un combat au plus fort de l`humour

Transcription

un combat au plus fort de l`humour
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r. Poiscaille
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r. démocratie du rire
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allée Fini de rire - Olivier Malvoisin
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r. David Lodge
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Panique
r. Jouir cosmique
r. La vie de Brian
r. Antoine Boute
er
av. Vincent et Stéphane Aubi
Roman Catholic
Fashion Victims
chemin des noirs
dessins
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Batia
Mourt
sou
UN COMBAT
AU PLUS FORT
DE L’HUMOUR
pont de l’ironie
ÉDITO
EN COUVERTURE : Lucilius
Poète latin (vers 180 - 102 avant J.C.),
Lucilius Caius donna à la satura
(« mélange » ou recueil de poésies
variées) son caractère satirique.
RÉDACTION
Michaël Avenia, Sébastien Biset,
Philippe Delvosalle,
DÉTOURS interactif
Catherine De Poortere,
Marie-Sophie du Montant,
J’existe en version interactive !
Enrichie de videos, podcasts,
liens web…
Noël Godts, Pierre Hemptinne,
Yannick Hustache, Igor Karagozian,
Jean Nicolas, Catherine Vanandruel
Françoise Vandenwouwer
RELECTURE
Espace Com
A pp Name
Détours
CONCEPTION GRAPHIQUE
Delights
MISE EN PAGE
Téléchargez-moi !
Nathalie Hermelin
ILLUSTRATION
(COUVERTURES/PANORAGRAMME)
Cécile Habran
http://www.cecile-habran.be
APPLI POINTCULTURE
COORDINATION
Laurence Callewaert,
Restons connectés !
Philippe Delvosalle,
Naviguez et partagez en toute liberté
les images et les sons qui rejoignent
chaque jour nos collections.
Marie-Sophie du Montant,
Jean Nicolas
ÉDITEUR RESPONSABLE
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Tony de Vuyst
6 Place de l’ Amitié
1160 Bruxelles
AMBIVALENCE DU RIRE, NERF DU COMIQUE
L’idée que certaines espèces animales soient capables d’espièglerie et de rire, bref, de faire de l’esprit, ne
fait pas marrer ceux et celles qui pensent que le rire est le propre de l’homme. Et là, déjà, dans cette
vieille croyance, le rire est le marqueur d’une hiérarchie arbitraire au sein des êtres vivants, d’un stade
supérieur de l’évolution et d’un niveau inférieur, d’une relation entre dominants et dominés.
Dans une société où l’espace public démocratique fonctionnerait à merveille, avec une distribution idéale
des libertés sociales évacuant toute misère matérielle et psychique, on peut imaginer le règne d’un rire
édénique, doux, voire légèrement crétin. Mais ce n’est pas le cas. La société, comme une vielle terre secouée
par ses plaques tectoniques, est travaillée par les inégalités entre pays riches et pays pauvres, entre classes
sociales, et plus généralement par « la série de couples d’opposés qui se font écho : dominant/dominé, sacré/
profane, ciel/terre, dieu(x)/hommes, haut/bas, supérieur/inférieur, spirituel/matériel, grand/petit, etc., compose un cadre si englobant de nos sociétés qu’elle défie la logique positiviste de l’administration de la preuve.
» (B. Lahire, Ceci n’est pas qu’un tableau, La Découverte, 2015). Dans ce jeu de dupes, nous sommes
toujours le singe d’un autre. Le rire perlé circule à travers ces rapports complexes de force, comme de fines
bulles de nitroglycérine, et ici explose en bonheur empathique et là-bas en déchirures venimeuses.
On a tous plus ou moins fait l’objet d’un trait d’humour qui appuie là où ça fait mal, et l’on a tous eu
envie, dans certaines circonstances, de proférer la « blague qui tue ». Cela, reporté à l’échelle des communautés, des susceptibilités identitaires enracinées par des strates historiques qui compliquent les
ressentiments, les impacts du rire fou deviennent facilement imprévisibles. Le rire élève ou rabaisse,
adoucit ou enrage. La satire est un exercice de distanciation, de désacralisation des idées reçues, des
personnages importants, des institutions assommantes. Elle peut être fine en s’appuyant sur une sensibilité progressiste des problématiques ou obscure, en flattant les penchants réactionnaires et complotistes.
La liberté d’expression justifie-t-elle tous les rires ? Comme pour toute liberté, la société ne doit-elle pas
être à même de faire en sorte que ça circule, sans contrainte, comme un régulateur critique, libre de ses
cibles certes, pourvu que les règles du jeu soient acceptées par tous/toutes ? Si le rire s’installe trop dans
le camp des payeurs, ne devient-il pas arrogant, les dégâts pouvant être considérables ?
À travers l’interview de l’humoriste Alez Vizorek, la présentation d’artistes maniant un esprit décalé sur
le monde, des bibliographies et filmographies, l’analyse comparée de deux séquences de films (Yanne et
Fellini) ou la description d’une marionnette, Détours agence quelques éléments stratégiques en prélude
à une approche autant raisonnée que débridée de la démocratie du rire.
Pierre Hemptinne
Directeur de la médiation
CONTACT
[email protected]
ISSN
KENJI KAWAKAMI
2034-581X
A pp Name
re
u
lt
u
tC
in
Po
(K. Kawakami a inventé plus de mille
"chindôgu", objets poétiques dont
version iOS et android
l'inutilité parodie l'utilitarisme matérialiste
et dresse ainsi une satire de la raison
Téléchargez-moi !
consumériste. Souliers pour sentir le sol,
gants multi-fonction ...)
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SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
PANORAGRAMME
EXPOS
EXPOS
« BATIA MOURT SOU »
TRAITS D’HUMOUR
Couvertures historiques, tracts,
affiches, dessins originaux… du périodique satirique depuis sa création.
20 ans déjà !
Liège – 08/08 au 27/08
CHARLIE HEBDO
Caricatures éducatives du Gsara :
« Comprendre, analyser les médias et
décoder leur rôle » en collaboration
avec trois dessinateurs de talent —
Yakana, Titom et MickoMix.
Namur – 01/07 au 29/07
Louvain-La-Neuve
04/08 au 29/08
Charleroi – 01/09 au 29/09
Des couvertures originales, point
de départ au questionnement sur la
liberté d’expression, la caricature et la
défense de l’irrévérence.
Charleroi — 01/07 au 29/07
Namur – 04/08 au 27/08
POISCAILLE, JOURNAL
SATIRIQUE
Satirique, indépendant et totalement
liégeois. Les meilleures réalisations de
son équipe de dessinateurs et caricaturistes. Alternatif, décalé, ludique.
Liège — 01/07 au 29/07
Charleroi – 04/08 au 27/08
Namur – 01/09 au 29/09
NOIRS DESSINS DU
COMMUNISME
Regard sur l’histoire politique et
sociale du XXe siècle en Belgique.
(Lumor, Didier Geluck,...) par
Culture ULB, CarCoB, CHSG,
IHOES, FLL et Mundaneum.
COLLOQUE
LA DÉMOCRATIE DU RIRE
Réflexion sur le jeu démocratique de
l'esprit satirique et de la caricature en
présence de Ismaël Saïdi, comédien
Nelly Quemener, Sociologue Frédéric
Moens, Sociologue et anthropologue
à l’UCL. Anne Morelli, Directrice
du CIERL –ULB, Philippe Marion,
Professeur UCL, spécialiste de la caricature et de la bande dessinée.
Programme détaillé
dans le pense-bête,
pages 24-25
Bruxelles — 18/09
Bruxelles – 11/08 au 12/09
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SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
LE GRAND
PARTAGE
PAROLE DONNÉE
ALEX
VIZOREK
Nous avons eu le plaisir de
rencontrer Alex Vizorek pour une
interview qui se tenait à la Ferme
du Biéreau (Louvain-la-Neuve).
Il y faisait une lecture de Pierre et le
Loup de Prokofiev, accompagné par
l’orchestre de chambre Est/Ouest,
sous la direction de Artun Hoinic.
POINTCULTURE : AVANT D’ENTRER DANS LE VIF DU SUJET, POUVEZ-VOUS
NOUS DIRE QUELQUES MOTS AU SUJET DES KINGS OF COMEDY ?
ALEX VIZOREK : C’est bien d’en parler. Ce sont des producteurs et en
Belgique il n’y a pas beaucoup de purs producteurs d’humoristes. Leurs activités ont débuté il y a 4-5 ans, alors que je me lançais dans le métier. On s’est
trouvés l’un l’autre et il leur manquait un ou deux artistes à pousser. J’avais
des gens qui s’occupaient de tout ce qui n’est pas artistique. Parce que j’ai
découvert que malgré mes études et ma formation de businessman à Solvay,
j’étais très content de pouvoir me concentrer sur tout ce qui était artistique et
de déléguer le reste à des gens qui aimaient produire. Nous étions vraiment
complémentaires. En Belgique, ces sociétés ne sont pas très nombreuses. Si
Vincent Taloche possède sa propre structure de production, d’autres artistes se
produisent eux-mêmes comme André Lamy ou François Pirette. Et puis moi,
ça me va bien de me sentir soutenu.
PC : MINE DE RIEN, L’UN DES BUTS DE SOLVAY, C’EST DE VOUS FAIRE
TOUCHER À L’EXCELLENCE. ET C’EST UN PEU CE QUE VOUS FAITES AUSSI.
© Mathieu Buyse
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AV : (stupéfait) Vous êtes gentil ! C’est sûr qu’il m’a été appris dans mes
études que 12, ce n’est pas 18, et que c’est plus classe d’avoir 18. Il s’avère que
dans mes études je n’ai pas souvent atteint le 18. Mais j’ai compris qu’il fallait le
viser ! Je pense que ce n’est pas un parcours normal pour un humoriste. Enfin,
je crois qu’il n’y a pas de parcours normal pour un humoriste et pas plus pour
un comédien. Il y a des filières plus évidentes que d’autres. L’essentiel, ce sont
toutes ces petites choses que l’on grappille et la façon dont on les rend.
À 25 ans, j’avais fait Solvay, du journalisme, j’étais né à tel endroit, de parents
nés en tel lieu… ce sont toutes ces petites choses qui font ce que je suis. Et puis,
il y a la façon de les rendre qui définit la patte éventuelle de l’humoriste, un peu
à la faveur de l’inné et au résultat d’un long travail.
PC : DANS VOTRE PAGE PROMOTIONNELLE SUR LE SITE KINGS OF COMEDY, ON PEUT LIRE CES QUELQUES MOTS À LA DEUXIÈME LIGNE : « LE RIRE
PEUT VOUS RENDRE INTELLIGENT ». D’OÙ MA QUESTION : LE RIRE PEUT-IL
VRAIMENT RENDRE INTELLIGENT OU EST-CE LE PROPRE DE L’INTELLIGENCE
DE SAVOIR RIRE OU DE FAIRE RIRE ?
AV : Très bonne question (hésitation). Il serait prétentieux pour un public
de se prétendre intelligent parce qu’ils ont ri. Je dirais qu’il y a du rire de tête
qui découle de l’intelligence que l’on retrouve régulièrement chez les hommes
politiques, dans leur sens de la réplique. Enfin, vous avez le rire de ventre. Vous
glissez sur une peau de banane et c’est marrant ! Bergson disait : « le rire, c’est
la surprise », on s’attend à un scénario A, c’est un B qui se produit et le corps
répond en se marrant ! C’est un peu le principe de la chute. Il est censé continuer tout droit et puis non, il tombe. Dans mes spectacles, j’essaie de mélanger
ces deux types de rires parce que je les trouve complémentaires. Les spectateurs
n’ont besoin d’aucune référence pour venir les voir. Une bonne vanne ne doit
pas s’expliquer, ne doit pas se comprendre, elle est évidente.
SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
PAROLE DONNÉE
Entretien : Jean Nicolas
Transcription : Yannick Hustache
PC : IL ARRIVE CEPENDANT QUE CERTAINS DE VOS INVITÉS À LA RADIO
SOIENT LARGUÉS ?
AV : J’essaie de ne pas les larguer. L’invité étant le premier auditeur, il est
préférable que je le garde avec moi. S’il se sent largué, l’auditeur risque de l’être
aussi. Maintenant, parfois, quand je veux les titiller, comme les politiciens, il
leur arrive de faire semblant de ne pas comprendre !
PC : TOUJOURS SUR VOTRE PAGE KINGS OF COMEDY, VOUS DITES QUE
VOTRE GENRE, C’EST LE GÉNIE EN VERBE. PEUT-ON LE PRENDRE COMME
UNE DÉCLARATION D’AMOUR AUX BEAUX TEXTES ?
AV : Absolument. J’ai suivi le Cours Florent à Paris. Dans ma tête, j’étais le
nouveau Cid et c’était évident que les gens allaient s’en rendre compte. Et nous
sommes bien d’accord que personne ne s’en est rendu compte (sourire). Mais
j’aimais beaucoup les classiques, les grands textes, les alexandrins que je trouve
très beaux et qui demeurent tout à fait contemporains. Ce n’est pas un hasard
s’ils ont perduré. En littérature, Flaubert, Zola, ce sont des témoignages, des
façons d’écrire, tout aussi essentielles.
PC : EN DEHORS DU PUBLIC, QU’EST-CE QUI VOUS PROCURE LE PLUS DE
PLAISIR SUR SCÈNE ? LA SCÉNOGRAPHIE, LA GESTUELLE, LE TEXTE, OU LES
TROIS ENSEMBLE ?
AV : Difficile à séparer. Je suis un humoriste, pas un comédien. Tous les
gestes que je peux avoir sur scène m’appartiennent, je ne les crée pas. Mais je
sais toujours ce que je dis, quand je dois le dire et où je dois me trouver sur
scène. C’est une rigueur que m’a inculquée ma metteuse en scène Stéphanie
Bataille. Les humoristes qui prennent un micro, montent sur scène en baskets
et racontent des vannes, ce n’est pas mon style. Chaque jour, c’est au même
endroit que je dis la même phrase. Mais c’est dans ce carcan que se niche votre
liberté. Une fois que vous savez où vous allez, amusez-vous au sein de ce cadre.
