est produit dans la source. L'ion moléculaire ou la molécule protonée sont accompagnés par des ions-fragments, des ions de matrice (FAB, MALDI) ou des ions de gaz réactif (IC). Le terme d'analyse (de masse) est donc à comprendre dans son sens premier, à savoir au sens de séparation. L'analyse du faisceau ionique consiste en effet à séparer les ions les uns des autres selon leur rapport masse/nombre de charge (m/z). L'information primordiale apportée par la spectrométrie de masse, à savoir la valeur de m/z des particules chargées, découle de l'analyse d'un phénomène unique: la déviation de ces ions par des champs électromagnétiques. C'est d'ailleurs par la mise en évidence de l'effet de champs électriques et magnétiques sur la trajectoire d'un faisceau de particules émises par des décharges électriques dans un tube à faible pression que Wien pu démontrer, en 1898, leur nature ionique.1 Avant d'aborder la description des analyseurs de masse dans la suite du chapitre, une mise au point doit être faite au sujet d'un facteur instrumental important: la résolution. Qu'est-ce que la résolution ? La résolution est la capacité d'un instrument de mesure à distinguer entre eux deux signaux voisins. Plus la résolution est élevée, plus la différence entre deux signaux distincts est faible sur le paramètre mesuré. En spectrométrie, la résolution correspond également à la finesse des pics. A chacune de ces définitions correspond un mode de calcul particulier. En considérant le pouvoir séparatif, on peut définir la résolution en spectrométrie de masse comme le rapport m/∆m où m est la masse d'un ion considéré et ∆m la différence minimale entre le pic considéré et son voisin le plus proche dont il peut être distingué. Selon cette définition, un instrument qui est en mesure de distinguer des ions de masses 100 et 100,1 possède une résolution de 100/(100,1 – 100) = 1000. Si l'on considère la largeur des pics, la résolution est donnée par un rapport analogue m/∆m où ∆m est cette fois-ci la largeur du pic à mi-hauteur. Dans ce cas, une résolution de 1000 est atteinte pour un ion de masse 100 dont la largeur à mi-hauteur représente 0,1 Th. Dans ce cas, il est également d'usage d'employer le rapport ∆m/m exprimé alors en ppm (parties par million). Les mesures dites "en haute résolution" sont surtout effectuées pour obtenir des valeurs de masse exacte. Il faut cependant faire attention au fait suivant: la résolution permet d'obtenir des mesures précises mais pas nécessairement des mesures exactes. L'exactitude dépend en effet de la qualité de l'étalonnage. Les interprétations parfois hardies qui sont faites des résultats obtenus en spectrométrie de masse en haute résolution ont amené Michael L. GROSS, éditeur du Journal of the American Society for Mass Spectrometry à faire la mise au point suivante (J. Am. Soc. Mass Spectrom., 1994): "L'incertitude acceptable pour une mesure analytique doit être évaluée en fonction de son adéquation avec l'usage que l'on veut faire de cette donnée. Les données spectrales en spectrométrie de masse à haute résolution sont souvent utilisées pour confirmer l'identité de produits naturels ou synthétiques. L'incertitude sur la mesure de masse exacte utilisée pour la vérification de structure doit être mentionnée en même temps que le résultat. (…) Elle peut être évaluée par toute méthode statistique valide, par exemple en déterminant la précision et l'exactitude de mesures répétées ou en évaluant les caractéristiques, en terme de performance, du spectromètre utilisé. Lorsque le résultat d'une mesure de masse exacte est utilisé pour la confirmation d'une formule brute, tous les candidats qui correspondent à la valeur déterminée expérimentalement et qui prennent en compte l'incertitude de la mesure doivent être considérés. Fixer une valeur d'erreur 1 W. Wien, Ann. Phys., 65, 440 (1898) 9 limite pour des mesures de masse exacte n'est pas recommandé, comme le montre l'exemple suivant: lorsque les règles de valence sont respectées, pour des composés de formule brute C0-100H3-74O0-4N0-4, il n'y a pas de formules plus proches que 34 ppm pour des composés de masse nominale 118 (soit une différence de masse minimale de 34x10-6x118 = 0,004 unités de masse). A une masse nominale de 500, cinq compositions se retrouvent dans une fourchette de 5 ppm. En utilisant C0-100H25-110O015N0-15 à la masse de 750,4, il y a 626 formules brutes possibles qui sont dans une fourchette de 5 ppm. Donc, pour une mesure à m/z 118, une erreur de 34 ppm suffit à ne définir qu'une seule formule. A m/z 750, une erreur de 0,018 ppm est requise si l'on ne veut garder qu'une seule solution." II . 