L`argumentaire
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Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent Méthode Recommandations par consensus formalisé ARGUMENTAIRE SCIENTIFIQUE Mars 2012 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 1 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les recommandations de bonne pratique (RBP) sont définies dans le champ de la santé comme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données. Les RBP sont des synthèses rigoureuses de l’état de l’art et des données de la science à un temps donné, décrites dans l’argumentaire scientifique. Elles ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient, qui doit être celle qu’il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations. Cette recommandation de bonne pratique a été élaborée selon la méthode résumée en annexe (cf annexe 1 et annexe 2). Elle est précisément décrite dans le guide méthodologique de la HAS disponible sur son site : Élaboration de recommandations de bonne pratique – Méthode « Recommandations par consensus formalisé ». Grade des recommandations A Preuve scientifique établie Fondée sur des études de fort niveau de preuve (niveau de preuve 1) : essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur ou méta-analyse d’essais comparatifs randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées. B Présomption scientifique Fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve (niveau de preuve 2), comme des essais comparatifs randomisés de faible puissance, des études comparatives non randomisées bien menées, des études de cohorte. C AE Faible niveau de preuve Fondée sur des études de moindre niveau de preuve, comme des études castémoins (niveau de preuve 3), des études rétrospectives, des séries de cas, des études comparatives comportant des biais importants (niveau de preuve 4). Accord d’experts En l’absence d’études, les recommandations sont fondées sur un accord entre experts du groupe de travail, après consultation du groupe de lecture. L’absence de gradation ne signifie pas que les recommandations ne sont pas pertinentes et utiles. Elle doit, en revanche, inciter à engager des études complémentaires. Les recommandations sont téléchargeables sur www.has-sante.fr et sur www.anesm.sante.gouv.fr/ au format des recommandations de l'Anesm Haute Autorité de Santé Service Documentation Ŕ Information des publics 2, avenue du Stade de France - F 93218 Saint-Denis La Plaine CEDEX Tél. :+33 (0)1 55 93 70 00 - Fax : +33 (0)1 55 93 74 00 Ce document a reçu un avis favorable du comité d’orientation stratégique de l’Anesm en décembre 2011 et a été adopté par le Collège de la Haute Autorité de Santé en mars 2012. © Haute Autorité de Santé Ŕ 2012 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 2 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Sommaire Abréviations et acronymes .................................................................................................... 6 Argumentaire scientifique ..................................................................................................... 7 1 Introduction ................................................................................................................... 7 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 Contexte d’élaboration des recommandations .................................................................................7 Autisme et autres troubles envahissants du développement...........................................................9 Évolutions des dispositifs de suivi des enfants et adolescents avec TED en France .....................10 Objectifs d’amélioration des pratiques et questions traitées ............................................................12 Population concernée.......................................................................................................................13 Professionnels concernés ................................................................................................................14 2 Place de l’enfant/adolescent et de sa famille .............................................................. 15 2.1 2.2 2.3 3 3.1 3.2 3.3 3.4 4 Associer l’enfant/adolescent à son accompagnement. ....................................................................15 Associer les parents .........................................................................................................................19 2.2.1 Diversité et complexité des modèles parentaux ...............................................................19 2.2.2 Droits et attentes des parents ..........................................................................................20 2.2.3 Instaurer une relation de confiance et de reconnaissance entre les parents et les professionnels ....................................................................................................................................23 2.2.4 Modalités d’échanges entre parents et professionnels ....................................................25 2.2.5 Association des parents au projet personnalisé ...............................................................27 2.2.6 Prendre en compte la qualité de vie des parents, leurs demandes d’aide et de soutien .29 2.2.7 Associer les parents à la dimension collective du projet d’établissement ........................32 Être attentif aux frères et sœurs et à la famille élargie ....................................................................33 Évaluation du développement de l’enfant/adolescent ................................................ 35 Définition et objectifs de l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent avec TED ............35 Domaines de fonctionnement et de participation de l’enfant/adolescent .........................................38 3.2.1 Domaines et examens identifiés au sein des recommandations de bonne pratique .......41 3.2.2 Spécificités de l’évaluation selon l’âge .............................................................................57 Modalités de l’évaluation ..................................................................................................................57 3.3.1 Une évaluation pluriprofessionnelle, en collaboration étroite avec l’enfant/adolescent et sa famille ........................................................................................................................................58 3.3.2 Une évaluation réalisée dans différents lieux ...................................................................61 3.3.3 Une évaluation régulière ..................................................................................................62 3.3.4 Un examen physique et une évaluation clinique à l’aide d’observations cliniques structurées et d’observations informelles ..........................................................................................65 3.3.5 Instruments standardisés .................................................................................................66 3.3.6 Une évaluation suivie de la communication des résultats................................................75 Orientation vers d’autres professionnels ..........................................................................................76 Projet personnalisé d’interventions ............................................................................. 77 4.1.1 4.1.2 4.1.3 5 Terminologie .....................................................................................................................77 Différents volets du projet personnalisé ...........................................................................78 Modalités d’élaboration du projet personnalisé d’accompagnement ...............................81 Efficacité et sécurité des interventions proposées .................................................... 84 5.1 Considérations méthodologiques .....................................................................................................84 5.1.1 Objectif du chapitre...........................................................................................................84 5.1.2 Considérations méthodologiques .....................................................................................85 5.2 Objectifs visés par les différentes interventions ...............................................................................88 5.3 Programmes globaux d’interventions mis en œuvre dans le cadre de projets personnalisés auprès d’enfants et adolescents avec TED ................................................................................................90 5.3.1 Description des différents modes d’intervention lors de programmes globaux................90 5.3.2 Évaluation de l’efficacité et sécurité de l’inclusion en scolarité partielle ou totale ...........95 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 3 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5.4 5.5 5.6 5.7 5.3.3 Évaluation de l’efficacité et sécurité des interventions globales comportementales ou développementales ............................................................................................................................99 5.3.4 Interventions mises en œuvre par les parents .................................................................171 5.3.5 Évaluation de l’efficacité et sécurité des prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique .................................................................................................................................180 5.3.6 Évaluation de l’efficacité et sécurité des prises en charge intégratives ...........................182 5.3.7 Évaluation de l’efficacité et sécurité d’autres programmes globaux ................................185 Interventions spécifiques ..................................................................................................................188 5.4.1 Interventions ciblant les fonctions de communication ......................................................188 5.4.2 Interventions ciblant les fonctions d’interactions sociales ................................................202 5.4.3 Interventions ciblant la gestion des comportements-problèmes ......................................225 5.4.4 Évaluation des interventions ciblant les fonctions sensorielles et motrices .....................236 5.4.5 Évaluation des interventions ciblant les troubles du comportement alimentaire .............239 5.4.6 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’enfants/adolescents avec un haut niveau de fonctionnement ou avec syndrome d’Asperger .......240 5.4.7 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’enfants/adolescents avec syndrome de Rett ..................................................................................255 5.4.8 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’adolescents en lien avec la sexualité ..........................................................................................................................256 5.4.9 Évaluation des interventions spécifiques visant d’autres domaines ................................256 Facteurs prédictifs de l’efficacité des interventions ..........................................................................257 5.5.1 Attention conjointe, imitation, jeu ......................................................................................257 5.5.2 Quotient intellectuel ..........................................................................................................259 5.5.3 Âge et rythme d’intervention .............................................................................................261 5.5.4 Niveau de langage............................................................................................................267 5.5.5 Les profils des enfants par attitudes et comportements sociaux .....................................269 5.5.6 Caractéristiques familiales ...............................................................................................272 5.5.7 Conclusion concernant les prédicteurs de l’efficacité des interventions ..........................272 Traitements médicamenteux ............................................................................................................273 5.6.1 Introduction .......................................................................................................................273 5.6.2 Antipsychotiques de première génération, dits classiques ..............................................274 5.6.3 Antipsychotiques de seconde génération, dits atypiques ................................................277 5.6.4 Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et apparentés ................................285 5.6.5 Molécules utilisées dans le Trouble Déficit de l'Attention/Hyperactivité (TDA/H) ............286 5.6.6 Antiépileptiques ................................................................................................................289 5.6.7 Autres médicaments, molécules ou vitamines médicamenteuses ...................................291 5.6.8 Conclusion ........................................................................................................................296 Actions futures : le devéloppement des études de recherche .........................................................305 5.7.1 Recherche-action .............................................................................................................305 5.7.2 Recherche clinique ...........................................................................................................305 6 Organisation des interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées et du parcours de l’enfant ou de l’adolescent ............................................................................... 307 Enjeux et principes d’action .............................................................................................................308 6.1.1 Pluridisciplinarité, voire transdisciplinarité ........................................................................308 6.1.2 Sécurisation et fluidité des parcours, continuité, complémentarité et cohérence des interventions.......................................................................................................................................310 6.2 Pratiques et outils susceptibles d’assurer la cohérence des interventions auprès de l’enfantou de l’adolescent ............................................................................................................................................311 6.2.1 Le projet personnalisé d’interventions, véritable support et garantie de cohérence et de continuité.......................................................................................................................................311 6.2.2 L’identification de la fonction de coordination. .................................................................313 6.2.3 Une attention aux modalités de transmission d’information et d’échanges. ....................317 6.2.4 La qualité des liens et du partenariat entre services et établissements sur un territoire donné ..........................................................................................................................................321 6.3 Situations ou périodes qui méritent une attention accrue. ...............................................................331 6.3.1 L’articulation entre acteurs du diagnostic et acteurs de l’intervention ..............................331 6.3.2 Les périodes et situations de transition en général. .........................................................333 6.1 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 4 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 6.4 6.3.3 La période charnière du passage à l’âge adulte et du changement de mode de prise en charge, qui y est lié .......................................................................................................................334 6.3.4 L’adolescence ...................................................................................................................335 6.3.5 Les comportements problèmes ........................................................................................336 La formation, le soutien et l’étayage des équipes ............................................................................339 6.4.1 La formation......................................................................................................................339 6.4.2 Le soutien et l’étayage des équipes. ................................................................................344 Annexes .................................................................................................................................. 346 Références bibliographiques ................................................................................................ 436 Participants............................................................................................................................. 464 Fiche descriptive .................................................................................................................... 470 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 5 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Abréviations et acronymes En vue de faciliter la lecture du texte, les abréviations et acronymes utilisés sont explicités cidessous (tableau 1). Tableau 1. Abréviations et acronymes les plus courants Abréviation Libellé AFT Accueil famililal thérapeutique Anesm Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établisements et services sociaux et médico-sociaux AVS-i Auxiliaire de vie scolaire individuelle CAMSP Centre d’action médico-sociale précoce CATTP Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel CDAPH Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées CLIS Classe pour l’inclusion scolaire CMP Centre médico-psychologique CMPP Centre médico-psycho-pédagogique CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie CRA Centres ressources autisme CVS Conseil de la vie sociale DGCS Direction générale de la cohésion sociale DGOS Direction générale de l’organisation des soins DGS Direction générale de la santé ESAT Établissement et service d’aide par le travail ESS Équipe de suivi de la scolarisation GEVA Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées GSSA Groupe de suivi scientifique du Plan Autisme 2008-2010 HAS Haute Autorité de Santé HJ Hôpital de jour ICPI Early Intensive Behavioral Intervention IME Institut médico-éducatif ITEP Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique MDPH Maison départementale des personnes handicapées PIA Projet individualisé d’accompagnement PPA Projet personnalisé d’accompagnement PPC Plan personnalisé de compensation PPS Plan personnalisé de scolarisation QI Quotient intellectuel SESSAD Services d’éducation spéciale et de soins à domicile TEACCH Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children TED Trouble envahissant du développement ULIS Unité localisée pour l’inclusion scolaire HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 6 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Argumentaire scientifique 1 Introduction 1.1 Contexte d’élaboration des recommandations ► Origine de la demande Le Plan Autisme 2008Ŕ2010 prévoit dans sa mesure 9 d’« élaborer des recommandations de pratique professionnelle et [d’] évaluer leur mise en œuvre » (cf. annexe 3). Cette mesure prévoit : d’« établir des recommandations spécifiques et opérationnelles pour la prise en charge de l’autisme basée sur la consultation d’un très grand nombre de représentants d’associations et de professionnels » ; de « favoriser l’encadrement des approches empiriques de l’autisme et des TED mises en œuvre dans le médico-social ainsi que l’évaluation des pratiques existantes dans ce domaine » ; de « permettre aux professionnels d’évaluer leurs pratiques, en mettant à disposition des outils pour l’évaluation des pratiques professionnelles ». Suite à la publication du Plan Autisme, la HAS a été saisie : par la direction générale de la santé (DGS), qui reprend les objectifs du Plan Autisme 2008-2010 au suivi duquel elle participe ; par deux associations Ŕ Pro-Aid Autisme et l’Association française de gestion de services et d'établissements pour personnes autistes Ŕ sollicitant l’évaluation de « pratiques éducatives recommandées sur le plan international et réalisées seulement dans quelques établissements en France ». L’Anesm et la HAS ont également été saisies par la ministre de la Santé et des Sports qui rappelle que « les méthodes de prise en charge et d’accompagnement des enfants avec autisme sont variées. […] Elles peuvent être médicales, éducatives, comportementales ou combiner plusieurs de ces approches », et souhaite que soit réalisée une synthèse relative à l’efficacité individuelle et comparée de ces méthodes de prise en charge et d’accompagnement, en termes sanitaire et socio-éducatif. ► Programme pluriannuel d’élaboration de recommandations Ce travail fait suite à deux publications récentes de la HAS et de l’Anesm dans le champ de l’autisme et des TED. Il s’agit d’un état des connaissances qui comprend une description des interventions et de leurs objectifs (1), et de recommandations de bonne pratique professionnelles ayant pour objectif de définir les grands principes des interventions destinées aux personnes avec TED et d’identifier les risques de dérives dangereuses (2), réalisées respectivement dans le cadre de la mesure 1 et de la mesure 30-2 du Plan Autisme 2008Ŕ2010. D’autres projets de recommandations de bonne pratique sont prévus par le plan Autisme 2008Ŕ2010, et notamment : mesure 11 : la HAS est sollicitée pour élaborer des recommandations relatives au diagnostic et à l’évaluation chez l’adulte dans l’objectif d’améliorer le « repérage des troubles autistiques chez l’adulte » et de « préciser les conditions de réalisation du diagnostic et de l’évaluation chez l’adulte » ; ces recommandations ont été publiées en juillet 2011 (3) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 7 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées mesure 14 : la HAS et l’Anesm ont pour mission de « rédiger des recommandations de bonne pratique en matière d’organisation de l’accès aux soins somatiques ». Cette mesure a pour objectif de renforcer l’accès aux soins somatiques, auquel répond l’audition publique « Accès aux soins des personnes en situation de handicap », publié en 2008 (4). ► Contexte éthique Il existe différentes conceptions sociologiques de l’autisme et des troubles envahissants du développement, selon la perspective envisagée : perspective médicale, perspective éducative ou perspective de la neurodiversité (5,6). Ces différentes conceptions favorisent les questionnements éthiques. Parmi ces questionnements, le Comité consultatif national d’Éthique (CCNE), saisi à deux reprises par les familles, souligne depuis 1996 l’importance d’une évaluation scientifique rigoureuse, objective et comparative de toute intervention auprès des personnes avec autisme (7,8). Son premier avis, émis en 1996, relate : « Comme pour toutes les affections dont le traitement est à ce jour mal connu, la dispersion et l'éventuelle contradiction des prises en charge désorientent les familles et leur font craindre une perte de chance pour le patient ». Il conclut : « En l'absence de certitudes sur la nature et l'étiologie du syndrome autistique et en l'absence actuelle de thérapeutiques suffisamment efficaces dans cette indication, toute méthode doit impérativement faire l'objet d'une évaluation scientifique rigoureuse, qu'il s'agisse de médicament, de psychothérapie, de méthodes éducatives, de traitement dit "institutionnel" ou de leur association. Les résultats de ces évaluations doivent être régulièrement publiés pour que les parents et les intervenants disposent de points de repères objectifs pour les choix qu'ils doivent rester libres de faire » (7). Le second avis du CCNE, émis en 2007 suite à la saisine d’associations de familles de personnes avec TED s’élevant contre les conceptions de prise en charge en France, et notamment contre l’absence ou le défaut de prise en charge éducative, en contradiction avec les programmes d'accompagnement européens, indique que : « L’existence de sources d’informations indépendantes, aussi accessibles, ouvertes et objectives que possible, est essentielle pour aider les familles dans la prise en charge de leurs enfants ». « L’accès aux différentes modalités de prise en charge éducatives, comme l’accès aux différentes modalités thérapeutiques associées, doit se faire dans le cadre d’un véritable processus de choix libre et informé des familles. Étant donné la diversité actuelle des pratiques de prise en charge, et les "certitudes" souvent antagonistes de nombreuses équipes dans ce domaine, le Comité considère que seule une médiation, par des personnes indépendantes, ayant reçu une formation adaptée, est à même de présenter aux familles les différentes méthodes éducatives, et les options thérapeutiques complémentaires, et de permettre aux familles l’exercice d’un véritable choix libre et informé. Les Centres de Ressources Autisme devraient favoriser des partages d’expérience entre les différentes équipes, afin de favoriser, autour du projet éducatif, l’émergence d’alliances indispensables entre différentes compétences et différentes disciplines centrées sur les besoins de l’enfant et de sa famille ». « Les méthodes éducatives et les approches thérapeutiques associées doivent faire l’objet de recherches et d’évaluations rigoureuses par des investigations scientifiques comparatives sur des critères discutés à l’avance, afin que les professionnels et les familles puissent à l’avenir disposer des informations les plus fiables possibles. L’information sur les évaluations réalisées dans d’autres pays doit être communiquée aux familles de manière objective » (8). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 8 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Contexte médiatique Les questions concernant les interventions auprès de personnes avec TED restent des sujets sensibles, tandis que les études scientifiques à ce sujet nécessitent d’être complétées. En témoignent, outre la forte attente relative aux prises en charge des personnes avec autisme et autres TED soulignée dans le plan (9), plusieurs actions médiatiques, menées depuis 2009 par une des associations de parents pour l’obtention de l’arrêt des pratiques d’enveloppement froid (techniques du packing), actuellement évaluées dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Ces actions ont déclenché une saisine du Haut conseil de la santé publique (HCSP) qui a rendu son avis début 2010 (10), avis critiqué sur le plan international début 2011 (11). Ce contexte médiatique semble participer aux difficultés de communication sereine entre certaines associations et certains groupes professionnels. 1.2 Autisme et autres troubles envahissants du développement ► Définition Dans le cadre des troubles envahissants du développement (TED), la classification internationale des maladies (CIM-10) est la classification de référence (1). Les TED (F84) sont classés par la CIM-10 dans les troubles du développement psychologique : « Les TED sont un groupe de troubles caractérisés par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication, ainsi que par un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif. Ces anomalies qualitatives constituent une caractéristique envahissante du fonctionnement du sujet, en toutes situations » (12). Les TED regroupent des situations cliniques diverses, entraînant des situations de handicap hétérogènes. Cette diversité clinique peut être précisée sous forme de catégories ou sous forme dimensionnelle (1). Précisée sous forme dimensionnelle, la diversité est alors exprimée en tant que troubles du spectre de l’autisme (TSA) ; précisée sous forme catégorielle, huit catégories sont proposées par la CIM-10 : autisme infantile (F84.0), autisme atypique (F84.1), syndrome de Rett (F84.2), autre trouble désintégratif de l’enfance (F84.3), hyperactivité associée à un retard mental et à des mouvements stéréotypés (F84.4), syndrome d’Asperger (F84.5), autres troubles envahissants du développement (F84.8) et trouble envahissant du développement, sans précision (F84.9) (12). L’autisme infantile est caractérisé par (12) : un développement altéré, manifeste avant l’âge de 3 ans ; avec une perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants : altérations qualitatives des interactions sociales réciproques, altérations qualitatives de la communication, comportement au caractère restreint, répétitif et stéréotypé. Le trouble s’accompagne souvent de nombreuses autres manifestations non spécifiques, par exemple des phobies, des perturbations du sommeil et de l’alimentation, des crises de colère et des gestes autoagressifs (1). Parallèlement à la classification internationale des maladies, la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) permet une description du fonctionnement humain de manière universelle, parallèlement à une description des facteurs contextuels, environnementaux et personnels. Une version spécifique pour enfants et adolescents (CIF-EA) aborde les aspects spécifiques du développement : acquisition du langage, apprentissage de la lecture-écriture, capacités à jouer, socialisation avec les pairs, etc. (13). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 9 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le fonctionnement humain est décrit dans la CIF par « fonctions organiques » et « structures anatomiques » et par les « activités et participation » de la personne au sein de la société. Dans le cadre des TED, la CIF permet, à partir d’un langage commun international, de décrire de manière fine les particularités de fonctionnement de ces personnes, en particulier les fonctions mentales concernées, les limitations d'activité observées et les restrictions de participation de la personne dans son environnement (13). ► Épidémiologie En 2009, la prévalence estimée pour l’ensemble des TED, dont l’autisme, est de 6 à 7 pour 1 000 personnes de moins de 20 ans ; dans cette même population, la prévalence des TED avec retard mental est estimée entre 2 et 3 pour 1 000 personnes (1). En 2009, la prévalence estimée pour l’autisme infantile est de 2 pour 1 000 personnes de moins de 20 ans, alors que celle de l'autisme, selon la définition de l’époque, était de 0,4/1 000 personnes dans les années 1960Ŕ1970 (1). L'augmentation du nombre de personnes avec TED est en partie expliquée par la modification des critères diagnostiques, l'amélioration du repérage par les professionnels des troubles du spectre de l’autisme dans la population générale, et le développement de services spécialisés (1). La modification des critères diagnostiques a également entraîné une augmentation de la proportion de personnes avec TED sans retard mental (QI > 70) (1). En 2009, les données disponibles ne permettaient pas de savoir si l'incidence des TED était en augmentation ou non ; cela justifie des recherches complémentaires (1). Les données épidémiologiques mettent en évidence une multiplicité des facteurs de risque et des pathologies ou troubles associés aux TED (1). Les troubles ou pathologies les plus fréquemment associées aux TED sont (1) : les troubles du sommeil (45 % à 86 % des enfants avec autisme infantile selon les études) ; les troubles psychiatriques (50 à 75 % des personnes avec TED ; les troubles associés les plus fréquents étant l’anxiété, la dépression et, chez l’enfant, le trouble « déficit de l'attention Ŕ hyperactivité ») ; l’épilepsie (5 % à 40 % des personnes avec TED). L'incidence de l'épilepsie chez les personnes avec TED a une répartition bimodale avec un premier pic chez les enfants d'âge préscolaire et un deuxième pic à l'adolescence ; le retard mental. Sa prévalence varie selon le type de TED. Elle est plus faible dans les catégories « autisme atypique », « autres TED » et « autres TED, sans précision » que dans la catégorie « autisme infantile ». Par définition, il n'y a pas de retard mental dans le syndrome d'Asperger. Chez les personnes avec autisme infantile, 70 % présentent un retard mental associé (40 % de retard mental profond et 30 % de retard mental léger). Ces études donnent des arguments en faveur de la nature multiple des facteurs étiologiques des TED avec une implication forte des facteurs génétiques dans leur genèse. Les facteurs psychologiques parentaux, en particulier maternels, et les modalités d’interactions précoces n’expliquent en aucune façon la survenue de TED. Il existe un consensus de plus en plus large sur la nature neurodéveloppementale des TED (1). 1.3 Évolutions des dispositifs de suivi des enfants et adolescents avec TED en France Les dispositifs de suivi des enfants et adolescents avec TED en France sont nombreux. Ils s’inscrivent dans le champ sanitaire, en secteur libéral ou en secteur pédopsychiatrique (cf. annexe 5 et annexe 6), dans le champ médico-social (cf. annexe 7) et dans le champ scolaire (cf. annexe 8). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 10 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Bien que des données quantitatives globales et qualitatives des enfants et adolescents pris en charge aient été recherchées, il n’a pas été identifié d’enquête nationale permettant à ce jour d’avoir une vision globale de la répartition des enfants et adolescents selon les dispositifs de suivi et d’accompagnement existants (secteurs sanitaire, médico-social et scolaire), ni d’identifier la proportion d’entre eux maintenus au domicile de leurs parents, faute de réponse institutionnelle appropriée. On observe néanmoins une évolution importante des dispositifs ces cinquante dernières années. Dès les années 1950Ŕ60 en France, des pédopsychiatres du service public ont proposé des mesures pour sortir des hôpitaux psychiatriques les enfants dénommés à l’époque enfants psychotiques, aujourd’hui enfants avec troubles envahissants du développement (TED), et bientôt probablement enfants avec troubles du spectre de l’autisme (TSA). Ils ont préconisé des prises en charge soignantes, éducatives et pédagogiques associées, dans des institutions extériorisées, voire des suivis ambulatoires en lien avec les familles. Cette politique s’est développée irrégulièrement sur l’ensemble du territoire malgré la sectorisation psychiatrique, qui aurait dû la favoriser (14). Un ouvrage récent relatif à l’histoire de l’autisme permet de retracer l’évolution des dispositifs proposés par les pédopsychiatres français, parallèlement à l’évolution de la définition de l’autisme et des troubles envahissants du développement (15) (cf. annexe 5). Sur le champ médico-social, on note depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et, plus particulièrement depuis la loi n° 96-1076 du 11 décembre 1996, le développement de programmes spécifiques. Des sections proposant des modes d’organisation spécifiques au sein d’établissements accueillant d’autres publics se sont progressivement développées, de même que très progressivement également des structures dédiées au suivi des enfants et adolescents avec TED se sont créées. Se sont développées également en France plus récemment des structures expérimentales. Le Plan Autisme 2008Ŕ2010 a, en effet, prévu dans le cadre de sa mesure 29 de promouvoir une expérimentation encadrée et évaluée de structures expérimentales d’accompagnement des enfants et adolescents avec TED, permettant des modes d’organisation et de fonctionnement adaptés à des méthodes d’organisation et de fonctionnement encore peu répandues en France, telles que les approches comportementales de type ABA (16-18). Des données nationales par structures existent, la plus précise, mais déjà ancienne, détaille le profil des 4 500 enfants et adolescents avec TED accueillis en 2001 dans les établissements et services médico-sociaux (19). De fortes différences en termes d’autonomie et de scolarisation sont observées entre les enfants accueillis en Sessad, les plus autonomes et les enfants accueillis dans les autres établissements médico-sociaux (19). Des études ont par ailleurs été réalisées au niveau régional, notamment en LanguedocRoussillon (20,21), en Franche-Comté (22) ou encore en Aquitaine (23,24), dans le Centre (25) ou encore en Champagne-Ardenne (26). Elles ont été récemment complétées dans le cadre des travaux menés en Île-de-France, en Franche-Comté et dans le Nord-Pas-deCalais au titre de la mesure 28 du Plan Autisme sur le modèle de l’étude menée en Languedoc-Roussillon en 2008 (27). Les premiers résultats fournissent, même s’ils sont à analyser avec prudence eu égard aux fortes disparités régionales et départementales, un certain nombre d’informations intéressantes décrites ci-dessous. Parmi les établissements et services ayant répondu à l’enquête et déclarant accueillir des enfants et/ou adolescents avec TED : 78 % sont des structures médico-sociales, et accueillent 64,6 % des enfants et adolescents ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 11 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 22 % sont des structures sanitaires, et accueillent 35,4 % des enfants et adolescents. Concernant plus précisément l’offre institutionnelle, les structures médico-sociales ont un mode d’accueil principalement de type semi-internat (46 %), plus rarement de type internat (25 %) ou externat (14 %). Les structures sanitaires ont majoritairement un mode d’accueil en hospitalisation de jour (65 %) ou ambulatoire (43 % en CATTP et 50 % en CMP). Une structure peut proposer plusieurs modes d’accueil simultanément. Par ailleurs, 36 % des structures disposent de modalités d’accueil spécifiques. Au total, 14 % sont entièrement dédiées aux enfants et adolescents avec TED, et il existe une section spécifique pour les enfants et adolescents avec TED dans 22 % des cas. Parmi les structures ne proposant pas un accueil spécifique (64 %), un peu moins de 17 % déclarent avoir des ressources spécifiques Ŕ humaines ou matérielles Ŕ dédiées à ce public. ► Équipes d’interventions : définition Par souci de clarté dans la suite de ce document, l’expression « équipes d’interventions » est utilisée pour désigner l’ensemble des professionnels, amenés à mettre en œuvre auprès de l’enfant/adolescent et de sa famille les interventions éducatives et thérapeutiques de manière coordonnée. Le mode d’exercice (libéral ou salarié) ou le secteur d’activité (sanitaire ou médico-social) de ces professionnels peuvent être différents, mais ils forment une « équipe » autour de l’enfant/adolescent et de sa famille. L’organisation de cette équipe s’appuie sur des dispositifs variables pour piloter le projet personnalisé d’interventions : réseau libéral coordonné, établissement ou service médicosocial, services de psychiatrie infanto-juvénile ou générale des établissements de santé. 1.4 Objectifs d’amélioration des pratiques et questions traitées ► Objectif et questions retenues L’objectif principal retenu pour l’amélioration des pratiques des professionnels de santé et des établissements médico-sociaux est le suivant : mieux évaluer les besoins et ressources individuels de l’enfant et de sa famille, dans chacun des domaines de fonctionnement et de participation1 habituellement touchés par les conséquences du TED en vue de proposer un projet personnalisé d’interventions considérées pertinentes pour répondre à ses besoins. Deux autres objectifs d’amélioration des pratiques sont proposés : offrir aux enfants et adolescents avec TED ainsi qu’à leur famille un programme coordonné d’interventions à temps plein (interventions thérapeutiques, psychologiques, éducatives, scolaires, sociales) ; assurer la cohérence des différentes interventions entre elles (articulations internes au sein d’une structure, articulations externes avec les partenaires extérieurs à la structure, articulations entre les différentes structures rencontrées au cours de la trajectoire de vie de l’enfant puis de l’adolescent). Préalablement au questionnement posé, il est primordial de souligner la grande hétérogénéité des manifestations de l’autisme et plus généralement des TED. Leur variabilité d’une personne à l’autre, mais également au cours du développement d’une même personne, induit une diversité des modes d’intervention à adapter en fonction des besoins de chacune. Les questions auxquelles répondent les recommandations sont les suivantes : 1 Au sens entendu par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, version enfant et adolescent (CIF-EA) OMS 2007. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 12 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Quels sont les domaines du fonctionnement de l’enfant ou de l’adolescent et de sa participation dans lesquels une évaluation régulière de son développement est nécessaire pour appréhender au mieux ses besoins et ses ressources ? Quelles interventions proposer à l’enfant ou l’adolescent en fonction des besoins repérés dans chacun des domaines identifiés ? La question de l’évaluation du rapport bénéfice/risque de chaque intervention est essentielle et devra figurer dans le rapport. Comment assurer l’organisation optimale des interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées2 et du parcours de l’enfant/adolescent ? ► Questions non retenues Les questions relatives aux programmes de recherche, de formation, de création d’outils méthodologiques n’ont pas été retenues, car elles font l’objet de mesures particulières du plan (mesure 3 : développer la recherche en matière d’autisme et objectif 2 : améliorer le niveau de formation des professionnels et des familles Ŕ mesures 4 à 8). Aucune question d’ordre économique ou médico-économique n’a été retenue, celle-ci nécessitant une analyse préalable de l’efficacité des interventions proposées. 1.5 Population concernée Après débat au sein du comité d’organisation et avis des instances de la HAS et de l’Anesm, puis au sein du groupe de pilotage, les critères d’inclusion de la population sont tout enfant et adolescent avec TED, quelle que soit la catégorie de TED en référence à la CIM-10 : dès le diagnostic de TED posé. Les enfants de moins de trois ans seront donc inclus si le diagnostic de TED est confirmé de manière formelle avant cet âge après diagnostic différentiel avec les autres troubles, non envahissants, du développement. Il n’est pas nécessaire que la catégorie spécifique de TED soit précisée, cette dernière pouvant parfois être difficile à définir avant 4 ans (28), voire 6Ŕ7 ans (29,30). Concernant l’autisme infantile, les troubles sont suffisamment stables à partir de 3 ans pour permettre un diagnostic fiable à cet âge ; pour un fort pourcentage de cas, un diagnostic peut être posé de façon fiable aussi à partir de 2 ans (31). En dessous de 2 ans, la fiabilité du diagnostic n’est pas établie (31) ; les études plus récentes ayant étudié la fiabilité du diagnostic en dessous de 2 ans sont réalisées chez un faible nombre d’enfants (n = 18) (32). Concernant le syndrome de Rett, le groupe de pilotage fait remarquer que les tests génétiques peuvent parfois permettre de confirmer le diagnostic clinique avant 2 ans (33,34). dès le diagnostic de TED évoqué par le médecin coordonnant les évaluations spécialisées nécessaires à la démarche diagnostique. Lorsque le diagnostic de TED est évoqué avant 3 ans et qu’il n’est pas confirmé par les évaluations ultérieures, l’enfant présente néanmoins dans plus de 85 % des cas un trouble persistant du développement pouvant également requérir la mise en place d’interventions précoces (28,29,32). Enfin, le champ de cette recommandation a été restreint à l’enfant et l’adolescent selon l’acception retenue dans le Code civil qui a fixé la majorité juridique à 18 ans depuis 1974. Cette restriction à l’enfant et l’adolescent se justifie par un souci de faisabilité et dans la mesure où l’élaboration de recommandations de bonne pratique relatives aux interventions 2 Cette question, initialement intitulée « Comment assurer l’organisation optimale de la prise en charge », a été reformulée comme ci-dessus par le groupe de pilotage qui s’est efforcé de ne pas utiliser le terme « prise en charge ». En effet, ce terme entraîne parfois une confusion entre son sens « actions coordonnées mises en œuvre auprès de l’enfant » et son sens « remboursé par les organismes financiers, en particulier par l’assurance maladie ». Par ailleurs, il est jugé par de nombreux acteurs associatifs et professionnels comme pouvant avoir une connotation péjorative. Néanmoins, le terme « prise en charge » a été conservé lorsque les auteurs cités l’utilisent. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 13 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’adulte était conditionnée à la finalisation de la recommandation de bonne pratique relative au diagnostic et à l’évaluation de l’autisme chez l’adulte publiée par la HAS en juillet 2011 (mesure 11 du plan) (3). Cependant, cette délimitation du thème ne signifie en aucun cas que les interventions proposées aux personnes avec TED s’arrêtent à l’âge adulte. Par ailleurs, cette délimitation ne remet nullement en cause le fait que certaines structures puissent avoir un agrément pour des enfants et des jeunes majeurs. 1.6 Professionnels concernés Ces recommandations s’adressent principalement aux professionnels de santé et aux professionnels des établissements et services médico-sociaux ayant un contact direct avec des enfants et adolescents avec TED, et prenant des décisions concernant leur suivi et leur accompagnement. Les principaux professionnels concernés sont les : médecins, particulièrement médecins psychiatres, médecins de l’éducation nationale et de la protection maternelle et infantile, médecins généralistes et pédiatres ; psychologues ; éducateurs spécialisés ; orthophonistes ; psychomotriciens ; ergothérapeutes ; infirmiers ; professionnels coordonnateurs (ex. cadre de santé, enseignant référent, coordonnateur d’équipe pluridisciplinaire de MDPH, directeurs d’établissement médico-sociaux, etc.). Elles peuvent être également utiles : aux personnes avec TED et à leur famille ; aux professionnels exerçant auprès d’enfants et d’adolescents dans le champ scolaire et social, mais ce document ne couvre pas leurs pratiques spécifiques ; aux enseignants et formateurs qui participent, dans le champ de l’autisme, à la formation initiale et continue des médecins, des personnels paramédicaux, des psychologues, des éducateurs et des enseignants spécialisés ; aux bénévoles exerçant au sein d’associations relevant du champ de l’autisme. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 14 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2 Place de l’enfant/adolescent et de sa famille 2.1 Associer l’enfant/adolescent à son accompagnement. ► Dispositions juridiques nationales et internationales Les textes juridiques (conventions internationales, lois nationales) définissent les droits de l’enfant : la Convention internationale des Droits de l’Enfant stipule : « Les enfants handicapés ont le droit de bénéficier d’une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité. » (article 23) ; la Convention relative aux droits des personnes handicapées précise : « les enfants handicapés doivent jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants » (article 7-1), « l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, a le droit d’exprimer son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et son degré de maturité, et d’obtenir pour l’exercice de ce droit une aide adaptée à son handicap et son âge » (article 7-3) ; la loi du 2 janvier 2002 de rénovation de l’action sociale et médico-sociale stipule : l’usager a le droit « à une prise en charge […] respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision […] » et « à la participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne » (article 7). Le décret du 25 mars 2004 relatif au Conseil de la vie sociale (CVS) précise : « Afin d’associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l’établissement, il est un institué un conseil de la vie sociale ou d’autres formes de participation […] ». « Lorsque le conseil de la vie sociale n’est pas mis en place (lorsque l’établissement accueille des mineurs de moins de 11 ans), il est institué un groupe d’expression ou toute autre forme de participation » (article 1) ; la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé précise : « Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur (art. L. 1111-4 du Code de la santé publique [CSP]). Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5 du CSP. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle » (article 11). Ainsi, sur le plan juridique, l’enfant est associé selon diverses modalités : sur le plan individuel (liberté d’expression, association au projet personnalisé) et collectif (participation au CVS, à la vie en collectivité) ; à des temps forts (projet personnalisé), mais également tout au long de sa prise en charge ; les recommandations de l’Anesm précisent que l’enfant est associé aux différents aspects de son accompagnement […] tant aux temps forts de l’élaboration, de l’évaluation et du réajustement de son projet personnalisé, que dans la mise en œuvre des interventions prévues (2) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 15 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées sous l’angle du droit d’être informé, mais également du droit à l’expression et de la prise en compte de son opinion. Les recommandations de l’Anesm précisent qu’il s’agit d’informer l’enfant et de rechercher sa participation aux décisions le concernant (2). Il est toutefois nécessaire d’articuler cette logique de droits à la participation de l’enfant à une logique de droit à l’éducation (35). Il s’agit alors de donner une éducation de qualité à l’enfant afin qu’il puisse disposer des outils nécessaires pour pouvoir participer et être associé de façon effective. Dès lors, la position active se situe davantage du côté de l’éducateur qui doit transmettre une éducation à l’enfant. L’article 29 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant définit les objectifs de l’éducation : « a- favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes physiques et mentales, dans toute la mesure de leur potentialité. b-Inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales […] c-inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne. d- préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples […] e-inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel ». Cette éducation doit bien évidemment proscrire toute forme de maltraitance : violence physique, violence psychique (chantage, abus d’autorité, langage irrespectueux ou dévalorisant), violences médicales ou médicamenteuses, négligences actives et passives, privation ou violation des droits, violences matérielles et financières (36). Ces deux approches « droit à la participation » et « droit à l’éducation » sont complémentaires. L’enfant est reconnu comme un sujet, mais qui a besoin d’être éduqué pour être citoyen (35). Il existe une tension entre rôle actif de l’enfant (choix, participation) et son rôle passif (écoute, respect, effort), rôle passif de l’éducateur (écoute, attention au choix, respect de l’identité et de la singularité) et son rôle actif (transmission, protection). ► Analyse de la littérature L’Anesm (2) propose des moyens spécifiques pour associer les personnes avec TED : utiliser des modalités de communication et des supports appropriés. Il peut s’agir, par exemple, de pictogrammes et de dessins ou de photos, ou bien encore de mises en situations avec des objets évocateurs ; prendre en compte l’expression non verbale de l’adhésion ou de l’opposition de la personne, notamment par l’observation et en s’appuyant sur la connaissance développée par les proches et les différents professionnels qui partagent son quotidien ; tenir compte de son niveau de compréhension et de sa maturité ; prendre en compte ses goûts et ses centres d’intérêt, y compris en matière de loisirs ou d’orientation professionnelle ; en cas de refus des propositions, il convient d’essayer d’en comprendre les raisons et de les réajuster, aussi bien au moment de l’élaboration du projet personnalisé qu’au moment de sa mise en œuvre, en se donnant tous les moyens de mobiliser le jeune. La HAS propose un guide aux établissements de santé, dans le cadre de leur certification pour identifier les enjeux et spécificités de la prise en charge des enfants et des adolescents en établissement de santé, notamment en termes d’accueil, d’information, de scolarisation, de sécurité et de prévention de la maltraitance (37). La revue de littérature francophone complémentaire souligne le souci constant des professionnels pour intégrer la dimension éthique dans leur relation avec les enfants/adolescents et leurs parents (annexe 9). Les déterminants éthiques des modes de prise en charge multidisciplinaires articulés et personnalisés dans les établissements français ont été récemment résumés par R. Misès : « L’attention de tous les intervenants s’est portée sur des paramètres qui représentent des valeurs éthiques fondamentales : le HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 16 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées souci de la dignité de la personne, le respect du libre arbitre, l’accès à un consentement éclairé, d’où a découlé la priorité donnée à des mesures qui, en soutenant le soin psychique, cherchent à offrir un plein accès à l’autonomie Ŕ une autonomie qu’on envisage à la fois dans les rapports du sujet à lui-même et dans les interrelations qu’il noue avec d’autres personnes. […] Les perspectives intégratives de la pédopsychiatrie française s’accordent bien avec le souci éthique d’offrir une information loyale et sincère qui permette d’aborder, sans parti pris, les questions que les consultants soulèvent sur l’origine des troubles, leur nature, leur évolution, les réponses à apporter. Mais dans ces rencontres, le clinicien s’est dégagé d’une procédure systématisée où des phases distinctes seraient consacrées successivement à l’évaluation, à l’information, à la recherche du consentement : l’écart entre les différents plans s’estompe, pour laisser place à un processus ouvert à l’expression de l’intersubjectivité » (38). De leur côté, les pédagogues du mouvement d’« éducation nouvelle » (Freinet, Montessori, Korczak) ont dans la première moitié du XXe siècle contribué à faire évoluer le système éducatif en donnant à l’enfant un rôle actif, dans le cadre de l’apprentissage de la citoyenneté et de la valorisation de son expression. Ces pédagogues ont conceptualisé de nombreux outils : le journal, les réunions d’enfants, les activités libres, l’observation et l’écoute. Si ces moyens peuvent servir de « boîte à outils » dans les institutions spécialisées, ils doivent cependant être adaptés aux enfants avec TED. En 2010, l’enquête de pratiques réalisée auprès d’établissements dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) a recensé les moyens utilisés par certains professionnels pour associer les enfants : recueil de l'avis de la personne (partir des goûts et intérêts de la personne, lui laisser choisir ses activités et s’y inscrire, faire son planning, etc.) ; participation de la personne avec TED aux réunions de synthèse ; utilisation des modes de communication adaptés à l’enfant/adolescent et prise en compte de la communication non verbale ; donner des informations sur le projet ou l’orientation ou sur les troubles ; signature du projet personnalisé ou du contrat de séjour ; possibilité de demander un rendez vous ; savoir écouter l’enfant/adolescent à tout moment, et par tout professionnel, même en dehors des entretiens formels ; groupes de paroles. Cette étude (27) a également recensé les demandes des personnes avec TED (cette étude est basée sur des entretiens auprès d’adultes autistes) concernant leur association au projet : ils souhaitent que l’on prenne en compte leur opinion ; ils souhaitent que les professionnels cherchent à les comprendre par une meilleure formation notamment. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Plusieurs remarques ont été apportées par les membres du groupe : la question de la participation de l’enfant/adolescent rejoint des questionnements sur la bientraitance, sur l’éthique et sur le sens de l’accompagnement. Il est nécessaire, quelles que soient les interventions mises en œuvre, de se poser la question suivante : jusqu’où une pratique-a-t-elle du sens pour l’enfant ? Des membres du groupe s’interrogent sur la compatibilité de certaines méthodes avec ces exigences éthiques ; la personne avec TED doit être reconnue comme sujet du projet avec son histoire, sa personnalité, ses rythmes et ses désirs propres. Les interventions s’appuient sur ce que l’enfant sait faire, aime faire (avec parfois toute la difficulté à le faire accepter par les parents). La recherche de l’adhésion de l’enfant est essentielle ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 17 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées le planning hebdomadaire doit être présenté de manière appropriée à l’enfant/adolescent ; il est important de prévoir un temps d’information en présence de l’enfant lors d’un entretien avec les parents ; la communication non verbale doit être prise en compte, en particulier pour les enfants les plus déficitaires ; il convient de trouver un équilibre entre la nécessité d’apporter à l’enfant de nouvelles expériences et compétences malgré ses résistances au changement et le respect de l’expression de ses choix ; il est important, dans l’intérêt de l’enfant, de savoir dépasser les divergences entre les souhaits des parents et ceux de leur enfant ; Par ailleurs, le groupe de pilotage a recueilli l’avis de personnes avec TED, ainsi que l’avis d’un panel composé de représentants d’associations de parents et de différents professionnels intervenant auprès d’enfants et d’adolescents avec TED. La période d’annonce du diagnostic est décrite par les personnes avec TED auditionnées comme une période très difficile à vivre, en particulier lorsque le diagnostic est posé à l’adolescence en cas de troubles envahissants du développement avec haut niveau de fonctionnement cognitif, et suscitant des questionnements importants. Le fait d’entrer dans le champ du handicap est également parfois mal vécu. Les personnes auditionnées soulignent alors l’intérêt d’associer des personnes adultes avec TED, afin d’accompagner ces questionnements. Leur témoignage sur les situations vécues et leur soutien, sans masquer les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne, sont susceptibles de permettre à l’enfant/adolescent de découvrir les perspectives qui s’offrent à lui, de se rendre compte qu’il est possible de vivre avec son handicap et de construire son avenir. Les personnes auditionnées insistent également sur la nécessité d’associer de façon active l’enfant/adolescent dans l’élaboration de son projet. Les personnes avec TED auditionnées considèrent que l’adolescent avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif ou syndrome d’Asperger devrait écrire lui-même son projet. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm L’enfant/adolescent dispose de droits. Il doit être reconnu dans sa dignité, avec son histoire, sa personnalité, ses rythmes, ses désirs propres et ses goûts, ses capacités et ses limites. L’éducation et les soins visent à favoriser son épanouissement personnel, sa participation à la vie sociale et son autonomie, ainsi que sa qualité de vie. Associer l’enfant/adolescent Outre la recommandation transversale de l’Anesm sur le projet personnalisé3 et sa recommandation plus spécifique portant sur l’accompagnement des personnes avec autisme ou autres TED4, les recommandations suivantes, relatives à l’association de l’enfant/adolescent avec TED à son projet, concernent l’ensemble des professionnels amenés à intervenir de façon coordonnée auprès de l’enfant/adolescent, quel que soit leur secteur d’activité. Il est recommandé d’informer l’enfant/adolescent mais aussi de l’associer et de rechercher sa participation aux décisions le concernant, relatives aux différents aspects de son accompagnement5, tant aux temps forts de l’évaluation, de l’élaboration et du réajustement de son projet personnalisé, qu’en continu dans la mise en œuvre des interventions prévues. 3 « Les attentes de la personne et le projet personnalisé », Anesm, décembre 2008. « Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles du développement », Anesm, janvier 2010 (chapitre 1, paragraphes 1.2, 2.1 et 3.7). 5 De façon générale les traitements, examens et investigations médicales susceptibles d’être prescrits aux enfants et adolescents avec TED doivent respecter les principes de recueil et de respect du consentement du patient prescrits par le Code de la santé publique. Le consentement du mineur […] doit être systématiquement 4 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 18 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Il est recommandé de tenir compte du niveau de compréhension et de maturité de l’enfant/adolescent, et de prendre en compte ses goûts et centres d’intérêt. L’utilisation de modalités d’information et de supports de communication appropriés (selon les cas : langue orale ou écrite, pictogrammes, dessins, photos, mise en situation avec des objets évocateurs, etc.) est recommandée, afin d’aider l’enfant/adolescent à comprendre ce qui se passe le concernant et de faciliter l’expression de ses préférences et de ses choix. Afin de recueillir l’avis des enfants/adolescents ne s’exprimant pas verbalement ou présentant un retard mental grave ou profond, il est recommandé aux professionnels de prendre en compte l’expression non verbale de l’adhésion ou de l’opposition de l’enfant/adolescent, notamment par l’observation, et de s’appuyer sur la connaissance développée par ses proches et/ou les différents professionnels qui partagent son quotidien et peuvent contribuer ainsi à décrypter son expression. L’écoute, l’information et la prise en compte de la parole de l’enfant/adolescent sont mises en œuvre à tout moment, au sein de et entre chaque équipe amenée à intervenir auprès de lui et de sa famille. L’enfant/adolescent est associé dans un cadre individuel mais également, dans la mesure du possible et le cas échéant de façon progressive, dans un cadre collectif dans une optique d’apprentissage de la participation et de la citoyenneté (conseil de la vie sociale, rencontre avec des enfants/adolescents avec ou sans TED). Il convient alors d’adapter les moyens aux capacités et à la maturité des enfants/adolescents, afin de favoriser cette participation. 2.2 Associer les parents L’analyse de la littérature met en évidence la complexité des questions relatives à la parentalité, au croisement de problématiques psychologiques, médicales, sociologiques, éducatives et pédagogiques, juridiques, éthiques et politiques. Ainsi, l’approche transpluridisciplinaire semble nécessaire afin de prendre en compte au mieux les besoins et les demandes de l’enfant et de ses parents. 2.2.1 Diversité et complexité des modèles parentaux ► Analyse de la littérature Les études sur la place des parents soulignent la nécessité et la difficulté, pour les professionnels de prendre en compte la diversité des modèles parentaux. Les approches sociologiques et ethnographiques mettent en évidence les différences entre familles en termes de ressources économiques et sociales, de ressources culturelles et de valeurs éducatives (40,41). Sarjad (42) note l’importance de prendre en compte les éléments relatifs au lieu d’habitation et au réseau de voisinage. Le rapport aux institutions (41) et les représentations de l’autisme (43) sont également à prendre en compte. D’autre part, les caractéristiques de l’enfant : son âge, la complexité de son handicap, son parcours institutionnel (44) influencent le lien entre les parents et les professionnels. Les approches davantage centrées sur une approche psychologique ou médicale insistent sur le « vécu psychique » de la famille, son histoire et la façon dont est vécue le handicap de l’enfant (45-47). Les approches systémiques prennent en compte la dynamique familiale : la place de l’enfant, la distribution des rôles entre le père et la mère, la composition de la famille (famille monoparentale, recomposée, etc.), taille de la fratrie (48). recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision (art. L 1111-4 du Code de la santé publique). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 19 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées De nombreux articles mettent en évidence le rôle diversifié du père et de la mère (42,48) dans le lien avec l’enfant et les institutions, mais aucun article ayant une approche en termes de « gender studies » n’a été répertorié. L’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme auprès de 216 parents (27) confirme ce constat : 77 % des pères et 55 % des mères travaillent ; 20 % des mères et 1 % des pères sont au foyer ; le questionnaire a été rempli dans 63 % des cas par la mère, 13 % des cas par le père et 22 % des cas par les deux parents. La littérature relative à l’évaluation de l’efficacité des interventions (cf. plus bas) signale l’importance, dans la collaboration entre spécialistes et familles, de la formation des parents à des connaissances théoriques mais aussi pratiques sur les TED. Par ailleurs, des essais de formation des parents en tant qu’intervenants directs dans les interventions ont été évalués dans certaines régions de certains pays. La famille est donc une réalité hétérogène, parler des familles paraît plus adapté. Ainsi, s’il est possible de dégager des repères de bonne pratique professionnelle vis-à-vis des parents dans le cadre de l’élaboration du projet de l’enfant/adolescent, ces pratiques doivent s’adapter aux situations concrètes et à la singularité de chaque enfant et de ses parents, ceci en garantissant aux familles une égalité de traitement et une neutralité. ► Avis complémentaires du groupe Il est intéressant de connaître l’impact des TED et de la mise en œuvre du projet personnalisé sur la dynamique familiale, notamment sur la vie professionnelle des parents. Il est jugé inacceptable que la mère ou le père soient contraints à abandonner leur carrière professionnelle. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Chaque famille développe des modes d’interactions qui lui sont propres. Il convient de prendre en compte les situations familiales dans toute leur diversité (culturelles, sociales, économiques) et toute leur complexité, de faire préciser si nécessaire les questions de détention de l’autorité parentale6 (parents séparés, famille recomposée, parent isolé, fratrie, tuteur, etc.) et de prendre acte des éventuels jugements ou ordonnances concernant l’enfant/adolescent. Il est recommandé, sauf décision de justice contraire, de privilégier et de préserver un contact avec les deux parents. 2.2.2 Droits et attentes des parents Cette section précise quels sont les droits et les attentes des parents (information, orientation) et comment y répondre, notamment en cas de désaccord entre les parents et les professionnels. ► Éléments législatifs et réglementaires Les éléments relatifs au droit d’être informé, aux choix de l’orientation et à la participation au projet personnalisé sont définis dans les textes législatifs et réglementaires relatifs au 6 Dans l'ensemble de cette recommandation, il est fait référence à la situation où l'autorité parentale est exercée par le père et la mère de l'enfant (article 371-1 du Code civil). Dans certaines situations, les modalités de cet exercice conjoint peuvent néanmoins être modifiées, notamment en cas de séparation des parents ou de changement de résidence de l’un d’entre eux. Dans d’autres cas, l’autorité parentale peut être déléguée par les parents, ou leur être retirée partiellement ou totalement par le juge. Un tuteur peut alors être nommé ; il en va de même en cas de décès des parents, ou si la personne concernée a atteint sa majorité, ce qui fait disparaître l’autorité parentale, mais qu’elle relève d’une mesure de tutelle. Il convient donc selon les situations d'informer et d'associer les titulaires de l'autorité parentale ou les tuteurs de l’enfant mineur ou du majeur protégé. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 20 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées secteur sanitaire (Code de la santé publique), au secteur médico-social (Code de l’action sociale et des familles), au droit des familles (Code civil). Les parents sont saisis de tout fait ou décision qui relève de l’autorité parentale, définis dans la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degrés de maturité » (article 371-1 du Code civil). Les liens entre la famille et l’institution sanitaire sont précisés dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins ; il y est principalement question : du droit d’être informé des représentants de l’autorité parentale et des enfants ; du droit de prendre les décisions concernant la santé de leur enfant des représentants de l’autorité parentale. Il est précisé que l’enfant doit être associé à ces décisions en fonction de son âge et de sa maturité ; du droit, pour un mineur, de s’opposer à ce que les détenteurs de l’autorité parentale soient informés. Ainsi, selon les dispositions de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, les titulaires de l’autorité parentale ou les tuteurs reçoivent aux lieu et place de l’enfant mineur ou du majeur protégé les informations portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Les mineurs ou les majeurs protégés ont toutefois le droit de recevoir eux-mêmes une information, et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée à leur degré de maturité et leur degré de discernement. Un seul texte règlementaire, la circulaire du 8 mars 2005 « relative à la politique de prise en charge des personnes atteintes d’autisme et de TED », aborde de façon spécifique la place des parents. Il y est précisé que les professionnels doivent : « Écouter, associer et accompagner les familles et les proches dès les repérages des troubles, et tout au long du parcours de la personne. » ► Information et participation au choix des interventions Concernant le choix des interventions, les parents sont informés, par les professionnels, des différentes approches existantes. Les parents sont également informés des ressources et avis externes auxquels ils peuvent faire appel : CRA, associations de parents, etc. (2). Toutefois, dans son rapport, le conseil économique et social (49) invite les professionnels à valoriser la complémentarité des approches. D’autre part, le choix est parfois lié aux ressources disponibles sur le territoire. L’Anesm (2) recommande d’informer clairement sur les « non-choix ». En effet, l’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) précise que les parents qui ont choisi l’établissement dans 58 % des cas, ne l’ont pas choisi dans 34 % des cas, et ne se prononcent pas dans 8 % des cas. Par ailleurs, l’Anesm (2) préconise d’attirer l’attention des familles sur les risques de dérives liés à certaines pratiques, notamment celles qui ne s’inscrivent pas dans un cadre légal et éthique, dont les professionnels demandent l’exclusivité de la prise en charge et qui ne s’inscrivent pas dans le partage des pratiques avec d’autres professionnels. Ainsi, les familles sont invitées à prendre différents avis indépendants, à s’informer des participations financières et de la qualification des intervenants. L’étude ethnographique de Chamak (50) met en évidence l’expansion du marché de l’autisme et l’existence de promoteurs peu scrupuleux vendant parfois des « solutions miracles ». HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 21 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les parents doivent recevoir une information éclairée sur les bénéfices attendus et les risques possibles des différentes investigations, traitements ou actions de prévention. Ils ont le droit de s’opposer à ces interventions, sous réserve que ce refus ne risque pas d’entraîner des conséquences graves pour la santé de l’enfant (ex : risque vital ou de séquelles graves) (articles L. 1111-2 et 1111-4 du Code de la santé publique). Que faire en cas de désaccords entre parents et professionnels ? Lorsque les parents et les professionnels sont en désaccord sur l’orientation ou le projet personnalisé d’interventions « l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale » dans le respect de ses droits : « les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie en société […]. Les enfants handicapés ont droit à l’éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l’emploi et aux activités récréatives, ils bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel. » (Déclaration universelle des droits de l’enfant). Si le désaccord porte sur l’interprétation de l’intérêt primordial de l’enfant, les professionnels et les parents œuvrent dans un esprit de concertation (51). L’Anesm (2) préconise de « dans le cas où il s'agit d'une demande relevant d'une intervention non pratiquée et/ou reconnue par l'équipe, veiller à maintenir un dialogue afin d'éviter une rupture de l'accompagnement existant et de prévenir, le cas échéant, le risque d'isolement de la famille ». Le témoignage d’un parent montre que cette concertation ne peut se faire sans la confiance et la reconnaissance entre parents et professionnels (52). ► Attentes des parents La revue de littérature francophone a mis en évidence l’importance du partenariat avec les familles (cf. annexe 9) (38). Les attentes des parents y sont précisées comme suit : sortir de l’errance diagnostique, comprendre des situations souvent énigmatiques, mieux accepter et affronter l’autisme de leur enfant, grâce, en particulier, à une meilleure information, conserver l’espoir ; que les professionnels consacrent du temps à mieux communiquer leurs pratiques et les fondements théoriques de ces pratiques. L’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) met en évidence les facteurs de satisfaction des familles. « La variable ayant le plus fort impact sur le niveau de satisfaction parentale est l'existence d'un suivi par un établissement ou service spécialisé, la note de satisfaction globale par rapport à l'accompagnement et l'offre de services étant plus élevée lorsque leur enfant est suivi en établissement spécialisé que lorsqu'il ne l'est pas (p < 0,05). La note de satisfaction est ensuite plus élevée lorsque leur enfant est accueilli dans un établissement médico-social que lorsqu'il est accueilli dans un établissement sanitaire (p < 0,05). Le rythme des contacts avec les éducateurs ou infirmiers est également un élément déterminant dans la satisfaction des parents (p < 0,05), indiquant que, plus le rythme des contacts est élevé, plus les parents sont satisfaits de l'accompagnement. Concernant le projet personnalisé, les parents qui ont été associés à son élaboration sont plus satisfaits que ceux qui ne l'ont pas été (p < 0,05), et la satisfaction des parents est plus importante lorsque le projet est régulièrement réactualisé (p < 0,05). La note de satisfaction des parents est ensuite plus élevée lorsque l'établissement ou service utilise des techniques et outils spécifiques aux TED (p < 0,05). » ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les familles sont un interlocuteur privilégié de l’équipe, même si la famille ne fait pas partie de l’équipe qui met en œuvre les interventions. Le groupe insiste sur la nécessité de : HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 22 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées tenir informée la famille, solliciter son accord sur les décisions engageant la prise en charge de l’enfant ; ne pas faire porter aux parents des décisions trop lourdes ou trop complexes, notamment concernant des choix d’orientation ou de thérapeutique. Les parents sont libres de demander un autre avis, et il est important, dans ce cas, que les services de soins puissent les guider vers les services ou personnes les plus à même de donner un avis éclairé sur la situation de leur enfant ; orienter les parents vers une source d’information et une formation rapide relative aux TED, par ailleurs supervisée par des professionnels ayant un diplôme universitaire dans le domaine des interventions proposées ; dans les situations majeures de désaccord majeur entre familles et intervenants, les centres de ressources autisme (CRA) peuvent être sollicités pour aider à prendre les décisions dans l’intérêt supérieur de l’enfant ; les familles peuvent avoir besoin de structures de relais temporaires pour bénéficier de temps de répit. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Informer les parents Les parents doivent recevoir une information éclairée sur les bénéfices attendus et les risques possibles des différentes investigations, traitements ou actions de prévention. Ils ont le droit de s’opposer à ces interventions, sous réserve que ce refus ne risque pas d’entraîner des conséquences graves pour la santé de l’enfant (ex : risque vital ou de séquelles graves). (articles L. 1111-2 et 1111-4 du Ccode de la santé publique). Identifier les lieux d’accueil et d’accompagnement sur un territoire pour leur permettre un choix éclairé Les interventions éducatives et thérapeutiques auprès d’un enfant/adolescent peuvent être réalisées dans des contextes variés : par un établissement ou un service, par des intervenants exerçant en libéral. Il est recommandé que chaque structure, quels que soient son statut et son secteur d’appartenance, identifie clairement les approches proposées et les moyens spécifiques mis à disposition des enfants et adolescents et de leur famille. L’accès aux différentes modalités de suivi et d’accompagnement éducatifs, comme l’accès aux différentes modalités thérapeutiques associées, doit se faire dans le cadre d’un véritable processus de choix libre et informé des familles. Afin de faciliter l’information des familles, un répertoire local et national des structures précisant les approches proposées et des associations représentant les usagers mis à disposition des usagers par les CRA et les MDPH, serait nécessaire. Il est recommandé que les structures généralistes recevant des enfants/adolescents avec TED organisent l’adaptation de l’accueil et de l’accompagnement proposé à ces enfants/adolescents, au même titre que les structures dédiées, et que cette adaptation soit formalisée dans leur projet d’établissement/de service. 