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« LA OU SONT MES PIEDS, JE SUIS A MA PLACE » Tiphaine DE LA FOREST D’ARMAILLE - Lycée Jean Giraudoux – Châteauroux - 2011 Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, L’Amazonie, poumon de la planète, recèle des trésors millénaires que l’avidité des hommes ne cesse d’exploiter. Cette cupidité les a poussés à un acte inadmissible : la violation des droits de l’homme. Car les industries venues abuser des ressources du sol amazonien, ont oublié un simple détail : les 250 000 amérindiens vivant dans cet Eden en péril. Détail gênant, que l’on préfère ignorer ! Que sont ces quelques hommes face aux milliards de dollars que représentent l’or et le pétrole ? Que peuventils bien faire, eux qui sont dispersés en tribus à travers toute la jungle face aux exploitations intensives du bois, et aux plantations destructrices du soja ? Un proverbe amérindien dit, « Là où sont mes pieds, je suis à ma place ». Et où est leur place, sinon dans la forêt amazonienne ? Aujourd’hui, au moment même où je vous parle, des êtres humains contemplent, impuissants, leurs terres se faire dévaster, piller, et spolier. Ces hommes se voient réduits à l’esclavage, contraints de défricher, et de torturer cette terre qu’ils vénèrent. Sur les 750 000 km² de forêt détruits en 40 ans, vivaient des peuples heureux, en harmonie avec la nature. Il ne reste plus rien. Expulsées dans la violence, des tribus entières sont massacrées, victimes de chasse à l’homme. N’ayant plus rien à cultiver, leurs enfants meurent de faim. Profondément choqués par ce qu’ils endurent, ces derniers hommes libres, qui vivent en symbiose avec la jungle, finissent par se suicider. Les chefs sont assassinés, afin d’éviter toute révolte, et si une rébellion gronde, on les massacre. Le mercure, utilisé par les orpailleurs, empoisonne les indigènes, les paralysant et provoquant la folie. Cet empoisonnement s’est tellement répandu, qu’on le considère comme une maladie, sous le nom de Minamata. La pollution due au pétrole provoque des fausses couches et des cancers. Ces faits ont été mis en avant par l’ONG Survival, repris par Courrier International, et le célèbre chanteur Sting, a pris la défense des peuples amérindiens victimes de la déforestation, en conviant les gouvernements du bassin amazonien à assister à des conférences donnant la parole aux autochtones. Mesdames et messieurs, imaginez, des hommes armés débarquant chez vous, tuant, pillant, violant vos femmes et vos filles, imaginez votre famille se faire ligoter, trancher la tête et brûler sans rien pouvoir faire, sans que justice ne soit rendue ! Imaginez votre enfant mourir de faim parce que des étrangers vous ont « légalement » pris votre terre, pour nourrir du bétail ! Imaginez, du jour au lendemain, vous retrouver sans rien, sans famille, sans vivres, sans abri, obligés de fuir au plus profond de la forêt, ou de vous retrouver dans des bidons-villes… ou sur les bords de route ! Les violations des droits de l’homme se traduisent par des expulsions brutales, des bombardements, des meurtres, des pillages, des viols et de l’esclavage. La Déclaration universelle des droits de l’homme précise bien que : « toute personne a droit à la propriété. Que nul ne sera soumis à l’esclavage et à la servitude, et que tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». La Convention 169 relative aux droits des peuples indigènes garantit les intégrités physique et spirituelle des peuples autochtones. Mais qui sont les responsables ? Ce sont les industries agricoles, qui saccagent des milliers d’hectares afin de cultiver du soja. Un homme a déclaré sous anonymat « quand le soja avance, la vie recule ». Ce sont nos entreprises pharmaceutiques qui manipulent les indigènes pour obtenir des informations sur leurs plantes médicinales afin d’en dépouiller la forêt. Ce sont les entreprises sylvicoles, qui récupèrent les bois afin d’en faire du mobilier comme des chaises de jardin. Vous rendez-vous compte ? Des morts, des massacres… Tout ça pour des chaises de jardin ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, 70% du bois exploité en scierie termine en déchet. Ce sont aussi les entreprises pétrochimiques, qui rejettent le pétrole à même le sol. Le 5 juin dernier, la police péruvienne a voulu stopper une manifestation contre la destruction de leur environnement. L’intervention s’est terminée en carnage, on a compte jusqu’à 84 morts. Ce sont aussi les orpailleurs, comme Mining Corporation, qui ont eu recours à l’armée régulière Colombienne afin de faire fuir les indigènes qui vivaient sur le lieu d’implantation. 25 hommes ont trouvé la mort, dont 3 enfants, 3 êtres innocents. Mais ces entreprises ne sont pas les seules responsables du génocide que subissent les autochtones, nous tous, contribuons à ces crimes. Car c’est à ce prix, que nous mangeons de la viande, nourrie avec du soja, et meublons nos maisons en Europe. Ne soyons pas lâches, ne fermons pas les yeux aux malheurs du monde, agissons ! Chateaubriand l’a dit, « les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ». Cependant, il est encore temps de modifier cette phrase, et ne pas oublier, que des hommes vivent encore en harmonie avec la nature. Nous tous, dans cette salle, avons le pouvoir d’améliorer leur condition de vie. Nous devons simplement suivre certaines règles comme éviter les produits à base de soja, ne pas oublier qu’une simple table en acajou peut être cause de mort. Bien évidemment, il faut donner aux victimes le droit de parole, médiatiser leurs conditions de vie afin que le monde sache ce que leur fait subir la mondialisation, ce que nous leur faisons subir, et leur apporter le soutien financier nécessaire à leur défense. Nous devons soutenir les Etats qui créent des réserves et les ONG comme Survival, qui tentent de les protéger. Ce qui se passe en Amazonie, se produit également en Afrique et en Indonésie. N’oublions pas, que les derniers hommes libres, doivent être respectés dans leur intégrité sociale, culturelle et intellectuelle. Les Guaranis, peuple pacifique du brésil et du Paraguay sont en quête de la « Terre sans mal », indiquée par leurs ancêtres, où ils pourront vivre sans souffrance ni douleur. Ce lieu, espérons qu’ils le trouveront, pour qu’ils puissent de nouveau dire : « là où sont mes pieds, je suis à ma place ».