Tumeurs du tronc cérébral - site de l`association GENS

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Tumeurs du tronc cérébral - site de l`association GENS
Tumeurs du tronc cérébral
[17-270-A-50]
Michel Jan : Professeur des Universités, praticien hospitalier
Clinique neurochirurgicale, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 37044 Tours
cedex France
Patrick François : Interne des Hôpitaux
Introduction
Le tronc cérébral est constitué par le bulbe et le pont qui dérivent embryologiquement du
rhombencéphale, et le mésencéphale issu de la transformation de la vésicule cérébrale
primitive. Il livre passage aux voies sensitivomotrices, cérébelleuses, contient les noyaux des
dix dernières paires crâniennes et possède des formations propres telle la formation
réticulaire. Enfin, l'aqueduc du mésencéphale fait communiquer les IIIe et IVe ventricules.
Cette richesse anatomique rend compte des difficultés du traitement chirurgical des tumeurs
du tronc cérébral, polymorphes, largement dominées par le problème des tumeurs
neuroépithéliales.
Généralités
Les tumeurs du tronc cérébral ont pendant longtemps été considérées comme inabordables
chirurgicalement et donc constamment mortelles quelles que soient leurs caractéristiques
anatomopathologiques. Néanmoins, avant l'ère de l'imagerie moderne, l'existence d'une
déviation de l'aqueduc du mésencéphale, un comblement du IVe ventricule sur une
encéphalographie ou une ventriculographie, ainsi qu'une histoire clinique évocatrice
anormalement longue ont conduit à " explorer " chirurgicalement certaines tumeurs du tronc
cérébral.
Beaucoup plus récemment, Hoffman [12], en 1980, sur des critères cliniques et
tomodensitométriques, a isolé un premier groupe de tumeurs du tronc cérébral exophytiques
comblant le IVe ventricule, à l'origine d'une hydrocéphalie, dont l'exérèse chirurgicale totale
ou subtotale entraînait une survie prolongée, voire une guérison. Stroink, en 1986 [29], a isolé
quatre grands types de tumeurs du tronc cérébral : des tumeurs exophytiques dans le IVe
ventricule, des tumeurs focales se rehaussant fortement après injection de produit de
contraste, de bon pronostic si une exérèse complète était réalisée, des tumeurs diffuses ou
kystiques de moins bon pronostic.
Epstein [7], en 1986, a isolé également des tumeurs de localisation bulbaire et
bulbomédullaire, dont les limites, nettement individualisables par l'IRM, ont fait que l'exérèse
chirurgicale subtotale ou complète entraînait des survies prolongées, voire des guérisons. Il
rapprochait ces tumeurs de bas grade des tumeurs médullaires.
Vandertop [31], en 1992, a individualisé les tumeurs du tegmentum, bien limitées, se
rehaussant fortement après injection de produit de contraste, dont l'exérèse chirurgicale
subtotale suivie ou non de radiothérapie, entraînait des survies prolongées. On a vu ainsi
progressivement apparaître une notion fondamentale dans le domaine des tumeurs du tronc
cérébral, celle de l'hétérogénéité.
À côté des gliomes diffus du tronc cérébral, de sombre pronostic, inaccessibles aux
traitements complémentaires actuels, on peut décrire plusieurs types de tumeurs focalisées du
tronc cérébral accessibles à un traitement chirurgical dont l'exérèse complète ou subtotale
entraîne des survies prolongées, voire des guérisons au prix de séquelles tolérables.
L'IRM a pris dans ce domaine une place prépondérante puisqu'elle représente la clé de voûte
des raisonnements diagnostiques et thérapeutiques.