Le texte, vu que c’est le mien, j’y suis forcément attaché. Notre baromètre, c’est
le public. C’est encore plus vrai pour un humoriste que pour un comédien.
Pour l’humoriste, c’est primordial. La prestation sera bonne si le public a plus
ri que la veille. Pour un comédien, une simple impression peut suffire. Je me
considère un peu comme un artisan. L’artisan attache une grande importance à
ce que son travail soit reçu et apprécié. On a besoin de ce retour direct.
PC : QUELS SONT CEUX QUI VOUS ONT INSPIRÉ, VOS GÉNIES EN VERBE
À VOUS ?
AV : Desproges bien sûr. Je ne connais aucun humoriste qui peut ne pas le citer.
Tout comme Coluche. Aujourd’hui, on est beaucoup d’humoristes. Or dans la
génération précédente, ils étaient bien moins nombreux. Il y a plein de trucs à
picorer chez Fernand Reynaud, Robert Lamoureux. Dans la génération juste
au-dessus de moi, j’aime bien François Rolin, Jean-Jacques Vanier, des gens qui
vont vers l’absurde. Par contre, l’écriture ciselée de type Jacques Maillot, Pierre
Douglas que j’apprécie toujours, elle a vieilli. Mais attention, il ne faut détester
personne. Montrer sans pudeur son travail devant 800 personnes, ça ne se dénigre
pas ! De Roumanoff à Dubosc, c’est un capital sympathie qui est à prendre !
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PC : PLUS DÉLICAT, QUELS SERAIENT VOS GÉNIES EN GERBE ?
PC : CELLE QUI VOUS ENNUIE ?
AV : Pour la raison que je viens d’expliquer juste avant, je trouve qu’être
négatif nous dessert. Dire du mal d’autres gens, je le fais assez peu. Le succès a
toujours une explication, souvent intéressante. Et je respecte le travail d’un type
qui se met à poil sur scène. Mais quand des gens piquent des vannes à d’autres,
ou traduisent des spectacles d’une autre langue, sans aller jusqu’à les dénoncer,
j’éprouve un peu moins de respect.
PC : VENONS-EN À VOS CHRONIQUES RADIO. SI POUR VOS SPECTACLES
VOUS AVEZ LE LOISIR DE PEAUFINER VOS TEXTES DES MOIS DURANT, POUR
L’ANTENNE VOUS NE DISPOSEZ QUE DE QUELQUES HEURES POUR LA
RÉDACTION DE VOS CHRONIQUES. VOUS FAITES COMMENT ?
AV : Au début, je m’y prenais longtemps à l’avance, avec cette angoisse de
n’avoir rien à écrire. La page blanche est quelque chose que je ne connais pas,
mais encore faut-il que ce qui arrive le soit de manière qualitative. La veille,
il faut que j’aie une idée de départ et cinq ou six débuts d’accroche. Ce matin,
j’étais à la RTBF à 5h45 pour passer un peu avant 8 heures. J’avais donc 2
heures 15 pour imbriquer la chose, c’est un travail que je maîtrise bien et un
plaisir d’avoir ces deux formes d’écriture complémentaires : celle, mature de
spectacle où vous pouvez ajouter ou enlevez des choses, et celle de chronique
qui ne sert qu’une seule fois. Et le lendemain tout est à recommencer.
PC : À LA RADIO, VOUS N’AVEZ PAS LE TEMPS DE PRENDRE DU RECUL. VOUS
JOUEZ AVEC LES MOTS ET LES RÉACTIONS DU PUBLIC ET DES INVITÉS. IL N’Y A
PAS UNE MISE EN ABYME DEVANT LES RÉACTIONS DES UNS ET DES AUTRES ?
AV : Le truc, quand je suis un tant soit peu véhément avec quelqu’un, j’essaie
d’imaginer les quelques répliques qu’il pourrait me rendre et d’anticiper ces
réactions et lui répondre. Sinon, il y a une part de vertige que je compare à un
travail de pilote de ligne. En cas de problème, plus vous avez d’heures de vol,
plus vous réagissez de manière posée et efficace. J’arrive à ne plus être déstabilisé par les réactions d’un invité, mais je suis certain que quelqu’un va un jour
trouver un truc pour y arriver. (sourire)
PC : JE PENSAIS AU PHILOSOPHE ENTHOVEN À QUI VOUS AVEZ RAPPELÉ
QUE CARLA BRUNI AVAIT ÉCRIT UNE CHANSON SUR LUI, POUR ENSUITE LUI
DEMANDER S’IL AVAIT ÉCRIT UN LIVRE DE PHILOSOPHIE SUR ELLE, ALORS
QU’ILS SONT SÉPARÉS ET QU’ON NE SAIT JAMAIS COMMENT ILS ONT
VÉCU CETTE SÉPARATION.
AV : J’essaie de ne jamais être méchant avec les gens présents. J’ai compris
quelques trucs. Pour un politicien, dites du mal du voisin ou du travail de celui
qui est juste à côté, ou dites du mal de celui qui est son concurrent dans son
propre parti. L’autre conseil est de mettre des blagues chaleureuses au début
pour les prendre avec moi. Si j’ai une pique, je la mets plus loin.
AV : Celle dont on ne se souvient plus et pour laquelle on n’a ni souvenir ni
retour. De celles qui obligent à être meilleur le lendemain…
PC : L’INVITÉ QUI VOUS A LE PLUS IMPRESSIONNÉ ?
© Mathieu Buyse
PC : JE PENSE ÉGALEMENT À LA CHRONIQUE AVEC STING OÙ VOUS
DEVIEZ TOUT TRADUIRE…
AV : C’était ma première chronique internationale. Sting, c’est la classe totale :
il est à l’anglaise, chemise de bûcheron, généreux. Il s’est bien marré. Certes,
je lui laissais le temps de se faire traduire, mais quelle chance de causer cinq
minutes à un bonhomme comme ça.
PC : NOTAMMENT, QUAND VOUS LUI AVEZ RAPPELÉ QU’IL ÉTAIT PARFAITEMENT COMPLÉMENTAIRE AVEC L’INDIEN RAONI, PUISQU’IL FAISAIT DES
DISQUES ET QUE RAONI LES MANGEAIT !
AV : Oui c’est vrai (rire). J’en profite pour revenir sur mon processus de travail
et remercier les 2 coauteurs de mes textes. Ils m’écrivent des trucs sur une idée
que je leur envoie la veille. Brillants ou pas… Ils apportent un plus, ET pour
varier les idées, ET pour éviter de devenir trop prévisible. Mais je suis toujours
le maître d’œuvre des chroniques.
PC : UN PETIT QUESTIONNAIRE ANODIN POUR SUIVRE. QUELLE EST LA
CHRONIQUE QUI VOUS A LE PLUS AMUSÉ ?
AV : C’était avec Kad Merad. Il venait de faire un film qui traitait d’animaux.
J’ai fait un questionnaire absurde sur les animaux qui a tellement bien fonctionné que je l’ai intégré à mon spectacle.
PC : COMME CELLE-CI : « OÙ METTAIT-ON LES ZÈBRES DU ZOO DE JOHANNESBURG DURANT L’APARTHEID ? »
AV : Oui, blanc et noir… On ne sait pas, on ne sait toujours pas.
PC : CELLE QUI VOUS A LE PLUS DÉSTABILISÉ ?
AV : Déstabilisé, mais elle était marrante. Didier Reynders m’est beaucoup
rentré dedans et était presque plus drôle que moi. C’est le jeu, si je les titille, ils
ont le droit de me répondre.
AV : Sting était impressionnant. J’ai un raté, c’est Roger Moore. Un rêve de
gosse. Il était annoncé à France Inter et il y a eu grève… Il n’est jamais venu. Les
politiciens, en particulier les Français, sont des bêtes de Com’. Quelqu’un comme
Arnaud Montebourg ne se laisse jamais embarquer dans votre texte. Il rit quand
je me moque de la droite, ne dit plus rien tout en vous regardant quand c’est au
tour de la gauche. À cette même question sur France Inter quand j’y suis rentré,
quand on m’a demandé qui m’aurait le plus impressionné, j’avais répondu
Lauren Bacall. C’est un peu tard maintenant. Je ne vous cache pas aussi que je
trouve que c’est chouette d’être là avec ces gens-là (qui ont une carrière). Quand
Michel Galabru a descendu les marches de l’émission, j’ai senti un truc. Faut dire
qu’il est drôle même quand il respire ! Face à Gérard Lanvin ou Pierre Richard,
je reste toujours un peu groupie, mais il faut que l’auditeur sente que je suis un
trait d’union entre lui et l’invité. Si l’invité a fait quelque chose de ridicule ou
désagréable dans sa carrière, il veut que je lui en parle, que je reste sarcastique.
PC : VOTRE ÉCRITURE EST SANS CONCESSIONS. IL Y A TOUJOURS UN RISQUE DE DÉCROCHER L’AUDITEUR OU L’INVITÉ. EST-CE UN RISQUE À COURIR ?
AV : J’essaie toujours de faire rire mon interlocuteur pour que le message
passe. L’idéologue Vizorek n’intéresse personne. C’est plutôt entre les lignes
que ça se joue. Avec Elio Di Rupo, ça passe parce qu’il reste vigilant. À trois en
studio avec Roselyne Bachelot, ça jette un froid. L’auditeur se range d’ailleurs
le plus souvent de notre côté quand l’invité est méchant avec nous. D’où tout
l’intérêt pour les invités de dégager quelque chose de sympathique face à une
forme de critique ou d’humour. C’est surtout vrai pour les hommes politiques.
PC : VOUS DONNEZ DANS LE REGISTRE SATIRIQUE, MAIS VOUS NE CÉDEZ
JAMAIS À LA PROVOCATION GRATUITE OU LA MÉCHANCETÉ PURE. DANS
LE FOND, VOUS AVEZ LE CŒUR GÉNÉREUX. PENSEZ-VOUS QUE VOUS LE
GARDEREZ TOUJOURS INTACT ?
AV : La pire chose pour moi serait de devenir aigri ; qu’on sente dans mes
textes que j’en veuille à quelqu’un dans dix ans parce que mes collègues seront
des stars et moi pas. Je ne trouve pas ça drôle et ça se sent à l’antenne. Télérama
avait écrit Alex Vizorek est un enfant qui a bien préparé ses blagues et est très
content de venir les dire. J’ai un côté sale gosse qui s’amuse, un peu fou du roi.
Ce droit de rendre ridicules les rois d’aujourd’hui durant 3-4 minutes. À moi
de les placer dans une situation qui n’est pas la leur et à l’auditeur de noter la
différence avec l’image publique qu’ils donnent d’eux.
SATIRE ET CARICATURE
9
juil. / août / sept. 2015
TRANSVERSALES
© Berten
ANTOINE BOUTE :
DU RIRE AU JOUIR COSMIQUE
(la révolution biohardcore)
Dans le genre étrangeté littéraire, Antoine Boute occupe une place de choix.
Écrivain de polars expérimentaux, poète sonore, philosophe, performeur, organisateur d’événements, il explore au fil de ses ouvrages et performances les rapports
entre corps, voix, récit, fiction et réalité. Son œuvre est un jeu constamment reformulé, absurde, inquiétant et amusant, auquel il convie qui souhaite y participer.
Parmi ses derniers ouvrages, il en est un qui détonne par l’expression qu’il met
en œuvre : le rire. Ou plutôt, le « rigolo » – ce qui est drôle, curieux, étrange,
surprenant. C’est là un trait caractéristique de l’œuvre d’Antoine Boute, mais il
se voit ici consacré par la forme du roman, au titre étonnant : Les Morts rigolos
(publié aux Éditions Les Petits Matins, 2014). Un roman au sujet délicat, donc.
La mort ? Rigolote ? S’agit-il de rire jaune ? Peut-être. Quoique… non. Vraiment, cet ouvrage fait rire ; il est une vaste blague, au sens le plus littéral. « Nous
ne sommes pas ici pour assister au déroulement d’un roman : nous sommes ici
pour fabriquer une blague ! », nous assure Boute. Ce livre est d’abord l’histoire
d’un type qui raconte sa vie au départ d’une blague, qui est aussi un thriller
familial que l'auteur compose avec ses enfants (Victor, 7 ans, et Lucas, 5 ans)
« tout en se faisant plein de copines et copains clochards, pornolettristes,
kamikazes, grossistes en pétrole, écoféministes, cavaliers anarchos autonomes,
aviatrices, tout en théorisant l’écriture qui tue et en refécondant les rapports
entre vie, farce, mort et enfance… ». En toile de fond, le projet de ce livre est
aussi celui de la révolution des enterrements. « Il ne faut pas penser séparément
blague et enterrement. C’est une question d’éthique, une question de respect ».
Le business de pompes funèbres expérimentales mis en place par Boute est
un concept d’un genre nouveau qui, tout en étant particulièrement lucratif,
change fondamentalement notre rapport à la mort. C’est une philosophie, une
blague philosophique. Mais pas au sens de la supercherie : au sens de récit qui
nous suspend dans l’attente d’un rire, qui vient, qui vient, qui vient. C’en est le
suspense ; on en attend la chute. Dispositif d’écriture particulier, ce roman est
donc aussi un dispositif de pensée, un appareil de philosophie à la portée de
tous – il est en cela sans doute la suite logique de son précédent ouvrage, Tout
public (qui avait pour objectif d’écrire un livre « dont le concept serait d’être
100 % tout public, complètement ergonomique à la pensée de toutes sortes de
gens », plongeant « tête baissée dans le foisonnant et le burlesque », explosant
« philosophie, poésie et art conceptuel par le biais de la masse hétérogène de
10
nos amis lecteurs tous publics »). On y trouve des aphorismes absurdes qui
invitent à se poser question : « La preuve de l’existence du rire c’est le réel et
vice versa ». Le rire, comme attitude face au monde, comme expression même
de la vie, « comme si le tout du monde n’était qu’une blague, une grande et
vaste blague pas drôle ». Dans les termes fantasmatiques du poète, Boute pense
le rire cosmique, la jouissance cosmique. Un trop-plein de vie qui transcende la
mort, qui dans sa mesure n’est rien d’autre qu’une blague, même pas drôle.
