Tumeurs du tronc cérébral - site de l`association GENS
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Tumeurs du tronc cérébral [17-270-A-50] Michel Jan : Professeur des Universités, praticien hospitalier Clinique neurochirurgicale, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 37044 Tours cedex France Patrick François : Interne des Hôpitaux Introduction Le tronc cérébral est constitué par le bulbe et le pont qui dérivent embryologiquement du rhombencéphale, et le mésencéphale issu de la transformation de la vésicule cérébrale primitive. Il livre passage aux voies sensitivomotrices, cérébelleuses, contient les noyaux des dix dernières paires crâniennes et possède des formations propres telle la formation réticulaire. Enfin, l'aqueduc du mésencéphale fait communiquer les IIIe et IVe ventricules. Cette richesse anatomique rend compte des difficultés du traitement chirurgical des tumeurs du tronc cérébral, polymorphes, largement dominées par le problème des tumeurs neuroépithéliales. Généralités Les tumeurs du tronc cérébral ont pendant longtemps été considérées comme inabordables chirurgicalement et donc constamment mortelles quelles que soient leurs caractéristiques anatomopathologiques. Néanmoins, avant l'ère de l'imagerie moderne, l'existence d'une déviation de l'aqueduc du mésencéphale, un comblement du IVe ventricule sur une encéphalographie ou une ventriculographie, ainsi qu'une histoire clinique évocatrice anormalement longue ont conduit à " explorer " chirurgicalement certaines tumeurs du tronc cérébral. Beaucoup plus récemment, Hoffman [12], en 1980, sur des critères cliniques et tomodensitométriques, a isolé un premier groupe de tumeurs du tronc cérébral exophytiques comblant le IVe ventricule, à l'origine d'une hydrocéphalie, dont l'exérèse chirurgicale totale ou subtotale entraînait une survie prolongée, voire une guérison. Stroink, en 1986 [29], a isolé quatre grands types de tumeurs du tronc cérébral : des tumeurs exophytiques dans le IVe ventricule, des tumeurs focales se rehaussant fortement après injection de produit de contraste, de bon pronostic si une exérèse complète était réalisée, des tumeurs diffuses ou kystiques de moins bon pronostic. Epstein [7], en 1986, a isolé également des tumeurs de localisation bulbaire et bulbomédullaire, dont les limites, nettement individualisables par l'IRM, ont fait que l'exérèse chirurgicale subtotale ou complète entraînait des survies prolongées, voire des guérisons. Il rapprochait ces tumeurs de bas grade des tumeurs médullaires. Vandertop [31], en 1992, a individualisé les tumeurs du tegmentum, bien limitées, se rehaussant fortement après injection de produit de contraste, dont l'exérèse chirurgicale subtotale suivie ou non de radiothérapie, entraînait des survies prolongées. On a vu ainsi progressivement apparaître une notion fondamentale dans le domaine des tumeurs du tronc cérébral, celle de l'hétérogénéité. À côté des gliomes diffus du tronc cérébral, de sombre pronostic, inaccessibles aux traitements complémentaires actuels, on peut décrire plusieurs types de tumeurs focalisées du tronc cérébral accessibles à un traitement chirurgical dont l'exérèse complète ou subtotale entraîne des survies prolongées, voire des guérisons au prix de séquelles tolérables. L'IRM a pris dans ce domaine une place prépondérante puisqu'elle représente la clé de voûte des raisonnements diagnostiques et thérapeutiques. Epidémiologie Les tumeurs du tronc cérébral sont avant tout des tumeurs de l'enfant puisqu'elles représentent 10 à 20 % des tumeurs cérébrales, 20 à 25 % des tumeurs infratentorielles [5, 25], alors qu'elles représentent moins de 1,5 % de l'ensemble des tumeurs cérébrales chez l'adulte [9]. Il n'existe pas de prédominance masculine ou féminine. Les tumeurs bénignes, de bas grade, se répartissent de façon équivalente chez l'adulte, alors que les tumeurs malignes, de haut grade, semblent plus fréquentes chez les enfants, avec un maximum entre 5 et 20 ans [9]. Histopathologie Les tumeurs du tronc cérébral sont largement dominées par les tumeurs neuroépithéliales, principalement les astrocytomes. Nous utiliserons la classification