Epidémiologie
Les tumeurs du tronc cérébral sont avant tout des tumeurs de l'enfant puisqu'elles représentent
10 à 20 % des tumeurs cérébrales, 20 à 25 % des tumeurs infratentorielles [5, 25], alors
qu'elles représentent moins de 1,5 % de l'ensemble des tumeurs cérébrales chez l'adulte [9]. Il
n'existe pas de prédominance masculine ou féminine. Les tumeurs bénignes, de bas grade, se
répartissent de façon équivalente chez l'adulte, alors que les tumeurs malignes, de haut grade,
semblent plus fréquentes chez les enfants, avec un maximum entre 5 et 20 ans [9].
Histopathologie
Les tumeurs du tronc cérébral sont largement dominées par les tumeurs neuroépithéliales,
principalement les astrocytomes. Nous utiliserons la classification de l'Organisation mondiale
de la santé (OMS) de 1993 [16]. D'autres variétés histologiques tumorales peuvent se
rencontrer au niveau du tronc cérébral, tels les hémangioblastomes, les lymphomes cérébraux,
les métastases, les kystes épidermoïdes.
Tumeurs neuroépithéliales
On distingue les gliomes de bas grade, contenant :
•
•
grade I :
o astrocytomes pilocytiques ;
o subépendymome ;
o épendymome papillaire ;
grade II :
o astrocytome fibrillaire ;
o astrocytome gémistocytique ;
o astrocytome protoplasmique ;
o oligodendrogliome ;
o épendymome ;
et les gliomes de haut grade, comprenant :
•
grade III :
o astrocytomes anaplasiques quel que soit le type cytologique initial ;
o oligodendrogliome anaplasique ;
•
o épendymome anaplasique ;
grade IV :
o glioblastome.
Les astrocytomes fibrillaires et pilocytiques sont particulièrement fréquents au niveau du
tronc cérébral [5].
L'astrocytome anaplasique de type fibrillaire est l'archétype même du gliome diffus du tronc
cérébral. Ces petits astrocytes siègent préférentiellement dans la protubérance qu'ils
déforment en la rendant globuleuse, soufflée de façon plus ou moins symétrique, pouvant
encercler en avant le tronc basilaire (fig 1). Ces astrocytes sont agressifs en vertu de leur
caractéristique infiltrative, pouvant envahir à partir de la protubérance le mésencéphale ou le
bulbe. Le grade III de l'OMS ou astrocytome anaplasique est caractérisé par une activité
mitotique élevée avec hypercellularité, alors que l'existence d'une prolifération vasculaire, de
foyers de nécrose ou d'une hypercellularité signe le stade IV ou glioblastome.
Ces astrocytomes tumoraux fibrillaires peuvent, en proliférant, encercler de petits îlots
neuronaux et donner le change sur le plan histologique avec les tumeurs neuronales, du type
gangliogliomes.
L'astrocytome pilocytique représente approximativement 20 % des gliomes du tronc cérébral.
Il est caractérisé par une prolifération de cellules allongées bipolaires contenant des
gliofilaments. Il peut exister des microkystes qui peuvent confluer pour former des
macrokystes (fig 2). Macroscopiquement, ces tumeurs sont mieux limitées, de consistance
ferme. Les cellules endothéliales, au contact de ces astrocytes, sont souvent dépourvues de
jonctions serrées, ce qui explique le rehaussement tumoral important sur les examens
morphologiques après injection de produit de contraste (fig 3). Ces astrocytomes sont par
ailleurs caractérisés sur le plan microscopique par des fibres de Rosenthal (fig 4), des
corpuscules éosinophiles, parfois des calcifications. L'existence de ces fibres de Rosenthal
serait un argument de bon pronostic [1]. Enfin, les tumeurs exophytiques du IVe ventricule, de
meilleur pronostic car accessibles à un geste chirurgical [30], sont souvent des astrocytomes
pilocytiques [15].