Un autre roman récent d’Antoine Boute, S’enfonçant, spéculer (publié ce printemps aux Éditions Onlit), explore le même univers décalé, laissant la nature du
rire de côté pour explorer les « confins de notre monde civilisé », en donnant
à lire un « concentré d’actions destroy et de sexe borderline », une « saloperie
de polar dégénéré’ » qui ne fait d’ailleurs pas l’économie d’une bonne dose de
philosophie expérimentale ! » C’est par ailleurs d’ivresse dont il est question
dans sa contribution à l’ouvrage Ivresses, publié ce printemps aux Éditions
(SIC). Le poète y poursuit sa défense et promotion de la révolution biohardcore,
qu’il appelle de ses vœux. Par des opérations d’« ivresse sans ivresse », il invite
à mettre en chantier cette révolution par l’élaboration « de grandes manœuvres
pour sauver le monde » – « oui parce que le monde des humains franchement
n’est-il pas sérieusement plouc ? Sérieusement ivre d’une ivresse mauvaise ? »
Il nous faut aux yeux du poète retrouver un ensauvagement de type cosmique,
travailler à devenir aussi sauvage que le cosmos, parvenir à cette transe fondamentale et ultime qu’est l’ivresse de vivre ; « spéculer en transe en direction du
végétal, de l’animal, de l’organique, même de l’infraorganique. Infraorganique :
matériel. Il faut aller spéculer du côté, du grand côté de la matière. Mais il faut
aller spéculer aussi plus loin : dans l’infraorganique : il faut spéculer à coup de
défonce nucléaire. Nucléaire, même infranucléaire. Infranucléaire c’est-à-dire
cosmique : il faut spéculer l’ivresse sans ivresse à coup de défonce animale
végétale nucléaire cosmique ».
En avant pour la révolution biohardcore !
Sébastien Biset
SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
TRANSVERSALES
VINCENT PATAR ET STÉPHANE AUBIER
Panique sur les zygomatiques !
L’un fait penser à un Tintin « cool » qui serait élevé au bon grain électrifié du rock
(Vincent Patar), alors que l’autre offre pratiquement le profil d’un laborantin
consciencieux au regard pénétrant. Pourtant, les deux composantes de ce binôme
semblaient comme naturellement appelées à travailler de concert. Nés la même
année (1965), ils ont suivi un cursus scolaire au sein des mêmes écoles – Saint-Luc
à Liège, puis La Cambre à Bruxelles en section animation – ont été diplômés la
même année (1991), puis sont devenus pour un temps colocataires. Ils fondent
bientôt leur propre boîte de production (Studio Pic Pic André) et imposent leur
marque de fabrique dès la fin des années 1990 avec une première série de dessins
animés narrant les aventures rocambolesques de Pic Pic André et leurs amis.
Deux figures animalières, Pic Pic le cochon magicien et André, le cheval féru de
pintes, s’expriment avec un accent liégeois (ou verviétois ?) à couper au couteau, se
chamaillent pour leur seul plaisir et crèvent l’écran tels les personnages actualisés
d’un bon vieux Tex Avery tourné en Absurdie, ce territoire imaginaire et humoristique si voisin de la Belgique. Une belle inventivité narrative et formelle mâtinée
d’un gros doigt de satire sociale bouffonne, clins d’œil à la pelle (Frankenstein), le
tout lesté de la jouissive vitesse d’exécution d’un titre punk rock qui ratiboise sans
mégoter. Et d’ailleurs, nos joyeux drilles n’en finissent pas de saccager leur environnement dans l’insouciance la plus totale à chaque épisode ! Parallèlement, Patar
et Aubier réalisent deux courts métrages des Baltus à partir d’images découpées
dans des illustrés. Les décors restent les mêmes – une maison dans la montagne
–, mais les péripéties de cette famille traditionnelle (deux parents, deux enfants)
ressemblent à un dégommage acide et drolatique de nos modes de vie bourgeois
et de leurs rituels normatifs et rassurants. Saint-Nicolas est ici un robot tueur
dysfonctionnel et une banale sortie au cirque se transforme en une course-poursuite afin d’échapper à un sentiment d’ennui pour le moins plombant !
En 2001, Aubier et Patar attaquent Panique au village, une série de 20 courts
métrages d’animation à partir de petites figurines en plastique aux postures
figées. Décors et personnages presque habituels (une maison dans une verte
12
campagne montagneuse), mais
replacés dans un cadre élargi.
Introduction de la ferme de Janine et
Steven, leur fille et tous leurs animaux
de la basse-cour, mais aussi de
Gendarme et quelques bêtes sauvages
(ours). Cheval, Cow-Boy et Indien
et leurs amis (Facteur) s’appellent
uniquement par l’attribut premier
qui les définit et n’ont en rien cédé de
leur impossible accent belgo-régional.
L’aspect dingo-délire est encore
accentué par une avalanche ininterrompue de gags qui jouent à plein de
cette dichotomie perpétuelle entre
panoplie animée de figures pétrifiées
dans une scénographie de diaporama
enfantin et un rythme de narration
speedé symbolisé par des véhicules
(tracteur, voitures) qui roulent à tout
berzingue. Toujours ce sentiment
de jouissance infantile coupable tant
dans le saccage répété et gratuit de
leur environnement direct, que dans
le détournement de figures populaires
(Eddy Merckx, un Robin des bois nul
au tir) ou encore dans le dynamitage de saynètes de la vie courante
(les repas, le dodo, les vacances).
S’ajoutent enfin quelques emprunts
au monde des adultes (boîte de nuit)
et des ajouts issus du bestiaire de
la science-fiction (fusée, machine à
voyager dans le temps, savants fous).
Et ce sont en effet des créatures venant
d’un univers liquide parallèle, situé
en vis-à-vis du leur, que l’on trouve
au cœur de l’intrigue de Panique au
village, le film (2009). Un récit toujours
ultra vitaminé qui profite (en douce)
des avantages du numérique pour
doper ses ficelles absurdes (les tonnes
de briques commandées par erreur
sur Internet), partir en exploration
géographique et extra-dimensionnelle
hors du village et tenir la distance (plus
d’une heure) sans faiblir, une love
story chevaline en prime !
Yannick Hustache
© Caroline Jacobs - Kubla au Congo
CAROLINE JACOBS, COLLAGE
Le bestiaire se marre toujours autant…
Le coup d’œil sur les images exposées
à la Médiathèque de Mons, surprend.
Les habitudes culturelles y distinguent
d’abord d’anciennes références, de
vieilles bestioles en postures satiriques, cela semble sortir de quelques
archives. Puis, en s’approchant, on est
surpris de découvrir que ces animaux
d’un autre temps interpellent le
présent. Ils ont repris du service pour
se gausser des couacs – éternels ?
– qui émaillent l’espace public. Ils
exhibent ces incidents qui pourraient
passer inaperçus, ou être minimisés
en termes d’anecdotes, mais qui
prennent dans ces mises en scène, une
dimension de symptôme, révélant des
« vers dans le fruit démocratique »
plus importants qu’on ne le pense.
C’est ce que dévoile le dispositif des
collages : faire prendre conscience de
la monstruosité de certains comportements qui, noyés dans le flot de
communication et désamorcés par le
désintérêt pour la politique, en viendraient à sembler normaux, en tout
cas ne plus susciter une indignation
proportionnelle à ce qui est dénoncé.
La conjonction d’un matériau ancien
et d’une actualité bien de chez nous
crée une distance salutaire, un choc
bienvenu, un intérêt renouvelé pour
l’exercice satirique.
Née en 1972, Caroline Jacobs est
diplômée en section photographie et
arts plastiques (Institut d’Enseignement des Arts techniques et des Arts
plastiques de Namur), ainsi qu’en
section illustration de l’École supérieure des Arts plastiques et visuels
de Mons. Son engagement dans
l’animation de nombreux ateliers, sa
participation aux expositions collectives « Calva en Folie » (Flénu) ou
son travail dans le CEC « Le Coron,
Village du Monde », ont probablement aussi aiguisé la sensibilité avec
laquelle elle observe le monde et
SATIRE ET CARICATURE
exacerbe, dans le coup d’œil et sa
patte, le sens de la liberté sociale.
Voici comment Ninah Fernac
qualifie le processus de travail de
Caroline Jacobs : « Copier : parmi les
caricatures de J.J. Grandville (18031847), elle choisit de façon incisive
les scènes où elle reconnaît notre
faune : ses travers et revers, scandales
et ridicules, frasques, indécences et
violences. Couper : elle cisèle ensuite
le fragment d’une autre image ou
bien encore le slogan, le mot d’ordre,
le titre médiatique, la parole malheureuse, la formule racoleuse, l’article
de loi, le lieu commun. Coller : elle
accole, met en scène et en page bêtes,
objets et alphabet et nous assistons – amusés médusés abusés – au
spectacle d’une collision collusion de
significations. »
Pierre Hemptinne
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juil. / août / sept. 2015
ANALYSE DE SÉQUENCES
© Jean Yanne / Federico Fellini, 1972
ROMAN CATHOLIC FASHION VICTIMS
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
(Jean Yanne, France 1972)
Roma
(Federico Fellini, Italie-France 1972)
Dans son premier long métrage, l’acteur, écrivain et compositeur satirique
Jean Yanne incarne Christian Gerber, un journaliste radio qui revient d’un
reportage auprès de guérilleros sud-américains. En posant le pied sur le
sol français, il découvre, non sans agacement, la énième mutation de sa
station, Radio Plus, dirigée par les seuls vents (changeants) du marketing
et voguant désormais sous la devise « Plus près de Dieu » (« On a d’abord
été plus près de la femme, plus près des jeunes, plus près de la nature,
plus près des couples, plus près du sexe et maintenant on est plus près de
Dieu !?! »). Même les publicités diffusées à l’antenne ont été adaptées : « Et
au Commencement, Dieu aurait créé OdorNet s’il avait connu la chlorodicétylaminase qui détruit les odeurs corporelles » ou « Aux Noces de Cana,
Jésus demanda que fussent servis en premier les bons vins, puis les mauvais.
Si les Noces de Cana se déroulaient de nos jours, il n’y aurait que de bons
vins : les vins de la Treille ardente. Prenez et buvez-en tous, car ceci est
du vin ! » Dans les locaux très sixties de la radio (plastic, plexiglas, formes
rondes, couleurs vives) deux mannequins comme sorties du studio photo de
Blow-Up (Michelangelo Antonioni, 1966) ou du monde de la mode de Qui
êtes-vous Polly Maggoo ? (William Klein, 1966) essaient en compagnie d’un
styliste caricatural (chapeau, chasuble en jean, cape violette sur les épaules,
breloques autour du cou, talons) de nouvelles robes d’hôtesses. Portant
des déclinaisons assez sobres – juste légèrement féminisés – d’éléments
vestimentaires du clergé de base (col blanc, dentelles) les deux modèles sont
mis en scène comme deux corps stricts (droits, très verticaux et assez figés)
et noirs et blancs dans un monde de rondeurs et de couleurs (oranges et
mauves de l’ère psychédélique). Ce qui n’est d’ailleurs pas sans provoquer le
courroux du commanditaire : « Permettez-moi de vous dire que c’est exactement consternant… C’est lugubre ! C’est sinistre ! Il faut quelque chose de
jeune, quelque chose qui éclate ! Qui soit plein de couleurs, de lumière ! »
Des tenues ecclésiastiques éclatantes, pleines de couleurs et de lumières
(pour la jeunesse, on repassera), le Directeur de Radio Plus aurait pu aller
les chercher, cette même année 1972, du côté des costumes imaginés par
Danilo Donati pour la séquence du défilé ecclésiastique de Roma de Fellini.
À la fin de ce portrait personnel et diffracté des strates multiples de sa ville
de cœur, le cinéaste italien investit le palais prestigieux, mais décrépi de
la Princesse Domitilla. Dans la pénombre, on y dépoussière et y hisse à la
lumière les portraits géants d’hommes d’Église. On se prépare pour un grand
show mondain. L’espace architectural est démesuré : quand Son Excellence
apparaît, il n’est qu’une petite tache rouge dans le coin de l’écran. Le public
s’installe – les noirs, les rouges et le blanc dominent la palette des couleurs – et
le défilé peut commencer : « Modèle n° 2 : tourterelles immaculées. Cornette
amidonnée, ailerons battants. Très utile dans les couvents mal ventilés »,
« Modèle n° 4 : Tenues sportives pour une Église moderne. Au Paradis, toujours
plus vite » (curés en patins à roulettes), « Modèle n° 5 : conçu pour les curés
de campagne » (large fente à l’arrière, pour la conduite du vélo)… Fellini filme
cette séquence non sans maestria, mais dans une mise en scène et des mouvements de caméra qui tendent à se faire oublier. L’image est déjà tellement
chargée de détails dans les costumes, les tronches des acteurs, etc. que la caméra
peut filmer la scène en respectant son caractère de défilé (un catwalk en U,
espace d’un parcours codifié : une entrée, un passage dans le champ visuel puis
une disparition, suivie d’une nouvelle apparition) et les réactions du public. S’il
y a escalade et crescendo dans le baroque et la démesure (jusqu’à l’apparition
d’un Pape digne d’un carnaval brésilien en mode art cinétique), c’est un peu
par la musique et les fumigènes que cela se met en place, mais surtout par les
costumes eux-mêmes qui culminent dans des sortes de robes ecclésiastiques
« boules à facettes » ou illuminées, qui font dialoguer l’imagerie du vitrail
avec celle de la vitrine et transforment les hommes d’Église qui les revêtent en
hommes-sandwichs de la Lumière divine. Et au fur et à mesure que les vêtements gagnent en luxe, les visages qu’ils coincent dans leurs encolures perdent
en vie (se dessèchent, se momifient, se teintent de couperose).