de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1993 [16]. D'autres variétés histologiques tumorales peuvent se rencontrer au niveau du tronc cérébral, tels les hémangioblastomes, les lymphomes cérébraux, les métastases, les kystes épidermoïdes. Tumeurs neuroépithéliales On distingue les gliomes de bas grade, contenant : • • grade I : o astrocytomes pilocytiques ; o subépendymome ; o épendymome papillaire ; grade II : o astrocytome fibrillaire ; o astrocytome gémistocytique ; o astrocytome protoplasmique ; o oligodendrogliome ; o épendymome ; et les gliomes de haut grade, comprenant : • grade III : o astrocytomes anaplasiques quel que soit le type cytologique initial ; o oligodendrogliome anaplasique ; • o épendymome anaplasique ; grade IV : o glioblastome. Les astrocytomes fibrillaires et pilocytiques sont particulièrement fréquents au niveau du tronc cérébral [5]. L'astrocytome anaplasique de type fibrillaire est l'archétype même du gliome diffus du tronc cérébral. Ces petits astrocytes siègent préférentiellement dans la protubérance qu'ils déforment en la rendant globuleuse, soufflée de façon plus ou moins symétrique, pouvant encercler en avant le tronc basilaire (fig 1). Ces astrocytes sont agressifs en vertu de leur caractéristique infiltrative, pouvant envahir à partir de la protubérance le mésencéphale ou le bulbe. Le grade III de l'OMS ou astrocytome anaplasique est caractérisé par une activité mitotique élevée avec hypercellularité, alors que l'existence d'une prolifération vasculaire, de foyers de nécrose ou d'une hypercellularité signe le stade IV ou glioblastome. Ces astrocytomes tumoraux fibrillaires peuvent, en proliférant, encercler de petits îlots neuronaux et donner le change sur le plan histologique avec les tumeurs neuronales, du type gangliogliomes. L'astrocytome pilocytique représente approximativement 20 % des gliomes du tronc cérébral. Il est caractérisé par une prolifération de cellules allongées bipolaires contenant des gliofilaments. Il peut exister des microkystes qui peuvent confluer pour former des macrokystes (fig 2). Macroscopiquement, ces tumeurs sont mieux limitées, de consistance ferme. Les cellules endothéliales, au contact de ces astrocytes, sont souvent dépourvues de jonctions serrées, ce qui explique le rehaussement tumoral important sur les examens morphologiques après injection de produit de contraste (fig 3). Ces astrocytomes sont par ailleurs caractérisés sur le plan microscopique par des fibres de Rosenthal (fig 4), des corpuscules éosinophiles, parfois des calcifications. L'existence de ces fibres de Rosenthal serait un argument de bon pronostic [1]. Enfin, les tumeurs exophytiques du IVe ventricule, de meilleur pronostic car accessibles à un geste chirurgical [30], sont souvent des astrocytomes pilocytiques [15]. Tumeurs neuronales Les gangliogliomes sont des tumeurs mixtes gliales et neuronales composées de cellules ganglionnaires matures et de cellules gliales néoplasiques. Des kystes, des infiltrats lymphocytaires périvasculaires ainsi que des calcifications sont parfois rencontrés. Le contingent neuronal est identifié grâce à la présence de corps de Nissl et de neurofibrilles. Le pronostic des gangliogliomes est difficile à évaluer, l'évolution est en règle très lente. Il s'agit de tumeurs de l'enfant et de l'adulte jeune, tous les cas rapportés dans la littérature ont moins de 30 ans. Hémangioblastomes Les hémangioblastomes du plancher du IVe ventricule sont rares [26] et siègent en général à la partie inférieure du bulbe dans la région de l'area postrema. Ces tumeurs peuvent être également intrabulbaires pures, sans contact avec l'épendyme. Dans cette localisation, les formes microkystiques et solides sont les plus fréquentes, faites d'une prolifération de capillaires sinueux, parfois volumineux et d'un tissu tumoral intercapillaire formé de cellules principales à cytoplasme clair. Elles peuvent survenir isolément ou dans le cadre de l'angiomatose de von Hippel-Lindau. Lymphomes du tronc cérébral Cette localisation est exceptionnelle, représentant moins de 3 % de l'ensemble des lymphomes cérébraux primitifs [18]. Les lymphomes cérébraux