Tumeurs neuronales
Les gangliogliomes sont des tumeurs mixtes gliales et neuronales composées de cellules
ganglionnaires matures et de cellules gliales néoplasiques. Des kystes, des infiltrats
lymphocytaires périvasculaires ainsi que des calcifications sont parfois rencontrés. Le
contingent neuronal est identifié grâce à la présence de corps de Nissl et de neurofibrilles. Le
pronostic des gangliogliomes est difficile à évaluer, l'évolution est en règle très lente. Il s'agit
de tumeurs de l'enfant et de l'adulte jeune, tous les cas rapportés dans la littérature ont moins
de 30 ans.
Hémangioblastomes
Les hémangioblastomes du plancher du IVe ventricule sont rares [26] et siègent en général à
la partie inférieure du bulbe dans la région de l'area postrema. Ces tumeurs peuvent être
également intrabulbaires pures, sans contact avec l'épendyme. Dans cette localisation, les
formes microkystiques et solides sont les plus fréquentes, faites d'une prolifération de
capillaires sinueux, parfois volumineux et d'un tissu tumoral intercapillaire formé de cellules
principales à cytoplasme clair. Elles peuvent survenir isolément ou dans le cadre de
l'angiomatose de von Hippel-Lindau.
Lymphomes du tronc cérébral
Cette localisation est exceptionnelle, représentant moins de 3 % de l'ensemble des lymphomes
cérébraux primitifs [18]. Les lymphomes cérébraux primitifs de type T, plus rares, semblent
prédominer au niveau du tronc cérébral. Il existe une prédominance masculine nette ; ces
lymphomes de type T seraient de meilleur pronostic que les lymphomes de type B. Il s'agit le
plus souvent d'une prolifération de petits lymphocytes infiltrant le parenchyme sain ou
formant de petits nodules prédominant toujours dans les espaces périvasculaires. Il existe
fréquemment une gliose périphérique réactionnelle.
Métastases du tronc cérébral
Les métastases du tronc cérébral sont des tumeurs rares ; 10 % des métastases du système
nerveux central intéressent le tronc cérébral [13]. Elles se présentent sous la forme d'une
masse bien limitée, arrondie, prédominant au niveau du pont. Le cancer primitif est
pulmonaire (46 %), mammaire (15 %), cutané (9 %), rénal et thyroïdien (4,5 %).
Kystes épidermoïdes
Les kystes épidermoïdes représentent 0,2 à 1,8 % de l'ensemble des tumeurs cérébrales ; leur
localisation au tronc cérébral reste exceptionnelle puisque seulement six cas ont été décrits
[20]. Il s'agit le plus souvent de tumeurs développées au niveau des citernes prépontiques,
s'insinuant dans le tronc cérébral en accompagnant les vaisseaux destinés à sa vascularisation.
Histologiquement, ces tumeurs sont constituées d'un empilement de lamelles de kératine leur
donnant leur aspect de tumeur perlée.
Clinique
À la phase initiale, la symptomatologie clinique est souvent fruste et par essence même
variable en fonction de la localisation tumorale. La rapidité d'installation des troubles est un
facteur pronostique essentiel [1, 9]. Lorsque la symptomatologie apparaît et s'enrichit
rapidement, en moins de 6 mois, il s'agit de tumeurs de haut grade. À l'inverse, une
installation insidieuse, supérieure à 6 mois, est de bon pronostic [8, 9].
Tumeurs bulbaires
Il existe très souvent un syndrome pyramidal d'abord réflexe puis déficitaire, associé à une
atteinte cérébelleuse concourant à perturber la marche. L'atteinte sensitive est le plus souvent
discrète, dissociée, atteignant les voies lemniscale ou extralemniscale, respectant le plus
souvent la face. S'il existe une atteinte faciale, les troubles sensitifs intéressent uniquement la
sensibilité thermoalgique, respectant la sensibilité épicritique.
L'atteinte des dernières paires crâniennes est plus évocatrice des tumeurs bulbaires associant
une paralysie de l'hémivoile, de l'hémipharynx, une atteinte des muscles céphalogyres ou
encore une hémiatrophie linguale.
Les fonctions végétatives bulbaires peuvent être à l'origine de troubles dysautonomiques
gravissimes peropératoires.