1 Analyseur à temps de vol (Time-of-Flight, TOF) Dans son principe, l'analyseur à temps de vol est le plus simple de tous. C'est Dempster (1918)2 qui, le premier, introduisit l'usage de faisceaux monoénergétiques en appliquant une différence de potentiel (V0) à la sortie de la source d'ions. Cette tension confère une énergie cinétique au faisceau ionique (½mv2) homogénéisée à la valeur zV0: ½ mv2 = z V0 (1) Cette simple égalité "contient" le rapport m/z que l'on peut déduire directement de la vitesse v, donc du temps t (temps de vol) que met un ion à franchir une distance fixe d. m/z = 2V0 t2/d2 (2) Ainsi, après l'accélération due à V0, les ions "volent" d'autant plus vite qu'ils sont plus légers. Les analyseurs à temps de vol mesurent donc le temps que mettent les ions Réflectron à franchir une distance fixe. Le temps final correspond à l'arrivée sur le détecteur, le temps initial t0 étant déterminé de manière Laser différente selon les appareils et le mode d'ionisation mis en œuvre. La qualité du résultat dépend de celle de la mesure de Lentille temps très courts (de l'ordre de la microseconde) ce qui explique que cette Détecteur instrumentation s'est développée parallèlement aux progrès de l'électronique Plaque porteéchantillon et de l'informatique. échantillon Dans le cas où l'on utiliserait une source MALDI, le temps t0 peut être compté Senseur optique au moment du tir laser ou, après rétention des ions dans la source, par l'application d'un Représentation schématique d'un analyseur à temps de potentiel pulsé. Le couplage de vol (d'après Micromass, Manchester, UK) l'electrospray, qui est un mode d'ionisation "continu", a été adapté récemment aux analyseurs à temps de vol. Le temps t0 est alors donné par une grille pulsée qui extrait les ions de la source par paquets. Théoriquement, l'analyse par temps de vol ne pose pas de limite à la masse des ions. Par ailleurs, du fait qu'aucun balayage de masse n'est effectué, elle présente l'intérêt de détecter tous les ions produits d'où une très grande sensibilité des expériences. En ce qui concerne la résolution, celle-ci est définie par la distribution du temps de vol d'une population d'ions de même masse. Différents facteurs sont 2 A. J. Dempster, Phys. Rev., 11, 316 (1918) 10 susceptibles d'altérer cette résolution, notamment la distribution des énergies cinétiques initiales des ions au sortir de la source et la dispersion angulaire du faisceau ionique. La mise au point de l'extraction retardée, qui consiste à homogénéiser les énergies cinétiques des ions dans la source avant leur injection dans l'analyseur, a grandement amélioré les performances instrumentales. Il en est de même de l'interposition de miroirs électrostatiques sur le trajet ionique. Ces miroirs, appelés aussi "réflectrons" compensent les différences de vitesse pour une valeur de m/z donnée en imposant des trajets à parcourir d'autant plus longs que les ions sont plus rapides. Ils permettent aussi de s'affranchir des espèces neutres formées par dissociation métastable qui, en l'absence de réflectron, contribuent au signal des espèces ioniques dont elles sont issues et le dégradent. Désormais, les résolutions obtenues sur les instruments à temps de vol modernes peuvent atteindre environ 20000 en routine dans une gamme de masse compatible avec l'utilisation du réflectron (m/z < 10 000). II . 