exemples de cas de torture et d`exécutions sommaires en Ukraine

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exemples de cas de torture et d`exécutions sommaires en Ukraine
Breaking Bodies - Exemples de cas de torture et d’exécutions
sommaires en Ukraine orientale
Cas 1 - Témoignage de S.S. sur les exécutions sommaires
Amnesty International a parlé à trois personnes, qui ont séparément fourni des témoignages tendant à
indiquer que des membres du bataillon séparatiste Vostok ont sommairement exécuté trois soldats
ukrainiens et fait feu sur plusieurs autres le 22 janvier 2012, lorsque ceux-ci se sont rendus après avoir
été encerclés dans une tranchée. Les victimes faisaient partie d’un groupe de 11 soldats du
20e bataillon de défense territoriale de l’armée ukrainienne qui avaient été faits prisonniers dans le
village de Krasny Partizan ce jour-là. Des séquences vidéo mises en ligne sur YouTube confirment par
ailleurs les dires des témoins.
Un des soldats ayant survécu, S.S., a parlé à Amnesty International sous couvert de l’anonymat :
« Il y avait des dizaines de personnes autour de nous et chacune voulait tirer. Il y avait une fille, 25 ans
environ, elle a tiré sur [nos] gars avec un fusil à lunette Dragounov à une distance d’environ trois
mètres. Elle leur a tiré dans les genoux, dans les poumons. Elle n'en a fait qu'à sa tête. »
Andry Kolesnik, un soldat ukrainien, a été touché alors qu’il tenait encore son arme, et les séparatistes
l’ont laissé mourir d'une hémorragie.
Trois autres soldats ont été abattus après s’être rendus : Serhy Sliessarenko, Albert Saroukhanyan et un
soldat que S.S. a désigné sous le nom de « Romtchik », diminutif de « Roma ». S.S. a expliqué
qu’Albert Saroukhanyan a été visé par deux coups de feu parce qu’il était arménien, et parce qu’il a dit
qu’il se « battait pour l’Ukraine » lorsqu’on lui a demandé ce qu’il faisait là.
La femme armée du fusil à lunette a tiré à deux reprises dans les jambes de S.S. Un troisième tir a
manqué sa tête. Il soutient qu’un combattant séparatiste est intervenu, déclarant : « Aie un peu de
décence, ce sont des captifs, ils n’ont pas d’armes, ne le fais pas comme ça. »
S.S. a plus tard été transféré avec d’autres soldats encore vivants dans un hôpital de Donetsk afin d’y
faire soigner ses blessures.
Cas 2 - Le témoignage d’Alexandre Pintchouk sur un simulacre d'exécution
Le 12 novembre 2014, trois entrepreneurs en bâtiment vivant à Donetsk ont dû s’arrêter à hauteur d’un
poste de contrôle de Volnovakha dirigé par les milices pro-Kiev du Secteur droit et de Dnipro 2. Ils ont
été remis aux services secrets ukrainiens (SBU) et détenus pendant cinq jours, durant lesquels ils ont
été torturés avant d’être relâchés sans inculpation.
Amnesty International a recueilli le témoignage de deux de ces hommes, de leurs épouses, de deux
journalistes qui ont travaillé sur ce cas, et d’un des médecins qui a soigné leurs blessures.
Une des victimes, Alexandre Pintchouk, 45 ans, a été traité de manière particulièrement brutale parce
qu’il porte le même nom de famille qu’un responsable séparatiste connu. Il a déclaré à Amnesty
International :
« Deux hommes sont venus dans ma cellule. Ils ont commencé à me frapper au cou. J’ai essayé de
demander, "pourquoi me frappez-vous ?" Pas de réponse. "Il est impossible que tu sois un citoyen
ukrainien", ont-ils dit ; "tu vas en Russie pour donner des informations."
« J’ai répondu que je n’allais en Russie que pour le travail, mais ils ne m’ont pas cru. Ils m’ont enfoncé
un sac en plastique sur la tête, et j’ai commencé à suffoquer. Ils continuaient à me poser les mêmes
questions. Ils n’aimaient pas mon nom de famille, parce qu’un membre de la République populaire de
Donetsk [DNR, groupe séparatiste de Donetsk] a le même. Ils me demandaient sans arrêt si nous étions
de la même famille ou si je l’aidais. Nous n’avons aucun lien de parenté. »
Alexandre Pintchouk a alors été emmené dehors, jeté dans un trou profond creusé dans la terre, et
soumis à un simulacre d’enterrement.
« J’ai cru qu’ils allaient m’enterrer vif. J’ai essayé de me redresser, mais un type m’est monté sur la
tête pour m’en empêcher, et les autres m’ont jeté de la terre dessus. J’étais à genoux et j’ai fini par me
retrouver sous une couche de terre assez épaisse. À ce moment-là j’ai perdu connaissance parce que
toute cette terre m’empêchait de respirer. »
Alexandre Pintchouk a déclaré à Amnesty International que lorsqu’il est revenu à lui, sa tête et sa main
droite étaient hors de terre. Il a plus tard raconté à un médecin que ses geôliers avaient « joué au
football avec [sa] tête »
« Ces types m’ont donné des coups de pied dans la tête, et puis ils ont dit, ‘oh, il respire’. Ils ont
vérifié que j’étais conscient [...] Puis ils m’ont retiré du trou. Ils ont pris mon manteau, ma montre et
mon alliance, et puis ils m’ont ramené dans une cellule. Ils m'ont gardé les yeux bandés tout ce temps.
Ils m’ont ramené dans la cellule vers 3 ou 4 heures du matin. »
« Ma cellule était proche de celle d’Igor [Bedny, son cousin], et je les entendais le menacer "sois gentil,
parce qu’on vient d’enterrer ton ami". »
Tôt le lendemain matin, les trois hommes ont de nouveau été soumis à un interrogatoire. Alexandre
Pintchouk s’est remémoré la scène :
« Ils ont demandé combien de tanks il y avait à Donetsk, combien d’hommes dans les unités militaires,
qui étaient les commandants. Je leur ai dit que je ne connaissais pas les réponses à ces questions, car
je ne faisais pas partie de la DNR. L’homme chargé de l’interrogatoire a dit "tu n'es pas coopératif ; tu
pourrais de nouveau te retrouver dans le trou". »
Alexandre Pintchouk a été battu si sauvagement que lorsque les trois détenus ont été transférés dans
un bunker où ils ont été retenus quatre jours supplémentaires, personne ne l’a touché « parce qu’il
était déjà tellement mal en point », d’après son codétenu Igor Bedny.
Cinq jours après leur capture, les trois hommes ont été emmenés en voiture puis relâchés au bout de
20 minutes. Leur véhicule, leurs téléphones et leurs passeports, que les miliciens avaient déchirés,
leur ont alors été rendus. Ils ont découvert qu’ils étaient dans la ville de Semenovka, près de Sloviansk.
Quand ils sont rentrés à Donetsk, ils se sont immédiatement rendus à l’hôpital ; Alexandre Pintchouk y
a passé près de trois semaines à se remettre de ses blessures.
Le médecin qui l’a soigné a dit à Amnesty International que l’ancien prisonnier était dans un état très
grave et présentait notamment une dangereuse lésion au cerveau quand il est arrivé, et qu’il aurait pu
mourir s’il n’avait pas immédiatement reçu des soins.