Tumeurs pontiques
Les atteintes motrices et sensitives sont controlatérales à la lésion au niveau des membres
alors que l'atteinte faciale est ipsilatérale, tout comme l'atteinte cérébelleuse.
L'atteinte associée du VI et du VII, compte tenu de la proximité anatomique du noyau du VI
et des fibres radiculaires du VII, prend toute son importance pour localiser à la protubérance
une lésion responsable d'un syndrome pyramidal, ou d'un déficit sensitif des membres. Les
troubles oculomoteurs sont principalement représentés par des troubles de la latéralité par
atteinte du noyau du VI, auxquels participent les lésions de la formation réticulaire pontique
perturbant les mouvements de saccade.
Les tumeurs pontiques exophytiques dans le IVe ventricule sont responsables d'une
symptomatologie d'hypertension intracrânienne par hydrocéphalie, parfois associée à une
atteinte des voies longues, du VI ou du VII, en fonction du degré d'infiltration du plancher du
IVe ventricule.
Tumeurs mésencéphaliques
Ces tumeurs, souvent de petite taille, peuvent obstruer l'aqueduc du mésencéphale et être à
l'origine d'une symptomatologie d'hypertension intracrânienne pure, isolée, par hydrocéphalie
obstructive [23, 27]. Le tableau clinique comprend alors des céphalées, des vomissements
avec obnubilation, puis apparaît une stase papillaire aboutissant à l'atrophie optique.
Parallèlement, il peut apparaître chez l'enfant une macrocéphalie avec dilatation des
fontanelles puis disjonction des os du crâne.
L'atteinte du III associée à une hémiplégie croisée intéressant la face est évocatrice de lésions
pédonculaires. Les lésions médianes peuvent être à l'origine d'un syndrome de Parinaud,
associé à des troubles de la vigilance par lésion de la formation réticulée
pontomésencéphalique.
Il peut exister des mouvements involontaires à type de dyskinésie volitionnelle d'attitude.
Diagnostic différentiel
Tous les processus expansifs intéressant le tronc cérébral ne sont pas des tumeurs. Ces
diagnostics différentiels ont largement bénéficié de l'avènement de l'IRM.
Sclérose en plaques
Le début de la maladie dans la jeune enfance est rare ; l'évolution par poussées dans le temps
et dans l'espace est assez évocatrice. L'IRM montre alors des plaques de démyélinisation
souvent plus nombreuses que le suggérait l'examen clinique.
Accidents vasculaires ischémiques
Ils concernent plus volontiers l'homme de plus de 50 ans, aux nombreux facteurs de risques
cardiovasculaires, dont l'association des signes cliniques obéit à une systématisation artérielle
réalisant les syndromes alternes du tronc cérébral.
Abcès cérébraux
Ils représentent le principal diagnostic différentiel pouvant donner le change avec une tumeur
du tronc cérébral. L'augmentation en quelques jours d'une lésion arrondie et finement cerclée
doit faire penser à un abcès, motivant la réalisation d'une biopsie en conditions stéréotaxiques
en cas de doute diagnostique.
Tuberculose
Chez un patient originaire d'Afrique du Nord, la tuberculose doit être envisagée. Le traitement
radical antituberculeux associé à une corticothérapie initiale est efficace. Il existe alors une
dissociation clinicoradiologique, l'imagerie étant plus lente à se normaliser.
Cysticercose
La cysticercose est la parasitose du système nerveux central la plus fréquente. La
neurocysticercose dans sa forme intraparenchymateuse peut intéresser le tronc cérébral ; les
lésions sont rarement uniques.
Kystes intracérébraux multiples
La notion de séjour en zone d'endémie et la mise en évidence de kystes intracérébraux
multiples sur les séquences pondérées en T1 sur l'IRM font évoquer le diagnostic. Les
sérologies sanguines et dans le liquide cérébrospinal (LCS) apportent la preuve d'une
séroconversion et justifient la prescription d'un traitement médical par albendazole (Zentel®).