2 Analyseur magnétique La propriété des aimants à dévier les trajectoires ioniques fut d'abord mise à profit par Thomson (1913)3 puis par Aston (1919)4 à des fins d'analyse de matériaux gazeux, ce qui permit à Thomson, après la découverte de l'électron qui lui valut le prix Nobel, de prouver que certains éléments stables pouvaient exister sous différentes formes isotopiques. Sir J. J. Thomson Aston construisit ensuite ce qu'il définit lui-même comme un "spectrographe de masse". Sur cet appareil étaient disposés, sur le trajet d'un faisceau issu du tube de décharge, deux fentes fines (S1, S2) puis un champ électrique homogène (P1, P2) et enfin, après un diaphragme (D), un champ magnétique sur le plan focal duquel était placée une plaque photographique (plan G-B ci-contre). L'obtention de raies distinctes pour des corps de masses différentes se déduisait simplement de l'équation de déviation de particules chargées dans un champ magnétique. Champ Magnétique Spectrographe de masse de Aston Pour une particule de masse m et de charge q, possédant par surcroît une certaine énergie cinétique (Ec= ½ mv2), la force centripète due au champ magnétique B et la force centrifuge qui l'équilibre font adopter à la particule incidente une trajectoire circulaire uniforme de rayon r: d'où: qvB = mv2/r r = mv/qB (3) (4) L'architecture choisie par Aston (direction inverse des champs électriques et magnétiques) permettant de réduire la dispersion initiale de la vitesse v des ions issus de la source, v pouvait être considérée comme à peu près constante et donc le rayon de la trajectoire comme directement proportionnel à m/q. L'imposition par Dempster d'une tension d'accélération V0 en sortie de source (voir plus haut) se fit sur un instrument qui imposait à la fois le rayon de la trajectoire des ions (r fixe sur un demicercle de trajectoire) et la valeur du champ magnétique. Des équations (1) et (3) on peut en effet déduire facilement l'égalité suivante: (5) m/q = B2r2 / 2 V0 3 4 J. J. Thomson, Rays of Positive Electricity, Longmans, Green & Co., London (1913) F. W. Aston, Phil. Mag., 38, 709 (1919) 11 Par conséquent, en faisant varier le seul potentiel d'accélération V0, Dempster était en mesure de détecter sélectivement des espèces de différentes valeurs de rapport m/q. Cette expérience lui permit, entre autres, de caractériser les isotopes des ions lithium, potassium, magnésium, calcium et cadmium. Champ Électrostatique L'intérêt, évident si l'on considère ce qui précède, de disposer d'un faisceau monoénergétique provient de la capacité à mesurer des valeurs de m/q non plus par la position d'une raie sur une plaque photosensible, avec tous les défauts de résolution que cela peut poser (dispersions en vitesse et en énergie cinétique), mais de calculer, à partir d'une valeur de potentiel variable, les valeurs de m/q qui correspondent à la réception d'un signal. D'une certaine façon, on peut considérer que Dempster a introduit l'idée Premier spectrographe de masse de Dempster de réaliser des spectres en balayant des tensions. A: zone analytique (aimant); B, C: parois de la Qu'il s'agisse de balayages de V0 ou de B, la résolution du chambre à vide; D: diaphragme destiné à signal dépendra du fait que les autres paramètres de l'élimination des ions réfléchis; E: unité de l'équation (5) seront réellement constants (c'est à dire avec détection; G: source d'ions; S1 et S2 sont respectivement les fentes de la source et du le minimum de dispersion). C'est la raison pour laquelle on collecteur. peut faire appel à l'effet des champs électrostatiques sur la trajectoire des particules chargées. Si un ion incident de vitesse v, de masse m, et de charge q, subit l'effet d'un champ électrostatique E, il adoptera une trajectoire circulaire uniforme telle que la force centrifuge (mv2/r') équilibre la force centripète (qE): d'où: mv2/r' = qE E = 2Ec/qr' (6) (7) En conséquence, l'ajout d'un champ électrostatique sur le trajet ionique joue le rôle de filtre d'énergie cinétique à la condition que r' demeure constant (on impose r' par construction du tube de vol). Par ailleurs, si le faisceau ionique est préalablement accéléré par une différence de potentiel V0, ce qui est généralement le cas, le paramètre q n'intervient plus dans l'équation. En intégrant l'équation (1) dans l'égalité (5), on obtient en effet: (8) E = 2V0/r' L'asservissement de E à V0 permet donc de filtrer des ions de même énergie cinétique et ce, indépendamment de leur