2.2.3 Instaurer une relation de confiance et de reconnaissance entre les parents et les professionnels La relation parents-professionnels est parfois difficile. Afin de dépasser ces difficultés, de nombreux auteurs ont tenté de décoder, à partir de grilles d’analyse historique, sociologique, psychologique, les facteurs qui pouvaient complexifier les relations parents-professionnels et être à l’origine de tensions. Sur le plan historique, plusieurs auteurs rappellent l’histoire de la prise en charge du handicap et de l’autisme, et soulignent les limites d’une certaine approche psychanalytique, en citant notamment Bettelheim (15,41,53). Celle-ci a entaché les relations professionnelsHAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 23 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées parents, en culpabilisant les parents, et notamment les mères. Cette approche historique est également décrite dans la revue de littérature francophone (cf. annexe 9). Les auteurs concluent que « la prise en compte des familles fait partie de l’approche pédo-psychiatrique. Elle a été marquée depuis 30 ans par de vives tensions liées à des malentendus, des incompréhensions mutuelles qui persistent malgré les efforts certains de part et d’autre, par des travaux communs (organisation de colloques, écrits de livres). Une première rencontre internationale, organisée dans le cadre de l’Inserm et du CNRS, par l’ARAPI, une association regroupant parents, chercheurs et praticiens avait montré l’existence de désaccords entre la pédo-psychiatrie française et certaines familles. Des nouvelles coopérations institutionnelles ont commencé ensuite à s’établir dans les années 90 : colloque de Grenoble (1992), colloque de Montpellier, colloque de Nancy (1994). Ces différentes rencontres et le travail de préparation et de synthèse qui les a entourés, a abouti à un volume co-dirigé par un pédo-psychiatre et un parent. » (38). Sur le plan sociologique, l’analyse des représentations de l’autisme des parents et des professionnels (43), à partir d’entretiens et d’un questionnaire auprès de soixante-quatorze personnes, met en évidence des représentations de l’autisme encore parfois divergentes en 2002 entre les parents et les professionnels. Afin d’aider à dépasser les difficultés liées au contexte historique, les travaux antérieurs de la HAS ont acté en 2010 par consensus formalisé réunissant parents et professionnels que « les caractéristiques psychologiques des parents ne sont pas un facteur de risque dans la survenue des TED. La théorie selon laquelle un dysfonctionnement relationnel entre la mère et l’enfant serait la cause du TED de l’enfant est erronée » (1). D’autres auteurs abordent cette question sous un angle psychologique. Golse et Delion (53,54) précisent que si la culpabilité a pu être renforcée par les professionnels, elle est une composante intrinsèque au fait d’être parent d’enfant handicapé. Le rôle des professionnels seraient alors de ne pas renforcer cette culpabilité qui serait déjà à l’œuvre (et/ou de tenter de déculpabiliser les parents). Le traumatisme d’avoir un enfant handicapé aurait pour conséquence : « oscillations entre rage et désespoir, entre revendications et résignations, entre investissements et désinvestissements, entre attentes magiques à l’égard des milieux professionnels et déceptions radicales voire accusations se succèdent » (45). Certains auteurs (46) précisent que le rôle des thérapeutes est une fonction de « réceptacle de la souffrance parentale », c'est-à-dire qu’ils doivent permettre de recevoir les interrogations, le sentiment d’injustice, la révolte, l’agressivité des parents. Le rôle se situe également dans l’accompagnement du « vécu psychique », c'est-à-dire du lien entre le parent et son enfant handicapé. Toutefois, cette approche peut être nuancée (41). Si les parents éprouvent un traumatisme au moment de l’annonce du handicap et dans les premiers temps, ce ressenti évolue avec le temps. La distance vis-à-vis des parents est également en partie liée à l’histoire des institutions (41), et notamment celle d’une des premières institutions républicaines : l’école. Celle-ci s’est construite contre la famille. L’école de Jules-Ferry était le vecteur de l’idéologie républicaine (l’universalisme, la raison, l’égalité des chances) quand la famille était perçue comme conservatrice (la religion, l’héritage, le régionalisme). Cette histoire pèserait encore sur les représentations des professionnels des institutions. Les approches en termes de sociologie des professions (40) montrent que la légitimité de l’expert se fonde, en partie, par une remise en cause du travail des familles. Afin de dépasser ces perceptions, il est préconisé que les professionnels veillent à garder un positionnement professionnel neutre et sans jugement de valeur à l’égard des relations entre les parents et leur enfant. Ce positionnement ne signifie pas de l’indifférence : le discernement et l’attention bienveillante sont préconisés (55). Certains professionnels HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 24 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées (45,46,53) mettent en évidence la nécessité de ne pas donner de « conseil éducatif », mais d’accueillir la famille, sans jugement. Les familles sont valorisées et reconnues dans leurs compétences parentales (45,48). Une autre approche pointe l’existence de diversité au sein de l’équipe. Dans les équipes, chaque professionnel a un rapport différent aux parents, il s’identifie à la souffrance parentale ou à l’enfant, à la mère ou au père (45). Ainsi, instaurer une relation de confiance avec les parents ne peut se faire sans un travail de prise de conscience de ces enjeux par les professionnels. Tous ces éléments mettent en évidence la nécessité de réfléchir à la façon dont sont mises en œuvre, au quotidien, les relations entre parents et professionnels. L’analyse objectivée de ces relations en équipe pluridisciplinaire Ŕ qui présuppose une qualité du travail d’équipe Ŕ s’avère être une nécessité (45). L’étude, réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27), nuance les tensions qui pourraient exister entre parents et professionnels : les parents sont satisfaits de l’accueil qu’on leur a fait ainsi qu’à leur enfant dans 96 % des cas. Sur le plan qualitatif (réponse libre), ils sont surtout satisfaits du caractère chaleureux de l’accueil ; les parents sont satisfaits de la communication avec l’établissement en cas de problème particulier dans 89 % des cas ; sur le plan qualitatif, les parents sont satisfaits du respect et de la confiance mutuelle des professionnels ; toutefois, cette qualité des relations n’exclut pas des désaccords ou des conflits. Dans 22 % des cas, les rencontres parents-professionnels permettent d’exprimer un désaccord ou un conflit. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Compte tenu de ces complexités relationnelles, il semble important de proposer un accompagnement et une formation des équipes dans le travail avec les familles, d’autant que si les professionnels sont susceptibles d’apporter un soutien important aux parents, ces derniers, par la connaissance qu’ils ont de leur enfant, sont à mêmes d’apporter une aide précieuse aux professionnels. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Il est recommandé d’organiser une formation systématique sur le travail de partenariat, notamment avec les familles. 2.2.4 Modalités d’échanges entre parents et professionnels Cette section aborde les questions suivantes : Comment sont mis en œuvre les échanges entre les parents et professionnels au sujet de l’enfant ? Quel est le lien entre la vie quotidienne au domicile et l’accompagnement au sein de l’institution ? L’attention aux premières rencontres (visites de préadmission, d’admission) est soulignée par de nombreux auteurs. Les professionnels font preuve de convivialité, d’écoute, d’empathie et de compréhension (46,56). La loi du 2 janvier 2002 impose la mise en œuvre d’outils dans le secteur médico-social : livret d’accueil, puis contrat de séjour au moment de l’admission, règlement de fonctionnement. Ces supports, qui décrivent et explicitent le fonctionnement institutionnel, permettent aux familles de connaître le fonctionnement de l’institution. Par ailleurs, ces documents, ainsi que le projet d’établissement précisent la place HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 25 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées des familles ainsi que leurs droits et devoirs. Toutefois, cette information doit être accompagnée de l’écoute des questionnements des familles (46). L’espace d’accueil des familles peut également faire l’objet d’une réflexion particulière afin de veiller à le rendre convivial et adapté (57). Dans un cadre associatif, une réflexion a été menée sur les rencontres famillesprofessionnels. Il plaide pour une formalisation de ces rencontres (58). Les objectifs doivent être clairement identifiés : « entretien d’accueil », « entretien d‘admission », « entretien de projet personnalisé ». Par ailleurs, ces rencontres sont planifiées, ceci afin de prévenir une action professionnelle qui serait trop dans la « réactivité » dès lors qu’une difficulté surgirait au sujet de l’enfant. De fait, leur contenu, leur dimensionnement et les professionnels y intervenant varient (présence du directeur, du psychiatre, de l’éducateur, etc.). Une préparation brève est faite par l’équipe avant l’entretien, puis un retour lors de la réunion suivante. Par ailleurs, la présence de l’enfant/adolescent lors de ces entretiens est la règle. Raoult (45) détaille trois types de rencontres : les rencontres avec la psychologue sur le lien parents-enfants, les entretiens de régulation avec l’équipe éducative sur la vie quotidienne de l’enfant, les réunions de parents type groupe de parole. Les professionnels soulignent l’importance des échanges réguliers entre parents et professionnels afin d’assurer une cohérence et un lien entre le domicile et l’institution. Ainsi, dans un hôpital de jour (57), les professionnels demandent aux parents d’accompagner leur enfant au minimum une fois par semaine à l’hôpital de jour afin de pouvoir échanger avec eux. D’autres outils sont parfois mis en œuvre dans d’autres institutions : cahier de liaison domicile-institution, appels téléphoniques hebdomadaires, etc. Ceci permet aux professionnels de connaître les événements familiaux et l’évolution de l’enfant au domicile. Ces échanges permettent aux parents de mieux connaître leur enfant, notamment ses limites et ses capacités (46). La revue de littérature francophone a identifié de nombreuses publications relatives au partenariat avec les familles (cf. annexe 9). Elle précise qu’« il n’est pas acceptable que les parents soient tenus à l’écart des lieux de soins, sous prétexte de préserver un espace autonome pour leur enfant […]. Les familles demandent à rencontrer des praticiens formés, ayant une ligne de conduite cohérente et tolérante, et travaillant dans le respect mutuel, en réel partenariat avec eux […]. Le partenariat ne peut s’établir que si le cadre de travail des équipes soignantes, éducatives et pédagogiques formalise des lieux et des temps de rencontre, ainsi que des moyens de communication avec les familles : entretiens individuels réguliers et fréquents avec le médecin responsable, le référent de l’enfant, les responsables d’ateliers thérapeutiques ou éducatifs, les enseignants avec tenue d’un cahier de liaison, groupe de parents, journées portes ouvertes dans les institutions » (38). L’étude, réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27), décrit les pratiques des institutions concernant le partenariat parents-professionnels qui existe dans 100 % des structures : rendez vous individuels avec un ou plusieurs membres de l’équipe (99 %) ; échanges informels (74 %) ; fêtes (59 %) ; journées portes ouvertes (39 %) ; réunions thématiques (33 %) ; groupes de parents (30 %) ; participation à des activités éducatives, rééducatives ou thérapeutiques (20 %) ; participation aux réunions de synthèse (13 %) ; accompagnement dans certaines sorties (13 %) ; autres : réunions de rentrée, formation interne, etc. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 26 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le volet de l’enquête auprès des parents décrit leurs modalités d’association (27) : réunion avec l’équipe/synthèse (72 %) ; rendez-vous individuels avec médecin ou psychologue (49 %) ; portes ouvertes, fêtes (42 %) ; groupes de parents (23 %) ; autres : cahier de liaison, CVS, échanges à domicile, échanges téléphoniques (12 %) ; transmission de l’emploi du temps de l’enfant dans 81 % des cas. Sur le plan qualitatif, il est relevé que les parents apprécient les transmissions quotidiennes dans le cahier de liaison ainsi que la disponibilité des professionnels. Toutefois, les parents souhaiteraient davantage de réunions et de rendez-vous formels ; les contacts ont trop souvent lieu à leur demande. D’autre part, les parents relèvent le manque de transparence en cas de difficultés de leur enfant, même si 73 % sont informés systématiquement. L’enquête précise également la fréquence des rencontres parents-professionnels (27), en fonction des types de professionnels (cf. tableau 2). Les parents sont satisfaits du rythme de contacts avec l’équipe d’encadrement et avec les éducateurs et infirmiers (dans 79 % des cas), mais ils ne sont que 67 % à être satisfaits du rythme de contacts avec le médecin ou le psychologue. Tableau 2. Fréquence des rencontres parents-professionnels en fonction des types de professionnels (d’après l’enquête) (27). Fréquents (tous les jours à 1 fois par semaine) Réguliers (entre une fois par mois et une fois par trimestre) Rares (une fois par an ou jamais) Jamais Équipe encadrement 13 % 49 % 26 % 12 % Éducateurs, infirmiers 46 % 37 % 11 % 6% 6% 30 % 29 % 25 % Médecin psychologue ou ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le planning hebdomadaire doit être lisible et respecté par la famille et les diférents acteurs. Des rencontres régulières entre intervenants et parents sont indispensables, à la fois pour échanger et pour ajuster les pratiques. Une recommandation insistant sur la planification et la régularité des rencontres avec les parents apparaît nécessaire. Une personne référente dans la structure où l’enfant/adolescent est suivi pourrait servir de lien et organiser ces rencontres. 2.2.5 Association des parents au projet personnalisé Dans le Code de l’action sociale et des familles (article D. 312-14), la participation des parents au projet personnalisé d’accompagnement est ainsi précisée : « La famille est associée à l’élaboration du projet individualisé d’accompagnement, à sa mise en œuvre, à son suivi régulier et à son évaluation. L’équipe médico-éducative fait parvenir à la famille, au moins tous les six mois, des informations détaillées sur l’évolution de l’enfant ou de l’adolescent et chaque année un bilan pluridisciplinaire complet de sa situation. Au moins une fois par an, les parents sont invités à rencontrer les professionnels de l’établissement ». L’étude, réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27), décrit les pratiques des établissements : le projet personnalisé est élaboré en concertation avec les parents ou le représentant légal dans 94 % des situations ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 27 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées le projet est expliqué aux parents sous la forme d’une information orale (dans 95 % des cas) ; le projet est remis aux parents dans 84 % des structures médico-sociales et 23 % des structures sanitaires ; les parents participent à la réunion de synthèse dans 13 % des cas. Le volet de l’étude consacré à l’enquête auprès des parents décrit les pratiques suivantes : les parents sont informés du projet personnalisé dans 75 % des cas (on peut noter les perceptions différentes concernant l’information autour du projet personnalisé entre l’enquête réalisée auprès des professionnels (§ ci-dessus) et celle réalisée auprès des parents) ; lorsqu’ils sont informés : 87 % ont été associés ; le projet a été communiqué par écrit dans 76 % des cas ; oralement dans 60 % des cas ; pas communiqué dans 6 % des cas. L’Anesm (2) précise que dans le cadre de l’évaluation des aptitudes et des besoins de l’enfant, les familles apportent des compléments indispensables aux observations des professionnels (2). D’autre part, les parents sont informés sur les particularités et les besoins de leur enfant, et ce, à toutes les étapes du développement et dans les phases de transition (59). Les difficultés et les limites, mais également les potentialités, sont évoquées. Lorsque les familles expriment des attentes démesurées vis-à-vis de leur enfant, l’entente et la concertation sont recherchées par les professionnels (51). Les parents sont associés au projet personnalisé d’accompagnement, ils peuvent refuser certaines propositions d’interventions (2). Parmi les programmes d’intervention à domicile, certains optent pour une participation des parents en tant que thérapeutes ou cothérapeutes (cf. plus bas § 5.3.4). Ce type particulier de prise en charge requiert un investissement important des parents. Les parents suivent alors des formations afin de reproduire au domicile ce qui est proposé par les professionnels et sont supervisés par ces derniers. Dans d’autres interventions, à domicile ou non, on demande aux parents une formation minimum pour que les week-end ou les heures de fin de journée soient l’occasion pour l’enfant de situations « naturelles » afin de généraliser les comportements ou compétences acquises au cours de la semaine ou de la journée au centre de soin ou avec un intervenant. Les recommandations de bonne pratique écossaisses considèrent (accord professionnel) que les programmes d’interventions mises en œuvre par les parents doivent être considérés pour les enfants et les jeunes gens de tous âges avec TSA puisqu’ils peuvent aider les interactions de la famille avec l’enfant, promouvoir son développement, accroître la satisfaction des parents, leur maîtrise et leur santé mentale (60). La revue systématique de Diggle et al. (61) estime qu’il existe des indications à ce que les parents puissent réaliser une intervention et avoir parfois une certaine efficacité, mais il n’existait pas d’éléments, jusqu’en 2002, pour conclure que l’intervention mise en œuvre par les parents peut être aussi efficace ou plus efficace que celle menée par les professionnels. Une autre approche postule que la richesse des parents en tant que parents apporte davantage à leurs enfants que ce qu’ils pourraient apporter en tant que cothérapeute (62). Il s’agit alors de soutenir les parents dans leur lien avec leur enfant en valorisant la force de chacun des membres. La place des parents se situe alors (46) : au niveau « des attitudes pédagogiques » ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 28 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées dans les moments de plaisir à partager du temps avec l’enfant, c'est-à-dire pour le parent, le simple fait d’« être avec lui » par sa présence naturelle et généreuse, plutôt que de « vouloir lui apprendre ». ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les professionnels doivent veiller à ne pas « imposer » aux parents une démarche de cothérapeute si ces derniers ne le souhaitent pas. Il peut exister dans certaines équipes une tendance à faire porter aux parents le poids des difficultés de l’enfant en raison d’un travail éducatif non repris à la maison, ce que le groupe juge non acceptable. L’investissement des parents dans un travail de type psycho-éducatif doit être discuté en tenant compte des souhaits de la famille, de ses ressources et de son niveau de compréhension du handicap. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm communes aux paragraphes 2.2.2 à 2.2.5 Outre la recommandation de l’Anesm sur l’accompagnement des personnes avec autisme ou autres TED et plus particulièrement ses recommandations sur l’association de la personne et de sa famille à l’évaluation de sa situation, la co-élaboration du projet avec sa famille, son soutien et son accompagnement ou encore la vigilance par rapport aux risques de dérives liés à certaines pratiques7, les recommandations suivantes, s’agissant d’enfants ou d’adolescents avec TED, concernent l’ensemble des professionnels amenés à intervenir de façon coordonnée auprès de l’enfant/adolescent, quel que soit leur secteur d’activité. La première rencontre entre les parents, leur enfant et les professionnels a une place primordiale et pose les bases de la relation à venir. Il y a un lien étroit, en effet, entre le premier contact et la relation de confiance qui se noue éventuellement par la suite et qui est essentielle à un accompagnement de qualité, d’autant que le travail qui s’engage va se poursuivre parfois pendant de longues années. Il est donc recommandé de mener une réflexion approfondie sur l’accueil des parents et de leur enfant. Ces modalités sont adaptées à l’âge de l’enfant ou de l’adolescent et intégrées, sous forme de protocoles, au projet d’établissement ou de service. Il est recommandé que le projet personnalisé d’interventions soit l’objet d’une co-élaboration entre les parents et les professionnels, afin d’aboutir à une adhésion partagée par l’ensemble des acteurs (objectifs visés, moyens envisagés, modalités de mise en œuvre). Il est recommandé de s’assurer de la compréhension par les parents et leur enfant des objectifs des interventions, des moyens mis en œuvre (rôle de chacun, stratégies développées, etc.) et de l’accord des parents conformément aux principes de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. 2.2.6 Prendre en compte la qualité de vie des parents, leurs demandes d’aide et de soutien Les questions relatives à la qualité de vie des familles, à leur demande d’aide et de soutien sont relativement absentes des textes législatifs. La circulaire de 2005 précise que les parents et les proches sont « écoutés et accompagnés dès le repérage des troubles, et tout au long du parcours de la personne ». Cette préoccupation est mentionnée dans le rapport Chossy de 2003 (63) qui fait état du désarroi des parents et de leur besoin de soutien (cf. chapitre X « La vie quotidienne familiale »). L’avis nþ 102 du CCNE (8) insiste également sur ce point : « La famille doit être accompagnée dans sa propre souffrance et ses grandes difficultés ». 7 « Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles du développement », Anesm, janvier 2010 (paragraphes 1.2 et 2.2 du chapitre 1 ; paragraphe 4.2 du chapitre 2). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 29 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Quelles sont les demandes et besoins des familles en termes d’accompagnement, de soutien et de qualité de vie ? L’étude qualitative de Hahaut et al. (62), à partir d’entretiens semi-structurés avec seize parents, a permis de mesurer les difficultés des parents d’enfants autistes. Dans la vie quotidienne, les tâches les plus difficiles concernent l’apprentissage de la propreté et la gestion des comportements en public. La présence d’un enfant handicapé a également un impact sur la vie professionnelle des mères, leur vie sociale (près de 50 % diminuent leurs loisirs), leur santé physique et psychique (37 % des mères ont des troubles psychologiques). La vie des pères semble moins impactée. L’étude quantitative de Baghdadli et al. (64), à partir d’un questionnaire transmis à soixantedix-sept familles vise à étudier l’impact de la prise en charge sur la qualité de vie des familles. Le questionnaire distingue des éléments relatifs à la qualité de vie dans les activités quotidiennes et l’émotionnel. Les résultats montrent que la qualité de vie des mères est plus impactée que celle des pères. Ils montrent également que les effets de la prise en charge sont surtout bénéfiques pour le score « qualité de vie émotionnelle » pour les femmes. La recommandation canadienne (48) présente le « modèle du deuil », c'est-à-dire du deuil de l’enfant espéré. Le deuil normal et le deuil pathologique y sont distingués. Dans le second cas, les professionnels peuvent proposer un accompagnement adapté si les parents le demandent ou si ce processus compromet l’accompagnement de l’enfant. Les études et les témoignages mettent en évidence deux types de demandes des familles : les demandes et besoins liés au vécu psychique (stress, qualité de vie émotionnelle, souffrance psychique, vécu du deuil, recherche de sens, etc.) ; les besoins et demandes liées à la qualité de vie (troubles du comportement, organisation de la vie quotidienne, etc.). Elles mettent également en évidence l’asymétrie des rôles entre le père et la mère. L’Anesm (2) préconise de tenir compte des attentes des familles et de leurs demandes, des différences qui peuvent exister entre chaque famille (en fonction de ses représentations et de son appartenance sociale et culturelle). Une vigilance particulière est également donnée au décalage qui peut exister entre les représentations des professionnels et des familles. Philip (41) précise également que les demandes de soutien ne concernent pas tous les parents, et que ces demandes peuvent varier dans le temps. ► Comment répondre à ces demandes ? La « Guidance psycho-pédagogique » est décrite par Wintgens et Hayez (46). Il s’agit de rencontres individuelles avec les parents afin de prendre en compte le « vécu psychique » de la famille, leurs demandes, interrogations, et de réfléchir ensemble aux solutions pouvant être apportées au quotidien. L’efficacité de ce dispositif étant validée à partir des « vignettes cliniques» qui démontrent, à partir de l’observation, les effets bénéfiques de la « guidance psycho-pédagogique ». La formation de groupe au programme TEACCH8 est décrite par Sarjad. Cette formation par groupe restreint est basée sur l’écoute empathique favorisant les échanges entre mères, leur rôle actif et la valorisation de l’estime de soi (42). L’efficacité a été mesurée à partir du recueil des témoignages des mères avant et après la mise en place du groupe. Ce groupe a permis aux mères de sortir de leur isolement et de retrouver leur potentiel éducatif. 8 Le programme TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children) est un programme qui a été mis en œuvre dans toute la Caroline du Nord pour répondre aux besoins des personnes avec autisme et troubles apparentés de la communication (48). TEACCH offre une vaste gamme de services destinés aux enfants, aux adolescents, aux adultes ainsi qu’à leur famille et à leur collectivité. TEACCH utilise plusieurs techniques, plusieurs méthodes, dans différentes combinaisons, en fonction des besoins individuels de la personne et des capacités émergentes (65). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 30 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées La recommandation canadienne détaille différents outils : les séances d’information, les groupes de parole, la formation (48). La recommandation de l’Anesm (2) recommande une guidance parentale pour les situations problématiques à partir d’un partage d’expérience entre parents et professionnels. Ces dernières pouvent avoir lieu à domicile. Ces outils diffèrent en fonction de leurs principes d’action. Dans le cas de la guidance psychopédagogique, la prise en compte de la qualité de vie des familles s’inscrit dans le cadre plus général de l’accompagnement de l’enfant. L’expérience décrite par Sarjad (42) a des objectifs plus ciblés sur le « stress » des mères et l’estime de soi. Certains points sont cependant communs et notamment l’importance de valoriser les compétences parentales, de conforter les parents dans leurs attitudes et d’adapter les outils aux demandes des familles. L’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) décrit les pratiques des établissements : 85 % des établissements proposent un soutien psychologique aux parents ; 76 % des établissements proposent une guidance parentale ; 17 % des établissements proposent des formations. Le volet de l’étude auprès des parents (27) décrit le contenu des échanges entre les parents et les professionnels : 18 % soutien psychologique ; 45 % une guidance et des conseils ; 24 % des informations ou des formations sur des thèmes particuliers. Avis complémentaires des membres des groupes de travail L’organisation de groupes de parents est susceptible d’apporter des conseils éducatifs et un soutien permettant de prévenir l’isolement et l’épuisement de certaines familles. Le groupe recommande de faciliter l’écoute et le soutien des parents et de leur proposer différentes modalités d’appui. Ces modalités doivent être proposées à tous les parents mais ne leur sont en aucun cas imposées. La collaboration parents-professionnels doit permettre de repérer les axes d’intervention susceptibles d’améliorer le fonctionnement quotidien de l’enfant ou de l’adolescent dans la vie familiale et de réduire les répercussions de ses difficultés particulières sur le fonctionnement global de la famille. Dans ce cadre, une attention particulière doit être donnée aux troubles du sommeil. L’évaluation des ressources de la famille (compréhension du diagnostic, de l’évolution de l’enfant, soutien social, revenus, etc.) doit être renouvelée régulièrement. Une attention particulière doit être portée aux changements de la dynamique familiale susceptible de modifier la disponibilité. Les évaluations de l’efficacité des interventions rapportées plus bas comportent pour la plupart une évaluation du niveau de dépression des parents et de leur degré de satisfaction avant et après intervention. De plus, la grande majorité des interventions dont l’efficacité est évaluée, comportent une formation des parents décrite en détail, le nombre de réunions en groupe ou en individuel avec le personnel intervenant (même si les parents n’interviennent pas directement dans l’intervention). ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Il est recommandé de faciliter l’écoute et le soutien des parents et de leur proposer différentes modalités d’appui. Ces modalités sont à proposer à tous les parents, mais ne leur sont en aucun cas imposées. Elles doivent être présentées comme une offre possible, parmi lesquelles : une information sur les TED et les interventions proposées ; une aide à la compréhension des difficultés spécifiques de leur enfant ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 31 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées un soutien psychologique : comme toute situation de handicap, celle qu’entraînent les TED peut engendrer une souffrance psychologique dans la famille ; des occasions d’échanges entre parents sous différentes formes ; un contact avec les associations de parents et de personnes avec TED, susceptibles d’apporter, tant aux parents qu’à leur enfant, conseils, appui, soutien, témoignages et recul par rapport aux situations vécues et au chemin parcouru ; par exemple, les échanges entre l’enfant/adolescent et des adultes avec syndrome d’Asperger ou autisme de haut niveau de fonctionnement sont susceptibles de permettre à l’enfant/adolescent de découvrir les perspectives qui s’offrent à lui et de construire son avenir, sans masquer les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne ; une information et une aide dans l’accès à des ressources et compétences extérieures et notamment un accompagnement dans les démarches nécessaires à l’orientation de l’enfant/adolescent (constitution des dossiers de demande auprès de la MDPH par exemple). 2.2.7 Associer les parents à la dimension collective du projet d’établissement Dans les institutions médico-sociales, les parents sont associés au fonctionnement de l’établissement par le biais du Conseil de la vie Sociale (CVS) institué par le décret du 25 mars 2004. Ils siègent en tant que représentants des personnes accueillies. Le CVS « donne son avis et peut faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l’établissement ou du service, notamment sur l’organisation intérieure et la vie quotidienne, les activités, l’animation socio- culturelle et les services thérapeutiques, les projets de travaux et d’équipement, la nature et le prix des services rendus, l’affectation des locaux collectifs, l’entretien des locaux, les relogements prévus en cas de travaux ou de fermeture, l’animation de la vie institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les relations entre ces participants ainsi que les modifications substantielles touchant aux conditions de prise en charge ». Dans les établissements publics médico-sociaux, des représentants des usagers siègent au conseil d’administration (article L. 315-10 CASF). Cette participation n’est pas systématique dans les établissements associatifs puisqu’elle diffère en fonction des statuts qui sont propres à chaque association. Dans les établissements sanitaires, la commission de relation avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQ), instituée par le décret du 2 mars 2005, rend possible la participation des parents par le biais des associations représentant des usagers : « La CRUQ contribue à l’amélioration de la qualité d’accueil et de la prise en charge des personnes malades et de leurs proches […]. La CRUQ est chargée de veiller au respect des droits des usagers et de faciliter leurs démarches pour les litiges ne présentant pas le caractère d’un recours gracieux ou juridictionnel ». Dans les établissements sanitaires publics, deux représentants des usagers siègent au conseil de surveillance (décret du 8 avril 2010 relatif à l’application de la loi HPST). D’autres formes de participation ad hoc et plus souples peuvent être imaginées par les équipes : réunions parents-professionnels, questionnaires, organisation d’évènements (fêtes, etc.). L’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) décrit les pratiques des établissements concernant la dimension collective : les conseils de la vie sociale (CVS) ou commission de relation avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQ) (65 % des structures) ; fêtes (59 %) ; journées portes ouvertes (39 %) ; réunions thématiques (33 %) ; groupes de parents (30 %) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 32 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées accompagnement dans certaines sorties (13 %). ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Au-delà de la place des familles dans le choix des interventions (obligations légales définies par la loi de 2002), il est nécessaire d’associer les parents à la vie institutionnelle des établissements et services. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Il est recommandé d’organiser une modalité de participation collective des parents leur permettant, s’ils le souhaitent, d’être à l’initiative d’un questionnement qui leur soit propre sur le fonctionnement général de la structure d’accueil de leur enfant et d’être davantage associés à la vie de celle-ci. En dehors des dispositifs réglementaires (conseil de la vie sociale, commission de relation avec les usagers et de la qualité de la prise en charge), des formes souples peuvent être mises en œuvre : groupes de parents, réunions thématiques, journées portes ouvertes, fêtes, participation à des activités de loisirs, etc. 2.3 Être attentif aux frères et sœurs et à la famille élargie Wintgens et Hayez (66), à partir de leur expérience clinique et de l’analyse de la littérature attirent l’attention sur l’hétérogénéité du vécu des frères et sœurs. Plus récemment, une étude pilote, menée en France auprès de vingt adolescents, frères et sœurs d’enfants ou d’adolescents avec autismes9 (âgés, eux, de 5 à 18 ans) constate une hétérogénéité de la qualité de vie perçue par les fratries. L’objectif de cette étude était de décrire cette population de frères et sœurs, âgés de 12 à 18 ans, en termes de qualité de vie et de développement (autonomie, socialisation et jugement moral) en tenant compte de la sévérité de l’autisme, du rang, du sexe, de la taille de la fratrie et du niveau socio-économique de la famille. Les résultats obtenus dans l’étude indiquent que ces frères et sœurs auraient un développement de l’autonomie différent des adolescents de la population générale et, qu’en particulier, la taille de la fratrie influerait. Il semblerait également que la sévérité de l’autisme aurait un impact sur leur qualité de vie. Ces résultats sont concordants avec les données de la littérature, mais demandent néanmoins à être confirmés par une étude de comparaison ultérieure envisagée par les auteurs (67). La présence d’un frère ou d’une sœur handicapée peut être très enrichissante pour la fratrie. Ceci corrobore les témoignages cités par Errera (68) qui mettent en avant la qualité de la relation avec leur frère ou sœur handicapée. Dans d’autres cas, l’adaptation est plus ou moins réussie (parentification, sentiment d’être délaissé, expériences d’angoisses, etc.). Parfois, les frères et sœurs peuvent présenter des troubles pathologiques (ressentiment, sentiment d’injustice longuement ressassé, manières préoccupantes d’attirer l’attention sur soi, conformisme, culpabilité pathologique) (66). La façon dont le frère ou la sœur vit le handicap dépend de plusieurs éléments : la composition de la fratrie, le type de handicap, le vécu parental (66). Ce dernier point est également souligné par Errera (68) qui précise que c’est parfois le vécu « catastrophique » des parents, qui est le plus difficile à vivre. Ainsi, les réponses à apporter aux frères et sœurs sont à adapter en fonction des situations : il peut s’agir simplement de signifier au frère ou à la sœur que l’on se tient à sa disposition pour l’entendre ou répondre à sa question ; dans d’autres cas, il aura besoin d’un espace pour exprimer son vécu. Certaines institutions ont mis en place des groupes fratries (69) afin de permettre aux frères et sœurs de partager leur vécu. 9 Par autismes, les auteurs entendent l’autisme infantile (coté F84.0 dans la CIM 10), l’autisme atypique (coté F84.1 dans la CIM 10) et le syndrome d’Asperger (coté F84.4 selon la CIM 10). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 33 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Concernant la prise en charge de l’enfant handicapé, les frères et sœurs peuvent partager leurs observations. En effet, ils ont souvent une bonne connaissance de leur frère ou sœur (70), et leur position, plus distanciée que les parents, leur permet parfois de poser un regard différent. L’Anesm (2) recommande de se montrer attentif aux interrogations de la fratrie. Celle-ci peut avoir besoin d’être informée plus amplement, afin de comprendre les manifestations des troubles, leurs effets sur le fonctionnement familial, ainsi que sur le comportement de la personne. Cette information peut être donnée lors d’entretiens, en s’appuyant si besoin sur des brochures, en réponse à leurs questions qui peuvent survenir au moment du diagnostic ou à tout autre moment. L’Anesm recommande également de leur faciliter l’accès à une consultation de génétique médicale et, éventuellement, à des examens complémentaires, s’ils en expriment le besoin. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Il s’agit d’une question essentielle, mais complexe, qui nécessite d’imaginer des réponses sociétales non stigmatisantes. Les frères et sœurs doivent recevoir une attention particulière, le quotidien est parfois difficile pour eux. Des groupes de parole peuvent leur être proposés, afin qu’ils puissent échanger avec d’autres, parler des difficultés spécifiques à cette situation. En phase de lecture et de consultation publique, un certain nombre de participants ont souhaité préciser qu’il convenait non seulement d’être attentif aux sollicitations de soutien exprimées explicitement par la fratrie, mais aussi à ses manifestations de souffrance. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le handicap d’un enfant/adolescent peut avoir des répercussions sur tous les membres de la famille, en particulier les frères et sœurs, mais aussi sur toutes les personnes susceptibles d’interagir avec lui dans le cercle familial de manière régulière et importante : grandsparents, oncles et tantes, cousins/cousines, amis proches, etc. Les recommandations de l’Anesm portant sur l’accompagnement des personnes avec autisme ou autres TED relatives à l’information de la famille élargie et de la fratrie, mais aussi au soutien et à l’accompagnement de la famille10, concernent l’ensemble des professionnels amenés à intervenir de façon coordonnée auprès de l’enfant/adolescent, quel que soit leur secteur d’activité. Il est également recommandé d’être particulièrement attentif aux manifestations de souffrance et aux sollicitations de soutien exprimées par la fratrie et de proposer des modalités de réponses variées : soutien psychologique individuel, groupes thématiques « parents-enfants-fratrie », groupes de parole, organisation d’activités conjointes avec la fratrie, etc. Ces modalités ne peuvent être imposées. 10 « Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles du développement », Anesm, janvier 2010 (chapitre 1, paragraphes 1.5 et 4.2). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 34 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 3 Évaluation du développement de l’enfant/adolescent Ce chapitre a pour objectif de répondre à la question suivante : Quels sont les domaines du fonctionnement de l’enfant ou de l’adolescent et de sa participation dans lesquels une évaluation régulière de son développement est nécessaire pour appréhender au mieux ses besoins et ses ressources ? Les sous-questions proposées dans la note de cadrage sont les suivantes : Quels sont les domaines dans lesquels une évaluation régulière est nécessaire pour tout enfant ou adolescent avec TED ? Comment et sur quels critères effectuer cette évaluation par domaine ? Des examens systématiques sont-ils nécessaires : quand et quels sont-ils ? Des spécificités sont-elles à envisager selon l’âge de l’enfant, ou selon le lieu d’exercice ou la situation dans laquelle exerce le professionnel ? Faut-il demander un autre avis, à qui et dans quels contextes ? Quand faut-il envisager de renouveler cette évaluation ? Ce chapitre a été rédigé à partir des dix-sept recommandations de bonne pratique identifiées (annexe 10, tableau 10-1). Parmi elles, treize formulent des recommandations relatives à l’évaluation de la situation de l’enfant/adolescent avec TED (2,31,48,60,71-80). Deux recommandations évoquent les aspects spécifiques à certains troubles somatiques : scoliose dans le syndrome de Rett (77) et troubles gastro-intestinaux communs (79). Les autres recommandations sont plus génériques. Deux n’ont pas été retenues (absence de groupe pluridisciplinaire, de prise en compte des préférences des usagers et de revue systématique de la littérature) (71,73). Parmi les autres, toutes ont été élaborées par un groupe pluriprofessionnel ; plusieurs ne précisent pas si la recherche documentaire a été systématique (2,48,73,74,80), bien que l’une d’entre elles décrive précisément les niveaux de preuve des études analysées (80). Les recommandations de l’Anesm traitent de l’évaluation de manière générale, sans distinguer l’évaluation initiale du développement de l’enfant réalisée au cours de la démarche diagnostique et les évaluations ultérieures permettant de suivre l’évolution de l’enfant (2). Les autres traitent la question de l’évaluation du développement de l’enfant quasi exclusivement dans le cadre de l’évaluation initiale au moment du diagnostic, et non au cours du suivi de l’enfant. Bien que ce travail exclue la question du diagnostic des TED, les points qui ont semblé pouvoir être généralisés à la période de suivi ont été décrits cidessous. Les grades n’ont été précisés que lorsque la recommandation est établie spécifiquement dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent ; ils ne sont pas précisés si la recommandation concerne l’évaluation initiale. 3.1 Définition et objectifs de l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent avec TED ► Analyse de la littérature Il existe une très grande hétérogénéité de fonctionnement d’un enfant/ adolescent avec TED à un autre. L’évaluation du fonctionnement, des activités et de la participation de l’enfant/adolescent fait partie de la démarche diagnostique concernant tout enfant/adolescent pour lequel le diagnostic de TED est évoqué (1,2,31,60). Au-delà de l’évaluation nécessaire à la confirmation du diagnostic, examiner les différents domaines de développement de l’enfant/adolescent et leur interrelation permet d’identifier ses capacités en même temps que ses déficits et leurs répercussions en termes d’adaptation à la vie quotidienne (31). L’évaluation du fonctionnement de l’enfant/adolescent constitue le HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 35 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées support à partir duquel le choix des interventions répondant aux besoins de la personne est déterminé (2,31). L’évolution, tout au long de la vie des personnes avec TED, requiert une évaluation régulière de leur fonctionnement individuel, de leurs compétences et difficultés. Cette évaluation répétée permet d’élaborer, puis de faire évoluer le projet personnalisé d’interventions (modalités de soins, d’éducation et d’accompagnement), l’établissement du plan personnalisé de compensation et, chez l’enfant/adolescent, du projet personnalisé de scolarisation (1,2). Si l’Anesm recommande que l’évaluation porte sur les différents domaines de fonctionnement, de façon à rendre compte des compétences acquises et émergentes et à prendre en considération les obstacles rencontrés dans l’environnement de la personne, ainsi que les facilitateurs disponibles ou à créer (2), les modalités précises de mise en œuvre de cette évaluation et les domaines dans lesquels cette évaluation est requise nécessitent d’être précisés. ► Avis complémentaires des groupes de travail Avant de répondre aux questions posées, le groupe de pilotage rappelle les points suivants. L’évaluation du développement de l’enfant/adolescent avec TED et de son état de santé dans le cadre de son suivi nécessite de rappeler les recommandations formulées dans le cadre de l’évaluation fonctionnelle initiale mise en œuvre en phase de diagnostic (31), notamment les notions de délais de mise en œuvre de ces évaluations et leur nécessaire articulation avec l’organisation des interventions à proposer à l’enfant/adolescent et sa famille à l’issue de ces évaluations. Les commentaires reçus en phase de lecture insistent sur la nécessité que le diagnostic soit posé de manière précoce et selon la classification de référence (CIM-10) (1). Au-delà de l’évaluation initiale nécessaire à la confirmation du diagnostic de TED, l’évaluation réalisée dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent avec TED vise à décrire son fonctionnement, notamment son état de santé et son développement dans différents domaines. L’évaluation du développement de l’enfant/adolescent et de son état de santé mesure l’impact du fonctionnement de la personne avec TED sur sa qualité de vie et celle de son entourage. L’évaluation, dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent avec TED, n’est pas un objectif en soi. Elle a pour finalité de : répondre à une question définie (diagnostic, évolution, troubles du comportement, besoins d’accessibilité et de compensation, etc.), en tenant compte des priorités de la personne (si elle est en mesure de les exprimer, si besoin à l’aide de moyens de communication adaptés), de sa famille et des intervenants habituels ; déterminer les traitements médicaux et le choix des interventions à mettre en œuvre, en tenant compte du profil individuel, en particulier des priorités de la personne (si elle est en mesure de les exprimer, si besoin à l’aide de moyens de communication adaptés), de sa famille et des intervenants habituels ; participer à la définition d’un projet personnalisé (projet de soin, projet éducatif) ; dans la mesure où elle sert le projet de vie de la personne, elle doit donc être régulièrement actualisée dans ses questions, son contenu en fonction de l’évolution ; donner aux parents des outils : compétences adaptatives, besoins et cibles d’intervention. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 36 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Examiner régulièrement les différents domaines de fonctionnement de l’enfant/adolescent et leur interrelation permet : de suivre l’évolution du développement de l’enfant/adolescent comparativement à une évaluation antérieure ou permettant de préciser l’âge développemental de l’enfant/adolescent comparativement à son âge chronologique ; de repérer les pathologies somatiques ou psychiatriques associées et d’affiner le diagnostic en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques (ex. : examen génétique) ; d’identifier les capacités de l’enfant/adolescent, en soulignant ses points forts et d’identifier ses motivations singulières ; d’identifier la situation de handicap de l’enfant/adolescent en fonction des répercussions sur la vie quotidienne de ses déficits et de l’adaptation de son environnement. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Finalité et principes de l’évaluation dans le cadre du suivi Les évaluations du développement de l’enfant/adolescent et de son état de santé ont pour finalité de définir et ajuster les interventions qui lui sont proposées dans le cadre d’un projet personnalisé d’interventions et de s’assurer de la cohérence du projet au regard de l’actualisation du diagnostic ou des connaissances. Ces évaluations ne se réduisent pas à la détermination d’un diagnostic nosologique pour l’enfant/adolescent ou à celle d’un score mais visent à mettre en avant ses ressources, ses potentialités et ses capacités adaptatives et à déterminer ses besoins. Il est recommandé que toute évaluation soit centrée sur l’enfant/adolescent. Elle prend en compte son caractère unique ainsi que celui de sa famille et nécessite d’être réalisée en étroite collaboration avec eux. Toute information doit leur être communiquée de manière orale et écrite dans un langage clair, compréhensible et respectueux. Les objectifs et les tests utilisés leur sont systématiquement expliqués. Lors de tout processus d’évaluation, il est recommandé que les professionnels s’assurent : de la mise à disposition des moyens de communication habituels de l’enfant/adolescent avec TED ; de la prise en compte de l’âge chronologique et de l’âge de développement de l’enfant/adolescent ; de la prise en compte, dans l’interprétation des résultats, du degré de familiarité de l’enfant/adolescent avec le contexte dans lequel cette évaluation est menée, de l’adaptation éventuelle des modalités de passation et de la spécificité ou non du test pour les personnes avec TED. Avant de débuter cette démarche, il est recommandé : d’organiser un temps d’échange avec l’enfant/adolescent adapté à ses capacités de communication, ainsi qu’avec ses parents, pour connaître leurs attentes et leur satisfaction au regard du projet précédemment mis en œuvre ou envisagé ; de s’assurer que l’évaluation initiale a été réalisée conformément aux recommandations en vigueur, et le cas échéant de mettre en œuvre les examens qui n’auraient pas été réalisés (31) ; de solliciter, après accord de la famille et dans le respect des règles déontologiques, la transmission des examens réalisés antérieurement dans les mêmes domaines par une autre équipe ou un autre professionnel. Rappels relatifs à l’évaluation initiale réalisée en phase diagnostic La démarche diagnostique associe l’établissement d’un diagnostic nosologique et la réalisation d’une évaluation fonctionnelle des troubles et des capacités (31), personnalisée, à partir de laquelle un premier projet personnalisé d’interventions sera co-élaboré avec la famille (cf. § 3). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 37 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Cette évaluation initiale du fonctionnement de l’enfant/adolescent, effectuée lors de la phase de diagnostic médical de TED, doit être réalisée, avec l’accord des parents, dans les délais les plus brefs, au plus tard dans les 3 mois après la première consultation ayant évoqué un trouble du développement de l’enfant/adolescent. Ces délais nécessitent qu’une ou plusieurs équipes pluridisciplinaires par territoire de santé, selon les besoins de la population, disposent et développent les moyens nécessaires11 à la mise en œuvre de cette évaluation initiale, sans recours systématique aux centres de ressources autisme (CRA). La procédure diagnostique doit être immédiatement articulée à la mise en œuvre des interventions et nécessite des contacts entre équipes qui effectuent le diagnostic et équipes d’interventions. En cas de confirmation ou suspicion d’un TED, toute évaluation initiale doit être suivie d’une consultation et d’un compte rendu écrit pour expliciter aux parents la synthèse des évaluations et les propositions d’interventions à mettre en œuvre. En cas d’évaluation excluant le diagnostic de TED, toute évaluation initiale doit être suivie d’une consultation et d’un compte rendu écrit pour expliciter aux parents la synthèse des évaluations et les autres orientations diagnostiques envisagées, ainsi que les actions éventuelles de suivi à mettre en œuvre. En cas de doute diagnostique, un recours au CRA peut être justifié. La mise en place des interventions peut débuter avant même que l’ensemble des évaluations initiales soient terminées, dès lors qu’un trouble du développement est observé. 3.2 Domaines de fonctionnement et de participation de l’enfant/adolescent Quels sont les domaines dans lesquels une évaluation régulière est nécessaire pour tout enfant ou adolescent avec TED ? ► Analyse de la littérature De manière universelle, l’état de santé d’un enfant ou d’un adolescent peut être décrit en termes de domaines de santé et de domaines connexes de santé12 (13). Cette description tient compte, d’une part du fonctionnement au niveau des fonctions physiologiques des systèmes organiques, y compris les fonctions psychologiques, et des activités et participation de la personne, et d’autre part de facteurs contextuels (facteurs environnementaux et facteurs personnels) (13). Les domaines de la santé dans lesquels le fonctionnement et les activités et participation d’un enfant ou adolescent avec autisme présentent des particularités comparativement au développement d’un enfant ordinaire sont nombreux (1) : domaine sensoriel (vision, audition, toucher, goût et odorat) ; domaine moteur ; domaine de la communication (attention conjointe, imitation, langage) ; domaine des interactions sociales ou socialisation (relation avec autrui, sociabilité) ; domaine émotionnel (émotion, angoisse, comportement) ; 11 Cette démarche nécessite une équipe pluridisciplinaire 1) disposant de professionnels formés, compétents et suffisamment entraînés pour examiner le développement (cognitions, communication, sensorimotricité) et les aspects psychopathologiques ; 2) ayant une bonne connaissance de ce qui peut être proposé aux parents en termes de soins, d’éducation, de pédagogie et d’accompagnement de leur enfant ; 3) articulée avec les professionnels susceptibles d’assurer les consultations génétiques et neurologiques. Pour plus de détails, se reporter aux recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme. FFP-HAS 2005. 12 Parmi les domaines de santé, on peut citer la vision, la marche, l’apprentissage et la mémoire, alors que parmi les domaines connexes de la santé, on trouve la mobilité, l’éducation, les interactions en société, etc. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 38 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées domaine cognitif (mémoire, fonctions exécutives, capacité d’adaptation au changement, théorie de l’esprit, faiblesse de cohérence centrale) ; domaine corporel ou somatique (autres maladies associées, comportement-problème avec automutilation). Les domaines cités ci-dessus sont tous mentionnés dans les recommandations de bonne pratique identifiées (cf. analyse de la littérature détaillée par domaine dans les sections cidessous). Par ailleurs, deux autres domaines sont cités dans les recommandations identifiées : domaine nutritionnel (76) ; domaine du comportement (72). Parmi les domaines connexes de la santé, définis par la CIF comme les domaines où certaines composantes du bien-être relèvent de la santé (13), d’autres domaines ont également été identifiés par le groupe de pilotage13 : domaine des apprentissages, en particulier scolaires ou préprofessionnels ; domaine des activités quotidiennes (entretien personnel et activités domestiques). Parmi les facteurs contextuels, les domaines suivants ont été identifiés par le groupe de pilotage : domaine de l’environnement familial (disponibilité, situation financière) ; domaine des articulations avec les autres services (articulations intra et extrainstitutionnelles) ; domaine de l’environnement matériel. L’ensemble de ces domaines recoupent ceux identifiés au travers d’une revue générale de la littérature, antérieure aux recommandations décrites ci-dessous, relative aux instruments d’évaluation du développement des enfants avec TED (81) ; les instruments sont présentés selon les domaines suivants : symptôme de la triade autistique (troubles de la communication, des interactions sociales et du comportement), intelligence, langage, comportement adaptatif, fonctions neuropsychologiques (dont attention, fonctions exécutives), compétences scolaires, pathologies psychiatriques associées et facteurs environnementaux (qualité de vie des parents, fonctionnement familial) (81). ► Avis complémentaires des groupes de travail Les membres des groupes de pilotage et de cotation confirment la pertinence des domaines identifiés dans la littérature, ainsi que plus de 90 % des membres du groupe de lecture. Les commentaires reçus en phase de lecture rappellent l’importance d’avoir une vision globale du fonctionnement et de la participation de l’enfant et non seulement des visions fragmentées par domaine (cf. document annexe). Certains professionnels auraient souhaité que le terme psychoaffectif soit introduit, alors que d’autres le rejettent. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm L’hétérogénéité des profils cliniques et de l’évolution des enfants/adolescents avec TED nécessite qu’une évaluation régulière, réalisée au minimum une fois par an par l’équipe d’interventions, explore l’ensemble des domaines listés dans le tableau 3, et en fasse une synthèse dans une vision globale du développement de l’enfant/adolescent. Les évaluations décrites ci-dessous comprennent l’évaluation fonctionnelle du développement de l’enfant/adolescent par domaine et l’observation continue permettant le suivi de l’efficacité des interventions pour cet enfant/adolescent. 13 Domaines identifiés dans le cadre d’un projet d’évaluation des pratiques professionnelles coordonné par la Fédération française de psychiatrie, réalisé en région Bretagne (données non publiées). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 39 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 40 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Tableau 3. Domaines dans lesquels une évaluation régulière est nécessaire. CIF* Domaines Fonctionnement Communication et langage Interactions sociales ou socialisation Cognitif Sensoriel et moteur Émotions et comportement Somatique Activités et Autonomie dans les activités quotidiennes participation Apprentissages, en particulier scolaires et préprofessionnels Facteurs Environnement familial environnementaux Environnement matériel * CIF : Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. 3.2.1 Domaines et examens identifiés au sein des recommandations de bonne pratique Quels sont les domaines dans lesquels une évaluation régulière est nécessaire pour tout enfant ou adolescent avec TED ? Des examens systématiques sont-ils nécessaires : quand et quels sont-ils ? ► Domaine du fonctionnement Domaine de la communication et du langage Analyse de la littérature Par définition, tout enfant ou adolescent avec TED présente des altérations qualitatives des modalités de communication (12). Ces troubles sont fréquemment associés à des troubles du langage (1), allant des troubles sévères de la compréhension avec absence d’expression parlée à de subtiles difficultés fonctionnelles ou pragmatiques du langage, telle que la difficulté à comprendre le sarcasme ou utiliser des métaphores (60). De nombreuses recommandations préconisent une évaluation des compétences dans le domaine de la communication et du langage pour tout enfant avec TED (31,48,60,72,74-76), afin d’adapter les interventions (60). Les professionnels doivent noter qu’il peut exister un niveau de compréhension plus faible que ne le laisse supposer le niveau de développement en expression (accord professionnel) (60). L’évaluation initiale de la communication verbale et non verbale a un impact sur le choix des interventions, et offre une référence à partir de laquelle sera évaluée l’évolution ultérieure (72). Cette évaluation concerne les versants expressif, réceptif et pragmatique du langage, qu’il s’agisse de la langue parlée, écrite, voire de la langue des signes (31). Deux recommandations précisent les points qui devraient être systématiquement explorés (72,74) : examen de l’audition (72,74) ; étendue et niveaux des capacités de communication (74) ; fréquence d’initiation de la communication (74) ; capacité à utiliser les stratégies de communication non verbale (ex. : pointer vers un objet) (72) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 41 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées utilisation de stratégies de repérage temporospatial (74) ; utilisation des signaux socio-affectifs (regard dirigé, expression faciale) (74) ; utilisation fonctionnelle de la langue parlée (72) ; capacités de langage, réceptif et expressif (syntaxe, sémantique, morphologie et pragmatique) (74) ; articulation parlée et praxies bucco-faciale, dont prise alimentaire (74) ; qualité de la voix (74) ; prosodie (74) ; comportement de communication non verbal atypique ou retardé (ex. : regard atypique ou gestes atypiques) (72) ; retard de développement ou absence de langue parlée (72) ; utilisation atypique de la communication verbale (ex. : répétition de mots ou utilisation de mots sans intention de communication) (72,74). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine de la communication et du langage est un domaine essentiel dans lequel une évaluation formalisée par l’équipe d’intervention, au minimum annuelle, est nécessaire tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. Pendant la période de 2 à 5 ans, un point devrait être fait tous les 6 mois, afin de vérifier l’existence de gains ou de pertes et réorganiser ou réorienter les interventions en fonction de ces constats. Cette évaluation doit être débutée avant même le développement d’une langue parlée. En effet, certains éléments de la communication non verbale (attention conjointe, imitation, tour de parole) sont nécessaires au développement d’une langue, que cette dernière soit parlée ou visuo-gestuelle (langue des signes). Le domaine de la communication et du langage est isolé de manière pragmatique en un paragraphe spécifique, mais fait plus largement partie du domaine cognitif. L’examen de l’audition fait partie des examens recommandés au cours de l’évaluation initiale, et est rappelé dans le domaine somatique. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine de la communication et du langage est un domaine essentiel dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours. Cette évaluation fonctionnelle comprend, au minimum, le suivi du développement : de la communication non verbale (attention conjointe, imitation, fréquence d’initiation de la communication, respect du tour de parole, utilisation de support visuel dont les pictogrammes, etc.), même avant tout développement d’une langue ; du langage dans ses versants réceptif et expressif et dans ses différentes dimensions : phonologique, lexicale, sémantique, syntaxique et pragmatique. Le suivi du développement du langage est réalisé en langue orale (langue parlée ou le cas échéant langue des signes) et, à partir de 6 ans, en langue orale et en langue écrite, même si la langue orale est peu développée. Il précise si l’enfant utilise un système alternatif ou augmentatif pour communiquer. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 42 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Domaine des interactions sociales ou socialisation Analyse de la littérature Par définition, tout enfant/adolescent avec TED présente des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques (12). L’évaluation des habiletés ou interactions sociales et les habiletés au jeu doivent être réalisées chez tous les enfants et adolescents avec TED, par observation directe et informelle (72,76). Les interactions parents-enfants sont également observées (72). Cette évaluation comprend systématiquement (72) : initiation de la relation (ex. : montrer ou donner un objet) ; imitation sociale (ex. : imiter l’action d’autrui) ; interactions attendues pour l’âge (ex. : tour de parole ou tour de jeu) ; attachement en présence d’une personne connue ; isolement ou recherche de solitude ; utilisation d’autrui pour obtenir ce que l’on veut (ex. : prendre la main d’un adulte pour atteindre un jouet) ; relations sociales avec des personnes familières ou non. La classification internationale du fonctionnement détaille dans son chapitre 7 les activités relatives aux « relations et interactions avec autrui permettant une vie de relation avec d’autres personnes (étrangers, amis, parents, famille, amants) dans diverses situations et dans le respect des convenances », tel qu’initier, maintenir et mettre fin à des relations, manifester et réagir aux marques de chaleur, respect, gratitude, tolérance, critique, contact physique (13). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine des interactions sociales, également appelé par les professionnels « domaine de socialisation », est un domaine essentiel dans lequel une évaluation formalisée par l’équipe d’interventions au minimum annuelle est nécessaire. Par ailleurs, pendant la période de 2 à 5 ans, un point devrait être fait tous les 6 mois, afin de vérifier l’existence de gains ou de pertes et réorganiser ou réorienter les interventions en fonction de ces constats. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine des interactions sociales est un domaine essentiel dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée, pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours. Cette évaluation fonctionnelle comprend au minimum le suivi du développement : des habiletés au jeu (ex. : imitation, tour de jeu, initier, maintenir, mettre fin à la relation de jeu) ; des habiletés ou interactions sociales dans différentes situations (créer et entretenir des relations familiales, avec ses pairs, avec des professionnels, des personnes étrangères et ultérieurement des relations intimes) ; des habiletés ou interactions sociales dans différents lieux (initier, maintenir et mettre fin aux échanges à la maison, à la crèche, à l’école ou dans les établissements sanitaires, médico-sociaux, cabinets libéraux, etc.). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 43 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Domaine cognitif Analyse de la littérature Selon les recommandations, l’examen psychologique est considéré indispensable (31,74) ou fortement envisagé pour déterminer le profil intellectuel, cognitif et socio-adaptatif de tout enfant ou adolescent avec TED (31,48,72,74,76). Bien que l’évaluation du fonctionnement cognitif ne soit pas nécessaire pour poser le diagnostic de TED, une évaluation globale du développement de l’enfant/adolescent devrait être réalisée pendant ou après la démarche diagnostique afin de déterminer la présence éventuelle de déficiences intellectuelles et de documenter ses forces et faiblesses. Ceci est particulièrement utile pour la mise en œuvre des interventions, puisque le type d’intervention et son succès peut dépendre de la présence et de la sévérité du retard mental (74). Les recommandations ne détaillent pas les domaines spécifiques (ex. : mémoire, fonctions exécutives, etc.) qui devraient être évalués, en dehors du langage, qui est systématiquement identifié en un paragraphe spécifique des recommandations. Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine cognitif est un domaine dans lequel une évaluation spécifique est utile pour permettre de préciser l’âge développemental de l’enfant/adolescent, comparativement à son âge chronologique et mettre en évidence ses modalités particulières de fonctionnement (forces et faiblesses) sur lesquelles le projet personnalisé pourra s’appuyer. Les bilans utilisés doivent être adaptés au développement du langage de l’enfant/adolescent (cf. § 3.3.4). Les personnes avec TED auditionnées par le groupe de pilotage attirent l’attention de ces derniers sur le risque de réduire l’enfant/adolescent au score de son quotient intellectuel, du fait de la « magie des chiffres » dans notre société. Les membres du groupe de pilotage sont conscients de cet écueil qu’il convient à tout prix d’éviter. Ils rappellent que le premier objectif des évaluations neuropsychologiques est de mettre en évidence les processus cognitifs sous-jacents, afin de mettre en lumière les processus sur lesquels l’enfant/adolescent va pouvoir s’appuyer pour progresser. Le score final du QI n’est qu’un repère, qui permet de suivre objectivement le développement cognitif de l’enfant au cours du temps. Suite à cette remarque des personnes auditionnées, les membres du groupe de pilotage maintiennent l’intérêt de ces évaluations, mais insistent sur le fait que l’objectif premier de toute évaluation est de mettre en œuvre des interventions adaptées, s’appuyant sur les compétences des enfants observées au cours de ces tests. Par ailleurs, les membres du panel élargi consultés par le groupe de pilotage constatent que certaines équipes d’interventions (ex. : structures médico-sociales non dédiées spécifiquement à l’autisme) peuvent ne pas avoir les ressources pour réaliser l’ensemble des évaluations neuropsychologiques. Ils constatent également que certaines équipes en charges du diagnostic ou des interventions (CAMSP, services de l’intersecteur pédopsychiatriques, etc.) acceptent que ces tests soient faits, mais ne souhaitent pas les réaliser eux-mêmes, faute parfois de formation ou de moyens, ce qui retardent les délais de réalisation de ces tests. Les membres du groupe de pilotage constatent que les recherches en « neuropsychologie » et « psychologie cognitive » ont profondément modifié les conceptions classiques de l’autisme et des TED. Les professionnels ayant, en 2011, en France la formation la plus adaptée pour assurer le bilan de développement psychologique (bilan cognitif inclus) de l’enfant avec TED, pour maîtriser les implications de ce bilan en matière d’intervention comportementale (dite parfois « éducative ») et le suivi de ce développement en liaison avec l’intervention, sont les psychologues qui ont un cursus de 3 ans de psychologie plus deux ans d’un master comportant un enseignement solide de HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 44 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées neuropsychologie. En France, cet enseignement de neuropsychologie est aujourd’hui assuré dans ceux des masters professionnels de psychologie qui assurent un enseignement de neuropsychologie ou/et de sciences cognitives ou/et de neurosciences cognitives ; on peut ajouter à cette liste de master, certains masters de psychologie du développement de l’enfant et de l’adolescent. Il est possible que d’autres masters incluent, dans un avenir proche ou non, une formation adéquate (ex. : les masters de psychopathologie). Suite à ces remarques, le groupe de pilotage confirme que toute équipe comprenant des psychologues (CAMSP, équipes d’intersecteurs psychiatriques, structures dédiées au suivi d’enfants/adolescents avec autisme, équipes de neuropédiatrie, etc.) devrait être en mesure de réaliser ces tests, éventuellement en organisant dans un premier temps une formation des professionnels si ceux-ci ne sont pas formés. En effet, les centres de ressources autisme n’ont pas pour mission de réaliser les évaluations neuropsychologiques pour tous les enfants avec TED, mais uniquement pour les cas complexes (17). Cependant, le coût élevé de certains des tests, la faible disponibilité de psychologues formés à la passation des tests standardisés dans certaines équipes d’interventions, ainsi que le coût élevé pour les familles lié au non-remboursement en 2011, en France, des actes réalisés en libéral par des psychologues rendent le groupe de pilotage prudent quant à la fréquence de réalisation de cette évaluation. Aussi, le groupe suggère de réaliser cette évaluation tous les 2 ans, entre 2 et 6 ans, puis aux âges ou situations de transition. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine cognitif est un domaine dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours, ainsi qu’une évaluation neuropsychologique complémentaire, notamment à l’aide d’outils standardisés, adaptés à l’âge et aux capacités de langage de l’enfant/adolescent. Cette évaluation fonctionnelle comprend : le suivi du développement de l’attention, de la mémoire, de la représentation dans le temps et l’espace, de l’anticipation et planification des actions, du processus de pensée et du langage ; la recherche des modalités particulières de fonctionnement (forces, émergences et faiblesses) de l’enfant/adolescent sur lesquelles le projet personnalisé pourra s’appuyer. Outre l’évaluation annuelle réalisée par l’équipe d’interventions, une évaluation complémentaire est réalisée au minimum tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition. Elle a pour objectif spécifique de préciser l’âge développemental de l’enfant/adolescent comparativement à son âge chronologique. Domaines sensoriel et moteur Analyse de la littérature Les déficiences visuelles ou auditives sont plus fréquentes chez les enfants et adolescents avec TED qu’en population générale (31,60). Lorsque ce domaine est évoqué dans les recommandations, l’examen de la vision (31,72,75) et de l’audition (31,60,72,74,75,80) sont systématiques au moment de l’évaluation dans le cadre du diagnostic, sauf dans une recommandation où l’évaluation de l’audition est réservée aux enfants de moins de six ans, s’ils présentent des troubles de développement du langage (76). Dans le cadre de recommandations relatives à la surdité de l’enfant de moins de 6 ans, il est recommandé d’orienter les enfants vers un médecin ayant des compétences en audiologie infantile en vue de la réalisation d’un bilan complet de l’audition, dès que les parents signalent un doute (82). D’autres examens peuvent se révéler nécessaires pour explorer des particularités sensorielles inhabituelles (76). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 45 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Dans le cadre de l’évaluation initiale au moment du diagnostic, alors qu’en Nouvelle-Zélande l’évaluation de la coordination ou de la planification motrice peut être requise en cas de difficultés repérées (76), le développement psychomoteur ou sensori-moteur est recommandé dans d’autres pays pour tous les enfants (motricité fine et globale, praxies et intégration sensorielle) (31,72). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine sensoriel et moteur est un domaine dans lequel une évaluation spécifique, au minimum annuelle, est nécessaire, tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. Dans le domaine sensoriel, des consultations médicales spécialisées peuvent être nécessaires pour le repérage des troubles (oto-rhino-laryngologie [ORL], ophtalmologie). Sur le plan sensoriel, des tests spécifiques sont à la disposition des professionnels pour identifier les réponses inhabituelles à certaines expériences sensorielles, comparativement aux enfants ayant un développement typique (cf. § 3.3.4). Sur le plan moteur, des tests sont à la disposition des professionnels pour évaluer objectivement le développement de la motricité fine et globale, le schéma corporel et la connaissance du corps (cf. § 3.3.4). En cas de particularité du développement moteur (ex. : marche sur la pointe des pieds, troubles orthopédiques, etc.), un avis diagnostic complémentaire peut être justifié, car l’origine de ces troubles peut être d’ordre somatique. La phase de cotation puis de lecture ont apporté des précisions sur les éléments à rechercher au cours de cette évaluation. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine sensoriel et moteur est un domaine dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours. Cette évaluation fonctionnelle comprend : un repérage des troubles sensoriels comme pour tout enfant et une orientation le cas échéant vers des consultations médicales spécialisées (ORL, ophtalmologie) ; un repérage des modalités sensorielles préférentielles ; un repérage des réponses inhabituelles à certaines expériences sensorielles tactiles, proprioceptives, auditives, visuelles, gustatives ou olfactives ; un suivi du développement : des acquisitions motrices globales (coordinations dynamiques générales, équilibre, posture), de la motricité fine et des coordinations visuo-manuelles, dont le graphisme, de la régulation tonique, du schéma corporel (connaissance du corps, latéralité et capacités imitatives), de l’organisation spatio-temporelle, des praxies et gnosies. En cas de particularité du développement moteur (ex. marche sur la pointe des pieds, troubles orthopédiques, etc.), un avis diagnostique suivi le cas échéant d’un traitement adapté peut être sollicité auprès d’un médecin spécialiste (ex. médecine physique et de réadaptation, chirurgien orthopédiste pédiatrique). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 46 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Domaine des émotions et du comportement Analyse de la littérature Le comportement avec répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif est un des éléments de la triade clinique qui définit les TED (12). Les troubles psychiatriques (anxiété, dépression, déficit de l'attention Ŕ hyperactivité) associés aux TED sont fréquents (1,31,60,74,76). Les difficultés de fonctionnement des personnes avec autisme se traduisent notamment par les comportements-problèmes qui touchent plusieurs domaines : automutilation, destruction, stéréotypies, comportement antisocial, agressivité physique et problèmes d’alimentation (1). Le domaine du comportement est spécifiquement identifié dans une recommandation (72). L’évaluation contient des items qui sont, dans d’autres travaux, intégrés à d’autres domaines (moteur, cognitif, émotionnel). Cette évaluation comprend systématiquement (72) : type de comportements-problèmes ; réponses inhabituelles à certaines expériences sensorielles ; habiletés motrices ; habiletés au jeu ; comportements adaptatifs ; comportements d’entraide. Selon les recommandations, l’évaluation du domaine des émotions et des besoins en santé mentale est ou non systématique : il est recommandé que les évaluations rassemblent des informations détaillées des difficultés relatives au comportement (48,72,76), aux émotions (72,76) et à la santé mentale (76), et ce avant mises en œuvre des traitements (76) ; l’opportunité d’une évaluation des besoins en santé mentale doit être discutée pour tout enfant/adolescent avec TED (60) ; l’évaluation psychiatrique n’est pas systématique, mais peut être requise, en particulier lors de comportements agressifs ou d’automutilation, de troubles anxieux ou de l’humeur, de troubles de l’attention ou hyperactivité, de tics ou troubles obsessionnels compulsifs (74). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine des émotions et du comportement est un domaine essentiel dans lequel une évaluation formalisée par l’équipe d’intervention, au minimum annuelle, est nécessaire, tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. Cette évaluation comprend : une évaluation psychologique ayant pour objectif d’évaluer le développement psychoaffectif de l’enfant/adolescent et les relations au sein de la famille ; la recherche des troubles psychiatriques fréquemment associés aux TED : troubles anxieux, dépressifs et déficit de l’attention-hyperactivité ; l’identification des intérêts spécifiques, ces derniers pouvant être un moyen pour l’enfant/adolescent de développer ses capacités dans d’autres domaines ; l’identification des comportements problèmes (stéréotypies envahissantes, automutilation, agressivité) et leurs conditions de survenue (situations ou événements déclencheurs, fonctions remplies par ces comportements) ; un temps d’échange avec l’enfant/adolescent, adapté à ses capacités de communication, et un temps d’échange avec sa famille pour connaître leur satisfaction au regard du projet mis en œuvre ou envisagé. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 47 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En cas de changement brutal ou inexpliqué, un avis médical à la recherche d’une cause somatique est fortement recommandé, ce changement pouvant être le signe d’une douleur sous-jacente. Un traitement médicamenteux ou une intervention visant à réduire les troubles du comportement peuvent être débutés parallèlement aux investigations médicales, mais ne doivent pas s’y substituer (cf. « Domaine somatique »). La phase de lecture signale que les changements brutaux peuvent être également liés à des causes psychiques et non seulement somatiques. Ce point n’est pas remis en cause, néanmoins, les experts réunis en réunion plénière confirment qu’il existe un sous-diagnostic des troubles somatiques à l’origine des changements brutaux du comportement et que ce point nécessite une vigilance particulière des professionnels. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine des émotions et du comportement est un domaine essentiel dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours, ainsi qu’une évaluation complémentaire. L’évaluation par l’équipe d’interventions comprend pour tout enfant/adolescent avec TED : un suivi du développement psychoaffectif de l’enfant/adolescent par une évaluation psychologique ; une évaluation de la reconnaissance et de l’expression des émotions ; l’identification des intérêts spécifiques de l’enfant/adolescent, ces derniers pouvant être un moyen pour lui de développer ses capacités dans d’autres domaines ; l’identification des comportements alimentaires particuliers et leurs conditions de survenue (restriction de la ration et de la diversité de leur alimentation selon le goût, l’odeur, la texture ou la couleur des aliments) ; l’identification des comportements problèmes et leurs conditions de survenue (stéréotypies envahissantes, automutilation, agressivité, ingestion d’objets non comestibles, etc.) ; l’identification de nouveaux signes, pouvant être liés aux effets indésirables de traitements médicamenteux ; la prise en compte du retentissement de la puberté sur le comportement dans ses dimensions affectives et sexuelles. En cas de changement de comportement, brutal ou inexpliqué, un avis médical à la recherche d’une cause somatique est fortement recommandé, ce changement pouvant être le signe d’une douleur sous-jacente. En cas de comportements problèmes, les transmissions écrites des observations faites en séances sont réalisées de manière rapprochée (une ou plusieurs fois par semaine) afin d’ajuster les objectifs fonctionnels visés. Une évaluation complémentaire est réalisée au minimum tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition (cf. § 2.3). Elle comprend la recherche systématique des symptômes ou pathologies psychiatriques fréquemment associés aux TED (troubles anxieux, dépression et déficit de l’attention-hyperactivité). Domaine somatique Analyse de la littérature Comme tout enfant ou adolescent, les enfants et adolescents avec TED peuvent expérimenter un large spectre de pathologies : troubles du développement, maladies somatiques ou psychiatriques (60,72,79). La surveillance médicale des enfants/adolescents avec TED doit être similaire à celle recommandée pour tout enfant (développement, état de santé général) (72,79) et comprendre des aspects spécifiques. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 48 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Prévention et promotion de la santé Les campagnes visant à la promotion de la santé doivent s’assurer que les personnes avec TED seront prises en compte (76). Un dépistage ciblé du risque carieux est préconisé pour les enfants et adolescents handicapés accueillis en structure spécialisée ; sa fréquence n’est pas précisée (83). Une évaluation des besoins dentaires devrait être réalisée (76) : le risque de caries est plus élevé dans cette population qu’en population générale (OR = 2,3 ; IC95 % [1,5 Ŕ 3,6] (84), en particulier avant 7 ans (85) et les besoins de soins importants pour les enfants et adolescents accueillis en structures françaises pour enfants et adolescents en situation de handicap (86). Des réseaux spécialisés en France commencent à se développer dans plusieurs régions (20). Tous les enfants avec TED devraient être vaccinés selon le calendrier vaccinal fixé pour tous les enfants, incluant le vaccin Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR) (76,80) : il n’y a pas de preuve scientifique de l’implication de ce vaccin dans la survenue de TED (1,76,80). En France, la « politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis du HCSP »14. Le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 201015 comprend des recommandations spécifiques pour les enfants et adolescents exposés à un risque particulier, en particulier ceux hébergés en services et institutions pour l’enfance et la jeunesse handicapées ou accueillis dans les institutions psychiatriques. Cette population est considérée exposée à un risque particulier concernant l’hépatite A, l’hépatite B et la grippe saisonnière (87). Suivi médical non spécifique Le suivi médical hors pathologie spécifique est décrit dans des travaux antérieurs de la Haute Autorité de Santé, pour des enfants de moins de 6 ans (88) et les enfants/adolescents de 7 à 18 ans (89). Dans le cadre du suivi médical individuel régulier des enfants entre 28 jours et 6 ans, la HAS a proposé que les consultations effectuées par un pédiatre ou médecin généraliste (dont médecin de PMI) ou un médecin scolaire (dans la sixième année) comprennent (88) : une surveillance de la croissance : poids, taille, (à 4, 9, 24 mois et 3, 4, 6 ans), corpulence (indice de masse corporelle (IMC) et recherche du rebond d’adiposité) à partir de 2 ans ; une surveillance du développement : périmètre crânien, développement psychomoteur (à 4, 9, 24 mois et 3, 4, 6 ans), autisme ; repérage des troubles sensoriels : audition (à 4, 9, 24 mois et 3, 4, 6 ans), vision (à 4, 9, 24 mois et 3, 4, 6 ans) ; repérage du saturnisme à 12 et 24 mois ; repérage des troubles du langage : langage oral à partir de 3 ans ; langage écrit à partir de 6 ans. Une consultation spécifique devrait être organisée à 6 ans si la visite obligatoire réalisée en médecine scolaire, conformément au Code de la santé publique, n’a pas été effectuée. Dans le cadre du suivi médical individuel régulier des enfants entre 7 et 18 ans, la HAS a proposé que les consultations effectuées par un pédiatre, médecin généraliste ou médecin scolaire comprennent un repérage des troubles des apprentissages, troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention, des anomalies du développement pubertaire, de la scoliose, de l'obésité, de l'asthme et la rhino-conjonctivite allergique, des troubles de la vision et de l’audition, des risques liés à la sexualité, des troubles anxieux, des conduites à risque, troubles des conduites, troubles oppositionnels, des conduites suicidaires, des 14 15 Article L. 3111-1 du Code de la santé publique. Consultable sur : http://www.sante-sports.gouv.fr/calendrier-vaccinal-detaille-2010 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 49 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées consommations de produits, des troubles du comportement alimentaire et de la dépression. Aucune périodicité n’est proposée pour ce suivi individuel (89). Suivi médical spécifique Par ailleurs, certaines pathologies ou symptômes sont plus fréquents chez les personnes avec TED : troubles du sommeil (1,31,60,90), épilepsie (1,31,60), troubles gastro-intestinaux (79), scoliose chez les jeunes filles avec syndrome de Rett (77). L’examen clinique est systématiquement recommandé dans le cadre du diagnostic, en particulier avant mise en œuvre des traitements en vue de repérer les pathologies médicales associées (31,72,74-76). Dans le cadre du diagnostic, la consultation neurologique est (31) ou non (74) systématique. Par ailleurs, il est crucial, pour leur développement, comme pour tout autre enfant, que toutes les autres pathologies soient correctement évaluées et traitées. Les professionnels ne doivent pas considérer que ces problèmes sont des aspects inévitables inhérents aux TED, dans la mesure où la plupart de ces comorbidités peuvent s’améliorer après évaluation et traitement adéquats (60). Les professionnels de santé doivent reconnaître que les enfants et adolescents avec TED peuvent également présenter des problèmes médicaux ou difficultés/troubles émotionnels et doivent avoir accès à l’ensemble des interventions thérapeutiques, comme tout autre enfant (60). Les professionnels de santé doivent être conscients de la nécessité de vérifier régulièrement la présence éventuelle de comorbidités. Si nécessaire, des investigations complémentaires doivent être menées pour identifier clairement et traiter ces pathologies associées (60). Dans le cadre du suivi, une évaluation médicale régulière devrait être proposée à toute personne avec TED (72,76), en particulier si elle présente un retard mental associé ou des difficultés à évoquer des problèmes de santé potentiels (76). Cette évaluation médicale devrait inclure : le repérage de troubles psychiatriques ; la surveillance attentive de survenue d’épilepsie ; le dépistage selon l’âge de troubles auditifs, perte d’acuité visuelle, glaucome, hypertension et syndromes métaboliques ; l’observance des conseils d’hygiène de vie (diététique et exercice) pour prévenir les troubles de santé secondaires, particulièrement pour les personnes sous médication ; le repérage de troubles moteurs, sensitifs ou sensoriels ; le repérage des troubles du sommeil. Dans le cadre du suivi, l’examen neuropédiatrique est également systématiquement recommandé de manière régulière pour tout enfant ou adolescent avec TED dans une des recommandations (31). Certains enfants avec TED restreignent la ration et la diversité de leur alimentation selon le goût, l’odeur, la texture ou la couleur des aliments (76). L’évaluation en soins primaires devraient comporter pour tous les enfants et adolescents avec TED un suivi du poids par rapport à la taille (ou l’index de masse corporelle, un suivi du poids et de la taille par âge et tout changement de croissance (percentiles au cours du temps) (79). Une évaluation par un nutritionniste est recommandée si les parents sont inquiets concernant l’alimentation de leur enfant ou si celui-ci réduit ou sélectionne ses HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 50 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées apports (79). Deux autres recommandations précisent qu’une évaluation nutritionnelle peut être nécessaire (74,76), en particulier lors de comportements alimentaires particuliers (76). Les recommandations relatives à l’évaluation, au diagnostic et au traitement des troubles gastro-intestinaux préconisent les points suivants (79) : lorsqu’une personne avec TED se présente pour troubles du comportement, le professionnel doit considérer la possibilité qu’un symptôme gastro-intestinal, en particulier la douleur, soit un facteur qui augmente la probabilité qu’apparaissent des troubles sérieux du comportement. Un changement de comportement brutal ou inexpliqué peut être le signe d’une douleur sous-jacente ; un traitement comportemental peut être débuté parallèlement aux investigations médicales, mais ne doit pas s’y substituer ; afin d’identifier d’éventuelles comorbidités allergiques, une anamnèse détaillée (antécédents personnels et familiaux, régime alimentaire) et un examen médical physique sont nécessaires (79). Les recommandations, relatives au suivi et traitement de la scoliose dans le cadre du syndrome de Rett, préconisent un examen clinique du rachis dès le diagnostic puis au moins tous les 6 mois (accord professionnel) (77). Cet examen clinique comprend : la mesure de la taille, du poids, de l’équilibre et de la symétrie de l’appui en position assise, de la distance et vitesse de marche. L’examen radiologique est réalisé tous les 6 ou 12 mois (cf. indications dans le texte original) (accord professionnel) (77). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine somatique est un domaine dans lequel une évaluation médicale régulière de l’état de santé général de l’enfant/adolescent est nécessaire tout au long de son parcours et chaque fois qu’une pathologie intercurrente est suspectée. Par ailleurs, chaque professionnel doit être attentif aux manifestations parfois atypiques de l’expression de la douleur. Toute pathologie intercurrente nécessite d’être diagnostiquée et traitée selon les mêmes indications que celles retenues pour tout enfant/adolescent. Les conditions de mise en œuvre des examens diagnostiques et traitements peuvent nécessiter des adaptations décrites dans le rapport d’audition publique relative à l’accès aux soins des personnes en situation de handicap (4). Les membres du groupe confirment les recommandations identifiées dans la littérature. La fréquence du suivi médical est adaptée à chaque situation, et comprend : un suivi clinique et biologique mensuel des prescriptions médicamenteuses éventuelles (cf. § Médicaments) ; un suivi orthopédique du rachis, tous les 6 mois dans le cadre du syndrome de Rett ; un examen médical au minimum annuel par un médecin généraliste, pédiatre ou médecin scolaire et par un dentiste afin de mettre en œuvre les actions de prévention et de promotion de la santé recommandées pour tout enfant/adolescent, que celui-ci soit ou non scolarisé ; en effet, certaines actions de prévention, telles que la prévention des caries sont mises en œuvre pour les enfants scolarisés dans les établissements de l’Éducation nationale, mais les enfants scolarisés en établissements spécialisés ou non scolarisés n’en bénéficient pas ; un examen médical spécialisé, réalisé par une équipe de niveau 2 afin de mettre en œuvre un suivi médical spécifique aux TED, au minimum tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition pour rechercher et traiter le cas échéant toute pathologie ou symptôme fréquemment associé aux TED, et d’envisager avec les HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 51 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées parents l’opportunité d’une nouvelle consultation génétique si de nouveaux tests sont en mesure de préciser le diagnostic initialement posé. Des recommandations spécifiques par pathologie ou par catégories spécifiques de TED ne sont pas envisageables dans le cadre de ce travail. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine somatique est un domaine dans lequel une évaluation régulière de l’état de santé général de l’enfant/adolescent est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours. Cette évaluation somatique comprend des examens médicaux réalisés : chaque fois qu’une pathologie intercurrente est suspectée ; au minimum une fois par an, par un médecin généraliste, un pédiatre ou un médecin scolaire et par un dentiste, et plus fréquemment en cas de prescription médicamenteuse ; au minimum tous les 6 mois, en cas de syndrome de Rett ; au minimum tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition par des médecins spécialistes. Un examen médical est recommandé chaque fois qu’une pathologie intercurrente est suspectée, les professionnels devant être attentifs aux manifestations parfois atypiques de l’expression de la douleur. Toute pathologie intercurrente nécessite d’être diagnostiquée et traitée selon les mêmes indications que celles retenues pour tout enfant/adolescent. Les conditions de mise en œuvre des examens diagnostiques et traitements peuvent nécessiter des adaptations qu’il est nécessaire d’anticiper avec l’aide de l’entourage professionnel et familial. Il est recommandé un suivi somatique au minimum annuel, réalisé par un médecin généraliste, un pédiatre ou un médecin scolaire et par un dentiste ; ce suivi a pour objectif de mettre en œuvre les actions de prévention et de promotion de la santé et le suivi médical recommandés pour tout enfant/adolescent ou ceux recommandés spécifiquement pour les enfants/adolescents en situation de handicap. Les actions de prévention et de promotion de la santé recommandées sont : les vaccinations y compris saisonnières préconisées par le calendrier vaccinal publié par le ministère de la Santé ; l’observance des conseils d’hygiène de vie (diététique et exercice) pour prévenir les troubles de santé secondaires, particulièrement pour les enfants/adolescents sous médication ; le dépistage ciblé du risque carieux pour tous les enfants avec TED, notamment lorsque leur situation ne leur permet pas de bénéficier des programmes menés au sein des écoles. Le suivi médical recommandé pour tout enfant/adolescent comprend en particulier : avant 6 ans : surveillance de la croissance, poids, taille, indice de masse corporelle et périmètre crânien ; entre 7 et 18 ans : repérage des anomalies du développement pubertaire, de la scoliose, de l'obésité, de l'asthme, des risques liés à la sexualité ; entre 7 et 18 ans : repérage des conduites à risque, troubles des conduites, troubles oppositionnels, conduites suicidaires, consommations de produits. Il est recommandé que les professionnels qui réalisent le suivi médical des enfants/adolescents avec TED s’assurent que les éléments recueillis par l’équipe d’interventions permettent de repérer, et traiter le cas échéant, d’éventuels troubles auditifs ou visuels, du sommeil, de l’alimentation et de la propreté (cf. § relatifs aux autres domaines). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 52 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En cas de prescriptions médicamenteuses, ce suivi annuel nécessite d’être complété par une surveillance médicale comprenant le cas échéant les examens nécessaires à la surveillance de la tolérance, recommandés en fonction de la molécule prescrite (cf. § 4.4). En cas de syndrome de Rett, il est complété par une surveillance orthopédique du rachis, tous les 6 mois. Un examen médical spécialisé complémentaire est recommandé, au minimum tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition (cf. § 2.3), afin de s’assurer de la cohérence du projet d’interventions au regard de l’actualisation du diagnostic ou des connaissances. L’opportunité d’une consultation génétique est à envisager avec les parents si de nouveaux tests sont en mesure de préciser le diagnostic initialement posé et que leurs résultats soient susceptibles d’entraîner de nouvelles réponses en termes d’interventions. Par ailleurs, bien que le repérage des symptômes et pathologies suivants relève du suivi effectué par les équipes d’interventions et de l’examen médical annuel, les experts constatent que certains de ces troubles sont sous-diagnostiqués en 2011. C’est pourquoi cet examen médical spécialisé a également pour objectif d’identifier, diagnostiquer et traiter le cas échéant les pathologies le plus fréquemment associées aux TED ou symptômes suivants, en particulier : épilepsie ; troubles du sommeil ; anxiété, dépression et déficit de l'attention-hyperactivité ; troubles nutritionnels ; scoliose en cas de syndrome de Rett. ► Domaine de participation Domaine de l’autonomie dans les activités quotidiennes (entretien personnel et activités domestiques) Analyse de la littérature Ce domaine n’est cité que dans une des recommandations : l’évaluation des capacités fonctionnelles liées à l’entretien personnel (toilette, habillage, etc.) peut être nécessaire en cas de difficultés repérées (76). Certaines des activités identifiées dans la classification internationale du fonctionnement (13) sont des activités essentielles dans lesquelles il est nécessaire de connaître les besoins de l’enfant/adolescent : - « l’entretien personnel (se laver, prendre soin de parties de son corps, aller aux toilettes, s’habiller, manger, boire, prendre soin de sa santé, veiller à sa sécurité) ; - la vie domestique (acquérir les produits d’usage courants ; réaliser les tâches ménagères : préparer un repas, faire le ménage) ; - la vie communautaire, sociale et civique (participer à des activités de loisirs, à la vie sociale, politique ou citoyenne, jouir de ses droits humains) ». Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine de l’autonomie dans la vie quotidienne est un domaine dans lequel une évaluation formalisée par l’équipe d’intervention, au minimum annuelle, est nécessaire, tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. Cette évaluation est indispensable même pour les enfants/adolescent ayant un bon niveau de développement intellectuel, car les difficultés dans ce domaine sont parfois oubliées de l’évaluation systématique, alors qu’elles sont fréquentes. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 53 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Concernant l’autonomie relative au repas, il peut être observé la capacité à manger seul, à partager un repas, à manger proprement, sans signes d’angoisse. Cette évaluation formalisée est complétée par des temps fréquents plus informels d’échanges avec la famille pour repérer les difficultés quotidiennes et les moyens d’y faire face. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine de l’autonomie dans la vie quotidienne est un domaine essentiel dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est nécessaire, pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours, même lorsqu’il présente un bon niveau de développement intellectuel. Cette évaluation fonctionnelle comprend le suivi du développement des capacités fonctionnelles de l’enfant/adolescent en fonction de son âge, en particulier les capacités liées à: l’entretien personnel (ex. : se laver, prendre soin de son corps, aller aux toilettes, s’habiller, manger, boire, prendre soin de sa santé, veiller à sa sécurité16) ; la vie domestique (ex. : réaliser des tâches telles que faire des courses, préparer un repas, faire le ménage) ; la vie communautaire, sociale et civique (ex. : participer à des activités de loisirs, à la vie sociale, politique ou citoyenne, jouir de ses droits humains). Cette évaluation est complétée par des temps fréquents, plus informels, d’échanges avec la famille pour repérer les difficultés quotidiennes et les moyens d’y faire face.. Domaine des apprentissages, en particulier scolaires et préprofessionnels Analyse de la littérature Trois recommandations évoquent les apprentissages scolaires. Toutes trois recommandent une évaluation systématique pour tous les enfants /adolescents dans ce domaine : l’évaluation du cursus scolaire doit être réalisée pour tout enfant ou adolescent (48) ; l’évaluation du développement des enfants et adolescents en âge scolaire devrait inclure l’observation de leur fonctionnement en milieu éducatif, aussi bien en classe qu’au cours des temps de récréation (72,76). La classification internationale du fonctionnement identifie dans les « grands domaines de la vie » : le domaine de l’éducation préscolaire, scolaire, supérieure et la formation professionnelle, dans lesquels il est recherché si l’enfant a pu « accéder, se maintenir, progresser et achever le programme » envisagé, puis le domaine du travail et de l’emploi (suivre un apprentissage, obtenir, garder et quitter un emploi) (13). Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine des apprentissages scolaires, et des apprentissages préprofessionnels à l’adolescence, est un domaine dans lequel une évaluation par les enseignants et formateurs, en collaboration avec l’équipe d’intervention, est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED en âge d’être scolarisé, tout au long de son parcours. Si le jeune est scolarisé, il est nécessaire qu’une évaluation soit régulière à propos de ses acquis scolaires et sociaux. L’évaluation s’appuiera sur des critères déjà existants dans le système scolaire afin de ne pas leurrer la famille et le jeune. Elle sera aussi adaptée en fonction des capacités de chaque élève déjà existantes et à développer. 16 Ces exemples sont des items de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé enfants Ŕ adolescents (CIF-EA). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 54 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Cette évaluation pourrait se mettre en place à chaque trimestre. Dans le cas d’enfants âgés de moins de 10 ans, et non encore scolarisés, il est important que, parmi les buts de l’intervention, soit envisagée une scolarisation à l’école, progressive et réalisée en étroite collaboration avec l’équipe qui assure les interventions thérapeutiques et éducatives. Il est important qu’un « non-spécialiste de l’autisme » observe régulièrement ces jeunes. Un regard extérieur (extérieur au handicap) aide à relativiser certaines attitudes, qui sont avant tout des attitudes d’adolescents plus que des attitudes de personne avec TED. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine des apprentissages scolaires, et des apprentissages préprofessionnels à l’adolescence, est un domaine dans lequel une évaluation par les enseignants et formateurs, en collaboration avec l’équipe d’interventions, est recommandée pour tout enfant/adolescent avec TED en âge d’être scolarisé, tout au long de son parcours. Il est recommandé que l’équipe d’interventions prenne en compte dans son évaluation la description complète du cursus scolaire et préprofessionnel de l’enfant/adolescent (accès à la scolarisation ou à la formation professionnelle, maintien et progression dans le cursus et cursus achevé) et le nombre d’heures de scolarisation effective par semaine selon le type d’établissement et de classe (milieu ordinaire ou adapté), et sa cohérence avec le projet personnalisé de scolarisation (PPS). Cette évaluation s’appuie sur les évaluations des acquis scolaires ou professionnels effectuées par les enseignants et formateurs de formation professionnelle et discutées dans le cadre des équipes de suivi de la scolarisation (ESS) animées par l’enseignant référent. Les épreuves sont adaptées en fonction des capacités de chaque élève, existantes et à développer. ► Facteurs environnementaux Domaine de l’environnement familial Analyse de la littérature Toutes les recommandations précisent que l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent se fait en étroite collaboration avec la famille, mais peu isolent spécifiquement le domaine de l’environnement familial (72,74,76). L’évaluation des besoins et ressources de la famille est recommandée de manière systématique (72,76) ou non systématique (74). Lorsque le domaine de l’environnement familial est évalué de manière systématique, sont pris en compte : les enjeux environnementaux, en particulier les besoins et forces de l’ensemble des membres de la famille (76) ; l’observation ou la discussion des points suivants (72) : événements stressants, tolérance au stress et mécanisme de faire face ; soutien sur lequel peut compter la famille ; niveau d’éducation des différents membres de la famille ; composition de la famille et circonstances particulières ; relations familiales et règles de discipline ; expression des émotions au sein de la famille ; compétences parentales et partage des responsabilités ; connaissances sur les TED. Avis complémentaires des membres des groupes de travail HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 55 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le domaine des ressources familiales est un domaine dans lequel une évaluation formalisée par l’équipe d’intervention, au minimum annuelle, est nécessaire, tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. Cette évaluation, réalisée par entretien avec les familles, doit également aborder : la compréhension du diagnostic et celle du développement de l’enfant/adolescent, le soutien social (aides sociales et soutien informel), la disponibilité des membres de la famille, leurs souhaits en termes de connaissances sur les TED et leur souhait ou non de s’investir en tant que « cothérapeutes », leurs ressources financières. L’évaluation de la satisfaction de l’enfant/adolescent et de sa famille quant au projet mis en œuvre ou envisagé est essentielle. En phase de lecture, le terme « ressources » est souvent compris dans sa seule dimension « financière » et non dans sa dimension globale : disponibilité, capacité à faire face, etc. Il a donc été remplacé par « environnement familial ». Les représentants des usagers rappellent l’importance du savoir être des équipes, afin de ne pas paraître intrusif. Recommandations de la HAS et de l’Anesm L’environnement familial est un domaine auquel une attention particulière doit être portée par l’équipe d’interventions, pour tout enfant/adolescent avec TED, tout au long de son parcours, afin de veiller à ce que l’organisation des interventions soit compatible avec le fonctionnement de la cellule familiale. L’observation et les entretiens avec la famille et, selon ses capacités de communication, avec l’enfant/adolescent permettent d’appréhender avec eux leurs ressources et difficultés pour envisager et assurer la mise en œuvre des interventions dans les meilleures conditions possibles pour eux. En expliquant le sens de cette démarche aux parents et en veillant à ce qu’elle ne soit pas vécue comme intrusive, il est recommandé d’être attentif aux éléments suivants : composition de la famille, organisation et relations intrafamiliales ; connaissances et compétences des parents concernant les TED ; compréhension du diagnostic et de l’évolution du développement de l’enfant/adolescent ; besoins et ressources de l’ensemble des membres de la famille ; préservation de l’équilibre et de la qualité de vie de la famille ; ressources des membres de la famille pour faire face au stress ; événements du contexte familial susceptibles d’accroître ce stress ; soutien social (y compris familial) sur lequel peut compter la famille ; situation financière et démarches sociales mises en œuvre ; satisfaction vis-à-vis du projet mis en œuvre ou envisagé. Autres facteurs environnementaux Analyse de la littérature Aucune recommandation n’aborde d’autres facteurs environnementaux. Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les facteurs matériels mis à disposition dans l’environnement dans lequel évolue l’enfant/adolescent (repères spatiaux, temporels, outils de communication) sont utiles à prendre en considération dans le cadre de l’évaluation des facteurs environnementaux. La phase de lecture insiste également sur l’importance de la prise en compte de l’environnement sonore et lumineux qui peut entraîner des difficultés importantes lors de particularités sensorielles. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Le domaine de l’environnement matériel est un domaine dans lequel une évaluation par l’équipe d’interventions est recommandée, tout au long du parcours de l’enfant/adolescent. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 56 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Cette évaluation permet de s’assurer de la disponibilité et de la cohérence des repères environnementaux (repères spatiaux, temporels, sensoriels, outils de communication) nécessaires à chaque enfant/adolescent avec TED, dans chacun de ses lieux de vie. Articulations avec les autres services (articulations intra et extra-institutionnelles) Ce domaine n’est pas abordé dans le chapitre « Évaluation » des recommandations de bonne pratique identifiées. Il sera traité principalement dans le chapitre 6 « Organisation des interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées et du parcours de l’enfant ou de l’adolescent ». Avis complémentaires des membres des groupes de travail La phase de lecture fait remarquer que la prise en compte des différents domaines de la classification internationale du fonctionnement est incluse dans la démarche d'évaluation globale de la MDPH. La démarche d’évaluation globale partagée des MDPH via le « Guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée (GEVA) » devrait pouvoir s’appuyer sur les évaluations cliniques menées par les équipes sanitaires et médicosociales, à condition que celles-ci leur transmettent avant tout des informations sur les compétences et les limitations de l’enfant/adolescent dans la vie quotidienne, dans les apprentissages, les activités sociales etc., à partir d’un langage commun et en partageant, dans le cadre de cette démarche, l’objectif citoyen qui vise d’abord à permettre aux enfants/adolescents d’accéder à leurs droits et aux activités qu’ils souhaitent. Recommandations de la HAS et de l’Anesm Dans les échanges entre les professionnels et la MDPH, il est recommandé de recourir aux items de description des déficiences, des activités, de la participation et de l'environnement de la personne avec TED, en lien avec la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé Ŕ enfants Ŕ adolescents (CIF-EA). 3.2.2 Spécificités de l’évaluation selon l’âge Des spécificités sont-elles à envisager selon l’âge de l’enfant ? ► Analyse de la littérature Les recommandations identifiées ne distinguent jamais les domaines dans lesquels une évaluation du fonctionnement de la personne est nécessaire selon l’âge de l’enfant ou de l’adolescent. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Spécificité selon l’âge Le groupe de pilotage rappelle que toute évaluation doit prendre en compte l’âge chronologique et l’âge de développement de l’enfant/adolescent. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Lors de tout processus d’évaluation, il est recommandé que les professionnels s’assurent de la prise en compte de l’âge chronologique et de l’âge de développement de l’enfant/adolescent. 3.3 Modalités de l’évaluation Comment et sur quels critères effectuer cette évaluation ? Des spécificités sont-elles à envisager selon le lieu d’exercice ou la situation dans laquelle exerce le professionnel ? HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 57 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En dehors des modalités de l’évaluation initiale réalisée dans la phase de diagnostic, les modalités de l’évaluation sont très rarement précisées dans les recommandations identifiées. Seule l’Anesm se situe également en période de suivi de l’enfant/adolescent (2). Néanmoins, les éléments qui semblent également transposables en dehors de la période de diagnostic ont été identifiés. Les grades n’ont pas été précisés, dans la mesure où ils reposent sur la période de diagnostic, et non de suivi. 3.3.1 Une évaluation pluriprofessionnelle, en collaboration étroite avec l’enfant/adolescent et sa famille ► Analyse de la littérature L’évaluation initiale autour du diagnostic est pluriprofessionnelle (2,31,60,75,76,80), réalisée de manière coordonnée par des professionnels expérimentés et formés à l’examen des différents domaines du développement (31,75,76). Elle nécessite que l’enfant/adolescent y prenne activement part, dans la mesure de ses capacités (2,76), et que la famille y collabore étroitement (2,31,74,75). Le processus d’évaluation doit être centré sur la famille. Il prend en compte le caractère unique de chaque enfant et de sa famille. Toute information doit être communiquée, de manière orale et écrite, dans un langage clair, compréhensible et respectueux (75). Les recommandations identifiées ne distinguent jamais les domaines dans lesquels une évaluation du fonctionnement de la personne est nécessaire selon le lieu d’exercice des professionnels. Cependant, certaines recommandations précisent la qualité des professionnels réalisant l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent, essentiellement dans le cadre de l’évaluation initiale lors de la démarche diagnostique : une équipe de deux ou trois professionnels expérimentés dans le domaines des TED parmi les pédiatres, psychiatres de l’enfant et de l’adolescent, psychologues cliniciens ou scolaires, orthophonistes et ergothérapeutes réalise l’évaluation initiale (76) ; la liste des professionnels qui peuvent être impliqués dans le cadre de l’évaluation initiale est nettement plus large dans d’autres recommandations : assistant de service social, ditéticiens, éducateurs spécialisés, ergothérapeutes, infirmières, neurologues, ORL, orthophonistes, pédiatres, psychologues, psychiatres, professionnels des équipes d’interventions précoces (74) ; la présence au sein de l’équipe d’un psychiatre ou d’un psychologue est nécessaire (74,75) ; leur place respective est différente selon les recommandations : l’évaluation par un psychiatre ou un psychologue est nécessaire pour tous les enfants de moins de 5 ans avec TED, pour identifier d’éventuelles comorbidités, psychiatriques et psychologiques, émotionnelles ou comportementales (75), le recours au psychiatre n’est pas systématique, mais peut être requis en particulier lors de comportements agressifs ou d’automutilation, de troubles anxieux ou de l’humeur, de troubles de l’attention ou d’hyperactivité, de tics ou troubles obsessionnels compulsifs (74) ; le recours au neuropédiatre varie selon les recommandations : au moment de la pose du diagnostic, le recours à une consultation de neuropédiatrie est systématique (31,80) ou requise uniquement sur signes d’appel (74,75), en particulier en cas de signes d’épilepsie ou autres troubles neurologiques (75), une seule recommandation aborde la question du suivi après le diagnostic, et recommande de renouveler régulièrement la consultation neuropédiatrique (31). le recours à un généticien est recommandé dans le cadre de l’évaluation initiale au moment du diagnostic (31), mais le renouvellement de cette consultation n’est pas décrit dans le cadre du suivi du développement de l’enfant ; la place de l’ergothérapeute varie selon les recommandations : HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 58 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées l’évaluation par un ergothérapeute est systématique en vue d’évaluer les particularités sensitives (76) ou sensitives et motrices (75) chez tous les enfants avec TED ; le recours à un ergothérapeute est recommandé uniquement pour certaines indications (particularités de comportements sensoriels, déficits moteurs, nécessité d’évaluer les adaptations de l’environnement dans les activités de la vie quaotidienne) (74) ; la place de l’ergothérapeute et du physiothérapeute (masseur-kinésithérapeute) est discutée dans les recommandations élaborées en Écosse. Celles-ci considèrent que les preuves sont insuffisantes pour proposer des recommandations relatives à l’évaluation par un ergothérapeute ou un physiothérapeute. Ces évaluations doivent être discutées au cas par cas (60) ; l’évaluation de l’état nutritionnel est confiée en Nouvelle-Zélande à un médecin généraliste, un pédiatre ou à un diététicien (76). Les recommandations canadiennes recommandent un modèle d’équipe interdisciplinaire plutôt que multidisciplinaire, dirigée par un professionnel habilité à poser un diagnostic, c’està-dire par un médecin ou un psychologue avec doctorat, ayant une expérience auprès d’enfants/adolescents avec TED (75) ; le médecin est pédiatre ou psychiatre de l’enfant et de l’adolescent (74). Ces derniers centralisent et prennent connaissance de l’ensemble des évaluations faites par les autres professionnels (75). En France, seul un médecin est habilité à poser un diagnostic médical. Les recommandations néo-zélandaises préconisent un modèle d’évaluation simultanée, conjointe par l’équipe pluriprofessionnelle (deux à trois personnes). Lorsque cela n’est pas réalisable, des évaluations séquentielles sont proposées, avec nécessité de coordination entre les professionnels, en particulier s’ils exercent dans des lieux différents, afin d’éviter à l’enfant/adolescent d’avoir à passer plusieurs fois les même tests (75,76). L’équipe doit comparer et discuter les résultats en vue de parvenir à un diagnostic sans ambiguïté (75). En cas de désaccord entre les professionnels au regard du diagnostic différentiel, il est attendu de ces derniers qu’ils s’accordent en utilisant un modèle de consensus ou de résolution de problème, avec si nécessaire un médiateur ou facilitateur (74). ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail La nécessité d’une évaluation pluridisciplinaire et la collaboration étroite l’enfant/adolescent d’une part, et sa famille d’autre part est reconnue par tous. avec Le groupe de pilotage rappelle que toute évaluation doit être centrée sur l’enfant/adolescent et sa famille et prendre en compte : les modalités habituelles de communication de l’enfant/adolescent (en particulier, s’assurer que les tests utilisés sont interprétables lorsque le développement du langage présente des particularités) ; le degré de familiarité pour l’enfant/adolescent du contexte dans lequel cette évaluation est menée. Il considère nécessaire d’organiser un temps d’échange avec l’enfant/adolescent adapté à ses capacités de communication, ainsi qu’avec ses parents, pour connaître leurs attentes et satisfaction au regard du projet précédemment mis en œuvre ou envisagé. Il considère également que tout enfant/adolescent doit avoir accès à la même qualité d’évaluation, quel que soit le lieu où exercent les professionnels qui le suivent. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 59 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Néanmoins, la composition de cette équipe pluridisciplinaire ne peut être déterminée de manière rigide. Elle dépend en particulier des compétences acquises par les formations initiales et continues, spécialisées, suivies par les différents professionnels, ainsi que du contexte clinique individuel de l’enfant/adolescent. Le groupe de pilotage a initialement proposé de soumettre à la cotation les professions devant figurer dans une équipe amenée à effectuer les évaluations dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent. Eu égard aux divergences observées en phase de cotation, il a proposé en phase de lecture que la composition de l’équipe soit définie en termes de compétences, notamment médicales, pédiatriques, pédopsychiatriques, et de compétences en psychologie, orthophonie, psychomotricité, et ergothérapie. Le groupe de pilotage considérait que des compétences relatives au développement et au fonctionnement psychoaffectif et neuropsychologique de l’enfant/adolescent étaient nécessaires au sein de l’équipe pluridisciplinaire. L’intérêt de proposer une évaluation systématique psychoaffective et neuropsychologique pour tous les enfants et adolescents avec TED par l’équipe d’interventions n’a pas fait consensus à l’issue de la phase de cotation, sans que l’on puisse apprécier si les participants à la cotation avaient rejeté l’aspect« psychoaffectif », le terme l’aspect « neuropsychologique », le fait de le recommander pour « tous les enfants adolescents avec TED » ou encore la possibilité pour toutes les équipes d’interventions d’effectuer ces évaluations. Dans la version soumise à la consultation publique et à lecture, ce paragraphe a été décliné de façon à pouvoir distinguer la source des blocages. Ces propositions ont été pour certaines également rejetées par plus de 10 % des membres du groupe de lecture, notamment du fait de divergences relatives au terme psychoaffectif ou à l’absence des éducateurs et des enseignants. Certains ont également pointé, à cette occasion, que les propositions soumises en phase de lecture n’auraient pas dû prendre en considération le type de dispositif (ex. : dispositif sanitaire ou médico-social) dans lequel sont inscrites ces équipes. De ce fait, la réunion plénière, réunissant groupe de pilotage et de cotation à l’issue de la phase de lecture, a réaffirmé le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent dans le cadre de son suivi, et a distingué deux niveaux possibles d’évaluation afin de tenir compte des configurations actuelles hétérogènes des équipes et néanmoins de la nécessaire amélioration des pratiques : une évaluation, au minimum annuelle, réalisée dans chacun des domaines cités dans les sections précédentes, réalisée par les équipes d’interventions ; ces dernières sont définies comme l’ensemble des professionnels amenés à mettre en œuvre auprès de l’enfant/adolescent et de sa famille les interventions éducatives et thérapeutiques de manière coordonnée. Le mode d’exercice (libéral ou salarié) ou le secteur d’activité (sanitaire ou médico-social) de ces professionnels peuvent être différents, mais ils forment une « équipe » autour de l’enfant/adolescent et de sa famille. L’organisation de ces équipes s’appuie sur des dispositifs variables pour piloter le projet personnalisé d’interventions : réseau libéral coordonné, établissement ou service médico-social (dont CAMSP et CMPP), services de psychiatrie infanto-juvénile des établissements de santé ; une évaluation complémentaire, pouvant nécessiter le recours ponctuel à des compétences extérieures. Par ailleurs, le groupe de pilotage rappelle que : dans le contexte français, les psychologues scolaires ne font pas partie des équipes pluridisciplinaires ayant en charge l’évaluation du développement des enfants/adolescents avec TED ; l’ensemble des services et professionnels ayant en charge des enfants/adolescents avec TED peuvent bénéficier du soutien des centres de ressources autisme pour acquérir les compétences nécessaires à l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent avec TED, et connaître les ressources professionnelles spécialisées disponibles sur le territoire pour compléter l’évaluation lorsque le professionnel isolé ou le service ou l’établissement ne disposent pas des professionnels requis. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 60 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Une évaluation centrée sur l’enfant/adolescent Il est recommandé que toute évaluation soit centrée sur l’enfant/adolescent. Elle prend en compte son caractère unique ainsi que celui de sa famille et nécessite d’être réalisée en étroite collaboration avec eux. Toute information doit leur être communiquée de manière orale et écrite dans un langage clair, compréhensible et respectueux. Les objectifs et les tests utilisés leur sont systématiquement expliqués. Lors de tout processus d’évaluation, il est recommandé que les professionnels s’assurent : de la mise à disposition des moyens de communication habituels de l’enfant/adolescent avec TED ; de la prise en compte, dans l’interprétation des résultats, du degré de familiarité de l’enfant/adolescent avec le contexte dans lequel cette évaluation est menée, de l’adaptation éventuelle des modalités de passation et de la spécificité ou non du test pour les personnes avec TED. Avant de débuter cette démarche, il est recommandé d’organiser un temps d’échange avec l’enfant/adolescent adapté à ses capacités de communication, ainsi qu’avec ses parents, pour connaître leurs attentes et leur satisfaction au regard du projet précédemment mis en œuvre ou envisagé. Une évaluation pluriprofessionnelle Une évaluation réalisée au sein de l’équipe d’interventions est recommandée pour mettre en œuvre les interventions éducatives et thérapeutiques (définition ou actualisation du projet personnalisé d’interventions). L’actualisation du projet personnalisé d’interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées nécessite de décrire et de suivre l’évolution du profil de développement de l’enfant/adolescent dans les différents domaines du développement décrits ci-dessous (cf. § 2.4). C’est pourquoi cette évaluation est pluriprofessionnelle. Il est important qu’elle s’appuie pour tous les enfants/adolescents avec TED sur des compétences médicales, psychologiques, paramédicales et éducatives actualisées permettant d’évaluer les différents domaines. Au sein de cette équipe, des compétences relatives au développement et au fonctionnement neuropsychologique de l’enfant/adolescent avec TED sont nécessaires. 3.3.2 Une évaluation réalisée dans différents lieux ► Analyse de la littérature L’environnement dans lequel évolue l’enfant a fréquemment un impact sur ses habiletés et comportements (76). L’observation clinique directe en consultation ainsi que les évaluations formelles sont utilement complétées pour tout enfant par un recueil formel ou informel d’observations réalisées dans les différents lieux de vie de l’enfant (crèche, école, structures médicosociales, loisirs) (2,60,74-76,80), sous réserve de l’accord de l’enfant ou adolescent ou de son représentant légal (2). L’usage de la vidéo est un support intéressant pour la discussion clinique et pour rapporter les observations aux parents (2,31), ainsi que pour l’évaluation des changements de comportements. ► Avis complémentaires des groupes de travail Le groupe de pilotage confirme l’intérêt de croiser les observations informelles réalisées par la famille et les professionnels dans les différents lieux de vie de l’enfant/adolescent, notamment pour s’assurer de la généralisation des acquis et ajuster régulièrement les objectifs des interventions proposées. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 61 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Des observations cliniques structurées annuelles sont néanmoins insuffisantes pour ajuster les objectifs fonctionnels visés par les interventions, suivre l’efficacité de ces dernières pour un enfant/adolescent donné et s’assurer de la généralisation des acquis de l’enfant/adolescent. C’est pourquoi elles doivent être complétées par l’observation informelle continue du fonctionnement et de la participation de l’enfant/adolescent dans ses différents lieux de vie et au cours des interventions proposées par les professionnels. 3.3.3 Une évaluation régulière Quand faut-il envisager de renouveler cette évaluation ? ► Analyse de la littérature Il s’agit de définir, au-delà de la période d’évaluation initiale en phase de diagnostic, quelle doit être la périodicité de l’évaluation en vue du suivi du développement et de l’état de santé de l’enfant/adolescent avec TED. Les délais de mise en œuvre de l’évaluation initiale sont peu évoqués dans les recommandations, et la périodicité du suivi ne l’est que dans une recommandation (31). Les éléments recueillis dans les recommandations identifiées (annexe 10, tableau 10-1) sont les suivants : il est recommandé que l’évaluation initiale du développement de l’enfant/adolescent soit réalisée dans des délais les plus brefs, au plus tard dans les 6 semaines (76) ou 3 mois (31,74) après la première consultation ayant évoqué un trouble du développement de l’enfant ; les recommandations françaises précisent que dans le cadre de la procédure diagnostique « le délai pour la réalisation de l’évaluation ne devrait pas dépasser 3 mois » (31) ; ceci a été traduit dans une circulaire interministérielle en 2010 par « le délai de rendez-vous donné pour la réalisation de cette évaluation ne dépasse pas 3 mois » (17) ; les recommandations canadiennes recommandent un délai maximal de 1 (74) à 3 mois (75) entre la première consultation non spécialisée et le début de l’évaluation interdisciplinaire, puis un délai maximal de 2 mois entre le début de cette évaluation et le rendu des résultats à la famille (75). La mise en place des interventions peut débuter avant même que l’ensemble des évaluations soit terminé (31,74) ; le fonctionnement des personnes avec TED évolue au cours du temps (1) ; de ce fait, il est recommandé de renouveler régulièrement les évaluations, afin d’élaborer le projet personnalisé, puis de le faire évoluer (2) ; Une évaluation régulière (généralement tous les 12 à 18 mois) doit être envisagée pour les enfants jusqu’à leur sixième année. Le rythme des évaluations ultérieures est à définir suivant l’évolution (accord professionnel) (31). Les interventions éducatives doivent être suivies et évaluées sur la base d’une évaluation continue. Quand il n’y a pas de progrès évidents en quelques mois, le programme ou les objectifs des interventions, la durée ou l’intensité de l’instruction (telle que la réduction du ratio élèves/enseignant), le soutien au personnel doivent être modifiés (76). ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Bien que ces recommandations concernent le suivi de l’enfant/adolescent, et non la période de diagnostic, ces deux phases étant étroitement liées, il convient de rappeler les délais de mise en œuvre de l’évaluation initiale du fonctionnement de l’enfant/adolescent au moment de la phase de diagnostic (cf. § 3.1). L’observation au quotidien du fonctionnement des enfants/adolescents, lors des activités qui leur sont proposées, participe à l’évaluation continue du développement de l’enfant/adolescent. Cette évaluation continue doit s’attacher à repérer de manière précoce les comportements-problèmes en vue de proposer au plus tôt l’apprentissage de HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 62 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées comportements ou stratégies alternatives. Néanmoins, cette évaluation continue nécessite d’être complétée par des temps formels d’évaluation. Le groupe de pilotage propose qu’une évaluation annuelle du fonctionnement soit proposée à tout enfant/adolescent entre 2 et 18 ans comprenant au minimum : un examen médical, réalisé par un pédiatre, médecin généraliste ou médecin scolaire, ayant pour objectif de mettre en œuvre les examens de prévention et vaccinations recommandés pour tout enfant/adolescent ou spécifiquement pour les enfants/adolescents en situation de handicap ou hébergés en institution (ex. : risque carieux, vaccination contre la grippe), et d’adapter le suivi médical à l’état de santé de l’enfant/adolescent (ex. : s’assurer du suivi orthopédique en cas de syndrome de Rett, orienter vers les consultations spécialisées en fonction des diagnostics associés, etc.) ; une évaluation pluridisciplinaire coordonnée, à laquelle participe chacun des intervenants auprès de l’enfant/adolescent dans le cadre de son projet personnalisé ; cette évaluation pluridisciplinaire comprend un bilan de l’évolution du développement de l’enfant/adolescent dans chacun des domaines retenus ci-dessus à partir d’outils standardisés ; un entretien avec l’enfant/adolescent utilisant ses moyens habituels de communication, en vue de lui donner l’opportunité d’exprimer ses besoins et d’évaluer sa satisfaction relativement à son projet ; un entretien avec les parents en vue de leur donner l’opportunité d’exprimer leurs besoins et d’évaluer avec eux leurs ressources (compréhension du diagnostic et de l’évolution du développement de l’enfant, soutien social, situation financière, disponibilité, etc.) et leur satisfaction relativement au projet personnalisé de leur enfant ; un état des lieux de la situation sociale et de l’environnement dans lequel évolue l’enfant/adolescent. les points de vigilance suivants doivent être identifiés : changement de la dynamique familiale susceptible de modifier sa disponibilité ou ses ressources, situations dans lesquelles apparaissent des comportements-problèmes. Le groupe de pilotage propose que cette évaluation annuelle soit complétée pour tout enfant/adolescent par une évaluation complémentaire : au moment de la phase diagnostique (évaluation initiale) ; tous les 2 ans entre 2 et 6 ans ; à l’entrée à l’école maternelle, afin de favoriser sa scolarisation dans de bonnes conditions pour l’enfant, sa famille, éviter les situations de rejet scolaire ou de déscolarisation précoce ; à l’entrée à l’école primaire ou en cas d’orientation vers une institution spécialisée : les bilans avant ce passage des « 6 ans » permettent à la fois la réflexion autour de l’orientation de l’enfant, que ce soit en milieu scolaire ordinaire ou spécialisé, le relais éventuel des soins entre des structures accueillant les enfants jusque 6 ans et les structures d’aval ; à chaque passage d’une étape de scolarisation à une autre ou vers la vie professionnelle : la réalisation des bilans pluridisciplinaires est fondamentale lors de ces moments importants. Cette évaluation complémentaire a pour objectif d’évaluer le développement de l’enfant/adolescent avec TED, et de s’assurer de la cohérence du projet au regard de l’actualisation du diagnostic ou des connaissances. Par ailleurs, pendant la période de 2 à 5 ans, un point devrait être fait tous les 6 mois afin de vérifier l’existence de gains ou de pertes, et réorganiser ou réorienter les interventions en fonction de ces constats. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 63 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Cette évaluation complémentaire comprend en plus de l’évaluation annuelle : un bilan psychologique standardisé permettant de recueillir une mesure précise du fonctionnement intellectuel et adaptatif de l’enfant, comparativement au développement d’enfants de même âge et d’évaluer le langage, la communication, le jeu et les capacités perceptives de l’enfant/adolescent ; le choix de l’instrument est adapté à chaque situation individuelle, car il est improbable qu’un seul instrument puisse convenir à toutes les situations individuelles ; un ou plusieurs examens médicaux par une équipe spécialisée en vue d’identifier et traiter le cas échéant les pathologies ou symptômes les plus fréquemment associés aux TED (recherche systématique de l’épilepsie, des troubles du sommeil, des troubles psychiatriques fréquemment associés aux TED [troubles anxieux, dépressifs et déficit de l’attention-hyperactivité], troubles orthopédiques lors de syndrome de Rett) et de juger de l’opportunité d’une consultation génétique à envisager avec les parents si de nouveaux tests sont en mesure de préciser le diagnostic initialement posé. Les personnes avec TED et les membres du panel élargi consultés par le groupe de pilotage souhaitent rappeler : que la fréquence d’évaluation doit être adaptée au profil clinique de l’enfant, et que sa fréquence ne doit pas être une entrave à la bonne réalisation des interventions et de la scolarisation : l’évaluation est au service de la mise en œuvre d’interventions adaptées et n’est pas une fin en soi ; qu’il convient de distinguer les temps formels d’évaluation annuelle et le suivi régulier de l’évolution du développement de l’enfant/adolescent au travers des activités réalisées au cours des interventions : ce suivi, effectué à partir des observations réalisées par l’intervenant habituel de l’enfant/adolescent au cours des séances d’intervention, n’est donc pas un temps spécifique d’évaluation, pris aux dépens de temps alloué à l’enfant/adolescent pour les interventions. Ce suivi régulier peut se faire sous diverses formes : réunions d’équipes hebdomadaires ou mensuelles, transmissions entre collègues et avec la famille, comptes-rendus écrits réguliers de l’évolution constatée en séances, afin d’ajuster les objectifs opérationnels d’accompagnement et de soins ; qu’il convient que toute évaluation annuelle ou approfondie soit suivie d’une consultation permettant de faire la synthèse des différents bilans réalisés et de les expliquer aux parents et à l’enfant/adolescent. Des avis divergents se sont exprimés concernant les professionnels susceptibles de réaliser cette consultation : médecin seul ou médecin et psychologue conjointement ; que la consultation permettant de faire la synthèse des évaluations devrait envisager les interventions à mettre en œuvre et son mode de coordination. Si tous les participants souhaitent que les modes d’interventions évoluent pour intégrer rapidement les données de la science mettant en évidence ce qui a fait preuve de son efficacité (être ambitieux pour l’avenir), tous sont également conscients que l’on ne peut donner de faux espoirs aux familles en préconisant des modes d’interventions trop coûteux ou non disponibles. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 64 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Une évaluation régulière Pour définir ou actualiser le projet personnalisé d’interventions, il est recommandé que l’évaluation soit réalisée au minimum une fois par an pour tout enfant/adolescent avec TED, par des professionnels expérimentés et formés à l’examen des différents domaines du développement. Cette évaluation est systématiquement suivie d’une réunion de synthèse. Il est recommandé qu’un recours ponctuel à des compétences extérieures puisse compléter les évaluations au minimum annuelles effectuées par les équipes d’intervention, avec l’accord des parents. Ces évaluations complémentaires ont pour objectif de s’assurer de la cohérence du projet au regard de l’actualisation du diagnostic ou des connaissances et de préciser l’âge développemental de l’enfant/adolescent comparativement à son âge chronologique, notamment à partir d’observations cliniques structurées à l’aide d’outils objectifs standardisés lorsqu’ils ne sont pas disponibles au sein de l’équipe d’interventions. Le rythme recommandé pour ces évaluations complémentaires est au minimum d’une évaluation tous les 2 ans entre 2 et 6 ans puis aux âges ou situations de transition (ex. : passage maternelle/primaire, passage primaire/collège, puberté, passage école/apprentissage ou vie professionnelle, passage à l’âge adulte et changement de structure). Selon les besoins de l’enfant/adolescent, celles-ci peuvent être envisagées plus fréquemment, en particulier entre 6 et 12 ans lorsque le diagnostic a été tardif. 3.3.4 Un examen physique et une évaluation clinique à l’aide d’observations cliniques structurées et d’observations informelles ► Analyse de la littérature L’évaluation initiale comprend systématiquement un examen physique complet de l’enfant, des observations cliniques structurées et des observations informelles (31,48,72,74-76). ► Avis complémentaires des groupes de travail Tout comme l’évaluation initiale, afin de couvrir l’ensemble des domaines ci-dessus détaillés (cf. § 3.2.1), les évaluations au minimum annuelles effectuées dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent s’appuient systématiquement sur un examen physique/somatique, des observations cliniques structurées et des observations informelles du fonctionnement et de la participation de l’enfant/adolescent réalisées de manière continue par les parents et par les professionnels, dont les enseignants, au cours des interventions proposées. Afin de donner des repères temporels pour ces évaluations, le groupe de pilotage a proposé différentes options possibles au groupe de cotation. Les fréquences faisant l’objet de consensus ont été proposées en phase de lecture. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Toute évaluation ayant pour objectif de suivre le développement de l’enfant/adolescent avec TED s’appuie systématiquement sur un examen physique/somatique, des observations cliniques structurées et des observations informelles du fonctionnement et de la participation de l’enfant/adolescent réalisées de manière continue par les parents et par les professionnels au cours des interventions proposées. Elle tient également compte des évaluations réalisées dans le cadre des apprentissages scolaires par les équipes pédagogiques et des bilans effectués lors des réunions des équipes de suivi de la scolarisation (ESS) animées par l’enseignant référent. Les observations cliniques structurées nécessaires à l’actualisation du projet personnalisé sont des évaluations fonctionnelles simples de mise en œuvre, permettant de décrire le fonctionnement de l’enfant/adolescent, sa participation et ses capacités émergentes. Leur HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 65 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées rythme doit être au minimum annuel pour tout enfant/adolescent avec TED. Il peut être plus fréquent dans certains domaines. Des observations cliniques structurées annuelles sont néanmoins insuffisantes pour ajuster les objectifs fonctionnels visés par les interventions, suivre l’efficacité de ces dernières pour un enfant/adolescent donné et s’assurer de la généralisation des acquis de l’enfant/adolescent. C’est pourquoi elles doivent être complétées par l’observation informelle continue du fonctionnement et de la participation de l’enfant/adolescent dans ses différents lieux de vie et au cours des interventions proposées par les professionnels Il est recommandé que cette observation informelle fasse l’objet d’échanges réguliers avec la famille et, si celle-ci n’y est pas opposée, entre professionnels. Le partage d’observations entre professionnels peut prendre différentes formes : réunions d’équipe, échanges directs ou téléphoniques, transmissions ou comptes rendus écrits de séances mis à disposition des autres professionnels (dossier commun ou consultable dans le respect des règles déontologiques propres à chaque profession). Ce partage d’observations entre professionnels est recommandé au moins une fois par mois pour chaque enfant/adolescent et nécessite d’être animé ou supervisé par un professionnel expérimenté, psychiatre ou psychologue, au moins une fois par trimestre. Ces observations sont tracées par écrit au moins une fois par trimestre (ex. dossier, comptes rendus, cahier de transmissions, etc.). Ces rythmes peuvent être plus fréquents dans certaines situations ou pour certains domaines. 3.3.5 Instruments standardisés ► Analyse de la littérature Parmi les recommandations identifiées (annexe 10, tableau 10-1), certaines se prononcent sur la pertinence d’utiliser de manière systématique ou optionnelle des instruments standardisés et étalonnés dans le cadre de l’évaluation initiale au moment du diagnostic. Aucune ne s’est intéressée aux tests à recommander dans le cadre du suivi du développement de l’enfant/adolescent. Le caractère systématique ou non de leur utilisation dépend du domaine évalué et des pays ayant élaboré les recommandations. Sont détaillés ci-dessous les éléments repérés dans les différentes recommandations de bonne pratique identifiées (uniquement au cours de l’évaluation initiale au moment du diagnostic), afin d’aider le groupe de pilotage à juger de la pertinence de certains de ces outils dans le cadre du suivi de l’enfant/adolescent avec TED. Le recours systématique ou non à des instruments standardisés varie selon les recommandations : l’évaluation initiale du développement : est fondée sur l’histoire et un examen clinique ou sur des mesures formelles (74) ; doit être réalisée avec des instruments standardisés et étalonnés (75) ; est recommandée l’utilisation d’au moins un instrument de mesure, standardisé et étalonné des observations parentales et d’au moins un instrument standardisé et étalonné d’observation des comportements (75) ; l’évaluation de la communication et du langage est fondée sur des tests standardisés et étalonnés et des observations informelles (74) ; l’évaluation des interactions sociales, de la communication et du jeu est réalisée à l’aide d’une observation standardisée (74) ; l’évaluation du fonctionnement intellectuel et cognitif est ou non réalisée de manière systématique à l’aide de tests standardisés et étalonné : les tests doivent être systématiquement utilisés (74) : le psychologue doit utiliser des instruments standardisés et normalisés en vue de recueillir une mesure précise du HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 66 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées fonctionnement intellectuel17 et adaptatif18 de l’enfant, et évaluer le langage, la communication, le jeu et les capacités perceptives (74) ; le choix de l’instrument est adapté à chaque situation individuelle, car il est improbable qu’un seul instrument puisse convenir à toutes les situations individuelles (74) ; les tests standardisés peuvent être utilisés (31,48,72) ; différents domaines du développement doivent être systématiquement examinés, mais il n’y a pas de procédure ou de tests standard (31) ; l’adaptation (contexte de passation, présentation des épreuves, interprétation des résultats) des procédures ou des tests habituellement utilisés pour les enfants au développement typique est nécessaire en fonction des particularités comportementales (31) ; ils ne sont utilisés que si la situation le permet : l’évaluation des habiletés intellectuelles, adaptatives et cognitives doit être prise sérieusement en considération, et lorsque cela est possible et approprié, elles doivent être formellement évaluées (76) ; le recueil des observations parentales : est facilité par un guide d’entretien portant sur les différents domaines de perturbations des TED. L’ADI est le guide d’entretien structuré avec les parents le plus reconnu au plan international (31). L’utilisation de l’échelle de la Vineland est utile pour compléter l’évaluation du comportement adaptatif dans les domaines de la socialisation, de la communication, et de l'autonomie de la vie quotidienne (31) ; doit comprendre un guide d’entretien standardisé avec l’adulte s’occupant principalement de l’enfant, guide ayant fait la preuve d’une sensibilité et d’une spécificité au moins modérée pour les TED (74). Il faut noter que les revues de la littérature évaluant l’efficacité d’une intervention, posent parmi leurs critères de sélection des études, l’utilisation (non exclusive) d’instruments standardisés pour le diagnostic, pour l’évaluation du niveau de développement, du niveau de communication et de langage, des interactions sociales, du jeu, du fonctionnement intellectuel et cognitif, et du ressenti parental. Lorsqu’aux variables qui doivent être mesurées ne correspond pas de test standardisé, l’utilisation de moyens de mesure objectifs couramment utilisés par la recherche peut être acceptée (par ex. : évaluation de changement de comportement en mesurant la fréquence d’occurrence de ce comportement dans une situation standardisée et durant des fenêtres de temps prédéfinies). Parmi les recommandations identifiées (annexe 10, tableau 10-1), certains instruments ont été proposés dans le cadre de l’évaluation pluriprofessionelle initiale au moment de la pose de diagnostic ; aucune d’entre elles n’a précisé les instruments à utiliser dans le cadre du suivi du développement de l’enfant/adolescent avec TED. Cependant, une recommandation détaille les qualités d’un instrument adapté pour évaluer le fonctionnement d’un enfant ou adolescent avec TED (74). L’instrument doit : être approprié à l’âge mental et à l’âge chronologique de l’enfant/adolescent ; fournir une échelle appropriée de scores standardisés fondés sur des normes actuelles ; fournir des mesures indépendantes des capacités verbales et non verbales ; fournir un indice global des compétences ; prendre en compte les capacités de l’enfant/adolescent en termes de mémoire, résolution de problèmes et développement de concepts ; mesurer les compétences motrices et oculomotrices ; évaluer les compétences sociales. 17 Weschler Preschool and Primary Scale of Intelligence-R (WPPSI-R), Stanford Binet Intelligence Scale 4th Edition (SBI-4), Leiter International Performance Scale (revised norms), Bayley Scales of Infant Development, 2nd Edition, Mullen Scales of Early Learning, The Infant Psychological Development Scale. 18 Vineland Adaptive Behavior Scales, Scales of Independent Behavior Ŕ Revised, AAMR Adaptive Behavior Scales. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 67 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Deux revues systématiques, relatives à des catégories spécifiques d’instruments permettant de mesurer le fonctionnement d’un enfant ou adolescent avec autisme, ont été identifiées (91,92), ainsi que deux revues s’intéressant de manière plus générale aux instruments d’évaluation du fonctionnement de personnes avec TED (1,81). La transposition en France des instruments proposés dans les revues générales anglo-saxonnes est difficile, dans la mesure où tous ces instruments sont en langue anglaise. Les travaux antérieurs de la HAS (1) ont identifié en plus des outils de diagnostic : des instruments qui permettent de suivre l’évolution du fonctionnement d’une personne avec TED, en particulier son profil psycho-éducatif et ses différentes modalités (PEP-3 pour enfants (93), AA-PEP pour adulte et adolescent (94) prochainement remplacé par le Teacch Transition Assessment Profile (TTAP)19 en cours de traduction), l’ECA-R20 (95) et ECA-N (96), version pour les nourrissons de 6 à 30 mois, l’évaluation globale du fonctionnement décrit dans l’axe V du DSM-IV-TR (97), la Childhood Autism Rating Scale (CARS) (98-101) ou la classification internationale du fonctionnement (CIF) (13,102) ; des instruments élaborés pour évaluer le fonctionnement cognitif d’enfants ou adolescents non spécifiques des personnes avec TED (Brunet-Lézine révisé (BLR)21, batterie pour l’examen psychologique de l’enfant de Kaufman Ŕ 2e édition (KABC-II)22 ; échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants et adolescents Ŕ 4e édition (WISC-IV)23 et échelle d’intelligence de Wechsler pour la période préscolaire et primaire Ŕ 3e édition (WPPSI-III)24, dont les modalités de passation des tests sont à adapter en fonction des particularités du fonctionnement des personnes avec TED (en particulier temporalité différente) et leur interprétation être prudente (1) ; des instruments spécifiques pour évaluer le fonctionnement cognitif de personnes avec TED : batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle (BECS)25 (103), Aberrant Behavior Checklist (104,105) validée auprès de population présentant un retard mental sévère (104), tests orientés sur les cognitions sociales : tests sur la théorie de l’esprit et échelles d’empathie Autism Spectrum Quotient (106-108) ; des instruments spécifiques orientés vers l’évaluation de la communication ou celle du langage ; les tests sont nombreux26 ; le choix des tests dépend du profil individuel de la personne avec autisme (âge et capacités) (1) ; une échelle permettant d’apprécier les comportements adaptatifs dite échelle Vineland ou VABS27 (109,110) ; un bilan sensori-moteur français (111). Une revue systématique s’est intéressée spécifiquement aux analyses fonctionnelles du comportement utilisées pour évaluer les comportements posant problème, attribuer une fonction à ce comportement et choisir un traitement (91). Cette revue s’appuie sur 58 études, 19 Mesibov G, Thomas JB, Chapman SM, Schopler E. Teacch Transition Assessment Profile (TTAP), Second Edition. Pro-Ed 2009. http://www.proedinc.com/customer/ProductView.aspx?ID=3962 20 Lelord G, Barthelemy C. Échelle d’évaluation des comportements autistiques communication sociale. Édition ECPA 2003. http://www.ecpa.fr/psychologie-clinique/test.asp?id=1498 21 Josse D, Brunet-Lézine révisé : échelle de développement psychomoteur de la première enfance . Édition ECPA 2007. 22 . Kaufman AS, Kaufman N L. Batterie pour l’examen psychologique de l’enfant. Édition ECPA 1993 23 Wechsler D. Échelle d’intelligence de WECHSLER pour enfants et adolescents quatrième édition. Édition ECPA 2005. 24 Échelle d’intelligence de Wechsler pour la période préscolaire et primaire, troisième édition. Édition ECPA. 25 Adrien JL. Manuel de la Batterie d’Evaluation Cognitive et Socio-émotionelle (B.E.C.S.). Edition ECPA 2007. http://www.ecpa.fr/psychologie-clinique/test.asp?id=1386 26 Se reporter au chapitre 5.3.2 de l’argumentaire de l’état des connaissances publié en 2010 par la HAS (1). 27 Initialement publiée par Sparrow SS, Balla DA, Cicchetti DV. Vineland Adaptative Behavior Scales. Circle Pines, Minn, American Guidance Services, 1984. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 68 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées dont 42 sont des descriptions de cas unique (autisme avec retard mental, âge moyen 13 ans). La validité des différents instruments cités par les auteurs n’est pas discutée, mais les auteurs cherchent à savoir si un type d’évaluation peut avoir une influence sur l’évolution ou la suppression du comportement-cible. Les auteurs concluent que le type d’évaluation fonctionnelle du comportement n’influence pas en soi les résultats des interventions visant à réduire ou supprimer un comportement-problème, mais que les traitements mis en œuvre à partir d’une évaluation des fonctions du comportement réalisée dans un cadre expérimental défini a priori sont statistiquement plus à mêmes d’obtenir la suppression de comportement problème que les traitements mis en œuvre après évaluation descriptive directe ou indirecte des comportements-problèmes. Ces résultats sont confortés par d’autres revues de littérature, dont certaines plus récentes et notamment par plusieurs études récentes rapportées dans la partie 5.2.7 « Interventions ciblant un domaine spécifique- gestion des comportements problèmes ». Herzinger et al. précisent les limites de leur étude du fait d’insuffisance de description des cas cliniques dans les études princeps et de biais possibles de publication (91). Une revue systématique s’est centrée sur les méthodes utilisées en recherche pour évaluer l’alimentation des enfants présentant un trouble envahissant du développement (92). Aucun article sur le développement ou l’étude des valeurs psychométriques d’un instrument d’évaluation pour l’alimentation n’a été identifié. Six questionnaires en anglais, dont trois correspondant à des listes d’aliments, sont utilisés dans les études de recherche relative à l’alimentation des enfants avec TED. L’évaluation peut également être menée par observation directe ou combiner questionnaire et observation directe. Aucun instrument ne permet d’évaluer l’ensemble des aspects qui influencent l’alimentation des enfants avec TED (92). Depuis ces revues sytématiques, plusieurs études ont été publiées et fournissent les éléments suivants : une confirmation de l’intérêt du test « psychoeducational profile revised » (PEP-R) pour définir des plans de traitement et mesurer l’efficacité des interventions, après une validation de cet instrument réalisée en Italie auprès de 137 enfants de 2 ans à 14 ans, avec autisme (n = 120) ou TED non spécifié (n = 17) (112) ; l’« échelle des comportements répétitifs et stéréotypés » (EC2R) a été testée en France chez 145 personnes avec TED (âge : 3 à 33 ans, DQ-QI :6 à 126, CARS : 20 à 55) et présente des qualités métrologiques satisfaisantes (113-115) ; une échelle de qualité de vie dite Kidscreen-52, non spécifique aux TED, a été validée parallèlement dans 13 pays européens auprès de 22 827 enfants de 8 à 18 ans (116) ; étalonnée selon l’âge, elle est disponible en français28 et permet des comparaisons individuelles ; une version courte en 27 items dite Kidscreen-27 possède de bonnes qualité métrologiques, mais sa sensibilité au changement nécessite d’être explorée (117,118) ; une échelle, du retentissement sur les frères et sœurs sains de la présence au sein d’une famille d’un enfant malade a été récemment évaluée auprès de familles avec un enfant ayant une maladie chronique (n = 36), un trouble du développement (n = 36) ou un trouble envahissant du développement (n = 50) (119). Cette échelle n’est pas encore disponible en français. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les membres du groupe de pilotage ont identifié les instruments disponibles en français29. Parmi les instruments cités ci-dessus et identifiés dans les travaux antérieurs de la HAS, 28 http://www.kidscreen.de/cms/existinglanguageversions Lorsque la version française n’a pas fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique ou n’est pas disponible dans le domaine public, des liens vers les éditeurs sont proposés à titre indicatif pour faciliter l’accès à 29 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 69 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées seul le Teacch Transition Assessment Profile (TTAP) n’est pas encore disponible en français. Certaines versions françaises n’ont fait l’objet, ni d’une traduction validée avec adaptation, ni d’une standardisation par étalonnage auprès d’une population francophone. Les instruments d’évaluation du fonctionnement cités dans les travaux antérieurs de la HAS (1) (cf. paragraphe ci-dessus) sont jugés utiles au suivi du développement de l’enfant ou de l’adolescent avec autisme, sauf deux instruments pour lesquels des réserves sont émises : l’échelle ASQ Autism spectrum Quotient (107) qui est essentiellement un instrument utilisé dans le cadre du diagnostic et le bilan sensori-moteur de Bullinger (111), car il n’est pas standardisé. Certains tests n’ont pas initialement pour objet de permettre un suivi de l’enfant/adolescent (KABC-II, WISC-IV, WPPSI-III). Le groupe de pilotage rappelle que la passation des instruments standardisés en population générale doit être adaptée aux particularités de chaque enfant/adolescent avec TED, et leur interprétation prudente en particulier en cas de troubles du langage. D’autres instruments d’évaluation ont été cités par le groupe de pilotage comme potentiellement utile au suivi du développement de l’enfant ou de l’adolescent avec TED dans des domaines spécifiques. Dans le domaine sensoriel et moteur Les évaluations spécifiques dans ce domaine sont réalisées au moyen d’instruments standardisés et d’observations cliniques qui s’intéressent à la motricité globale, la motricité fine, le tonus, les postures, les coordinations, l’appréhension de l’espace, le schéma corporel, la capacité de planification, le niveau de développement global. Les psychomotriciens se basent sur des outils construits au sein de leur profession ou sur les instruments existants. Ces derniers ne sont pas spécifiques des enfants avec TED. Ils proposent d’évaluer les manifestations corporelles chez les sujets avec TED dans leurs dimensions sensorielles, motrices mais aussi cognitives (anticipation, programmation et planification de l’action) et relationnelles (cf. annexe 11). Ces instruments peuvent être classés en 3 catégories selon le domaine principal exploré : les particularités sensorielles : l’échelle de profil sensoriel Sensory Profile30, initialement proposée pour toute population, a été testée auprès d’une population d’enfants avec TED de 3 à 13 ans (120,121) ; le bilan sensori-moteur de Bullinger n’est pas standardisé selon les âges (111) ; la motricité fine et globale ; de façon non exhaustive, les domaines des coordinations dynamiques générales, de l’équilibre statique et dynamique, de la dextérité manuelle, du graphisme et de l’écriture sont explorés. Lorsque ces tests sont standardisés (évaluation normative et développementale), ils permettent de situer le développement moteur de l’enfant/adolescent par rapport à la moyenne des personnes de son âge, voire de mettre en évidence des troubles moteurs associés. Généralement élaboré pour une population générale, l’instrument utilisé et sa passation doivent être adaptés à chaque enfant/adolescent avec TED en fonction de son âge, de ses capacités d’attention et de compréhension et du temps imparti. Parmi eux, la batterie d’évaluation du mouvement chez l’enfant M-ABC31 a fait l’objet de plusieurs études de validation en population générale (122) et auprès d’enfants/adolescents présentant des troubles du développement (123). La M-ABC permet d’identifier et de décrire les difficultés de performances motrices ces versions. Les instruments d’évaluation développés par le Autism research centre sont gratuitement mis à disposition des cliniciens, scientifiques et chercheurs, dans différentes langues, sous réserve d’une utilisation strictement limitée à des fins non commerciales : http://www.autismresearchcentre.com/tests/default.asp. 30 Dunn, W. The Sensory Profile manual. San Antonio : The Psychological Corporation 1999. 31 M-ABC Batterie d’évaluation du mouvement chez l’enfant, version française disponible via http://www.ecpa.fr/psychomotricite-ergotherapie/test.asp?id=1807 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 70 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées d’enfants/adolescents entre 3 et 16 ans, en particulier le contrôle corporel, le fonctionnement des membres, la précision spatiale, le contrôle de la force et la synchronisation des actions au travers de trois catégories de subtests : dextérité manuelle, maîtrise de balles et équilibre statique et dynamique. Une seconde version, uniquement disponible en anglais, est en cours de validation (124) ; le développement du schéma corporel et la connaissance du corps. Dans ces instruments, les capacités d’imitation gestuelle sont plus spécifiquement analysées. Dans le domaine des émotions et du comportement La version française du Diagnostic Analysis of Non Verbal Accuracy 2 Adults Facial expression and Child ou DANVA 2F Facial expression (125) permet l'utilisation d'une forme courte du DANVA, DANVA-2-AF (24 items) et DANVA 2-CF (24 items) afin d’étudier de façon standardisée et validée, la perception des émotions faciales à partir de photographies de visages d’adultes, d’adolescents ou d’enfants (1). La grille d’évaluation comportementale pour enfants Nisonger (GECEN)32 est un questionnaire proposé aux parents et enseignants qui a pour objectif de repérer les comportements-problèmes (trouble des conduites, anxiété, hyperactivité, automutilation/stéréotypie, isolement/rituel, irritabilité). Sa reproductibilité a été évaluée auprès de 57 enfants/adolescent de 4 à 16 ans présentant un retard mental (126). Dans le domaine des interactions sociales Bien que l’échelle d'observation pour le diagnostic de l'autisme (ADOS) (127) soit un instrument d’observation semi-structuré interactif ayant pour objectif de poser un diagnostic de TED (1), sa structure en 4 modules adaptés au niveau de langage et de développement a été étudiée à partir d’un échantillon de 1 415 enfants/adolescents de 2 à 16 ans avec ou sans TED, afin de standardiser un score de sévérité de l’autisme et permet de comparer les résultats par module et dans le temps (128). Dans le domaine de l’autonomie dans les activités quotidiennes Deux échelles disponibles en français sont largement utilisées en pédiatrie pour évaluer l’autonomie de l’enfant dans les actes de la vie quotidienne : l’échelle des comportements adaptatifs dite Vineland ou VABS apprécie le comportement adaptatif : indépendance personnelle et responsabilité sociale dans les domaines de l'autonomie de la vie quotidienne, mais aussi de la socialisation, de la communication et de la motricité (109,110). Il s’agit d’un entretien semi-structuré avec les parents. Initialement standardisée en population générale, cette échelle comprend des normes spécifiques pour les enfants avec autisme (129,130) ; la mesure de l’indépendance fonctionnelle est un instrument disponible en français, dont la reproductibilité a été validée auprès de populations d’enfants présentant divers troubles neuro-développementaux (131-134) ; cette mesure évalue les capacités de l’enfant dans six domaines de la vie quotidienne : les soins personnels (toilette habillage), le contrôle sphinctérien, la mobilité, la locomotion, la communication, les activités cognitives à visée sociale. Aucune étude menée auprès d’une population avec TED n’a été identifiée. De façon générale, l’utilisation de tests très répandus internationalement (quel que soit le pays où ils ont été standardisés pour la première fois) est souhaitable pour mettre en commun à un niveau international les données d’intervention ou de médication, les données sur des facteurs spécifiques, etc. Le groupe de pilotage constate le peu d’études scientifiques publiées sur la sensibilité et la reproductibilité des outils proposés pour évaluer le fonctionnement de l’enfant/adolescent 32 Tassé M, Girouard N, Morin I. Grille d’évaluation comportementale pour enfants Nisonger (GECEN) : manuel de l'utilisateur. Département de psychologie, Université du Québec à Montréal 1999. http://www.labadapt.org/navigation/gecen.php HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 71 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées avec TED. Bien que de nombreux outils aient été traduits en français, il constate la rareté des échelles spécifiques aux TED, validées en population française et ayant fait l’objet de publication scientifique (ECA-R33 (95) et ECA-N (96)). Le groupe constate également que certains de ces instruments d’évaluation sont d’accès facile (gratuité ou faible coût) et d’utilisation possible par toutes catégories de professionnels (ex. : CARS, CIM-10, Vineland VABS, ECA-R, échelle de communication sociale précoce (ECSP) (135), échelle de profil sensoriel Sensory Profile. En revanche, le coût élevé de certains tests (Brunet-Lézine révisé, KABC-II, Bullinger, WISC-IV, WPPSI-III, BECS) et le non-remboursement des actes réalisés en libéral par les psychologues, doivent être pris en considération par les prescripteurs. Le groupe de pilotage souligne la difficulté à séparer les outils permettant de suivre dans le temps le développement de l’enfant/adolescent des outils utilisés pour valider l’efficacité d’une intervention. Le groupe de pilotage souhaite que les recommandations privilégient l’appropriation par le plus grand nombre de professionnels de quelques outils spécifiques, plutôt que de proposer une liste exhaustive de bilans, spécifiques ou non, pas forcément accessibles. Les outils proposés doivent être compréhensibles par les familles et conformes aux normes internationales. La réflexion du groupe s’est appuyée sur les données récentes de pratiques : si les outils psychométriques non spécifiques mais standardisés en population générale sont utilisés par 39 % des établissements sanitaires et 56 % des établissements médico-sociaux lors de l’actualisation du projet personnalisé (WISC, K-ABC, Brunet-Lézine, etc.), les outils spécifiques aux personnes avec TED sont utilisés pour cette actualisation par moins d’un quart des établissements respectivement, dans les secteurs médico-social et sanitaire : PEP 24 % et 22 %, Vineland 18 % et 17 %, l’AAPEP 11 % et 0 %, la CARS13 % et 11 % ; les autres outils (ECA-N/ECA-R, BECS, ADOS, etc.) sont utilisés par moins de 10 % des établissements) (27). Ainsi, le groupe propose de distinguer et de favoriser l’utilisation : des outils qui donnent un profil de l’enfant/adolescent selon les différents domaines et permettent à toute équipe d’interventions de suivre le développement de l’enfant/adolescent et de définir ses besoins pour orienter la construction du projet personnalisé : la CARS (de 2 ans à l’âge adulte), tout étant un outil de mesure d’intensité des troubles permet de passer en revue et d’examiner les différents domaines qui correspondent aux troubles du spectre autistique. Dans une équipe, elle permet de vérifier l’évolution (amélioration, stabilité ou régression) de l’enfant/adolescent dans les différents domaines. C’est un outil complet, et dont l’appropriation par les équipes est aisée et courante parce qu’elle apporte une aide et permet un échange et des confrontations de points de vue au sein de l’équipe ; la Vineland ou VABS (de 0 à 18 ans) explore les domaines de la motricité, communication, autonomie, socialisation. C’est un outil intéressant quand il est utilisé par l’équipe, et plus particulièrement dans l’échange avec les familles notamment en ce qui concerne la vie quotidienne. Il permet d’évaluer l’enfant/adolescent et de mesurer tout au long de la prise en charge l’évolution dans les différents domaines. Si cet outil donne des scores souvent bas qui parfois ne correspondent pas aux ressentis des familles, il permet aux professionnels de mieux identifier les acquis par domaine ainsi que le décalage entre eux ; l’ECA-N et l’ECA-R qui explore spécifiquement l’ensemble des comportements autistiques. 33 G. Lelord C. Barthelem. Échelle d’évaluation des comportements autistiques communication sociale. Édition ECPA 2003. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 72 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées les outils spécifiques d’un domaine particulier : domaine des interactions sociales précoces : échelle de communication sociale précoce, facilement mise en œuvre par une équipe d’interventions ; domaine du comportement : analyse fonctionnelle du comportement, utile aux équipes d’interventions pour analyser la fonction d’un comportement problèmatique ; domaine du langage et de la communication : les outils utilisés au cours d’un bilan orthophonique doivent être adaptés au niveau de développement de l’enfant/adolescent concernant la communication non verbale, la compréhension (élément principal) et l’expression verbales et les aspects pragmatiques du langage ; domaine sensori-moteur : les outils utilisés doivent être adaptés au niveau de développement de l’enfant/adolescent concernant la motricité globale, la motricité fine, le tonus, les postures, les coordinations, l’appréhension de l’espace, le schéma corporel, la capacité de planification et le niveau de développement global. Les psychomotriciens se basent sur des outils construits au sein de leur profession ou sur les instruments existants ; les outils spécifiques des enfants/adolescents avec TED qui à travers l’évaluation permettent de faire apparaître les capacités émergentes et sont utiles à l’élaboration du projet éducatif par l’équipe d’interventions : le PEP-3 (outil spécifique aux enfants avec TED de 6 mois à12 ans) et l’AAPEP (outil spécifique aux adolescents et adultes avec TED) ; les outils utilisés par les psychologues qui donnent un niveau de développement de l’enfant/adolescent dans différents domaines en rapport au développement standard d’enfants/adolescents ayant un développement typique ; ces outils sont utilisés par un psychologue, le plus souvent au sein d’une équipe ou d’un réseau spécialisé : la BECS (outil spécifique aux TED, 4 mois Ŕ 10 ans, adapté pour tout enfant avec TED), le Brunet-Lézine (outil non spécifique, enfant de moins de 3 ans), les 3 outils suivants, non spécifiques et non adaptés lorsque l’enfant n’a pas développé de langage verbal : le KABC-II (enfant de 3 à 13 ans), le WPPSI-III (enfant de 0-6 ans) et le WISC-IV (enfant/adolescent de 6 à 16 ans). Enfin, le groupe de pilotage rappelle que les outils permettant d’évaluer le développement d’un enfant/adolescent sont susceptibles d’évoluer au fur et à mesure des connaissances scientifiques et pourront être remplacés ultérieurement par des outils plus performants ayant un objectif identique. Le choix des outils d’évaluation cognitive, intellectuelle et leur passation doivent être particulièrement adaptés, afin d’identifier de manière fiable si un retard mental est ou non associé au TED, en particulier en cas de troubles du langage. Le groupe de lecture et la consultation publique ont proposé d’autres tests, notamment : le NEP-PSY, le Functional emotional assessment scale (FEAS) utilisé dans les interventions de type Floortime, l’Assessement of basic Language and learning skills (ABLLS), le Verbal Behavior Milestone and placement program (VB MAPP), le Wechsler Non Verbal (WNV). Suite à ces propositions, les membres du groupe de pilotage et de cotation maintiennent la liste des principaux outils standardisés proposés en phase de lecture, rappelant que la liste des outils proposés n’est pas exhaustive, mais qu’elle représente ce que toute équipe devrait être au minimum en mesure de maîtriser. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Les tableaux 4 et 5 précisent les outils recommandés pour structurer les observations cliniques. Cette liste est indicative et non exhaustive ; elle pourra évoluer en fonction des études de validation d’outils futurs. Il est recommandé que toute équipe, d’interventions ou de diagnostic, soit formée et en mesure d’utiliser en routine au minimum les outils recommandés mentionnés dans le HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 73 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées tableau 4 permettant de décrire le profil de l’enfant et de l’adolescent et d’identifier ses capacités émergentes. Tableau 4. Outils recommandés pour structurer les observations réalisées par toute équipe suivant des enfants/adolescents avec TED (liste non exhaustive et évolutive). Objectif Domaines évalués Outils Décrire le profil de l’enfant/adolescent. Plusieurs domaines. Échelle d’évaluation de l’autisme infantile (de 2 ans à l’âge adulte) Childhood autism rating scale (CARS). Échelle de comportements adaptatifs de Vineland (de 0 à 18 ans) Vineland Adaptive Behavior Scales (VABS). Échelle des comportements autistiques (de 3 à 30 mois : ECA-N et de 3 à 12 ans : ECA-R). Interactions sociales précoces. Échelle de communication sociale précoce (ECSP) (de Comportement. Évaluation fonctionnelle du comportement en cas de 3 à 30 mois). comportement problème. Identifier les capacités Émergentes. Langage et communication. Outils standardisés non spécifiques aux TED. Sensori-moteur. Outils standardisés non spécifiques aux TED. Plusieurs domaines. PEP-3 (de 6 mois à 12 ans). AA Ŕ PEP (adolescents et adultes). Il est recommandé que toute équipe de diagnostic soit formée et en mesure d’utiliser au minimum les outils recommandés du tableau 4 et ceux mentionnés dans le tableau 5, qui permettent de déterminer les niveaux de développement de l’enfant/adolescent dans différents domaines comparativement à son âge chronologique. Les équipes d’interventions sont également en mesure d’utiliser les outils mentionnés dans le tableau 3 dès lors qu’elles comprennent un psychologue formé. Il est recommandé que les professionnels s’assurent que le choix des outils d’évaluation cognitive et intellectuelle et les modalités de réalisation des tests sont adaptés, afin d’identifier de manière fiable si un retard mental est ou non associé au TED, en particulier en cas de troubles du langage. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 74 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Tableau 5. Outils recommandés pour structurer les observations réalisées dans le cadre des évaluations complémentaires (liste non exhaustive et évolutive). Objectif Domaines évalués Outils Déterminer les niveaux de Cognitif et autres BECS (outil spécifique aux enfants avec TED adapté développement de domaines. quel que soit leur développement intellectuel et celui l’enfant/adolescent dans de leur langage, évaluant les fonctions qui se les différents domaines développent entre 4 à 24 mois et étalonné avec des comparativement à son enfants jusque 10 ans). âge chronologique. Brunet-Lézine (outil non spécifique, enfant de moins de 3 ans). WPPSI-III (enfant de 0 à 6 ans), le WISC-IV (enfant/adolescent de 6 à 16 ans) ou le KABC-II (enfant de 3 à 13 ans) (outils non spécifiques aux TED, non adaptés lorsque l’enfant n’a pas développé de langage verbal). PEP-3 (de 6 mois à 12 ans) ou le AA-PEP (adolescents et adultes), outils spécifiques aux personnes avec TED. 3.3.6 Une évaluation suivie de la communication des résultats ► Analyse de la littérature Il est recommandé que les résultats des évaluations soient communiqués à l’enfant ou adolescent et à sa famille (2,76) par les professionnels les ayant réalisés, avec toutes les précautions nécessaires (2). L’information de la personne sur sa situation tient compte de son âge et de son niveau de compréhension (31), et peut nécessiter l’utilisation de supports adaptés ou d’une aide à la communication (2). Les résultats sont discutés avec la famille, et un plan d’interventions est proposé (31,76), comprenant les évaluations complémentaires, la mise en œuvre des interventions et la consultation de suivi de l’enfant (76). Un document écrit, complet, est transmis (31,76) ; il comprend toutes les évaluations ainsi qu’un rapport écrit identifiant les points forts et faibles, la trajectoire développementale, les symptômes, les préconisations pour les interventions et les informations sur le réseau de soutien à disposition des familles (76). Il est important de prendre en compte les enjeux liés à la confidentialité et d’obtenir, par écrit, le consentement légal pour la communication des informations entre les membres de l’équipe et avec les personnes ou organisations extérieures (75). ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail La participation de la famille aux réunions de synthèse effectuée à l’issue des temps d’évaluation formalisée a été discutée. Certaines équipes le proposent de manière systématique, mais cette modalité semble impossible à mettre en œuvre pour d’autres. Dans tous les cas, un retour et une explication des différents bilans, de leur intérêt et de leurs résultats auprès de la famille est indispensable. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 75 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm En vue de co-élaborer ou d’actualiser le projet personnalisé d’interventions, les résultats des évaluations sont communiqués et discutés, au cours de la réunion de synthèse ou de manière différée, avec : l’enfant/adolescent, en adaptant l’information et les conditions dans lesquelles elle est délivrée à son âge et à ses capacités ; ses parents ou son représentant légal. Il est recommandé de transmettre systématiquement la synthèse écrite des résultats des examens et tests réalisés aux parents et, sauf opposition de leur part, au médecin traitant, ainsi que les éléments utiles à l’ensemble des professionnels intervenant auprès de l’enfant/adolescent, dans le respect des règles déontologiques. 3.4 Orientation vers d’autres professionnels Faut-il demander un autre avis, à qui et dans quels contextes ? ► Analyse de la littérature En dehors des indications d’avis identifiés par domaines ci-dessus (cf. § 2.1.1), seules des recommandations pour les professionnels isolés ou ayant peu d’expérience avec les enfants ou adolescents avec TED sont formulées : médecins et psychologues qui ne rencontrent pas fréquemment des enfants ou adolescents avec TED dans leur pratique, ou n’ont pas reçu un enseignement dans ce champ, doivent orienter l’enfant/adolescent à un expert ou une équipe multidisciplinaire ou, lorsqu’ils sont géographiquement isolé, prendre avis auprès d’eux (75) ; les praticiens isolés doivent consulter avec ou orienter vers d’autres professionnles si nécessaire (75). Sur le plan réglementaire, une circulaire ministérielle de 2005 confie aux centres de ressources autisme (CRA) une mission « d’aide à la réalisation de bilans et d’évaluations approfondies », en précisant cependant que les CRA ne se « substituent pas aux équipes ayant déjà développé des compétences en matière de diagnostic et d’évaluation, qu’ils ont au contraire vocation à promouvoir et à soutenir […]. Les CRA, de par leur compétence et expertise, constituent un lieu de recours à l’attention de l’ensemble des professionnels concernés par le diagnostic et l’évaluation des TED, notamment pour les équipes de psychiatrie et de pédiatrie. Dans le cadre du CRA, ces équipes réalisent ou peuvent être associées à la réalisation de l’expertise sur les cas complexes » (136). En 2010, une circulaire interministérielle confirme ce rôle de recours des CRA, leur sollicitation en vue de l’évaluation des personnes avec TED devant être « réservée aux cas complexes ou sujets à discussions ». Ainsi, le rôle des équipes hospitalières associées aux CRA est recentré sur une participation aux évaluations « de seconde intention » et sur une mission « d’appui et de formation des équipes hospitalières ou médico-sociales (CAMSP et CMPP) susceptibles d’intervenir en première intention en matière de diagnostic, d’évaluation et de prise en charge de l’autisme » (17). Par ailleurs, il importe de renforcer le rôle des acteurs de proximité, médecins de ville, services de PMI, CAMSP, CMPP notamment, pour le repérage des troubles et l’orientation précoce vers les équipes multidisciplinaires compétentes en matière de diagnostic, mais aussi pour le suivi de proximité (17). ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail L’évaluation régulière du fonctionnement de l’enfant/adolescent et de son développement relève d’une équipe d’intervention. En cas de difficultés particulières ou de besoins d’évaluation approfondie, il est important que cette équipe recourt à des avis complémentaires spécialisés. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 76 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les avis complémentaires spécialisés doivent être proposées par des professionnels formés aux spécificités des TED et expérimentés dans l’utilisation des outils d’évaluation du fonctionnement des personnes avec TED, et avoir une bonne connaissance des ressources en termes d’orientation et de prise en charge. Cette équipe devrait se trouver en service de psychiatrie de l’enfant et l’adolescent, en pédiatrie, en CAMSP ou CMPP. Les enquêtes de pratiques montrent qu’en 2011, l’évaluation à l’aide de tests n’est utilisée que dans 52 % des équipes (27) : le groupe de pilotage considère donc que la culture de l’évaluation du développement de l’enfant/adolescent nécessite d’être développée. Les centres de ressources autisme (CRA), qui sont des équipes ayant des missions d’appui au diagnostic et de formation, peuvent également être sollicitées, uniquement dans les cas complexes. Lorsque l’équipe effectuant l’évaluation n’est pas celle chargée de la prise en charge, il est indispensable que les deux équipes s’articulent avant et après les bilans. Un travail en réseau est donc nécessaire (cf. § 6). ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Les CRA, positionnés comme des structures de « recours » par la circulaire du 27 juillet 2010, peuvent également être ponctuellement sollicités en tant qu’équipes de recours dans les cas complexes ou sujets à discussion. Parmi ces derniers, figurent notamment les situations de désaccord majeur entre intervenants, ou entre famille et intervenants, nécessitant une réflexion autour de la situation de l’enfant. 4 Projet personnalisé d’interventions Ce chapitre a pour objectif de répondre à la question suivante : quels sont les éléments constitutifs d’un projet personnalisé d’interventions auprès des enfants/adolescents avec TED ? Une question clé est le lien à établir entre l’évaluation du développement de l’enfant et de son état de santé et l’élaboration des buts et objectifs des interventions à mettre en œuvre au sein d’un projet coordonné. Ces projets personnalisés sont mis en œuvre par un ensemble de professionnels, libéraux, au sein de réseaux, services ou établissements sanitaires ou médico-sociaux. Chacun de ces professionnels réalisera une partie de ce projet. Dans le cadre des établissements et services médico-sociaux, ce projet est la déclinaison du plan personnalisé de compensation arrêté par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (articles L. 114-1-1 et L. 146-8 et R. 146-29 du Code d’action sociale et des familles). 4.1.1 Terminologie Les termes utilisés pour évoquer les projets mis en œuvre individuellement auprès de chaque enfant/adolescent diffèrent entre le secteur sanitaire, le secteur médico-social, et les intitulés utilisés dans la littérature scientifique. Dans le secteur médico-social, le terme prévu dans la loi du 2 janvier 2002 est celui de « projet d’accueil et d’accompagnement ». L’Anesm (39) a retenu le terme « projet personnalisé », qui était le terme le plus utilisé par les professionnels de terrain. Toutefois, dans le décret du 2 avril 2009, c’est le terme de « projet individualisé d’accompagnement » qui est retenu. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 77 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le « projet personnalisé de scolarisation » est quant à lui élaboré et mis en œuvre par les établissements scolaires. C’est un élément constitutif du « projet individualisé d’accompagnement ». Quant au « plan personnalisé de compensation », il est élaboré par les équipes pluridisciplinaires des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le projet individualisé d’accompagnement devant être élaboré en cohérence avec le plan personnalisé de compensation. Dans le secteur sanitaire, le terme en vigueur est celui de projet de soin individualisé ou de projet thérapeutique. Dans la circulaire de 1992 relative à la politique de santé mentale en faveur des enfants et des adolescents, il est fait référence au projet de soin, comprenant un volet pédagogique, scolaire et social (137). Dans la littérature, le terme le plus utilisé est celui de programmes d’interventions. Pour certains participants à cette recommandation, il semble pertinent d’utiliser plutôt le terme « personnalisé » que le terme « individualisé ». En effet, le terme de projet personnalisé témoigne explicitement de la prise en compte des attentes de la personne. Il qualifie davantage la démarche de co-élaboration entre l’enfant/adolescent, ses parents et les équipes professionnelles. Par ailleurs, ce terme « englobe la question de l’individualisation. Le projet personnalisé peut s’appuyer sur des activités et prestations individuelles et/ou collectives » (39). Par ailleurs, le terme « projet » a été privilégié au terme « plan » pour tenir compte du contexte français et éviter les confusions avec les « plans de santé nationaux » (ex. : « Plan Autisme » ou les « plans personnalisés de compensation » qui interviennent en amont des projets d’interventions pour les enfants/adolescents dont la situation est examinée par les MDPH. L’expression finalement retenue pour la cohérence de ce document est projet personnalisé d’interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées. 4.1.2 Différents volets du projet personnalisé Cette section tend à répondre à la question suivante : quels sont les volets incontournables d’un projet personnalisé (ce que la structure d’accueil met en œuvre et ce dont elle doit tenir compte : interventions assurées par des professionnels extérieurs, etc.) ? ► Aspects réglementaires Dans les établissements médico-sociaux le « projet individualisé d’accompagnement » doit prévoir « l’enseignement et le soutien permettant à chaque enfant de réaliser, dans le cadre du PPS (projet personnalisé de scolarisation), en référence au programme scolaire, les apprentissages nécessaires. Des actions visant à développer la personnalité de l’enfant et à faciliter la communication et la socialisation […]. Il intègre trois composantes : pédagogique, éducative et thérapeutique » (138). Dans les établissements sanitaires, la circulaire de 1992 précise les contours du « projet de soin » dans les hôpitaux de jour : « le projet de soin est inscrit dans la durée, il nécessite une grande vigilance afin de rester des projets dynamiques, tant pour l’enfant que pour sa famille, et référés constamment au milieu de vie habituel de l’enfant, évitant de l’en désinsérer. À cet égard, il convient de rappeler que la prise en compte des besoins de l’enfant au plan pédagogique, scolaire et social fait partie du projet de soin » (art. 1-1-3) (137). La circulaire du 8 mars 2005 (136), centrée spécifiquement sur les personnes TED (enfants et adultes) précise que le « projet individualisé d’accompagnement » comprend : « une éducation adaptée, structurée, s’appuyant autant que possible sur les motivations de la personne, visant à lui permettre de comprendre le monde qui l’entoure, d’acquérir de la compétence dans les gestes de la vie quotidienne et de vivre en société. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 78 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées une scolarisation et une formation adaptées, permettant au jeune d’effectuer les apprentissages et d’accomplir un parcours scolaire tenant compte de ses besoins particuliers un accompagnement dans la vie quotidienne, pour permettre à la personne de trouver la meilleure autonomie possible, de développer ses liens avec son environnement social et participer à la vie en société, et le cas échant, pour soutenir son projet professionnel. des soins assurés par des professionnels de santé. Des soins psychiques, conjuguent notamment, autant que besoin, un accompagnement psychologique, des rééducations (psychomotricité, orthophonie, etc.), et des traitements médicamenteux. Il faut veiller à l’importance de veiller aux soins somatiques (généraux, neurologiques, sensoriels, dentaires, chirurgicaux), chez ces personnes qui souvent ne peuvent exprimer ou expliciter leur souffrance, ou posent des problèmes de comportement compliquant l’exercice des professionnels de santé non avertis. » ► Analyse de la littérature L’Anesm (2) souligne que dans le cadre du « projet personnalisé », cette offre de prestations sera déployée sur l’ensemble des dimensions suivantes : l’épanouissement personnel à travers les activités et la participation, à la vie en société selon les capacités de chacun ; l’éducation, c'est-à-dire l’accompagnement du développement qui évolue selon les périodes de la vie ; l’autonomie dans la vie quotidienne et domestique ; les apprentissages dans le cadre de l’enseignement primaire, secondaire, supérieur et plus largement l’accès aux savoirs. Le repérage des compétences qui peuvent être développées par le biais de la formation professionnelle etc. ; la santé au sens large (hygiène, accès aux soins psychique et physiques) ; la participation sociale (ouverture sur le milieu ordinaire, vie communautaire, sociale et civique, etc.). La revue de littérature francophone souligne l’importance du trépied « soin, éducation, scolarisation » (cf. annexe 12) (38). L’articulation soin/éducation, et la définition de l’éducatif y est précisée. L’éducation, dans le soin institutionnel, est fondée sur un souci de donner un sens social aux interactions de la vie quotidienne. Les moyens psychothérapeutiques, au sens large, sont articulés avec les moyens éducatifs. De même que l’éducateur, avec sa formation, sa compétence, a aussi une fonction de compréhension et d’empathie thérapeutique, le thérapeute ne peut se départir du souci éducatif. Les publications insistent sur l’importance du repérage dans le temps et l’espace, sur les emplois du temps individualisés et visualisés, permettant l’accrochage sensoriel, permettant une attention à l’établissement de liens entre les divers lieux et les diverses activités, mais aussi sur un travail de groupe qui permet d’articuler la conscience de soi avec la conscience du « nous ». Des recherches ont montré l’importance de la valorisation des rôles sociaux ainsi que de l’apprentissage de stratégies adaptées favorisant la socialisation et la communication. Dans la pratique, l’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) a recensé les différents éléments des projets personnalisés élaborés par les établissements. Ces derniers comprennent : les objectifs à atteindre (dans 86 % des cas) ; les moyens : types d’activités, techniques, etc. (dans 97 % des cas) ; les personnes chargées de la mise en œuvre (dans 93 % des cas) ; le calendrier (dans 73 % des cas). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 79 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées L’enquête réalisée dans la mesure 28 du Plan Autisme (27) a recensé les demandes des personnes TED (cette étude est basée sur des entretiens en groupe auprès d’adultes avec autisme) concernant leur accompagnement : soutien psychologique ; aides concrètes dans la vie quotidienne ; aide pour la vie scolaire ; aide pour la vie sociale et affective. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail La définition et l’articulation des volets thérapeutiques/éducatifs/pédagogiques est complexe. En effet, si les membres du groupe s’accordent sur l’existence d’une différence entre le soin et l’éducation, dans la pratique centrée sur l’enfant/adolescent, ces aspects sont très intriqués ; la frontière entre volet thérapeutique et volet éducatif ou entre volet éducatif et volet pédagogique est parfois artificielle ou floue. Par exemple, le travail sur les habiletés sociales relève-t-elle de l’éducation ou du soin ? D’autre part, une même activité (par exemple une activité aquatique) peut avoir des objectifs éducatifs et/ou thérapeutiques. Dans le cadre de l’enquête de pratique réalisée dans la mesure 28, on perçoit que certaines activités sont également classées dans le soin ou l’éducation, en fonction du lieu de la prise en charge (sanitaire ou médico-social) ou du professionnel qui le met en œuvre. Le groupe précise qu’il existe une complémentarité entre les volets éducatif et thérapeutique. Le curseur peut se déplacer d’une part en fonction du profil clinique de l’enfant/adolescent et selon les objectifs fonctionnels visés : soit l’on met davantage l’accent du côté du développement de l’identité, du subjectif, ou de la relation à l’autre, ou du côté de la stimulation de fonctions en développement (ex. : fonction de communication, fonctions sensorielles, etc.) ou du côté de la généralisation en situation quotidienne de compétences acquises au cours de séances thérapeutiques. D’où l’intérêt d’approches transdisciplinaires, mises en œuvre par des professionnels formés. Il est important de veiller à l’équilibre entre les différents volets (soins, éducation et scolarisation) et entre les différents domaines fonctionnels, notamment pour les enfants et adolescents scolarisés où le travail sur l’autonomie personnelle peut parfois être négligé. La reconnaissance de ces différents volets et la nécessité d’équipe pluridisciplinaire, n’implique pas de multiplier les intervenants autour de l’enfant. Les membres des groupes ont précisé les définitions des différents volets, qui sont très intriqués : dimension pédagogique : cette dimension comprend l’ensemble des apprentissages scolaires et préprofessionnels quelle que soient les modalités de scolarisation retenues ; son objectif est de développer des compétences sociales et d’acquérir des apprentissages et savoirs fondamentaux ; dimension éducative : le but est de permettre à l’enfant de construire sa relation à l’autre en lui permettant d’apprendre, de recevoir, d’exprimer et de généraliser ces acquisitions dans différentes situations de la vie ordinaire ; dimension thérapeutique : soins psychiques : les soins psychiques comprennent les soins neuropsychologiques et psychothérapeutiques. Les soins psychiques visent à la construction de la subjectivité. Le but est de permettre à l’enfant de décoder ses émotions pour arriver à penser et à construire des formes stables de représentations de soi et du monde. Ces soins prennent en compte la souffrance psychique, soins rééducatifs : ces soins visent l’amélioration d’une fonction précise dans un domaine particulier (ex. : domaine du langage, domaine cognitif, domaine du comportement, etc.), soins somatiques : ces soins visent à prévenir, traiter ou réduire les symptômes somatiques éventuellement associés. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 80 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Conclusion Les textes réglementaires, dans le champ médico-social, prévoient une division du projet personnalisé en 3 volets : éducatif, thérapeutique, pédagogique. Les personnes avec TED souhaitent que les projets prennent en compte leurs demandes de soutien psychologique, et leur apportent des réponses en termes d’aides dans les domaines de la vie quotidienne, la vie scolaire et de la vie sociale et affective. Les professionnels soulignent l’extrême difficulté à séparer leurs activités proposées en fonction de ces 3 volets, qui sont en réalité très intriqués. Les professionnels considèrent que le projet de l’enfant/adolescent doit être centré sur ses besoins et ses ressources, mis en évidence par une démarche d’évaluation dans différents domaines fonctionnels, de participation sociale et environnementaux. Un projet comporte les éléments suivants : les objectifs à atteindre, les moyens, les types d’activités et techniques, les personnes chargées de sa mise en œuvre, et le calendrier. 4.1.3 Modalités d’élaboration du projet personnalisé d’accompagnement Cette section décline les différentes phases d’élaboration du projet personnalisé : évaluation, phases d’élaboration, suivi, réévaluation. L’Anesm (39) décline les différentes phases d’élaboration du projet : premiers contacts et premier recueil des attentes de la personne, de l’enfant et de ses parents/représentants légaux ; analyse de la situation avec objectivation des éléments d’analyse ; coconstruction du projet personnalisé avec les différentes parties prenantes ; décision : fixation d’objectifs et d’une programmation d’activités et de prestations ; mise en œuvre, bilans intermédiaires ; évaluation et réactualisation. Le projet personnalisé est élaboré en équipe pluridisciplinaire, sous la responsabilité du directeur du service ou de l’établissement dans le secteur médico-social. Dans les établissements sanitaires, la circulaire de 1992 (137) précise que « la qualité, la cohérence de l’équipe sont des conditions nécessaires pour développer des projets de soins inscrits dans la durée » (article 1.1.3). L’étude réalisée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27) décrit les modalités de son élaboration : travail de synthèse pluridisciplinaire (98 % des cas) ; concertation avec la famille ou le représentant légal (94 %) ; concertation avec les partenaires (78 % des cas) ; observation en situation quotidienne (76 % des cas) ; évaluation à l’aide de tests (52 % des cas) ; concertation avec la personne elle-même (52 % des cas) ; expliqué à la personne en tenant compte de son niveau de compréhension et de sa maturité (dans 64 % des cas). D’autre part, l’étude (volet qualitatif) décrit les points positifs relevés par les parents quand aux modalités d’élaboration du projet : adaptation aux besoins de leur enfant ; élaboration du projet en collaboration avec eux ; souplesse dans les modalités d’accueil. Les points négatifs, relevés par les parents, sont les suivants (volet qualitatif) : manque d’information et de participation ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 81 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées caractère peu évolutif du projet et peu adapté à l’autisme (absence d’orthophonie et activités informelles) ; absence de compte-rendu écrit ; projet pas suffisamment concret ; difficultés de mise en œuvre au quotidien. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le groupe de pilotage insiste sur la connexion forte à établir entre les évaluations évoquées au chapitre 3 et la définition des interventions à mettre en œuvre, qui constitue la finalité première de l’évaluation. Les membres du groupe de pilotage insistent sur la nécessité d’articuler, le plus précocément possible, évaluations et interventions d’une part, intervention conjointe et complémentaire de professionnels de secteurs différents d’autre part. Ils regrettent que l’organisation des dispositifs en France et leur accès différencié (cf. décision de la CDAPH pour les établissements et services médioc-sociaux hors CAMSP et CMPP ou accès direct pour les services sanitaires et les CAMSP et CMPP ainsi que pour les services strictement privés) ne permettent pas toujours cette articulation précoce et ne facilitent pas cette collaboration. Le panel élargi de professionnels consulté par le groupe de pilotage évoque en particulier le décalage entre des projets initiés « sans le filtre MDPH » par les structures sanitaires ou des structures médico-sociales telles que les CAMSP, qui sont plus facilement en mesure d’arrimer évaluation et interventions et des projets qui, après une évaluation, impliquent un accompagnement par un établissement médico-social ou un Sessad. Outre les délais liés à l’instruction des demandes par la MDPH et aux listes d’attente avant de pouvoir être accueillis par ces structures, il peut y avoir également un conflit secondaire entre les projets initiaux et la décision finale de la CDAPH. Cette question a également été mise en évidence par un rapport récent de l’inspection générale des affaires sociales, qui souligne que la reconnaissance de personne handicapée peut être contraignante pour une prise en charge rapide au très jeune âge et qui relaye les interrogations d’un certain nombre de personnes rencontrées par la mission IGAS quant à l’opportunité de lier obligatoirement, dans la petite enfance un suivi par un Sessad à une orientation de la MDPH, compte tenu de l’importance qu’il y a à pouvoir réaliser une prise en charge de l’enfant la plus précoce possible (139). Évaluation et interventions doivent continuer à être directement connectées et à interagir tout au long de la mise en œuvre du projet personnalisé d’interventions, afin d’ajuster les interventions au mieux des besoins et ressources de l’enfant/adolescent et de la façon la plus opérationnelle. Il doit y avoir un suivi régulier du projet et une vérification régulière des objectifs atteints lors des réunions hebdomadaires d’équipe. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Il est essentiel de lier l’évaluation du développement et de l’état de santé de l’enfant/adolescent à la définition des interventions à mettre en œuvre, qui constitue la finalité première de l’évaluation (y compris du diagnostic). La traduction des résultats de l’évaluation en buts et objectifs d’interventions est, en effet, une étape essentielle de la définition du projet personnalisé d’interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées de l’enfant/adolescent. Un travail de priorisation est effectué en lien avec cette évaluation et les demandes parentales. Il est recommandé de veiller à ce qu’évaluation et interventions continuent à être directement connectées et à interagir de façon réciproque tout au long de la mise en œuvre du projet personnalisé de l’enfant/adolescent, qui s’inscrit dans la durée. Le projet de l’enfant/adolescent comporte des volets incontournables et liés, qui sont les volets éducatif, pédagogique et thérapeutique. Ces différents volets sont à ajuster en HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 82 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées fonction de chaque enfant/adolescent, de ses ressources, de ses besoins et de son évolution. Les différents domaines pour lesquels l’évaluation du développement et du comportement de l’enfant/adolescent a mis en évidence des besoins particuliers doivent être pris en compte dans cette perspective. Afin de tenir compte de ces différents domaines, le projet personnalisé d’interventions est élaboré et mis en œuvre par l’ensemble des professionnels amenés à intervenir de façon coordonnée auprès de l’enfant/adolescent, quel que soit leur secteur d’activité, à partir des observations du développement et de l’état de santé de l’enfant/adolescent réalisées au cours des évaluations. Celles-ci, menées en étroite collaboration avec l’enfant/adolescent et ses parents et envisagées dans une perspective dynamique, permettent de définir des objectifs fonctionnels réalistes à atteindre et, si nécessaire, révisables. Ainsi, le projet personnalisé doit préciser : les objectifs fonctionnels à atteindre dans chacun des domaines ciblés à l’issue de l’évaluation ; les moyens proposés (types d’activités, techniques, etc.) pour les atteindre ; les professionnels compétents pour le mettre en œuvre (secteur éducatif, pédagogique et thérapeutique) ; les échéances de réévaluation de ces objectifs. Chaque professionnel, qui contribue à la mise en œuvre du projet personnalisé, définit pour les interventions qu’il met en œuvre des critères concrets lui permettant d’évaluer l’atteinte des objectifs fixés et leur opérationnalité et, si nécessaire, de réajuster les objectifs des interventions s’ils s’avèrent trop ou pas assez ambitieux pour l’enfant/adolescent. Bien que des domaines d’interventions spécifiques soient déclinés, ces derniers sont intrinsèquement liés, en interaction et complémentaires. De ce fait, les interventions doivent être mises en œuvre de façon cohérente. L’évaluation conduit généralement à l’identification de besoins pour lesquels la participation de professionnels de disciplines différentes, voire d’organismes ou de modes d’exercice différents, est requise. La contribution attendue de chacun des acteurs de même que les modalités de coordination doivent être mentionnées dans le projet personnalisé d’interventions coordonnées. La réponse aux besoins de l’enfant/adolescent requiert une concertation des partenaires pour développer une vision commune et arrimer les services et les interventions proposées de la façon la plus cohérente et la plus précoce possible. Il est recommandé d’être particulièrement attentif à cette nécessaire précocité et à cette cohérence lorsque l’intervention des professionnels amenés à mettre en œuvre de façon coordonnée les interventions auprès de l’enfant/adolescent implique une décision d’orientation de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et la définition d’un plan personnalisé de compensation (PPC). Les modalités d’élaboration du projet ont été précisées dans la recommandation de l’Anesm relative à l’accompagnement des personnes avec autisme ou autres TED (2). Sa recommandation sur « Les attentes de la personne et le projet personnalisé » (39) précise également de nombreux aspects relatifs à l’élaboration de ce projet. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 83 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5 Efficacité et sécurité des interventions proposées 5.1 Considérations méthodologiques 5.1.1 Objectif du chapitre Le chapitre 5 a pour objectif de répondre aux questions suivantes : Quelles interventions proposer à l’enfant ou l’adolescent en fonction des besoins repérés dans chacun des domaines identifiés ? Comment définir, par classe d’âge, les objectifs des interventions mises en œuvre ? Pour chacun des objectifs, quelles sont les interventions que l’on peut recommander au regard de l’évaluation de leur efficacité et de leur sécurité ou de l’expérience des professionnels et représentants de personnes avec TED ? Après une première section où sont présentés les objectifs visés par les interventions (§ 5.2), seront distinguées les interventions éducatives et thérapeutiques non médicamenteuses (cf. § 5.3 à 5.4) dont l’inclusion scolaire (cf. § 5.3.2) puis les traitements médicamenteux (cf. § 5.6). Chaque section présente un bref rappel des différentes interventions telles que décrites dans les travaux antérieurs de la HAS (1) et la revue de littérature francophone complémentaire (38), ainsi que les données issues d’enquêtes descriptives des pratiques françaises (27). Elle développe ensuite les données d’évaluation concernant l’efficacité et la sécurité des interventions à partir des essais contrôlés identifiés. Dans un souci de clarté rédactionnelle, même si en pratique, la frontière n’est pas aussi nette entre les différentes interventions (140,141), les interventions éducatives et thérapeutiques non médicamenteuses peuvent être schématiquement séparées en deux grandes catégories (1,140,141) : des interventions structurées et coordonnées relevant d’une approche globale (cf. § 5.3). Ces interventions, appelées « programmes » ou « prises en charge » sont dites « globales »34, car elles « visent à répondre aux besoins multidimensionnels de la personne et proposent des objectifs dans plusieurs domaines du fonctionnement et dans plusieurs domaines d’activités et de participation sociale de la personne avec TED » (1). Afin de répondre aux besoins multidimensionnels singuliers de chaque enfant/adolescent, elles sont mises en œuvre dans le cadre de projets personnalisés (1) ; des interventions dites « focalisées » (1) ou « spécifiques » (cf. § 5.4). Ces interventions sont centrées sur un groupe particulier de difficultés, « sur un symptôme, une activité ou un secteur très ciblé et non sur l’ensemble du fonctionnement de la personne. Ces interventions focalisées visent un objectif précis d’amélioration d’un seul domaine du fonctionnement de la personne avec TED ou de ses activités et participation » (1), par exemple l’imitation, l’attention conjointe, les interactions sociales, les comportements problèmes ou les stéréotypies, l’agressivité, l’anxiété, la dépression, etc. (cf. § 5.4.1 à 5.4.4). Parmi ces interventions spécifiques, certaines sont mises en œuvre auprès des enfants/adolescents présentant un syndrome spécifique : syndrome d’Asperger (cf. § 5.4.5) et syndrome de Rett (cf. § 5.4.6). Ces interventions spécifiques peuvent être intégrées dans le cadre de programmes globaux, pour en renforcer l’effet dans un domaine fonctionnel spécifique. Enfin, une section décrit les études ayant pour objectif d’identifier les facteurs prédictifs d’efficacité des interventions (cf. § 5.5). 34 Le terme « global » correspond au terme anglais « comprehensive ». HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 84 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5.1.2 Considérations méthodologiques ► Une variété d’interventions : aspect descriptif Il existe une variété d’interventions proposées pour améliorer les symptômes associés à l’autisme et aux troubles envahissants du développement. Ces interventions ont été identifiées et décrites à partir des recommandations et revues systématiques dans un précédent travail de la HAS (1). Afin de compléter ce premier travail descriptif, le groupe de pilotage a souhaité dans un premier temps que soient précisées les modalités des interventions évaluées, et qu’une revue de littérature francophone permette de préciser les modalités des pratiques françaises (38). Ces éléments sont précisés en annexe (cf. annexes 4 à 7). La revue de littérature francophone est essentiellement centrée sur les pratiques de soins des secteurs publics pédopsychiatriques français. Peu d’articles, relatifs aux pratiques spécifiques des secteurs médico-social et libéral, ont été identifiés. Le groupe de pilotage s’est également appuyé sur les enquêtes de pratiques publiées (20,21,27,142). ► Des pratiques évaluées au regard de leur efficacité, d’autres non. Seuls les programmes à référence comportementale avec ou sans approche développementale, qu’ils soient globaux ou spécifiques, et les traitements médicamenteux ont fait l’objet de nombreuses études d’évaluation de leur efficacité auprès d’enfants ou d’adolescents avec TED, à partir d’études contrôlées randomisées. Quelques séries de cas avec suivi longitudinal relatives à l’inclusion scolaire, aux prises en charges institutionnelles et aux prises en charge intégratives ont été identifiées. Aucune étude n’a été menée pour étudier spécifiquement la sécurité des interventions, même si certaines études peuvent signaler certains effets indésirables, en particulier pour le médicament. Ainsi, de nombreuses pratiques mises en œuvre en France n’ont pas fait l’objet d’une évaluation de leur efficacité, ce qui ne permet pas de préjuger de leur efficacité ou de leur non efficacité (1). Dans ce cas, la méthode du consensus formalisé permet de sélectionner les pratiques qui, en l’attente d’études de recherche clinique complémentaires, sont consensuellement jugées appropriées ou non. La revue de littérature francophone (38) constate, à travers l’analyse des travaux français rendant compte des modes de prises en charge actuelles des enfants présentant des TED, qu’il existe une intense réflexion des professionnels sur la compréhension des troubles et de nombreuses propositions pour y remédier précocement, intensément, dans la cohérence et la continuité. Mais les évaluations de ces actions sont rarement exprimées selon des critères habituellement recommandés par l’Evidence-based medicine (EBM). Cependant, des travaux rendent compte de l’évolution sur le long terme d’enfants régulièrement suivis (cas uniques). D’autres s’attachent à évaluer l’évolution de groupes d’enfants longuement suivis et évalués souvent a posteriori par des critères cliniques simples (Langage Ŕ Communication Ŕ Sociabilité Ŕ Autonomie Ŕ Scolarité). Depuis quelques années, certains utilisent des échelles validées telles que la CARS, le PEP, la Vineland, qui quantifient des progrès globaux. Quelques-uns, bénéficiant de la collaboration d’une équipe de chercheurs, publient des évaluations des progrès d’enfants suivis dans le cadre d’un programme précis de stimulation d’une fonction jugée déficitaire ou émergente. Ces travaux sont présentés en annexe 13 ; il n’est pas forcément facile de distinguer s’il s’agit de prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ou de prises en charge intégratives, car les autres éléments de la prise en charge ne sont pas toujours suffisamment détaillés. Parmi les travaux présentés en annexe 13, ceux permettant de juger de l’efficacité d’une intervention ou de préciser les facteurs prédictifs d’une évolution favorable du développement de l’enfant ont été décrits ci-dessous. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 85 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Ainsi, un effort certain est fait ces dernières années pour montrer l’efficacité de pratiques complexes dont l’investissement qu’elles demandent laisse peu de temps et d’énergie aux équipes de soins pour évaluer leurs résultats. La création et le développement des CRA, dont c’est une des missions, devraient amener des changements et des opportunités pour ces évaluations. ► Sélection des recommandations de bonne pratique Parmi les 14 recommandations de bonne pratique identifiées abordant les interventions proposées aux enfants ou adolescents avec TED (annexe 10, tableau 10-1), quatre recommandations ont été retenues dans l’état des connaissances préalablement publié par la HAS (1) du fait de leur rigueur méthodologique d’élaboration (revue systématique de la littérature, gradation des recommandations, groupe de travail pluridisciplinaire et le plus souvent groupe de lecture externe) (60,72,76,143). Ces recommandations sont présentées sous forme synthétique en annexe 10 (tableaux 10-2 à 10-5). Depuis la fin de la période de recherche documentaire effectuée dans le cadre de cet état des connaissances publié par la HAS, quatre autres recommandations de bonne pratique ont été identifiées (77,79,80,144). Deux de ces recommandations concernent les soins somatiques (troubles gastro-intestinaux (79) et scoliose dans le cadre du syndrome de Rett (77)). Elles ne sont pas spécifiquement détaillées dans cet argumentaire, puisque leur spécificité dépasse le cadre de ce travail. Les deux autres recommandations identifiées présentent des faiblesses méthodologiques dans leur processus d’élaboration, et n’ont donc pas été détaillées : les recommandations élaborées à Singapour, bien que gradées selon le niveau de preuve des études sur lesquelles elles se fondent, ne précisent pas si elles sont fondées sur une analyse systématique de la littérature ; les recommandations américaines du National Autism Center ont été élaborées à partir d’une analyse rigoureuse de la littérature ; cependant, le groupe de travail qui a élaboré les recommandations est constitué quasi exclusivement de professionnels formés à l’ABA. Ceci peut constituer un biais d’interprétation du fait de conflits d’intérêts convergents. ► Remarques sur les critères méthodologiques pour une étude d’évaluation d’une intervention non médicamenteuse Ne seront décrites, dans ce chapitre, que les études de validation des interventions. Ceci implique que les méthodes d’intervention non évaluées n’y sont pas présentées. Cependant, ceci n’implique pas qu’il faille exclure a priori les interventions non évaluées : celles-ci peuvent être efficaces ou ne pas l’être. En effet, « le fait qu'une intervention ne soit pas encore évaluée ne permet pas un jugement de son efficacité » (1,141). Le niveau de preuve des résultats présentés dépend de la rigueur méthodologique de l’étude. L’analyse critique de cette rigueur est calquée sur les essais biologiques ou médicamenteux. Cependant, l’évaluation d’interventions non médicamenteuses ne peut satisfaire toutes les contraintes : les enfants/adolescents ne peuvent pas être aveugles au traitement reçu, et les thérapeutes ne peuvent être aveugles au traitement donné. En revanche, les personnes qui font les diagnostics et les tests avant-après doivent être indépendants de l’étude et/ou aveugles au statut de l’enfant vis-à-vis du groupe de traitement auquel il est affecté ; l’attribution au hasard (randomisation) des enfants/adolescents aux interventions étudiées pose un problème déontologique à de nombreux chercheurs, cliniciens et parents. Ces interventions durent un an ou deux, ce qui est considérable par rapport au développement des enfants et à la durée possible de la plasticité cérébrale. C’est la raison pour laquelle il y a si peu d’essais randomisés bien que, très souvent, les interventions HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 86 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées « contrôles » (ou « de comparaison ») ont autant de raisons a priori d’être efficaces que les interventions qui sont évaluées ; un autre critère de rigueur méthodologique est l’utilisation de tests identiques avantaprès intervention pour évaluer les gains. Dans certains domaines, ceci ne pose pas problème. Dans le domaine du développement, les choses sont plus complexes. Il a ainsi parfois été reproché aux études d’utiliser le test de Bayley avant intervention et un test de QI du type WISC après intervention. Pour examiner le mieux possible avec un test standardisé un jeune enfant avec TED qui ne parle pas, il est raisonnable d’utiliser le Bayley. Après intervention, il devient nécessaire d’évaluer le même enfant par rapport aux enfants typiques de son âge et donc d’utiliser un autre test. Ce changement de test peut peser effectivement sur la mesure de points de QI gagnés. Le nombre de points de QI gagnés entre une mesure faite avec le Bayley, et une mesure faite avec un WISC n’a pas la même signification que celui gagné entre deux mesures faites avec un WISC. Cette différence n’a toutefois pas d’importance dans la mesure où le groupe expérimental et le groupe contrôle sont soumis aux mêmes mesures. L’alternative, parfois utilisée, qui consiste à attribuer avant intervention le score arbitraire le plus bas pour le test, qui ne pourra réellement être utilisé qu’après intervention, prive néanmoins les chercheurs d’une information précieuse donnée par le test de Bayley (ou autre). La critique méthodologique concernant le changement de test peut être levée tant que l’on dispose d’un groupe contrôle qui subit les mêmes tests. Les autres critères de rigueur méthodologique ne soulèvent pas de difficultés particulières. Les principaux tests utilisés dans les études dont il sera question, pour mesurer ou évaluer les modifications des signes pathologiques, des compétences et des comportements consécutives à une intervention chez les enfants sont listés en annexe 14. Dans certaines études d’intervention ciblant un domaine spécifique, à côté des tests ou à leur place, des techniques d’observation des comportements avant/après intervention sont utilisées pour évaluer l’efficacité de cette dernière. Les études utilisant ces techniques et les résultats fondés sur ces techniques ne sont mentionnés que si ces techniques sont décrites avec précision dans l’étude, et sont par ailleurs utilisées dans les études de recherche scientifique publiées dans des revues internationales avec comité de lecture par des pairs. ► Organisation des sections ci-dessous Par type d’intervention, globale ou spécifique, chaque section présentera successivement : les recommandations de bonne pratique élaborées en France ou à l’étranger selon un processus rigoureux ; les revues de littérature systématiques d’études d’évaluation, revues qui sélectionnent a priori les études cliniques en fonction d’une échelle de solidité méthodologique et procèdent parfois à des méta-analyses sur les données de plusieurs études quand leurs données sont susceptibles d’être regroupées. L’avantage d’une méta-analyse est d’augmenter le nombre de données recueillies pour répondre à une question en permettant certains calculs statistiques qui, sinon, ne seraient pas possibles ; les études cliniques comparant l’efficacité ou la sécurité de deux interventions organisées selon des principes différents ; les études cliniques évaluant l’efficacité ou la sécurité des interventions correspondant à la section. Concernant les interventions dites « globales » (comprehensive en anglais) qui visent à développer des compétences et des comportements dans tous les domaines de la vie de l’enfant/adolescent, les études retenues et résumées sont celles publiées à partir de 2000. Elles ont été retenues parce que sélectionnées par une ou plusieurs revues de littérature examinant la solidité méthodologique des évaluations (quelques études antérieures à 2000 sont également résumées dans la mesure où elles sont citées par une revue de littérature et qu’elles concernent une question ou une technique peu abordée). Ces études évaluent la variation des effets d’une intervention globale en fonction de l’intensité de son application (mesurée en heures/semaine), ou comparent une intervention globale à une collection éclectique d’interventions HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 87 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées juxtaposées, ou encore comparent une intervention globale menée dans un centre à la même intervention effectuée à domicile et/ou avec l’aide des parents formés (« cothérapeutes »). Les interventions intitulées dans les études anglophones special education, et qui pourraient correspondre en France aux interventions effectuées en centres médico-sociaux, sont souvent prises comme intervention contrôle et se rapprochent en général des interventions éclectiques ; les conclusions relatives à l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité ; les avis complémentaires des membres des groupes de travail. 5.2 Objectifs visés par les différentes interventions Comment définir les objectifs des interventions mises en œuvre ? ► Analyse de la littérature Les chapitres ci-dessous décrivent les objectifs visés par chacune des interventions évaluées. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les objectifs visés par les différentes interventions doivent couvrir l’ensemble des besoins observés lors des évaluations précédemment décrites, dans les différents domaines de la vie quotidienne, émotionnelle, affective, sociale. Ces objectifs impliquent que chaque intervention définisse des buts à court et à long terme. Les buts, à court terme, sont le développement des compétences de communication, du langage, des relations sociales, de cognition, de contrôle émotionnel, de contrôle des comportements problème (stéréotypies, agressivité, automutilation, etc.) et la diminution de la sévérité des symptômes de l’autisme. À moyen terme, les buts des interventions sont la scolarisation puis la formation professionnelle. À long terme, les buts des interventions consistent à assurer, dans la mesure du possible, des conditions de vie autonome. Les membres des groupes de travail insistent, comme déjà décrit ci-dessus, sur l’hétérogénéité des profils cliniques des enfants/adolescents avec TED, nécessitant de lier évaluations et interventions, et d’adapter ces dernières aux singularités de l’enfant/adolescent et de sa famille. Du fait de cette grande hétérogénéité des profils cliniques, il n’a pas été possible de définir des objectifs par tranche d’âge comme initialement souhaité dans le cadre de la note de cadrage. Néanmoins, les participants insistent pour que les interventions tiennent compte de l’âge développemental, mais aussi de l’âge chronologique de l’enfant/adolescent, afin d’éviter, par exemple, de proposer à un adolescent des activités qui ordinairement sont exclusivement proposées dans le cadre de la petite enfance. Les interventions visent une amélioration du fonctionnement de l’enfant/adolescent, mais également une adaptation de son environnement, afin de réduire sa situation de handicap. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Il est essentiel que les interventions proposées respectent la singularité l’enfant/adolescent et de sa famille, et tiennent compte des priorités de ceux-ci. de Ces interventions recouvrent les actions directes auprès de l’enfant/adolescent mais aussi les actions indirectes avec et sur son environnement (cf. chapitre 1). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 88 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les interventions évaluées mettent en évidence une amélioration du quotient intellectuel, des habiletés de communication, du langage, des comportements adaptatifs ou une diminution des comportements problèmes pour environ 50 % des enfants avec TED, avec ou sans retard mental. Aucune approche éducative ou thérapeutique ne peut donc prétendre restaurer un fonctionnement normal, ni même améliorer le fonctionnement et la participation de la totalité des enfants/adolescents avec TED (grade B). Il est recommandé aux parents d’être particulièrement prudents vis-à-vis d’interventions présentées, par des professionnels ou des associations, soit comme une intervention permettant de supprimer complètement les manifestations des TED, voire de guérir totalement leur enfant, soit comme une méthode exigeant l’exclusivité de l’accompagnement, car l’abandon d’interventions peut présenter un danger ou induire une perte de chances pour la personne (ex. : abandon de traitements utiles à des pathologies associées)35. Le but des interventions est de : proposer à l’enfant et à sa famille un cadre relationnel sécurisant ; favoriser le développement de l’enfant/adolescent dans différents domaines fonctionnels (communication et langage, interactions sociales, sensoriel, moteur, cognitif, émotionnel et affectif) ainsi que sa participation sociale et scolaire, son autonomie, son indépendance, ses apprentissages et ses compétences adaptatives ; réduire les obstacles environnementaux augmentant sa situation de handicap ; concourir à son bien-être et à son épanouissement personnel. L’hétérogénéité des profils cliniques et de l’évolution des enfants/adolescents avec TED au cours de leur développement nécessite que les réponses éducatives, pédagogiques et thérapeutiques soient diversifiées, qu’elles soient proposées en milieu ordinaire ou en établissement, et que les interventions pluridisciplinaires mises en œuvre soient complémentaires, coordonnées et adaptées aux besoins singuliers de chaque enfant/adolescent. C’est pourquoi, il est recommandé : de définir et de prioriser les interventions proposées en fonction des résultats des évaluations dans les différents domaines du fonctionnement et de la participation sociale de l’enfant/adolescent ; de suivre et d’évaluer les interventions proposées sur la base d’une évaluation continue du développement de l’enfant/adolescent associant ce dernier et ses parents ; d’adapter les interventions en fonction de l’âge et du développement de l’enfant/adolescent. Quel que soit l’âge de l’enfant/adolescent, l’intensité et le contenu des interventions doivent être fixés en fonction de considérations éthiques visant à limiter les risques de sousstimulation ou au contraire de sur-stimulation de l’enfant/adolescent. Quand il n’y a pas de progrès évidents au bout de quelques mois, le choix des méthodes utilisées et les modalités de leur application, les objectifs des interventions, la durée ou le rythme de celles-ci doivent être rediscutés et adaptés, après échanges entre la famille et les professionnels, éventuellement après avis auprès d’une équipe spécialisée ou du CRA. 35 « Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles du développement », Anesm, janvier 2010 (chapitre 2, paragraphe 2.4 « Attirer la vigilance des personnes et des familles sur les risques de dérives liées à certaines pratiques »). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 89 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5.3 Programmes globaux d’interventions mis en œuvre dans le cadre de projets personnalisés auprès d’enfants et adolescents avec TED 5.3.1 Description des différents modes d’intervention lors de programmes globaux Lors d’un travail préalable de la HAS, plusieurs modes d’intervention globale et coordonnée auprès des personnes avec TED avaient été identifiés et décrits (1) : inclusion en scolarité partielle ou totale ; programmes d’intervention à référence comportementale ; programmes d’intervention à référence développementale ; prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ; prises en charge intégratives. Les profils de chaque enfant/adolescent avec TED étant extrêmement hétérogènes (1), ces programmes globaux sont déclinés sous forme de projets personnalisés afin de répondre aux besoins singuliers et multidimensionnels de chaque enfant/adolescent. ► Inclusion en scolarité partielle ou totale L’inclusion en scolarité partielle ou totale est une modalité particulière de scolarisation durant l’âge scolaire (1). Depuis la loi de 2005 (145), tout enfant en situation de handicap a droit à une inscription dans une école ordinaire ; cependant, le plan personnalisé de scolarisation (PPS) peut envisager le mode de scolarisation selon différents dispositifs, en établissement scolaire, médico-social ou sanitaire (cf. annexe 8). En inclusion scolaire, différents programmes d’interventions peuvent être utilisés (1). La revue de littérature francophone (38) (cf. annexe 6) constate que depuis la loi de 2005, la scolarisation des enfants TED étant devenue une obligation pour l’Éducation nationale, celleci leur ouvre plus largement ses portes. Les représentants de l’Éducation nationale cherchent généralement à collaborer avec les acteurs de la psychiatrie infanto-juvénile et du secteur médico-social. La question se pose de savoir si cette ouverture et ces collaborations sont équivalentes d’une région à l’autre en fonction des partenaires, de leur engagement, de leur disponibilité et selon les moyens attribués (problème du nombre et de la formation des AVS-i notamment). De ce point de vue, l’enquête réalisée dans le cadre de la mesure 28 met en évidence les points suivants à partir de 223 questionnaires renseignés par des enseignants de 3 régions ayant accueilli dans leur classe un ou plusieurs enfants avec TED (taux de réponse : 35,9 %) (27) : 88 % des enseignants exercent en établissement public ; 75 % enseignent en classe ordinaire (60 % en maternelle, 14 % en primaire et 3 % en collège) ; 2 % des enseignants en classe ordinaire ont une certification d’enseignement spécialisé (CAPA-SH, CAEI, CAPSAIS) ; 23 % ont reçu une formation ou information sur les TED ; la classe comprend en moyenne 26 enfants dont un enfant avec TED ; 25 % enseignent en classe adaptée (10 % en CLIS, 9 % au sein d’une unité d’enseignement en établissement sanitaire ou médico-social, 4 % en ULIS collège, 1 % en ULIS lycée, 1 % autres) ; 80 % des enseignants en classe adaptée ont une certification d’enseignement spécialisé ; 70 % ont reçu une formation ou information sur les TED ; la classe comprend en moyenne 13 enfants, dont 1 à 6 enfants avec TED dans 85 % des cas (maximum 29 enfants avec TED) ; en classe ordinaire, une auxiliaire de vie scolaire individuelle (AVS-i) a été affectée auprès de l’élève avec TED dans 78 % des cas (dans 3 % des cas sur une partie de l’année seulement) pour suivre les tâches scolaires, faciliter les relations avec les autres élèves, organiser le travail ou apporter une aide sur le plan matériel ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 90 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées les principaux objectifs visés pour l’enfant/adolescent par l’enseignant sont : l’acquisition des règles de la vie en collectivité et de l’autonomie personnelle de base, la gestion de ses émotions, le développement des relations interpersonnelles, l’expression par le langage et l’acquisition des apprentissages fondamentaux. Les objectifs les plus fréquemment cités (plus de 60 % des répondants) ne concernent pas les apprentissages « académiques » mais plutôt la socialisation, l’autonomie et la gestion des émotions. Les objectifs varient néanmoins en fonction du type d’enseignement (ordinaire versus adapté) et du niveau de scolarité. Ainsi, l’acquisition des apprentissages fondamentaux est citée par 84 % des enseignants en classe ou dispositif adapté et par 44 % par les enseignants de classe ordinaire (24 % des enseignants en petite section de maternelle, 53 % en grande section de maternelle, 77 % en primaire et 86 % au collège) ; les stratégies pédagogiques particulières sont utilisées par 92 % des enseignants en classe ordinaire et 98 % des enseignants en classe adaptée, par exemple 76 % adaptent les consignes. Certaines adaptations sont plus fréquentes en classe adaptée qu’en classe ordinaire, comme le recours aux emplois du temps individualisés (84 % vs 41 %), le fractionnement ou séquençage des activités (77 %vs 41 %) et le recours aux supports visuels à la communication (55 % vs 31 %) ; les principales compétences des élèves sur lesquelles les enseignants se sont appuyés sont la mémoire visuelle (68 %), les capacités d'apprentissage par imitation (57 %), la mémoire auditive (29 %), les capacités procédurales (16 %) et la maîtrise de l'outil informatique (20 %) ; les principales difficultés rencontrées sont liées au contexte (manque de connaissance sur l’autisme [71 %], sentiment d'isolement [45 %]) et à l’élève (faibles capacités d'attention et de concentration [75 %], difficultés sur le plan de la socialisation [72 %] et du comportement [52 %]) ; 5 % des enseignants n’ont pas rencontré de difficultés liées à l’enfant et 10 % pas de difficultés liées au contexte ; les progrès observés par les enseignants concernent d'abord la socialisation Ŕ acquisition des règles de la vie en collectivité (67 %), les relations avec les pairs (58 %), les apprentissages scolaires (54 %) et les troubles du comportement (41 %). Des progrès relatifs à la communication et au langage sont cités par 12 % des enseignants. Dans 5 % des cas (n = 11), les enseignants n'ont observé aucun progrès chez l'enfant, voire une régression. ► Programmes d’intervention à référence comportementale ou développementale Les interventions comportementales (cf. annexe 15) et développementales (cf. annexe 16) visent à modifier les caractéristiques comportementales des troubles du spectre de l’autisme. La visée des interventions comportementales et développementales est d’améliorer les compétences de l’enfant dans tous les domaines pour faciliter son insertion sociale, sa régulation émotionnelle, sa vie quotidienne et ses capacités d’apprentissage. En ce sens, ces interventions sont dites globales (correspond au terme anglais comprehensive). Il convient de noter que la différence entre les interventions à référence comportementale et les interventions à référence développementale s’est nettement estompée en 2011, dans la mesure où les interventions à référence développementale sont souvent des interventions comportementales adaptées plus spécifiquement à un âge compris entre 18 mois et 5 ans et évoluant avec cet âge. L’ordre dans lequel l’intervention prévoit d’introduire des entraînements s’appuie sur l’ordre observé dans le développement typique. Les interventions développementales, comme celles qui ne se disent pas explicitement développementales, sont flexibles dans la mesure où elles sont organisées selon les projets personnalisés et définissent sur quels comportements spontanés de l’enfant le thérapeute doit ancrer l’amorce de l’intervention pour chacun des domaines ciblés. La distinction a été faite pour différencier les interventions qui privilégient l’idée qu’un enfant avec autisme de 6 ans, par exemple, avec un âge mental de 3 ans dans certains domaines, HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 91 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées doit être traité comme un enfant typique d’âge mental équivalent (donc avec une approche développementale), au moins dans les domaines où existe le retard (le programme sera dit « développemental »), de celles qui privilégient l’idée qu’il n’est pas possible de fournir à l’enfant les conditions pour l’émergence complètement spontanée d’un comportement ou d’une activité mentale, et qu’il faut utiliser la même technique d’apprentissage quel que soit l’âge pour en favoriser l’émergence, tout en proposant parmi les essais discrets quand cette technique spécifique est utilisée, des essais hiérarchisés en fonction de l’âge (le programme sera dit « comportemental »). De façon générale, les recherches en psychologie et neuropsychologie expérimentales ont constitué un socle de connaissances concernant le développement des processus psychologiques et leur relation avec le développement cérébral, qui s’accroît sans cesse et sur lequel se fondent les interventions globales ou spécifiques, comportementales et développementales. La revue de littérature francophone (38) conclut que l’attention portée à la prise en charge éducative a toujours existé en pédopsychiatrie, discipline née au XIXe siècle de la rencontre de médecins et d’éducateurs pour aider des enfants en difficultés d’existence et, notamment, des enfants avec autisme. Après une période de réserve, de défiance, voire d’opposition pour certains, les techniques éducatives structurées et formalisées, prônées ces trente dernières années par des auteurs anglo-saxons (programme TEACCH, ABA), paraissent mieux acceptées actuellement par les pédopsychiatres français (cf. annexes 13 et 14). Elles peuvent être envisagées et même appliquées par quelques uns qui en ont intégré les grands principes dans leur projet de prise en charge globale : structuration des espaces et du temps ; utilisation de messages visuels, de pictogrammes ou de la langue des signes ; objectifs réalistes, à court terme, adaptés aux capacités émergentes repérées chez l’enfant ; séquençage des activités ; expression des émotions ; généralisation dans d’autres contextes, notamment familiaux ; facilitation d’un comportement par des récompenses, autonomisation, etc. Mais certaines équipes médicales françaises restent réservées quant à l’utilisation trop formalisée de ces techniques, et surtout exclusive d’autres approches globales et multidimensionnelles de l’enfant. Les enquêtes de pratiques réalisées en France ne permettent pas de généraliser les pratiques observées lors d’intervention globale comportementale : les structures proposant ce type de programmes sont peu nombreuses en France ; deux structures expérimentales ou innovantes font partie de l'échantillon de l’enquête menée dans le cadre de la mesure 28 du Plan Autisme (27). Celles-ci proposent des interventions spécifiques destinées à favoriser la communication, l'autonomie et les apprentissages scolaires. Par ailleurs, elles utilisent quotidiennement des systèmes de communication augmentée, alors que cet usage ne concerne qu’un quart des établissements « non expérimentaux » pour enfants (27). ► Prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique En France, les prises en charge institutionnelles sont courantes dans les institutions sanitaires ou médico-sociales (1). L’objectif de ces prises en charge institutionnelles est de favoriser chez les enfants avec autisme la relation à autrui et à eux-mêmes en leur donnant les moyens de construire des capacités de représentation qui vise à l’aider à « réinvestir positivement son activité mentale » (1). Mise en œuvre précocement, accompagnant immédiatement l’évaluation initiale du fonctionnement de l’enfant, la prise en charge proposée est pluridisciplinaire et assurée par des dispositifs variés impliquant les secteurs sanitaire, médico-social et scolaire HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 92 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées (cf. annexe 8). Le trépied « soins, éducation, scolarisation » est devenu la base des programmes développés dans les institutions pédopsychiatriques de secteur (cf. annexe 12). La revue de la littérature francophone (38) amène à distinguer les soins institutionnels, c’està-dire l’approche globale et multidimensionnelle qui forme le fond du traitement (annexe 12), des techniques spécifiques qui se détachent sur ce fond (annexe 17). Le terme institution désigne ici non seulement un établissement spécifique, mais aussi le processus d’articulation et de mise en forme des soins : l’instituant autant que l’institué (146). Misès, Hochmann et Delion considèrent l’institution, comme un outil d’observation, de mise en liens et d’élaboration du fonctionnement de l’enfant : son comportement, ses émotions et ses modes de pensée (147-151). Les soins institutionnels consistent à offrir à l’enfant, à travers des dispositifs variés, des lieux et des temps de rencontre, où les conflits et les mouvements qui affectent sa vie psychique peuvent être repérés et mis en relation significative ; ceci vise à lever progressivement les contraintes qui pèsent sur son fonctionnement mental. Ce travail d’élaboration, d’abord fondé sur des théories psychopathologiques, en grande partie d’inspiration psychanalytique (152) s’appuie aussi, aujourd’hui, sur les recherches des sciences cognitives qui confirment souvent ou précisent les intuitions des cliniciens (153155). La revue de littérature francophone (38), détaillée en annexe 12, insiste sur l’importance de la narration, du jeu symbolique, de l’articulation des différents intervenants entre eux, de la continuité entre les activités et les institutions et de l’important travail de supervision pour aider les intervenants à surmonter la routine et le découragement par un travail d’élaboration de l’équipe, un travail intellectuel de mise en sens, se référant à une théorie du fonctionnement et du développement mental et d’une réflexion sur les réactions affectives qu’induisent les enfants chez les soignants, conditions pour que l’institution soit thérapeutique. La revue de littérature francophone (38) conclut que les techniques de soins en individuel ou en groupe sont multiples. Certaines sont plus centrées sur le corps, d’autres sur le fonctionnement psychique. La plupart des travaux insistent pour que les soins soient adaptés à chaque enfant, à la nature de ses troubles, à son âge, à son stade de développement, à ses capacités d’évolution, ainsi qu’aux caractéristiques de sa famille dans son contexte de vie social, économique, voire géographique. Les travaux consultés soulignent que cette diversification indispensable doit éviter la dispersion et l’incohérence, d’où la nécessité d’une tolérance réciproque des différents intervenants travaillant en équipe supervisée et d’une coordination avec les parents qui doivent être informés du projet de soin, de son but et de son sens. La prescription de médicaments n’est pas exclue, elle peut être utile à certains moments, obéit à des règles précises, a une visée essentiellement symptomatique. Les enquêtes de pratiques réalisées en France ne permettent pas de distinguer explicitement si les interventions proposées relèvent de prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ou de prises en charges intégratives empruntant leurs moyens à différents courants théoriques. Les avis exprimés au cours de la phase de lecture et de consultation publique montrent que certains professionnels considèrent qu’il existe également des prises en charge institutionnelles qui s’appuient sur des pratiques éducatives et sociales et non sur le courant théorique psychanalytique. ► Prises en charge intégratives Les prises en charge intégratives font l’objet d’une section distincte en raison de leur diversité. Elles empruntent leurs moyens à différents courants théoriques, et adaptent leur utilisation au contexte de l’enfant, aux souhaits de sa famille et aux ressources des professionnels de différentes disciplines. Les interventions proposées dans le cadre de ces programmes sont multiples et variables (1). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 93 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées La prise en charge intégrée des enfants avec autisme suppose leur maintien dans leurs milieux habituels utilisé comme des supports aux projets éducatifs et de soins (156). Cela se fait par un travail indirect auprès des partenaires de l’enfant (informations, échanges) et par un travail direct auprès de l’enfant avec deux objectifs (1) : lui permettre de découvrir et d’augmenter ses capacités dans les différents domaines de son développement ; faire connaître les particularités de son fonctionnement aux personnes qui s’occupent de lui. Les échanges réalisés au cours des différentes réunions, permettent de convenir que de manière générale, les prises en charges intégratives mises en œuvre dans des équipes spécialisées en ce qui concerne le suivi des enfants/adolescents avec TED, et reconnues par l’ensemble des participants, sont fondées sur les besoins individuels de l’enfant/adolescent identifiés lors de l’évaluation, et sont conçues de manière transdisciplinaire pour permettre à l'enfant de rester intégré dans son milieu de vie ordinaire. Elles veillent à utiliser un mode de communication et d’interaction commun avec l’enfant/adolescent, et à ne pas disperser celui-ci dans des activités éclectiques ou des lieux multiples. Les travaux antérieurs de la HAS place la thérapie d’échange et de développement parmi les prises en charge intégratives (1). La thérapie d’échange et de développement est décrite comme une psychothérapie centrée sur l’échange et le développement cognitif, affectif et émotionnel (157). Prototype des interventions précoces, la thérapie d’échange et de développement est un soin individuel réalisé sous la conduite d'un thérapeute spécialisé, qui permet à l'enfant de développer ainsi ses capacités de contact avec autrui, d'interaction et d'adaptation l'environnement (158), en s'appuyant sur les notions d'acquisition libre et de « curiosité physiologique » et en respectant trois règles d'or : la sérénité, la disponibilité, la réciprocité. Les jeux sont proposés en fonction de l’évaluation pluridisciplinaire de l’enfant. Ils ont pour but de l’aider à s’inscrire dans des séquences ludiques d’interaction sensorimotrice et socio-émotionnelle, de favoriser les ajustements anticipés à autrui et les synchronisations. En exerçant et rééduquant, dès le plus jeune âge, les fonctions déficientes, telles que l’attention visuelle et auditive, la perception, la régulation, elle permet à l’enfant de développer les capacités de base à savoir communiquer, échanger avec autrui, être attentif et imiter. Grâce aux nouvelles aptitudes acquises par l’enfant, il peut profiter pleinement des interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques coordonnées qui lui sont dispensées par ailleurs (159). Si la thérapie d’échange et de développement est parfois présentée comme une approche spécifique (cf. également annexe 17), elle s’inscrit toujours dans un programme global de prise en charge, centré sur l’enfant mais où sont également impliqués la famille, l’équipe de soins, l’équipe pédagogique, éventuellement en intégration scolaire, et l’environnement social. Elle favorise ainsi le développement psychologique harmonieux de l’enfant, la rééducation de fonctionnements pivots et son intégration familiale et sociale (159). Des évaluations précises et détaillées permettent de proposer à l’enfant un programme thérapeutique individualisé et personnalisé, adapté à ses compétences, à ses difficultés et à son profil de développement, au fur et à mesure. Les enquêtes de pratiques, réalisées en France, ne permettent pas de distinguer explicitement si les interventions proposées relèvent de prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ou de prises en charges intégratives visant à découvrir et augmenter les capacités de l’enfant/adolescent dans les différents domaines de son développement ou encore de prises en charge/accompagnements éclectiques non spécifiques aux besoins de l’enfant/adolescent. L’enquête la plus récente, relative aux modalités d’accompagnement des personnes avec TED dans trois régions françaises effectuée au titre de la mesure 28 du Plan Autisme, suggère cependant un éclectisme important des pratiques sur le territoire national (27). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 94 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées L’offre de services est décrite comme étant habituellement peu spécifique (en particulier dans les structures pour adultes) et recouvrant des interventions qui, d’une part ne ciblent pas particulièrement les domaines fonctionnels habituellement perturbés dans l'autisme et d’autre part, ne s’appuient pas sur des méthodes définies ou ayant fait l’objet d’un début de validation. Ainsi, certaines activités, très couramment utilisées, le sont sans que soit mis en avant un abord spécifique (la psychomotricité proposée dans les trois quarts des structures par exemple). Par ailleurs, lorsque des interventions spécifiques et formalisées sont proposées (structures pour enfants essentiellement), celles-ci sont rarement répétées plusieurs fois dans la semaine ou ne sont destinées qu’à une minorité des personnes accompagnées. Ainsi, l’orthophonie, citée par un peu plus de la moitié des structures, est rarement proposée à tous les enfants avec TED accompagnés. De la même façon, les outils de communication visuelle sont relativement répandus, mais leur usage n’est, ni systématique, ni toujours fonctionnel (exemple : affichage au mur mais pas d’utilisation effective des supports au cours des activités). Enfin, seul un établissement sur cinq propose des ateliers ciblant l’amélioration de la compréhension et l'expression des émotions (27). 5.3.2 Évaluation de l’efficacité et sécurité de l’inclusion en scolarité partielle ou totale ► Recommandations de bonne pratique et revues systématiques Aucune des recommandations de bonne pratique identifiées n’a proposé de recommandations spécifiques relatives à la scolarisation des enfants/adolescents avec TED (cf. annexe 10). Un guide réalisée par le Centre national de documentation pédagogique en 2010 est à disposition du personnel de l’Éducation nationale qui enseigne ou accompagne des enfants/adolescents avec TED (160). Aucune revue systématique spécifique aux interventions en milieu scolaire n’a été identifiée. En revanche, plusieurs revues systématiques ont comparé les effets des interventions réalisées en milieu scolaire d’éducation spécialisée auprès de jeunes enfants à une intervention globale comportementale. Les revues systématiques concluent à la supériorité des interventions globales comportementales comparativement à une scolarisation en milieu spécialisé (161-164). Reichow et Wolery (163) calculent un indice de taille d’effet qui se révèle bien meilleur pour les groupes en intervention comportementale ABA que pour les groupes de comparaison en éducation spécialisée. Une autre estimation plus indirecte de la supériorité des interventions comportementales est aussi fournie : le pourcentage d’enfants des groupes comportementaux intensifs entrant à l’école ou passant au-dessus du CP, après intervention, dans les 12 études qu’ils analysent, va de 23 % à 100 % ; 140 enfants sur 217 (65 %) entrent dans le système scolaire typique ; 35 % vont en éducation spécialisée ou un autre système (163). ► Études cliniques Six études contrôlées non randomisées (165-171) et un essai randomisé (172) ont comparé les interventions auprès de jeunes enfants réalisées en milieu scolaire d’éducation spécialisée à une intervention comportementale. Quatre de ces études, décrites ci-dessous, observent une supériorité significative et importante de l’intervention comportementale globale type ABA par rapport à la prise en charge de durée identique par l’éducation spécialisée, même avec un nombre d’heures total d’intervention par semaine identique. Cette supériorité concerne le QI, la communication, le langage, les compétences sociales. Trois interventions n’observent pas de supériorité de l’intervention ABA. L’une (171) utilisait une intervention ABA très peu intensive de 11,5 heures/semaine. L’autre (172) utilise une intervention ABA ne ciblant que l’attention conjointe. Dans la troisième (167), la supervision de l’intervention ABA, menée par les parents, n’était pas réalisée par un centre ABA universitaire compétent. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 95 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Deux autres études non contrôlées ont été identifiées (173,174). Elles évaluent une intégration scolaire d’un type particulier, avec un suivi sur 10 ans pour l’étude publiée en 2011. 2004 et 2011 États-Unis Stahmer et Ingersoll (173) et Stahmer et Akshoomoff (174) évaluent un programme d’intégration scolaire (Children’s Toddler School, CTS, appelé depuis maintenant Playful Learning Academy for Young Children, PLAYC) pour enfants de moins de 3 ans. Le programme comporte trois composantes : une intervention en classe, une intervention spécifique hors de la classe et une formation des parents. L’étude ne comporte pas de groupe de comparaison, mais vise seulement à vérifier la faisabilité et l’efficacité. Population : 102 enfants relevant du spectre de l’autisme, âgé d’environ 28 mois (21 à 33 mois) en début d’intervention et 36 mois en fin (de 35 à 40 mois) avec un taux de fréquentation contrôlé de 86 % des jours d’intervention en moyenne. Critères d’inclusion : diagnostic (indépendant de l’étude) de spectre de l’autisme ou TED non spécifié d’après le DSM-IV, confirmé par l’un des auteurs de l’étude (CARS, GARS), avoir un âge mental non verbal minimum de 12 mois au test de Bayley (BSID-II), l’entrée dans le programme se fait avant l’âge de 30 mois. Les parents peuvent refuser et être orientés ailleurs. Notons que la moyenne des scores d’autisme (GARS) au recrutement est de 87,2 (±11,2). Or, une récente étude de validation de la GARS donne 90,1 et non 100 comme moyenne pour les enfants avec un diagnostic d’autisme. Les auteurs de la présente étude estiment que les participants sont dans la moyenne de l’autisme (pour les autres mesures cf. « Résultats »). Intervention : La composante « classe » : une classe comporte 8 enfants avec un développement typique et 8 enfants avec TED de moins de 3 ans. Quatre des enfants TED sont présents le matin, 4 l’après midi. Chaque enfant avec TED a donc 3 heures de classe/jour, cinq jours/semaine (15 heures/semaine). L’encadrement est de 1 adulte pour 3 enfants (1 : 3). La classe se présente comme une classe de maternelle classique. Le programme et les méthodes sont mis au point par des enseignants spécialisés et des enseignants classiques. Ils sont destinés à s’adresser aux deux populations d’enfants à la fois. L’enseignement se fait au cours de jeux, de repas, d’activités artistiques, etc., au moyen d’apprentissage incidentel, de réponses pivots, d’essais discrets, d’enseignement structuré, de techniques développementales interactives. Sont utilisés le PECS et une langue des signes modifiés pour les enfants qui en ont besoin. La composante « intervention spécifique » concerne chaque enfant TED pendant 4 heures/semaine avec un enseignant (encadrement 1 : 1 ou 1 : 2 selon les cas) dans une pièce séparée de la classe. L’intervention porte sur l’entraînement à des compétences qui réclament un environnement très structuré : entraînement à la communication, imitation verbale et non verbale, essais discrets, stratégies utilisées en classe. Les techniques d’intervention dans ces 4 heures peuvent être par essais discrets. La composante « formation parentale » comporte 2 heures/semaine au domicile avec un enseignant de la classe. Les techniques utilisées en classe sont enseignées pour que les parents fournissent 10 heures d’éducation-intervention/semaine à leur enfant. L’enseignant aide les parents à définir les buts, aide à identifier et intervenir sur les comportements à problème. Les parents d’une même classe se réunissent une fois par semaine avec l’enseignant responsable. Parents et enseignants organisent la transition lorsque l’enfant changera de programme à 3 ans. Les buts des interventions sont définis individuellement pour chaque enfant dans les domaines de la communication, des compétences sociales, des soins personnels et de l’autonomie, des capacités sensorielles et motrices, des problèmes comportementaux, etc. Un plan avec des buts intermédiaires est défini. Une réunion de l’équipe d’intervenants fait le point sur chaque enfant chaque semaine. Une réunion toutes les 5 semaines avec la famille et l’équipe réexamine les progrès et les buts définis. Au moment de passage dans l’école HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 96 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées suivante (à partir de 3 ans), les enseignants de cette dernière participent aux réunions de l’école maternelle. Un orthophoniste et un ergothérapeute travaillent 4 heures/semaine avec les enseignants et les enfants en classe (dans ce temps est compris les consultations spécifiques, l’éducation des parents, l’entraînement des enseignants, l’examen des buts et le développement des procédures). Tous les intervenants ont une formation spécialisée plus ou moins poussée selon son rôle. Tous les enseignants reçoivent une formation dans les techniques utilisées. Cinq des enfants ont reçu des interventions supplémentaires extérieures décidées par les parents. Les tests sont administrés avant et après intervention par le psychologue du programme. Résultats : en environ 9 mois les enfants sont passés d’une moyenne de QI (BSID-II, ou Mullen) de 63,9 (écart type = 13,3) à l’inclusion à un QI de 75,7 (écart type = 18,3) à la sortie de maternelle (p = 0,000). Avant intervention, 6 enfants (6 %) avaient un QI dans la zone typique entre 85 et 115, 24 % avaient un QI entre 70 et 84, 70 % étaient dans la zone de retard (QI < 70). À la sortie, 31 % sont dans la zone typique (85 à 115), 35 % sont dans la zone de retard léger et 34 % demeurent dans la zone de retard. Ainsi, 36 des 70 enfants en zone de retard sévère en début d’intervention en sont sortis, dont 16 sont passés en zone typique. Quatorze des 24 enfants en zone de retard léger au départ passent en zone typique. En moyenne, les participants sont passés d’un développement non verbal de 18 mois (quand ils avaient un âge chronologique moyen de 28 mois) à 26 mois (quand ils avaient un âge chronologique moyen de 35 mois). Ces résultats sont supérieurs à ce à quoi on pouvait s’attendre sans intervention en extrapolant le rythme de développement des enfants avant intervention : avant intervention le rythme de développement n’était que de 63 % du rythme normal de développement alors qu’en fin d’intervention le rythme de développement a atteint 79 % du taux normal. Les scores de vocabulaire (estimés par les parents au test MacArthur) et les scores mesurés avec l’échelle Preschool Language Scales augmentent significativement en production comme en compréhension. Les scores du VABS augmentent aussi significativement en ce qui concerne le score composite de comportement adaptatif, dans le domaine de la communication (passant d’une moyenne de 70 à 77), de la vie quotidienne (passant d’une moyenne de 69,5 à 72,5) et de la socialisation (passant d’une moyenne de 69,9 à 74,6), mais non dans le domaine de la motricité. L’amélioration est cliniquement significative dans chacun des trois domaines du VABS. La moyenne des scores d’autisme (GARS) ne diminue pas significativement (passant de 83,8 à 80). Cependant, les scores de stéréotypies diminuent significativement. Les prédicteurs : Contrairement à d’autres études, le score de QI n’est pas un bon prédicteur du changement de rythme de développement ni de l’augmentation du niveau de communication observé à 3 ans. En revanche, le score de communication (VABS) est bon prédicteur ; le score de socialisation (VABS) est un prédicteur un peu moins puissant. Conclusion : le niveau des gains après 9 mois d’intervention est, en ce qui concerne le QI, du même ordre que celui observé par Dawson et al. (175) avec le Early Start Denver Model. Les gains en socialisation et communication (VABS) et en langage sont du même ordre. Il faut faire remarquer que même en classe, les techniques comportementales sont ici utilisées, que les 3 composantes de l’intervention sont très articulées entre elles, organisées et cohérentes. Il ne s’agit pas d’une intervention éclectique. Comme dans les interventions comportementales ou comportementales avec approche développementale, une partie seulement des enfants tirent bénéfice de l’intervention. Pour un suivi partiel à plus long terme, cf. Akshoomoff et al. 2010 (176) Faiblesse : absence de groupe de comparaison (un groupe avec intervention comportementale 1 : 1 aurait été souhaitable). Les psychologues évaluant les enfants avantaprès font partie de l’équipe du programme. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 97 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Conclusions de l’évaluation de l’efficacité et la sécurité Les études examinées concernent des enfants avec autisme et retard mental léger à sévère, âgés de 21 mois à 7 ans en début d’intervention. Elles ont été faites aux États-Unis, en Norvège, en Irlande ou au Royaume-Uni. Il est certain que l’efficacité de la prise en charge par une éducation scolaire spécialisée dépend de sa qualité qui n’est pas évaluée ici, mais qui est suffisante pour que des familles aient confié leurs enfants. Par ailleurs les classes d’éducation spécialisée doivent respecter des règles de bonne pratique. La prise en charge par ces classes d’éducation spécialisée, spécifique ou non pour le cas des TED, n’atteint cependant pas le niveau d’efficacité des prises en charge comportementale ABA ou TEACCH, de haute ou moyenne intensité. En revanche, une intensité d’intervention comportementale de l’ordre en moyenne de 11 heures/semaine obtient des résultats équivalents à une prise en charge en éducation spécialisée. Cependant, un programme d’intégration très structuré avec une formation spécifique des maîtres, un encadrement 1 : 3 combinées à un encadrement 1 : 1, partiel, une collaboration et intervention des parents à domicile et un système de supervision très régulier, tel que celui décrit aux USA par Stahmer et al. (173,174) pourrait être prometteur en ce sens que les gains obtenus en 9 mois sont un peu plus faibles en ce qui concerne le QI, mais équivalents pour les autres mesures, que les interventions comportementales globales exclusivement 1 : 1. En résumé, si toutes les interventions visent à court terme à rendre progressivement possible la scolarisation de l’enfant en milieu typique, un grand nombre a montré que l’éducation spécialisée n’est pas en mesure d’être aussi efficace que les interventions systématiques proposées pour intégrer les enfants dans une scolarisation typique. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail En 2011, aucune donnée publiée de pratiques ne permet de connaître le nombre d’heures de scolarisation en inclusion des enfants et adolescents avec TED. Or, scolariser un enfant 1 heure/semaine en classe ordinaire ou 24 heures par semaine ne peut avoir la même signification d’une part pour l’enfant/adolescent en termes d’apprentissage et de dispersion des lieux où il est suivi et, d’autre part, en termes de contraintes sociales pour les familles dont l’un des parents, souvent la mère, doit alors abandonner son activité professionnelles pour emmener son enfant de l’école aux autres lieux, sanitaires ou médico-sociaux où il est suivi par ailleurs, voire s’en occuper à temps complet lorsqu’il ne bénéficie d’aucune prise en charge. Une inclusion très partielle ne peut être présentée comme satisfaisante, sauf si celle-ci est envisagée comme une étape dans un processus progressif d’inclusion plus conséquent, voire à temps plein. Pour que l’inclusion soit un succès, la société doit accepter d’y consacrer des moyens financiers et humains (formation) considérables. Par ailleurs, la scolarisation en milieu ordinaire seule ne permet pas à l’enfant/adolescent avec TED de se développer au maximum de ses capacités. L’enfant/adolescent nécessite de recevoir parallèlement des interventions thérapeutiques et éducatives spécifiques. Ces interventions doivent être organisées de manière à ne pas multiplier les lieux où l’enfant/adolescent les reçoit. Une collaboration étroite entre les professionnels des champs sanitaire et médico-social, et les enseignants nécessite d’être organisée au plus près de l’enfant, afin de partager la connaissance du fonctionnement particulier de l’enfant/adolescent. Cette collaboration ne se substitue pas aux actions d’information et de formation des enseignants et AVS-i qui sont, elles aussi, essentielles. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Domaine des apprentissages scolaires et préprofessionnels Tout enfant/adolescent en âge scolaire doit bénéficier d’une scolarisation effective, en milieu ordinaire ou adapté. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 98 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le volume horaire des activités proposées aux enfants/adolescents avec TED dans le champ scolaire doit atteindre, dès que possible, le même volume horaire que celui dont bénéficie tout enfant/adolescent du même âge, dans la mesure où le mode de scolarisation est adapté aux aptitudes de l’enfant/adolescent et où cela ne le met pas en situation d’échec ou de souffrance. Dans les établissements scolaires, les pratiques suivantes sont recommandées pour certains enfants/adolescents avec TED : augmentation progressive du temps de scolarisation pour atteindre, dès que possible, le même volume horaire que tout enfant/adolescent du même âge ; accompagnement ou tutorat par un AVS-i ayant reçu une formation relative aux TED et/ou par un professionnel suivant l’enfant/adolescent au sein d’une structure médicosociale ou sanitaire ; tutorat par d'autres élèves, sous réserve qu’ils soient volontaires, sensibilisés au fonctionnement d’un élève avec TED et qu’ils soient encadrés par l’équipe éducative. Dans les établissements scolaires, en accord avec l’enfant/adolescent et ses parents, une information peut être donnée sur les caractéristiques des personnes avec TED aux pairs ou aux personnes de leur entourage social pour favoriser la compréhension des particularités de fonctionnement, leur acceptation et l'inclusion des enfants/adolescents avec TED dans un environnement ordinaire. Parallèlement aux enseignements délivrés dans les établissements scolaires et de formation professionnelle, il est recommandé que tout adolescent avec TED dont l’évaluation aurait mis en évidence des besoins spécifiques dans ce domaine puisse bénéficier d’un accompagnement spécifique lors de stage ou de recherche de stage, de formation ou d’emploi. 5.3.3 Évaluation de l’efficacité et sécurité des interventions globales comportementales ou développementales Les interventions évaluées dans les études ci-dessous concernent toutes des enfants avec TED et retard mental de léger à sévère, âgés de 18 mois à 6 ans en début d’intervention. Aucune étude n’a évalué l’efficacité ou la sécurité des interventions globales comportementales ou développementale pour les enfants au-delà de 6 ans, sauf une, relative à une intervention TEACCH, où les enfants étaient plus âgés en début d’intervention (177). ► Recommandations de bonne pratique Plusieurs recommandations de bonne pratique recommandent les programmes intensifs d’interventions comportementales (cf. annexe 10) : les programmes d’interventions comportementales sont recommandées avec évidence scientifique de l’efficacité (143) ; sont inclus les programmes désignés par les termes suivants : applied behaviour analysis, intensive behaviour intervention, early intensive behaviour intervention, early intervention project, discrete trial training, (auquel on peut ajouter pivotal response), Lovaas therapy, UCLA model, home-based behavioural intervention, parent managed or mediated home based behavioural intervention) ; il est recommandé que les principes de l’analyse du comportement appliquée (Applied behavior analysis Ŕ ABA) et des stratégies d’intervention comportementales soient inclus comme composante importante de tout programme d’intervention pour les jeunes enfants avec autisme (grade A) (72) ; le programme Lovaas ne doit pas être présenté comme une intervention conduisant à un fonctionnement normal (grade A) (60) ; les interventions comportementales doivent être envisagées pour une grande variété de comportements spécifiques chez les enfants et les jeunes gens avec TSA, à la fois pour réduire la fréquence et la sévérité des symptômes et pour augmenter le développement des capacités d’adaptation (grade B) (60) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 99 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées la thérapie cognitive et comportementale (TCC) doit être considérée comme un traitement convenant pour de nombreuses difficultés comportementales, émotionnelles et psychiatriques (grade C) (76) ; les techniques de TCC doivent être adaptées pour prendre en compte les caractéristiques des personnes avec TSA (76) ; les TCC sont recommandées malgré une faible évidence de leur efficacité (143) ; les interventions comportementales doivent être envisagées pour les enfants et les jeunes gens avec autisme qui ont des troubles du sommeil (accord entre experts) (60). ► Revues systématiques de la littérature Douze revues systématiques des essais d’interventions proposées aux enfants et adolescents avec TED, publiées entre 2000 et 2010, ont été identifiées (141,161-164,178184), ainsi qu’un rapport canadien résumant les recensions publiées avant 2001 (185). 2001 Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé En 2001, l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS) a édité un rapport sur les données probantes et les avis d’experts concernant la thérapie comportementale chez les enfants d’âge préscolaire avec autisme ou autre TED (185). Ce rapport n’était pas une revue critique des études principales, mais un résumé des recensions et des avis d’experts sur cette thérapie. Les auteurs observent qu’il y a peu d’études contrôlées, publiées sur la question de l’efficacité des interventions comportementales. Pour celles qui l’ont été, la plupart comportent des défauts méthodologiques importants rendant malaisée l’interprétation des résultats. Des études les plus solides, en tenant compte des remarques précédentes, les auteurs retirent que l’application d’une intervention comportementale (incluant les séances individuelles appliquées du comportement) totalisant au moins une vingtaine d’heures par semaine, peut améliorer certaines dimensions du fonctionnement de l’enfant avec autisme ; les résultats les plus probants concernent le quotient intellectuel. Toutefois, les auteurs précisent qu’il n’a pas été possible d’établir le nombre minimal d’heures nécessaire par semaine pour parvenir à un résultat positif (185), ni de préciser les résultats en fonction des interruptions ou des modulations de l’intensité de la thérapie comportementale (185). Par ailleurs, il n’est pas possible de savoir quelle sous-population d’enfants avec autisme bénéficierait le plus de cette intervention ou quels éléments du traitement font partie intégrante des résultats positifs. Les revues rapportées ci-dessous montrent ce qui a évolué ou non depuis cette date. 2007 Baghdadli (Centre de ressources sur l’autisme en Languedoc-Roussillon) En 2007, Bagdadli et al., au sein du centre de ressources sur l’autisme en LanguedocRoussillon soutenu par le ministère de la Santé et des Solidarités français, ont établi un recensement des pratiques actuelles de prises en charge de l’autisme et l’évaluation du niveau de preuve (selon les normes HAS) actuellement connu de leur efficacité (141). Le propos était centré sur les différentes méthodes d’intervention éducatives, pédagogiques ou thérapeutiques proposées en France ou à l’étranger aux personnes avec TED. La méthodologie de travail s’appuyait sur des principes de l’Evidence-Based medicine. Parmi les points marquants de la méthodologie utilisée, on relèvera l’utilisation d’une stratégie de recherche documentaire des études et d’une grille de lecture du niveau de preuve des études (grille HAS) (186). Pour la sélection des études expérimentales ayant pour but de juger l’efficacité d’une intervention, il est précisé que celles-ci devaient présenter un moyen de validation externe. Des séries de cas reposant sur des mesures multiples de ligne de base étaient acceptées si elles présentaient au moins 3 cas. Concernant l’analyse de l’efficacité des programmes globaux d’intervention, ce travail a traité particulièrement les programmes Lovaas, TEACCH, Denver, May Center et SWAP. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 100 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Concernant le programme Lovaas, les auteurs font le constat suivant. Les études analysées concluent, pour la plupart, à l’efficacité du programme Lovaas. Toutefois, le nombre limité des études ne permet pas de façon formelle d’établir cette efficacité. Les programmes intensifs précoces semblent améliorer le QI et les compétences langagières, mais ces progrès sont moins importants que ceux rapportés initialement par Lovaas (141). Les auteurs signalent que des réserves sont émises sur l’évaluation du QI par certains tests qui pourraient surestimer les performances obtenues dans les interventions. Ces programmes semblent plus efficaces chez les enfants dont le niveau cognitif est plus élevé et chez les enfants ayant une TED non spécifié que chez ceux ayant des troubles autistiques. Des interrogations persistent sur les caractéristiques de la population pour laquelle ce programme est le plus efficace. Le programme Lovaas semble plus efficace qu’une intervention éclectique. Les auteurs signalent que seuls les programmes éclectiques ont été comparés au programme Lovaas. Ils constatent qu’à partir des études sélectionnées, il n’est pas possible de savoir si ces programmes influencent les comportements adaptatifs, et ne concluent pas non plus sur l’effet en fonction de l’intensité des programmes et de leur efficacité à long terme chez tous les enfants. Le niveau de preuve des études pour ce type de programme n’est pas suffisant pour en affirmer actuellement l’efficacité chez tous les enfants avec TED. Concernant le programme TEACCH, un nombre très limité d’études analyse l’impact de ce type de programme, avec pour la plupart d’entre elles des faiblesses méthodologiques importantes. Les études suggèrent des progrès importants dans différents domaines évalués à l’aide du profil psycho-éducatif (PEP-R) chez les enfants qui en bénéficient. Parmi ces progrès, l’importance d’une collaboration parent-thérapeute et d’un programme complémentaire à domicile est soulignée. Pour ce dernier, 3 fois plus de progrès ont été rapportés que ceux qui n’ont pas de suivi à domicile. Le programme TEACCH serait également plus efficace qu’une inclusion en école ordinaire. Cependant, les auteurs insistent sur les limites méthodologiques des études. En définitive, d’autres études confirmatoires doivent être menées avec plus de rigueur expérimentale pour démontrer l’efficacité du programme TEACCH. Concernant les autres programmes, la littérature reste beaucoup plus limitée. Pour le programme Denver, une seule étude expérimentale existait (Rogers 199136). Cette étude suggère une efficacité du programme Denver chez des enfants ayant des troubles du spectre autistique ou ayant des troubles émotionnels ou comportementaux. Il est observé une meilleure progression, par rapport à un niveau attendu, dans les domaines de la motricité fine, des cognitions, du langage et des compétences sociales. Cependant, des limites méthodologiques importantes sont soulignées : faible taille des échantillons (n = 12), enfants non comparables au départ, biais de mesure possibles. Depuis d’autres études sur ce programme ont été publiées (*37 Dawson 2010). Le programme du centre écossais, pour l’autisme, a été évalué par les auteurs dans une étude contrôlée (*Salt 2002). Les résultats montrent que le programme est efficace et cela malgré sa faible intensité (en nombre d’heures par semaine). Cependant, là aussi des limites méthodologiques sont présentes : faible taille des échantillons (n = 14 et n = 6), pas de randomisation, évaluation non menée en aveugle. Concernant le programme du May Center, celui-ci a été évalué par une seule enquête auprès de parents (Dipietro 2002). Les enfants étaient âgés en moyenne de 10,5 ans lorsqu’ils quittent l’intervention du May Center où ils sont entrés entre 3 ans 6 mois et 6 ans. 36 Les études citées entre parenthèses ne sont pas décrites dans cet argumentaire, car elles ne correspondent pas aux critères d’inclusion retenus. Se reporter à la revue systématique pour connaître les références des études analysées. 37 Les études précédées d’un astérisque sont décrites en détail dans cet argumentaire. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 101 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les auteurs concluent positivement sur l’effet de leur programme (les enfants qui ont bénéficié du programme May peuvent être scolarisés). Cependant, les enfants ne sortent du centre que quand ils présentent des progrès importants et qu’ils sont susceptibles d’être scolarisés. L’échantillon n’est donc constitué par construction que d’enfants qui ont fait des progrès suffisants pour intégrer l’école (biais de recrutement). L’étude consiste en une interview des parents. Aucune analyse statistique d’autres données de tests n’est donnée. Concernant le programme SWAP, une étude évalue son efficacité sur une période de deux ans à raison de 10 heures par semaine, avec une implication importante des parents dans ce programme pour faciliter la transition entre le domicile et la crèche ou l’école (Webster 2003). Le programme inclut une approche comportementale reposant sur la thérapie du langage, le système de communication par échange d’image (PECS), les indices visuels, les scripts sociaux. Les auteurs ont évalué les progrès développementaux à l’aide du PEP-R. Les auteurs de cette étude précisent que les enfants avaient fait des progrès dans ce cadre d’intervention. Là aussi, l’impact des résultats positifs doit être nuancé par les faiblesses méthodologiques suivantes : pas de groupe contrôle, faible effectif, manque d’information sur le diagnostic des enfants, absence d’analyse statistique. Au total, pour l’ensemble de ces programmes (Denver, Centre écossais, May, SWAP), il est noté que ceux-ci ont fait l’objet d’un unique article expérimental chacun, et que des recherches supplémentaires plus rigoureuses doivent être réalisées pour connaître leur efficacité. Notons que depuis, des revues et études sont parues ultérieurement (cf. infra). 2008 Rogers Rogers et al. (161) sélectionnent les études sur les interventions globales, selon les critères de Nathan et Gorman (2002) publiées entre 1998 et 2006 en excluant celles qui figuraient déjà dans leur revue antérieure (187). La sélection et la classification des études sont opérées selon les critères suivants : Type 1 : essais cliniques prospectifs randomisés, tests d’évaluation réalisés par des personnes aveugles au traitement, critères d’inclusion et d’exclusion clairs, diagnostic selon les meilleurs critères contemporains, échantillon de taille adéquate pour les analyses statistiques et méthodes statistiques clairement décrites. Possibilité d’évaluer la fidélité des traitements administrés dans l’étude. Type 2 : essais cliniques utilisant un groupe de comparaison pour évaluer l’effet de l’intervention. Type 3 : ces études présentent des biais méthodologiques importants. Sont inclus les études avant-après sans groupes contrôles et les études rétrospectives. Les auteurs ont sélectionné 13 études évaluant des interventions du type Lovaas ou ABA contemporain. En 1998, ils n’avaient pas trouvé d’étude randomisée. Dans la présente revue de 2008, ils trouvent 5 essais randomisés (*Jocelyn 1998, *Drew 2002, *Aldred 2004, *Smith 2000, *Sallows 2005), 1 essai contrôlé non randomisé *Eikeseth 2002 et 2007 et 7 études sont qualifiées d’évaluation de condition d’efficacité : Sheinkopf 1998, Smith et Buch 2000, Luiselli 2000, *Cohen 2006, Bibby 2001, Takeuchi 2002, Nathan et Gorman 2002. De ces 13 études, Rogers et Vismara concluent que 2 études, *Sallows 2005 et *Cohen 2006 confortent l’idée que presque la moitié (48 %) des enfants traités présente un gain en QI qui les fait rentrer dans la moyenne typique de QI (avec une scolarisation sans aide). Les auteurs concluent qu’il est possible que des enfants, suffisamment jeunes et traités de façon suffisamment intense, tirent bénéfice de l’intervention au point de rejoindre la moyenne typique de scores. Ceci suggère que la plasticité cérébrale pourrait être plus importante encore que ce qui en est aujourd’hui pensé. De plus, une intervention de type Lovaas fournie à des enfants jeunes, de façon intensive et avec une supervision sérieuse des thérapeutes par des experts, permet d’observer des HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 102 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées gains dans des tests standardisés. Ces gains surviennent, tant chez des enfants qui conservent des difficultés intellectuelles, de langage, de compétences sociale et de fonctions adaptatives, que chez des enfants atteignant des scores quasi typiques dans tous les domaines. Néanmoins jusqu’à 50 % des enfants ne présentent ni diminution des symptômes, ni augmentation des scores. L’étude de *Eikeseth 2002 et 2007, qui compare une intervention du type Lovaas à une intervention éclectique (mais en principe bien organisée) et de même intensité, montre que le groupe du type Lovaas progresse significativement plus que le groupe éclectique. Au total, les quatre études méthodologiquement les plus robustes (Lovaas 1987, Smith et Buch 2000, *Eikeseth 2002 et 2007, *Cohen 2006), convergent pour conforter l’idée que l’intervention de type Lovaas est plus efficace pour augmenter le niveau intellectuel des enfants que les conditions contrôles. Certaines de ces études montrent des améliorations significatives dans les comportements adaptatifs et le langage, mais la convergence des résultats est moins importante dans ces deux domaines. Rogers et al. ont sélectionné deux autres études qui évaluent d’autres interventions que celle du type Lovaas. De l’étude de *Salt 2002, ils concluent que ce type d’intervention « développementale » mise en œuvre par le centre écossais de l’autisme est intéressant et mérite d’être de nouveau évalué. De l’étude de *Howard 2005 qui compare une intervention ABA avec deux interventions, l’une en éducation spécialisée (encadrement 1 : 1 ou 1 : 2) et l’autre par inclusion dans un centre pour enfants en situation de handicap avec un encadrement 1 : 6, les auteurs concluent que l’intervention dans le système d’éducation spécialisée ou pour enfants en situation de handicap est peu efficace : 1) aucune des 2 interventions contrôles n’a d’effet sur le rythme de développement des enfants ; 2) bien que l’une des interventions scolaires ait le double d’heures de l’autre, leurs effets ne diffèrent pas après 14 mois ; 3) chez les enfants de l’intervention scolaire la moins intensive (15 heures/semaine), les scores standards d’un bon nombre de mesures reflètent un ralentissement du rythme de développement. Cette conclusion rejoint l’avis négatif émis ci-dessus par les auteurs sur les interventions éclectiques. Le groupe avec intervention intensive a, dans tous les domaines (sauf celui de la motricité), des gains significativement supérieurs aux deux groupes qui viennent d’être décrits. Les scores moyens de compétences cognitives se situent après intervention dans la zone moyenne typique. Cependant, les scores de langage, malgré leur augmentation significativement supérieure à celle des contrôles, demeurent sous la zone moyenne typique. Pour une proportion significative d’enfants, les gains individuels sont très importants, mais il ne faut pas oublier les faiblesses de l’étude : les évaluateurs n’étaient pas aveugles au statut des enfants et l’attribution des enfants aux interventions n’était pas randomisée (161). 2008 Ospina En 2008, Ospina et al. (162) à l’Université d’Alberta (Canada) publient une revue systématique sur l’efficacité de divers types d’interventions. Les auteurs ont sélectionné 101 études comparatives évaluant les effets de huit catégories d’intervention thérapeutique. Lorsque cela était possible, une méta-analyse était conduite (au moins trois études sur un critère de jugement équivalent). Les études ont été intégrées quelles que soient leur taille. Des remarques également retrouvées chez d’autres auteurs sur la faiblesse des études ont été formulées au regard de certains principes d’organisation des essais contrôlés : peu d’informations sur les critères de sélection des participants, leur représentativité, les procédures d’allocation aléatoire, l’évaluation en aveugle des résultats, les sorties d’étude (perdus de vue). Globalement, les auteurs attirent l’attention sur le fait que les résultats mis en évidence sont basés sur quelques études, faibles sur le plan méthodologique avec peu de participants et un suivi relativement court. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 103 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les interventions ABA de la thérapie Lovaas montrent un bénéfice statistiquement significatif des interventions intensives par rapport aux peu intensives en ce qui concerne le QI, les habiletés de communication, le comportement adaptatif et la diminution des comportements pathologiques (*Smith et Groen 2000, Lovaas 1987, Smith et Eikeseth 1997, une autre étude est citée, mais il s’agit d’une thèse non suivie de publication). De même, les interventions de type Lovaas intensives ont des gains significativement supérieurs en QI, habiletés de communication et comportement adaptatif, et une diminution des comportements pathologiques, par rapport (a) aux soins standards (*Eldevik 2006, *Cohen 2006, Lovaas 1987), (b) à une intervention intensive mais éclectique (*Eikeseth 2002) ; ou (c) à une intervention intensive en classe spécialisée ou une intervention peu intensive pour troubles de la communication (*Howard 2005). Les gains en comportements adaptatifs pourraient se manifester essentiellement dans la première année quand l’intervention dure plusieurs années, tandis que les gains en QI se poursuivent (en tout cas sur les 3 ans de l’étude de *Cohen 2006). L’intervention ABA type Lovaas n’a pas présenté de supériorité par rapport aux interventions DIR (Developmental Individual-Difference relationship-based intervention) (5 enfants par groupe, durée 6 semaines d’intervention, Hilton 2005, thèse), ni par rapport à une intervention par essais discrets combinée avec une intervention intégrant le programme TEACCH sur une durée de 2 ans (Farrell 2005, étude exploratoire). Cependant, les tests n’ont pas été passés par tous les enfants et les évaluateurs ne sont pas aveugles au statut des enfants. Ospina et al. font remarquer que 7 des 8 études qui montrent des avantages significatifs de l’intervention Lovaas intensive ne sont pas des essais randomisés. Les auteurs estiment peu concluantes les études non randomisées. L’argument de cette conclusion repose sur le fait que 3 des 4 études randomisées ne trouvent pas de supériorité statistiquement significative de l’intervention expérimentale ABA sur l’intervention contrôle (Hilton 2005 thèse non publiée, *Sallows 2005, *Smith et Groen 2000). Puisque les études non randomisées sont plus sujettes à des biais non contrôlés, elles ne peuvent pas être utilisées pour contrer les résultats non significatifs des ¾ des études randomisées. Cependant, il faut faire remarquer qu’une de ces trois études randomisées (*Sallows 2005) avait pris comme contrôle une intervention au domicile par des thérapeutes comportementalistes de type Lovaas choisis par les parents (et non par un centre clinique). Sallows et al. pensaient que, dans ces conditions, l’intensité de l’intervention contrôle serait bien moindre que l’intensité dans le groupe expérimental. Il se trouve que les parents, libres de choisir, avaient parallèlement recruté des thérapeutes pour pratiquer une intervention de haute intensité. Les gains furent significatifs après intervention dans les deux groupes et ne différèrent pas entre ceux-ci. Il est par conséquent erroné d’utiliser cette étude comme argument contre la supériorité de l’intervention intensive de type Lovaas, puisque les deux interventions ne différaient que par la manière dont les thérapeutes étaient recrutés. Dans leur revue, Mesibov et Shea (188) signalent eux aussi cette difficulté rencontrée involontairement par Sallows et al. pour illustrer la difficulté de concilier liberté des parents et randomisation des groupes. Par ailleurs, les deux autres études randomisées réalisées par Hilton en 2005 utilisent une durée d’intervention de 6 semaines seulement (chacune des deux études comportent deux groupes de 5 enfants chacun). Aucune différence entre une intervention ABA et une intervention DIR n’est observée sur la communication et le jeu symbolique. En revanche, l’une des deux études observe un gain plus important avec l’intervention ABA en compréhension du langage. Aucune de ces deux études n’est publiée (thèse). Seule l’étude de *Smith et Groen 2000 montrait un avantage de l’intervention ABA. Ospina et al. concluent à partir d’une méta-analyse d’interventions de type Lovaas menée sur les données de 3 études contrôlées non randomisées (*Cohen 2006, *Eikeseth 2002, *Howard 2005) que la thérapie Lovaas présente une supériorité significative par rapport à une intervention en éducation spécialisée, sur les fonctions intellectuelles globales, le comportement adaptatif, la communication et interactions sociales, le langage (expression, HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 104 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées compréhension), l’autonomie de vie quotidienne et la socialisation (le QI non verbal visuospatial du Merrill Palmer, en revanche, ne montre pas de supériorité par rapport aux interventions contrôles). La supériorité de l’approche Lovaas de ce regroupement des 3 études est cliniquement significative pour les fonctions intellectuelles globales, le comportement adaptatif, la communication et interactions sociales, le langage (expression, compréhension), mais la significativité clinique est limite pour la socialisation et absente pour l’autonomie de vie quotidienne. Ospina et al., à partir d’une méta-analyse sur les données de deux études (Hutchinson-Harris 2004, Smith 1997), montrent la supériorité d’une intervention de type Lovaas intensive par rapport à une intervention Lovaas non intensive en ce qui concerne le fonctionnement intellectuel, y compris d’un point de vue clinique. Mais Ospina et al. concluent aussi qu’il n’y a pas de preuves définitives affirmant la supériorité du programme Lovaas sur d’autres programmes globaux (DIR, TEACCH) puisque cette comparaison n’a jamais été menée expérimentalement. Pour les effets de la méthode d’apprentissage par « essai discret » appliquée à divers domaines spécifiques, voir plus bas dans la section « Interventions spécifiques » (§ 5.4). 2009 Eikeseth Dans la revue de Eikeseth (181), ont été sélectionnées les études (a) publiées dans une revue à comité de lecture ; (b) concernant des enfants d’une moyenne d’âge de 6 ans ou moins en début d’intervention ; (c) où l’intervention psycho-éducative est globale et cible les trois caractéristiques centrales de l’autisme : comportements sociaux, communication et comportements rituels/stéréotypés. La cotation des qualités méthodologiques est semblable à celle de la revue de *Rogers 2008. Sont cotés en niveau 1, du point de vue méthodologique, les études qui satisfont aux critères suivants : diagnostic d’après des normes internationales : CIM-10 ou DSM-IV (ou DSM-III selon la date). Le diagnostic doit avoir été posé par un clinicien indépendant de l’étude ou être fondé sur des outils bien étudiés incluant l’ADI-R (189), l’ADOS-G (190), ou la CARS (99) ; les enfants doivent être attribués au hasard dans les groupes traités et de contrôle ou de comparaison (randomisation) ; les mesures d’évaluation des enfants doivent porter sur le fonctionnement intellectuel et adaptif. Les outils d’évaluation doivent être normés et standardisés. Le QI doit être calculé à la fois à partir des capacités de langage/communication et des capacités visuo-spatiales ou de performances (incluant les tests de Wechsler, Bayley, StanfordŔ Binet, mais excluant le MerrillŔPalmer et les échelles internationales de performances de Leiter). Les évaluateurs doivent être indépendants de l’étude ou aveugles au statut des enfants vis-à-vis des groupes ; la fidélité des traitements doit être évaluée ou l’intervention doit être décrite dans un manuel de traitement. Le niveau 2 est attribué selon les mêmes critères que le niveau 1, à l’exception de la randomisation des enfants dans les groupes. Le niveau 3 est attribué si l’un des critères suivant est satisfait : le diagnostic (fondé sur la CIM-10 ou le DSM-IV) n’est pas posé par une personne indépendante de l’étude ou aveugle au statut des enfants vis-à-vis des groupes ; ou bien le diagnostic n’est pas fondé sur les outils adéquats (ADI-R, ADOS-G, ou CARS) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 105 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ou bien le diagnostic est indépendant ou aveugle mais non fondé sur la CIM-10 ou le DSM-IV (ou DSM-III), ou encore le système de diagnostic utilisé n’est pas spécifié ; l’étude est rétrospective, mais comporte un groupe de comparaison, ou il s’agit d’une étude de cas ou groupe uniques ; les évaluations des enfants avant et après intervention ne donnent pas de mesures du fonctionnement intellectuel et adaptatif, ou les mesures ne sont ni normées, ni standardisées ; la fidélité du traitement n’est pas évaluable ou le traitement n’est pas fondé sur un manuel. Le niveau « VSI » (valeur scientifique insuffisante) est attribué aux études avec un plan avant-après, mais sans groupe de comparaison (ou groupe contrôle), aux études rétrospectives sans groupe de comparaison, ou aux plans avant-après sans contrôle pour les cas ou groupes uniques. Une cote est donnée aux résultats : niveau 1 : les résultats rapportent des différences significatives entre groupes au QI complet et au fonctionnement adaptatif. Mais Eikeseth signale comme également souhaitables des résultats concernant l’empathie, la personnalité, les performances scolaires, la camaraderie et les changements de diagnostic ; niveau 2 : les résultats rapportent des différences significatives entre groupes soit sur le QI complet, soit le fonctionnement adaptatif ; niveau 3 : les résultats rapportent des différences significatives entre groupes soit sur l’âge de développement (ou l’âge mental), soit sur l’amélioration de mesures faites avec des outils ni normés, ni standardisés ; niveau 4 : les résultats ne rapportent que des différences avant-après intervention. Vingt-cinq études sont sélectionnées sur les critères méthodologiques : 20 avec intervention ABA, 3 avec intervention TEACCH et 2 interventions du Modèle de Denver (Colorado Health Sciences Model). Onze études ont été publiées depuis 2000. Les études, dont le nom est précédé d’un *, sont résumées ici (*Magiati 2007, *Mukkades 2004, *Eldevik 2006, *Sallows 2005, Smith et Buch 2000, Bibby 2002, Luiselli 2000, * Remington 2007, *Ozonoff 199838). Les auteurs de la revue proposent d’appliquer les critères de « bien établi » ou « probablement efficace » définis pour les interventions psychosociales par Chambliss et al. 1996. Selon ces critères, les effets des interventions ABA seraient considérés comme « bien établis », alors que les effets des interventions TEACCH et celle du Colorado Health Science Model (Denver Model) ne seraient considérés ni « bien établis », ni « probablement efficaces ». Noter qu’en ce qui concerne cette dernière intervention, l’étude de *Dawson 2010 n’était pas encore publiée. En ce qui concerne la question de la gradation des recommandations, les auteurs concluent : que les résultats conduisent à considérer comme un « paramètre recommandé » ; l’ABA, car efficace pour développer un fonctionnement global chez des enfants avec autisme d’âge préscolaire quand le traitement est intensif et mené par des thérapeutes bien entraînés. Cette conclusion s’appuie sur les 6 études de niveau 1 38 L’étude d’Ozonoff 1998, bien qu’antérieure à 2000, a été résumée ici en raison du peu d’études d’évaluation sur le programme TEACCH. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 106 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées et 2 (*Cohen 2006, *Eikeseth 2002 et 2007, *Howard 2005, *Remington 2007) et sur les 9 études de niveau 3, l’ABA, car efficace pour développer un fonctionnement global chez des enfants avec TED non spécifiés (*Smith 2000) ; et que les résultats conduisent à considérer l’ABA comme un « paramètre de guidage », car elle peut être efficace pour des enfants âgés jusqu’à 7 ans en début d’intervention (*Eikeseth 2002 et 2007). Les auteurs concluent qu’il est maintenant important d’identifier les composantes de l’ABA qui sont efficaces, et de découvrir les variables susceptibles d’interagir et de modifier les résultats comme certaines variables sociales (familiales, statut socio-économique), certaines variables comportementales, et/ou biologiques, toxicologiques, etc. La question cruciale est maintenant en effet de comprendre pourquoi une partie des enfants ne tire pas bénéfice de l’intervention. Les auteurs suggèrent également d’examiner les possibilités d’intervention sur des enfants plus âgés. 2009 Spreckley La revue de Spreckley et Boyd (179) extrait un ensemble de 64 études, dont ils retiennent 13 études sur les critères suivants : que l’essai soit randomisé et contrôlé ou quasi randomisé ou contrôlé ; que les participants aient un diagnostic d’autisme ou de TED ; que les interventions comportent une approche d’analyse comportementale intensive (ABI), ce qui implique une intervention directe sur le comportement de l’enfant, une formation et un entraînement des parents ainsi qu’un entretien et une consultation avec le personnel en charge au quotidien de l’enfant ; que l’intervention passe par les parents formés ou qu’elle soit donnée directement à l’enfant par des éducateurs spécialisés, des enseignants, des orthophonistes, des psychologues ou des étudiants en profession de santé ; que l’étude ait lieu au cours de la période préscolaire entre 18 mois et 6 ans ; qu’on y mesure les résultats sur les capacités cognitives, langagières et les comportements adaptatifs. Les études sont notées sur l’échelle empruntée à la Base de données de physiothérapie (Physiotherapy Evidence Database : PEDro) pour l’évaluation de la qualité méthodologique des essais (échelle de mesures qualitatives en 10 points). Deux auteurs évaluent les études. Dans ces études, ni les enfants, ni les thérapeutes, ni les enseignants ne peuvent être aveugles aux traitements, la note maximale est donc de 8 au lieu de 10. Les études obtenant un score de 6/8 et plus sont considérées comme ayant une validité suffisante pour faire l’objet d’une méta-analyse. Les 12 études ainsi sélectionnées sont les suivantes (les noms précédés d’un * sont ceux d’études résumées dans cet argumentaire) : Mc Eachin 1993, Koegel 1996, *Jocelyn 1998, Sheinkopf 1998, * Smith et Groen 2000, *Eikeseth 2002 et 2007, *Bernard-Opitz 2004, *Sallows 2005, *Howard 2005, *Cohen 2006, *Eldevik 2006, *Magiati 2007. Parmi ces 13 études (cf. les résumés), 3 seulement peuvent entrer dans une métaanalyse (*Smith et Groen 2000, *Eikeseth 2002 et 2007, *Sallows 2005). Ces 3 études sont des essais randomisés ou quasi randomisés, et disposent de données auxquelles on peut appliquer une méta-analyse. L’échantillon résultant du regroupement de ces études est de n = 76 (41 participants expérimentaux, 35 participants contrôles). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 107 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le résultat de ces comparaisons ne permet pas de conclure à la supériorité des effets dans le groupe expérimental par rapport au groupe contrôle dans aucun des domaines de mesure (QI, compréhension et production de langage, comportements adaptatifs). Les auteurs indiquent qu’il faut prendre ce résultat avec beaucoup de précaution. Parmi les arguments les plus évidents, il faut noter que l’étude de *Sallows 2005 comporte un groupe contrôle qui était censé représenter une intervention ABI moins intensive que celle du groupe expérimental. Mais les familles contrôles se sont assurées la participation de thérapeutes qui ont réalisé 32 heures/semaine d’intervention ABI (vs 39 heures/semaine pour le groupe expérimental). Le groupe contrôle est donc très semblable du point de vue de l’intensité du traitement au groupe expérimental : les résultats ne diffèrent pas entre les deux groupes, les moyennes des scores sont très proches, et lorsque les deux groupes contrôle et expérimental sont fusionnés, les progrès avant-après sont très significatifs (cf. le détail dans le résumé de cette étude). Le poids de cette étude dans les résultats dans cette métaanalyse qui ne comporte que deux autres études est considérable (l’étude d’*Eikeseth 2007 est la suite de l’étude d’*Eikeseth 2002 avec les mêmes enfants, 4 ans après le début de l’intervention). Cette donnée est suffisante pour expliquer l’absence d’effet du traitement par rapport à la condition contrôle dans la méta-analyse. En conséquence, la conclusion de cette méta analyse ne peut être retenue. 2009 Howlin En 2009, Howlin et al. (180) passent en revue les études contrôlées, publiées dans des revues avec comité de lecture, entre 1985 et 2007. Sont retenues les études avec un groupe contrôle ou de comparaison, portant sur une intervention comportementale ABA ou proche de ce modèle de façon générale (ICPI : Early Intensive Behavioral Intervention), faite à domicile ou dans un centre, avec un minimum de 17 heures/semaine d’intervention comportementale intensive, d’une durée de 12 mois au moins comportant un minimum de 10 participants dans le groupe avec l’intervention étudiée, dont l’âge est 6 ans ou moins en début d’intervention, disposant de données sur le QI ou autre mesure standardisée permettant de calculer les gains. Onze études sur 641 sont retenues : seul *Smith et Groen 2000 (191) est un essai randomisé. Les 10 autres études retenues sont : celle de Lovaas 1987, McEachin 1993 ; Smith 1997, Sheinkopf 1998 ; *Cohen 2006 ; *Eikeseth 2002 et 2007, *Eldevik 2006, *Howard 2005, *Magiati 2007, *Remington 2007, *Sallows 2005. Les études marquées d’un * sont résumées dans cet argumentaire, et ont aussi été retenues dans la revue systématique de *Reichow 2009. Howlin et al. soulignent la faiblesse méthodologique de nombreuses d’études et la difficulté de pouvoir les comparer les unes aux autres, quand les outils de mesure avec lesquels les changements avant-après sont mesurés ne sont pas les mêmes. Howlin et al. donnent, comme exemple, la variable pour laquelle les résultats ont un caractère systématique d’une étude à l’autre comme le QI. Ils signalent que le QI est évalué par des tests différents à la fois entre études, mais parfois à l’intérieur d’une même étude. Or à l’intérieur d’une même étude, le fait que le test d’évaluation de développement sensori-moteur-perceptif-cognitif ne soit pas le même avant et après intervention lorsque les enfants entrent en intervention entre 20 et 40 mois et en sortent après 36 mois est une nécessité : les tâches ou les questions qui sont proposées à un enfant d’âge typique entre 1 mois et 3 ans ou à un enfant préverbal ne peuvent pas être les mêmes que celles proposées à un enfant d’âge typique au-delà de 36 mois. Évaluer un enfant par rapport au développement typique implique d’avoir recours aux tests utilisés pour les enfants typiques. À l’intérieur d’une étude, le passage d’un test à l’autre entre le début et la fin de l’intervention n’est pas un inconvénient, tant que les groupes contrôle et expérimental sont comparables et que les outils de mesure utilisés sont identiques pour les deux groupes. Ainsi, les auteurs précisent qu’aucune des meilleures études contrôlées de leur revue ne rencontre les critères les plus rigoureux d’évaluation de la qualité des études d’intervention. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 108 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Toutefois, les auteurs formulent l’avis 1) qu’une intervention de type ICPI est en général clairement efficace en termes de QI, de comportements adaptatifs (VABS) et de compréhension du langage pour une partie, mais pas pour tous les enfants relevant du spectre autistique ; 2) lorsqu’il y a amélioration en QI, le gain est maximal au cours des 12 mois suivant le début de l’intervention. Le taux d’amélioration du QI les années d’intervention suivantes n’est pas négligeable, mais il est plus faible et ne concerne pas tous les enfants (il y a une grande variabilité de réponse au traitement). Concernant le repérage de facteurs prédictifs potentiels (niveau initial de l’âge, du QI, ou du langage, par exemple) pouvant influencer les niveaux de résultats des variables cibles, les auteurs précisent qu’il n’est pas possible de dessiner des conclusions solides au regard de la variabilité des critères et des outils retenus d’une étude à l’autre, de la faiblesse des effectifs et des résultats parfois contradictoires. Cependant, sept études explorent la question des prédicteurs : 4 d’entre elles trouvent que plus le QI initial est élevé plus le gain est grand. Dans aucune des 7 études, l’âge en début d’intervention n’est corrélé avec les gains. Les auteurs de cette revue considèrent que si elle a permis de conclure à l’efficacité des interventions ICPI, elle n’a pas permis de préciser la durée optimale d’intervention, l’âge précis le plus pertinent pour commencer l’intervention, ni d’affirmer que l’ICPI est plus efficace qu’une autre thérapie alternative (les groupes contrôle pratiquent des interventions alternatives de plus basse intensité, et/ou de moindre qualité que l’ICPI du bras expérimental et non une autre intervention). 2009 Reichow La revue de Reichow et Wolery (163) est publiée un peu plus tard que la revue de Howlin et al. (180). Les auteurs retiennent 13 études sur les critères suivants : l’intervention ICPI globale est explicitement fondée sur le modèle de Lovaas et l’un des manuels de ce dernier ; les participants ont reçu un diagnostic d’autisme ou de troubles du spectre de l’autisme ou de TED ou de TED non spécifié ; l’âge moyen des groupes recevant l’intervention ICPI doit être inférieur à 84 mois en début d’intervention ; la durée d’intervention doit être égale ou supérieure à 12 mois ; des résultats sur au moins une mesure doivent être rapportés ; le plan de comparaison doit être expérimental ou quasi expérimental ; l’étude doit être publiée en anglais dans un journal à comité de lecture. Sur ces 13 études sélectionnées, 3 sont considérées comme méthodologiquement fortes (*Smith et Groen 2000,*Sallows 2005, *Cohen 2006) ; 5 comme méthodologiquement adéquates (Lovaas 1987, Smith 1997, *Eldevik 2006, *Eikeseth 2007, *Magiati 2007) et 5 comme méthodologiquement faibles (Anderson 1987 ; Birnbrauer 1993 ; Sheinkopf 1998 ; Bibby 2001, Boyd 2001). Les études marquées d’un * sont résumées dans cet argumentaire. Elles sont également sélectionnées par la revue systématique de *Howlin 2009. Au total, 77 % des participants des bras expérimentaux présentent une diminution de la sévérité de l’autisme en fin d’intervention. Pour les 23 % de participants complémentaires (3 études/13), aucune information n’est disponible. Aucun participant ne reste dans sa catégorie d’origine ou ne présente d’aggravation de la sévérité de son autisme. Les tailles de l’effet concernant la différence entre les groupes expérimentaux et contrôles ont été calculées pour chacune des études qui donnaient les informations nécessaires (l’étude de *Sallows 2005 n’est pas comptabilisée ici, en raison d’un problème qui est expliqué dans le résumé de cette étude). L’indice de taille d’effet montre que les enfants qui reçoivent l’intervention comportementale intensive ont des gains plus importants que les enfants qui reçoivent moins d’intervention comportementale ou une intervention éclectique ou encore une intervention d’éducation spécialisée classique. Ces effets sont forts. Les auteurs rappellent cependant que l’absence de randomisation et le fait que les groupes de HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 109 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées comparaison ne sont pas parfaitement appariés, limitent les conclusions sur la supériorité des interventions ICPI. Deux des études comparent les intensités de traitement (Lovaas 1987 et Smith 1997). Pour le QI, la taille de l’effet entre traitement plus intensif et traitement moins intensif est de g = 0,96, et 1,19 respectivement pour l’étude de Lovaas et celle de Smith, ce qui montre un effet très important en faveur d’une intensité plus élevée. Malheureusement, ni les données sur le langage, ni celles sur les comportements adaptatifs ne sont disponibles. Six des études comparent l’ICPI avec un autre traitement (éclectique, prise en charge classique). La taille des effets pour le QI dans les comparaisons entre groupes est, ici encore, clairement en faveur des ICPI. Dans cinq de ces 6 études, les comportements adaptatifs sont mesurés. Dans 4 des 5 études, la taille des effets montre clairement un gain en comportement adaptatif bien supérieur dans les interventions ICPI par rapport aux interventions contrôles. Toutefois, dans une étude, les gains des deux interventions sont équivalents. Quatre études disposent de données sur le langage, qui montrent que le gain est plus important dans les groupes ICPI que dans les groupes contrôles pour les versants compréhension et production du langage. Dans deux études, l’organisation d’une intervention ICPI par un centre spécialisé est comparée à l’organisation de ce même type d’intervention par les parents. Dans l’étude de Smith et al. (191), l’organisation de l’intervention par un centre clinique est plus efficace pour les gains en QI, l’expression et la production du langage. En revanche, le résultat est inverse dans l’étude de *Sallows 2005. En ce qui concerne les comportements adaptatifs, les deux études ne révèlent qu’une différence minime entre intervention organisée par les parents et intervention organisée par un centre. Une méta-analyse portant sur le gain en QI des groupes expérimentaux entre début et fin d’intervention dans 12 des études donne une taille d’effet significative de 0,69, ce qui représente un effet très important, qui indique que les interventions ICPI augmentent de façon efficace le QI. Le pourcentage d’enfants des groupes ICPI entrant à l’école ou passant dans une classe supérieure au cours préparatoire (CP), dans ces 12 études, va de 23 % à 100 % ; 140 enfants sur 217 (65 %) sont scolarisés en milieu ordinaire, et 35 % sont scolarisés dans un centre d’éducation spécialisée ou dans un autre cadre. Reichow et Wolery critiquent les groupes contrôles pour lesquels on ne connaît jamais exactement, ni les interventions, ni leur intensité de traitement, ni la logique de l’organisation des traitements. Ceci limite la possibilité d’utiliser la différence entre les deux groupes (intervention vs contrôle) pour évaluer exactement la supériorité de l’efficacité d’une intervention ICPI par rapport à une autre intervention, mais cela ne remet pas en cause la conclusion qu’un traitement intensif et cohérent est plus efficace (gain supérieur, pour plus d’enfants et pour plus de mesures) qu’un traitement moins intensif ou encore un traitement aussi intensif mais plus éclectique. En conclusion, chez les enfants qui ont reçu une intervention ICPI, la sévérité de l’autisme diminue et le gain en QI est important en points comme en nombre d’enfants. De plus, les enfants ayant reçu l’intervention ICPI présentent significativement plus de gains que ceux qui ont reçu une intervention moins intensive ou des interventions intensives mais éclectiques, ou le traitement classique. Ces gains concernent le QI, le langage (versants compréhension et production) et, dans une mesure plus partielle les comportements adaptatifs. Mais il faut noter que dans toutes les études, au moins un enfant n’a présenté aucune amélioration ou même a régressé. Reichow et Wolery suggèrent qu’une surveillance des progrès soit HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 110 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées réalisée au cours des interventions, afin de détecter le plus rapidement possible les enfants qui ne présentent pas de progrès en vue d’une modification de l’intervention. 