Examens complémentaires
Ponction lombaire
Elle n'a plus de raison d'être pratiquée lorsqu'une tumeur du tronc cérébral est suspectée. Le
plus souvent, le LCS est normal, il peut exister une hyperalbuminorachie et une
hypercellularité modérée réactionnelle. Sa réalisation peut être d'une certaine utilité, en
l'absence d'hypertension intracrânienne patente, lorsqu'une méningorhombencéphalite est
suspectée, ou encore lorsque des cellules anormales sont recherchées, dans le cadre des
lymphomes par exemple.
Radiographies
Les radiographies du crâne sont le plus souvent normales dans les gliomes du tronc cérébral,
ces tumeurs étant rarement calcifiées. Néanmoins, il peut exister des signes d'hypertension
intracrânienne chronique lorsque ces lésions sont responsables d'une symptomatologie
d'hydrocéphalie. On recherchera alors chez l'enfant une dysjonction des sutures de la voûte
crânienne, des empreintes digitiformes, un émoussement des apophyses clinoïdes
postérieures.
Tomodensitométrie cérébrale
Cet examen permet de mettre en évidence ou de suspecter plus de 90 % des tumeurs du tronc
cérébral [4]. Néanmoins, un examen tomodensitométrique cérébral normal ne doit pas faire
récuser le diagnostic de tumeur du tronc cérébral avant qu'une IRM soit réalisée. Avant l'ère
de l'IRM, certaines tumeurs du mésencéphale, s'insinuant dans l'aqueduc du mésencéphale,
restaient méconnues et étaient traitées comme une hydrocéphalie par sténose congénitale de
l'aqueduc du mésencéphale.
L'examen tomodensitométrique objective des signes indirects de tumeurs du tronc cérébral en
montrant une hydrocéphalie sus-jacente épargnant le IVe ventricule, un effacement des
citernes sous-arachnoïdiennes de la fosse postérieure, une déviation latérale ou plus souvent
postérieure du IVe ventricule.
Ces tumeurs déforment le tronc cérébral, qui devient gonflé, soufflé. Elles sont le plus souvent
spontanément hypodenses ou isodenses, se rehaussant modérément après injection de produit
de contraste. Alors que les tumeurs spontanément hypodenses, homogènes, bien limitées, se
rehaussant massivement après injection de produit de contraste sont plutôt des tumeurs de bas
grade [9], les tumeurs mal limitées, ne se rehaussant pas ou de façon inhomogène après
injection de produit de contraste sont des tumeurs de haut grade et donc de moins bon
pronostic.
Ces données sont inhabituelles par comparaison avec les tumeurs gliales sus-tentorielles [4].
Les tumeurs diffuses, non exophytiques, envahissant l'ensemble du tronc cérébral, sont de
moins bon pronostic que les tumeurs localisées au bulbe ou au mésencéphale [1].
L'engainement du tronc basilaire en avant, caractéristique des tumeurs pontiques infiltrantes,
est également un facteur pronostique péjoratif [9].
Imagerie par résonance magnétique
L'IRM est le maître examen dans l'exploration des tumeurs du tronc cérébral, permettant
d'affirmer le diagnostic et de préciser le degré d'infiltration des différents constituants du tronc
cérébral. Elle doit comprendre au moins les trois plans en T1, les plans axial et sagittal en T2,
avec injection de gadolinium en T1.
Les tumeurs gliales de bas grade, sur les séquences pondérées en T1, sont bien limitées avec
des contours nets, arrondis, en isosignal par rapport au parenchyme (fig 2 et 3) ; les tumeurs
kystiques présentent un hyposignal identique à celui du LCS. Sur les séquences pondérées en
T2, l'hypersignal est hétérogène, dépassant les limites tumorales du T1. Cet hypersignal reste
inférieur à celui du LCS [9]. Après injection de gadolinium, l'hypersignal est intense, arrondi
ou ovalaire. Les kystes restent en hyposignal, identique au LCS (fig 3).