Dans ces deux cas, les réalisateurs assoient leur satire sur une triple stratégie : le déplacement (par exemple déplacer des éléments du monde de la mode – le spectacle,
la scène, le costume – vers celui du culte), la greffe (par exemple greffer des éléments de l’imaginaire religieux sur les différentes facettes d’activité d’une radio commerciale) et l’accentuation (le crescendo baroque de Fellini).
Philippe Delvosalle
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SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
PLAYLISTS
PLAYLISTS
FICTION (1)
FICTION (2)
Michaël Avenia
QUAND LE CINÉMA S’AUTOPARODIE
GET SHORTY
(Barry Sonnenfeld, 1996) – VG2361
Chilli Palmer, petit brigand fan de
cinéma, débarque à Hollywood et va
aider un producteur dans l’embarras et
l’incapacité de produire son film. Avec
un humour féroce et une belle brochette
d’acteurs, Barry Sonnenfeld nous plonge
dans le monde trouble des séries B et du
financement de film.
HOLLYWOOD ENDING
(Woody Allen, 2002) – VH4985
Woody Allen se mue ici en réalisateur
sur le déclin. Le processus auto-psychanalitique qui lui est propre domine
cette fois encore la mise en scène et
il en profite pour donner une vision
peu reluisante et décalée des gens du
showbiz et du statut de créateur.
JOE LIMONADE
(Oldrich Lipsky, 1964) – VJ0379
Parodie de l’industrie hollywoodienne, mais surtout hommage au
cinéma des débuts, « Joe Limonade »
détourne les codes du western à des
fins comiques. Que ce soit sur le fond
ou dans la forme, « Joe Limonade » est
une comédie à la fois dynamique et
inventive.
LAST ACTION HERO
(John McTiernan, 1992) – VL0635
Arnold Schwarzenegger s’autoparodie
dans ce film qui mêle action, humour et
suspense. Mais avant tout, « Last action
hero » porte un regard amusé sur les
films d’action de série B et les clichés
dont ils abreuvent les écrans.
16
THE EXTRAS
(Ricky Gervais, 2005-2006)
VE0458 + VE0459
Après nous avoir régalés avec The
office, sa vision drolatique du petit
univers mesquin d’un patron tyrannique, Ricky Gervais investit cette fois
les plateaux de tournage. Côtoyant
de vrais acteurs dans leur quotidien
déluré, son personnage en quête
de reconnaissance nous emmène
dans les coulisses mouvementées du
Septième art.
LE ZINZIN D’HOLLYWOOD
(Jerry Lewis, 1961) – VZ3551
Jerry Lewis enrichit son cinéma
burlesque d’un regard satirique sur
le Studio système propre au cinéma
hollywoodien. Il nous montre l’envers
du décor de l’usine à rêve, décortique
les maillons de la chaîne de production d’un film avec l’humour bête et
féroce qu’on lui connaît.
FOLIE-FOLIE
(Stanley Donen, 1978) – VF0918
Conçu comme un double programme
(avec un petit bout d’un troisième au
milieu), Folie-folie, film testament
de Stanley Donen, est un hommage
au cinéma d’avant-guerre. Mais un
hommage également critique des
systèmes de production d’alors quand
les studios s’adressaient à un public
conquis d’avance et recyclaient à
l’envi les mêmes recettes.
JACKY AU ROYAUME DES FILLES
(Riad Sattouf, 2014) – VJ0386
En République démocratique et populaire Bubunne, les femmes ont le pouvoir,
commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur
foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans a le même fantasme inaccessible
que tous les célibataires de son pays : épouser la colonelle, fille de la dictatrice, et
avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky :
maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper…
LA FOLLE HISTOIRE DE L’ESPACE
(Mel Brooks, 1987) – VF5541
Dans une galaxie lointaine, la guerre des gadgets fait rage. Après avoir stupidement dilapidé l’atmosphère de leur planète, les spaceballs décident d’enlever la
jeune princesse Vespa afin de contraindre son père à ouvrir le bouclier thermique
de Druidia. Une parodie délirante et pleine de verve de « la guerre des étoiles ».
TONNERRE SOUS LES TROPIQUES
(Ben Stiller, 2008) – VT0351
Un casting d’enfer pour un voyage… au bout de l’enfer ! En tête d’affiche : Tugg
Speedman, la star du film d’action, en chute libre depuis ses trois derniers navets.
À ses côtés : Jeff Portnoy, spécialiste des comédies (très) bas de gamme… Au total,
cinq ego surdimensionnés au service du « plus grand film de guerre de tous les
temps ». Sur le papier, ça se tient, mais sur le tournage tout dérape.
99 FRANCS
(Jan Kounen, 2007) – VN0148
Octave est le maître du monde : il
exerce la profession de rédacteur
publicitaire, il décide aujourd’hui ce
que vous allez vouloir demain. Pour
lui, l’homme est un produit comme
les autres. Octave travaille pour la
plus grosse agence de pub du monde :
Ross & Withcraft, surnommée « La
Ross ». Il est couvert d’argent, de
filles et de cocaïne. Pourtant, il doute.
Deux événements vont bouleverser le
cours de la vie d’Octave.
LA VIE DE BRIAN
(Terry Gilliam, 1979) – VV3993
Sur le même principe que The holy Graal, les Monty Python se penchent sur la vie
de Brian, frère jumeau de Jésus Christ, moins populaire que ce dernier toutefois.
Se mélangent avec beaucoup de brio une réelle recherche historique (sur les
conditions de vie quotidienne par exemple) et le délire des Python. La scène de la
lapidation, digne d’anthologie, est restée dans toutes les mémoires.
TOUT LE MONDE IL EST BEAU, TOUT LE MONDE IL EST GENTIL
(Jean Yanne, 1972) – VT5551
Le président de « Radio Plus » licencie Paul Gerber. Sans emploi, celui-ci monte
une comédie musicale sur la vie de Jésus. Succès considérable. Gerber réintègre
Radio Plus avec les pleins pouvoirs. Il décide de démystifier la profession. La
liberté de ton provoque la répression. Gerber est forcé de partir… avec de belles
indemnités. Une comédie au vitriol sur le monde de la radio.
SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
PLAYLISTS
LIVRES OUVERTS
DOCUMENTAIRE
LE ROMAN SATIRIQUE, ŒUVRE DE VIGILANCE
LIVRES OUVERTS
Jean Nicolas
Françoise Vandenwouwer
FINI DE RIRE
(Olivier Malvoisin, 2012) – TQ3211 Initié en 2006 lors du lancement de
l'association Cartooning for Peace à
New York dans le sillage de l'affaire des
caricatures de Mahomet, "Fini de rire"
explore cette question à travers ceux
qui en tant qu'artistes et journalistes
sont à l'avant-garde d'un combat au
cœur des enjeux politiques et sociétaux
du 21ème siècle : les dessinateurs de
presse. "Fini de rire" utilise le dessin de
presse comme on ouvre un livre d'histoire : pour comprendre les enjeux,
prendre de la distance, analyser et
construire sa propre opinion.
DANS LA PEAU DE JACQUES
CHIRAC
(Michel Royer & Karl Zero, 2006)
TH2151 Autobiographie non autorisée qui
retrace la carrière de l’homme politique depuis son entrée au gouvernement Pompidou en 1967 jusqu’en
2006. Il s’agit pour le chef de l’état,
dont la voix est imitée par Didier
Gustin, d’établir le bilan de ses années
de pouvoir à un an des élections
présidentielles et législatives de 2007.
CAPITALISM, A LOVE STORY
(Michael Moore, 2009) – TL1431 Quel prix l’Amérique paie-t-elle son
amour du capitalisme ? Il y a quelques
années, cette « love story » paraissait
bien innocente. Aujourd’hui pourtant, le rêve américain s’est mué en
cauchemar et ce sont les familles qui
en paient le prix avec leurs emplois,
leurs foyers, leurs économies.
18
Si la satire se manifeste de manière plus évidente et virulente par
le dessin caricatural, la littérature en pratique depuis longtemps
un art nuancé d’ironie, d’absurde ou de burlesque. Les écrivains
fustigent et démontent inlassablement les fonctionnements et
dysfonctionnements, travers, excès des hommes, de leurs sociétés et
de l’édification de leurs cultures. La satire sociale tient sa place sur
les scènes littéraires de tous les continents, de toutes les époques,
censurée ou pas selon les régimes sous lesquels elle s’écrit.
FIN DE CONCESSION
(Pierre Carles, 2010) – TQ3201 Sous l’identité d’un improbable
journaliste uruguayen, Pierre Carles
alias Carlos Pedro, mène une enquête
sur la privatisation de la première
chaîne télévisée française : Pourquoi
la concession de TF1 au groupe
Bouygues est-elle renouvelée automatiquement depuis 1987 ? Pierre
Carles tire les leçons de ses années
de combat contre les moulins à vent
médiatiques, et s’interroge sur la stratégie à adopter pour porter des coups
à un pouvoir qui a appris à esquiver.
THE CORPORATION
(Mark Achbar, 2003) – TL2501 En deux heures et demie, The corporation soulève de très nombreuses
questions, essentielles, rares et
passionnantes, sur l’entreprise.
Si elle a, légalement, les mêmes
droits qu’un individu, pourquoi
se conduit-elle de façon si peu
humaine ? Ce documentaire montre
que le comportement de l’entreprise
correspond en tous points à celui
d’un psychopathe : Égoïste, menteur,
se moquant totalement du bien-être
et du respect d’autrui.
LE FILS DU DIEU DE L’ORAGE
Arto Paasilinna – 1984
« Vous autres, fonctionnaires êtes vraiment des gens incroyablement têtus,
soupira Rutja. Mais que vous le croyiez ou non, je suis le fils du dieu de l’Orage. »
Un jeune dieu est envoyé sur terre afin de détourner les Finnois du christianisme
et de les ramener vers leurs dieux véritables. Il est chargé en outre d’observer
le mode de vie des Finnois. Il s’incarne dans le corps d’un modeste antiquaire
avec lequel il a conclu un pacte, celui-ci se retirant momentanément de ses
affaires qu’il laisse aux mains du fils du dieu de l’Orage… Auteur prolifique, Arto
Paasilinna ne se lasse pas d’observer d’un œil goguenard ses compatriotes et d’en
broder des aventures.
MAÎTRES ANCIENS – COMÉDIE
Thomas Bernhard – 1985
Virulente critique du monde de l’art, celui des musées et celui de la
culture d’État, par laquelle Thomas Bernhard s’attaque à tout ce qui participe
d’une société dite démocratique et cultivée. Le discours captive, perturbe et
maintient le lecteur sur le fil d’un réel bâti comme un château de cartes que le
souffle du rire peut (doit !) réduire à néant. « Vous avez la force de transformer
le monde en caricature, la plus grande force de l’esprit, a-t-il dit, qu’il faut pour
cela, cette seule force de survie, a-t-il dit… »
LE MAÎTRE ET MARGUERITE
Mikhaïl Boulgakov – 1967
Chef-d’œuvre de la littérature, censuré et publié plus de vingt ans après la mort
de son auteur, le roman s’inscrit dans la tradition des récits fantastiques russes,
doublé du caractère satirique des écrits de Boulgakov. Le diable, agent perturbateur
par excellence, incarné en la personne d’un étrange professeur expert en magie
noire, s’installe temporairement à Moscou. Il déclenche une cascade d’événements
surnaturels ou fantastiques qui viennent perturber le fonctionnement de la société
moscovite. Délation, corruption, internements, hystérie collective… Boulgakov
s’empare du mythe de Faust et démonte les mécanismes d’organisation d’une
société totalitaire et les travers des hommes qui la constituent.
LE BERCEAU DU CHAT
Kurt Vonnegut – 1963
Un journaliste « réunissant la matière d’un livre ayant trait à la bombe atomique… »
se retrouve pour les besoins de l’enquête sur une île des Caraïbes, aux mains de
businessmen et sous l’emprise d’une religion clandestine « afin de donner plus de
piment et de piquant à la vie religieuse du peuple ». Politique, histoire, religion,
sciences, tourisme, la société occidentale est passée au crible de la plume satirique de
Vonnegut. « Si j’étais plus jeune, j’écrirais une histoire de la bêtise humaine… »
L’IDÉE DE SPECK
Mavis Gallant - 1980
Un directeur de galerie parisien veut offrir à l’Occident le peintre qui assurerait
le renouveau artistique attendu désespérément par le monde de l’art. Il décide
de remettre sur la scène un obscur peintre français décédé en réalisant une
grande exposition de son œuvre. Mavis Gallant plante son personnage dans
une bourgeoisie parisienne en pleine confusion entre les courants des divers
mouvements politiques, idéologiques et spirituels, et se joue pour le plus grand
plaisir du lecteur des uns comme des autres.
CHANGEMENT DE DÉCOR
UN TOUT PETIT MONDE
JEU DE SOCIÉTÉ
David Lodge – 1975, 1984, 1988
« Rummidge et Euphoria sont des lieux sur la carte d’un monde burlesque
peuplé d’êtres imaginaires, un monde qui ressemble à celui dans lequel nous
nous trouvons, mais qui ne correspond pas toutefois rigoureusement à lui. »
Dans ces trois romans, David Lodge décortique d’une plume ironique et corrosive les travers de la société anglaise, des différentes sphères politiques, sociales,
intellectuelles et spirituelles qui composent ce tout petit monde.