primitifs de type T, plus rares, semblent prédominer au niveau du tronc cérébral. Il existe une prédominance masculine nette ; ces lymphomes de type T seraient de meilleur pronostic que les lymphomes de type B. Il s'agit le plus souvent d'une prolifération de petits lymphocytes infiltrant le parenchyme sain ou formant de petits nodules prédominant toujours dans les espaces périvasculaires. Il existe fréquemment une gliose périphérique réactionnelle. Métastases du tronc cérébral Les métastases du tronc cérébral sont des tumeurs rares ; 10 % des métastases du système nerveux central intéressent le tronc cérébral [13]. Elles se présentent sous la forme d'une masse bien limitée, arrondie, prédominant au niveau du pont. Le cancer primitif est pulmonaire (46 %), mammaire (15 %), cutané (9 %), rénal et thyroïdien (4,5 %). Kystes épidermoïdes Les kystes épidermoïdes représentent 0,2 à 1,8 % de l'ensemble des tumeurs cérébrales ; leur localisation au tronc cérébral reste exceptionnelle puisque seulement six cas ont été décrits [20]. Il s'agit le plus souvent de tumeurs développées au niveau des citernes prépontiques, s'insinuant dans le tronc cérébral en accompagnant les vaisseaux destinés à sa vascularisation. Histologiquement, ces tumeurs sont constituées d'un empilement de lamelles de kératine leur donnant leur aspect de tumeur perlée. Clinique À la phase initiale, la symptomatologie clinique est souvent fruste et par essence même variable en fonction de la localisation tumorale. La rapidité d'installation des troubles est un facteur pronostique essentiel [1, 9]. Lorsque la symptomatologie apparaît et s'enrichit rapidement, en moins de 6 mois, il s'agit de tumeurs de haut grade. À l'inverse, une installation insidieuse, supérieure à 6 mois, est de bon pronostic [8, 9]. Tumeurs bulbaires Il existe très souvent un syndrome pyramidal d'abord réflexe puis déficitaire, associé à une atteinte cérébelleuse concourant à perturber la marche. L'atteinte sensitive est le plus souvent discrète, dissociée, atteignant les voies lemniscale ou extralemniscale, respectant le plus souvent la face. S'il existe une atteinte faciale, les troubles sensitifs intéressent uniquement la sensibilité thermoalgique, respectant la sensibilité épicritique. L'atteinte des dernières paires crâniennes est plus évocatrice des tumeurs bulbaires associant une paralysie de l'hémivoile, de l'hémipharynx, une atteinte des muscles céphalogyres ou encore une hémiatrophie linguale. Les fonctions végétatives bulbaires peuvent être à l'origine de troubles dysautonomiques gravissimes peropératoires. Tumeurs pontiques Les atteintes motrices et sensitives sont controlatérales à la lésion au niveau des membres alors que l'atteinte faciale est ipsilatérale, tout comme l'atteinte cérébelleuse. L'atteinte associée du VI et du VII, compte tenu de la proximité anatomique du noyau du VI et des fibres radiculaires du VII, prend toute son importance pour localiser à la protubérance une lésion responsable d'un syndrome pyramidal, ou d'un déficit sensitif des membres. Les troubles oculomoteurs sont principalement représentés par des troubles de la latéralité par atteinte du noyau du VI, auxquels participent les lésions de la formation réticulaire pontique perturbant les mouvements de saccade. Les tumeurs pontiques exophytiques dans le IVe ventricule sont responsables d'une symptomatologie d'hypertension intracrânienne par hydrocéphalie, parfois associée à une atteinte des voies longues, du VI ou du VII, en fonction du degré d'infiltration du plancher du IVe ventricule. Tumeurs mésencéphaliques Ces tumeurs, souvent de petite taille, peuvent obstruer l'aqueduc du mésencéphale et être à l'origine d'une symptomatologie d'hypertension intracrânienne pure, isolée, par hydrocéphalie obstructive [23, 27]. Le tableau clinique comprend alors des céphalées, des vomissements avec obnubilation, puis apparaît une stase papillaire aboutissant à l'atrophie optique. Parallèlement, il peut apparaître chez l'enfant une macrocéphalie avec dilatation des fontanelles puis disjonction des os du crâne. L'atteinte du III associée à une hémiplégie croisée intéressant la face est évocatrice