charge. Dans certains cas, un champ E a été utilisé pour réaliser des filtres de vitesse (et non plus d'énergie cinétique). Si l'on parvient, en effet, à faire en sorte qu'un champ magnétique s'exerce dans un sens opposé au champ électrostatique, il faudra que leurs forces s'équilibrent pour qu'un faisceau incident ne subisse aucune déviation. C'est le principe du "filtre de Wien": soit qvB = qE v = E/B (9) (10) Dans ce cas, l'imposition d'un rapport E/B particulier permet de définir la vitesse v des espèces ioniques issues de la source. C'est ce que Bainbridge mis en œuvre en 1933 pour obtenir une échelle linéaire des masses en fonction du rayon des trajectoires ioniques, amélioration importante du travail initial d'Aston.5 5 K. T. Bainbridge, J. Franklin Inst., 215, 509 (1933). 12 Spectromètres de masse à double focalisation Ces développements successifs allaient logiquement déboucher sur la mise au point d'instruments capables de focaliser les faisceaux ioniques à la fois en énergie et en direction, cela pouvant être réalisé par la combinaison astucieuse de champs électrique E et magnétique B. Le développement de ces spectromètres doit beaucoup à Herzog qui, avec Mattauch, pu décrire les propriétés de focalisation des champs électriques radiaux et des champs magnétiques homogènes dans des termes relevant de la géométrie optique classique. Le spectromètre à double focalisation E-B dit "Mattauch-Herzog" demeure un classique de la spectrométrie de masse (1934).6 L'intérêt de ce système vient du fait que chaque champ, E ou B, génère – ou est associé à – une certaine dispersion en vitesse du faisceau ionique. Par conséquent, l'arrangement optimal consiste à faire en sorte que chaque champ compense exactement la dispersion en vitesse de l'autre. La mathématique montre que, dès lors que le faisceau est correctement focalisé, en direction, par l'ensemble du système, l'image obtenue est insensible à la dispersion en direction et en vitesse du faisceau à la sortie de la fente objet.7 SOURCE Première région hors champ E mv2/rE Ion (q V0) qE rE qvB Deuxième région horschamp B DETECTEUR rB mv2/rB Schéma d'un spectromètre de masse magnétique à double focalisation (géométrie "normale") Le développement de ces spectromètres de masse à double focalisation s'est accompagné de la mise au point de nouveaux types de source d'ions, en particulier la source à impact électronique (Bleakney, 1929), qui amélioraient considérablement la capacité analytique de ces instruments. On vit donc apparaître un certain nombre d'instruments, celui de Mattauch et Herzog mentionné plus haut, ceux de Dempster (1935), de Bainbridge et Jordan (1936), de Nier (1953). Ce dernier instrument et ses variantes (Nier-Johnson, Nier-Roberts, etc…) ouvrait la voie aux spectromètres modernes de haute résolution, l'instrument de Nier atteignant déjà une résolution à mi-hauteur de l'ordre de 30 000 à 50 000. Dès le début des années 60, la résolution de ces appareils atteignait 100 000, une valeur qui n'a pas été améliorée depuis par les constructeurs. Modes d'opération des spectromètres de masse à double focalisation E-B La mesure de masse sur les spectromètres commerciaux est très généralement associée à une détection d'un signal focalisé en un point. La détection sur plan focal par des systèmes photosensibles a en effet été complètement abandonnée depuis de nombreuses années. On notera toutefois, comme exception, que le développement des détecteurs multicanaux a fait resurgir, dans le cas rare des spectromètres 6 7 J. Mattauch, R. F. K. Herzog, Z. Phys, 89, 786 (1934) H. E. Duckworth, Mass Spectroscopy, Cambridge University Press (1960) 13 magnétiques tandem, la détection à plan focal et les aimants de type Mattauch-Herzog. Hormis cette exception notable, les autres modes de détection font appel à la focalisation sur un point et l'enregistrement des spectres repose sur l'équation fondamentale de Dempster (équation 5). L'obtention d'un point focal va de pair avec une trajectoire moyenne de rayon r défini (imposé par la construction du tube de vol). Dans ces conditions, la mesure des rapports m/q peut se faire soit à champ magnétique (B) constant