À l'inverse, les tumeurs de haut grade sont, sur les séquences pondérées en T1, mal limitées,
avec des plages d'isosignal jouxtant des zones d'hyposignaux sans hyposignal intense (fig 1,
A). Sur les séquences pondérées en T2, l'hypersignal est intense, supérieur à celui du LCS,
homogène, dépassant les limites morphologiques vues en T1 (fig 1, B). Le rehaussement
tumoral après injection de gadolinium est discret ou irrégulier en nappes. L'étude en incidence
sagittale permet parfaitement d'apprécier la limite supérieure et inférieure de la tumeur, un
éventuel comblement du IVe ventricule ou une extension tumorale dans les citernes sousarachnoïdiennes de la fosse postérieure.
Traitement
Chirurgie
•
•
Symptomatique : il consiste à dériver une hydrocéphalie obstructive. Les tumeurs
mésencéphaliques de bas grade obstruant l'aqueduc du mésencéphale, ayant une
symptomatologie d'hypertension intracrânienne pure, sans signe d'atteinte du tronc
cérébral, sont ainsi simplement traitées, sous couvert d'une surveillance stricte de la
croissance tumorale par IRM [17]. Ces hydrocéphalies doivent être dérivées en faisant
varier progressivement le mode de pression de drainage, compte tenu du risque
d'hématome sous-dural bilatéral secondaire à l'hyperdrainage [25].
Exérèse radicale : la localisation spatiale de la tumeur et les effets secondaires de
chaque voie d'abord dictent le choix de celle-ci.
o Les tumeurs du mésencéphale à extension latérale sont abordées par voie soustemporale transtentorielle, le lobe temporal est progressivement récliné après
assèchement de la citerne de l'incisure tentorielle.
o Les tumeurs mésencéphaliques à développement postérieur sont abordées par
voie sous-tentorielle supracérébelleuse [23], malade placé en position assise,
elle nécessite le sacrifice des attaches veineuses cérébellotentorielles.
e
o Les tumeurs exophytiques dans le IV ventricule sont abordées par voie sousoccipitale médiane, l'exérèse tumorale est totale ou subtotale si la partie
tumorale infiltrant le tronc cérébral est trop importante.
e
o Les tumeurs superficielles du plancher du IV ventricule sont abordées par voie
sous-occipitale médiane ; l'incision du vermis inférieur suffit pour visualiser
l'ensemble du plancher du IVe ventricule. L'incision du plancher est réalisée à
l'endroit où la tumeur affleure le plancher. Cette voie expose toujours à des
séquelles plus ou moins graves, en fonction de la localisation exacte de la
tumeur.
o Les tumeurs bulbaires et bulbomédullaires sont abordées également par voie
sous-occipitale médiane. La craniotomie occipitale est étendue en bas aux arcs
postérieurs des premières vertèbres cervicales [6]. Le pôle inférieur de la
tumeur peut être repéré par ultrasons [6].
Cette chirurgie radicale a largement bénéficié des nouvelles techniques de microchirurgie telle
l'utilisation des aspirateurs ultrasoniques [3] et des lasers. Cette chirurgie difficile est réalisée
sous monitoring des potentiels évoqués auditifs et somesthésiques [3]. Les techniques
modernes d'électrophysiologie permettent de localiser les noyaux des VII, IX, X et XIe paires
crâniennes au niveau du plancher du IVe ventricule [6], en peropératoire.
Biopsie stéréotaxique
La biopsie stéréotaxique est réalisée sous anesthésie générale chez l'enfant, sous anesthésie
locale chez l'adulte. Les cadres stéréotaxiques récents, couplés à l'imagerie moderne,
autorisent une méthodologie plus légère. Ainsi, pour les tumeurs du tronc cérébral, deux voies
d'abord sont possibles. La voie sous-occipitale transcérébelleuse permet de biopsier les lésions
pontiques, alors que la voie transfrontale rétrocoronale est utilisée pour biopsier les tumeurs
mésencéphaliques [28]. La mortalité est inférieure à 1 %, le risque principal est l'hémorragie
intratumorale.