de lésions pédonculaires. Les lésions médianes peuvent être à l'origine d'un syndrome de Parinaud, associé à des troubles de la vigilance par lésion de la formation réticulée pontomésencéphalique. Il peut exister des mouvements involontaires à type de dyskinésie volitionnelle d'attitude. Diagnostic différentiel Tous les processus expansifs intéressant le tronc cérébral ne sont pas des tumeurs. Ces diagnostics différentiels ont largement bénéficié de l'avènement de l'IRM. Sclérose en plaques Le début de la maladie dans la jeune enfance est rare ; l'évolution par poussées dans le temps et dans l'espace est assez évocatrice. L'IRM montre alors des plaques de démyélinisation souvent plus nombreuses que le suggérait l'examen clinique. Accidents vasculaires ischémiques Ils concernent plus volontiers l'homme de plus de 50 ans, aux nombreux facteurs de risques cardiovasculaires, dont l'association des signes cliniques obéit à une systématisation artérielle réalisant les syndromes alternes du tronc cérébral. Abcès cérébraux Ils représentent le principal diagnostic différentiel pouvant donner le change avec une tumeur du tronc cérébral. L'augmentation en quelques jours d'une lésion arrondie et finement cerclée doit faire penser à un abcès, motivant la réalisation d'une biopsie en conditions stéréotaxiques en cas de doute diagnostique. Tuberculose Chez un patient originaire d'Afrique du Nord, la tuberculose doit être envisagée. Le traitement radical antituberculeux associé à une corticothérapie initiale est efficace. Il existe alors une dissociation clinicoradiologique, l'imagerie étant plus lente à se normaliser. Cysticercose La cysticercose est la parasitose du système nerveux central la plus fréquente. La neurocysticercose dans sa forme intraparenchymateuse peut intéresser le tronc cérébral ; les lésions sont rarement uniques. Kystes intracérébraux multiples La notion de séjour en zone d'endémie et la mise en évidence de kystes intracérébraux multiples sur les séquences pondérées en T1 sur l'IRM font évoquer le diagnostic. Les sérologies sanguines et dans le liquide cérébrospinal (LCS) apportent la preuve d'une séroconversion et justifient la prescription d'un traitement médical par albendazole (Zentel®). Examens complémentaires Ponction lombaire Elle n'a plus de raison d'être pratiquée lorsqu'une tumeur du tronc cérébral est suspectée. Le plus souvent, le LCS est normal, il peut exister une hyperalbuminorachie et une hypercellularité modérée réactionnelle. Sa réalisation peut être d'une certaine utilité, en l'absence d'hypertension intracrânienne patente, lorsqu'une méningorhombencéphalite est suspectée, ou encore lorsque des cellules anormales sont recherchées, dans le cadre des lymphomes par exemple. Radiographies Les radiographies du crâne sont le plus souvent normales dans les gliomes du tronc cérébral, ces tumeurs étant rarement calcifiées. Néanmoins, il peut exister des signes d'hypertension intracrânienne chronique lorsque ces lésions sont responsables d'une symptomatologie d'hydrocéphalie. On recherchera alors chez l'enfant une dysjonction des sutures de la voûte crânienne, des empreintes digitiformes, un émoussement des apophyses clinoïdes postérieures. Tomodensitométrie cérébrale Cet examen permet de mettre en évidence ou de suspecter plus de 90 % des tumeurs du tronc cérébral [4]. Néanmoins, un examen tomodensitométrique cérébral normal ne doit pas faire récuser le diagnostic de tumeur du tronc cérébral avant qu'une IRM soit réalisée. Avant l'ère de l'IRM, certaines tumeurs du mésencéphale, s'insinuant dans l'aqueduc du mésencéphale, restaient méconnues et étaient traitées comme une hydrocéphalie par sténose congénitale de l'aqueduc du mésencéphale. L'examen tomodensitométrique objective des signes indirects de tumeurs du tronc cérébral en montrant une hydrocéphalie sus-jacente épargnant le IVe ventricule, un effacement des citernes sous-arachnoïdiennes de la fosse postérieure, une déviation latérale ou plus souvent postérieure du IVe ventricule. Ces tumeurs déforment le tronc cérébral, qui devient gonflé, soufflé. Elles sont le plus souvent spontanément hypodenses ou isodenses, se