SATIRE ET CARICATURE
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juil. / août / sept. 2015
REVUE DU WEB
LE GORAFI
NORDPRESSE
BAKCHICH
POISCAILLE
ZELIUM
Anagramme et contrepartie satirique
du journal « Le Figaro », le Gorafi est
certainement un des sites satiriques
les plus sérieux et les plus réputés du
monde francophone. Son slogan est
en soi tout un programme : Depuis
1826, toute l’information de sources
contradictoires. Tous les articles sont
faux, mais leur rédaction si proche
de la presse traditionnelle qu’il est
arrivé que cette même presse se fasse
piéger par le Gorafi. Créant des polémiques et des commentaires acerbes
sur la crédulité des gens et le manque
de professionnalisme des journalistes. En un mot, tout est faux, mais
tellement vrai.
Comme le Gorafi, Nordpresse joue le
miroir satirique du journal Sudinfo
qu’il pastiche sans retenue pour
nous livrer des informations basées
sur de la vraie actualité, mais que
l’on détourne pour nous en offrir
une lecture complètement délirante.
Nordpresse se présente comme un
journal de l’info insolite, de l’actualité insolite… C’est sans doute pour
mieux tromper le lecteur ! La seule
chose qui soit insolite, c’est de voir
comment par de la fausse information
on peut nous en dire autant sur la
folie de notre monde.
Revue satiriste et caricaturiste française, Bakchich souligne sa philosophie et sa ligne éditoriale par cette
simple phrase : Satire juste. Moins
délirant que le Gorafi et Nordpresse,
Bakchich se veut plus sérieux et
investigateur. La part que Bakchich
accorde à l’esprit satirique consiste
plutôt à nous faire sourire et à nous
rappeler que décidément ce monde
n’est pas toujours très beau, mais
qu’il faut tout de même sourire un
peu. Plutôt que de se lancer dans
le registre des faux articles purs et
durs, Bakchich préfère tirer juste et
précisément sur la part d’ombre de
notre société.
Le Poiscaille est un journal satirique
indépendant et totalement liégeois de
20 pages, animé par une trentaine de
bénévoles formés aux techniques du
journalisme et de la caricature (ULg,
Saint-Luc…). Tous les deux mois, la
rédaction publie des articles sur la
politique liégeoise et la société civile
ainsi qu’une foule de caricatures.
Plus on est de fous, plus on rit !
Zélium, c’est une centaine de
bénévoles, dessinateurs, journalistes et chroniqueurs, c’est 3 ans
de publications, de festivals et de
rencontres. Malgré la crise de la
presse et la prédominance du modèle
numérique, Zélium fait le pari d’une
publication satirique imprimée,
indépendante et subversive, sans
publicité ni actionnaires. Son credo,
c’est la rigolade séditieuse, la marrade
subversive, c’est la plume explosive et
le crayon en pétard.
https://www.bakchich.info/
http://lepoiscaille.be/
http://www.legorafi.fr/
http://nordpresse.be/
Ayant pour seuls crocs l’humour,
l’autodérision et l’impertinence dont
manquent cruellement les mastodontes médiatiques, Le Poiscaille est
un empêcheur de penser en rond
et rebat constamment les cartes des
vérités absolues.
http://www.zelium.info/
CARICATURES
&CARICATURE
Cet espace rédactionnel a été fondé
en janvier 2007 par Guillaume Doizy.
Depuis les années 1990, la caricature
suscitait un nouvel intérêt dans les
milieux universitaires et enseignant.
Mais en 2007, il manquait encore
un site dynamique se donnant pour
objectif de réunir les contributions
éparses et surtout de tenir à jour
le calendrier des actualités de la
recherche sur la caricature.
En proposant des articles en ligne,
des analyses de fond, en annonçant
les colloques, en relayant les appels à
contribution, les expositions ou même
les petites annonces de collectionneurs, en publiant des comptes rendus
d'ouvrages ou des billets d'humeur,
le site permet à tous de connaître
cette actualité de la recherche sur la
caricature, de s'intéresser aux grandes
questions qui traversent le petit milieu
porté à s'intéresser à cette histoire de
la satire visuelle.
http://www.caricaturesetcaricature.
com/
CENTRE
D’ACTION
LAÏQUE
Le Centre d’action laïque (CAL) est
une association sans but lucratif qui
assure la défense et la promotion de la
laïcité en Belgique francophone. Au
travers de ses différentes implantations régionales et locales, la laïcité
s’implique dans la vie de la cité. Elle
réfléchit, débat et agit sur tous les
aspects de notre vie en société : égalité
homme femme, enseignement, début
et fin de vie, interculturalité, enfermement, assuétudes, libertés…
La régionale de Charleroi du Centre
d’action laïque s’est vue confier il y
a deux ans l’abondante collection
privée de Pierre Duculot constituée
d’exemplaires du magazine Charlie
Hebdo. Depuis lors et de façon plus
intensive suite à l’attentat de Paris le
7 janvier 2015, le CAL met ces exemplaires à disposition des associations
afin de faire vivre la culture du débat,
le questionnement sur la liberté
d’expression et la caricature ainsi que
la défense de l’irrévérence qui sont
autant de garants de la libre pensée au
cœur du projet de la laïcité et de notre
société démocratique.
L’ESSENTIEL
Avant de devenir un journal en
ligne, L’Essentiel était un journal
tout court, édité depuis 1990 par la
FUNOC (organisme de formation
pour adultes ayant vu le jour en 1977
dans la région de Charleroi). Le site
www.journal-essentiel.be est né lui en
2001 et sa maquette a été entièrement
revue par Banlieues en 2011. Ce site a
un sous-titre : « L’information simple
comme bonjour ». Les informations
sont rédigées dans un français facile
et présentées en respectant les règles
de lisibilité. Il s’adresse à tous, sans
prérequis nécessaire et particulièrement à un public peu familiarisé avec
la lecture. L’essentiel développe des
cahiers thématiques pour l’éducation
permanente, dont un sur la caricature
et ses enjeux.
http://www.journal-essentiel.be/?Charlie-le-Prophete-et-la-libertehttp://www.journal-essentiel.be/
http://cal-charleroi.be/index.php/fr/
expositions/charlie-hebdo-expo
http://www.laicite.be/
Jean Nicolas
20
SATIRE ET CARICATURE
21
juil. / août / sept. 2015
L’OBJET EN QUESTION
MISTER PUNCH
Donnez un bon coup de punch
SOUS L’ANGLE ÉDUCATIF
Castelet Punch
« Les clowns à l’hôpital », un projet
reconnu et soutenu par le service santé
à votre morosité
de la Cocof ainsi que par le CHU Saint-
L’HUMOUR EN MILIEU HOSPITALIER,
UNE NÉCESSITÉ ?
Pierre, le CHU Érasme.
www.clowns-hopital.be
La marionnette Punch, de son nom
originel Punchinello, est aussi célèbre
en Angleterre que l’est Guignol en
France ou Pulcinella (Polichinelle) en
Italie. C’est un personnage tragicomique qui est à la fois grotesque,
malicieux, cynique et jaloux. En
somme, il accumule en sa joyeuse
personne tous les vices et les abus
d’un homme entièrement soumis à
ses passions ! Mais il s’inscrit dans la
droite ligne des traditions théâtrales
élisabéthaines qui mettaient en scène
les mœurs brutales de son époque
(XVIe siècle) qui était tout entière
dominée par la violence des guerres et
des ambitions dynastiques.
Il aurait été joué pour la première
fois à Londres en 1662 par Pietro
Gimonde, montreur de marionnettes
à fils. Mais ce n’est qu’au 18ème
qu’il s’impose vraiment. D’abord
comme personnage secondaire dans
des pièces de théâtre pour marionnettes à fils, ensuite sous la forme de
marionnette à gaine dans des castelets
ambulants qui ont parcouru les rues
anglaises tout au long du 19ème
siècle. Et c’est là qu’il va prendre la
forme, le caractère et la réputation
définitifs qu’on lui connaît depuis ce
jour. Il passionne les foules au point
de devenir un phénomène national,
tant et si bien que chaque année, lors
de la May Fair (foire de mai), il est
mis à l’honneur et on fête son anniversaire le 9 mai au London’s Covent
22
Garden qui n’est autre que son lieu de
naissance officiel.
D’apparence caricaturale avec
son corps difforme, son masque
outrancier et son gros nez tordu,
Punch est l’exemple typique de la
marionnette contestataire qui attaque
à coup de gourdin tout ce qui lui fait
obstacle. C’est ainsi qu’il transpose les
moralités défaillantes des hommes en
parodiant cette cruauté humaine qui,
semble-t-il, ne connaît aucune limite.
Le personnage traditionnel, qui n’est
pas celui que l’on joue habituellement
devant les enfants, est si expéditif que
dans la pièce Punch & Judy, il n’hésite
pas à tuer son enfant, sa femme, le
policier et tous ceux qui se présentent
à lui, jusqu’au diable lui-même !
Bastonnade incessante qui le mène
toutefois, et selon les versions, à
trouver son chemin de rédemption.
Mister Punch est une marionnette
qui, comme tant d’autres, est capable
de nous émerveiller et de nous faire
rire, même quand il nous conte les
histoires les plus sombres. À la seule
condition que nous n’ayons pas perdu
cette souplesse de l’esprit qui consiste
à vivre l’impensable avec l’imaginaire
d’un enfant. Une forme d’esprit satirique qui ne peut s’endormir avec une
histoire horrible en tête sans chercher
à lui redonner une autre fin.
Jean Nicolas
Mister Punch
Bibliographie sélective :
- Moussa Nabati, L’Humour-thérapie.
Paris, Le Livre de poche, 2010.
- Henri Rubinstein, Psychosomatique
du rire. Paris, Robert Lafont, 2003.
- Caroline Simonds et Bernie
Warren, Le Rire médecin : journal du
docteur Girafe. Paris, Pocket, 2004.
- Adams Patch, Docteur Patch
Adams : quand l’humour se fait
médecin. Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, 2000.
L'humour (et plus particulièrement encore le rire, l'une de ses résultantes)
occupe une place d'importance dans notre quotidien. Il structure tout un pan
de notre vie sociale et se présente comme un contrepoint bienvenu à nos tracas
de tous les jours.
Dès lors, associer le rire aux notions de soins, de thérapies (physiques ou psychologiques) ne semble pas si absurde. Car outre ses effets bénéfiques sur notre
psychisme, ses conséquences physiologiques sont observables : il favorise le
sommeil, stimule la digestion, renforce le système immunitaire, diminue le stress…
Bref, le rire apporte, grâce à son rôle dédramatisant et empathique, un surcroît
d’efficacité aux soins prodigués et s’avère dès lors un vecteur utile, voire même
un complément essentiel, aux thérapies médicales traditionnelles.
Michaël Avenia — Service éducatif
La présence de clowns auprès d’enfants malades, en difficulté familiale ou
psychologique, va d’abord susciter la surprise, l’étonnement, puis parfois le
rire… lorsqu’il daigne pointer le bout de son nez !
Les clowns à l’hôpital, 2015 - © Yves Herman
Les artistes concernés savent que le rire ne se commande pas, ils opèrent de
manière nuancée, dans le respect de l’autre, sans acharnement zygomatique…
S’ils osent l’humour dans des situations aussi sérieuses, c’est parce qu’ils sont
persuadés que le rire agit tel un tranquillisant sans effets secondaires, comme
une véritable détente pour le corps et pour l’esprit. Un argument qui a été
attesté dans un récent colloque « Rire pour ma santé » : Au-delà des bienfaits
pour la santé mentale et physique, l’humour crée du lien social. Il agit comme
ciment dans la relation, en famille, au sein du couple, entre amis, au travail. Le
rire, par son authenticité, sa complicité et sa spontanéité, restaure le contact et
participe à l’inclusion sociale.
Partager l’humour et le rire à l’hôpital, c’est donc, pour ces artistes, prendre
conscience qu’ils sont déclencheurs de joie et d’enthousiasme ; les cultiver et
les diffuser autour d’eux devient une mission à la fois culturelle et humanitaire.
N’est-ce pas une priorité dans une société en quête de sens ?
Catherine Vanandruel — comédienne-clown intervenante en pédiatrie
SATIRE ET CARICATURE
23
juil. / août / sept. 2015
PENSE-BÊTE
programme de la thématique Satire et caricature
EXPOSITIONS
EXPOSITIONS
LECTURE PUBLIQUE
COLLOQUE
BATIA MOÛRT SOÛ
TRAITS D’HUMOUR
ROMANS À CARACTÈRE SATIRIQUE
LA DÉMOCRATIE DU RIRE
À l’occasion des 20 ans de publications du Batia Moûrt Soû (1995-2015), une
trentaine d’artistes répondent à l’appel lancé par Achille Chavée : « Qu’allons-nous devenir avec la culture obligatoire ? » (Au demeurant, Le Daily-Bul,
1969) L’exposition est un parcours à travers les couvertures historiques, tracts,
affiches, dessins originaux… du périodique satirique depuis sa création, avec
un focus sur le Cabaret des âmes, rubrique de Fanchon Daemers qui revisite
l’histoire des anarchistes, de Liège à Mons, en passant par La Louvière.
L iège – 08/08/15 au 27/08/15.
Une exposition de caricatures éducative et itinérante
Une analyse drôle et (im)pertinente sur le récit médiatique des attentats de
janvier 2015.
Depuis lors, lutter pour la liberté d’expression et le respect du débat démocratique s’impose plus que jamais. Comprendre, analyser les médias et décoder
leur rôle, constitue un objectif éducatif essentiel pour ne pas tomber dans le
piège de l’amalgame et de la stigmatisation. En collaboration avec 3 dessinateurs de talent — Yakana, Titom et MickoMix —, le GSARA a imaginé une
exposition pédagogique pour nous faire rire et réfléchir sur le traitement médiatique de ces questions aussi sensibles que cruciales.