La biopsie en conditions stéréotaxiques doit être réalisée à chaque fois qu'un geste chirurgical
radical ou subtotal n'est pas envisagé, en tout cas à chaque fois avant qu'un traitement
complémentaire par radiothérapie ou chimiothérapie ne soit entrepris. Une exception à cette
règle est le gliome diffus du tronc cérébral, qui est toujours à épicentre pontique ; il a une
évolution clinique et radiologique si caractéristique chez l'enfant que certaines équipes [2, 7,
9, 29] ne font pas de biopsie avant de débuter les traitements complémentaires, arguant le fait
que chez l'enfant, toutes les tumeurs diffuses sont de haut grade, inaccessibles aux traitements
complémentaires actuels.
Radiothérapie
Radiothérapie externe
•
•
•
•
Le volume cible comprend la tumeur, mesurée sur les documents d'imagerie
préopératoire, ainsi qu'une marge de sécurité de 1,5 à 2 cm comprenant l'oedème
périlésionnel dans les tumeurs de haut grade. Une dose de 50 à 60 Gy est ainsi délivrée
à raison de 1,5 à 2 Gy/j, 5 jours par semaine. La radiothérapie cérébrale est débutée
sous couvert d'une corticothérapie efficace. Les résultats sont difficiles à analyser car
bien souvent, les séries de tumeurs irradiées sont hétérogènes, comprenant des tumeurs
de bas grade de bon pronostic, et des tumeurs de haut grade, au pronostic redoutable
[10].
L'irradiation multifractionnée permet d'augmenter la dose quotidienne et la dose totale.
Deux séances quotidiennes de 1,2 à 2 Gy sont réalisées, pouvant atteindre des doses
cumulées de 72 et 78 Gy [21, 22]. L'efficacité reste relative avec moins de 5 % de
survie à 5 ans dans le cadre des gliomes diffus du tronc cérébral.
L'irradiation interstitielle consiste à implanter en conditions stéréotaxiques, sous
anesthésie locale, des fils d'iridium 192, ou des grains d'iode 125 au niveau du site
tumoral. Une dose de 60 Gy est ainsi délivrée [19]. Les résultats ne semblent pas
supérieurs aux autres modalités d'irradiation.
Radiochirurgie stéréotaxique : la radiochirurgie stéréotaxique (gamma unit ou
irradiation multifaisceaux) est réservée aux tumeurs dont le diamètre est inférieur à 25
mm. L'utilisation de multiples minifaisceaux convergents permet de réaliser une
irradiation isocentrique, la dose distribuée en dehors de cette sphère étant négligeable.
Elle semble produire des résultats intéressants [11] qui devront être confirmés à plus
grande échelle sur des séries homogènes de malades.
Chimiothérapie
Même si l'efficacité des nitrosourées est reconnue dans le traitement des tumeurs cérébrales
de haut grade, il faut bien reconnaître que les chimiothérapies lourdes actuelles restent peu
efficaces. L'utilisation de substances radiosensibilisantes, tel le cisplatine associé à une
irradiation externe hyperfractionnée, semble une nouvelle voie d'espoir [14].