rehaussant modérément après injection de produit de contraste. Alors que les tumeurs spontanément hypodenses, homogènes, bien limitées, se rehaussant massivement après injection de produit de contraste sont plutôt des tumeurs de bas grade [9], les tumeurs mal limitées, ne se rehaussant pas ou de façon inhomogène après injection de produit de contraste sont des tumeurs de haut grade et donc de moins bon pronostic. Ces données sont inhabituelles par comparaison avec les tumeurs gliales sus-tentorielles [4]. Les tumeurs diffuses, non exophytiques, envahissant l'ensemble du tronc cérébral, sont de moins bon pronostic que les tumeurs localisées au bulbe ou au mésencéphale [1]. L'engainement du tronc basilaire en avant, caractéristique des tumeurs pontiques infiltrantes, est également un facteur pronostique péjoratif [9]. Imagerie par résonance magnétique L'IRM est le maître examen dans l'exploration des tumeurs du tronc cérébral, permettant d'affirmer le diagnostic et de préciser le degré d'infiltration des différents constituants du tronc cérébral. Elle doit comprendre au moins les trois plans en T1, les plans axial et sagittal en T2, avec injection de gadolinium en T1. Les tumeurs gliales de bas grade, sur les séquences pondérées en T1, sont bien limitées avec des contours nets, arrondis, en isosignal par rapport au parenchyme (fig 2 et 3) ; les tumeurs kystiques présentent un hyposignal identique à celui du LCS. Sur les séquences pondérées en T2, l'hypersignal est hétérogène, dépassant les limites tumorales du T1. Cet hypersignal reste inférieur à celui du LCS [9]. Après injection de gadolinium, l'hypersignal est intense, arrondi ou ovalaire. Les kystes restent en hyposignal, identique au LCS (fig 3). À l'inverse, les tumeurs de haut grade sont, sur les séquences pondérées en T1, mal limitées, avec des plages d'isosignal jouxtant des zones d'hyposignaux sans hyposignal intense (fig 1, A). Sur les séquences pondérées en T2, l'hypersignal est intense, supérieur à celui du LCS, homogène, dépassant les limites morphologiques vues en T1 (fig 1, B). Le rehaussement tumoral après injection de gadolinium est discret ou irrégulier en nappes. L'étude en incidence sagittale permet parfaitement d'apprécier la limite supérieure et inférieure de la tumeur, un éventuel comblement du IVe ventricule ou une extension tumorale dans les citernes sousarachnoïdiennes de la fosse postérieure. Traitement Chirurgie • • Symptomatique : il consiste à dériver une hydrocéphalie obstructive. Les tumeurs mésencéphaliques de bas grade obstruant l'aqueduc du mésencéphale, ayant une symptomatologie d'hypertension intracrânienne pure, sans signe d'atteinte du tronc cérébral, sont ainsi simplement traitées, sous couvert d'une surveillance stricte de la croissance tumorale par IRM [17]. Ces hydrocéphalies doivent être dérivées en faisant varier progressivement le mode de pression de drainage, compte tenu du risque d'hématome sous-dural bilatéral secondaire à l'hyperdrainage [25]. Exérèse radicale : la localisation spatiale de la tumeur et les effets secondaires de chaque voie d'abord dictent le choix de celle-ci. o Les tumeurs du mésencéphale à extension latérale sont abordées par voie soustemporale transtentorielle, le lobe temporal est progressivement récliné après assèchement de la citerne de l'incisure tentorielle. o Les tumeurs mésencéphaliques à développement postérieur sont abordées par voie sous-tentorielle supracérébelleuse [23], malade placé en position assise, elle nécessite le sacrifice des attaches veineuses cérébellotentorielles. e o Les tumeurs exophytiques dans le IV ventricule sont abordées par voie sousoccipitale médiane, l'exérèse tumorale est totale ou subtotale si la partie tumorale infiltrant le tronc cérébral est trop importante. e o Les tumeurs superficielles du plancher du IV ventricule sont abordées par voie sous-occipitale médiane ; l'incision du vermis inférieur suffit pour visualiser l'ensemble du plancher du IVe ventricule. L'incision du plancher est réalisée à l'endroit où la tumeur affleure le plancher. Cette voie expose toujours à des séquelles plus ou moins graves, en fonction de la localisation exacte