Toutes les infos sur www.gsara.tv/caricatures. Une initiative du GSARA avec le
soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles.
CHARLIE HEBDO
La régionale de Charleroi du Centre d’Action Laïque s’est vu confier il y a deux ans
l’abondante collection privée de Pierre Duculot constituée d’exemplaires du magazine Charlie Hebdo. Depuis lors et de façon plus intensive suite à l’attentat de Paris
le 7 janvier 2015, nous mettons ces exemplaires à disposition des associations afin
de faire vivre la culture du débat, le questionnement sur la liberté d’expression et la
caricature ainsi que la défense de l’irrévérence qui sont autant de garants de la libre
pensée au cœur du projet de la laïcité et de notre société démocratique.
N amur
C harleroi
« NOIRS DESSINS DU COMMUNISME »
– 01/07/15 au 29/07/15. (L’exposition de Charleroi
sera accompagnée d’une seconde exposition hommage du « Batia Moûrt Soû »,
journal satirique belge qui a collaboré avec Charlie Hebdo)
N amur
– 04/08/15 au 27/08/15.
POISCAILLE, JOURNAL SATIRIQUE
Idépendant et totalement liégeois, Le Poiscaille (20 pages) est un bimestriel animé
par une trentaine de bénévoles. Un but : proposer aux Liégeois une information
alternative, décalée, référencée, ludique. Retrouvez pendant trois mois, à travers la
Wallonie, les meilleures réalisations de son équipe de dessinateurs et caricaturistes !
L iège
– 01/07/15 au 29/07/15.
C harleroi
N amur
– 01/07/15 au 29/07/15.
L ouvain -L a -N euve
C harleroi
– 04/08/15 au 29/08/15.
– 01/09/15 au 29/09/15.
Le Parti communiste de Belgique (PCB) attaque le trône, l’Église, les États-Unis,
le militarisme, la droite, le patronat et les socialistes, mais jamais les dirigeants
syndicaux. Le dessin politique, de son côté, revêt parfois un aspect lyrique, voire
tragique, quand il exprime par son esthétique, la solidarité avec les opprimés.
La presse communiste, au sens large, n’a pas recouru systématiquement à
l’illustration graphique. Mais par le biais de rencontres très riches entre artistes
et communisme, la création de ces dessins politiques constitue tout un regard
sur l’histoire politique et sociale du XXe siècle en Belgique, sur les enjeux
internationaux, l’élan de solidarité avec les peuples opprimés et les victimes du
fascisme. Une richesse rétrospective.
Exposition ULB culture, CarCoB, CHSG, IHOES, FLL, INEM, Mundaneum
B ruxelles
Lecteur infatigable, animateur hors pair, instituteur, formateur, bibliothécaire-directeur, Jean-Claude Tréfois (45 ans de découvertes littéraires) lit
quelques extraits bien choisis de romans à caractère satirique, comique ou
cruel, avant d’animer le débat avec les personnes présentes. René Goscinny,
Jacqueline Harpman, Arthur Masson, Amélie Nothomb, Dino Buzzati, Daniel
Adam, tous trouveront écho dans les lectures de Jean-Claude Tréfois et dans les
réactions du public dont l’imagination et l’intelligence nous emmènent souvent
hors des sentiers battus de la critique littéraire.
Une réflexion sur le jeu démocratique de l'esprit satirique
et de la caricature
Durée de la lecture publique : 1h30.
Peut-on réduire l’humour à une fonction sociale dont le but essentiel, pour ne
pas dire unique, est de nous distraire de nos mauvaises humeurs ou de nos fatigues temporaires ? Peut-on s’imaginer que les seules distinctions humoristiques
de la satire ou de la caricature sont de nature frivole, ludique ou vulgaire ?
Enfin, peut-on croire que le rire n’a pas d’utilité pour le débat public ou qu’il
n’est pas assez intelligent pour posséder une dimension réformatrice pour tous
ceux qui veulent vivre la vie et non plus la survivre dans le doute, les contradictions et les crispations d’un monde en crise ?
L iège
Conférenciers :
– Date à confirmer
C harleroi – 15/09/15
Ismaël Saïdi, comédien, réalisateur et scénariste. Auteur de la pièce Djihad.
Nelly Quemener, sociologue Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3.
Frédéric Moens, Directeur des études à l’IHECS, Sociologue et anthropologue à l’UCL.
Anne Morelli, Directrice du centre interdisciplinaire d’étude des religions
et de la laïcité ULB.
Philippe Marion, Professeur à l’UCL, spécialiste de la caricature et de la
bande dessinée.
B ruxelles
– 18/09/15
– 11/08/15 au 12/09/15.
– 04/08/15 au 27/08/15.
– 01/09/15 au 29/09/15.
24
SATIRE ET CARICATURE
25
juil. / août / sept. 2015
1) B /2 ) B / 3) D / 4) C / 5) A et D / 6) 1-B, 2-A, 3-C, 4-D / 7) A 8) A, B et C / 9) B / 10) D / 11) C / 12) A, B et D / 13) A-2, B-4, C-1, D-3 /14) D /15) B-D-A-C-E
QUIZ’ IN
/Illustrations © D.R.
Marie-Sophie du Montant
6/ QUI EST QUI ?
1 Max Linder / 2 Harold Lloyd /
3
Oliver Hardy /
4
Buster Keaton
9/ QUI A ÉCRIT : « IL FAUT RIRE DE TOUT. C'EST EXTRÊMEMENT IMPOR
TANT. C'EST LA SEULE HUMAINE FAÇON DE FRISER LA LUCIDITÉ SANS
TOMBER DEDANS. »
A
Pierre Dac /
B
Pierre Desproges /
C
Coluche /
D
Winston Churchill
12/ QUELLE EST LA PARTICULARITÉ
DU BALLET COMIQUE DE LA REINE ?
A
1/ LAQUELLE DE CES ŒUVRES
N’APPARTIENT PAS AU REGISTRE DE
LA SATIRE ?
3/ QU’EST-CE QUI NE CONSTITUE
PAS UN EFFET COMIQUE SELON
HENRI BERGSON ?
B
C
L'œuvre est considérée comme le
premier ballet de l'histoire (1581)
D
A
7/ DANS LES DENTS DE LA MER, LA RÉPLIQUE DU
REQUIN-TUEUR SE PRÉNOMME BRUCE, SURNOM
DONNÉ PAR STEVEN SPIELBERG EN RÉFÉRENCE À :
A
Pantagruel de François Rabelais
A
Le diable à ressort
A
Bruce Ramer, son avocat
B
La Franciade de Pierre de Ronsard
B
Le pantin à ficelles
B
Bruce Lee, à cause du film Le Jeu de la mort
C
Don Quichotte de Cervantès
C
L'effet boule de neige
C
Amy Irving, surnom de sa première femme
D
L'aversion
D
Bruce Springsteen, à cause de la chanson « No Surrender »
C’est une création du maître à
danser Balthasar de Beaujoyeulx
B
4/ QU’EST-CE QU’UN CAMÉO ?
A
Une sorte de petit chameau
B
Un caramel espagnol
L'apparition fugace d'une personnalité, dans un récit
8/ MONTY PYTHON : LA VIE DE BRIAN DE TERRY JONES (1979) EST
FRAPPÉ DE CENSURE. MAIS OÙ ET QUAND ?
Dans Les Aventuriers de l'arche
perdue : C3PO et R2D2 sont représentés dans un hiéroglyphe
A
C
Jupiter est joué par François 1er
Les victimes de Circé, transformées
en bêtes, sont interprétées par les
membres de la Cour
D
10/ JEAN YANNE EST AUSSI PRODUCTEUR, SAUF D’UN DE CES FILMS :
Les Voyages de Gulliver de Jonathan
Swift
D
14/ BEAUCOUP DE BOURDES AU
CINÉMA, MAIS CI-DESSOUS UNE
SEULE EST FAUSSE :
A
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
B
Moi y'en a vouloir des sous
A
En Norvège pendant quelques mois
C
Touche pas à la femme blanche
B
En Irlande jusqu'en 1987
D
Êtes-vous fiancée à un marin grec ou à un pilote de ligne ?
C
En Italie jusqu'en 1990
D
En Angleterre jusqu’au décès de la Reine Elisabeth II
Dans Les Sous-doués passent le
Bac : la machine à apprendre dit
« L'ONU a été fondé en 1942 »
B
Dans Star Wars, épisode IV : un
« stormtrooper » se cogne la tête à
une porte
C
Dans Gladiator : on voit une
bonbonne de gaz à l’arrière du char
D
C
D
2/ COMMENT A ÉTÉ ACCUEILLI LE
ROMAN D'ALPHONSE DAUDET
TARTARIN DE TARASCON (1872) ?
Par les hourras des chasseurs de
casquettes
A
Une broche en pierre
5/ QUELLE EST LA PARTICULARITÉ
DU JOURNAL HUMORISTIQUE
"LA BOUGIE DU SAPEUR" CRÉÉ
EN 1980 ?
Les solutions des mots croisés ne
sont données que tous 1 460 jours
A
À coups de pierres et d'insultes par
les tarasconnais
B
Par des coups de fusil des chasseurs
de lion
C
Les Provençaux refusèrent de lui
servir le pastis
D
26
13/ QUI JOUE DANS CHACUNE
DE CES SÉRIES COMIQUES ?
B
11/ QUELLE EST LA PARTICULARITÉ DU BALLET SWAN LAKE MISE EN
SCÈNE PAR MATTHEW BOURNE EN 1995 ?
A
Le Prince de Bel Air
B
Big Bang theory
C
The Office (version anglaise)
D
How I Met Your Mother
15/ CLASSEZ CES ÉMISSIONS
HUMORISTIQUES PAR ORDRE
D’ARRIVÉE AU PETIT ÉCRAN :
A
Les Snuls
A
Il a remporté un Tony Award
1- Ricky Gervais
B
Le Muppet Show
B
Les costumes sont de Donald Cardwell
2- Alfonso Ribeiro
C
Les Carnets de Monsieur Manatane
C
Les cygnes sont dansés par des hommes
3- Alyson Lee Hannigan
D
Merci Bernard
D
Les décors sont de Roger Harth
4- Jim Parsons
E
Groland
Il est écrit en vieux françois
Il propose des abonnements de
50 ans
C
D
Il ne paraît que le 29 février
SATIRE ET CARICATURE
27
juil. / août / sept. 2015
PORTFOLIO
Maison Culturelle d’Ath
Le Palace - Rue de Brantignies, 4
7800 Ath
Sortilège, Rue et Vous ! - Célestroï - © N&B Photographe
068 26 99 99 - [email protected]
www.maisonculturelledath.be
Sortilège, Rue et Vous ! - Les passeurs de rêves © Hismans Geoffrey
Sortilège, Rue et Vous ! - The Cirque - © Michel Verpoorten
MAISON
CULTURELLE
D’ATH
Depuis sa création en 1979, la Maison
Culturelle d’Ath développe son action
dans une perspective d’éducation
permanente centrée sur la participation citoyenne. Elle offre aussi une
palette très large d’activités destinées
à des publics variés (scolaire, jeunes,
villageois, précarisés, associations,…).
Avec l’ouverture du Palace, une des
plus belles salles de spectacle de la
FWB, avec la reprise de l’exploitation
du cinéma L’Écran, la MCA propose
une programmation de qualité et diversifiée, suscitant tantôt plaisir et divertissement, tantôt réflexion et esprit
critique : théâtre, concerts, conférences,
28
expositions, cinéma mais aussi des
ateliers, des stages, des animations…
Une programmation complétée par
le festival "Sortilèges, Rue et Vous !",
festival pluridisciplinaire de rue.
Toujours en visant la participation
active, ses projets contribuent au
développement régional, associatif et
visent à sensibiliser la population à
diverses problématiques actuelles et
futures dont les enjeux de son territoire : le bassin de vie du Pays vert.
29
juil. / août / sept. 2015
PORTFOLIO
01
01 - Projet animation - Un quartier plus que parfait © Michel Verpoorten
02 - Projet animation - Jeunes et visionnaires - © Henri Vincent
03 - Spectacle Promenade Les petits maux de la grande guerre
© Mathieu Demuldre
04 - Analyse partagée - Territoires sans cible - © MCA
05 - Régional - Lueurs nocturnes - © MCA
06 - Régional - Lueurs nocturnes - © MCA
02
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04
05
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06
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juil. / août / sept. 2015
PORTFOLIO
04
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01 - Ruée vers l’art - Circulateurs - © Hismans Geoffrey
02 - Ruée vers l’art - © MCA
03 - Ruée vers l’art - © MCA
04 - Analyse partagée - Territoires sans cible - © MCA
05 - Analyse partagée - Territoires sans cible - © MCA
06 - Régional - Le legs d’Eva - © MCA
07 - Régional - Le legs d’Eva - © MCA
01
07
05
02
03
32
33
juil. / août / sept. 2015
PORTFOLIO
Analyse partagée - Territoires sans cible - © MCA
34
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juil. / août / sept. 2015
PORTFOLIO
01
02
01 - Analyse partagée - G100 - Miroirs - © MCA
02 - Soirée Banksy au Cinéma l’écran - © Michel Verpoorten
03 - Soirée Banksy au Cinéma l’écran - © Michel Verpoorten
04 - Spectacle 2014-2015 - Le jour où ma mère a rencontré John Wayne - © simonwiffels
05 - Spectacle 2014-2015 - Alice
05
04
03
36
37
juil. / août / sept. 2015
CE QUI VIENT…
Écoute/Conférence
SEMAINE DU SON
Le vendredi 18/09
Bruxelles
Festival
Exposition
RÉSINE ET COULEUR, UNE
EXPLORATION DU PLI
Du Mer. 24/06 au Jeu. 30/07
Louvain-la-Neuve
Showcase
KIDZIK
ANTOINE LOYER
Le samedi 29/08
Louvain-la-Neuve
Le samedi 26/09 à 15h
Namur
apéro rock
THE BEATLES:
THE WHITE ALBUM
Le samedi 12/09 à 11h
Namur
Chaque mois quelques dizaines de rendez-vous (expositions,
conférences, ateliers, débats, etc.) sont programmés dans le réseau de
nos PointCulture. À côté de propositions ponctuelles, de one shots,
la plupart des PointCulture proposent aussi des cycles (consacrés
au cinéma, à la musique, à la littérature, au vivre ensemble, etc.)
dont
rencontre
et
partage
sont
les
maîtres-mots.