Indications et pronostic
Deux grands groupes de tumeurs du tronc cérébral peuvent donc être isolés :
•
les gliomes diffus du tronc cérébral, à épicentre pontique, dont les signes cliniques
apparaissent et se majorent rapidement. L'IRM montre une tumeur aux contours flous,
•
très intense en T2, pouvant engainer le tronc basilaire en avant, infiltrant le
mésencéphale et le bulbe. Ces tumeurs représentent 50 % des gliomes du tronc
cérébral chez l'enfant. La radiothérapie externe est le traitement complémentaire
réalisé le plus fréquemment, se soldant par une amélioration transitoire de quelques
mois puis le décès survient dans les 2 à 3 ans qui suivent le diagnostic initial [9, 29] ;
les tumeurs focalisées du tronc cérébral sont souvent de meilleur pronostic car elles
sont de bas grade et accessibles à un geste chirurgical :
e
o les tumeurs exophytiques du IV ventricule doivent être opérées, l'exérèse
tumorale doit être totale ou subtotale. Ces tumeurs sont très souvent des
astrocytomes pilocytiques [15]. L'irradiation est réservée aux rares tumeurs de
haut grade, ou aux récidives postopératoires. Lorsqu'il s'agit initialement de
tumeurs de bas grade, la récidive se produit selon le même mode, sans
changement de grade et est donc accessible à une réintervention [24]. La survie
moyenne est de 8 ans [30] ;
o les tumeurs bulbaires et bulbomédullaires sont en général de bas grade et sont
donc opérables. L'exérèse doit être là aussi complète. Les gangliogliomes sont
plus fréquents dans cette localisation. Le traitement doit être chirurgical, visant
à réaliser une exérèse complète [8]. Le pronostic est bon dans les tumeurs de
bas grade avec une moyenne de survie de 70 % à 36 mois [9] ; dans les
tumeurs de haut grade, une irradiation adjuvante est réalisée ;
o les tumeurs mésencéphaliques sont généralement de bas grade, et donc de bon
pronostic lorsqu'une exérèse complète est réalisée. La survie moyenne atteint
80 % à 36 mois [9] ; des survies très longues de 10 et 22 ans ont été rapportées
;
o les tumeurs focalisées pontiques sont de moins bon pronostic puisqu'il s'agit
très souvent de tumeurs de haut grade dont l'évolution se rapproche des
gliomes diffus du tronc cérébral. La biopsie stéréotaxique trouve ici une bonne
indication : si la tumeur est de haut grade, une irradiation est proposée, si la
tumeur est de bas grade et affleure le plancher du IVe ventricule, une
intervention est envisageable.
© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Toute référence à cet article doit porter la mention : Michel Jan, Patrick François. Tumeurs
du tronc cérébral. EMC - Neurologie 1998:1-0 [Article 17-270-A-50].
Fig 1 :
Astrocytome fibrillaire anaplasique pontomésencéphalique (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M
, avec l'accord de l'éditeur).
[9]
A. Coupe sagittale T1 : lésion hétérogène en hyposignal modéré, mal limitée au niveau de son
bord supérieur et réalisant un aspect en coquetier caractéristique au niveau de son pôle
inférieur.
B. Coupe sagittale T2 : hypersignal intense, supérieur à celui du liquide cérébrospinal,
dépassant les limites tumorales observées en T1. Engainement caractéristique de l'artère
basilaire.
C. Coupe axiale T2 : lésion soufflant la protubérance avec inclusion de l'artère basilaire.
Fig 2 :
Astrocytome pilocytique bulbaire (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord de
l'éditeur).
Coupe sagittale T1 avec contraste montrant une lésion bien limitée, arrondie, hétérogène,
coiffée d'un kyste postérosupérieur, prenant fortement le gadolinium de façon homogène alors
que le kyste gardes son hyposignal identique à celui du liquide cérébrospinal.
Fig 3 :
Astrocytome pilocytique mésencéphalique (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord
de l'éditeur).
Coupe sagittale T1 sans contraste montrant une tumeur bien limitée, arrondie, hétérogène
avec une composante microkystique. Dilatation ventriculaire sus-jacente.
Fig 4 :
Astrocytome pilocytique (coupe paraffine, trichrome de Masson, × 330) (d'après Guy G,
Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord de l'éditeur).
Prolifération tumorale constituée de petits astrocytes allongés. Noter la présence de fibres de
Rosenthal (flèches).