de la tumeur. o Les tumeurs bulbaires et bulbomédullaires sont abordées également par voie sous-occipitale médiane. La craniotomie occipitale est étendue en bas aux arcs postérieurs des premières vertèbres cervicales [6]. Le pôle inférieur de la tumeur peut être repéré par ultrasons [6]. Cette chirurgie radicale a largement bénéficié des nouvelles techniques de microchirurgie telle l'utilisation des aspirateurs ultrasoniques [3] et des lasers. Cette chirurgie difficile est réalisée sous monitoring des potentiels évoqués auditifs et somesthésiques [3]. Les techniques modernes d'électrophysiologie permettent de localiser les noyaux des VII, IX, X et XIe paires crâniennes au niveau du plancher du IVe ventricule [6], en peropératoire. Biopsie stéréotaxique La biopsie stéréotaxique est réalisée sous anesthésie générale chez l'enfant, sous anesthésie locale chez l'adulte. Les cadres stéréotaxiques récents, couplés à l'imagerie moderne, autorisent une méthodologie plus légère. Ainsi, pour les tumeurs du tronc cérébral, deux voies d'abord sont possibles. La voie sous-occipitale transcérébelleuse permet de biopsier les lésions pontiques, alors que la voie transfrontale rétrocoronale est utilisée pour biopsier les tumeurs mésencéphaliques [28]. La mortalité est inférieure à 1 %, le risque principal est l'hémorragie intratumorale. La biopsie en conditions stéréotaxiques doit être réalisée à chaque fois qu'un geste chirurgical radical ou subtotal n'est pas envisagé, en tout cas à chaque fois avant qu'un traitement complémentaire par radiothérapie ou chimiothérapie ne soit entrepris. Une exception à cette règle est le gliome diffus du tronc cérébral, qui est toujours à épicentre pontique ; il a une évolution clinique et radiologique si caractéristique chez l'enfant que certaines équipes [2, 7, 9, 29] ne font pas de biopsie avant de débuter les traitements complémentaires, arguant le fait que chez l'enfant, toutes les tumeurs diffuses sont de haut grade, inaccessibles aux traitements complémentaires actuels. Radiothérapie Radiothérapie externe • • • • Le volume cible comprend la tumeur, mesurée sur les documents d'imagerie préopératoire, ainsi qu'une marge de sécurité de 1,5 à 2 cm comprenant l'oedème périlésionnel dans les tumeurs de haut grade. Une dose de 50 à 60 Gy est ainsi délivrée à raison de 1,5 à 2 Gy/j, 5 jours par semaine. La radiothérapie cérébrale est débutée sous couvert d'une corticothérapie efficace. Les résultats sont difficiles à analyser car bien souvent, les séries de tumeurs irradiées sont hétérogènes, comprenant des tumeurs de bas grade de bon pronostic, et des tumeurs de haut grade, au pronostic redoutable [10]. L'irradiation multifractionnée permet d'augmenter la dose quotidienne et la dose totale. Deux séances quotidiennes de 1,2 à 2 Gy sont réalisées, pouvant atteindre des doses cumulées de 72 et 78 Gy [21, 22]. L'efficacité reste relative avec moins de 5 % de survie à 5 ans dans le cadre des gliomes diffus du tronc cérébral. L'irradiation interstitielle consiste à implanter en conditions stéréotaxiques, sous anesthésie locale, des fils d'iridium 192, ou des grains d'iode 125 au niveau du site tumoral. Une dose de 60 Gy est ainsi délivrée [19]. Les résultats ne semblent pas supérieurs aux autres modalités d'irradiation. Radiochirurgie stéréotaxique : la radiochirurgie stéréotaxique (gamma unit ou irradiation multifaisceaux) est réservée aux tumeurs dont le diamètre est inférieur à 25 mm. L'utilisation de multiples minifaisceaux convergents permet de réaliser une irradiation isocentrique, la dose distribuée en dehors de cette sphère étant négligeable. Elle semble produire des résultats intéressants [11] qui devront être confirmés à plus grande échelle sur des séries homogènes de malades. Chimiothérapie Même si l'efficacité des nitrosourées est reconnue dans le traitement des tumeurs cérébrales de haut grade, il faut bien reconnaître que les chimiothérapies lourdes actuelles restent peu efficaces. L'utilisation de substances radiosensibilisantes, tel le cisplatine associé à une irradiation externe hyperfractionnée, semble une nouvelle voie d'espoir [14]. Indications et pronostic Deux