Retrouvez toutes les infos sur notre application Nam Pointculture.
Laurent Rieppi, né en 1980, est journaliste rock, conférencier et
responsable de rubriques sur la radio de référence rock Classic 21 (RTBF).
PointCulture Namur
THE BEATLES : THE
WHITE ALBUM (1968)
PAR LAURENT RIEPPI
PointCulture Louvain-la-Neuve
JEANNE DUPLICY ET AURÉLIE DELIMOY
RÉSINE ET COULEUR, UNE EXPLORATION
DU PLI
PointCulture Bruxelles
PointCulture Namur
EXPOSITION
ANTOINE LOYER
Si l’une explore le camaïeu de gris et la beauté du grain qu’offre la technique de
l’aquatinte, l’autre s’aventure – avec une délicatesse extrême – sur les chemins
offerts par les crayons de couleur.
Les lecteurs mp3, le cloud, les services
d’écoute en streaming ont fait que
l’écoute de la musique constitue
de plus en plus aujourd’hui une
expérience solitaire. Si auparavant,
on pouvait se réunir autour d’un bon
vieux 33 tours ou même d’un CD
et échanger nos avis entre amis, cet
aspect « communautaire » de l’écoute
de la musique tente à disparaitre.
À la Médiathèque et aujourd’hui au
PointCulture, l’idée est de rassembler,
de partager, d’échanger notre passion
pour la musique.
Dans cet ordre d’idées, les « apéros
rock », c’est se retrouver ensemble
autour de l’écoute d’un album qui a
profondément marqué l’histoire du
rock. Après une introduction sous
forme de mini-conférence qui resitue
l’œuvre dans son contexte historique,
musical et géographique, nous reprenons le temps d’écouter l’ensemble
d’un album et d’échanger nos points
de vue et nos sentiments sur celui-ci.
Sam. 12/09 à 11h
SHOWCASE
Tout d’abord, écoutez une sélection
des 12 meilleures séquences de la
nouvelle édition du concours de
field recordings (enregistrements
de terrain) de la Semaine du son
(intéressé d’y participer? consultez
le règlement sur www.lasemaineduson.be). La soirée sera par ailleurs
l’occasion de découvrir et d’expérimenter diverses « cartographies
sonores », tandis qu’une conférence
sera donnée sur le sujet. Une soirée
pleinement placée sous l’angle des
field recordings, qui sera pour les
plus aventureux le point de départ
d’une expédition nocturne en forêt de
Soignes, pour découvrir, à l’aurore du
samedi 19 septembre, le réveil sonore
d’une faune variée.
Du Mer. 24/06 au Jeu. 30/07
Vernissage le 04/07 à 14h
Concert et projection de films d’animation autour de la musique et de l’humour.
En deux albums, Poussée anglaise
en 2011 et Chant de recrutement
tout récemment, Antoine Loyer a
fait bouger les lignes de la chanson
française. En quelques chansons et de
façon tout à fait intimiste il déplace
et déstructure toute une identité sans
la détruire et en imposant son propre
univers. On pense au monde du folk,
prédominant avec l’instrumentation
acoustique mais transfiguré, on trouve
aussi une très forte sensibilité aux
musiques indiennes et aux ragas avec
notamment la présence de tablas, de
plus on perçoit sa curiosité pour pas
mal de traditions qui sont parfaitement assimilées et intégrées dans son
propre monde. Ce qui frappe cependant le plus ce sont les constructions
tout à fait particulières, on n’est plus
dans la simple alternance couplet/
refrain mais dans le collage et un style,
non plus narratif mais poétique.
Ven. 18/09
Sam 29/08
Sam. 26/09 à 15h
SEMAINE DU SON
ÉCOUTES / CONFÉRENCE
EXPÉDITION EN FORÊT
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LES APÉROS ROCK DE
POINTCULTURE
FESTIVAL KOSMOPOLITE ART TOUR
STREET ART
Suite au succès de l’édition de 2012, le festival de street art est de retour à
Louvain-la-Neuve.
PointCulture LLN y participe en mettant le mur extérieur de ses locaux à la disposition des artistes pour y réaliser une fresque. Venez assister à cette œuvre en gésine.
Du Ven. 31/07 au Ven. 07/08
KIDZIK
FESTIVAL DE MUSIQUE JEUNE PUBLIC
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juil. / août / sept. 2015
TRACES
Ce qui s’ est passé dans les PointCulture…
mais ne s’ arrête pas pour autant
TRICOTEZ VOUS
EUGENE CHADBOURNE À CHARLEROI
© Noël Godts
Tous les samedis, Brigitte et Pénélope proposent au PointCulture Bruxelles
un atelier tricot en deux séances, l’une en matinée, l’autre dans l’après-midi.
Ouvertes à tous les publics, ces séances « Tricotez vous » sont des moments
privilégiés pour laisser libre-cours à sa créativité débridée, sa folie tricotière
ou à sa simple envie d’en apprendre plus sur les rudiments du crochet et du
tricot. Et pendant que vous vous adonnez aux nombreuses lignes de laine, la
musique bat son plein sous forme de playlist concoctée par Brigitte. Convivial
et ludique « Tricotez vous » est un lieu de rencontres et d’échanges de vies qui
se tricotent et se détricotent d’une séance à l’autre avec sourire et décontraction.
L’ambiance y est orientée soleil et sourire, du printemps à l’hiver, avec la simple
ambition de proposer un amusement collectif accompagné de biscuits, thé ou
café en prime de goûter ou d’apéro selon la séance privilégiée.
Et puisqu’il est question de collectif, sachez que certaines réalisations se
concrétisent à plusieurs, notamment pour la journée yarn bombing du 9 mai
dernier (tricot urbain ou tricot-graffiti) durant laquelle l’atelier a organisé
un habillage d’arbres, de panneaux de signalisation, de luminaires et d’accroche-vélos réalisé en patchwork avec la collaboration des tricoteuses du
Brei Club de Linkebeek. Vous l’aurez compris, au-delà de l’acte de décorer
un bout de ville le but était aussi d’encourager une rencontre intergénérationnelle entre les tricoteuses et tricoteurs des deux clubs et de susciter des
échanges de techniques, de bons plans, de savoir-faire.
Noël Godts
© Jérôme Henry
En avril, PointCulture Charleroi
accueillait le guitariste et banjoïste
américain Eugene Chadbourne.
Assisté de Guillaume Maupin, il anima
un workshop au Vecteur dont le
résultat donna lieu à un concert public.
Huit musiciens répondirent à l'appel.
Quatre guitaristes, un banjoïste, un
bassiste, un batteur et un chanteur.
Âgés de vingt à soixante ans et venus
d'horizons différents, ils constituèrent,
en peu de temps, une formation cohérente où chacun trouva sa place !
Le sujet du workshop : le décalage
et les changements de perspectives
appliqués aux grands styles musicaux
US : country, rock, jazz, pop, soul…
On se doutait qu’Eugene ne donnerait
pas un cours très académique et
laisserait une belle part de liberté
aux stagiaires. Pour lui, il n'est pas
essentiel que tout soit parfaitement
maîtrisé. Certains morceaux ne seront
répétés qu'une fois avant le concert.
Doc Chad a également ajouté au
programme une improvisation collective durant laquelle les musiciens
pouvaient jouer en même temps ce
qui leur passait en tête et pouvaient
à tout moment lever la main pour
interrompre le jeu et reprendre de
plus belle. En trois jours de travail, le
groupe présenta au final un set live
de 45 minutes qui tenait vraiment
la route, témoignant d'un plaisir de
jouer communicatif.
Un moment improvisé eut lieu le
second jour et illustra parfaitement la
thématique « Artistes au travail ». À la
fin de la seconde journée, les stagiaires
posèrent des questions au Doc sur sa
carrière, ses musiciens préférés (dont
la contrebassiste Joëlle Léandre), et
même le sens de la vie ! Chadbourne
prit le temps de répondre, non sans
humour espiègle… Le workshop se
transforma alors en masterclass, en
transmission d'expérience de vie.
Jérôme Henry
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juil. / août / sept. 2015
VEILLE
Des nouvelles des acteurs culturels,
en Belgique, en Europe, dans le monde…
© Isabelle Françaix
Yéti – Cantine moderne : à découvrir
Rue de Bonsecours, 4 - 1000 Bruxelles.
Découvrez également Yéti 2 :
Rue du Viaduc, 133 - 1050 Ixelles. Brussels
Beer Project :
Rue Antoine Dansaert, 188 - 1000 Bruxelles.
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : ET CHEZ NOUS ?
Parmi les concepts qui fleurissent un
peu partout, dans tous les domaines
de notre culture contemporaine, il
en est un qui par sa valeur systémique concerne tant les champs de
l’économie que de l’écologie : celui
d’« économie circulaire ». Cette
expression générique est devenue un
concept central du développement
durable en s’inspirant des notions
d’économie verte, d’économie de
l’usage, d’économie de la performance
et de l’écologie industrielle. Elle est un
modèle d’économie plus respectueux
de l’environnement, attentif aux
besoins sociaux et économiquement
viables. Son objectif est de produire
des biens et services tout en limitant
fortement la consommation et le
gaspillage des matières premières et
des sources d'énergies non renouvelables, fonctionnant sur la création de
boucles de valeur positives à chaque
(ré)utilisation du produit, avant sa
destruction finale. Selon la fondation Ellen MacArthur, créée pour
promouvoir l'économie circulaire,
il s'agit d'une économie industrielle
« réparatrice ».
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Concrètement, cette économie
circulaire fait florès par chez nous.
NEXT, l’axe transversal et multisectoriel de politique industrielle
en Wallonie, se tourne résolument
vers l’économie circulaire, avec pour
objectif la compétitivité durable des
entreprises et du territoire. La priorité
est le passage de l’économie locale
linéaire « extraire-fabriquer-consommer-jeter » en une économie circulaire où les cycles des matériaux sont
exploités en boucle et rationalisés
(réduire-réutiliser-recycler). Cela
prend la forme de projets d’écozonings, par exemple, où l’on retrouve
les entreprises sensibilisées à la
gestion durable des matières. D’autres
initiatives, plus modestes, s’inscrivent
également dans cette dynamique,
ce dont témoigne le secteur de
l’alimentation et de la restauration
avec l’apparition de quelques projets
« dans l’air du temps ». À Bruxelles,
la cantine moderne « Yéti » offre
une restauration attentive à l’environnement, au contexte humain et
à sa viabilité économique. Ces choix
ne sont pas anodins : « Ils reflètent
notre connaissance approfondie de la
nutrition et le plaisir que nous avons
à les faire partager. Notre réseau
d’artisans boulangers, maraîchers ou
volaillers nous garantit une alimentation responsable et locale. Nos
fournisseurs participent à notre politique d’entreprise durable ». Il s’agit
bien de retrouver la saveur du goût,
des nutriments, des saisons et de la
vitalité tout en fuyant « les forces du
mal de l’industrie agroalimentaire ».
Évoquons également la dernière
venue du Brussels Beer Project,
une bière qui s’inscrit dans un
mouvement durable répondant aux
principes de l’économie circulaire. Ici,
ce sont les pains invendus de Delhaize
qui sont collectés par l’Atelier Groot
Eiland, séchés et mixés finement,
avant de venir accompagner la
farine d’orge malté et un mélange de
houblons Crystal et Chinook, pour
donner naissance à cette bière, dont
le nom rappelle la terre de naissance
des toutes premières bières fermentées à base de pain. Par-delà un esprit
branché et le succès des initiatives
bio-alternatives, espérons que ces
projets démontrent dans le temps
la viabilité du souci « responsable »,
au-delà d’une seule économie à la
mode. À suivre.
© Jean-François Berhin
UN PANIER CULTUREL SUR LE
MODÈLE… DU PANIER BIO
Venu du nord de la France, le panier
culturel Kilti est arrivé à Bruxelles.
Inspiré des AMAP (Associations
pour le maintien d'une agriculture
paysanne) avec leurs fruits et légumes
bio, le panier culturel consiste en un
sac sérigraphié contenant des accès à
différentes manifestations culturelles :
expositions, concerts, spectacles,
etc. Présenté comme une initiative
pour consommer « culture » au local
(parmi les partenaires bruxellois,
mentionnons, notamment, l'Atelier 210, Bozar, la Jazz Station, le
Kunstenfestivaldesarts ou encore les
Halles de Schaerbeek), il peut être
acheté ponctuellement (un nouveau
panier est proposé tous les deux
mois), ou sous la forme de l’abonnement annuel. Pratique pour les
uns, il pose question pour les autres :
consomme-t-on la culture comme
un panier bio ? L’initiative risque de
souffrir de son image très littérale
d’industrie culturelle façon bobo.
ARSONIC : UNE MAISON D’ÉCOUTE
AU CŒUR DE MONS
Parmi les nouveaux lieux culturels qui ont bénéficié du contexte de Mons 2015
pour éclore, mentionnons Arsonic, une « Maison de l’Écoute » conçue comme
un havre de paix dans la frénésie du quotidien. C’est l’ancienne caserne des
pompiers de la rue de Nimy qui a été réaffectée par un duo d’architectes et un
acousticien, sur base du projet imaginé par le compositeur Jean-Paul Dessy.