et potentiel d'accélération (V0) variable, soit à V0 fixe et B variable. Par ailleurs, comme mentionné plus haut, la valeur du champ électrostatique doit être asservie à celle de V0 pour la détection des ions formés dans la source. Dans la plupart des cas, V0 est maintenu constant et les spectres sont obtenus par un balayage adéquat du champ magnétique. Toutefois, les phénomènes d'hystérésis et d'inhomogénéité locale du champ magnétique, l'influence des effets de bordure et les difficultés de mesure du champ rendent nécessaire l'étalonnage du spectromètre. Lorsque le pilotage de l'instrument est sous contrôle informatique et que le signal fait l'objet d'une conversion analogique/digital (c'est le cas de tous les appareils commerciaux), l'étalonnage est réalisé à l'aide d'une substance de référence dont le spectre est enregistré préalablement à l'analyse. A vitesse de balayage et à gamme de masse données, les temps de mesure des pics de référence sont assignés à des valeurs connues de m/z, la courbe temps/masse servant ensuite de référence aux analyses ultérieures. De nombreuses améliorations technologiques apportées à la construction des aimants ont cependant réduit considérablement les effets d'hystérésis et facilité la mesure du champ (sondes de Hall). Dans le cas où les spectres seraient obtenus de façon analogique, sur un papier photosensible par exemple, l'échelle de m/z est établie par référence à un "étalon interne": pics formés par les gaz de l'air en ionisation par impact électronique ou par le gaz réactif en ionisation chimique. Le balayage en tension est privilégié lorsque l'on souhaite améliorer la résolution du spectre dans une zone limitée de celui-ci, généralement après l'obtention d'un spectre de balayage de B. La mesure d'un potentiel est en effet facile, précise, et les spectres obtenus sont extrêmement reproductibles. II . 2 Analyseur quadripolaire L'aimant et le secteur électrostatique utilisés dans les analyseurs précédents sont remplacés par un quadripôle, c'est à dire quatre électrodes, de section idéalement hyperbolique mais le plus souvent circulaire, qui sont soumises deux à deux à un potentiel ±Φ0 composé d’une tension continue U et d’une tension alternative V: Φ0 = U-V.cos ωt représentation schématique d'un analyseur quadripolaire (Watson JT. 1997. Introduction to mass spectrometry, Ed. Lippincott-Raven, Philadelphia, PA.) 8 9 W. Paul, H. S. Steinwedel, Z Naturforsch., 8a, 448 (1953) W. Paul, H. P. Reinhard, U. von Zahn, Z. Phys., 152, 143 (1958). (11) Ce principe de fonctionnement est décrit en 1953 par Paul et Steinwedel8 qui présentent son utilisation comme spectromètre de masse quelques années plus tard.9 Les ions formés dans la source d'ions source entrent dans l’analyseur et subissent l'effet du champ quadripolaire. Selon les valeurs de U et de V, certains ions adoptent des trajectoires stables et peuvent être 14 détectés, d'autres non, qui sont collectés par les barres du quadripôle. Leur trajectoire oscillante obéit aux équations de Mathieu (1886): d2u (12) + (a u - 2q u .cos2ξ ).u = 0 dξ 2 avec u = x ou y , ξ = ωt/2 , au = 8zeU/mr02ω2 , qu = 4zeV/mr02ω2 , r0 est le rayon du cercle inscrit entre les 4 barres et ω la fréquence angulaire telle que ω = 2Пf où f est la fréquence du champ alternatif. Pour qu'un ion traverse le quadripôle il faut que les valeurs de x et de y restent inférieures à r0. Ces valeurs (représentées par u dans l'équation de Mathieu) étant liées aux paramètres aU et qU, eux-mêmes fonctions des tensions continues U et V, il est possible de définir selon les valeurs aU et qU des zones dans lesquelles les ions seront stables: c'est ce que l'on appelle le diagramme de stabilité. Les ions devant être stables aussi bien dans la direction x que dans l'axe y, quatre zones de travail sont possibles, indiquées de A à D sur le schéma ci-contre. De manière générale, les spectromètres de masse quadripolaires filtrent les ions selon leur stabilité dans la zone A et travaillent avec des valeurs positives de U (donc de aU). La zone à considérer correspond donc à la région hachurée de forme grossièrement triangulaire. Pour chaque valeur de m/z, une