24/03/2016 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique

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24/03/2016 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique
Le : 24/03/2016
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du 17 mars 2016
N° de pourvoi: 15-13442
ECLI:FR:CCASS:2016:C100296
Publié au bulletin
Cassation sans renvoi
Mme Batut (président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de l’Association de sauvegarde de
l’enfance à l’adulte du Pays basque (l’association), a sollicité son admission au barreau de
Bayonne sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l’article 98, 3°, du décret
du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ; que le conseil de l’ordre ayant
rejeté sa demande d’inscription, Mme X... a formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991, modifié ;
Attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude
à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique
professionnelle au sein d’un service juridique d’une ou plusieurs entreprises, qui ont
exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise
des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci ;
Attendu que, pour reconnaître à Mme X... la qualité de juriste d’entreprise, l’arrêt retient
que celle-ci avait pour mission d’apporter aux délégués de l’association une assistance
juridique pour trouver les solutions amiables ou judiciaires adaptées à la situation des
majeurs protégés, de suivre toutes les procédures concernant ces derniers, en assurant,
le cas échéant, la défense de leurs intérêts, de décider de l’opportunité de saisir le juge
des tutelles, de rédiger les actes et correspondances et de réaliser une veille juridique à la
disposition des intervenants ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’intéressée, qui apportait une assistance juridique aux
personnes majeures, extérieures à l’association qui était chargée de leur protection, ainsi
que son concours aux délégués désignés à cette fin, n’exerçait pas ses fonctions
exclusivement dans un service spécialisé interne à l’entreprise appelé à répondre aux
problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de
procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 décembre 2014, entre
les parties, par la cour d’appel de Pau ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE le recours formé par Mme X... contre la décision du conseil de l’ordre des
avocats au barreau de Bayonne du 15 octobre 2014 ;
Condamne Mme X... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt
sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l’ordre des
avocats au barreau de Bayonne
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir « infirmé » la décision du Conseil de l’Ordre du
Barreau de Bayonne, dispensé Madame X..., en application des dispositions de l’article
98, 3° du décret du 27 novembre 1991, de la formation théorique et pratique du certificat
d’aptitude à la profession d’avocat et, en conséquence, renvoyé celle-ci devant le Conseil
de l’Ordre du barreau de Bayonne pour qu’il soit procédé à son inscription, sous la
condition de l’obtention de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et
réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du décret du 27 novembre 1991 ;
L’arrêt énonçant que « la procédure a été communiquée à Madame la procureure
générale ; qu’à l’audience du 19 novembre 2014 à laquelle les parties ont été
régulièrement convoquées, Mme X... estimant remplir les conditions de l’article 98, 3° du
décret du 27 novembre 1991, demande à la Cour de réformer la décision du conseil de
l’ordre et de la dispenser de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à
la profession d’avocat sous la condition de l’obtention de l’examen de contrôle des
connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du
décret ; que Me Assié-Berasatégui, déléguée par le bâtonnier de l’ordre des avocats du
barreau de Bayonne pour représenter le conseil de l’ordre des avocats, sollicite le rejet du
recours » ;
Alors que, saisie d’une recours formé contre la décision du Conseil de l’Ordre portant refus
d’inscription au tableau d’un candidat à la profession d’avocat, la Cour d’appel doit inviter
le bâtonnier à présenter ses observations ; que sont impropres à suppléer aux
observations dudit bâtonnier celles présentées, devant la Cour, au nom du Conseil de
l’Ordre ; qu’en l’espèce, il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure que la Cour
d’appel ait invité le bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Bayonne à présenter
ses observations ; qu’en statuant dès lors comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les
articles 16 alinéa 4 et 102 du décret du 27 novembre 1991.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir « infirmé » la décision du Conseil de l’Ordre du
Barreau de Bayonne, dispensé Madame X..., en application des dispositions de l’article
98, 3° du décret du 27 novembre 1991, de la formation théorique et pratique du certificat
d’aptitude à la profession d’avocat et, en conséquence, renvoyé celle-ci devant le Conseil
de l’Ordre du barreau de Bayonne pour qu’il soit procédé à son inscription, sous la
condition de l’obtention de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et
réglementation professionnelle prévu à l’article 98, 1° du décret du 27 novembre 1991 ;
Aux motifs qu’il n’est pas contesté que Mme X... remplit les conditions de diplôme et de
moralité réglementaires ; qu’ainsi, elle est titulaire d’une maîtrise de droit privé, d’un DEA
de droit privé général et de sciences criminelles ; que par ailleurs, le bulletin n° 3 de son
casier judiciaire est vierge ; que la demande de Mme X... est fondée sur l’article 98 du
décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat qui dispense de
la formation théorique et pratique, et du certificat d’aptitude à cette profession : 3° - les
juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du
service juridique d’une ou plusieurs entreprises ; qu’en l’espèce les parties s’opposent sur
la notion d’entreprise, le conseil de l’ordre déniant cette qualification à l’association la
Sauvegarde ; que par ailleurs, Mme X... doit démontrer avoir exclusivement exercé ses
fonctions pendant au moins huit ans au sein d’un service spécialisé chargé dans
l’entreprise de traiter les problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci ; que doit être
considérée comme une entreprise toute entité ayant une finalité économique, c’est-à-dire
toute entité qui, s’étant volontairement fixé un projet propre, recherche et organise les
moyens matériels, humains et financiers dont elle dispose pour le réaliser ; que tel est bien
le cas en l’espèce de l’association La Sauvegarde dont il n’est pas contesté qu’elle
emploie plus de trois cents salariés et dont le pôle Adulte a pour objet d’assurer la gestion
des mandats judiciaires de protection des majeurs ; que l’organigramme qui est produit
démontre que, placé sous l’autorité d’un directeur, et comptant quatre vingt dix sept
salariés, ce pôle est structuré, afin de réaliser cet objectif, en équipes intervenant sur le
terrain et de services “supports” dont un service juridique doté de deux conseillères dont
Mme X..., titulaire, depuis le 2 juin 2003, d’un contrat de travail dans cette association pour
exercer cette activité ; qu’ainsi, il apparaît que le pôle Adulte de l’association La
Sauvegarde emploie bien un nombre important de salariés organisés et structurés afin de
fournir une prestation de service ; qu’il est également justifié parla production de l’arrêté
préfectoral du 15 novembre 2012 fixant la dotation globale de financement 2012, que le
budget de fonctionnement de ce pôle relatif aux mandats judiciaires est de l’ordre de 4,5
millions d’euros dont s’agissant des recettes, 3 577 636 ¿ au titre de la dotation globale de
financement mentionnée à l’article R. 314-193-1 du Code de l’action sociale et des
familles, 805 794 ¿ au titre d’autres produits relatifs à l’exploitation et 91 062 ¿ au titre des
produite financiers et non encaissables ; qu’il est ainsi démontré que le pôle Adulte de
l’association La Sauvegarde doit également trouver des ressources autres que les fonds
publics ; que par ailleurs, il n’est pas contesté que l’association embauche du personnel et
est soumise aux règles du droit du travail ; qu’elle a recours aux services d’aide à
domicile, de soins infirmiers et médicaux, à des prestations d’établissements financiers,
d’artisans et de divers corps de métiers, d’auxiliaires de justice et intervient sur le marché
immobilier (mise en location, réhabilitation, vente et acquisitions immobilières) ; qu’enfin,
cette association a repris fin 2011, l’activité, les moyens matériels et humains de
l’association Philae, mise en liquidation judiciaire après soumission d’un plan de reprise
auprès du tribunal de grande instance de Bayonne, intervenant ainsi dans le domaine du
droit des affaires ; qu’il est ainsi démontré que l’association La Sauvegarde est bien une
entreprise au sens de l’article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 ;
Alors, d’une part, qu’il résulte du rapprochement des dispositions de l’article 98, 3°, 98, 5°
et 98, 6° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que sont dispensés de la formation
théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes justifiant
de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou
plusieurs entreprises, les juristes attachés pendant huit ans au moins à l’activité juridique
d’une organisation syndicale, et les juristes salariés d’un avocat, d’une association ou
d’une société d’avocats ; qu’il résulte de ces dispositions qui sont d’interprétation stricte
dès lors qu’elles instaurent des conditions dérogatoires d’accès à la profession d’avocat,
qu’exceptés les juristes d’associations d’avocats ou de syndicats, les juristes
d’associations ne peuvent bénéficier de la dispense de la formation théorique et pratique
et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat ; qu’en retenant que Madame X..., juriste
attachée pendant huit ans à l’activité juridique de l’association Sauvegarde de l’enfance à
l’adulte du pays basque est juriste d’entreprise, la Cour d’appel a violé l’article 98, 3°
précité du décret du 27 novembre 1991 ;
Alors que, d’autre part, et à titre subsidiaire, que seul le juriste d’entreprise peut être inscrit
au tableau de l’Ordre des Avocats en application de l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27
novembre 1991 ; qu’est visée par cette disposition l’entreprise qui exerce une activité
économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; qu’en se
fondant sur des critères inopérants tirés du nombre et du statut de ses salariés, de
l’obligation de trouver des ressources autres que les fonds publics, de ses relations avec
d’autres entreprises ou la reprise de l’activité ainsi que des moyens matériels et humains
d’une association identique mise en liquidation judiciaire pour retenir que l’association
Sauvegarde de l’enfance à l’adulte du pays basque constitue bien une entreprise au sens
de l’article 98, 3° précité du décret du 27 novembre 1991, la Cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard de cette disposition ;
Alors que, de troisième part et à titre subsidiaire, que seul le juriste d’entreprise peut être
inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats en application de l’article 98 du décret n°
91-1197 du 27 novembre 1991 ; qu’est visée par cette disposition l’entreprise qui exerce
une activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché
donné ; qu’en retenant que l’Association Sauvegarde de l’enfance à l’adulte du pays
basque est bien une entreprise au sens de l’article 98, 3° précité du décret du 27
novembre 1991 parce qu’elle assure la gestion des mandats judiciaires de protection des
majeurs, la Cour d’appel qui n’a pas constaté l’existence d’une activité économique
exercée sur un marché a derechef privé sa décision de base légale au regard de cette
disposition.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir « infirmé » la décision du Conseil de l’Ordre du
Barreau de Bayonne, dispensé Madame X..., en application des dispositions de l’article
98, 3° du décret du 27 novembre 1991, de la formation théorique et pratique du certificat
d’aptitude à la profession d’avocat et, en conséquence, renvoyé celle-ci devant le Conseil
de l’Ordre du barreau de Bayonne pour qu’il soit procédé à son inscription, sous la
condition de l’obtention de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et
réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du décret du 27 novembre 1991 ;
Aux motifs que Mme X... justifie par la production d’une note du directeur du pôle Adulte,
que le service juridique au sein duquel elle exerce ses fonctions a pour mission d’apporter
une expertise technique dans le cadre de la gestion des mesures judiciaires confiées à ce
pôle à savoir : - analyser, gérer, suivre et résoudre des questions juridiques rencontrées
par les majeurs protégés et le service ; - collecter et analyser toutes les normes juridiques
afin d’informer et de conseiller l’ensemble du service des tutelles ; - être un référent
technique du service à l’égard des tiers, des partenaires extérieurs, des professionnels
juridiques et des instances extérieures ; qu’ainsi, le conseiller juridique doit être informé de
tous problèmes juridiques rencontrés dans l’activité du service et doit être obligatoirement
saisi et ouvrir un dossier dans certains domaines précisément définis ; qu’il a notamment
pour mission : - d’analyser les faits juridiques qui lui sont soumis par les délégués et les
chefs de service, et de donner une ou des solutions amiables ou judiciaires en tenant
compte du contexte économique et social du majeur protégé ; - de fournir des informations
et conseils argumentés aux problèmes qui lui sont posés ; - d’assurer le suivi du
déroulement de toutes les procédures civiles, pénales, prud’homales, commerciales et
administratives et peut être amené à défendre les intérêts du majeur protégé sous
certaines conditions juridiques et d’opportunité ; - d’assurer l’activité de recherche et de
veille juridique, de rédaction du courrier juridique, de la réception des actes juridiques
remis au service ; - de juger de l’opportunité d’adresser une requête ou un rapport au juge
des tutelles ; que par ailleurs, il est justifié et non contesté que ce service juridique gère
plus de 419 dossiers dont 75 % concernent le droit civil, 10 % le droit pénal et 4 % le droit
du travail ; qu’ainsi, Mme X... démontre que le service juridique où elle exerce son activité
depuis plus de huit ans est bien un service spécialisé chargé au sein de l’association La
Sauvegarde et plus particulièrement du pôle Adulte, de traiter les problèmes juridiques
posés par l’activité de celui-ci ; qu’en conséquence l’association La Sauvegarde étant une
entreprise, sa demande de dispense apparaît fondée et il convient d’y faire droit en
réformant la décision déférée
Alors que, d’une part, seules les personnes exclusivement attachées au service spécialisé
chargé, au sein d’une entreprise, uniquement de l’étude des problèmes juridiques posés
par les activités de celle-ci, sont dispensées de la formation pratique et théorique et du
certificat d’aptitude à la profession d’avocat ; qu’en retenant, après avoir constaté que les
activités professionnelles de Madame X... au sein de l’Association Sauvegarde de
l’enfance à l’adulte du pays basque comportaient l’obligation d’être un réfèrent technique
du service à l’égard des tiers, des partenaires extérieurs, des professionnels juridiques et
des instances extérieures, celle d’analyser les faits juridiques qui lui sont soumis par les
délégués et les chefs de service, et de donner une ou des solutions amiables ou
judiciaires en tenant compte du contexte économique et social du majeur protégé et
encore l’obligation d’assurer le suivi du déroulement de toutes les procédures civiles,
pénales, prud’homales, commerciales et administratives et d’être amené à défendre les
intérêts du majeur protégé sous certaines conditions juridiques et d’opportunité, que
Madame X... a la qualité de juriste d’entreprise, la Cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 98, 3° du décret du
27 novembre 1991 ;
Alors que, d’autre part, seules les personnes exclusivement attachées au service
spécialisé chargé, au sein d’une entreprise, uniquement de l’étude des problèmes
juridiques posés par les activités de celle-ci, sont dispensées de la formation pratique et
théorique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat ; qu’une activité d’information
ne constitue pas une activité de juriste d’entreprise ; qu’en retenant, après avoir constaté
qu’elle était tenue de collecter et d’analyser toutes les normes juridiques afin d’informer et
de conseiller l’ensemble du service des tutelles, d’assurer l’activité de recherche et de
veille juridique, que Madame X... a la qualité de juriste d’entreprise, la Cour d’appel n’a
pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé derechef l’article
98, 3° du décret du 27 novembre 1991.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel de Pau , du 17 décembre 2014

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