Une salle pourra accueillir des concerts de 250 places, une régie est conçue
pour l’enregistrement, un Passage des Rumeurs accueillera des expositions,
une Chapelle du Silence se voit dédiée à l’écoute et est accessible au quotidien,
tandis qu’une Salle d’Émerveillement sonore se destine aux enfants. Un lieu
pour tous, à expérimenter.
Sébastien Biset
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juil. / août / sept. 2015
ENTRÉE DE SERVICE
JOINDRE LE GESTE À L’ÉCOUTE
Rencontre
> http://www.angstrom-mastering.com/
Frédéric A lstadt
mastering Å ngström
avec
au studio de
Creusé dans une cour, en pleine ville mais loin de la rue, l’endroit peut recevoir du monde comme s’en préserver. Le silence — ou ce qui en tient lieu — y
est acquis : des murs en guise de filtre et d’écran, un ajournement contrôlé
des tumultes urbains. Si telles sont les conditions nécessaires à l’analyse et au
traitement du son, ce n’est pas encore là l’unique raison d’être d’Ǻngström.
Ǻngström ? Entendez bien minuscule. Frédéric Alstadt, cofondateur et
principal pilote du projet (label + studio de mastering) avec Nicolas Esterle,
revendique un certain goût pour l’ironie. Selon un ordre de grandeur qui lui
est personnel, l’infime féconde des réalités nombreuses. Voyez ce studio, dès
que le travail cesse, il se mue un appartement. Complice, le décor ne change
pas. Les murs de la pièce centrale – le studio proprement dit — sont parés de
modules quadrangulaires en bois ou en tissu. Il n’empêche on respire, pour
cela des fenêtres sur les côtés et au plafond laissent entrer ce qu’il faut de
jour. Un appareillage technique à la fois vintage et dernier cri, une table basse
et un jeu de fauteuils en cuir composent un salon aux qualités acoustiques
d’un studio. Ne faut-il pas, pour accueillir la sensation et lui ménager la place
qu’elle mérite, toute la quiétude permise ? Certes, seulement il ne s’agit pas
de cela. Ce serait presque le contraire : Ǻngström ne s’identifie pas à un quelconque idéal de confort ou d’épuration acoustique, c’est un milieu hybride,
habité… Pas question que la technologie domine comme dans ces endroits
où il ne fait pas bon vivre, ces endroits où l’on ne se sent pas penser ni même,
justement, sentir. Ouvert et isolé, à la pointe et vintage, intime et public,
Ǻngström navigue entre deux eaux suivant un mouvement oscillatoire ratifié
par le chat que la duplicité de sa demeure manifestement agrée.
© Weird Dust
Frédéric ne cache pas que superposition et télescopage des espaces sont de
sa part les fruits d’une stratégie fuyant les studios aseptisés. Des aspirations
voisines et complémentaires, mais — en temps comme en équipement —
onéreuses se font ainsi une place mutuelle comme Frédéric le démontre par
sa propre histoire. Tout commence à Toulouse, ville jeune, festive et maternelle. Études et initiations partagent la jeunesse de Frédéric : d’une liste non
exhaustive, on épinglera la guitare classique, le droit, la musique électronique, la
radio… Dans le feu de ses activités diverses et en marge de ses études universitaires, Frédéric approfondit peu à peu ses connaissances en mastering. Plus tard
viendra la gravure sur vinyles. En attendant, il compose des musiques expérimentales et se produit comme DJ. Ǻngström se construit à la faveur d’un studio
loué tout équipé à un important producteur de la région. Diplôme en main,
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Frédéric prend le large (avantage de la petitesse : Ǻngström l’accompagne).
S’ensuivent une période d’errance, la quête de nouveaux territoires sonores et
un atterrissage en douceur à Paris. Sur la carte, hors de toute visée consciente,
Bruxelles survient presque par hasard : une voiture à saisir puis l’opportunité
d’une sous-location. Comment, pourquoi ? Sur ce point, le chaînon paternel
pèse sans doute moins que cette spécificité de Bruxelles d’être plusieurs choses
à la fois, de ne pas avoir d’identité unique… Face à une indétermination qu’il
considère comme terrain fertile, Frédéric ne résiste pas. Ǻngström emménage
d’abord dans une cave à Schaerbeek avant d’élire domicile, pour un surcroît de
paix et de lumière, à Saint-Josse.
Ce parcours, on pourrait tout aussi bien le reprendre depuis le début en le
rapportant cette fois à l’écoute, l’écoute définissant un autre rapport au monde.
Frédéric, dont la tâche consiste entre autres à restituer après gravure (sur vinyle,
cd ou bande magnétique) un son plus vrai que nature (et donc à compenser,
enjoliver ou anticiper les distorsions générées à tous les stades de la captation
et de la réception) considère qu’il fait œuvre d’illusionniste. Ce n’est qu’au prix
d’un nombre considérable d’essais (comparés, mis en balance avec l’original)
que la musique enregistrée retrouve sinon sa consistance native, tout au moins
une épaisseur substantielle. Touche ultime, la gravure vient alors véritablement
couronner un acte de foi dans la persistance de l’être.
À l’heure où s’écrivent ces lignes, Frédéric attend avec émotion de récupérer
la graveuse qu’il a longtemps partagée avec son ami et collaborateur Yann
de Keroullas tragiquement disparu dans la fleur de l’âge. Plus qu’un outil de
travail, c’est un objet empreint de souvenirs, un objet trouvant naturellement
sa place au cœur d’Ǻngström, intime et fonctionnel, médium dans le plein
sens du terme, raccordant idée et matière, visible et invisible, mort et vivant.
Catherine De Poortere
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juil. / août / sept. 2015
ILS ONT PARTICIPÉ...
PHILIPPE LUCKX
PIERRE-YVES
HUREL
Doctorant en science de l’information et de communication à l’ULG.
Pierre-Yves Hurel est un homme engagé qui allie deux passions qui n’ont
semble-t-il aucun lien : la satire et les
jeux vidéo ! Rédacteur en chef adjoint du journal satirique Poiscaille, il
se spécialise aussi dans les « serious
games » qui ont pour première qualité de faire entrer les joueurs dans
des mondes virtuels dont le rapport
avec la réalité est utilitaire et sociétal.
Le jeu vidéo comme médiateur de la
vie culturelle et démocratique !
Coordinateur général du Centre
d’Action Laïque de Charleroi. Philippe
Luckx doit en partie son engagement
personnel, comme professionnel,
à un certain nombre de valeurs
philosophiques et sociales qui lui
tiennent à cœur. Il est sensible aux
questions de la liberté de conscience,
des droits humains et de l’esprit
démocratique qui sont autant de combats à défendre au quotidien. Après
des études de philosophie à l’ULB,
il transforme les paroles en actes et
se plaît aujourd’hui à soutenir des
projets qui soulignent les meilleurs
aspects de notre humanité.
JEAN-CLAUDE
TRÉFOIS
Instituteur, éducateur, animateur
socio-culturel, directeur de la Maison
de la Culture de Charleroi, bibliothécaire-directeur provincial à la
province de Hainaut. Animateur, formateur en clubs de lecture. Monsieur
Tréfois est un homme passionné et
passionnant qui a fait de la littérature
un lieu de rencontre pour toutes les
âmes sensibles au verbe et à la grammaire du vivre ensemble. Lire pour
mieux discuter, parler pour mieux
entendre. Chez Mr. Tréfois la lecture
n’est pas synonyme de solitude.
SERGE POLIART
CARCOB
IHECS
Éditeur responsable du journal
satirique El bâtia moûrt sou depuis
vingt ans. Il a collaboré avec de nombreux satiriste et caricaturiste belges
et étrangers, notamment avec
Charlie Hebdo. Cultivant l’outrecuidance avec une maîtrise aussi cinglante
que peut l’être un trait d’esprit, pour
ne pas dire de plume, où se mélange
fausse crédulité et gentillesse
goguenarde. Derrière ce regard vif, il
y a comme chez beaucoup de révoltés
de l’injustice, une volonté libertaire
qui s’accommode mal des faux-semblants.
Le CarCoB est une a.s.b.l. qui a pour
objets d’organiser des conférences
sur l’histoire du mouvement ouvrier
et de publier des livres, brochures
et revues théoriques. Elle étend ses
activités à la constitution et la garde
d’un fonds d’archives et d’une bibliothèque. Ils sont situés dans l’ancienne
Maison de la Presse communiste, au
33 rue de la Caserne à Bruxelles, où
se trouvaient la rédaction, l’administration et l’imprimerie du quotidien
Le Drapeau rouge dont il conserve
l’ensemble des archives.
L'Institut des hautes études des
communications sociales (IHECS)
de Bruxelles se veut à la pointe des
avancées les plus récentes en matière
de communication et d’information.
L’ école est attentive à ne pas limiter
l’accès aux réalités professionnelles
de ses étudiants à la seule réflexion
ou théorisation des métiers de la
communication. Ce qui la pousse
à favoriser les contacts concrets,
pratiques et pragmatiques avec de
nombreux acteurs politiques et
culturels belges et européens.
THÉÂTRE
DES ZYGOMARS
La compagnie est née de la rencontre,
en septembre 1965, de Hubert Roman
et Pol Danheux, deux passionnés de
théâtre de marionnettes. Ils n’auront d’autres objectifs que d’amener
partout où c'est possible un peu
de joie, de beauté, d'action et de
susciter l'imagination des enfants.
Aujourd'hui, Isabelle Authom assure
la direction de la compagnie avec la
volonté de consolider sa spécificité
« Marionnette ». Avec une ouverture
sur des pratiques contemporaines
telles que les nouvelles technologies,
les langages non verbaux.
POISCAILLE
Le Poiscaille un journal satirique
indépendant et totalement liégeois de
vingt pages, animé par une trentaine
de bénévoles formés aux techniques
du journalisme et de la caricature
(ULg, Saint-Luc, etc. ). Tous les deux
mois, la rédaction publie des articles
sur la politique liégeoise et la société
civile ainsi qu’une foule de caricatures.
Ayant pour seuls crocs l’humour,
l’autodérision et l’impertinence dont
manquent cruellement les mastodontes de la presse écrite, Le Poiscaille est
un poisson aux dents bien acérées,
un empêcheur de penser en rond
qui rebat constamment les cartes des
vérités absolues.
Jean Nicolas
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juil. / août / sept. 2015
LA VIE D’ACTEURS
> http://www.thecartoonist.be/fr
THE CARTOONIST
La galerie The Cartoonist est située au 11 Rue Haute, aux confins du Sablon et
des Marolles. C’est un lieu unique, en tout cas le seul en Belgique qui accorde
aux dessins de presse l’attention qu’ils méritent. En sensibilisant le public à des
thèmes tels que l’humour, la dérision et la liberté d’expression, la galerie met à
l’honneur le travail de ces dessinateurs de la conscience publique qu’il nous rend
plus intime et sensible. Quand ils posent un regard sur l’actualité ou sur une
personnalité, c’est pour nous les rendre sympathiques ou antipathiques. La galerie
The Cartoonist rassemble les œuvres de treize dessinateurs belges représentant la
presse dans le sens large du terme : Kamagurka, Kroll, Marec, Gal, Vadot, Johan
De Moor, Cécile Bertrand, Quirit, Ilah, Kanar, Kim, Lectrr et duBus.
De fait, on a longtemps tenu la caricature à l’écart de la grande Histoire de
l’art. La caricature était jugée triviale,
populaire et vulgaire. Mais son pire
défaut fut certainement d’être objecteur de l’idéalisme académique et du
bon goût bourgeois. Il faudra attendre
le XIXe siècle pour que, petit à petit, la
caricature sorte de l’ornière dédaigneuse dans laquelle on la tenait.
Les interdits, les exigences du respect, le dogmatisme, rendent intouchables les
figures politiques, religieuses et divines. Leurs incarnations sont exemplaires
et dignes d’imitation pour chacun d’entre nous. Mais le caricaturiste prend un
certain plaisir à transgresser les règles ! Il se montre parfois intempestif, quand
il n’est pas subversif. Il transgresse le bon sens qui voudrait que l’on ne plaisante
pas avec l’incarnation du savoir. Le savoir, c’est le pouvoir. Le toucher, c’est
l’outrager. Ainsi peinte d’une manière bouffonne, comique ou grotesque, la
figure autoritaire prend les couleurs de l’imposture. On imagine sans peine le
désagrément que cela peut occasionner pour celui qui en est la cible. On sait
aussi que cela n’est pas toujours sans danger pour le caricaturiste. On ne doit
pas ignorer que cela peut susciter le désarroi, la consternation et l’humiliation.
Ni la satire ni la caricature ne sont des créations innocentes. Ce sont des outils
de contestation qui réclament leur part de liberté ou qui expriment un sentiment de révolte. Mais ils peuvent également se mettre au service du pouvoir et
devenir des armes de coercition. Car chacun se construit une image conforme
à l’idée qu’il se fait de sa dignité. Mais nos valeurs personnelles sont toujours
dominées par une certaine idéologie. D’un point de vue narcissique, modifier
la représentation que l’on a de soi ou du groupe auquel on appartient, c’est
remettre en question nos repères existentiels.
Tout cela pour dire que l’existence
d’une galerie dédiée à la caricature,
ses œuvres et ses artistes, c’est une
façon de reconnaître le talent de ces
artistes qui, en quelques traits d’encre,
savent nous faire rire de nos petits
malheurs ou de nos grandes tragédies.
Ils nous font réfléchir aussi ! Comme
le ferait si bien un miroir déformant
qui n’accorderait d’importance qu’à
tous ces petits vices que nous tentons
de garder dans l’ombre pour que,
justement, elle ne nous fasse pas de
l’ombre. Miroir, mon beau miroir,
dis-moi que je suis le plus drôle.
48
Jean Nicolas