zone de stabilité différente peut être définie. Il faut donc, pour ne laisser passer les ions que l'un après l'autre et donc enregistrer un spectre, que les valeurs aU et qU (ou les potentiels U et V) soient balayées de telle sorte qu'un seul ion présente des trajectoires stables à un moment donné. En pratique, les valeurs de U et V empruntent une droite figurée sur le schéma ci-dessous dite "droite de fonctionnement". Diagramme de stabilité d'un quadripôle (E. De Hoffmann, J. Chastrette, V. Stroobant, Spectrométrie de masse, Masson, Paris, 1994) La pente de la droite de fonctionnement conditionne la résolution de l'appareil: une forte pente entraîne une haute résolution mais ne croise qu'une faible partie du diagramme de stabilité d'où un défaut de sensibilité. Une pente faible se traduit par une résolution faible mais une grande sensibilité. A l'extrême, si l'on maintient la valeur de U nulle (pente de fonctionnement sur l'axe V), tous les ions se trouvent compris dans le diagramme de stabilité et traversent simultanément le quadripôle. Ce mode dit (radiofréquence seule ou Rf-only) est très utile pour transmettre des ions d'une partie d'un appareil vers une autre (guide ionique ou cellules de collision quadripolaires). De façon générale, la droite de fonctionnement utilisée correspond à une résolution unitaire (séparation de M et M+1) ce qui garantit une sensibilité satisfaisante. 15 Les avantages de ces appareils sont nombreux: - L’accélération V0 qu’il est nécessaire de donner aux ions à l’entrée de l’analyseur quadripolaire est de l’ordre de 200 V au maximum, à comparer aux quelques kilovolts des analyseurs magnétiques. - Le contrôle des tensions U et V est aisé et permet une grande vitesse de balayage - Le passage de l'ionisation positive à négative (ou l'inverse) est aisé et peut être pulsé - La vitesse de balayage peut être très élevée - Ce sont des appareils peu coûteux. Ces avantages font de l'analyseur quadripolaire un appareil excellent pour le couplage de la chromatographie avec la spectrométrie de masse et un outil très efficace pour la spectrométrie de masse tandem (MS/MS). Piège à ion quadripolaire (Quistor ou Ion-trap) La trappe à ion est un développement du quadripôle qui est du, lui aussi, à Paul et Steinwedel.10 Dans cet appareil, les quatre barres du quadripôle sont remplacées par une électrode annulaire recouverte de part et d'autre de l'espace central par une électrode hyperbolique (dite calotte, électrode chapeau ou end-cap). L'entrée des ions s'effectue à travers un orifice percé dans l'une de ces Calotte supérieure électrodes (calotte supérieure) et leur sortie, au centre de l'électrode opposée (inférieure). Comme z0 dans un quadripôle classique, les calottes d'une part Tore Tore r0 et l'électrode torique d'autre part sont asservies à une tension respective +Φ0 et -Φ0 ce qui a pour effet de créer un champ quadripolaire au sein de la trappe. Calotte A l’intérieur de ce piège, les ions suivent une inférieure trajectoire oscillante close qui obéit aux équations de Mathieu. Il est donc possible, pour la trappe à ion Détection comme pour l'analyseur quadripolaire, des valeurs de paramètres (au, qu) pour lesquelles les trajectoires associées à une valeur donnée de m/z sont stables ou instables. Le diagramme de stabilité que l'on en déduit présente toutefois un aspect différent de celui obtenu avec les quadripôles linéaires. Dans le cas du piège à ion, le couple (au, qu) considéré se réfère à r0 et z0 (au lieu de x et y). Source d'ions En augmentant de façon progressive la tension alternative, les ions sont déstabilisés de façon successive et expulsés de la trappe, ce qui permet l'enregistrement des spectres. Ces spectromètres sont très sensibles et ne tolèrent qu'un nombre d'ions limité dans l'enceinte. En effet, les répulsions mutuelles des ions induisent une augmentation du rayon de leur trajectoire, ce qui nuit aux résultats. Afin de les garder confinés à proximité du centre, il est nécessaire d’introduire à l’intérieur du piège une pression de gaz neutre (généralement de l’hélium) qui permet de les thermaliser. 10 Paul W, Steinwedel H. 1960. US Patent 2939952.