grands groupes de tumeurs du tronc cérébral peuvent donc être isolés : • les gliomes diffus du tronc cérébral, à épicentre pontique, dont les signes cliniques apparaissent et se majorent rapidement. L'IRM montre une tumeur aux contours flous, • très intense en T2, pouvant engainer le tronc basilaire en avant, infiltrant le mésencéphale et le bulbe. Ces tumeurs représentent 50 % des gliomes du tronc cérébral chez l'enfant. La radiothérapie externe est le traitement complémentaire réalisé le plus fréquemment, se soldant par une amélioration transitoire de quelques mois puis le décès survient dans les 2 à 3 ans qui suivent le diagnostic initial [9, 29] ; les tumeurs focalisées du tronc cérébral sont souvent de meilleur pronostic car elles sont de bas grade et accessibles à un geste chirurgical : e o les tumeurs exophytiques du IV ventricule doivent être opérées, l'exérèse tumorale doit être totale ou subtotale. Ces tumeurs sont très souvent des astrocytomes pilocytiques [15]. L'irradiation est réservée aux rares tumeurs de haut grade, ou aux récidives postopératoires. Lorsqu'il s'agit initialement de tumeurs de bas grade, la récidive se produit selon le même mode, sans changement de grade et est donc accessible à une réintervention [24]. La survie moyenne est de 8 ans [30] ; o les tumeurs bulbaires et bulbomédullaires sont en général de bas grade et sont donc opérables. L'exérèse doit être là aussi complète. Les gangliogliomes sont plus fréquents dans cette localisation. Le traitement doit être chirurgical, visant à réaliser une exérèse complète [8]. Le pronostic est bon dans les tumeurs de bas grade avec une moyenne de survie de 70 % à 36 mois [9] ; dans les tumeurs de haut grade, une irradiation adjuvante est réalisée ; o les tumeurs mésencéphaliques sont généralement de bas grade, et donc de bon pronostic lorsqu'une exérèse complète est réalisée. La survie moyenne atteint 80 % à 36 mois [9] ; des survies très longues de 10 et 22 ans ont été rapportées ; o les tumeurs focalisées pontiques sont de moins bon pronostic puisqu'il s'agit très souvent de tumeurs de haut grade dont l'évolution se rapproche des gliomes diffus du tronc cérébral. La biopsie stéréotaxique trouve ici une bonne indication : si la tumeur est de haut grade, une irradiation est proposée, si la tumeur est de bas grade et affleure le plancher du IVe ventricule, une intervention est envisageable. © 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés Toute référence à cet article doit porter la mention : Michel Jan, Patrick François. Tumeurs du tronc cérébral. EMC - Neurologie 1998:1-0 [Article 17-270-A-50]. Fig 1 : Astrocytome fibrillaire anaplasique pontomésencéphalique (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M , avec l'accord de l'éditeur). [9] A. Coupe sagittale T1 : lésion hétérogène en hyposignal modéré, mal limitée au niveau de son bord supérieur et réalisant un aspect en coquetier caractéristique au niveau de son pôle inférieur. B. Coupe sagittale T2 : hypersignal intense, supérieur à celui du liquide cérébrospinal, dépassant les limites tumorales observées en T1. Engainement caractéristique de l'artère basilaire. C. Coupe axiale T2 : lésion soufflant la protubérance avec inclusion de l'artère basilaire. Fig 2 : Astrocytome pilocytique bulbaire (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord de l'éditeur). Coupe sagittale T1 avec contraste montrant une lésion bien limitée, arrondie, hétérogène, coiffée d'un kyste postérosupérieur, prenant fortement le gadolinium de façon homogène alors que le kyste gardes son hyposignal identique à celui du liquide cérébrospinal. Fig 3 : Astrocytome pilocytique mésencéphalique (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord de l'éditeur). Coupe sagittale T1 sans contraste montrant une tumeur bien limitée, arrondie, hétérogène avec une composante microkystique. Dilatation ventriculaire sus-jacente. Fig 4 : Astrocytome pilocytique (coupe paraffine, trichrome de Masson, × 330) (d'après Guy G, Guegan Y, Jan M [9], avec l'accord de l'éditeur). Prolifération tumorale constituée de petits astrocytes allongés. Noter la présence de fibres de Rosenthal (flèches).