2009 Eldevik Eldevik et al. (164) procèdent à une méta-analyse à la suite de la revue de Reichow et Wolery ci-dessus, afin de la répliquer et de l’étendre à d’autres études. Les critères d’inclusion des études impliquent 1) des interventions comportementales telles que définies par Green et al. (192) donc un peu moins strictement liées au modèle de Lovaas ; 2) un âge de 2 à 7 ans en début d’intervention ; 3) un diagnostic d’autisme ou TED non spécifié posé indépendamment de l’étude ; 4) un test d’intelligence complet et/ou une mesure standardisée de comportements adaptatifs avant et après intervention ; 5) une durée d’intervention de 12 à 36 mois ; 6) les études de cas ou de séries de cas sont exclues ; 7) les résultats sont publiés dans une revue avec comité de lecture ; 8) l’étude comporte un groupe contrôle ou de comparaison (un groupe de comparaison est un groupe contrôle, où les enfants ont reçu une intervention autre que ICPI avec un rapport thérapeute/enfant de 1 : 1 d’intensité semblable au groupe ICPI. Lorsque l’intervention est beaucoup moins intensive que dans le groupe ICPI ou peu spécifique, le groupe est classé « contrôle »). Neuf études sont extraites correspondant à ces critères : Lovaas 1987, Birnbrauer 1993, Smith 1997, *Smith et Groen 2000, *Remington 2007 ; *Howard 2005 qui comporte deux groupes de contrôle et comparaison, *Cohen 2006, *Eldevik 2009, *Eikeseth 2002. Les études précédées d’un * sont résumées dans cet argumentaire. Les auteurs de la revue ont demandé aux auteurs des études la communication des chiffres correspondant aux mesures individuelles de QI et de comportements adaptatifs (VABS). Les scores composites individuels des comportements adaptatifs du VABS étaient disponibles, en revanche les scores individuels par domaine ne l’étaient pas. Le nombre de participants dans le groupe expérimental total est de 297 à 153 (selon les mesures disponibles), de 105 dans le groupe contrôle et de 39 dans le groupe de comparaison. Les 9 études se révèlent homogènes sur les mesures de QI et le score composite de VABS, avec une proportion faible de variance attribuable aux différences entre études (pour le QI, I2 = 10,66 ; pour le score composite VABS : I2 = 17,65). La taille de l’effet moyen concernant la différence entre les groupes dans les changements avant-après est de 1,10 pour le QI, ce qui est considérable. Reichow et Wolery trouvaient un effet de 0,69 (163). Pour les scores composites de comportements adaptatifs, la taille de l’effet de différence (entre groupes) de changement (avant-après) est de 0,66, ce qui est plus modéré, mais néanmoins significativement en faveur du traitement ICPI. Les mêmes indices calculés en n’incluant qu’une seule comparaison pour l’étude de *Howard 2005 qui figuraient deux fois en raison de deux groupes de contrôle de comparaison, donnent aussi des résultats significatifs pour le QI, avec une taille d’effet de 1,05 et pour le score composite de comportements adaptatifs (0,61). En résumé, cette méta-analyse débouche sur les mêmes conclusions que d’autres revues : l’intervention ICPI engendre des tailles de l’effet importantes ou modérées sur le QI et sur les comportements adaptatifs par rapport aux interventions éclectiques ou très peu intensives. Ceci n’exclut pas de découvrir d’autres interventions efficaces. 2010 Eldevik Eldevik et al. (182) procèdent à une revue des évaluations d’interventions comportementales afin (i) d’examiner combien d’enfants ont changé de QI et de comportement adaptatif de façon fiable après deux ans d’intervention globale intensive comportementale, (ii) de dégager des prédicteurs de succès pour les interventions intensives comportementales. Les études sélectionnées (publiées jusqu’en 2008) comportent des groupes avec intervention globale HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 111 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées intensive, des groupes avec intervention différente et des groupes contrôles (liste d’attente). Les études sont retenues si elles satisfont des critères rigoureux concernant les interventions comportementales évaluées, les participants, les intervenants, la durée, les tests et la méthodologie de l’évaluation. Les critères comprennent ceux utilisés par les mêmes auteurs dans leur méta-analyse précédente (164) (cf. ci-dessus). La plupart de ces interventions ont débuté entre 3 et 4 ans. Les auteurs des études retenues ont fourni les données brutes individuelles nécessaires aux calculs quand cela était possible. Il manque néanmoins quelques données, ou bien des enfants se sont retrouvés inclus dans deux études par des auteurs différents ; ces aléas expliquent que le nombre de participants ne soit pas toujours exactement le même dans tous les calculs. Les études retenues concernent 6 études publiées avant 2000 (Lovaas 1987 ; Smith 1997 ; Birnbrauer 1983 ; Birnbrauer 1993 ; Anderson 1987, Weiss 1999) et 10 études publiées à partir de 2000 (sont marquées d’un astérisque* celles qui sont résumées dans cet argumentaire) : Harris 2000, *Smith et Groen 2000, *Sallows 2005, *Howard 2005, *Eikeseth 2002 et 2007, *Cohen 2006, *Ben-Itzchak 2007, *Eldevik 2006, *Remington 2007 et *Hayward 2009. Les études retenues concernant 453 participants, dont 309, ont reçu une intervention globale comportementale intensive (groupes expérimentaux), 105 font partie d’un groupe contrôle, 39 ont reçu une intervention différente de l’intervention globale comportementale intensive (groupes de comparaison). Avant intervention, les QI ne diffèrent pas significativement entre ces trois ensembles. En revanche, les enfants des groupes de comparaison sont en début d’intervention plus âgés que ceux des deux autres ensembles. Les scores composites VABS sont plus élevés chez les enfants contrôles que dans les 2 autres ensembles. La distribution de types d’autisme est analogue dans les trois ensembles, et correspond à la distribution générale en termes d’autisme et de TED non spécifiés. Tableau 6. Nombre de participants disponibles et caractéristiques de la population totale de l’étude et de chaque groupe de participants. Âge Intelligence Groupe N Moy. Éc Type Étendue Intensif comportemental (n = 309) 278 38,0 11,4 Contrôle (n = 309) 95 36,5 Gr Comparaison (n = 39) 39 Total (n = 453) 412 Comportement adaptatif N Moy. Ec Type Étendue N Moy. Éc Type Étendue 16Ŕ84 286 55,6 18,2 17Ŕ120 252 60,3 10,9 26Ŕ95 7,1 18Ŕ72 105 54,8 17,1 19Ŕ97 73 65,0 11,6 45Ŕ113 47,6 15,9 21Ŕ84 39 47,6 15,9 21Ŕ84 39 61,2 13,7 37Ŕ96 38,5 11,5 16Ŕ84 430 55,3 17,7 17Ŕ120 362 61,3 11,5 26Ŕ113 N : nombre d’enfants ; Moy. : moyenne ; Ec : écart. L’augmentation du score, entre le début et la fin de l’intervention, nécessaire pour être considérée comme fiable est de 27 pour le QI et de 21 pour le score composite du VABS. Ces valeurs sont établies en considérant les valeurs de changements de QI et de score composite VABS chez les participants des groupes contrôles (sans intervention spécifique identifiée comme telle), puis en déterminant sur l’ensemble des groupes la valeur au seuil de 0,05. Les valeurs sont relativement sévères, dans la mesure où les groupes contrôles (souvent en liste d’attente) ne sont pas dépourvus d’aide ou d’interventions éclectiques. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 112 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Au total, 29,8 % (83/279) des participants des groupes avec intervention comportementale intensive présentent une augmentation du QI supérieure ou égale à 27. Au total, 20,6 % (51/248) présentent une augmentation du score composite VABS supérieure ou égale à 21. Chez les enfants des groupes contrôles, 8,7 % (9/104) présentent une augmentation de QI satisfaisant le critère ; 5,1 % (4/70) présentent une augmentation au VABS supérieure ou égale à 21. Chez les enfants des groupes de comparaison, 2,6 % (1/39) atteignent la valeur seuil pour le QI, et 5,7 % (2/39) atteignent la valeur seuil du score composite du VABS. La proportion d’enfants atteignant la valeur seuil est significativement supérieure dans le groupe avec intervention comportementale intensive que dans les deux autres groupes, en ce qui concerne le QI comme le VABS. L’ensemble des participants des groupes contrôle et des groupes comparaison ne diffère pas entre eux. Les participants des groupes contrôles et des groupes de comparaisons sont regroupés pour calculer la réduction absolue du risque (ARR, absolute risk reduction) et le nombre de sujets nécessaires à traiter (NNT, number needed to treat). Le NNT, pour atteindre une valeur de changement fiable, est de 5 pour le QI, avec une réduction absolue de risque de 23 % en faveur de l’intervention intensive comportementale. Pour le VABS, le NNT est de 7 avec une réduction absolue de risque de 16 % en faveur de l’intervention intensive comportementale. Prédicteurs : les analyses montrent que l’intervention comportementale intensive est la seule variable qui prédise de façon indépendante et positivement les gains en QI et en VABS. Par ailleurs, le score composite VABS avant intervention et le QI avant intervention prédisent les gains en VABS : plus le score VABS est faible avant intervention et plus le gain en VABS est élevé à la fin des deux années d’intervention. Plus le QI est élevé avant intervention, plus le gain en VABS est élevé après deux ans d’intervention. Les résultats de cette analyse sont en accord avec les autres données montrant que l’intensité de l’intervention et les capacités des enfants avant intervention sont de bons prédicteurs Il faut noter que le NNT et le ARR calculés sur les données de tous les participants fournissent une taille des effets du traitement intensif comportemental plus important que celle calculée sur chacune des études prises séparément. Séparément, ces études présentent des indices extrêmement variables. Par exemple, l’étude de Lovaas 1987 donne un NNT de 3 avec un AAR de 42 %, l’étude de *Smith et Groen 2000 donne un NNT de 4 avec un AAR de 26,6 % ; l’étude de *Remington 2007 un NNT de 26 avec un AAR de 3,9 %. Cette variabilité est en partie liée à la sensibilité des indices calculés lorsque le nombre de participants est petit. Mais les valeurs de NNT et d’ARR de la présente étude sont semblables à celles obtenues pour les traitements psychologiques et médicamenteux de la dépression majeure, des troubles obsessionnels compulsifs et de la boulimie. 2010 Virués-Ortega Virués-Ortega (183) procède à une revue des études d’évaluation d’interventions comportementale dites ABA. Cette revue est destinée à réaliser une méta-analyse concernant les publications de janvier 1985 à avril 2009, sans restriction de langue. Les critères bibliographiques et les critères de sélection des études sont rigoureux. L’échantillon final d’étude compte 22 études finalement. Toutes les études retenues publiées après 2000 sont résumées dans le présent chapitre, sauf une étude argentine publiée en espagnol. Le nombre de participants total des groupes d’intervention est de 323 enfants âgés de 22,6 mois à 66,3 mois. Quinze des 22 études concernent exclusivement des enfants avec diagnostic d’autisme ; 7 études comportent aussi des enfants avec diagnostic de TED non spécifié. Treize études ont suivi le modèle de l’UCLA (Lovaas et Lovaas modifié) et 9 études utilisent un modèle d’intervention décrit comme un ABA général. La durée moyenne d’intervention était de 48 à 407 semaines (près d’1 an à plus de 7 ans), avec une intensité d’intervention de 12 à 45 heures/semaine. Les groupes contrôles reçoivent des interventions HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 113 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées éclectiques, ou TEACCH, ou une éducation spécialisée, ou une intervention ABA de faible intensité (< 10 heures/semaine), ou « rien » ; une étude, *Remington 2007 comporte un groupe contrôle d’enfants typiques. La force des gains en QI a pu être évalué dans 18 études, en QI non verbal dans 9 études, en compréhension de langage dans 10 études, en production de langage dans 9 études, en langage composé dans 5 études, en comportement adaptatif Ŕ communication dans 10 études, comportement adaptatif-vie quotidienne dans 10 études, comportement adaptatifsocialisation dans 10 études, comportement adaptatif-habiletés motrices dans 3 études, score composite des comportements adaptatif (VABS) dans 14 études. Résultats : les résultats des différentes procédures de méta-analyses montrent la supériorité des effets de gains des interventions intensives comportementales type ABA. Les gains sont de taille statistiquement moyenne à forte pour le QI, le QI non verbal, la compréhension et la production du langage, les 4 domaines de comportement adaptatif (communication, vie quotidienne, socialisation et habiletés motrices) et le score composite du VABS. Il faut remarquer cependant que les effets pour le QI, la compréhension et la production du langage et la communication sont clairement plus importants que pour le QI non verbal, le fonctionnement social et les habiletés de vie quotidienne. Ces résultats correspondent bien au fait que nombre d’interventions ABA contemporaines consacrent plus de temps au langage et à la communication. 2010 Kasari La revue de Kasari et Lawton (178) sélectionne les études parues de janvier 2008 à novembre 2009 dans des revues avec comité de lecture. Les études retenues concernent des enfants avec diagnostic de troubles du spectre de l’autisme sans troubles développementaux autres (tels que trisomie 21, cécité ou déficit d’attention et hyperactivité). Les interventions sont comportementales et s’adressent à toutes les caractéristiques des déficits autistiques. Les interventions ne ciblant que les déficits scolaires ou les comportements à problème sont écartées. Les opinions, les papiers théoriques, les revues de questions, les livres et chapitres de livres et les articles dans une autre langue que l’anglais ont été écartés. 68 études ont ainsi été extraites. Celles concernant les interventions spécifiques sur les comportements sociaux, la communication et le langage, ou les comportements répétitifs et la régulation des émotions seront relatées plus loin à la suite des interventions portant spécifiquement sur chacun de ces domaines (cf. § 5.4). Les 6 études d’intervention globale sélectionnées par les auteurs sont celles de Anan 2008 qui ne comporte pas de groupe contrôle, *Ben Itzchak, *Perry 2008, *Panerai 2009, *Rickards 2009 et *Dawson 2010 qui a reçu de l’Evaluative Method for Determining EBP in Autism (193), le rang de « Fort ». Les études marquées d’un * sont résumées ici. Toutes concernent tous les domaines de développement de l’enfant d’âge préscolaire à l’exception d’une qui concerne l’enfant d’âge scolaire (*Panerai 2009). Il est difficile de tirer une conclusion commune à toutes ces études en raison de leurs caractéristiques différentes. Si un minimum de 20 heures/semaine est pratiqué par toutes les interventions globales, on ignore si ces interventions étaient semblables entre elles car peu utilisaient un manuel. Il est de plus difficile de comparer des interventions qui ne sont pas conduites par des agents équivalents (parent, thérapeute), ni dans les mêmes conditions (1 :1, groupe, domicile, centre). Il existe aussi des limitations à la portée de ces études (4 ne sont pas randomisées, la dose exacte de la durée et de l’intensité n’est pas parfaitement contrôlée d’un participant à l’autre à l’intérieur d’une même étude). Malgré ces différences, on peut conclure que : HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 114 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées un moindre déficit cognitif et/ou en langage est associé à un gain important en QI Ŕ jusqu’à 20 points sur un an. Ce point correspond aux conclusions déjà publiées dans d’autres études sur des interventions globales ; certains facteurs peuvent diminuer l’efficacité des interventions globales dans leur capacité à améliorer la cognition et/ou les performances adaptatives : une durée plus courte de traitement, des traitements moins intenses (tels que ceux qui se centrent sur l’entraînement des parents à contrôler les comportements) et un niveau cognitif et/ou de langage chez l’enfant plus déficitaire. L’étude de *Dawson 2010 est considérée comme particulièrement robuste méthodologiquement et intéressante, car elle montre que de très jeunes enfants peuvent accroître de façon importante leur capacité cognitive et d’adaptation comportementale, améliorer leur diagnostic d’autisme grâce à une intervention globale qui inclut des stratégies développementales et l’implication des familles. 2011 Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ) Cette revue de littérature concerne les enfants de 2 à 12 ans, relevant du spectre de l’autisme (c’est-à-dire autisme, syndrome d’Asperger, TED et TED non spécifié), ainsi qu’aux enfants à risque âgés de moins de 2 ans (184). Les auteurs examinent les interventions comportementales, éducatives, médicales et d’autres disciplines (orthophonie, ergothérapie, psychomotricité, intégration auditive et sensorielle, musicothérapie, thérapies du langage telles que le PECS), et de médecine alternative (acupuncture et massage). Les critères bibliographiques sont clairement exposés. Sont exclus : les études qui ne sont pas publiées en anglais, n’apportent pas d’information pertinente pour les questions posées, sont publiées avant 2000 (époque de la publication du DSM-IV, de la vulgarisation internationale des outils gold standard d’évaluation (ADOS et ADI-R)), les études dont ce n’est pas la publication originale ou qui ne donnent pas de résultats sur les groupes, mais seulement par individu ou des résultats graphiques seulement. De plus, pour les études comportementales, éducatives, disciplines alliées et médecine alternatives ou complémentaires, sont exclues les études avec moins de 10 participants ; pour les études médicales, celles avec moins de 30 participants sont exclues. Tous les plans expérimentaux sont acceptés sauf les études de cas unique. La qualité de chaque étude est évaluée, selon 30 critères dont certains sont spécifiquement définis pour les études concernant les enfants avec autisme par deux experts indépendamment, puis par discussion, et consensus avec l’équipe entière des experts. Trois catégories de qualité sont utilisées : bonne, correct, pauvre. La force de preuve des effets de chaque étude (le niveau de confiance dans la stabilité ou reproductibilité de l’effet) est évaluée en quatre graduations : insuffisante, faible, modérée, élevée. En ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité : quand 3 études classée « correctes » sont en faveur d’un résultat, celui-ci est considéré comme « faiblement établi » ; lorsqu’une étude classée « bonne » est en faveur d’un résultat, ce dernier est considéré comme « modérément établi) » ; « lorsque deux études classées « bonne » sont en faveur d’un résultat, celui-ci est considéré « fortement établi ». Au total, 4 120 articles ont été identifiés, dont 3 406 ont été exclus. Sept cent quatorze articles ont été expertisés intégralement par deux personnes, dont 531 ont été exclus (pour des raisons d’âge des participants et/ou résultats indirectement rapportés et/ou études méthodologiquement exclues et/ou non pertinentes et/ou sans données). Cent quatre-vingttrois articles (portant sur 159 études) ont été retenus et analysés (incluant ceux sur les médicaments). L’expertise sur les études d’interventions spécifiques sont rapportées dans les sections sur les interventions spécifiques correspondantes : interventions prosociales, celles sur jeu ou les interactions entre enfants et parents et visant à modifier l’imitation, l’attention conjointe, la capacité au jeu symbolique, celles ciblant la communication et le langage (« thérapies du langage » [par ex. : PECS Ŕ Picture Exchange Communication System]), celles ciblant les HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 115 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées comportements fréquemment associés à l’autisme et essayant d’améliorer des symptômes comme l’anxiété, celles visant à modifier l’intégration auditive et sensorielle, les interventions par musicothérapie. L’expertise sur les interventions comportementales et développementales globales et sur les interventions éducatives sont rapportées ci-dessous. 1- Interventions comportementales et développementales intensives Trente-cinq études ont été retenues : 6 essais randomisés et 5 études contrôlées non randomisées, 5 études prospectives et 3 études rétrospectives de cohortes, 11 études prospectives et 6 rétrospectives de série de cas Les interventions comportent celles de type ABA, l’intervention de l’université de Californie/Lovaas et le Early Start Denver Model (ESDM), d’autres sortes d’interventions intensives utilisant les principes de l’ABA sur le modèle de l’UCLA/Lovaas, avec ou sans variantes par rapport à ce modèle, y compris les interventions intensives par réponses pivots enseignées aux parents. Les interventions précoces comportementales et développementales intensives ont toutes pour but d’enseigner, en utilisant des renforcements, de nouvelles capacités à l’enfant, à promouvoir la généralisation de ces capacités et réduire les comportements problèmes. Trente-quatre études sont identifiées (les noms précédés d’un astérisque*, sont résumés dans le présent argumentaire). Concernant l’intervention Early Start Denver model (ESDM), un essai randomisé est qualifié de méthodologiquement « bon » (*Dawson 2010), une série prospective de cas compare la formation et la supervision des tuteurs à distance à la formation des tuteurs sur place, et conclut que la formation à distance, avec cependant un atelier de formation, est possible (*Vismara 2009). L’intervention ESDM montre des gains cognitifs, en langage, sur les deux années d’intervention chez de jeunes enfants. Mais cette étude n’est pas encore reproduite, et les changements de signes d’autisme ne sont pas clairs dans cette étude. La force des preuves que cette intervention modifie les capacités cognitives, le langage et les comportements adaptatifs est actuellement insuffisante. Concernant les interventions type UCLA/Lovaas, 7 études sont qualifiées de méthodologiquement « correctes », dont 6 sont résumées dans cet argumentaire (*Smith et Groen 2000, *Cohen 2006, *Zachor 2007, *Howard 2005, *Eikeseth 2002, *Hayward 2009) et un essai contrôlé non résumé dans le présent argumentaire en raison du manque de clarté des interventions utilisées dans l’un des groupes (Reed 2007). Quatre études sont qualifiées de « faibles » (*Remington 2007, *Ben-Itzchak 2009, *Eldevik 2006, Farrell 2005), cette dernière n’est pas résumée dans le présent argumentaire en raison du fait que le groupe ABA et le groupe Lancashire Under Fives Autism Project (LUFAP) ont moins de 10 participants et que l’étude présente plusieurs biais au départ non corrigés statistiquement. Six études sont des études prospectives de série de cas (*Ben Itzchak 2008, *Beglinger 2005 ainsi que Ben Itzchak 2007, Gabriels 2001, Harris 2000, Arick 2003 qui sont 4 études ciblant plutôt la question des prédicteurs). Sept études sont des études rétrospectives de séries de cas, dont nous n’avons résumé dans le présent argumentaire que les trois qui étaient le plus fréquemment retenues à travers les différentes revues de littérature (*Luiselli 2000, *Perry 2008, *Bibby 2001, Bibby 2002, Boyd 2001, Mudford 2001, Dillenburger 2004, Granpeesheh 2009). L’ensemble des résultats des études d’intervention type UCLA/Lovaas montre que de jeunes enfants recevant une intervention au rythme supérieur à 30 heures/semaines pendant 1 à 3 ans par des intervenants bien entraînés présentent des progrès dans le domaine cognitif, du langage et du fonctionnement adaptatif. Les caractéristiques des sous-groupes d’enfants qui tirent un bénéfice de ces interventions sont mal définies. La force des preuves, montrant que les interventions UCLA/Lovaas modifient les capacités cognitives, éducatives, de langage, les comportements adaptatifs et la sévérité des symptômes du spectre de l’autisme, est jugée faible. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 116 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En ce qui concerne les études sur l’effet de l’entraînement intensif des parents, trois essais contrôlés sont qualifiés de « bons » : *Aldred 2004, résumé dans la section sur les interventions spécifiques en compétences sociales ; *Drew 2002, résumé dans la section sur les interventions spécifique d’attention conjointe ; *Green 2010, résumé dans la section sur les interventions par les parents ; un essai est qualifié de pauvre : Stahmer et Gist 2001. Par ailleurs, 3 études prospectives de série de cas sont citées, *Anan 2008, décrite ci-dessous ainsi que Baker-Ericzen 2007 et Keen 2007. Il existe des données montrant des gains à court terme en langage, socialisation et capacités adaptatives chez des enfants dont les parents ont reçu un entraînement dans ces domaines, mais les interventions varient d’une étude à l’autre et en comportements étudiés. Les études n’ont pas encore de preuves d’amélioration à long terme dans aucun des entraînements spécifiques. La force des preuves montrant que ces interventions modifient les symptômes de la triade autistique de l’autisme est insuffisante. Enfin, les auteurs rappellent que plusieurs études d’intervention sur des enfants très jeunes avec risque d’autisme se sont montrées prometteuses : *Dawson 2010,*Vismara 2009, *McConachie 2005 et Wetherby 2006 qui constituait une étude pilote dans le cadre du projet Early Social Interaction Project for Children with Autism Spectrum Disorders. L’étude de Dawson en particulier, un essai randomisé de qualité méthodologique « bonne », montre des gains liés au traitement chez les jeunes enfants en comportement adaptatif, langage et compétences cognitives ainsi qu’une amélioration du diagnostic (qui reste un diagnostic de TED) chez 30 % des enfants. Les auteurs insistent sur l’urgence et la nécessité d’études supplémentaires sur cette population très jeune. En conclusion : 78 études montrent que les interventions comportementales et développementales intensives peuvent améliorer les symptômes de la triade autistique de l’autisme (core areas) des enfants relevant du spectre de l’autisme ; cependant peu d’études sont des essais randomisés et aucune étude ne compare les effets de différentes approches. Les études sur les interventions du type UCLA/Lovaas (et l’étude Early Start Denver Model) montrent plus de gains en performances cognitives, langage, comportements adaptatifs que les traitements éclectiques communément disponibles. Il faut néanmoins moduler ces avis en soulignant plusieurs points. Plusieurs études d’intervention, type Lovaas et celle d’Early Start Denver Model, montrent des gains après intervention auprès d’enfants d’âge préscolaire ou jusqu’à 6Ŕ7 ans ; le plus souvent ces gains concernent les capacités cognitives et éducatives et un peu moins systématiquement les comportements adaptatifs, sociaux et les comportements problèmes. Même les enfants, qui ont les gains les plus importants en capacités cognitives, peuvent encore présenter un fonctionnement adaptatif, social et comportemental perturbés. Compte tenu de ce fait et de l’absence d’observations à suffisamment long terme, il est difficile de conclure sur la possibilité que les changements liés aux interventions modifient le fonctionnement à long terme, et établissent une indépendance adaptative chez l’enfant/adolescent appropriée au niveau de développement. Par ailleurs, on ne sait pas aujourd’hui comment caractériser la sous-population d’enfants qui sont sensibles à l’intervention et en tirent bénéfice, bien qu’il soit clair que certains enfants en tirent réellement parti par opposition à d’autres. Un résultat, répliqué systématiquement, est que tous les enfants recevant une intervention intensive ne présentent pas de gains robustes et que nombre d’enfants continuent à montrer des aires importantes de déficiences. Néanmoins, des améliorations spectaculaires sont observées chez un sous-ensemble des enfants. Même de petits gains dans des mesures standardisées peuvent se traduire par des améliorations notables de la qualité de vie. Les approches comportementales et développementales intensives ont un potentiel réel, mais requièrent encore beaucoup de recherches. Il existe trop peu d’études UCLA/Lovaas, ou ESDM, ou d’entraînement intensif des parents pour pouvoir affirmer que les effets observés ne sont pas susceptibles de changer avec les recherches futures. Malgré le nombre important de résultats favorables des interventions HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 117 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées UCLA/Lovaas (bien que le nombre soit encore inadéquat) montrant des changements positifs dans les domaines des capacités de langage, cognitives, adaptatives et éducatives, la force des preuves est faible et requiert des recherches additionnelles pour confirmer ces résultats. Le seul essai randomisé d’ESDM, bien que montrant des résultats positifs, demande duplication. Enfin les preuves concernant les effets des interventions avec entraînement des parents sont insuffisantes, et ne concernent que le court terme. 2-Interventions pédagogiques ou éducatives Il s’agit d’études réalisées dans un environnement éducatif ou scolaire, où le bras éducatif était clairement décrit et identifiable comme tel. Il s’agit d’études d’interventions TEACCH, d’études d’interventions éducatives par ordinateur ou d’études d’intervention de type ABA réalisées en milieu éducatif et non fondées sur un manuel. Ces études utilisent comme groupe de comparaison d’autres interventions individualisées. Quatre études d’intervention TEACCH sont identifiées (la plupart des études concernant le TEACCH datent d’avant 2000). Deux cohortes prospectives ont été identifiées : la première est qualifiée de méthodologiquement « bonne » (*Panerai 2009), la seconde de « correcte » (*Tsang 2007) ainsi que 2 séries de cas prospectives (*Mukaddes 2004 et Probst 2008). Les études continuent, comme celles publiées avant 2000, de rapporter des améliorations par l’intervention TEACCH dans le domaine moteur et pour certaines capacités cognitives. Une étude (*Magiati 2007) observe que les enfants, qu’ils soient en intervention précoce intensive comportementale à domicile ou en maternelle d’éducation spécialisée progressent au même rythme, et que le QI et la compréhension du langage sont de bons prédicteurs des progrès. Une autre étude contrôlée (Reed 2007), non résumée dans le présent argumentaire en raison du manque de clarté des interventions utilisées dans l’un des groupes, montre que l’ABA à domicile est plus efficace que l’intervention des écoles spécialisées fondée sur TEACCH, et qu’un autre programme d’intervention avec entraînement des parents qui pratiquent l’intervention à domicile. Les auteurs de la revue concluent que la force de preuve des effets de ces études éducatives est insuffisante. Les auteurs résument leurs résultats de la manière suivante. Les données sont en faveur des interventions précoces comportementales et développementales intensives, y incluant le modèle développé par l’université de Californie/Lovaas et le Early Start Denver Model (ESDM), pour l’amélioration des performances cognitives, des capacités de langage et des comportements adaptatifs chez certains groupes d’enfants relevant du spectre de l’autisme. Pour les enfants de moins de 2 ans, les données sont préliminaires mais prometteuses. Toutes ces études ont besoin d’être répliquées, et une attention particulière doit être prêtée à la caractérisation des enfants susceptibles de tirer bénéfice de ces interventions. Les données suggèrent que les interventions, fournissant un entraînement des parents et une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour favoriser les capacités sociales et gérer les comportements problèmes, peuvent être utiles aux enfants relevant du spectre de l’autisme dans le but d’améliorer la communication sociale, l’utilisation du langage et éventuellement la sévérité des symptômes. Les interventions TEACCH montrent quelques améliorations des mesures de capacités motrices et cognitives. Enfin, on manque d’information sur les modificateurs de l’efficacité des interventions, la généralisation des effets hors du contexte des études d’intervention et du traitement, sur les composantes des thérapies multicomposantes, responsables de l’efficacité, et sur les prédicteurs de succès des interventions. En conclusion, des interventions comportementales et éducatives, dont le but, les cibles et l’intensité sont diverses, ont démontré leur efficacité, mais l’absence d’un corps de connaissances suffisant empêche de comprendre si et comment ces interventions sont liées à des changements fonctionnels cliniques spécifiques. Des efforts en rigueur HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 118 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées méthodologiques sont encore nécessaires ainsi que des études multicentriques plus vastes. Il est impératif d’améliorer la caractérisation des enfants dans ces études pour cibler la planification des interventions. ► Études comparant deux interventions globales organisées selon des principes différents Aucune étude méthodologiquement solide n’a comparé une intervention globale à une autre intervention globale organisée selon des principes différents : il n’y a pas, par exemple, de comparaison entre une intervention ABA et une intervention TEACCH. En revanche, dans les études d’une intervention globale, les groupes de comparaison reçoivent soit une intervention éclectique, soit une intervention comportementale parentale, soit une éducation en classe spécialisée. ► Évaluation de l’efficacité des interventions ABA : études contrôlées Le but de cette section est de rapporter les caractéristiques de la méthode d’évaluation des essais (ceux retenus par les revues ci-dessus et ceux publiés après la dernière revue publiée) et leurs résultats. Le détail des procédures d’intervention n’est pas fourni, car cette description serait trop longue. Les caractéristiques générales des programmes décrits dans les études cliniques identifiées sont précisées en annexe 15. Pour une description détaillée des interventions, se reporter aux publications elles-mêmes ou aux manuels des interventions. Il s’agit en général d’ABA contemporain, sauf quand il est signalé que l’intervention suit strictement le manuel de l’intervention de Lovaas. Dans la plupart des interventions ABA, les parents sont formés à son utilisation afin d’élargir la variété des situations de généralisation d’un comportement, et ceci même si un thérapeute assure toutes les heures d’intervention. Les parents et les thérapeutes sont formés avant d’intervenir, puis régulièrement entraînés à introduire de nouvelles situations et conduites, supervisés régulièrement par un thérapeute senior responsable qui, au vu des résultats régulièrement examinés, conçoit, propose et discute avec l’intervenant et les parents la suite des buts à atteindre. 1998 Canada Jocelyn et al. (194) comparent une intervention ABA à une intervention contrôle. Cette étude est sélectionnée par la revue de Rogers et Vismara (161) qui l’a classe dans la catégorie méthodologique la meilleure, et par celle de Spreckley et Boyd (179) qui la classe également comme méthodologiquement supérieure, mais ne l’inclut pas dans sa méta-analyse pour des raisons techniques. Population : Les enfants sont recrutés à partir de services hospitaliers de consultation spécialisée. Ils sont âgés de 24 à 72 mois, n’ont pas encore reçu d’interventions ou services spécifiques, ont un diagnostic d’autisme ou TED-non spécifiés (DSMIII-R). Sont exclus les enfants habitant trop loin du centre, ceux qui fréquentent un centre de jour ou une école ou qui ont un handicap physique sévère. Trente-cinq enfants sont stratifiés en deux groupes en fonction de la sévérité de l’autisme (CARS). Les enfants sont appariés sur leurs caractéristiques démographiques, la sévérité de l’autisme, et le nombre d’heures au centre (moyenne 20 heures/semaine). Chaque enfant d’une paire est affecté au hasard à l’un des deux groupes. Intervention : Dans l’un des groupes, « groupe parental », 16 parents de 16 enfants sont intégrés dans un programme appelé Autism Preschool Program (APP) du type ABA contemporain avec essais discrets, et bénéficient de 15 heures d’apprentissage sur une période de 12 semaines autour de l’analyse comportementale fonctionnelle, du comportement empathique et de la gestion des comportements à problème. À cela s’ajoute, pour chaque famille, une participation à trois séminaires concernant la gestion des comportements problèmes et leurs solutions potentielles et deux visites à domicile de HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 119 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées travailleurs sociaux formés et rattachés au programme. Les parents avaient en charge les enfants pendant la majorité du temps puisque ces derniers passaient en moyenne 4 heures par jour (soit 21,4 heures/semaine) en centre de jour, où ils bénéficiaient d’un encadrement 1 :1. Dans ce centre, la plupart des autres enfants ont un développement typique. Les intervenants reçoivent la même formation que les parents, et ont un guidage et une supervision de leurs activités en plus. Dans le groupe contrôle, 19 enfants sont pris en charge en centre de jour pour enfants typiques, en moyenne 4 heures par jour pendant 12 semaines. Les enfants de ce groupe ont chacun un tuteur au centre de jour. Les évaluateurs sont aveugles au statut des enfants. Résultats : les deux groupes progressent sur les mesures développementales et le groupe « parental » présente un gain en langage significativement supérieur au groupe contrôle (Early Intervention Developmental Profile, EIDP) : progrès moyen de 5,3 mois en 12 semaines, avec une taille d’effet importante. On observe une augmentation des connaissances sur l’autisme chez les personnes en charge des enfants, une augmentation de l’impression de contrôler les situations chez les mères et une augmentation du degré de satisfaction des parents plus importante dans le groupe parental que dans le groupe contrôle. Les scores de l’Autism Behavior Checklist (ABC), renseignée par les psychologues aveugles au statut des enfants, et celle renseignée par les parents, ne diffèrent pas significativement entre les groupes. Les scores des composantes cognitive, perceptuelle, de motricité fine, socio-émotionnelle, soins personnels et motricité globale de la Early intervention/Preschool Developmental Profile ne diffèrent pas non plus significativement entre groupes. Les effets sont globalement faibles, mais la durée d’intervention est de 3 mois. De plus, les tuteurs (parents et tuteurs) étaient tous « non expérimentés » au début de l’intervention et ont appris les pratiques pendant ces trois mois. 2000 États-Unis Smith et al. (191) (cf. aussi erratum) (195) comparent une intervention intensive ABA pratiquée à domicile par des thérapeutes à un traitement moins intensif par l’intermédiaire d’une formation à domicile des parents. Cette étude randomisée est la première véritable réplique de l’étude de Lovaas. Elle comporte de plus des améliorations méthodologiques. Elle est sélectionnée par la revue de Rogers et Vismara (161) avec la note méthodologique maximale, car il s’agit d’un essai randomisé, dans la revue d’Eikeseth (181), où elle a le meilleur score méthodologique, par la revue d’Ospina et al. (162), où elle est considérée comme adéquate méthodologiquement, et dans la revue de Spreckley et Boyd (179), où elle a la note méthodologique de 7 (meilleure note = 8). Population et intervention : 28 enfants d’âge préscolaire (18 à 42 mois) sont inclus sur diagnostic (autisme ou TED non spécifié), âge (entre 18 et 42 mois), QI (de 35 à 75 au Bayley). Deux groupes sont constitués en fonction du diagnostic (autisme, TED non spécifié). À l’intérieur de chaque groupe, les enfants sont appariés en fonction du QI (Bayley) puis les membres des paires sont attribués au hasard au groupe expérimental intensif (autisme/TED non spécifié : 7/8) et au groupe contrôle (autisme/TED non spécifié : 7/6). Dans la condition « parentale », les 13 parents recevaient un entraînement sur la méthode de Lovaas fondée sur le manuel, mais sans renforcement aversif (Lovaas 1987) à raison de deux sessions par semaine (totalisant 5 heures de formation) pendant 3 à 9 mois. À ceci s’ajoutait 5 heures/semaine supplémentaires d’application à leur enfant des pratiques apprises. Les parents recevaient aussi trois consultations mensuelles avec un directeur de projet. Pendant la durée des formations pour les parents, les enfants étaient affectés dans une classe d’éducation spécialisée pour une durée totale de 10 à 15 heures. Dans la condition « traitement intensif », 15 enfants bénéficiaient d’une intervention intensive fondée sur le manuel de la méthode de Lovaas (sans renforcement aversif) en milieu HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 120 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées structuré à domicile d’une durée moyenne de 25 heures d’intervention par semaine fournie par des apprentis thérapeutes très supervisés. L’intervention est basée sur les procédures d’apprentissage par « essais discrets» pendant les 18 premiers mois au moins. Après environ un an d’intervention (délai variant d’un enfant à l’autre), les enfants montrant un certain nombre d’acquis sont intégrés en milieu scolaire avec un intervenant au fur et à mesure de leur possibilité. Si l’enfant ne maîtrise pas à la fin des 18 mois les compétences nécessaires à l’intégration en école standard, il est intégré en éducation spécialisée (avec programme individuel spécifique). Les interventions ont été prolongées sur 2 ou 3 ans avec une intensité progressivement diminuée. Les posttests ont lieu quand les enfants atteignent l’âge de 7Ŕ8ans, soit 2 ans après la fin de l’intervention, alors qu’ils commencent l’intervention en moyenne à 36 mois (σ = 6). Les évaluateurs sont aveugles avant et après intervention au statut des enfants. Les caractéristiques des deux groupes d’enfants et les mesures de performances étaient équivalentes au départ. Résultats (cf. tableau 7) : en début d’intervention, les deux groupes ne diffèrent sur aucune mesure. Aucun enfant n’atteint le minimum au QI de Stanford-Binet, 23 des 28 enfants sont non verbaux, 14 enfants (6 en « groupe intensif », 7 en « groupe parental ») ont 0 au MerrillPalmer. Après intervention, le groupe « traitement intensif » présente une amélioration significativement supérieure à celle du groupe parental pour QI, le Merrill-Palmer (compétences visuo-spatiales) et l’insertion scolaire. Le groupe « intensif » a un gain moyen de 15 points de QI contre une perte moyenne de 1 point dans le groupe « parental ». Huit enfants du groupe intensif atteignent le score maximum du Merrill-Palmer contre 1 enfant dans le groupe parental. Quatre enfants du groupe intensif atteignent le score maximum en « Compréhension et Expression du Langage » (un enfant du groupe parental atteint le score maximum en expression mais non en compréhension). Les QI du groupe intensif demeurent cependant dans la zone de retard mental (ils passent d’une moyenne de 51 à 66). En revanche, aucune différence entre les groupes n’est observée ni pour le langage (qui augmente dans les deux groupes), ni pour les comportements adaptatifs (communication, vie quotidienne, socialisation, score composite de la VABS), ni pour les comportements inadaptés. Enfin, on observe une tendance à un bénéfice plus important pour les enfants avec TED-non spécifiés que pour les enfants avec diagnostic d’autisme. Le tableau 8 donne la taille d’effet des différences de gain entre groupes. En résumé, les gains du groupe intensif n’atteignent pas le niveau atteint par les gains de l’étude originale de McEachin et al. 1993. De plus, on n’observe pas de différence entre les groupes en ce qui concerne le langage, les compétences de vie quotidienne, les comportements à problème. Ces résultats sont convergents avec les résultats obtenus par Lovaas, mais montrent des gains inférieurs. Cependant, on ne connaît pas la fréquence réelle d’intervention des parents du groupe parental. Il est donc difficile de savoir si l’absence de différence entre les deux groupes à la fin de l’intervention sur certaines mesures vient d’une intensité d’intervention plus importante que l’intensité déclarée. Tableau 7. Groupe avec intervention intensive. Différence de scores entre le début et la fin de l’intervention (191). Test IQ Merrill-Palmer Reynell Compréhension Reynell Expression Reynell Total VABS CD Moyennes des différences 15,96 42,73 29,40 29,40 58,80 9,67 Intervalle de confiance des moyennes de différences inférieur supérieur 1,92 30,00 32,54 52,92 17,46 41,34 16,98 41,82 34,27 83,33 -6,51 25,85 Écart type 18,77 13,63 15,97 16,61 32,80 21,63 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 121 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées VABS DLS VABS SD VABS -7,60 3,93 -2,25 -21,93 -9,81 -18,73 6,73 17,67 14,23 19,15 18,37 22,03 Tableau 8. Différence de gains entre groupes et taille des effets (191). Taille d’effet Test IQ Merrill-Palmer Reynell Compréhension Reynell Expression Reynell Total VABS CD VABS DLS VABS SD VABS ABC inférieur supérieur 0,40 0,40 0,39 0,14 0,24 -0,08 1,70 1,82 1,45 TE en fonction de l’écart type du groupe contrôle 1,00 0,99 0,83 0,39 -0,18 1,34 0,63 Taille d’effet (TE) Biais corrigé (Hedges) Erreur standard de la TE estimée 0,94 1,06 0,70 0,92 1,03 0,68 0,60 0,58 Intervalle de confiance de la TE (non disponible, le calcul a été fait sans tenir compte de l’erreur d’impression de l’article original) 0,60 0,00 0,26 0,24 0,58 0,00 0,25 0,23 0,39 0,38 0,38 0,38 0,18 -0,74 -0,50 / 0,51 1,34 0,74 0,99 -0,98 0,84 0,00 0,31 0,33 2002 et 2007 Norvège Une étude, réalisée en Norvège par Eikeseth et al. (169,170), compare une intervention intensive mais éclectique à une intervention intensive ABA (de type Lovaas 1981), mais sans utilisation de renforcements aversifs. L’étude est sélectionnée par Reichow et Wolery (163) qui la classe méthodologiquement « adéquate » par Ospina et al. (162), Howlin et al. (180), Eldevik et al. (164) et Spreckley et Boyd (179) qui lui attribuent l’indice méthodologique de 6/8 en raison du manque d’homogénéité entre groupes au départ et du manque de clarté de l’attribution dans les groupes et par Rogers et Vismara (161), qui la classe du point de vue méthodologique en type 2, à cause de l’absence de randomisation (le score de 1 désigne le plus haut niveau de qualité) (196). Population : à la différence des études de Sallows et de Cohen (165,197) qui n’incluaient que des enfants d’âge inférieur à 60 mois, celle-ci étend l’âge de son échantillon jusqu’à 7 ans (84 mois). Le critère de répartition des enfants entre les deux conditions dépendait de la disponibilité des personnels travaillant dans chacune des deux conditions. Ceci constitue une répartition quasi au hasard. Les enfants sont recrutés au fur et à mesure de leur arrivée en consultation (a) s’ils ont entre 4 et 7 ans, (b) s’ils ont un diagnostic d’autisme (CIM-10) selon l’ADI-R réalisé par un psychologue de l’enfant spécialiste, indépendant de l’étude et confirmé par l’examen de l’enfant par un autre psychologue clinicien indépendant de l’étude, (c) si leur QI est égal ou supérieur à 50 (WPPSI-R,Wechsler, 1989 ou Bayley Scales of Infant Development–Revised, Bayley, 1993) et (d) si aucune autre pathologie que l’autisme est détectée. Treize enfants ont été attribués à l’intervention ABA, 12 à l’intervention éclectique. Interventions : les deux conditions comportent le même nombre d’heures de traitement, soit un minimum de 20 heures par semaine pendant lesquelles l’enfant est seul avec un thérapeute (encadrement 1 :1). Les deux types de traitement se déroulaient dans les écoles maternelles ou primaires typiques. Chaque enfant a un thérapeute responsable pour 4 à 6 heures au minimum par semaine, et un ou plusieurs autres thérapeutes formés le reste du temps. En dehors des 20 heures/semaine de traitement minimum où l’enfant est seul avec un thérapeute, il/elle est dans sa classe avec un éducateur. Les parents sont aidés par les HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 122 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées thérapeutes pendant 4 heures/semaine au moins, au cours des trois premiers mois de traitement. Ils sont entraînés à la pratique des interventions par essais discrets. Le traitement éclectique (contrôle) comporte des éléments du projet TEACCH (Schopler 1983), des thérapies sensori-motrices (Ayres 1972), des éléments du traitement par ABA, ainsi que des pratiques dérivées des expériences personnelles des thérapeutes. Les deux traitements sont de même intensité et même durée, et sont réalisés par des personnels de même qualification. Les effets sont examinés un an et deux ans et demi après le début de l’intervention, par des tests standardisés pratiqués par des personnels aveugles à l’étude. Résultats : le hasard de la répartition des enfants dans les deux groupes a fait que le groupe éclectique avait au départ des scores supérieurs à ceux du groupe comportemental pour 10 des 11 mesures (tableau 9). Un an après le début d’intervention, les gains du groupe comportemental sont significativement plus grands que ceux du groupe éclectique, et les scores à la fin de cette période sont meilleurs dans le groupe comportemental que dans le groupe éclectique pour le QI, le langage et les comportements adaptatifs (le tableau 9 ci-dessous donne les valeurs des tests avant et après dans chaque groupe et le seuil de significativité des différences entre groupes ; le tableau 10 donne la taille des effets). Le groupe comportemental a gagné 17 points de QI en moyenne, 13 points en langage versant compréhension, 23 points en langage versant production, et 11 points en comportements adaptatifs. Le groupe éclectique gagne en moyenne 4 points de QI, perd un point de langage versant compréhension et 2 points versant production, et ne présente en moyenne ni gain, ni perte en comportements adaptatifs. Malgré la supériorité du groupe « comportemental » par rapport au groupe « éclectique » après un an d’intervention (supériorité de 5 à 15 points aux tests standardisés), la différence entre les deux groupes aux posttests n’est pas significative. Cependant, un plus grand nombre d’enfants du groupe « comportemental » atteint la moyenne typique dans les tests standardisés que dans le groupe « éclectique ». Le QI au prétest est un prédicteur des résultats au posttest dans le groupe « comportemental », mais non dans le groupe « éclectique ». L’âge chronologique n’est pas un bon prédicteur. En moyenne 33 mois après le début du traitement, les mêmes enfants ont été réévalués (170) (les enfants avaient 5 ans 5 mois au début de l’intervention ; ils ont un âge moyen de 8 ans et 2 mois après 31,4 mois d’intervention dans le groupe ABA, et 33,3 mois dans le groupe « éclectique »). Les enfants du groupe ABA et ceux du groupe éclectique ont continué à recevoir les mêmes traitements, mais les enfants de 6 ans étant entrés à l’école, l’intensité du traitement a diminué (le groupe ABA passe de 28 à 18 heures/semaine, le groupe éclectique passe de 29 à 16 heures/semaine). Au total, 5/13 enfants du groupe ABA et 1 enfant du groupe éclectique sont scolarisés 20 heures/semaine à l’école, et n’ont plus qu’une aide ABA (ou éclectique) plus ou moins intense à l’école. Les autres enfants sont scolarisés 17 heures/semaine avec une aide ABA (ou éclectique), tout en bénéficiant de 3 à 18 heures/semaine d’intervention 1 : 1 (ABA ou éclectique) dans une pièce à part. Les évaluations sont faites par une personne indépendante de l’étude et aveugle au statut des enfants. Lors de cette deuxième évaluation, l’écart entre les deux groupes s’est accru : le gain entre le début et la fin du traitement est significativement plus important dans le groupe comportemental. Les gains entre les mesures, avant intervention et les mesures 2 ans et demi après, montrent que les gains du groupe comportemental sont significativement supérieurs à ceux du groupe éclectique en QI, dans toutes les échelles du VABS (y compris les comportements inadaptés). Le groupe comportemental montre un gain de QI de 25 points en moyenne (de 62 à 87) contre 7 points (de 65 à 72) dans le groupe éclectique. Les gains moyens au VABS vont de 9 points en vie quotidienne à 20 points en communication. Le groupe éclectique montre des pertes de points en VABS qui vont de 6 à 12 points. Les comportements sociaux déficients et l’agressivité (Achenbach Child Behavior HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 123 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Checklist, ACBC) ont significativement diminué, davantage dans le groupe ABA. Hormis ces deux dernières variables, la majorité des aspects du fonctionnement socio-émotionnel ne diffère pas entre groupes. Le tableau 11 donne les valeurs des tailles d’effets des différences entre les deux groupes, avant et après, environ 33 mois d’intervention (dont scolarisation pour certains enfants). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 124 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Tableau 9. Âge chronologique et scores standardisés en début, et 14 mois après le début de l’intervention : pour le groupe comportemental (n = 13) et le groupe éclectique (n = 12) (169). Intervention comportementale Prétest Mesures Âge chronologique en mois QI QIP (a) Langage Compréhension (b) Production (b) Total (c) Communication (VABS) Vie quotidienne (VABS) Socialisation (VABS) Score Composite (VABS) Changement Posttest (σ) M M (σ) Intervention éclectique (σ) M Prétest Posttestp M (σ) M(σ) Changement M (σ) 66,31 61,92 77,54 (11,31) (11,31) (30,21) 78,50 79,08 95,00 (10,73) (18,09) (16,91) 12,19 17,15 17,46 (10,21) (10,97) (30,70) 65,00 65,17 81,83 (10,95) (14,97) (21,05) 78,58 69,50 90,17 (10,94) (18,38) (19,97) 13,58 4,33 8,33 (9,93) (7,55)** (16,12) 49,03 45,12 51,83 58,23 (16,42) (13,44) (17,42) (9,21) 58,47 67,39 76,85 73,93 (17,11) (17,81) (26,67) (16,55) 12,70 22,57 27,00 15,69 (14,58) (22,99) (20,41) (16,89) 50,38 51,24 60,00 63,17 (15,46) (19,24) (24,22) (16,11) 47,55 49,00 61,58 61,58 (17,25) (18,69) (24,34) (13,37) -0,70 -2,23 1,08 -1,58 (8,65)* (24,46)* (17,07)* (7,81)** 56,92 (9,80) 66,15 (16,55) 9,23 (15,12) 57,00 (15,92) 62,50 (10,97) 5,50 (11,37) 59,92 55,77 (7,19) (8,96) 69,92 67,00 (17,26) (16,30) 10,00 11,23 (16,13) (14,79) 62,17 60,00 (10,32) (13,20) 70,67 60,17 (13,66) (11,69) 8,50 0,17 (12,28) (7,76)* (a) Au Merrill-Palmer ou à l’échelle Performance du WIPPSI-R ou WISC-R, (Merrill-Palmer n = 13 dans le groupe comportemental et n = 12 dans le groupe éclectique en prétest ; 8 dans le groupe comportemental et 5 dans le groupe éclectique en posttest. (b) Au prétest, n = 12 dans le groupe comportemental et 9 dans le groupe éclectique ; au posttest : n = 10 dans le groupe comportemental et 8 dans le groupe éclectique ; au posttest (scores disponibles) seulement pour les enfants ayant passé l’echelle de Reynell (c) Score total de langage au test de Reynell = (compréhension + production)/2 ; score total de langage au WPPSI-R/WISC-R = QI verbal. *p < 0,05 ; **p < 0,01 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 125 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Tableau 10. Différences de gains (du début à la fin de la première année) entre le groupe comportemental et le groupe éclectique : taille des effets (169). D’après le rapport du Ministery of Children and Youth Services Expert Clinical Panel, Canada (198). Tests QI QIP Langage : Compréhension Langage Production Langage total VABS Communication VABS Vie quotidienne VABS Socialisation VABS Score composite inférieur supérieur 0,44 0,57 0,50 0,47 -0,80 0,04 2,21 1,45 2,02 Taille de l’effet en fonction de l’écart type du groupe contrôle 1,74 0,57 1,55 1,00 1,33 1,25 0,50 0,44 0,44 0,01 0,46 0,39 1,98 2,19 2,11 1,01 1,52 2,21 0,28 0,27 0,40 -0,52 1,06 0,33 0,10 0,93 0,10 0,89 0,40 0,42 -0,68 0,07 0,89 1,72 0,12 1,43 Taille d’effet (TE) Biais corrigé (Hedges) Erreur standard de l’estimation de la TE 1,39 0,35 1,09 1,34 0,32 1,03 1,05 1,37 1,29 Intervalle de Confiance pour la taille de l’effet Tableau 11. Différences de gains (du début d’intervention à 2 ans et demi plus tard) entre le groupe comportemental et le groupe éclectique : taille des effets (170). D’après le rapport du Ministery of Children and Youth Services Expert Clinical Panel, Canada (198). Changement entre le début et la fin de l’intervention (durée 2, 6 ans) entre le groupe comportemental et le groupe éclectique Intervalle de Taille de Erreur Confiance pour la l’effet en Taille Biais Standard de taille de l’effet fonction Tests d’effet corrigé l’estimation de l’écart (TE) (Hedges) de la TE type du gr lower upper Contrôle QI 0,56 0,54 0,41 -0,26 1,34 0,53 VABS 1,14 1,11 0,43 0,26 1,95 1,38 Communication VABS Vie 0,82 0,79 0,42 0,02 1,61 0,78 quotidienne VABS Socialisation 1,14 1,10 0,43 0,26 1,95 1,47 VABS Composite 1,20 1,16 0,43 0,32 2,01 1,42 VABS -0,94 -0,91 0,42 1,74 -0,09 -0,81 Comportements inadaptés ACBC Retrait -0,34 -0,33 0,40 -1,12 0,46 -0,38 social ACBC Somatique -0,36 -0,35 0,40 -1,14 0,44 -0,31 ACBC 0,12 0,12 0,40 -0,67 0,90 0,11 Anxiété/Dépression HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 126 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les gains lors de la dernière évaluation montrent un accroissement significatif par rapport à la fin de la première année d’intervention, de l’écart entre les deux groupes pour le QI. Ce dernier stagne dans le groupe éclectique après la première année d’intervention, mais augmente encore un peu dans le groupe ABA. Les comportements adaptatifs (score composite et socialisation) diminuent significativement dans le groupe éclectique par rapport à la fin de la première année, et diffèrent significativement de ceux du groupe ABA. Au total, 54 % des enfants du groupe ABA se trouvent après 2 ans et demi d’interventions dans la zone entre la moyenne normale et un écart type passant d’une moyenne de QI de 70 au début à 104 à la fin de l’intervention (QI verbal = 105 ; comme QI performance = 103). Ces mêmes enfants (7/13) se trouvent dans les zones normales pour presque toutes les mesures. Dans le groupe éclectique, 17 % sont dans la zone entre la moyenne normale et 1 écart type du QI Total (QIT) et du QI verbal à la fin de l’intervention. Dans le groupe ABA, la partie la plus importante des gains de QI et de communication se fait entre le début et la fin de la première année. En revanche, les gains en score composite de comportement adaptatif (VABS), de socialisation et d’autonomie de la vie quotidienne, ne surviennent qu’après la première année. Prédicteurs : aucune variable ne permet de prédire les scores de fin d’intervention ni le taux de gain. En résumé, cette étude confirme que le traitement comportemental intensif du type Lovaas a plus de chance d’apporter un bénéfice aux enfants qu’un traitement « éclectique » de même intensité, et ceci dès la fin de la première année d’intervention. Ce point est important, et conduit à envisager de définir la différence entre « intervention éclectique » et « intervention flexible » adaptée à chaque enfant. Les interventions sont administrées en école (même si les parents y contribuent à domicile). Le nombre d’heures par semaine est inférieur à 40 heures/semaine (cf. aussi Smith et al. 2000) (191). Il existe une grande variabilité interindividuelle des gains qui ne s’explique ni par l’âge, ni par le QI de départ. Dans le groupe ABA, l’âge de prise en charge ne prédit ni les gains, ni les scores. 2005 États-Unis Howard et al. (168) comparent 3 interventions : comportementale intensive ABA, éducation spécialisée comportementale éclectique, programme éducatif pour enfants avec handicap de communication. L’étude est sélectionnée dans les revues de Reichow et Wolery (163), où elle est classée méthodologiquement « adéquate », d’Ospina et al., Howlin et al., Eldevik et al., Spreckley et Boyd (162,164,179,180), où elle a un indice de qualité méthodologique de 4/8 (en raison de l’absence de randomisation, de manque de clarté dans des règles d’attribution dans les groupes, du manque de similitude entre groupes, dans le pronostic, des évaluateurs non aveugles au statut des enfants et de Rogers et Vismara (161) qui la classe en type 2 méthodologiquement, du fait de l’absence de randomisation et d’évaluateurs non aveugles aux interventions suivies par les enfants. Population : les enfants sont recrutés à travers les associations sous contrat avec l’État de Californie. Sont retenus les enfants qui présentent un diagnostic d’autisme ou TED non spécifiés selon le DSM-IV par des examinateurs professionnels indépendants de l’étude avant l’âge de 48 mois, dont les parents acceptent que l’enfant suive avant l’âge de 48 mois un programme d’intervention, sont de langue maternelle anglaise, ne présentent aucune autre pathologie et n’ont pas eu d’intervention de plus de 100 heures auparavant. Les enfants ne sont pas répartis au hasard dans les 3 groupes, mais en fonction du choix conjoint des parents et des services antérieurement à l’inclusion dans l’étude : groupe « ABA intensif » (n = 29 ; 24 autismes, 5 TED non spécifiés), groupe « éducation spécialisée pour enfants avec troubles autistiques » (n = 18 ; 12 autismes, 4 TED non spécifiés), groupe avec HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 127 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées « programme éducatif pour enfants avec handicap de communication » (n = 16 ; 9 autismes, 7 TED non spécifiés). Interventions : l’intervention dure 14 mois. Le groupe ABA reçoit 25Ŕ30 heures/semaine d’intervention 1 : 1 au domicile, à l’école et en groupe avant l’âge de 3 ans et 35Ŕ40 heures/semaine dans les mêmes lieux après l’âge de 3 ans. Le groupe éclectique (éducation spécialisée pour enfants avec autisme) reçoit 25Ŕ 30 heures/semaine, un programme 1 : 1 ou 1 : 2 selon les cas et les moments, avec des essais discrets, du PECS, de la thérapie d’intégration sensorielle, des activités extraites de TEACCH et des activités non spécifiques (musique). L’intervention est faite à l’école spécialisée. Sept des 16 enfants de ce groupe reçoivent des sessions d’orthophonie individuelles ou en petits groupes. Le groupe pour handicap de communication reçoit 15 heures/semaine dans des classes spéciales avec un rapport adulte : enfant de 1 : 6. Treize de ces enfants reçoivent des sessions d’orthophonie individuelles ou en petits groupes une à deux fois par semaine. Les professionnels qui évaluent les enfants ne sont pas aveugles au statut des enfants, bien qu’ils soient indépendants de l’étude. Les analyses tiennent compte de l’âge de l’enfant au diagnostic (ce qui est fait dans pratiquement toutes les autres études) et du niveau d’éducation de la famille (facteurs covariants). Résultats : les deux groupes contrôles, éclectique et handicap de communication, ne diffèrent pas. Le groupe ABA a des scores significativement supérieurs dans tous les domaines aux deux autres groupes, sauf en ce qui concerne le taux d’amélioration des habiletés motrices. Le groupe ABA atteint des scores moyens situés dans la zone normale pour le fonctionnement cognitif (Bayley, WPPSI, DP-II, Stanford-Binet), et non verbal (MerrillPalmer), la communication, les habiletés motrices (VABS) alors que le seul domaine qui s’est normalisé dans les deux autres groupes est celui des habiletés motrices. Le taux de gain pour cette période (rythme d’acquisition) du groupe intensif est conforme au développement typique, voire au-dessus de ce dernier pour toutes les mesures d’acquisition. Dans le domaine du langage (Reynell), 20 enfants du groupe intensif présentent un rythme normal ou supérieur à la normale d’acquisition du langage, versant réception. Trois et deux enfants des deux autres groupes présentent un rythme d’acquisition normal ou supérieur. Une différence analogue s’observe pour le versant production du langage. La faiblesse de l’étude est l’absence de randomisation des groupes et le fait que les évaluateurs bien qu’indépendants de l’étude ne soient pas aveugles aux interventions suivies par les enfants. En conclusion, une intervention intensive ABA peut accélérer le rythme de développement, ce que ne fait aucune des deux autres interventions. L’intervention ABA a des effets cliniquement significatifs supérieurs aux deux autres interventions. L’intervention comportementale éclectique intensive qui a un bon rapport numérique thérapeute : enfant n’est en revanche pas plus efficace qu’une intervention deux fois moins intensive proposée aux enfants avec handicap de communication (15 heures/semaine). Dans l’intervention peu intensive, les enfants présentent des scores standardisés qui révèlent un ralentissement du rythme de développement. 2005 États-Unis Sallows et Graupner (197) procèdent à un essai randomisé comparant une intervention comportementale intensive (ABA type Lovaas : Wisconsin Early Autism Project, Madison), organisée et supervisée par les professionnels de l’étude (groupe clinique) et une intervention moins intensive organisée par la famille qui recrute des services extérieurs pour gérer une intervention ABA (groupe parental). En principe, cette dernière aurait dû être moins intensive que celle du groupe clinique, mais en réalité elle l’a été presqu’autant. Le groupe contrôle reçoit donc le même type d’intervention (ABA), avec une intensité presque HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 128 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées aussi importante que le groupe expérimental. La seule différence entre les deux groupes réside essentiellement dans la supervision qui est plus intense et plus qualifiée dans le groupe expérimental. L’étude est sélectionnée par les revues suivantes (qui n’ont pas toutes mentionné ou détecté que le groupe contrôle avait reçu une intensité d’intervention presque identique au groupe expérimental) : Reichow et Wolery (163) qui l’ont classée « fort », Ospina et al. (162), Howlin et al. (180) et Spreckley et Boyd (179) où elle a un indice de qualité méthodologique de 7/8 et Rogers et Vismara (161) où elle est classée en type 3 du point de vue méthodologique en raison du groupe contrôle qui n’avait pas les caractéristiques d’intervention espérées. Population : âge au recrutement entre 24 et 42 mois (début d’intervention en moyenne à 35Ŕ 37 mois) ; rapport âge mental/âge chronologique de 0,35 ou plus ; pas de troubles neurologiques importants (les enfants avec électro-encéphalogrammes (EEG) anormaux et ceux avec crises d’épilepsie contrôlée sont acceptés) ; diagnostic d’autisme posé par des psychiatres d’enfant familiers de l’autisme. Critère d’autisme d’après le DSM-IV et l’ADI-R ; acceptation de la part des parents du tirage au sort pour l’affectation à l’un des deux groupes ; n = 23 enfants appariés sur le QI (âge mental/âge chronologique au test de Bayley). Un membre de la paire est affecté au hasard à l’un des deux groupes (groupe clinique n = 13 ; groupe parental n = 10). Interventions : la durée totale de l’intervention est de 4 ans. L’intensité d’intervention est en moyenne de 39 heures/semaine dans le groupe clinique la première année, 37 heures/semaine la seconde année puis décroît au fur et à mesure que les enfants entrent à l’école. Dans le groupe parental, l’intensité est de 32 heures/semaine la première année et 31 la seconde. Dans le groupe clinique, les parents reçoivent 6 à 10 heures/semaine de supervision à domicile par un professionnel et une consultation 1 fois par semaine par un superviseur. Dans l’autre groupe, les parents reçoivent 2 fois 3 heures/mois de supervision à domicile par un thérapeute senior et une consultation tous les deux mois. L’intervention ABA comporte des entraînements sur de réponses pivots, des aides au langage avec des images (PECS), l’accent mis sur le jeu avec des congénères, l’utilisation des activités préférées et de nombreuses pauses de jeux. Résultats : Comme on pouvait s’y attendre en raison de la similitude entre les deux interventions, les résultats des deux groupes ne diffèrent pas. Ils sont donc fusionnés. Les QI révèlent à la fin de la deuxième année une répartition bimodale qui sépare les enfants en deux groupes distincts (les apprentis rapides et les apprentis moins rapides qui ne se chevaucheront ni en 3e ni en 4e année). Les QI totaux des 23 enfants augmentent significativement (de 51 à 76) à la fin de la 2e année par rapport au début d’intervention, de même pour le QI performance et le QI verbal. Huit des 23 enfants atteignent un QI de 85 ou plus à la fin de la première année, 3 à la fin de la 3e année. Sur les 4 ans, les gains sont significatifs pour le QI total, le QI de performances et le QI verbal, le versant compréhension du langage, la communication (VABS), la socialisation (VABS), les habiletés sociales et la communication de l’ADI-R. Les QI révèlent à la fin de la deuxième année une répartition bimodale qui sépare les 23 enfants en deux groupes distincts : les « apprentis rapides » (48 % des 23 enfants) qui avaient 55 de QI en moyenne et atteignent 104 à la fin des 4 ans d’intervention, et les « apprentis moins rapides » qui avaient un QI moyen de 50 et obtiennent un QI verbal moyen de 48 et un QI moyen performance de 64. Les courbes individuelles des enfants de ces deux groupes se séparent à la fin de la première année et ne se chevaucheront ni en 3e ni en 4e année. Parmi les apprentis rapides, on trouve des enfants avec des QI < 50. Cependant, les enfants avec un QI plus élevé au départ ont plus de chance d’atteindre un QI dans la moyenne normale à la fin de la 4e année (75 % des enfants avec un QI entre 55 et 64 au début atteignent en fin d’étude un QI dans les limites de la moyenne typique contre 17 % des enfants avec un QI entre 35 et 44 au début). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 129 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les 11 « apprentis rapides » (soit 48 % des 23 enfants, 5 du groupe clinique et 6 du groupe parental) ont des gains avant-après significatifs dans toutes les mesures (QI total, QIP et QIV, QI visuo-spatial non verbal (Merrill Palmer), langage compréhension et expression, toutes les échelles du VABS (communication, socialisation, autonomie de vie quotidienne, score composite). Le QI performance augmente à la fin de la première année de façon spectaculaire jusqu’à la zone moyenne normale, puis augmente plus lentement. Toutes les autres mesures augmentent plus modérément la première année puis de nouveau à la fin de la 3e année. Sur les échelles de l’ADI-R, ces enfants montrent des améliorations significatives en communication, interaction réciproque, comportements stéréotypés. En bref, à la fin de l’intervention ces enfants parlent avec fluence, interagissent correctement avec les congénères et réussissent normalement à l’école. Les 12 « apprentis moins rapides » (8 du groupe clinique, 4 du groupe parental) ont un gain significatif au QI performance qui reste en moyenne à deux écarts types de la moyenne. Cependant, ces enfants progressent en âge de développement : en 4 ans, les gains vont de 16 à 44 mois d’âge mental pour les capacités intellectuelles ; de 16 à 37 mois pour les capacités adaptatives ; de moins de 12 à 27 mois pour le langage et de 10 à 31 mois pour les capacités sociales. Dans la dernière année d’intervention, ils gagnent encore 3,4 à 4,3 mois par an en langage Ŕ versant expression Ŕ et en habiletés sociales (contre 12 mois par an, en moyenne, dans un développement typique). Deux tiers d’entre eux peuvent lire des histoires simples. La majorité (7 sur 13) peut jouer avec un congénère et avoir des relations sociales. À la fin de la 3e année, l’inventaire de personnalité pour enfants (Personality Inventory for Children ; Wirt 1977) est rempli par les parents pour évaluer le fonctionnement social. Le groupe des « apprentis rapides » a un score dans les limites de la moyenne typique pour toutes les échelles, hormis 2 enfants qui présentent un niveau d’anxiété notable. Les « apprentis moins rapides » ont des scores de colère et de difficulté d’apprentissage et d’interactions sociales plus éloignés de la moyenne normale. La Child Behavior Checklist remplie par les parents et les enseignants dans la 4e année confirment ces informations. L’ADI-R passée en début et après 3 ans d’intervention montre que les « apprentis rapides » présentent des améliorations significatives dans les 3 échelles d’autisme (communication, interaction réciproque et comportement stéréotypés. Huit des 11 « apprentis rapides » sont après 3 ans dans la zone non autiste des 3 échelles, 1 enfant a encore des problèmes de langage, 1 autre est rigide dans le jeu, 1 a un score élevé dans les 3 échelles. Les prédicteurs : le nombre d’heures de traitement avec encadrement 1 : 1 n’est pas un bon prédicteur. Il en va de même pour les heures supplémentaires de toute sorte reçues par 19 des 23 enfants avant le début de l’intervention et pendant la première année d’intervention (un total de 0 à 15 heures par semaine en plus des heures d’intervention). De même des régimes et des médicaments ont été ajoutés par les familles. Une analyse des corrélations entre ces traitements et les scores de fin d’intervention ne montre aucun effet significatif ou approchant la signification. Le test d’apprentissage précoce (Early Learning Measure) est un très bon prédicteur. L’imitation, le niveau de langage, l’autonomie de vie quotidienne et la socialisation sont également de très bons prédicteurs. Le niveau initial d’imitation est un très bon prédicteur des gains en habiletés sociales et en langage. En conclusion, cette étude confirme l’effet positif d’une intervention comportementale intensive (qu’elle soit organisée et supervisée par une équipe d’experts seniors ou organisée par la famille avec peu de supervision par des cliniciens seniors universitaires) puisque 48 % des enfants atteignent un fonctionnement dans la limite de la normale. Elle confirme qu’un QI inférieur à 44, avec aucun mot à l’âge de 36 mois, prédit des progrès lents mais réels, alors qu’un rythme d’apprentissage rapide, une modeste capacité d’imitation et une certaine habileté sociale prédisent des progrès importants et rapides de l’intervention. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 130 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2006 Royaume-Uni Cohen et al. au Royaume-Uni (165) comparent une intervention comportementale intensive (ICPI) ABA (Lovaas), réalisée à domicile par des professionnels, à une intervention en classe d’éducation spécialisée de l’école publique. L’étude est sélectionnée dans les revues suivantes Reichow et Wolery (163) où elle est classée méthodologiquement « forte» ; Ospina et al. (162), Howlin et al. (180) et Spreckley et Boyd (179), où elle a un indice de qualité méthodologique de 5/8 (en raison de l’absence de randomisation, du manque de clarté dans des règles d’attribution dans les groupes ; du manque de similitude de pronostic entre groupes) ; Rogers et Vismara (161) qui la classe en type méthodologique 2 (le type 1 étant le meilleur) à cause de l’absence de randomisation. Population : 42 enfants avec diagnostic d’autisme ou TED non spécifié posé par un professionnel indépendant et confirmé par l’ADI-R, un QI > 35 au Bayley révisé (BSID-R), âgés de 18 à 42 mois lors du diagnostic et de moins de 48 mois au début du traitement, sans autre pathologie sévère, avec une résidence à moins de 60 km du centre de traitement, et ayant subi moins de 400 heures de traitement comportemental avant l’inclusion. Les familles acceptant le traitement comportemental intensif constituent le bras expérimental (groupe ICPI). Le bras contrôle est construit à partir des familles dont l’enfant satisfait aux critères d’inclusion, mais qui préfèrent ne pas s’engager dans le traitement comportemental intensif. Parmi ces enfants, un enfant est identifié et apparié par l’âge à chaque enfant inclus dans le groupe ICPI. Vingt enfants sur les 21 du groupe expérimental et 15 des 21 du groupe contrôle ont un diagnostic d’autisme. Le groupe expérimental diffère significativement du groupe contrôle de ce point de vue. Les autres enfants ont un diagnostic de TED et TED non spécifié. Interventions : avant intervention, les deux groupes ne diffèrent sur aucune mesure de compétences : ni sur le QI, ni sur le Merrill-Palmer, ni sur le Reynell, ni sur le VABS. Le groupe ICPI reçoit 35 à 40 heures/semaine d’intervention comportementale pour les enfants âgés de plus de 3 ans (et 20 à 30 heures/semaine pour les plus jeunes), 47 semaines/an pendant 3 ans. L’intervention est du type ABA par essais discrets avec activités de généralisation à d’autres environnements, sans interventions aversives. L’intervention a lieu essentiellement à domicile dans la première année, puis la deuxième année, 26 à 31 heures se font à domicile, 3 à 5 heures sont consacrées au jeu avec un congénère et 6 à 9 heures se passent en classe maternelle. Le nombre d’heures à domicile diminue ensuite progressivement. Les parents reçoivent 2 à 3 jours d’information sur les principes de traitement comportemental, puis participent à une session hebdomadaire de généralisation des comportements. Les intervenants sont entrainés par le groupe expert en ABA (manuel de Lovaas) et sont supervisés par ce groupe. Le groupe contrôle reçoit les services choisis par les parents dans les options éducatives officielles régionales : fréquentation d’une école, de classes spéciales, orthophonie, ergothérapie, thérapie comportementale, etc. Résultats : le QI (Bayley, WPPSI), les comportements adaptatifs du VABS (score composite, communication, autonomie de vie quotidienne, socialisation) s’accroissent significativement plus dans le groupe ICPI que dans le groupe contrôle. Dans le groupe ICPI, le QI augmente de 25 points (passant de 62 en début d’étude à 87 la 3e année), dans le groupe contrôle il augmente aussi significativement, mais moins (de 59 à 73). La taille de l’effet de différence entre groupe pour le QI est de l’ordre de 0,90 (d’après un calcul de (166)), ce qui correspond à un effet très important. Cependant, lorsqu’on pondère par le niveau d’éducation du père, la différence de gain en QI entre les deux groupes n’est plus significative. On ne peut cependant pas en conclure que la supériorité des gains en QI du groupe ICPI est liée au niveau d’éducation du père. Le gain en compréhension du langage (Reynell) dans le groupe ICPI passe de 52 à 72 points en 3e année, et le groupe contrôle passe de 53 à 62 points ; mais la supériorité du HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 131 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées gain du groupe ICPI par rapport au gain contrôle n’est pas significative (p = 0,06). Le gain en intelligence visuo-spatiale (Merrill Palmer) et au versant expression du langage (Reynell) ne diffère pas entre les deux groupes. Dans le domaine des comportements adaptatifs (VABS), le score composite, la communication, autonomie de vie quotidienne et la socialisation, les scores augmentent significativement plus dans le groupe ICPI que dans le groupe contrôle, où ils restent stables ou diminuent. Dans le domaine des comportements adaptatifs, l’augmentation des scores se produit dans le groupe ICPI entre le début et la fin de la première année, tandis que l’augmentation du QI se poursuit au-delà de la première année. Dix des 21 participants ICPI atteignent la zone moyenne normale dans toutes les mesures contre aucun des 21 enfants contrôles. En résumé, une intervention ABA comportementale intensive au domicile et diminuant progressivement les heures à domicile pour augmenter les heures d’intervention à l’école est plus efficace qu’une intervention moins intensive et plus éclectique en classe d’éducation spécialisée (cf. aussi l’étude) (166). Dans le groupe ICPI, la croissance des scores des comportements adaptatifs (VABS) apparaît à la fin de la première année puis se stabilise, tandis que le QI augmente fortement la première année mais poursuit une croissance, bien que plus lente, ensuite. Prédicteurs : les 10 participants ICPI, dont les scores parviennent dans la zone moyenne normale après 3 ans pour toutes mesures, ne présentaient aucune particularité de leurs scores dans aucune des mesures avant intervention par rapport aux 11 autres enfants du groupe. Les faiblesses de l’étude : pas de randomisation (l’attribution des enfants aux deux groupes dépend de la préférence des parents) Ŕ le groupe contrôle comporte significativement plus d’enfants considérés comme moins sévèrement atteints (TED non spécifié), mais les scores des différentes évaluations ne diffèrent pas significativement entre groupes avant intervention. 2006 Norvège Eldevik et al. 2006 en Norvège (199) comparent, dans une étude rétrospective, une intervention comportementale ABA peu intensive à une intervention éclectique de même intensité. L’étude est sélectionnée par les revues de Reichow et Wolery (163) qui l’a classée « adéquate », d’Ospina et al. (162), de Howlin et al. (180), d’Eldevik et al. (164) et Spreckley et Boyd (179), où elle a un indice de qualité méthodologique de 4/8 (en raison de l’absence de randomisation, du manque de clarté de la règle de sélection des participants, du manque de similitude de pronostic entre les participants au départ et du fait d’ évaluateurs non aveugles au statut des enfants). Population : tous les enfants admis dans des services spécialisés de 3 régions sont recrutés s’ils ont (a) un diagnostic d’autisme avec retard mental selon les critères CIM-10 recueillis par un psychologue professionnel ou un médecin, (b) un âge < 6 ans au début de leur intervention, (c) pas d’autre pathologie (pas d’épilepsie ni de retard moteur important), (d) reçu entre 10 à 20 heures/semaine d’intervention 1 :1 et (e) disposent des tests pré et postintervention à deux ans d’intervalle. Les enfants (n = 13) ayant reçu seulement une intervention ABA sont attribués au groupe expérimental ABA (n = 13), ceux ayant reçu une combinaison de deux ou plusieurs interventions sont attribués au groupe contrôle éclectique (n = 15). Onze sur treize enfants du groupe ABA et 13/15 enfants du groupe éclectique ont été diagnostiqués avec l’ADI-R. Une partie des enfants ont été diagnostiquée par l’auteur de l’étude. Interventions : le groupe ABA a reçu 12,5 heures/semaine d’ABA avec un encadrement 1 :1 pendant 20 mois et le groupe éclectique 12 heures/semaine d’interventions 1 :1 pendant HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 132 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 21 mois. À ceci s’ajoute une présence en milieu scolaire ordinaire avec une aide de 1 :1 sans intervention pendant 8 heures/semaine pour le groupe ABA et 12 heures/semaine pour le groupe éclectique. Les deux groupes ne diffèrent sur aucune mesure de performances ou évaluation avant l’intervention. Résultats : le groupe ABA présente des gains significativement plus importants que le groupe éclectique sur le fonctionnement intellectuel (Bayley, Stanford Binet, WPPI, WISC-R) (8,2 de gain de QI contre une perte de 2,9), la compréhension du langage (Reynell, PEP-R) (gain de 6,8 points contre une perte de 7,7) et l’expression du langage (Reynell)(gain de 11,0 points contre une perte de 6,4), la communication (VABS) (gain de 4,4 points contre une perte de 4,5). Aucune différence de gain n’est observée entre les groupes, ni sur le score composite de comportements adaptatifs, ni sur la socialisation, ni sur l’autonomie de vie quotidienne (VABS) et ni sur le test d’intelligence, essentiellement visuo-spatiale de MerrillPalmer. La tendance générale du groupe éclectique à toutes ces mesures est la diminution des scores alors que le groupe ABA augmente ses scores. Le gain en fonctionnement intellectuel se traduit aussi par le fait que, significativement, plus d’enfants du groupe ABA (38 %) passent dans une catégorie de moindre retard mental que dans le groupe éclectique (7 %). Dans le groupe ABA, un enfant avec retard mental profond (< 20) passe dans la catégorie sévère (20Ŕ34), 3 passent de la catégorie modérée (35Ŕ49) à légère (50Ŕ69), et un de la catégorie légère à normale ; dans le groupe éclectique, un enfant passe de la catégorie modérée à légère. Dans le groupe ABA, aucun enfant ne passe dans une catégorie inférieure, contre 40 % du groupe éclectique. Enfin les comportements-problèmes diminuent davantage dans le groupe ABA que dans le groupe éclectique. En conclusion, une intervention ABA de faible intensité (entre 10 à 20 heures/semaine) est plus efficace qu’une intervention éclectique de même intensité. Cependant, les gains en QI et en langage sont plus faibles que ceux reportés par les études utilisant une intervention intensive (Eikeseth et al. 2002, Smith et Groen 2000). On peut donc conclure que la supériorité de l’ABA ne tient pas seulement au caractère intensif que cette intervention présente dans d’autres études. Néanmoins, la plupart des études avec ABA montrent des gains significatifs en score composite du VABS, ce qui n’est pas le cas ici. Cela signifie que le fait d’avoir placé les enfants ABA en maternelle pendant 8 heures/semaine avec une aide de 1 :1 ne compense pas les heures manquantes en comportement ABA. Prédicteurs : le niveau de compréhension verbale est un très bon prédicteur de toutes les mesures pour le groupe ABA, ainsi que pour le groupe éclectique, sauf pour le QI visuospatial (Palmer Merrill). Le fonctionnement intellectuel et l’expression verbale sont des prédicteurs mais moins forts. La faiblesse essentielle est que 55 % seulement des évaluations ont été faites par des professionnels extérieurs à l’étude et 37 % par l’un des auteurs de l’étude, mais l’accord entre les deux catégories d’évaluateurs est testée sur 8 % des évaluations, et révèle un très bon accord. 2007 Israël Zachor et al. (200) comparent une intervention principalement développementale, mais fondée sur des techniques et des concepts éclectiques et une intervention ABA. Les deux interventions sont réalisées avec le même rythme intensif avec des enfants de moins de 3 ans. Population : sont exclus les enfants présentant une pathologie autre que l’autisme (telles que épilepsie, déficience auditive). Trente-neuf enfants avec autisme (ADI) et relevant de l’autisme ou des TED non spécifié (DSM-IV) sont recrutés. Dix-neuf enfants âgés de 23 à 33 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 133 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées mois (m = 28,8 mois) constituent le groupe éclectique ; 20 enfants âgés de 22 à 34 mois (m = 27,7) constituent le groupe ABA. Les deux groupes sont appariés sur l’âge, la sévérité de l’autisme et le niveau cognitif. Le QI est évalué chez 36 enfants et s’étend de 50 à 109, m = 77,6, médiane 79). La sélection des enfants est réalisée sans l’intervention des auteurs de l’évaluation. Intervention : les interventions sont contrôlées par un centre clinique professionnel. Une intervention est essentiellement développementale mais d’inspiration éclectique : elle emprunte à la fois à une approche développementale, à une approche TEACCH, ABA et DIR. L’autre intervention est ABA ; elle inclut des essais discrets, des généralisations en milieu naturel et des techniques d’apprentissage incidentel. Les deux interventions sont pratiquées 8 heures/jour, et incluent des routines de préscolarisation. Durée : 1 an Résultats : avant intervention, il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes pour les scores ADOS (langage et communication, interactions sociales réciproques). Après intervention, le groupe ABA montre des gains supérieurs (p < 0,01) au groupe éclectique en langage et communication (le groupe ABA passe d’un score de 13,8 [σ = 4,3] à 7,2 [σ = 4,1] ; le groupe éclectique passe d’un score de 11,8 [σ = 4,3] à 9,7 [σ = 3]). La différence entre les deux groupes n’est pas significative pour les interactions sociales réciproques (p = 0,07) (le groupe ABA passe d’un score de 17,9 [σ = 6,2] à 11,1 [σ = 6,7] ; le groupe éclectique passe d’un score de 16,3 [σ = 5,2] à 13,3 [σ = 4,8]). Dans le groupe éclectique, aucun enfant ne sort du diagnostic d’autisme, dans le groupe ABA, 4 en sortent (p < 0,05). Les enfants qui avant intervention avaient un QI ≥ 80 ont des scores ADOS meilleurs avant et après interventions que les enfants qui ont un QI < 80. Mais les gains en QI ne sont pas plus importants chez les enfants avec un haut QI que chez ceux qui ont un QI plus faible. Les gains en QI sont plus importants dans le groupe ABA que dans le groupe éclectique (p < 0,05) En résumé, une intervention intensive est efficace chez l’enfant de moins de 3 ans. Mais, à rythme égal d’intervention, une intervention ABA a plus d’effet sur les symptômes centraux de l’autisme et sur le QI qu’une intervention développementale éclectique. 2007 Royaume-Uni Magiati et al. 2007 (167) comparent une intervention intensive type Lovaas avec essais discrets à des interventions éclectiques en écoles maternelles spécialisées. L’étude est sélectionnée par les revues suivantes : Reichow et Wolery (163) qui la classe « adéquate » ; Howlin et al. (180), Spreckley et Boyd (179) qui lui attribue 4/8 comme indice méthodologique en raison de l’absence de randomisation, d’un critère de répartition trop peu clair, de l’absence de similitude dans les pronostics en début d’intervention, d’évaluateurs non aveugles au statut des enfants. Population : les enfants avec autisme repérés par diverses filières régionales sont inclus (a) s’ils sont âgés entre 22 et 54 mois, (b) avec diagnostic autisme par un professionnel indépendant et confirmés dans la majorité des cas par l’ADI-R, (c) sans autres pathologies, (d) avec l’anglais comme langue maternelle, (e) résidant à moins de 3 heures de trajet du centre de Londres, (f) acceptant une intervention ICPI à domicile ou une classe maternelle spécialisée pour 15 heures/semaine et ne recevant pas d’autres interventions intensives. La répartition n’est pas au hasard mais dépend du choix des parents. Vingt-huit enfants dans le groupe ICPI (23Ŕ54 mois) et 16 (33Ŕ54 mois) dans le groupe maternelle. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 134 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Interventions : les 28 enfants du groupe ICPI reçoivent à domicile une intervention avec encadrement 1 :1, avec des essais discrets et du « comportement verbal ». Les parents sont formés dans un atelier initial de 1 à 3 jours. Dans 23 familles, l’un des parents est formé comme thérapeute. Toutes les familles ont un superviseur et/ou un consultant. Les consultants viennent une fois par mois (3 familles), tous les 2Ŕ4 mois (9 familles) ou tous les 5Ŕ6 mois (5 familles). Vingt-quatre familles ont un superviseur une fois par semaine ou tous les 15 jours. La moyenne d’intensité est de 32,4 heures/semaine (étendue : 18Ŕ40) la 1re année et de 33,2 (étendue 26Ŕ40) la seconde année. Les 16 enfants du groupe contrôle reçoivent une intervention éclectique (TEACCH, Makaton, PECS, SPELL et divers) dans 10 classes maternelles différentes spécialisées : 7 enfants sont dans des maternelles d’éducation spécialisée pour enfants avec autisme, 3 sont dans des unités maternelle typique ou d’éducation spécialisée générale. L’intensité moyenne d’intervention 1 :1 est de 6 heures/semaine (90 min à 20Ŕ25 heures/semaine. Ce groupe reçoit au total 25,6 heures/semaine (étendue 15Ŕ30) la 1re année et 27,4 heures/semaine (étendue 19Ŕ30) la seconde année. Le groupe ICPI reçoit significativement plus d’heures/semaine que le groupe contrôle éclectique. Dans les deux groupes, les familles ont adopté des interventions supplémentaires : diététique (21 en ICPI, 6 en contrôle) ; autres compléments biologiques (17 ICPI, 3 contrôles) ; interventions éducatives (2 ICPI, 7 contrôles) ; autres traitements temporaires (8 ICPI et 2 contrôles). Durée : 2 ans. Résultats : les deux groupes présentent un gain significatif en âge mental (Bayley, MerrillPalmer, WPPSI) et en score de jeu (SPT-2eédit.), mais leurs scores standardisés montrent que le rythme de développement est plus lent que rythme typique, compte tenu de la durée de l’intervention. Il n’y a pas de différence entre groupes dans les domaines cognitif (Bayley, Merrill-Palmer, WPPSI), du jeu, du langage (British Picture Vocabulary Scale II et Expressive One word picture Vocabulary Test-Revised) ou de la sévérité de l’autisme (ADI-R). Dans le domaine des comportements adaptatifs (VABS), le groupe ICPI a, après intervention, un score standardisé moyen de 58,6 (allant de 38 à 78) alors que le groupe contrôle obtient un score moyen de 49,6 (allant de 28 à 73). Toutefois, la supériorité du groupe ICPI n’est pas significative (p = 0,06). Le niveau de compétence du groupe ICPI dans ce domaine par rapport à l’âge chronologique tend à diminuer un peu moins que celui du groupe contrôle. Prédicteurs : les gains et les pertes sont catégorisés dans les différents domaines en fonction de l’outil de mesure. Les enfants sont rangés en fonction de cet indice (0 pour une détérioration, puis la note augmente avec le gain) dans chacun des domaines. La somme des rangs constituent un indice global de progrès pour chaque enfant. Les 10 % d’enfants qui ont progressé le plus avaient un QI > 70, et tous verbalisaient sauf un au début de l’intervention. Aucun des enfants qui ont progressé le moins n’avaient un QI ≥ 55 et aucun ne verbalisait. Ni le niveau socio-économique de la famille, ni l’âge en début d’intervention ne sont un bon prédicteur des variables mesurées en fin d’intervention (en fait la tranche d’âge est probablement trop restreinte pour avoir un effet prédictif). Le QI en début d’intervention explique 35 % de la variance des rangs de progrès global en fin d’intervention. L’âge de jeu exprimé en score, les scores de compréhension et de production de langage, le score composite de VABS et le score total d’ADI-R expliquent également une grande partie de la HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 135 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées variance. Le QI initial et les scores de compréhension du langage sont les meilleurs prédicteurs du score global de progrès après deux ans d’intervention. Comme dans les autres études, la variabilité de la sensibilité aux interventions ne s’explique pas entièrement par le QI et le niveau de langage. En résumé, cette étude ne montre de différence de gain dans aucun domaine entre une intervention intensive à domicile non supervisée par un centre ou une équipe spécialisée et une intervention moins intensive en institution. Ses faiblesses méthodologiques sont néanmoins nombreuses (absence de randomisation, critère de répartition entre groupes trop peu clair et identification peu claire des groupes, absence de similitude dans les pronostics en début d’intervention, évaluateurs non aveugles au statut des enfants). 2007 Royaume-Uni Remington et al. (166), au Royaume-Uni, comparent une intervention intensive ABA (type Lovaas) à domicile d’une durée de deux ans avec une intervention pratiquée sur une base d’encadrement qui n’est pas 1 :1, fournie par les services locaux en éducation spécialisée complétée par diverses autres interventions. Populations : Les enfants sont recrutés par l’intermédiaire des autorités éducatives locales. Les critères d’inclusion sont : (a) un diagnostic d’autisme préalable ou de suspicion d’autisme fait par un clinicien indépendant de l’étude, confirmé par un diagnostic fondé sur l’ADI-R, (b) un âge entre 32 et 42 mois au recrutement dans l’étude, (c) sans autre pathologie chronique sévère, (d) vivant dans leur famille. Sur les 44 enfants recrutés, 23 sont affectés par leurs parents à une intervention intensive ABA. Vingt et un reçoivent, sur choix de leur parent, une intervention fournie par les services locaux en éducation spécialisée et des interventions éclectiques. L’essai n’est donc pas randomisé. Les deux groupes diffèrent significativement en âge chronologique : le groupe contrôle étant en moyenne 3 mois plus âgé que le groupe ABA. Les évaluateurs sont le plus souvent indépendants de l’étude et aveugles au statut des enfants. Intervention ABA : 20 à 30 heures/semaine d’intervention structurée avec un encadrement 1 :1, avec essais discrets, procédures de généralisation comportant de l’enseignement par l’environnement et par le langage selon les enfants. Les programmes, couvrant le langage et autres compétences cognitives, sociales et motrices, sont personnalisés d’après les points forts et faibles de l’enfant et en fonction des trajectoires typiques de développement. Les thérapeutes, comme les parents, sont formés et supervisés. De plus, certains moyens spécifiques d’intervention ont été parfois introduits, selon le besoin des enfants (PECS, langue des signes, Makaton). Le groupe contrôle n’a pas d’encadrement 1 :1. Les enfants bénéficient des services d’éducation spécialisée locaux et d’interventions variées : TEACCH, orthophonie, avec PECS ou Makaton, régimes alimentaires, vitamines, homéopathie. On peut résumer ces interventions du groupe contrôle comme « éclectiques » avec moins d’heures d’intervention en moyenne que le groupe ABA. Résultats : deux mesures postintervention sont faites 12 et 24 mois après intervention. Les gains en QI (Bayley et Stanford Binet) et en âge mental, vie quotidienne (VABS), sont significativement supérieurs après 12 et 24 mois dans le groupe ABA par rapport au groupe contrôle. Le groupe ABA passe d’un QI de 61,43 (σ = 16,43) à 68,78 (σ = 20,49), puis 73,48 (σ = 27,28) ; le groupe de contrôle passe de 62,33 (σ = 16,64) à 58,90 (σ = 20,45), puis 60,14 (σ = 27,76). L’âge mental du groupe ABA passe de 22,04 mois (σ = 6,89) à 33,70 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 136 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées (σ = 10,16), puis 44,39 (σ = 16,39). L’âge mental du groupe contrôle passe de 23,71 mois (σ = 6,00) à 29,81 (σ = 9,89) puis 38,00 (σ = 17,44). Un plus grand nombre d’enfants du groupe ABA gagnent plus de points de QI que les enfants du groupe contrôle (ABA : 15 enfants/23 gagnent des points de QI versus 8 enfants/21 dans groupe contrôle). Un plus grand nombre d’enfants contrôles (13/21) perdent plus de points de QI que d’enfants ABA (7/23). Sept enfants ABA et 3 enfants contrôles gagnent 20 points de QI ou plus. Aucun enfant ABA mais 4 enfants contrôles perdent 20 points de QI ou plus. Deux ans après intervention, la taille de l’effet de supériorité du groupe ABA sur le groupe contrôle pour le QI est de 0,77 (indice de Cohen), ce qui est un indice relativement fort. D’après le critère de Jacobson et Truax (1991) pour identifier un changement de score cliniquement signifiant et robuste chez les enfants individuellement, un changement de 23,94 points de QI après 2 ans d’intervention est nécessaire dans cet essai. Six enfants du groupe ABA (26 %) atteignent ou dépassent ce critère, et aucun ne perd autant de points. Trois enfants (14 %) dans le groupe contrôle atteignent ou dépassent ce critère mais, mais 4 perdent autant ou plus de points. Le score composite, les scores en motricité, en socialisation et en communication (VABS) ne diffèrent pas entre groupes. Le score de vie quotidienne augmente significativement plus dans le groupe ABA que dans le groupe contrôle. Le gain en réponses à l’attention conjointe (ESCS, échelle de communication sociale précoce) est significativement plus important après 12 et 24 mois dans le groupe ABA que dans le groupe contrôle ; mais les comportements d’initiation de l’attention conjointe ne diffèrent pas entre groupes. Ces résultats apparaissent à 12 mois et se maintiennent 24 mois après le début d’intervention. En ce qui concerne le langage (Test de Reynell), avant intervention, plusieurs enfants ne sont pas évaluables avec la 3e édition du Reynell. Il n’y a pas de différence entre groupes avant intervention. Vingt-quatre mois après le début d’intervention, au versant compréhension du test de langage de Reynell, les enfants ABA sont significativement plus nombreux (21 sur les 23) que les enfants contrôles (11 sur 21) à obtenir un score sur l’échelle de Reynell. Il en va de même pour le versant production du langage (21 /23 enfants ABA ; 10/21 enfants contrôles). Les progrès ont lieu essentiellement à la fin de la 1re année et se stabilisent ensuite. Le score total de la liste de développement comportemental et l’algorithme d’autisme (Developmental Behavior Checklist), ainsi que la liste de comportements sociaux positifs de l’échelle Nisonger Child Behavior Rating Form et le questionnaire d’évaluation de l’autisme sont remplis par les pères et mères. Après 24 mois d’intervention, les mères du groupe ABA rapportent significativement plus de comportements sociaux positifs que celles du groupe contrôle. Une tendance similaire est observée chez les pères, mais est non significative (p = 0,053). Aucune autre différence entre groupe n’est observée. Ni le stress, ni l’anxiété des parents ne diffèrent entre groupes. Cependant, les pères du groupe ABA qui rapportaient au départ moins de dépression que les autres parents, en rapportent plus après 24 mois. Prédicteurs : l’analyse des performances avant intervention des 6 enfants ABA qui gagnent plus de 20 points de QI et des 6 enfants ABA « non sensibles » qui perdent des points de QI (perte de moins de 18 points) montre que les 6 premiers ont un QI, un âge mental, des scores composites, de communication, de socialisation plus élevés que les 6 autres enfants, un score moteur (VABS) plus faible, plus de problèmes comportementaux repérés sur la liste de développement comportemental par les père et mère, plus de signes d’autisme rapportés par les pères et mères (Autism Screening Algorithm) et moins d’heures d’intervention en deuxième année d’intervention. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 137 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En conclusion, les gains sont importants et concernent le QI et le langage (compréhension) essentiellement. La taille de l’effet de l’intervention ABA sur le QI est forte et du même ordre que celle observable dans Cohen et al. (165). Ce bénéfice ne s’accompagne pas d’effet négatif sur les parents. Peu de différence sont observées entre les deux groupes après 12 et 24 mois d’intervention, bien que l’intervention ABA se déroule à domicile. Faiblesse : non randomisation. 2008 Israël Ben-Itzchak et al. (201), en Israël, comparent les effets d’une intervention intensive ABA sur deux groupes : un groupe de 44 enfants avec autisme âgés de 19 à 35 mois (m = 27,29), diagnostic ADI-R et critères DSM-IV à un groupe de 37 enfants avec un handicap développemental (18 avec lésion cérébrale, 19 avec un retard global de développement) âgés de 16 à 31 mois (m = 24,16). Il est possible que l’échantillon d’enfants avec autisme comprennent les 25 enfants avec autisme décrits dans l’étude publiée par Ben-Itzchak et Zachor (202). Population : les enfants avec autisme sont pris en charge dans un centre de rééducation intensive 45 heures/semaine (n = 44). Les 18 enfants contrôles cérébro-lésés sont en centre de rééducation, et les 17 avec un retard global de développement reçoivent des sessions de rééducation (langage, ergothérapie et rééducation physique) 1 à 2 fois/semaine en fonction de leurs besoins. Le groupe contrôle est destiné à contrôler l’effet de maturation par rapport à l’effet d’intervention sur les enfants avec autisme. Intervention : le groupe avec autisme a été divisé en trois groupes en fonction du QI : normal (QI > 90), borderline (70 < QI < 89), déficient (50 < QI < 69). Les scores de communication et langage, interactions sociales réciproques, habiletés à jouer, comportements stéréotypés évalués par l’ADOS diffèrent significativement entre les trois groupes de QI. En fait, la relation entre QI et scores ADOS ne concerne que trois domaines, et tous les groupes ne diffèrent pas entre eux. Dans le domaine des interactions sociales réciproques et des habiletés à jouer, les scores indiquent des caractères d’autisme plus sévères dans le groupe avec QI déficient que dans les deux autres groupes. Dans le domaine des comportements stéréotypés, le groupe avec QI déficient est significativement plus affecté que le groupe avec QI borderline seulement. On n’observe pas de différence significative entre le groupe avec QI borderline et le groupe avec QI normal. Résultats : après un an de traitement, la différence de caractéristiques ADOS entre les 3 groupes d’enfants avec autisme disparaît. En revanche, les corrélations significatives classiques entre scores de QI et score ADOS dans chacun des 4 domaines (communication et langage, interactions sociales réciproques, habiletés à jouer, comportements stéréotypés) sont significatives après comme avant traitement. Les caractéristiques autistiques évaluées par l’ADOS ont donc bien été modifiées par l’intervention. De plus, le gain réalisé par les enfants après l’intervention est équivalent, quel que soit le groupe de QI auquel il appartenait. L’amélioration réalisée après intervention est significative dans chacun des 4 domaines de caractéristiques autistiques. Le QI après intervention augmente significativement après par rapport au QI avant intervention dans les groupes autisme et contrôle. Bien que les QI dans le groupe autisme ne différaient pas significativement de ceux du groupe contrôle avant intervention, les QI du groupe autisme augmentent significativement plus que ceux du groupe contrôle. Chez les enfants avec autisme, le gain en QI augmente, en corrélation significative, avec la décroissance des comportements stéréotypés et avec l’augmentation du langage et de la communication. La corrélation entre taux d’augmentation du QI et diminution des comportements stéréotypés concernent les « intérêts sensoriels » et les HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 138 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées « maniérismes moteurs complexes » (mais non les traits « automutilations » et « intérêts répétitifs »). Cette étude confirme, chez ces jeunes enfants avec autisme, l’association forte entre le niveau « cognitif » mesuré par le QI et la sévérité de l’autisme mesurée par l’ADOS. Il existe cependant une discontinuité dans l’association entre QI et sévérité de l’autisme. Elle est située entre le niveau « déficience mentale » et le niveau « cognitif supérieur » marqué par un QI de 70 et plus. Ces deux groupes diffèrent par la sévérité de l’expression comportementale de l’autisme. Après intervention intensive d’un an, le degré de sévérité de l’autisme s’améliore significativement dans les domaines de compétences étudiées ici : compétences sociales, de communication, de jeu et de comportements stéréotypés. Le taux d’amélioration est équivalent, quel que soit le degré de déficience mentale en début d’intervention (les enfants avec QI < 70 bénéficient autant que les autres de l’intervention). Il reste vrai néanmoins qu’en valeur absolue, plus le QI au début d’intervention est élevé et moins nombreux sont les signes autistiques en fin d’intervention. Par ailleurs les QI sont modifiés après l’intervention chez les enfants avec autisme et chez les enfants contrôles (cérébro-lésés ou avec retard mental global). Mais les QI des enfants avec autisme augmentent plus que ceux des enfants contrôles. Cette différence entre les deux groupes d’enfants suggère fortement qu’un facteur autre que celui de la simple maturation est à l’œuvre (un deuxième argument, en faveur de l’intervention d’autres facteurs, est le mode de construction même des tests de QI qui tient compte de l’âge chronologique dans le processus de standardisation). Le niveau de QI avant intervention ne prédit pas la réduction des signes autistes après intervention, mais le taux d’augmentation du QI est associé au taux de réduction de sévérité de certains traits autistiques, en particulier des comportements stéréotypés que l’on rencontre plus spécifiquement chez le jeune enfant que chez l’enfant plus âgé. Ces résultats, concernant des enfants jeunes de 19 à 35 mois (préscolaires), ne sont pas nouveaux, mais la méthodologie robuste de cette étude permet de les confirmer. Faiblesse de l’étude (en dehors de l’absence de randomisation) : les critères d’inclusion des enfants avec autisme ne sont pas mentionnés. 2008 Canada Perry et al. (203) procèdent à une vaste étude sans groupe contrôle, destinée à estimer les gains du Ontario IBI Program dans un grand échantillon d’enfants recevant une intervention ABA pour les comparer aux gains décrits dans de petits échantillons de la littérature. Le but de cette étude est d’évaluer dans quelle mesure le bénéfice des enfants, dans plusieurs domaines fonctionnels, est comparable à celui observé dans des études plus petites dont les interventions sont plus surveillées puisqu’il s’agit d’études d’évaluation d’efficacité. Population : 332 enfants, âgés de 2 à 7 ans, ont été traités en centres de rééducation par une intervention comportementale intensive (IBI), financée par les pouvoirs publics en Ontario (Canada). Les tests et informations recueillies à l’entrée et à la fin de l’intervention sont comparés. L’échantillon correspond aux enfants pour lesquels des informations suffisantes sont disponibles à l’entrée et à la sortie. Cet échantillon représente 1/3 de la population totale bénéficiant du programme de traitement. Il peut être considéré comme représentatif de la population visée. Contrairement aux études plus petites, l’échantillon inclut des enfants avec comorbidité. Toutes les mesures n’ont pas été faites sur tous les enfants. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 139 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les critères d’admission dans le programme d’intervention impliquent un diagnostic fait par un psychologue clinicien du programme d’après le DSM-IV autisme ou vers l’extrémité la plus sévère du spectre autistique, avec ou sans comorbidité (épilepsie, syndromes génétiques, etc.). Le diagnostic d’autisme concerne 194 enfants, celui de TED non spécifiés 46 enfants et celui de spectre autistique 92 enfants. La durée d’intervention a été de 4 à 47 mois (m = 4,5 ans). Les scores CARS, Vineland (VABS) et QI sont disponibles en début d’intervention. Les enfants sont classés en 3 groupes en fonction de leurs scores au Vineland (communication, autonomie de vie quotidienne, socialisation et score composite) au début d’intervention. Le groupe A, groupe le plus performant, avec un score composite au VABS de 60 ou plus, soit 78 enfants dont la grande majorité ont un QI moyen ou borderline (m = 61,36) ; ils sont tous situés à l’extrémité sévère du spectre autistique. Un groupe B, moyennement performants (QI = 42), soit 126 enfants avec un score entre 50 et 59 au VABS. Un groupe C peu performant (QI = 29), avec un score égal ou inférieur à 49 au VABS, soit 88 enfants. Intervention : l’intervention est du type ABA (renforcement, shaping, utilisation d’indice d’amorçage (prompting) incluant Ŕ mais non limité à Ŕ un enseignement par essais discrets ; procédures de généralisation ; méthode de facilitation de la communication (PECS, signes, paroles). La durée est de 20 à 40 heures/semaine, sauf lorsque l’enfant commence un transfert à l’école. L’intervention est menée en centre ou à la maison, ou encore dans des classes maternelles. Tous les éducateurs-thérapeutes ont été formés à la même école régionale pour l’intervention comportementale intensive, et sont supervisés au cours de leurs activités. Certains parents ont suivi des formations plus ou moins poussées, mais pas tous. La plupart des enfants ne reçoivent que l’intervention mentionnée ici sans autres interventions, excepté celles des parents eux-mêmes, s’ils avaient eu une formation. Les évaluations sont réalisées par des professionnels de l’équipe d’évaluation de l’agence centrale de chaque région impliquée dans le programme, mais non par les équipes assurant les traitements ni par celles en charge des autorisations d’intervention. Ces professionnels ne sont pas aveugles au statut de l’enfant puisque : (a) ils relèvent de la même administration régionale dont dépendent les enfants et (b) tous les enfants suivent le même programme. Résultat : Comparaison avant-après intervention. Sévérité de l’autisme : tous les items du CARS évaluant la sévérité de l’autisme montrent une amélioration cliniquement significative dans chacun des 3 groupes d’enfants. Cependant, l’amélioration est plus ou moins importante selon les groupes. À l’examen cas par cas, 59 des 145 enfants avec autisme modéré (41 %) passent hors du seuil diagnostic à la fin de l’intervention (CARS : score < 30), 52 % restent dans la catégorie autisme modéré (CARS : score entre 30 et 37) et 7 % s’aggravent (CARS : score >37). 16 des 106 enfants avec autisme sévère (15 %) passent dans la catégorie « non autiste », 59 % passent en catégorie « autisme modéré » et 26 % demeurent dans la catégorie « autisme sévère ». Ainsi, 138 enfants (50 %) passent dans une catégorie d’autisme moins sévère : 75 % des enfants avec « autisme sévère » passent dans une catégorie moins sévère et 41 % de la catégorie « autisme modéré » passe au-dessus du seuil diagnostic. QI : les 127 enfants, pour lesquels des données avant-après sont disponibles, montrent un gain significatif en QI d’environ 12 points en moyenne. Le groupe A présente un gain d’environs 20 points de QI, le groupe B un gain significatif de 10 points. Le groupe C ne fait HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 140 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées pas de gain significatif. Dans cette étude, un gain de 15 points est requis pour qu’il soit considéré comme un gain cliniquement significatif pour toute la population. Or, 49 des 127 enfants (38,5 %) présentent un gain de QI significatif, dont 22 ont un gain supérieur à 30 points. Trois enfants ont un QI plus faible à la fin qu’en début d’intervention, et 75 (59 %) ont un QI qui n’augmente pas de plus de 15 points. L’âge mental augmente significativement, même dans le groupe C, dont le QI n’augmente pas significativement. Dans ce groupe l’âge mental moyen passe de 19 à 25 mois, soit un gain moyen de 6 mois. Dans cette étude, un gain de 12 mois d’âge mental est requis pour qu’il soit considéré comme un gain cliniquement significatif. Or, 77 enfants (61 % de toute la population) ont un gain de plus de 12 mois, dont 40 (32 %) ont un gain de 24 mois et plus. L’âge mental d’un seul enfant diminue et celui des 48 autres (38 %) ne change pas de plus de 12 mois. Les comportements adaptatifs (VABS) : les scores bruts en mois augmentent significativement dans chacun des groupes et dans chacun des 4 domaines concernés (communication, autonomie de vie quotidienne, socialisation, motricité). Cependant, les scores standardisés par rapport à l’âge chronologique de l’enfant (ce qui est la manière la plus sévère d’évaluer les progrès) mettent en évidence que les scores de l’ensemble de la population augmentent significativement dans tous les domaines, sauf le domaine moteur où ils restent inchangés et le domaine de l’autonomie de la vie quotidienne où ils baissent. Les scores du groupe A augmentent significativement dans la communication, la socialisation et le score composite, mais ni dans l’autonomie de vie quotidienne, ni dans le domaine moteur. Les scores du groupe B augmentent significativement dans la communication, baissent significativement en autonomie de vie quotidienne, et ne changent ni en socialisation, ni dans le domaine moteur, ni en score composite. Les scores du groupe C baissent significativement dans l’autonomie de vie quotidienne et le score composite. Ainsi, seul le domaine de la communication augmente significativement dans chacun des deux groupes A et B d’enfants. Dans le domaine de la socialisation, seul le groupe A progresse significativement. En revanche, dans le domaine de l’autonomie de vie quotidienne, les scores stagnent dans le groupe A et diminuent significativement dans le groupe B et C. Le profil de changements des comportements adaptatifs diffère donc profondément entre les trois groupes. Le rythme (ou vitesse) de développement : cet indice est calculé sur le score global (dit « composite ») du test de comportements adaptatifs, c'est-à-dire sur le score le moins sévère du test du VABS. L’indice est calculé en faisant la différence entre le niveau obtenu au score composite (niveau évalué en mois) au début de l’intervention et le niveau obtenu à la fin de l’intervention divisée par le nombre de mois d’intervention. Par exemple, un enfant âgé de 24 mois obtient un score correspondant à un âge de 12 mois en début d’intervention et à un âge de 30 mois en fin d’intervention avec une durée de 18 mois d’intervention, l’indice de rythme de développement est de (30Ŕ12)/18 = 1. L’indice de rythme de développement d’un enfant dont le développement est normal est de 1. Les 278 enfants pour lesquels les informations nécessaires sont disponibles, l’indice moyen de vitesse de développement au début de l’intervention était de 0,32 (σ = 0,12) (la vitesse de développement en début d’intervention est calculée en divisant le score équivalent- âge par l’âge chronologique). L’indice de vitesse de développement passe à 0,77 (σ = 0,76) après intervention (l’indice de vitesse pendant l’intervention se calcule en prenant la différence entre les scores équivalent à l’âge à l’entrée en intervention et à la sortie divisée par la durée de l’intervalle (durée de l’intervention). L’accroissement de cet indice est significatif dans chacun des trois groupes d’enfants : HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 141 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées le groupe A passe de 0,47 (σ = 0,12) à 1,16 (σ = 0,95). Trente-huit des 72 enfants (52,7 %) de ce groupe présente un rythme de développement normal ou supérieur à la normale à la fin de l’intervention ; le groupe B passe de 0,31 (σ = 0,06) à 0,66 (σ = 0,59). Le rythme de développement a doublé comme pour le groupe A. Dans ce groupe, 34 des 114 enfants (29,8 %) ont un indice égal ou supérieur à la normale à la fin de l’intervention ; le groupe C passe de 0,22 (σ = 0,06) à 0,59 (σ = 0,69). Le rythme de développement a été multiplié par 2,5. Dans ce groupe, 14 des 91 enfants (15,4 %) ont un indice égal ou supérieur à la normale à la fin de l’intervention. La dispersion (σ) des indices augmente à la fin de l’intervention par rapport au début, ce qui indique une grande hétérogénéité de la réactivité des enfants face à l’intervention, comme le laissait prévoir les règles d’inclusion dans l’étude et comme cela est observé dans d’autres études. Une description des progrès et des résultats de l’intervention peut être donnée par une classification des enfants en 7 catégories qui tiennent compte des constats avant et après intervention. 1) Fonctionnement moyen : ces enfants atteignent des scores en QI et en comportements adaptatifs correspondant à un score moyen, faible ou fort (> 85) par rapport à leur âge. Ils ont des scores d’autisme (CARS) inférieurs au seuil diagnostic (CARS < 30) ou très proches. Ils correspondent à ce qu’on appelle les « meilleurs résultats », dans la littérature (best outcome). 2) Progrès notables : ces enfants ont gagné 10 points ou plus correspondant à leur âge en comportements adaptatifs et/ou en QI, et présentent une diminution significative des traits autistiques (CARS). Ils ont atteint un rythme de développement typique, sans atteindre la limite inférieure de la moyenne normale. 3) Progrès cliniquement signifiants : ces enfants ont amélioré leur scores absolus de développement ; leur rythme de développement est supérieur au rythme noté en début d’intervention et atteint 0,50 ou plus. Ils ont également progressé globalement en comportements adaptatifs et ont amélioré leurs scores à la CARS. 4) Moins de signes autistiques : ces enfants ont un score total d’autisme qui s’est amélioré, et/ou sont passés dans une catégorie d’autisme moins sévère (CARS), mais ils n’ont pas progressé du point de vue développemental comme dans la catégorie 3 ni même de façon minimale comme dans la catégorie 5. 5) Progrès minimes : le rythme de développement de ces enfants à la fin de l’intervention était de 0,25 ou plus ; leur score global en comportements adaptatifs a progressé en valeur absolue (ce score dit composite est le plus optimiste des scores du test Vineland). 6) Sans changement : ces enfants présentent un rythme très lent de développement (0 < 0,25) à la fin de l’intervention et/ou un rythme inchangé par rapport au début de l’intervention. Ni leur âge mental (en nombre de mois) à l’échelle de comportements adaptatifs, ni leur score d’autisme n’ont changé. 7) Détérioration : ces enfants ont présenté un rythme nul de développement ou une pente négative. Leur score global, corrigé en âge en comportements adaptatifs, était significativement plus faible (de 10 points ou plus) à la fin qu’au début de l’intervention. Le score d’autisme n’a pas changé ou s’est aggravé. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 142 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées La répartition des enfants en fonction de leur groupe de départ dans ces 7 catégories est indiquée dans le tableau 12 ci-dessous (d’après Perry et al., 2008) (203). Tableau 12. Catégories de progrès en fonction du niveau initial de fonctionnement cognitif (d’après Perry et al., 2008) (203). Progrès Nombre d’enfants (%) Niveau initial de fonctionnement Groupe A Groupe B Groupe (n = 77) (n = 119) C(n = 92) 1) Fonctionnement moyen 32 (10,8 %) 25 (32,5 %) 5 (4,2 %) 0 2)Progrès notable 43 (14,5 %) 19(24,7 %) 16 (13,4 %) 6 (6,5 %) 90 (30,4 %) 18 (23,4 %) 43 (36,1 %) 28 (30,4 %) 31 (10,5 %) 4 (5,2 %) 11 (9,2 %) 14 (15,2 %) 5) Progrès minimes 25 (8,4 %) 4 (5,2 %) 7 (5,9 %) 14 (15,2 %) 6) Sans changement 55 (18,6 %) 5 (6,5 %) 27 (22,7 %) 22 (23,9 %) 7) Détérioration 20 (6,8 %) 2 (2,6 %) 10 (8,4 %) 8 (8,7 %) 3) Progrès cliniquement significatifs 4) Moins de signes autistiques Nombre d’enfants : n = 288/296. En résumé, le gain moyen en QI est globalement plus faible (en moyenne un gain de 12 points, avec un QI de fin d’intervention situé dans la zone de déficit intellectuel modéré) que celui observé dans les études plus petites (entre 8 et 28 points de gain avec une médiane à 20 points et un QI de fin de traitement dans la zone frontière avec le normal), mais le groupe A, qui est le groupe le plus semblable aux groupes de ces petites études, montre un gain du même ordre (21 points). Le groupe B, qui ne présente que 11 points de gain, étant à la fois de plus faible niveau intellectuel et plus âgé que les petits groupes publiés, ne peut être comparé aux données d’une autre étude. Le groupe C est semblable du point de vue du niveau, mais plus âgé que les enfants de l’étude avec groupe contrôle de Smith et al. 1997 (204). Le groupe C ne gagne pas de points alors que le groupe expérimental de l’étude de Smith et al. gagne significativement plus de point de QI après l’intervention comportementale intensive que les contrôles qui en perdaient. Les comportements adaptatifs progressent dans le groupe A (gain de 18 points en communication) de la même façon que dans d’autres études (Eikeseth et al. 2002 (169) ; Howard et al. 2005 (168) ; Sallows et Graupner 2005 (197)). Les gains en socialisation et autonomie de vie quotidienne du groupe A sont cependant plus faibles que dans ces mêmes études. Cependant, plusieurs études ont aussi rapporté un gain important en communication, suivi du gain en socialisation et des gains modestes (Cohen et al. 2006 (165) ; Sallows et Graupner 2005 (197)) ou même une diminution des scores Smith et al. 2000 (191) en autonomie de vie quotidienne. Le rythme de développement des enfants de cette étude a globalement doublé avec des variations importantes entre groupes. Dans l’étude de Howard et al. (168), qui comparent un groupe d’enfants avec une intervention ABA intensive à deux autres groupes, le groupe expérimental présente pour les comportements adaptatifs un rythme de développement passant de 0,55 en début d’intervention à 1,13 en fin d’intervention, ce qui est analogue aux données du groupe A (de 0,47à 1,16) pourtant plus âgé que les groupes de Howard et al. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 143 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées L’intérêt de cette étude est le nombre important d’enfants. Chacun des groupes A, B et C comporte plus d’enfants que les groupes des études publiées. Or, la variabilité de leurs résultats est du même ordre. Ceci est un argument en faveur de l’idée que cette variabilité de la sensibilité aux interventions intensives est intrinsèque à la population visée, et qu’on peut la considérer comme ne mettant pas en doute les résultats des études plus petites. Le grand nombre de participants a également permis d’explorer les changements de la sévérité d’autisme avec une mesure standardisé de cette sévérité. Il reste que l’absence d’un groupe contrôle empêche d’attribuer la totalité des effets observés à l’intervention. Néanmoins, la comparaison avec les études plus petites comportant des groupes contrôles suggère sérieusement que les effets qui étaient du même ordre dans cette étude que dans les études contrôlées peuvent être attribués à l’intervention. Par ailleurs, l’absence de données sur la durée, la qualité et la fidélité du traitement est une source de variation non contrôlée. Enfin, une limitation existant dans un grand nombre d’études est la validité et la fiabilité des tests utilisés. Le Vineland (VABS) est une interview des parents, et présente donc les limites d’une évaluation qui n’est pas réalisée en aveugle ; le CARS est fondé sur une conception de l’autisme antérieur au DSM-IV. Les tests utilisés négligent aussi probablement bien des mesures qui se révèleront cruciales dans le futur. L’intervalle d’un an entre deux évaluations ne repose sur aucune justification, puisque le rythme des changements possibles en fonction des caractéristiques des signes autistiques n’est pas connu. De même, on ignore dans quelle mesure les gains observés ont été maintenus et peuvent être conservés. Enfin, les évaluateurs au début et à la fin de l’intervention ne sont ni aveugles au statut des enfants, ni totalement indépendants du programme. Néanmoins, cette étude montre qu’une intervention menée dans différents sites à une échelle, qui rend l’intervention et son contrôle difficile, produit des résultats analogues à ceux d’études plus petites et mieux contrôlées. 2009 Royaume-Uni Hayward et al. (205) comparent, au Royaume-Uni, une intervention ABA intensive directe sur les enfants dite « clinique », réalisée par des professionnels à domicile choisis par les responsables du programme et supervisée par les seniors du programme à une intervention ABA intensive par des tuteurs choisis et recrutés par les parents dite « parentale ». Ces derniers tuteurs sont entraînés au cours des sessions de consultation, et supervisés un minimum de 6 heures toutes les 6 semaines par les mêmes consultants seniors qui travaillent dans l’intervention clinique (cette étude est menée pour dupliquer celle de Mudford et al. 2001 qui ne respectaient pas le protocole de l’UCLA/Lovaas). La majorité des enfants dans les deux groupes reçoivent l’intervention à domicile. La méthode ABA utilise la technique d’enseignement par essais discrets et l’apprentissage incidentel ainsi que par interaction avec les environnements naturels. Population : Les critères d’inclusion sont : (a) diagnostic d’autisme d’après la CIM-10, (b) âge entre 24 et 42 mois, (c) pas d’autres pathologies. Les diagnostics sont effectués indépendamment de l’étude (avec confirmation par l’interview ADI-R par un des responsables de l’étude, tous les diagnostics ont été confirmés). Quarante-quatre enfants sont attribués à l’une de deux conditions. On peut considérer le mode d’attribution aux deux groupes comme bien contrôlé. Les enfants, résidant dans une limite de 60 km ou d’une heure de trajet maximum d’un centre de consultation, sont intégrés dans le groupe « clinique », et ceux résidant entre 60 et 120 km ou entre une et deux heures maximum de trajet du centre de consultation sont intégrés dans le groupe « parental ». Il y eut d’abord un seul centre, puis un second centre qui élargit la zone de recrutement. De même, à partir de l’hiver 2000 et jusqu’à la fin du recrutement, la zone géographique d’inclusion pour le groupe « Intervention parentale » s’est étendue à toute l’Angleterre et le HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 144 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Pays de Galles. Quand une famille souhaite le mode d’intervention qui ne correspond pas à celui du critère géographique, l’enfant n’est pas retenu dans l’étude. Intervention : durée, 1 an. Les parents des deux groupes reçoivent une demi-journée de formation aux principes de l’ABA, puis plusieurs jours d’entraînement supervisé en situation réelle. L’entraînement est ensuite donné lors de réunions et sessions de supervision et de tutorat. Dans les deux groupes les tuteurs d’intervention pratique l’ABA. Vingt-trois enfants sont attribués au groupe « clinique » (âge moyen = 36 mois, QI = 53) et 21 au groupe «parental» (âge moyen = 34 mois, QI = 54). Intensité : 37,4 heures/semaine (σ = 3,47) pour le groupe intervention clinique ; 34,2 heures/semaine (σ = 5,29) pour le groupe intervention parentale (différence non significative). Pour évaluer les effets de test-retest et de la maturation sur les gains, le début de l’intervention de 13 enfants du groupe « clinique» a été différé de 6,12 ou 18 semaines (attribution aléatoire des enfants à ces intervalles de temps). Ces enfants sont testés (réception du langage, imitation non vocale, imitation vocale et expression de langage) toutes les 3 semaines pendant cette phase sans traitement et pendant les premiers mois de traitement. Résultats : Les résultats du dispositif avec décalage mentionné ci-dessus montrent que ni la seule répétition des tests, ni la maturation associée à l’âge ne sont responsables de gains. Ces derniers ne s’accroissent qu’avec l’intervention. Les enfants de l’échantillon entrés plus tardivement en intervention ne présentent pas de résultats différents des autres à la fin de l’intervention. Après un an d’intervention, les deux groupes ne diffèrent entre eux sur aucune des mesures (QI, QI visuo-spatial du Merrill-Palmer, compréhension et expression du langage [Reynell], comportement adaptatif [VABS]). La similitude de la fréquence d’intervention entre les deux groupes laissait prévoir ce résultat qui montre que les parents savent organiser et recruter du personnel pour assurer l’intervention aussi bien que le centre spécialisé, s’ils disposent au moins au départ et de temps en temps du guidage par le centre spécialisé. Les progrès sont donc évalués sur l’ensemble des enfants des deux groupes. Un gain significatif avant-après est observé dans tous les aspects évalués (QI, QI visuo-spatial, compréhension et expression du langage, comportement adaptatif, communication, comportements sociaux et moteurs), sauf en ce qui concerne l’autonomie de vie quotidienne (sous-domaine des comportements adaptatifs, VABS) qui ne progresse pas. Au total 89 % des enfants présentent une augmentation de QI. La moitié de tous les participants gagne entre 15 et 52 points de QI ; 39 % gagnent 1 à 14 points ; 2 % ne changent pas de QI ; 9 % perdent de 4 à 18 points (mais 3 de ces enfants augmentent quand même leur âge mental et l’un d’eux n’en change pas). En compréhension et expression de langage (test de Reynell), le gain est de 27,5 et 26,95 mois (en compréhension, 17 enfants de l’intervention clinique et 13 de l’intervention parentale ont acquis un score supérieur à 20 ; en fait, les enfants avaient un score nul au départ). Avant intervention, aucun participant sauf un ne pouvait passer le test de Reynell en production de langage (le score maximal de 20 mois leur a donc été affecté, mais il se peut que des scores inférieurs aient été plus adaptés). Après intervention, le score moyen de l’échantillon est de 27,5 mois en compréhension et de 27 mois en production. Trente enfants ont un score supérieur au score de 20 mois en expression. Le gain en comportement adaptatif (VABS) est de 6,4 points en moyenne. Les scores atteignent un score moyen de 69,9 en score composite ; 71,2 en communication ; 72,1 en socialisation ; 85,6 en motricité. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 145 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Prédicteurs : dans l’ensemble ni l’âge (entre 24 et 42 mois), ni les scores en début d’intervention dans les différents domaines ne prédisent de façon fiable à la fois les scores et le montant des gains, excepté le QI visuo-spatial de début qui prédit les scores après intervention de QI et QI visuo-spatial, de langage (compréhension et production) et de comportement adaptatif, la taille des gains en QI et le score composite des comportements adaptatifs. Les gains en QI correspondent aux études de Cohen et al. (165,168-170,175,197,206). L’absence de différence entre les deux groupes correspond aux résultats trouvés par Sallows et Graupner (197), mais sont en contradiction avec ceux de Bibby et al. (207,208) en raison sans doute du fait que, dans la présente étude, l’encadrement et la supervision des tuteurs recrutés par les parents étaient mieux gérés que dans l’étude de Bibby. 2010 Royaume-Uni Au Royaume-Uni, Reed et al. (171) comparent 3 interventions. Interventions : deux interventions sont aménagées par les autorités socio-éducatives locales dans des classes maternelles : l’une s’adresse à tous les types de troubles de l’apprentissage chez des enfants d’âge préscolaire (éducation spéciale générale), l’autre s’adresse spécifiquement aux enfants d’âge préscolaire avec troubles du spectre autistique (éducation spéciale autisme). La troisième intervention est un programme global ABA du type essai discret avec renforcement, réalisé à domicile, avec un encadrement 1 : 1, 4 fois par semaine, avec formation, supervision et assistance des parents (PACTS : Parents of Autistic Children Training and Support, gérée par l’Éducation publique régionale de Bexley, environs de Londres), jusqu’à ce qu’une entrée en l’école ordinaire soit possible. Le nombre total d’heures d’intervention dans ce programme est le même que dans les deux autres programmes. Ce programme se focalise sur la coopération sociale, la communication, l’autonomie de vie quotidienne et le jeu. Le nombre moyen d’heures d’intervention est de 11,5 heures/semaine (étendue : 3-21), essentiellement en groupe pour l’intervention générale, 16,3 heures/semaine (étendue : 1323), essentiellement en groupe pour l’intervention spécifique autisme, et 12,6 heures/semaine (étendue : 11-20) avec encadrement 1 :1 pour le PACTS. Durée : 10 mois. Population : les enfants sont recrutés (a) auprès des instances compétentes de la région sud-est de l’Angleterre, (b) ont entre 2 ans 6 mois et 4 ans, (c) sont recrutés dès le diagnostic de troubles du spectre de l’autisme posé par un pédiatre indépendant de l’étude, (d) ne doivent suivre aucune autre intervention importante. La répartition entre groupes d’intervention dépend de ce que la région du domicile de l’enfant peut offrir. Douze enfants recevaient une éducation spéciale générale, 8 une éducation spéciale pour enfants avec troubles du spectre de l’autisme et 13 une intervention fournie par le PACTS avec encadrement 1 :1. Les trois groupes ne diffèrent en début d’intervention ni sur l’âge, ni la sévérité de l’autisme (GARS), ni les capacités intellectuelles (PEP-R), ni les connaissances scolaires (BAS), ni les comportements adaptatifs (VABS). Les tests avant et après intervention sont effectués par un seul psychologue aveugle au statut de l’enfant. Résultats : en termes de scores, le groupe « éducation spéciale générale » progresse significativement sur les connaissances scolaires (BAS), le groupe « éducation spéciale autisme » significativement sur les capacités intellectuelles (PEP-R) et le score composite de comportements adaptatifs (VABS) ; le groupe PACTS sur les connaissances scolaires HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 146 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées (BAS). La taille des effets avant/après se situe entre une taille moyenne et grande pour les deux premiers groupes (entre 0,63 et 1,2, c’est-à-dire un effet moyen à important), alors que pour le groupe PACTS, elle varie beaucoup selon les domaines testés (0,52 et -0,1) et n’atteint le niveau moyen que pour les fonctions intellectuelles et scolaires (PEP et BAS). Les comparaisons entre groupes ne montrent aucune différence significative dans les progrès dans aucun domaine. En termes de mois de développement gagnés (rythme de développement), chacun des trois groupes présente des gains significatifs dans chacun des trois domaines évalués (PEP, BAS, VABS). Le gain typique correspondant aurait été de 9 mois puisque les interventions durent 9 mois. Chacun des groupes gagne dans chacun des domaines environ 9 mois. La taille des effets est importante pour tous les groupes dans chacune des trois mesures. Aucune différence significative entre groupes n’émerge dans le rythme de développement pour aucun des domaines mesurés. Les scores de la GARS évaluant la sévérité de l’autisme ne montre de changement significatif dans aucun groupe ni de différence entre groupes. En résumé, les résultats de ces trois interventions ne révèlent pas de différences significatives. Dans les trois cas, l’intensité d’intervention est en moyenne à peu près la même. L’absence de différence statistique est toujours plus embarrassante que la présence de différence. Mais dans nombre d’étude d’évaluation (cf. ci-dessus), on observe des différences significatives entre intervention même avec des groupes comportant un nombre faible de participants. Il nous semble plus raisonnable de conclure que ce type de résultats pourrait indiquer qu’une intensité de l’ordre de 12 heures/semaine avec un encadrement 1 :1 n’est pas suffisante pour faire émerger en 10 mois une supériorité de l’intervention ABA. Une étude d’Osborne et al. (209) menée dans la même région et par les mêmes auteurs mentionne que même parmi les enfants en classe spécialisée de maternelle, une proportion non négligeable reçoit aussi une intervention avec renforcement et encadrement 1 :1. Leurs résultats montrent que les enfants (en maternelles spécialisées et ceux en intervention ABA) qui ont plus de 16 heures/semaine présentent plus de gain que ceux qui ont moins de 16 heures/semaine, mais le gain obtenu par un nombre d’heures supérieur est anéanti dans les familles qui déclarent un taux élevé de stress. Le facteur « stress » contrecarre l’effet bénéfique d’une intensité > 16 heures/semaine, alors qu’il n’a pas d’effet sur le groupe avec moins de 16 heures/semaine. Faiblesse : en dehors de la question de la randomisation, il manque des informations sur le diagnostic d’autisme dans chacun des groupes et des informations sur l’intervention ABA et sur les interventions en maternelle. ► Interventions comportementales de faible intensité combinée à une prise en charge scolaire spécifique 2010 Pays-Bas Peters-Scheffer et al. (210) évaluent, dans un essai contrôlé, les effets de l’addition d’une intervention type ABA de faible intensité à une prise en charge scolaire spécialisée. Participants : critères de recrutement diagnostic d’autisme ou TED non spécifié (DSM-IV, diagnostic par un psychologue ou un psychiatre non impliqué dans l’étude), âge inférieur à 7 ans, sans autre troubles. Les deux groupes, expérimental et contrôle, ne différaient avant intervention sur aucune des variables d’âge 53,50 (étendue 42Ŕ62), 52,95 (étendue 38Ŕ75), d’âge de développement (25,92 et 23,32), de QD 47 et 45,73, de score composite au VABS 20,83 (étendue 13Ŕ35) et HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 147 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 19,18 (étendue 11Ŕ30), de score total à l’échelle of Pervasive Development Disorder in mentally Retarded Persons 11,58 (étendue 1Ŕ18) et 12,91 (étendue 3Ŕ18). Intervention : tous les enfants fréquentent l’une de 13 écoles maternelles spécialisées pour enfants avec autisme et avec retard mental. Chaque enfant est dans une classe de 6Ŕ10 enfants de niveau équivalent avec 2 ou 3 enseignants. La fréquentation est de 28,3 heures/semaine (étendue : 16Ŕ36 heures/semaine). Des éléments de TEACCH sont utilisés pour structurer l’environnement. L’enseignement repose sur l’apprentissage incidentel, le jeu structuré des activités de groupe. Les enfants reçoivent aussi des interventions individuelles de physiothérapie, d’orthophonie, de musicothérapie, de thérapie par le jeu au maximum 1 heure/semaine. Un psychologue ou un éducateur spécialisé selon les écoles supervise les programmes. Le groupe expérimental reçoit 5 à 10 heures/semaine d’intervention ABA avec un encadrement 1 :1 (essais discrets) en classe. Cette intervention expérimentale ABA cible l’attention, la réponse aux demandes, l’imitation non verbale, la communication. Cette intervention est assurée par des intervenants ou les enseignants supervisés par un éducateur ayant 5 ans d’expérience de l’ABA. De plus, il faut noter que dans les classes fréquentées par les enfants du groupe expérimental, les enseignants utilisent aussi de temps à autre, mais non systématiquement, des principes techniques ABA avec le groupe d’élèves lorsqu’ils doivent enseigner de nouveaux comportements et les faire généraliser à la vie quotidienne. Si on comptait ces heures d’intervention comportementales avec les heures 1 :1 explicitement ABA, on parviendrait à un total d’environ 28 heures/semaines d’intervention comportementale structurée. Durée : 8 mois. Résultats : les deux groupes ne différaient avant intervention sur aucune des variables mesurées après intervention. Après intervention, le groupe expérimental présente un gain significativement supérieur au groupe contrôle en quotient de développement (+8,83 points vs -2 points) et âge mental de développement (échelles de Bayley). Au VABS, les deux groupes montrent des gains, mais les gains du groupe expérimental sont significativement plus élevés que ceux du groupe contrôle dans les trois domaines du VABS et le score composite. Dans les deux groupes, la sévérité des signes d’autisme a diminué significativement, mais sans différence entre les deux groupes. L’amélioration du groupe expérimental au score total de la Child Behavior Checklist (CBC) et à son échelle « internalisation » est significativement supérieure à celle du groupe contrôle. Faiblesses : absence de randomisation des groupes. Manque de clarté sur le recrutement des enfants. Pas de données sur les gains en termes cliniques. 2011 Norvège Eldevik et al. (211) évaluent, par une étude contrôlée non randomisée, dans quelle mesure une intervention comportementale globale de faible intensité sur des enfants avec autisme scolarisés dans un cycle typique, est plus efficace que les prises en charge diverses et variées. Participants : tous les enfants, ayant reçu une intervention dans le centre depuis sa création en 2000 jusqu’en février 2011, ont été recrutés pour savoir s’ils satisfaisaient aux critères suivants : un diagnostic d’autisme ou de TED non spécifié (ADI-R), posé de façon indépendante, âgés de 2 à 6 ans ayant eu un test de QI et un test VABS au début et à la fin HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 148 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées de l’intervention d’une durée de 2 ans, ayant eu un minimum de 5 heures d’intervention par semaine. Un groupe de comparaison est constitué par des enfants satisfaisant aux mêmes critères, scolarisés dans le cursus typique, avec une prise en charge classique à l’école sans intervention comportementale globale. Le groupe expérimental comporte 43 enfants (25 enfants avec autisme, 5 TED non spécifié, 1 Asperger ; âge moyen 42,2, étendue 26Ŕ70 ; 4 enfants ne présentent pas de déficience mentale, 10 une déficience légère, 12 une déficience modérée et 5 une déficience sévère ; fréquence d’intervention : 13,6 heures/semaine, étendue : 6,5Ŕ28 heures/semaine ; durée 25 mois, étendue 10Ŕ34 mois. Le groupe contrôle comporte 12 enfants (9 enfants avec autisme, 3 TED non spécifié ; âge moyen : 46 mois, étendue 24Ŕ67 ; 2 enfants ne présentent pas de déficience mentale, 4 une déficience légère, 5 une déficience modérée, 1 une déficience sévère ; fréquence d’intervention : 5+ heures/semaine, durée 24,6 mois, étendue 13Ŕ49 mois. Les deux groupes ne diffèrent ni en âge, ni en durée d’intervention, ni par la distribution des diagnostics ou la distribution des niveaux de déficience mentale. Les QI et les scores de VABS étaient un peu plus bas que dans la population générale d’enfants avec autisme. Les enfants fréquentent l’école 20 heures/semaine. Intervention : le groupe expérimental reçoit une intervention comportementale encadrée 1 :1 dans une pièce isolée des classes quand l’intervention le requiert. L’équipe d’intervenants est formée et supervisée toutes les semaines. Toutes les procédures sont fondées sur les principes de conditionnement opérant avec renforcement différentiel, etc. Mais les buts sont définis en fonction de l’état de développement de l’enfant et des connaissances sur le développement mental en général. Le groupe contrôle reçoit une intervention qui une combinaison de plusieurs interventions dont l’ABA et TEACCH. Résultats : Le groupe expérimental présente après deux ans d’intervention un gain en QI (Bayley) significativement supérieur (passant de 51,6 à 66,6) à celui du groupe contrôle (qui passe de 51,7 à 52,2). Il en va de même du score composite du VABS, de la communication et de la socialisation. Six de 31 enfants du groupe expérimental présentent un gain de 27 points et plus (changement fiable), 10 présentent un changement entre 15 et 26 points ; deux des 31 enfants présentent un gain de plus de 21 points en score composite du VABS (changement fiable), 12 présentent un changement supérieur à 6 points. Dans le groupe contrôle, aucun enfant ne présente de changement supérieur ou égal à 27 points de QI ni aucun un changement supérieur à 6 points au score composite du VABS. Conclusion : malgré l’association possible entre intensité d’intervention et efficacité que l’on trouve dans beaucoup d’études, les résultats de la présente étude suggèrent qu’une fréquence faible d’intervention comportementale, compatible avec la scolarisation est plus efficace qu’un autre mode de prise en charge. Mais il est possible que le décompte des heures d’intervention ait été fait de façon plus rigoureuse que dans les études qui décrivent des interventions de 30 heures. ► Interventions « développementales » associant ou non l’« ABA » : études cliniques Dans les études reportées ci-dessous, le détail des procédures utilisées n’est pas mentionné pour ne pas alourdir cet argumentaire. Les caractéristiques principales des programmes décrits dans les études cliniques identifiées sont précisées en annexe 16. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 149 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2010 États-Unis Dawson et al. (175), dans le cadre du Early Start Denver Model, comparent une intervention comportementale intensive intégrant ABA et approche développementale appliquée chez de très jeunes enfants avec autisme (18 à 30 mois) à une intervention moins intensive. Il s’agit de la seule étude randomisée et méthodologiquement très rigoureuse concernant des enfants âgés de moins de 30 mois. Cette étude est citée dans la revue de Kasari et Lawton (178) comme méthodologiquement très robuste, et a reçu, dans l’Evaluative Method for determining EBP in Autism (193), le rang de « fort ». La méthodologie de cette étude respecte tous les critères applicables à ce type d’étude. Population : 48 enfants avec (a) un diagnostic d’autisme ou de TED non spécifié (Toddler diagnostic Interview avec critères ADOS et diagnostic clinique fondé sur le DSM-IV), (b) résidant à moins de 30 minutes de l’université de Washington, (c) âgés de 18 à 30 mois. Sont exclus les enfants avec un QI inférieur à 35 mesuré par un score en mois divisé par l’âge chronologique dans le domaine de la réception visuelle et de la motricité fine des échelles d’apprentissage précoce de Mullen (MSEL). Sont également exclus les enfants avec un développement neurologique anormal d’étiologie connue, un déficit moteur ou sensoriel sévère, de sérieux problèmes de santé, des crises d’épilepsie, des prises de médicaments psychotropes, et dont la mère a consommé alcool ou drogue pendant la gestation. Vingt-quatre enfants sont expérimentaux (dont 3 TED non spécifiés) et 21 contrôles (dont 6 TED non spécifiés). Les enfants recrutés par toutes les filières possibles sont stratifiés sur la base du QI < 55 ou QI de 55 et plus) et du sexe, puis attribués au hasard à l’une de deux conditions. Interventions : 1) Une intervention comportementale globale qui intègre une méthode ABA par essai discret et une approche développementale et fondée sur la prise en considération des relations interindividuelles : cette intervention est adaptée aux enfants à partir de un an (Early Start Denver Model, ESDM). Elle est réalisée à domicile par des thérapeutes entraînés avec une intensité de 2 x 2 heures/jour, 5 jours par semaine pendant 2 ans. Les thérapeutes disposent d’un manuel détaillé39. Un ou les deux parents sont entraînés par le thérapeute principal au cours de 2 sessions mensuelles. L’intervention utilise des stratégies d’éducation qui impliquent (a) que les échanges interpersonnels s’effectuent dans le cadre d’attitude affective positive, (b) que le thérapeute et l’enfant partagent leurs activités dans des situations et avec des matériels de la vie quotidienne, (c) que l’adulte soit à l’écoute des indices émis par l’enfant et y réagisse avec sensibilité, (d) que l’accent soit mis sur la communication verbale et non verbale. L’ensemble de ces stratégies est fondé sur un programme développemental bien renseigné concernant tous les domaines de développement. Les stratégies d’éducation (ou d’enseignement) correspondent à celles de l’ABA telles que le conditionnement instrumental, l’enchaînement des segments comportementaux. Le projet est défini pour chaque enfant individuellement. Les parents entraînés doivent utiliser les stratégies de l’intervention dans toutes les activités quotidiennes (toilette, repas, jeux). Les objectifs poursuivis aux cours de ces activités quotidiennes sont ceux définis par les parents comme hautement prioritaires. Au total, l’intervention comporte de 25 à 41 heures/semaine, soit 20 heures/semaine (2 x 2 heures/j x 5 jours) par des professionnels à domicile et 5 heures ou plus par les 39 Rogers SJ, Dawson G. Early Start Denver Model for young children with autism. New York : Gulilford Press 2009. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 150 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées parents formés (en moyenne 16,3 heures/semaine d’après le rapport des parents) et en moyenne 5 heures/semaine de thérapies extérieures (orthophonie, développement préscolaire). 2) Un groupe où les parents reçoivent des recommandations d’intervention, le manuel et des lectures au début, un suivi deux fois/an la première et la 2e année, et sont adressés aux institutions de la région qui assurent des interventions. Ces enfants reçoivent en moyenne 9,1 heures/semaine de thérapie individuelle et 9,3 heures/semaine d’intervention en groupe pendant les deux ans (soit 18,2 heures/semaine). Durée : 2 ans. Tous les enfants sont évalués par des examinateurs indépendants de l’étude. La fidélité de l’intervention évaluée est assurée par l’existence d’un manuel et une supervision fréquente. Résultats : les résultats sont présentés dans le tableau 13. Dès la fin de la première année, les 2 groupes diffèrent significativement sur le QI (score standardisé composite du Mullen Scale Early Learning |MSEL] ; gain de15,4 points de QI [> 1 σ] dans le groupe expérimental contre 4,4 points [< 1σ] dans le groupe contrôle). Les deux groupes diffèrent significativement sur l’échelle de réception visuelle du MSEL (gain de 5,6 points pour le groupe expérimental contre 1,7 points). Le score à l’échelle de réception du langage tend à être supérieur (17,8 points pour le groupe expérimental contre 9,8 points, p = 0,051). Les autres échelles du MSEL ne révèlent aucune différence entre groupes. Ni le score standardisé composite de la VABS des groupes, ni les scores de sévérité de l’autisme (ADOS), ni le score de comportements répétitifs (RBS) ne diffèrent entre les deux groupes. À la fin de la 2e année, les gains du groupe expérimental restent significativement supérieurs à ceux du groupe contrôle pour le QI, et deviennent significativement supérieurs pour la réception et production du langage, les comportements adaptatifs (communication, autonomie de vie quotidienne, habiletés motrices). Par rapport au début du traitement, le score standardisé composite du MSEL augmente de 17,6 (> 1 σ) dans le groupe expérimental contre 7,0 dans le groupe contrôle. Ce gain du groupe expérimental tient essentiellement aux gains en réception et production du langage (gain de 18,9 et 12,1 points [> 1 σ] contre 10,2 [> 1 σ] et 4,0 points [< 1σ] pour le groupe contrôle). Le score composite standardisé de comportements adaptatifs (évalués par la VABS) montre une supériorité significative du groupe expérimental sur le groupe contrôle, et indique un rythme régulier de développement dans le groupe expérimental et un déclin dans le groupe contrôle. Les deux groupes diffèrent dans le domaine de la communication, de l’autonomie dans la vie quotidienne, de la motricité. La différence n’est pas significative dans le domaine de socialisation. Malgré son développement régulier dans presque tous les comportements adaptatifs, le groupe expérimental demeure en retard par rapport à la norme du VABS. Les deux groupes ne diffèrent pas en termes de sévérité d’autisme ni de comportements répétitifs (RBS). Mais les auteurs notent qu’à la fin de la seconde année, les enfants du groupe expérimental ont plus de chance d’avoir un « meilleur diagnostic » que ceux du groupe contrôle : 62,5 % du groupe expérimental conservent le même diagnostic (14 avec autisme, 1 TED non spécifié) et 29,2 % (7 enfants) passe de « autisme » à « TED non spécifié ». Dans le groupe contrôle, 71 % conservent le même diagnostic (17 avec autisme), et 4,8 % (1 enfant) passe en TED non spécifié. En revanche, dans le groupe expérimental, 2 enfants avec diagnostic de TED non spécifié au début de l’étude passent dans la catégorie HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 151 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées « autisme » ; dans le groupe contrôle, 5 des 6 TED non spécifiés passent dans la catégorie « autisme ». Ces changements de diagnostic, faits par des cliniciens expérimentés et ignorant le statut des enfants au regard de la condition expérimentale ou contrôle, ne sont cependant pas reflétés par les scores ADOS de sévérité. Il est possible que le rapport par les parents ait contrebalancé le rôle de l’ADOS dans le diagnostic. En résumé, les différences observées entre groupes sont robustes. Elles sont plus importantes que celles observées dans d’autres études menées sur des durées plus courtes avec moins d’heures d’intervention/semaine (194,212). Cette étude montre le caractère efficace d’une intervention comportementale intensive de type modèle de Denver aménagée avec des considérations développementales pour le très jeune enfant. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 152 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Tableau 13. Scores des deux groupes avant intervention, après un an et deux ans d’intervention, d’après (175). Posttest : Scores fin de 1re année Gr contrôle Gr expérimental Moy σ δ Moy σ δ Posttest :Scores fin de 2e année Gr contrôle Gr expérimental σ Moy δ σ Moy δ Interaction (1re année) F CM p Interaction (1re année) F CM p Âge chronologique 38,1 3,8 15,3 38,8 4,4 14,9 52,1 4,3 29,3 52,4 3,4 28,5 0,95 2,18 0,334 1,27 6,91 0,266 MSEL Composite Learning 64,0 13,8 4,4 76,4 23,4 15,4 66,3 15,3 7,0 78,6 24,2 17,6 5,99 1416,9 0,018 4,31 1264,38 0,044 Langage réceptif 31,1 11,1 9,8 38,9 15,4 17,8 31,5 10,6 10,2 40,0 16,3 18,9 4,00 745,21 051 4,14 843,56 0,048 Réception visuelle 33,0 11,5 6,7 36,1 14,2 11,6 30,0 9,2 4,0 36,6 13,6 12,1 1,99 290,43 0,165 4,88 748,07 0,033 Motricité fine 29,0 10,7 -1,7 38,8 16,4 5,6 34,5 13,0 4,5 41,0 17,9 7,8 4,22 621,97 0,046 0,63 126,23 0,433 VABS 26,1 8,6 -5,0 32,7 11,7 -1,3 28,5 9,5 -2,8 33,5 12,2 -0,4 1,32 161,35 0,256 0,46 63,81 0,503 Communication 63,7 8,8 -6,3 65,7 9,8 -3,8 59,1 8,8 -11,2 68,7 15,9 -0,8 0,85 71,61 0,360 7,05 1181,82 0,011 Socialisation 71,0 13,0 1,2 73,5 11,7 5,0 69,4 15,8 -0,7 82,1 21,8 13,7 1,38 175,69 0,246 6,38 2300,98 0,015 Vie quotidienne 68,9 12,1 -3,5 70,0 9,9 -3,8 63,1 9,3 -8,9 69,2 11,6 -4,6 0,01 1,15 0,934 1,29 204,57 0,263 Habiletés motrices 65,3 7,1 -7,4 65,6 8,6 -5,3 58,0 8,1 -14,5 64,7 12,4 -6,2 0,89 51,78 0,350 6,73 773,34 0,013 Score ADOS 7,3 2,1 0,4 6,5 1,5 -0,7 7,3 1,8 0,3 7,0 1,9 -0,2 3,38 13,15 0,072 0,66 3,29 0,422 23,3 17,5 1,0 15,5 12,3 0,9 22,0 16,3 -0,6 16,7 13,1 2,5 0,001 0,19 0,976 0,37 92,50 0,545 de RBS (total) Score Early sévérité Moy = moyenne ; σ : écart type ; δ = différence par rapport au score pré-intervention ; F : valeur du F (ANOVA) pour l’interaction Groupe X posttest ; CM : carrés moyens (un p < 0,05 indique ici que le score du groupe expérimental après intervention a plus augmenté par rapport au score avant intervention que le score du groupe contrôle) HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 153 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Interventions TEACCH : interventions cliniques Dans les études reportées ci-dessous, le détail des procédures utilisées n’est pas fourni car cette description serait trop longue. Les caractéristiques principales des programmes décrits dans les études cliniques identifiées sont précisées en annexe 16, afin de faciliter la lecture du document. 2007 Hong-Kong, Chine Tsang et al. 2007 (213) comparent une intervention TEACCH à une intervention en système éducatif spécialisé non TEACCH. Population : 18 enfants sont tirés au hasard dans une école spécialisée, sont âgés de 3 à 5 ans et reçoivent une intervention TEACCH. Seize enfants âgés de 3 à 5 ans 11 mois reçoivent une éducation diversifiée en écoles spécialisées non-TEACCH. Tous les enfants sont diagnostiqués ayant un TED ou TED non spécifié (DSM-IV). Aucun enfant n’avait reçu d’enseignement structuré avant cet essai. Le QI du groupe expérimental est plus bas (m = 59,96, σ = 11,11) que celui du groupe contrôle (m = 74,23, σ = 18,06). Le groupe expérimental contient 14 enfants avec retard mental et 4 sans retard mental, le groupe contrôle comporte 7 enfants avec retard mental et 9 sans retard mental. Intervention : l’encadrement est de 1 adulte pour 6 à 8 enfants pour le groupe TEACCH et de 1 adulte pour 20 ou 30 enfants pour le groupe contrôle. Les enfants du groupe expérimental font un plein temps scolaire 5 jours/semaine avec 30 minutes d’entraînement individuel/semaine et 30 minutes de travail indépendant/semaine. Les enfants reçoivent aussi de l’orthophonie, de l’ergothérapie, de la psychomotricité selon les cas. Le groupe contrôle a les mêmes horaires de travail et les mêmes thérapies additionnelles. Durée : 12 mois avec des mesures au début, après 6 mois et 12 mois après le début d’intervention. Résultats : les analyses tiennent compte statistiquement de la différence en QI que les deux groupes présentent en début d’intervention. Après 6 mois d’intervention, le groupe expérimental a des gains plus importants que le groupe contrôle en perception, motricité fine et globale (échelle PEP : CPEP-R). Le groupe contrôle a des gains plus importants en indépendance de vie quotidienne et dans la somme des scores de l’échelle de comportement adaptatifs de Hong Kong (HKBABS). La comparaison des deux groupes après 12 mois n’est pas donnée. En termes de comparaison avant/après, le groupe expérimental a des gains significatifs après 6 mois dans les domaines où ses gains sont supérieurs à ceux du groupe contrôle ainsi qu’en imitation, coordination main-œil, performances cognitives et verbales, tandis que dans ces 4 domaines le groupe contrôle n’a pas de gain après 6 mois. Le développement, scores et âge mental d’intelligence non verbale (Merrill Palmer) et la communication montrent des gains dans chacun des deux groupes. Le groupe contrôle montre des gains en socialisation et en comportements adaptatifs (HKBABS). Enfin entre le 6e et le 12e mois, le groupe expérimental progresse encore en coordination main-œil, compétence verbale, score de développement, intelligence non verbale, communication, indépendance de vie quotidienne, socialisation, motricité. On ne dispose pas des informations pour le groupe contrôle. En résumé : l’intervention TEACCH montre des gains supérieurs à une prise en charge d’éducation spécialisée après 6 mois en perception, motricité fine et globale (échelle PEP : CPEP-R), mais plus faibles en indépendance de vie quotidienne et scores adaptatifs. Faiblesses :les personnes réalisant les évaluations des enfants à 6 et 12 mois ne sont pas aveugles à leur statut dans l’étude. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 154 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2009 Italie Une étude de Panerai et al. (177) compare une intervention TEACCH menée dans un centre, à d’une part une intervention TEACCH réalisée à domicile et à l’école après une formation spécifique des parents, et d’autre part à l’effet d’une absence d’intervention spécifique avec intégration des enfants à l’école. Les 3 interventions ont une durée de 3 ans. Population : 34 enfants ont été recrutés parmi des enfants diagnostiqués comme présentant un autisme (DSM-IV-TR) modéré à sévère (CARS) et un score au-dessus de la limite (ADIRT). Tous les enfants présentent un retard mental sévère (profil établi par un test nonstandardisé, le Learning Accomplishment Profile-Revised (LAP) pour les enfants de 36 à 72 mois dans 7 domaines : motricité globale et fine, prégraphisme, cognitif, langage, vie quotidienne, personnalité et social ; LAP : âge mental de 22 mois en moyenne pour un âge chronologique moyen de 9 ans). Dans chacune des trois filières, les enfants étaient recrutés au fur et à mesure de leur arrivée. La répartition dans les trois filières était dictée par le choix des parents qui avaient choisi avant d’être contactés pour l’étude. À l’intérieur de chacune des filières, les enfants ont été retenus selon les critères suivants : être en école primaire (âge des enfants est de 9 ans en moyenne), être présent pendant les trois ans, être évalué plusieurs fois avec le PEP-R et l’échelle d’évaluation de comportements adaptatifs (VABS). Interventions : onze enfants parmi les enfants admis au centre résidentiel qui assure l’intervention TEACCH constituent le groupe « TEACCH centre ». Les activités se déroulent de 8 h 00 du matin à 20 h 30. La plupart des parents applique en plus le programme à la maison dans les périodes où l’enfant revient chez lui. Treize enfants (groupe « TEACCHParents ») reçoivent une intervention TEACCH par leurs parents et fréquentent une école classique avec une aide formée pour les aider. Les parents de ces enfants ont reçu un entraînement de 4 semaines. Les parents ont structuré leur intervention à domicile comme dans le centre (une ou deux pièces spécifiques pour l’intervention au domicile et une pièce à l’école). L’entraînement était vérifié après 6 mois ; la durée journalière des interventions est moins régulière qu’au centre. Dix enfants (groupe « école ») ont été recrutés parmi les enfants passant par le service de diagnostic. Ces enfants fréquentent l’école classique avec une aide qui organise et planifie leurs apprentissages, mais sans utiliser de méthode particulière. Plusieurs de ces enfants reçoivent de la rééducation motrice et orthophonique par ailleurs. Les groupes ne diffèrent sur aucune des mesures en début d’étude. Les professionnels qui ont administré les tests avant et après traitement étaient aveugles au statut des enfants et au but de l’étude. Durée : 3 ans d’intervention. Résultats : les scores de comportements adaptatifs (VABS) ne changent pas significativement entre le début et la fin de l’étude dans le groupe « école ». Ces scores augmentent de façon significative dans tous les domaines du comportement adaptatif VABS pour les deux autres groupes. Dans le test de Profile psychoeducatif (PEPS), le groupe « école » ne modifie que son score de « perception ». Le groupe « TEACCH parents » le modifie dans tous les domaines sauf en performances verbales cognitives ; son âge de développement augmente significativement (de 23,69 à 29,15). Le groupe « TEACCH centre » modifie ses scores en imitation, motricité, coordination main-œil, performances cognitives, mais non en HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 155 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées performances verbales cognitives ; son âge développemental passe en moyenne de 20,64 à 25,82 mois. Les 2 groupes « TEACCH parent » et « TEACCH centre » ne diffèrent sur aucune des mesures de gain (ni en comportements adaptatifs, ni en test PEP-R, ni en âge de développement). En revanche, le groupe « école » est inférieur à chacun des deux autres groupes pour les gains en motricité, performances cognitives, socialisation, relations interpersonnelles et comportements mal adaptés. De plus, le groupe « école » gagne moins que le groupe « TEACCH parent » en imitation et en âge développemental du PEP, en autonomie de vie quotidienne, en particulier en habiletés personnelles et dans l’échelle composite de la VABS. L’intervention TEACCH, qu’elle soit réalisée en internat spécialisé ou à la maison+école, produit de meilleurs résultats qu’une intervention non structurée avec intégration scolaire. L’intervention TEACCH réalisée à domicile et couplée à l’intégration à l’école (« TEACCH parent ») présente un peu plus de gains par rapport à une intervention non structurée que l’intervention TEACCH en centre (« TEACCH centre »). L’intégration scolaire sans intervention spécifique structurée n’est donc pas suffisante par rapport à ce qu’elle peut donner lorsqu’elle est couplée à une intervention structurée. Les faiblesses de l’étude (en dehors de la répartition non aléatoire des enfants) : le caractère restreint des tests (la PEPS est peu utilisé dans les études des interventions ABA), ce qui rend la comparaison avec d’autres études difficile. Dans la mesure où des enseignants sont impliqués, on aurait aimé disposer d’une enquête de satisfaction auprès des parents et des enseignants de l’école qui collaboraient à l’intervention TEACCH. 1998 États-Unis Ozonoff et Cathcart (214) comparent un groupe avec intervention TEACCH réalisée à domicile où les parents sont formés, à un groupe avec un traitement différent. Population : 22 participants âgés de 2 à 6 ans sont recrutés dans la région de Salt Lake City : les 11 premiers enfants recrutés sont attribués à l’intervention TEACCH, les 11 suivants au groupe contrôle. La répartition n’est pas au hasard mais bien contrôlée. Tous les participants reçoivent simultanément des services de la part des programmes locaux de traitement : 6 des 11 enfants du groupe TEACCH fréquentent une école maternelle pour enfants avec autisme et les 5 autres fréquentent des écoles d’éducation spécialisée générale. Neuf enfants du groupe contrôle fréquentent des écoles spéciales pour enfants avec autisme, et les deux autres enfants fréquentent une école d’éducation spécialisée générale. La durée moyenne d’intervention est de 16,5 heures/semaine. Les deux groupes ne diffèrent sur aucune de leurs caractéristiques ni sur aucune des mesures en début d’intervention (CARS, PEP). Intervention : durée 10 semaines. Les personnes formées pour le TEACCH interviennent à domicile au cours de 10 sessions. Les parents sont formés à la pratique du TEACCH par des thérapeutes. Les parents remplacent progressivement la personne chargée de l’intervention à domicile, tout en étant supervisée pendant plusieurs semaines. Le groupe contrôle ne reçoit pas de traitement à domicile. Les évaluations ne sont pas faites par des personnes indépendantes de l’étude ni en aveugles vis-à-vis du statut des enfants. Résultats : le groupe TEACCH présente un gain supérieur au groupe contrôle pour l’imitation, la motricité fine, la motricité globale, et les performances cognitives de la PEP-R, ainsi que pour le score global de PEP-R. Les scores de perception, de cognition verbale ne HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 156 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées diffèrent pas. Le groupe TEACCH d’un âge moyen de 17,9 à 27 mois en imitation, de 26,3 à 43,9 en perception, de 28,8 à 38,7 mois en motricité fine, de 29,8 à 38,5 mois en motricité globale, de 27,1 à 34 en intégration main-œil, de 15,6 à 26,2 mois en performances cognitives de 14,9 à 19,3 en cognition verbale et de 21,4 à 28,7 mois pour l’échelle PRP-R totale. En 4 mois, les participants du groupe TEACCH ont gagné une moyenne de 9,6 mois de développement. Prédicteurs : le gain total en mois à la PEP est bien prédit par les scores (en mois) au prétest. Meilleurs sont les capacités initiales des enfants, plus importants sont les progrès. Le score en mois au subtest de cognition verbale en début d’intervention prédit le gain total en mois de la PEP. Les scores de la CARS en début d’intervention (40,9 pour le groupe TEACCH, 38 pour le groupe contrôle) sont négativement corrélés avec le gain total en mois de la PEP. Autrement dit, un autisme modéré et de bonnes capacités de langage prédisent des progrès plus importants. L’âge n’est pas corrélé au gain. En 4 mois, les participants ont gagné une moyenne de 9,6 mois de développement (âge mental moyen à la PEP en début d’intervention : 21,4 mois, étendue : 16Ŕ36) Faiblesse : le mode de recrutement des enfants n’est pas connu, les évaluateurs ne sont pas aveugles au statut des enfants, le manque de test de comportement adaptatif est regrettable. 2004 Turquie Mukaddes et al. (215), à Istanbul, évaluent une intervention courte de TEACCH sur deux groupes différents. Population : les enfants sont recrutés au centre clinique où travaillent les auteurs. Le diagnostic d’autisme est fondé sur le DSM-IV et posé par deux cliniciens. Un groupe de 10 enfants âgés de 24 à 66 mois avec un diagnostic d’autisme et un groupe de 11 enfants âgés de 30 à 70 mois avec troubles réactifs de l’attachement (TRA) sont recrutés. Les enfants TRA sont issus de conditions d’éducation présentant un taux anormal d’isolement pendant leur première année de vie, malgré le niveau socio-économique et les conditions familiales acceptables. Intervention : l’intervention est un programme TEACCH un peu aménagé. Pendant une à deux sessions, les parents des deux groupes sont informés, formés à gérer leur culpabilité, établir des relations stimulantes et stables avec l’enfant, à interagir en jouant. Pendant 10 à 12 sessions, les parents apprennent à jouer et interagir avec l’enfant, lui enseigner des pratiques de vie quotidienne, à gérer l’agressivité et les difficultés comportementales. À la fin de 3 mois d’intervention, les enfants sont de nouveau évalués. L’ADSI (Ankara Developmental Screening Inventory est une interview structurée des parents ; pour chaque question il y a trois réponses : oui, non, ne sait pas) qui comporte 4 échelles standardisées allant de 0 à 6 ans (langage, motricité fine, motricité globale, compétences d’interactions sociales et de vie quotidienne). Résultats : les deux groupes (Autisme et TRA) montrent des gains significatifs dans les 4 domaines évalués. Les enfants TRA montrent significativement plus de gain que le groupe autisme dans tous les domaines, sauf dans les deux domaines moteurs. En résumé : l’intervention bénéficie plus à des enfants dont l’environnement a été anormal qu’à des enfants avec autisme. La brièveté de l’intervention (3 mois) pourrait expliquer le moindre effet sur les enfants avec autisme. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 157 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2010 Irlande McConkey et al. (216) (Irlande du Nord) évaluent une intervention fondée essentiellement sur les principes de TEACCH et incluant des méthodes de communication telles que Hanen et PECS (l’approche Hanen de rééducation du langage par les parents insiste sur l’initiative de l’enfant, l’imitation et le tour de parole), en la comparant à une absence d’intervention. Le programme est appelé Keyhole (Crawford, Doherty, Crozier et Cassidy, 2006), et est effectué à domicile. Il vise à étudier la possibilité d’évaluer de nouvelles interventions menées à domicile avec formation des parents et supervision par un expert. Population : après le diagnostic, chaque famille reçoit la possibilité de mener un programme à domicile. Les familles qui ont choisi ce programme constituent le groupe expérimental. Le groupe contrôle est recruté après la fin de l’intervention pour moitié dans les mêmes régions que le groupe expérimental et pour moitié dans d’autres régions. Les critères d’inclusion pour les deux groupes sont : diagnostic d’autisme confirmé, âge inférieur à 4 ans et ne fréquentant pas d’école maternelle. Les enfants du groupe expérimental ne recevaient pas de rééducation orthophonique supplémentaire. Vingt-quatre enfants sont recrutés dans le groupe expérimental (constitués de deux groupes localisés dans deux régions). Vingt-cinq enfants sont recrutés dans le groupe contrôle. Dans les deux groupes se trouvent autant d’enfants avec un handicap sensoriel ou épilepsie, et un enfant avec un handicap physique. La répartition entre groupe n’est pas randomisée. Intervention : durée, entre 6 et 11 mois. L’intervention est destinée à développer chez l’enfant un système de communication cohérent, une capacité de coopération chez l’enfant pour les situations d’interaction 1 :1, une compréhension de l’environnement à domicile, et développer chez les parents des capacités à gérer les comportements et organiser et encourager les apprentissages. Les deux thérapeutes, un dans chaque région, affectés au groupe expérimental, sont spécialisés en orthophonie et en autisme. Chaque session dure 90 minutes et a lieu tous les 15 jours. Les 4 premières sessions à domicile (1 par semaine) consistent en familiarisation et explication aux parents. Les 10 à 12 sessions suivantes (1 tous les 15 jours) consistent en définition du programme spécifique à chaque enfant et formation pratique des parents à la communication visuelle (TEACCH et PECS) et l’encouragement à la communication. La formation des parents concerne aussi les habiletés pour l’autonomie de vie quotidienne. Pendant les 1 à 4 sessions suivantes, est organisé le passage en classe de maternelle ou en groupes de jeu. Quinze familles du groupe contrôle reçoivent 5 visites à domicile pour information, du matériel de jeu et d’activités avec des suggestions écrites d’utilisation. Les onze autres familles contrôles ne reçoivent rien. Les évaluateurs postintervention sont aveugles au traitement et indépendants de l’étude. Résultats : les scores PEP-R du groupe traité augmentent significativement dans tous les domaines (imitation, perception, motricité fine, motricité globale, coordination main-œil, cognition non-verbale, cognition verbale), l’âge de développement augmente de 20,1 mois à 29,7 mois en moyenne. Mais les scores ne sont pas comparés à ceux du groupe contrôle qui n’a pas passé la PEP en début d’étude. L’interview semi-structurée des parents (VABS) montre que la communication et l’autonomie de vie quotidienne ont significativement plus augmenté dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle qui ne présente pas de gain. Le score moyen standardisé de communication du groupe TEACCH passe de 61,5 à 69,5 ; celui d’autonomie de vie quotidienne passe de 65,9 à 71,2. L’augmentation des scores en socialisation croît dans les deux groupes, mais ce gain ne diffère pas entre les deux groupes. Les gains d’habiletés motrices et le score composite de comportement adaptatif (VABS) ne diffèrent pas HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 158 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées significativement entre les deux groupes. Ceci est conforme à l’attente, compte tenu de la nature de l’intervention qui ne visait qu’un domaine particulier de comportements. Comme dans toutes les autres études, la dispersion augmente après intervention dans les domaines dans lesquels il y a progrès montrant une sensibilité différentielle des enfants à l’intervention. Le quotient d’autisme (GARS) indique une augmentation de la sévérité de l’autisme dans les deux groupes, sans différence significative entre les deux groupes. Les auteurs remarquent que cette augmentation est souvent notée dans les études commençant avec des enfants jeunes quand les signes comportementaux deviennent plus clairement identifiables avec l’âge. Au total, 91 % des parents de groupe traité sont satisfaits de l’intervention. En résumé, l’étude montre qu’on peut organiser sérieusement une évaluation de programmes d’intervention rénovés, réalisés à domicile en encadrant bien le système et en formant les parents, sans que les enfants en pâtissent. Les faiblesses de l’étude (en dehors de l’absence de randomisation) : la durée très inhomogène de l’intervention, la composition des groupes qui incluent des enfants avec handicaps sensoriels, l’absence de comparaison des scores cognitifs du PEP entre les 2 groupes. ► Autres études cliniques relatives aux interventions globales 2002 Royaume-Uni Salt et al. (217) (centre écossais d’autisme) comparent deux groupes d’enfants d’âge préscolaire. Cette étude est considérée comme une « intervention développementale » dans plusieurs revues. Elle est sélectionnée par Ospina et al. (162) et Rogers et Vismara (161) qui lui donnent le score méthodologique de 3 (meilleur score 1), en raison de l’absence de randomisation et de mesures de fidélité des interventions. Cette étude ne correspond pas aux critères méthodologiques du présent argumentaire, puisque son groupe contrôle ne comporte que 5 enfants (le groupe expérimental en comporte 12). Cependant, elle présente l’intérêt d’une intervention peu intensive et d’une coordination intéressante entre ABA et approche développementale. Population : au fur et à mesure de leur arrivée et de leur diagnostic d’autisme (selon la CIM10), les enfants sont d’abord recrutés dans le groupe avec intervention puis les suivants sont placés en liste d’attente pour le groupe contrôle. Le groupe traité (n = 12) a une moyenne d’âge de 42,6 mois, un âge mental moyen de 17 mois et un QI moyen 39,43. Le groupe contrôle (n = 5) a un âge moyen de 37,67 mois, un âge mental moyen de 20,83 mois et un QI moyen de 55,67. La seule différence significative entre les deux groupes est que le QI (âge mental/âge chronologique x 100) du groupe non traité est significativement plus élevé que celui du groupe traité (55,67 contre 39,43). L’intervention proposée, mise au point par le Scottish Autism Center qui réalise l’étude, est peu intensive. L’évaluation des déficits dans les compétences sociales, de communication, de jeu de comportements adaptatifs, de motivation et de flexibilité détermine un programme d’intervention fixant des buts à court et à long termes qui sont revus périodiquement pour chaque enfant. Le rapport thérapeute enfant est de 1 :1, mais les thérapeutes permutent d’un enfant à un autre. Les parents sont formés et entraînés comme cothérapeutes (session une fois/semaine). L’intervention cible les habiletés de communications sociales, les comportements d’attention conjointe, l’imitation, les versants réceptifs et expressifs du langage, le jeu fonctionnel et imaginatif, l’autonomie de vie quotidienne, les capacités cognitives. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 159 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Il s’agit d’un traitement peu intensif de 8 heures (par sessions de deux heures) par période de 15 jours pendant 11 mois. Les parents doivent pratiquer en plus 1 heure/jour avec leur enfant. L’intensité d’intervention est au total de l’ordre de 11 heures/semaine. Le traitement est dit « naturaliste » par opposition à la méthode par essais discrets, mais les modes d’intervention auprès de l’enfant ne diffèrent pas du type ABA, contemporain avec certaines spécificités comme la recommandation « d’imiter l’enfant pour entrer dans son monde ». Les parents sont présents pendant les sessions et ainsi formés à ce type d’intervention. Le groupe contrôle est en liste d’attente compte tenu de sa date d’arrivée. La répartition n’est donc pas au hasard. Les deux groupes reçoivent par ailleurs d’autres interventions : en moyenne 28 heures/semaine de nursery et 3 heures d’une autre intervention pour le groupe traité ; en moyenne 39 heures/semaine et 2 heures/semaine d’une autre intervention pour le groupe contrôle. La personne, effectuant les tests avant et après traitement, est indépendante de l’étude et aveugle aux traitements. Le groupe traité présente une augmentation significativement plus grande que celle du groupe contrôle dans le développement de la socialisation, l’autonomie de vie quotidienne, le comportement moteur et le score composite de comportement adaptatif (VABS), alors que le groupe contrôle ne présente pas d’augmentation. De plus, le groupe traité augmente significativement plus son niveau d’imitation (Preverbal Communication Schedule), d’attention conjointe et d’interactions sociales (Early Social Communication Scale, ESCS) que le groupe contrôle qui ne l’augmente pas ; son niveau de comportement de requête n’augmente que marginalement. En revanche, les groupes augmentent de façon équivalente leurs scores en jeu symbolique (Symbolic Play test), en langage (nombre de mots compris et produits, MacArthur Communication Development Inventories, MCDI). L’échelle de stress des parents et les indices de stress (Parenting Stress index, PSI) ne présentent pas de différences significatives ni entre mesures avant-après, ni entre groupes. Cette intervention « naturaliste », peu intensive et d’une durée de 11 mois, assure aux enfants un accroissement des capacités significativement supérieur aux progrès des enfants contrôles recevant autant d’heures d’intervention, mais sans ce traitement spécifique. Ces données permettent d’exclure une explication des progrès comme résultant d’un processus de maturation globale, et ceci malgré le fait que le QI de départ des enfants traités était significativement plus faible que ceux du groupe non traité. En revanche, le niveau de langage a progressé de façon équivalente dans les deux groupes. Trois hypothèses sont envisageables : soit le QI supérieur du groupe contrôle lui a permis ce développement du langage, soit cette absence de différence est liée au fait que 3 des 5 enfants contrôles aient reçu un traitement spécifique pour le langage pendant cette période, soit enfin le traitement n’a pas d’effet spécifique sur le développement du langage contrairement à l’attente des auteurs. Ce point pourrait être important, car on sait que le développement de la communication non verbale est un facteur intervenant dans le développement du langage. Intervenir sur les compétences fortement corrélées au développement du langage pourrait donc ne pas suffire à déclencher un développement typique de ce dernier. Les gains observés dans cette étude n’atteignent pas l’importance des gains observés avec un traitement plus intense associant l’ABA, mais montrent néanmoins de véritables gains. Il faut noter que la taille de l’effet est forte (> 1,0) dans les domaines de l’imitation et de l’attention conjointe qui sont des domaines cruciaux pour faire évoluer les jeunes enfants avec autisme. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 160 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les faiblesses : le recrutement en amont n’est pas clair ; il n’y a pas de randomisation ; le groupe contrôle a un QI supérieur au groupe traité et le nombre d’enfants dans le groupe contrôle est plus faible que dans le groupe expérimental. ► Persistance des effets à long terme après une intervention comportementale globale Il existe très peu d’études examinant la persistance à long terme des gains acquis au cours d’une intervention comportementale. McEachin et al. (218) avaient comparé deux groupes de 19 enfants d’âge préscolaire, dont l’un avait reçu une intervention ABA. À l’âge de 11 ans, les enfants du groupe expérimental conservent leurs gains, ont une scolarité plus stable et réussie que les enfants du groupe contrôle. Sur les 9 enfants (parmi les 19 enfants expérimentaux) qui avaient présenté les gains les plus importants en fin d’intervention à 7 ans, 8 ne présentent plus à 11 ans de différence avec les enfants typiques en ce qui concerne les tests d’intelligence et d’adaptation. Mais deux études plus tardives ne reproduisent que partiellement ces résultats. Le petit nombre d’études sur les effets à long terme des interventions ne permet pas de conclure. Les données disponibles offrent un recul de 6 mois à 2 ans à l’issue de l’intervention. Elles montrent qu’une partie seulement des enfants conservent leur gain. Par ailleurs, on note que la diminution de l’intensité d’intervention liée à la scolarisation s’accompagne pour une partie des enfants d’un maintien des gains. On ignore les facteurs responsables du maintien ou non des gains. Les deux études ci-dessous examinent directement la question du maintien à long terme des gains. Par ailleurs, les données fournies par des études, dont les enfants sont progressivement inclus en scolarisation et diminuent donc ou arrêtent leur traitement comportemental, sont résumées après ces deux études. 2011 Royaume-Uni L’étude de Kovshoff et al. (219) est la suite de l’étude de *Remington et al. 2007 (166). Il s’agit d’une évaluation des participants deux ans après la fin de l’intervention. Participants : les 23 participants du groupe expérimental ont été réévalués deux ans après la fin de l’intervention. Ce groupe était composé de deux sous-groupes : a) un sous-groupe de 14 enfants dont l’intervention (non payante) était supervisée par une équipe universitaire, b) un sous-groupe de 9 enfants dont les parents avaient recruté les intervenants ABA et des consultants spécialistes de l’ABA, les finançaient et géraient l’organisation de ce traitement. Après 24 mois d’intervention, les deux groupes avaient été fusionnés en l’absence de différences intergroupes. Par ailleurs,18 des 21 participants du groupe contrôle ont été retestés deux ans après la fin de l’étude. Les enfants sont alors âgés entre 6 ans et 7 mois et 8 ans (m = 7 ans et 2 mois). La version récente de l’ADI-R indique que tous les enfants présentent encore le diagnostic d’autisme. L’évaluation des enfants est réalisée par un psychomotricien expérimenté dans l’autisme et indépendant de l’étude. Résultats : deux ans après la fin de l’intervention, tous les enfants sont scolarisés, mais le nombre d’enfants scolarisés dans un cycle typique est significativement plus grand dans le groupe ABA que dans le groupe contrôle (ABA : 14 enfants/23 avec 7/14 du HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 161 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées groupe « universitaire » et 7/9 du groupe parental versus contrôle : 4/18). Cependant, tous les enfants inclus dans le cycle typique, sauf 1, dispose d’une aide 1 :1 en classe au moins à temps partiel. Ni les gains observés en QI ni ceux observés en comportements adaptatifs (VABS) ne sont maintenus deux ans après la fin de l’intervention, et les scores entre les deux groupes ne diffèrent pas significativement, après ajustement sur l’âge et les scores initiaux avant intervention. En revanche, l’évaluation du versant compréhension du langage (échelle de Reynell) montre qu’un nombre significativement plus grand d’enfants du groupe ABA (22/23) sont dans la moyenne comparativement au groupe contrôle (13/18). La différence n’est pas significative pour le versant production des échelles de Reynell (20/23 pour le groupe ABA, 12/18 pour le groupe contrôle). Bien que les résultats des deux sous-groupes du groupe ABA ne différaient ni un an, ni deux ans après le début de l’intervention, la différence de traitement ABA entre ces deux sousgroupes pouvaient éventuellement être à l’origine de différence à long terme. Les résultats de ces deux sous-groupes sont examinés en les séparant. Les comparaisons des trois groupes (ABA universitaire, ABA parental, Contrôle) avant, pendant et à la fin de l’intervention confirment que la supériorité du groupe ABA sur le groupe contrôle à la fin de l’intervention était bien due à chacun des deux sous-groupes. Mais deux ans après la fin de l’intervention, le QI du groupe contrôle se maintient à son niveau de fin d’intervention ; le QI du sous-groupe parental se maintient au niveau atteint à la fin de l’intervention (avec son gain), mais le QI du sous-groupe universitaire chute. Cette dissociation des trajectoires du QI avec le temps entre les deux sous-groupe est statistiquement significative. Le même phénomène se produit avec les comportements adaptatifs (VABS) : pour le score composite, la communication et les habiletés de vie quotidienne : le groupe ABA universitaire ne maintient pas ses gains tandis que le sous-groupe ABA parental les maintient. Seuls les gains en langage se maintiennent de façon équivalente dans les deux sous-groupes. Une analyse rétrospective des différences entre les deux sous-groupes avant intervention montre que les scores d’interaction sociale à l’ADI-R révélaient (avant intervention) une sévérité significativement plus grande des symptômes dans le sous-groupe universitaire que dans le sous-groupe avec gestion parentale, et une tendance forte, bien que non significative, dans le même sens pour les scores composites de l’ADI-R. De même les scores composites du VABS, les scores de communication, de vie quotidienne, de socialisation sont plus élevés dans le sous-groupe avec gestion parentale que dans le sousgroupe universitaire. Les scores de QI vont dans le même sens, mais sans atteindre la significativité statistique. Le nombre d’heures d’interventions était significativement supérieur au cours de la première et de la seconde année d’intervention dans le sous-groupe avec gestion parentale (2 457,39 heures) que dans le sous-groupe universitaire (1 753,38 heures). Conclusion : ces résultats montrent d’abord que les gains acquis par une intervention ABA peuvent se maintenir pour certains enfants, bien qu’en moyenne les gains ne se sont pas maintenus deux ans après la fin de l’intervention. Mais la différence entre les deux sousgroupes montre que les conditions de ce maintien sont inconnues. Parmi tous les facteurs qui différencient les deux sous-groupes, il est impossible de savoir le ou lesquels pourraient éventuellement être à l’origine du maintien à long terme des gains dans le seul sous-groupe avec gestion parentale. Plusieurs de ces facteurs ont été examinés directement par d’autres études qui ont montré leur rôle : intensité de l’intervention, QI avant intervention. Les facteurs liés aux parents pourraient aussi jouer un rôle (motivation, degré d’acceptation du traitement, engagement, ou facteurs économiques). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 162 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Ces résultats montrent la nécessité d’analyser les données avec au moins deux modèles statistiques (par ex. : avec et sans covariance), l’intérêt de la randomisation, la nécessité de l’analyse précise des données avant intervention. 2010 États-Unis L’étude d’Akshoomoff et al. (176) est un suivi prospectif de l’étude de Stahmer et al. (173,174). Vingt de 57 participants de l’étude de Stahmer ont été suivis après leur sortie du programme d’intervention à l’âge de 3 ans (29 familles sur 57 ont accepté de participer au suivi longitudinal, les résultats obtenus au final ont concerné 20 enfants. Il n’a pas été observé de différences statistiques en fin de suivi dans l’étude de Stahmer entre les enfants dont les familles ont accepté et celles qui ont refusé de participer au suivi longitudinal). Participants : ils avaient 36 mois à la fin de l’intervention ; ils ont en moyenne 85,3 mois (écart type 27,8) lors de la troisième évaluation, plusieurs années après la fin de l’intervention. Ils avaient reçu l’intervention Children’s Toddler School Program (CTS) pendant 7,7 mois en moyenne (écart type = 2,2). L’intervalle entre la sortie de programme à 3 ans et l’évaluation présente était de 1,1 à 8,4 ans (moyenne 4 ans, écart type 2,3). Au total, 80 % des participants reçoivent encore de l’orthophonie, 76 % de l’ergothérapie, 31 % de l’éducation physique spéciale, 65 % une intervention prosociale. Intervention : cf. ci-dessus l’étude de Stahmer décrite dans la section « Inclusion en scolarité partielle ou totale » (173,174). Résultats : le tableau 14 donne les scores obtenus avant intervention, à la sortie d’intervention en moyenne 9 mois plus tard (à l’âge de 3 ans) et lors de l’évaluation à long terme. L’augmentation des QI verbaux et non verbaux, depuis avant l’intervention jusqu’à l’évaluation à long terme, est statistiquement significative. Quatre enfants avaient un QI non verbal supérieur 85 avant intervention et 11 enfants à la fin de l’intervention. Lors de la 3e évaluation, 15 enfants (75 %) sont à la moyenne typique en QI non verbal. Avant intervention, aucun enfant n’avait un QI verbal atteignant la moyenne typique, mais 7 atteignent la moyenne à la fin de l’intervention et 13 à la 3e évaluation. Tableau 14. Évolution à long terme des enfants avec TED après intervention précoce terminée à 3 ans (suivi moyen postintervention : 4 ans, n = 20 sur 57 initialement inclus) d’après Akshoomoff et al. (176). Moyenne (écart type). Variable Âge en mois QI verbal QI non verbal VABS Communication VABS Socialisation VABS Vie quotidienne ADOS sociale ADOS Communication ADIR social ADIR Communication ADIR Comportements répétitifs Avant intervention 28,9 (2,7) 47,2 (15,2) 70,4 (14,6) 70,9 (10,1) 71,5 (8,7) 68,8 (6 ;8) Après intervention 35 (1,3) 72,9 (24,7) 85 (15,8) 76,6 (12,9) 76,8 (11,7) 70,6 (8,1) À long terme e (3 évaluation) 85,3 (27,8) 83,8 (28, 3) 88,2 (24,4) 84 (16,6) 73,7 (13,9) 81,1 (16,3) 7,4 (3,0) 3,6 (2,2) 15 (7,4) 14,1 (5,0) 7,8 (2,6) Les scores de communication d’habileté de vie quotidienne (VABS) augmentent significativement à travers les trois évaluations. Les scores de communication augmentent aux deux évaluations postintervention successives. L’augmentation des scores de vie quotidienne n’est significative que de la seconde à la troisième évaluation. L’augmentation est cliniquement significative pour ces deux domaines du VABS. Les scores de socialisation n’augmentent pas significativement à travers les trois évaluations HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 163 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Le diagnostic de départ ne change pas pour 70 % des enfants à la troisième évaluation. Les changements observés sont en majorité un changement de TED non spécifié à autisme. À la fin de l’intervention, 16 enfants sont dans une classe spéciale, 8 sont dans une classe avec des enfants typiques (« cursus inversé »), les 5 autres enfants sont dans des écoles typiques privées. Lors de la 3e évaluation, 10 enfants sont en maternelle, 19 sont en classe élémentaire, dont 12 dans des classes typiques. Lors de la 3e évaluation, on constate que les enfants avec les symptômes d’autisme les plus sévères reçoivent plus d’interventions diverses que les autres qui reçoivent globalement moins d’interventions. En résumé, les scores des enfants se maintiennent même longtemps après l’intervention. Malheureusement, on ne sait pas ce que ces enfants ont exactement reçu comme intervention après la sortie du programme CTS. Faiblesses : les résultats ne concernent que 20 des 57 enfants initialement inclus dans le programme d’intervention précoce. Conclusion : les gains observés après 9 mois d’intervention chez des enfants de moins de 3 ans peuvent se maintenir, mais on ignore les conditions nécessaires à ce maintien. Outre les études Akshoomoff et al. 2010 (176) et de Kovshoff et al. 2011 (219) (ci-dessus), les études de Smith et al. (191) (cf. aussi erratum) (195) et d’Eikeseth et al. (169,170) comportent des enfants qui, après environ 12 mois d’intervention intensive, sont progressivement inclus à l‘école ; l’intensité d’intervention diminue alors sérieusement. Tous les enfants ne passent pas dans un cursus scolaire typique. Dans l’étude de Smith et al. (191), les effets de l’intervention intensive testés deux ans après le début de l’intervention, donc après la diminution de la fréquence d’intervention, sont supérieurs à ceux du groupe contrôle. Dans l’étude d’Eikeseth et al. (169,170), la seconde évaluation est faite environ 33 mois après l’intervention. Or, 5 enfants sur 13 du groupe expérimental et un enfant du groupe contrôle, ayant atteint 6 ans et ayant atteint un niveau suffisant sont passés à l’école. Ces enfants ont une fréquence faible d’intervention. Les autres enfants ayant atteint 6 ans conservent une fréquence allant de 3 à 18 heures d’intervention/semaine. On peut donc considérer qu’on dispose d’un suivi à long terme (avec délai de 18 mois) des effets d’une diminution de fréquence d’intervention après 12 mois d’intervention intensive. Or, lors de cette deuxième évaluation, l’écart entre les deux groupes (expérimental et contrôle) s’est accru par rapport à l’écart observé entre les deux groupes au premier posttest un an après le début d’intervention. Cet accroissement de l’écart est dû au maintien ou parfois à l’accroissement des gains en QI et VABS au deuxième posttest dans le groupe expérimental et à la tendance à la stagnation ou à la diminution des scores dans le groupe contrôle. Les comportements sociaux déficients et l’agressivité (Achenbach Child Behavior Checklist, ACBC) ont également diminué significativement plus dans le groupe ABA que dans le groupe contrôle. Dans l’étude de Sallows et Graupner (197), deux ans d’intervention intensive sont suivis ensuite de deux années avec une fréquence d’intervention diminuant au fur et à mesure où les enfants fréquentent plus l’école. À la fin de la première année, deux groupes de QI se séparent : un groupe de QI des enfants progressant rapidement (48 % des 23 enfants) avaient 55 de QI en moyenne au départ et atteignent 104 à la fin des 4 ans d’interventions, et les enfants au développement moins rapide qui avaient un QI moyen de 50 et ont un QI verbal moyen de 48 et un QI moyen performance de 64. Les apprentis rapides ont eu en moyenne 34 heures/semaine d’intervention la première année et 31 la seconde. En 3e année, ces enfants (âgés en moyenne de 7,67 ans) entrent dans un cursus scolaire typique HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 164 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées de CP ou de CE1. En 3e et 4e année, la fréquence d’intervention auprès de ces enfants diminue jusqu’à 17 heures par semaine incluant les heures avec une AVS à l’école. On peut donc considérer que les évaluations faites en fin de 4e année fournissent un recul à long terme relatif sur les effets de l’intervention intensive des deux premières années pour les enfants rapides. Le QIP augmente à la fin de la première année de 40 points, puis augmente encore, mais plus faiblement jusqu’à la fin de la 4e année ; le QI verbal et les scores VABS augmentent peu à la fin de la deuxième année puis plus dans les 3e et 4e années. Dans le groupe d’apprentis lents, les gains en QI et VABS sont plus lents et s’étalent sur les 4 ans. Quatre de ces 12 enfants sont dans un cursus scolaire normal avec une aide et un programme allégé, 6 partagent leur temps entre une école typique et une école spécialisée. Deux sont à plein temps dans une école spécialisée. À la fin de la 4e année, les scores de ces enfants progressent encore. En conclusion, malgré la diminution des heures d’interventions liée à la scolarisation des enfants « rapides », les scores de ces enfants se maintiennent ou augmentent encore par rapport à la seconde année d’intervention. Dans l’étude d’Eikeseth (169,170), les enfants entraient dans le programme entre 4 et 7 ans. Moyenne d’âge à l’entrée : groupe comportemental intensif 66,31 mois (écart type = 11,31) ; groupe de comparaison : 65, 00 mois (écart type = 10.95). Les enfants entraient à l’école quand ils atteignaient 72 mois (6 ans). La fréquence d’intervention comportementale diminuait à ce moment-là. Les évaluations postintervention ont été faites 12 mois (deuxième évaluation) et 30 mois (troisième évaluation) après l’entrée dans le programme. Cinq des 13 enfants (38 %) du groupe comportemental intensif et 1 des 12 enfants (8 %) du groupe de comparaison (intervention éclectique) étaient normalement scolarisés et ne recevaient plus d’intervention encadrée 1 :1 lors de la troisième évaluation. Ils participent à plein temps (20 heures/semaine) à leur classe avec un tuteur (shadow teacher) pratiquant l’ABA de 4 à 20 heures/semaine, selon les cas, pendant la classe typique. La comparaison des scores obtenus à la fin de la première année d’intervention et à la fin des 30 mois montre que l’écart entre le groupe expérimental et le groupe de comparaison se creuse significativement de plus en plus pour le QI et le VABS. Les scores du groupe expérimental augmentent moins entre la deuxième et la troisième évaluation qu’entre la première (préintervention) et la seconde, mais les scores du groupe de comparaison diminuent ou stagnent. Par conséquent, on peut considérer que les gains de la première année dans le groupe expérimental se maintiennent pendant un délai supplémentaire de 1 an et demi où l’intervention est en moyenne nulle ou beaucoup plus réduite. ► Conclusions de l’évaluation de l’efficacité et la sécurité des interventions comportementales et développementales globales Efficacité On peut tirer certaines conclusions de ce compte-rendu sur les interventions globales ou comprehensives. Ces interventions ont porté sur des enfants qui ne sont ni Asperger, ni de haut niveau de fonctionnement cognitif, dont le QI est inférieur à 80 et le plus souvent autour d’une moyenne de 50. C’est la raison pour laquelle la modification du QI par l’intervention est un indicateur intéressant, dans la mesure où c’est la condition à l’adaptation au milieu et de l’efficacité d’autres modes d’intervention incluant l’école. Les interventions systématiques augmentent le QI, les compétences de communication et le langage significativement plus que les interventions prises comme contrôles (éclectiques, moins d’intensité, éducation spécialisée). Mais tous les enfants ne sont pas sensibles aux interventions systématiques étudiées. En effet à travers les études, on observe que le pourcentage d’enfants passant dans une zone de moyenne typique pour le QI est de l’ordre de 45 à 50 % au maximum. Les compétences de communication sont très souvent HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 165 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées améliorées, mais le langage lui-même, lorsqu’il est examiné spécifiquement, ne se modifie significativement le plus souvent qu’au cours d’une seconde année d’intervention ou bien avec moins de succès que le QI. L’amélioration des comportements adaptatifs est fréquente mais moins spectaculaire que celle du QI. L’autonomie de vie quotidienne est rarement plus améliorée dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle. La sévérité de l’autisme est également peu souvent modifiée. Les études sur les interventions comportementales intensives, commencées à l’âge préscolaire et d’une durée de l’ordre de 2 à 3 ans, montrent une amélioration réelle et cliniquement signifiante d’un sous-ensemble important d’enfants (environ 50 %) avec autisme et retard mental. On observe des gains en QI, en langage et dans la capacité à s’intégrer dans le système scolaire. Les caractéristiques communes aux interventions comportementales et développementales intensives globales qui obtiennent ce type de résultats sont les suivantes : ces interventions visent l’imitation, le langage, la communication, le jeu, les capacités d’interactions sociales, l’organisation motrice et des actions, les capacités adaptatives des comportements ; malgré la diversité des domaines de compétences visée par ces interventions, une intervention doit être pensée et planifiée de façon homogène, afin de faciliter à l’enfant la compréhension du monde et des comportements des individus qui l’entourent et qu’il puisse aussi généraliser et transférer ses acquis quand l’occasion se présente. Une intervention globale ne peut pas consister en une collection de rééducations pratiquées avec des techniques trop hétérogènes ; ces interventions tiennent compte de la séquence développementale ; les stratégies d’intervention comportementale ont reçu une validation empirique (elles se regroupent sous le nom général d’intervention comportementale ou ABA, intégrant les considérations développementale) ; elles comportent des stratégies pour réduire les comportements interférants (mais toutes les interventions passées en revue n’ont pas ciblé cet aspect) ; elles comportent une implication des parents (qui peut être extrêmement variable, mais l’information sur l’autisme apparaît comme nécessaire) ; elles comportent une transition graduelle vers des environnements de plus en plus ordinaires ; elles reposent sur une équipe très compétente, très entraînée ; elles reposent sur des mécanismes de supervision et de veille (l’une des raisons de la nécessité d’une supervision régulière tient à la nécessité de détecter le plus rapidement possible dans quelle mesure il faut redéfinir les objectifs à court terme de l’intervention) ; elles sont mises en œuvre avec une haute intensité, d’environ 20 à 25 heures d’intervention/semaine avec un encadrement 1 :1, pendant au moins deux ans ; et un début à l’âge de 18 mois-48 mois. Lorsque ces caractéristiques sont toutes présentes, environ 50 % des enfants obtiennent de très bons résultats (cf. les interventions décrites dans la partie « Interventions développementales, comportementales, éducatives : description des études cliniques et la revue de la littérature). Dans les études examinées, il semble que le niveau atteint permet une intégration scolaire pour plus de 50 % des enfants, mais cette question dépend aussi des capacités et habitudes d’intégration scolaire locales. Rappelons encore une fois que les interventions passées en revue ne guérissent pas, mais donnent à l’enfant les moyens d’une vie sociale et autonome tendant vers celle d’un enfant ayant un développement typique. De plus, il n’existe pas d’intervention à l’heure actuelle qui obtienne le passage de tous les enfants d’un échantillon dans une zone typique de scores moyens dans tous les domaines de fonctionnement mental et comportemental. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 166 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Un grand nombre d’études ont essayé de comprendre pourquoi une partie des enfants ne tire pas bénéfice d’une intervention. La question reste ouverte ; on trouvera des informations à ce sujet sous la rubrique « Les prédicteurs » ci-dessous. On sait qu’il faut commencer le plus précocement possible une intervention chez l’enfant parce que, le moins longtemps, il restera sans apprentissage et sans moyen de gérer ses émotions, le plus vite il pourra s’adapter à son milieu. Les interventions précoces sont efficaces. Mais on ne dispose pas de preuves qu’une intervention commencée à 4 ans à plus de chance d’échouer que celle commencée à deux ans. Par ailleurs, il est possible que l’importance de la composante ABA dépende de la sévérité de l’autisme, du QI, de l’état de développement de la communication. L’efficacité des interventions ne dépend pas seulement du nombre d’heures (dont on ne connaît pas exactement le nombre minimal nécessaire), mais de l’organisation de l’approche : à intensité égale les interventions globales (comprehensives) sont dans la plupart des études plus efficaces que les interventions éclectiques (collection de rééducations dont l’organisation temporelle ne peut s’adapter à la variation des intérêts des enfants pendant la journée, la procédure interne exacte, les thérapeutes diffèrent dans leur mode de communication avec l’enfant dans les unes et les autres). Remarque : Il est possible que l’un des facteurs qui facilite l’apprentissage par l’enfant jeune avec autisme soit l’unicité du code comportemental dans lequel on s’adresse à lui, et dans lequel il lui faut extraire les informations pertinentes. On a cependant très peu de recul pour se prononcer sur la stabilité à long terme de l’adaptation et l’intégration sociale et scolaire des enfants ou sur les conditions pour que cette intégration soit stable. Le suivi maximal postintervention est de 4 ans. On ignore par ailleurs les facteurs qui déterminent la plasticité d’un enfant donné vis-à-vis d’une intervention. On trouve plusieurs tentatives de catégorisation des enfants avec autisme, mais une seule étude publiée (220) combine une catégorisation en plusieurs types avec un examen de l’efficacité d’une intervention ICPI (cf. la section « Prédicteurs »). Dans l’état actuel de la question, on peut donc conclure qu’il faut privilégier les interventions précoces et des considérations sur le développement. Le caractère global ou plus spécifique de l’intervention dépend de l’hétérogénéité des niveaux de compétences de l’enfant avec autisme et du niveau d’efficience cognitive. Quand l’hétérogénéité entre domaines de compétences n’est pas trop importante et que le niveau d’efficience cognitive est très faible à moyen, une intervention globale est souhaitable. On peut recommander une intervention globale fondée à la fois sur des techniques ABA et une approche développementale, réalisée par une équipe ayant une formation de qualité et comportant des superviseurs et des thérapeutes ayant une formation universitaire solide, la formation des parents afin qu’ils puissent agir en harmonie avec les intervenants et qu’ils puissent assurer la généralisation des acquis de l’enfant à des situations et milieux différents de celui de l’intervention. On sait que si les parents le souhaitent, ils peuvent être formés comme thérapeutes et obtenir des résultats aussi bons que des intervenants extérieurs, à condition d’être supervisés régulièrement par des professionnels de haut niveau. Cependant, les conséquences sur la famille, sur la fratrie, sur l’équilibre mental du parent intervenant sont très mal connues, et ce serait prendre un risque inutile et contre-performant de favoriser cette solution. De plus, en aucun cas cette possibilité ne doit devenir une entrave au souhait de poursuivre une carrière professionnelle chez le parent concerné. L’intervention selon le programme TEACCH a été beaucoup moins évaluée que l’ABA, de telle sorte qu’il est plus difficile de se prononcer. Mais les 3 évaluations résumées ci-dessus montrent des résultats encourageants. Sécurité Les études rapportées étaient tenues de signaler les événements ou effets indésirables. Aucune des études n’en a rapporté. Néanmoins aucune intervention ne peut être à l’abri d’un événement indésirable. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 167 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Quels que soient les programmes globaux selon une approche comportementale ou développementale, qu’ils soient appelés programmes Lovaas ou ABA ou IBI ou comportement avec DTT, ou UCLA model, etc., ces programmes ne doivent pas être présentés comme une intervention efficace pour tous les enfants/adolescents ni comme une intervention permettant de guérir l’enfant/adolescent. De manière plus générale, aucune intervention thérapeutique, médicamenteuse ou non, ou éducative, même comportementale ne permet de guérir l’enfant/adolescent. Au vu des connaissances scientifiques en 2011, toute pratique présentée comme capable de guérir complètement l’enfant doit être considérée avec une extrême vigilance du fait d’un risque élevé d’abus de confiance. Certains témoignages confirment qu’il se développe en France des pratiques à visée commerciale faisant miroiter aux parents des résultats sur la base de témoignages qui ne peuvent être extrapolés à tous les enfants avec TED. Les membres des groupes de travail rappellent également que les effets à long terme ne sont pas connus, les durées maximales de suivi en 2011 étant de 4 années. Les effets des interventions globales à l’adolescence ou à l’âge adulte ne sont ainsi pas connus. De ce fait, les professionnels devront tenir compte des résultats d’études ultérieures qui mettraient en évidence de nouvelles données modifiant le rapport bénéfice/risque de ces interventions, notamment à long terme, études encouragées, par ailleurs, par le groupe de pilotage et le groupe de cotation (cf. § 5.7). Du fait de la rareté des études ayant inclus des enfants de plus de 4 ans, le groupe de pilotage a formulé, au-delà de 4 ans, des propositions de recommandations en fonction de profils cliniques spécifiques selon la sévérité des symptômes de la triade autistique. Les thérapies cognitivo-comportementales(TCC) ne sont utilisables que chez des enfants qui manient bien le langage, qui ont déjà une certaine maturité. Les seules études d’efficacité publiées ont été réalisées chez des adolescents et adultes de haut niveau de fonctionnement cognitif ou ayant un syndrome d’Asperger (cf. section § 5.4.5). L’ensemble des programmes globaux, selon une approche comportementale ou développementale ayant fait preuve de leur efficacité chez certains enfants comparativement à des approches éclectiques, a été réalisé avec du personnel formé, et supervisé par des professionnels ayant une formation universitaire. Par ailleurs, leur taux d’encadrement des enfants (1 adulte pour 1 enfant dans la majorité des études), le rythme hebdomadaire et la durée en font des interventions dont les coûts dépassent les moyens alloués en 2011 à la majorité des équipes qui assurent les soins, l’accompagnement éducatif et la scolarisation des enfants/adolescents avec TED. Ces points ont été fréquemment soulevés par les participants et ne peuvent être négligés, mais dépassent le cadre défini pour l’élaboration de ces recommandations de bonne pratique, qui ne comprennent pas pour ce projet l’évaluation médico-économique des interventions proposées aux enfants/adolescents avec TED. Des études de coûts à court et long terme en contexte français seraient nécessaires, pour pouvoir formuler des recommandations fondées sur un rapport coût/efficacité et non sur le rapport bénéfice/risque, approche qui a été retenue pour ce projet. Concernant la sécurité des interventions comportementales, l’expérience des professionnels et des représentants d’usagers l’ayant pratiqué rapportent des effets indésirables (comportements inadaptés, agressivité), si la pratique est réalisée par des professionnels ou des parents insuffisamment formés. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Interventions précoces recommandées débutées avant 4 ans Des projets personnalisés fondés sur des interventions précoces, globales et coordonnées, débutées avant 4 ans, dans les 3 mois suivant le diagnostic de TED, sont recommandés pour tous les enfants avec TED, qu’il y ait ou non retard mental associé (grade B). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 168 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Ces interventions globales visent le développement du fonctionnement de l’enfant et l’acquisition de comportements adaptés dans plusieurs domaines, en priorité dans les domaines suivants : sensoriel et moteur, communication et langage, interactions sociales, émotions et comportements (grade B). Dès qu’un trouble du développement est constaté et lorsque les interventions globales ne sont pas disponibles dans les 3 mois suivant le diagnostic, il est recommandé de proposer dans un premier temps aux parents et à leur enfant des interventions ciblées sur le développement de la communication et du langage, afin d’améliorer les interactions sociales entre l’enfant et son environnement (grade C). La mise en œuvre d’interventions globales doit ensuite prendre le relais dès que possible. Sont recommandées auprès de l’enfant les interventions personnalisées, globales et coordonnées débutées avant 4 ans et fondées sur une approche éducative, comportementale et développementale (grade B). Les interventions globales recommandées au regard des preuves de leur efficacité ou de l’expérience professionnelle présentent les critères suivants. Elles sont : précoces, elles débutent entre l’âge de 18 mois et 4 ans, pour des enfants avec diagnostic de TED ou pour lesquels un TED est suspecté (troubles du développement pouvant évoluer vers un TED) et durent au minimum 2 ans (grade B) ; personnalisées et définies en fonction de l’évaluation initiale et continue du développement et du comportement de l’enfant suivi et tenant compte du développement typique dans les différents domaines (grade B) ; fondées sur des objectifs fonctionnels à court et moyen terme, ajustés au cours d’échanges entre la famille, les professionnels qui mettent en œuvre les interventions et ceux qui en assurent la supervision (grade B) ; ces interventions visent au minimum l’imitation, le langage, la communication, le jeu, les capacités d’interactions sociales, l’organisation motrice et la planification des actions et les capacités adaptatives des comportements dans la vie quotidienne (grade B) et comportent des stratégies pour prévenir ou réduire la fréquence ou les conséquences des comportements problèmes (grade C) ; elles tiennent compte également des domaines émotionnel et sensoriel (accord d’experts) ; constamment attentives à promouvoir la généralisation et le transfert des acquis à des situations nouvelles et comportent une transition graduelle vers des environnements notamment sociaux de plus en plus larges et ordinaires (grade B) ; pour ce faire, les interventions peuvent être également pratiquées au domicile si les parents en sont d’accord, puis dans d’autres lieux (accord d’experts) ; mises en œuvre par une équipe formée et régulièrement supervisée par des professionnels qualifiés et expérimentés (grade B) utilisant un mode commun de communication et d’interactions avec l’enfant, afin de faciliter sa compréhension du monde et des comportements des individus qui l’entourent et ce, malgré la diversité des domaines de compétences visés par les interventions globales (accord d’experts) ; une intervention globale ne peut pas consister en une juxtaposition de pratiques éducatives, pédagogiques, rééducatives ou psychologiques avec des techniques très hétérogènes ou éclectiques (grade B) ; organisées avec un taux d’encadrement d’un adulte pour un enfant (grade B), à un rythme hebdomadaire d'au moins 25 heures d’interventions/semaine par des intervenants formés (grade B), ou, lorsque les parents le souhaitent, d'au moins 20 heures/semaine par des intervenants formés auxquelles s'ajoutent au moins 5 heures/semaine d’interventions effectuées par les parents eux-mêmes, après une formation leur permettant d’assurer la cohérence des interventions au domicile (grade B). Ces durées, qui respectent les rythmes physiologiques du sommeil en fonction de l’âge, comprennent les temps de scolarisation avec accompagnement individuel adapté : ces interventions visent à faciliter l’accueil de l’enfant en crèche ou à l’école pour des durées progressivement croissantes en fonction de l’âge et de la capacité de l’enfant à s’y intégrer (grade B). Les heures parentales sont effectuées dans le cours normal des activités quotidiennes avec l'enfant (moments d’éveil de l’enfant, repas, toilette, jeux, au moment du lever ou du coucher, pendant les week-ends, etc.). Sont inclus dans ces heures d'interventions des entraînements ciblant des domaines spécifiques de HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 169 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées compétences (langage, motricité, schéma corporel, équilibre, etc.) réalisés soit par les intervenants sous la supervision des spécialistes correspondants, soit par les spécialistes eux-mêmes (psychologue, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute) formés aux méthodes de l'intervention. Est également incluse dans les heures d'interventions la participation de l'enfant à des activités en petit groupe (grade B). L’encadrement d’un adulte pour un enfant dans certaines activités et d’un adulte pour de petits groupes d’enfants dans d’autres activités est également jugé approprié (accord d’experts) ; organisées avec une structuration de l’environnement (espace, temps, environnement sonore, etc.) adaptée aux particularités de l’enfant (grade C). Parmi les approches éducatives, comportementales et développementales, les interventions évaluées jusqu’en septembre 2011 concernent les interventions fondées sur l’analyse appliquée du comportement dites ABA (grade B), le programme développemental dit de Denver (grade B) ou le programme « traitement et éducation pour enfants avec autisme ou handicap de la communication » dit TEACCH (grade C). Les approches développementales et comportementales ne doivent pas être présentées comme exclusives l’une de l’autre. En effet, les programmes d’interventions à référence développementale, tels que les programmes dits de Denver ou TEACCH, intègrent des principes issus de l’analyse appliquée du comportement. De même, les interventions contemporaines fondées sur l’analyse appliquée du comportement (dites ABA contemporain) intègrent les principes issus des connaissances sur le développement. Leur efficacité sur le quotient intellectuel, les compétences de communication et le langage a été démontrée à moyen terme comparativement aux pratiques éclectiques, avec une amélioration pour environ 50 % des enfants (suivi maximum 4 années). Des effets plus modérés sont observés sur les comportements adaptatifs. Leurs effets à l’adolescence ou à l’âge adulte ne sont pas connus. En l’absence d’études contrôlées, les données ne permettent pas en 2011 de juger de l’efficacité ou de la sécurité des prises en charge intégratives. Néanmoins, à l’issue du processus de consensus formalisé, les prises en charge intégratives de type thérapie d’échange et de développement, en tant qu’interventions fondées sur une approche développementale, intégrant des principes neurophysiologiques et de rééducation, sont jugées appropriées (accord d’experts). De manière plus générale, les prises en charge intégratives, fondées sur les besoins individuels de l’enfant identifiés lors de l’évaluation et conçues de manière transdisciplinaire pour permettre à l'enfant de rester intégré dans son milieu de vie ordinaire, sont également jugées appropriées, dès lors que les critères ci-dessus sont respectés, en particulier que les professionnels, quel que soit leur mode d’exercice, veillent à utiliser un mode de communication et d’interaction commun, et à ne pas disperser l’enfant/adolescent dans des activités éclectiques ou des lieux multiples (accord d’experts). Interventions recommandées débutées ou poursuivies au-delà de 4 ans. Du fait de la rareté des études évaluant les interventions globales et coordonnées débutées au-delà de 4 ans et de l’absence d’études évaluant à long terme les interventions précoces débutées avant 4 ans, les recommandations suivantes reposent toutes sur un accord d’experts. Au-delà de 4 ans, la mise en place ou la poursuite des interventions s’effectue selon des dispositifs différents en fonction du profil de développement de l’enfant/adolescent et de la sévérité des symptômes. Ce seuil de 4 ans a été proposé dans la mesure où les interventions qui ont fait preuve de leur efficacité concernent majoritairement des interventions précoces débutées avant 4 ans. Cependant, il doit être interprété avec discernement, notamment pour les enfants dont le diagnostic est tardif. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 170 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Symptômes sévères – Faible niveau de développement dans plusieurs domaines Au-delà de 4 ans, lorsque l’enfant/adolescent présente un faible niveau de développement de la communication, des interactions sociales et du fonctionnement cognitif, il est recommandé de poursuivre le projet personnalisé sous la forme d’interventions globales et coordonnées associant, selon les besoins, de manière équilibrée : une scolarisation adaptée en secteur médico-social ou secteur sanitaire, avec méthodes pédagogiques adaptées (ex. séquences courtes, logiciels adaptés, etc.) ou une scolarisation en milieu ordinaire avec accompagnement professionnel et dispositif spécifiques (inclusion individuelle avec accompagnement d’un service d'éducation spéciale et de soins à domicile [Sessad] et/ou d’un auxiliaire de vie scolaire individuel [AVS-i] formé, classe ou unité pour l'inclusion scolaire [CLIS, ULIS], etc.) ; des interventions éducatives par objectifs ciblés (ex. autonomie à la vie quotidienne, socialisation en milieu ordinaire, prévention des comportements problèmes) ; des interventions thérapeutiques, telles que l’orthophonie, la psychomotricité, la psychothérapie, etc., sollicitant les fonctions ne se développant pas spontanément (ex. : attention, fonctions sensorielles et motrices, langage, mémoire, reconnaissance et gestion des émotions, etc.) et les traitements médicamenteux ; une adaptation de l’environnement avec structuration du temps et de l’espace (ex. : planning individuel, repères visuels, etc.). La mise en œuvre de ces interventions nécessite une collaboration étroite avec les parents par différents moyens adaptés à leurs demandes (cf. chapitre 2.2), pouvant inclure des visites à domicile. Symptômes modérés – Niveau de développement cognitif moyen ou bon Au-delà de 4 ans, lorsque l’enfant/adolescent présente un niveau de développement intellectuel moyen ou bon, des symptômes d’autisme d’intensité modérée et un langage fonctionnel, il est recommandé de privilégier une scolarisation en milieu ordinaire, avec un accompagnement éducatif et thérapeutique individuel à l’école et au domicile (ex. de dispositif : Sessad) ou avec une poursuite du projet personnalisé sous la forme d’interventions globales et coordonnées à temps partiel, visant en particulier les domaines de l’autonomie et la prévention des comportements problèmes. Les modalités de cette scolarisation sont organisées en conformité avec le projet personnalisé de scolarisation (PPS), qui peut proposer, selon les objectifs définis avec les parents, une scolarisation à temps partiel ou en classe spécialisée. Niveau de développement hétérogène selon les domaines Au-delà de 4 ans, lorsque le niveau de compétences des enfants/adolescents est très hétérogène d’un domaine à l’autre (ex. compétences en langage et raisonnement supérieures à la moyenne, mais interactions sociales et autonomie à la vie quotidienne inférieures à la moyenne des enfants/adolescents de même âge), des interventions spécifiques focalisées sur un ou deux domaines particuliers peuvent être proposées soit isolément si l’enfant/adolescent ne présente pas de retard mental associé (grade C), soit en complément des interventions globales proposées si l’enfant/adolescent présente une grande hétérogénéité des niveaux de compétences par domaine (grade C). 5.3.4 Interventions mises en œuvre par les parents Les parents peuvent-ils intervenir avec les mêmes effets que les professionnels ? La question concernant l’efficacité des parents comme intervenants a été posée aussi bien pour déterminer si les parents, en raison de leur statut, seraient susceptibles d’augmenter les effets des interventions par rapport au professionnel que pour déterminer dans quelle mesure ils pourraient être partiellement substitués aux intervenants moyennant formation. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 171 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de bonne pratique Les recommandations de bonne pratique écossaisses considèrent (accord professionnel) que les programmes d’interventions mises en œuvre par les parents doivent être considérés pour les enfants et les jeunes gens de tous âges avec TSA, puisqu’ils peuvent aider les interactions de la famille avec l’enfant, promouvoir son développement, accroître la satisfaction des parents, leur maîtrise et leur santé mentale (60). ► Revues systématiques 2002 Diggle Diggle et al. (61) passent en revue les études évaluant l’efficacité des interventions s’adressant aux enfants de 1 an à 6 ans 11 mois, et mises en œuvre par les parents. Cette étude porte sur un sous-ensemble des études retenues en 2006 par McConachie et Diggle dans une revue concernant des interventions globales et des interventions spécifiques, et où le rôle des parents était parfois marginal. Les critères de sélection bibliographiques sont rigoureux et portent sur les publications jusqu’à 2002. Sont retenues les études contrôlées randomisées et les études quasi randomisées, ou les études comportant un groupe contrôle sans traitement, en liste d’attente ou recevant une intervention « autre ». Les participants peuvent être des enfants avec autisme, avec syndrome d’Asperger, TED ou TED non spécifié. Sont également acceptés les TED avec déficit attentionnel et hyperactivité, troubles obsessionnels compulsifs, troubles moteurs développementaux, et tout problème d’apprentissage général ou spécifique. Les interventions doivent inclure la participation des parents : l’intervention est destinée à entraîner les parents à l’intervention et peuvent comporter un enseignant ou un intervenant professionnel en partenariat avec les parents. L’intervention doit pouvoir être reproductible. Elle peut être proposée en groupe ou à un individu. Les études comportant des variables médicamenteuses ou manipulant des variables physiologiques étaient exclues. Les effets mesurés doivent concerner avant tout les progrès de langage, les changements positifs de comportement, le style d’interaction avec les parents. Les effets mesurés doivent, par ailleurs, concerner le niveau de confiance des parents dans leur action, et la réduction de leur stress. Au total, sur les 15 000 articles identifiés, 68 études sont extraites. Cinquantecinq études sont exclues pour des raisons méthodologiques, et onze parce qu’elles ne concernaient pas exactement une intervention mise en œuvre par les parents ou parce que les participants n’étaient pas que des enfants avec autisme ou parce qu’aucune mesure des effets ne concernait les enfants. Deux études sont retenues (*Jocelyn 1998, *Smith et Groen 2000 ; cf. les résumés cidessus). Les auteurs de la revue estiment qu’ont été correctement réalisées et contrôlées, l’attribution au hasard des participants, la disparition de participants en cours d’étude (1 seul perdu de vue, dont le départ est expliqué), la procédure de tests en aveugle, la taille des échantillons (dans le domaine spécifique de l’autisme, la taille des échantillons des études retenues est supérieure à la taille habituelle dans le domaine spécifique de l’autisme). Les auteurs regrettent que les études ne reportent de caractéristiques démographiques que sur l’échantillon (âge, sexe, ethnie, ressources financières de la famille, etc.) et non sur la population dont est extrait l’échantillon. Une critique porte sur le manque d’évaluation des résultats avant l’intervalle de 4 ans dans l’étude de *Smith 2000. Mais en conclusion, le risque de biais est évalué, au total pour les deux études, comme étant « modéré ». Les deux seules supériorités de l’intervention mise en œuvre par les parents, d’après les deux études retenues, concernent le langage d’une part et la connaissance acquise par la mère et les intervenants concernant l’autisme. La supériorité en gain de langage réalisé par le groupe avec médiation parentale n’apparaît que dans l’étude de *Jocelyn 1998 de durée HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 172 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées courte (12 semaines), dans l’échelle langage du test Early Intervention Developmental Profile (EIDP). La supériorité du gain moyen dans le groupe parental par rapport au gain du groupe contrôle est de 4,20 points (allant de 7,41 à 0,99). Les échelles sociale/émotionnelle, soins personnels, motricité globale de l’EIDP ne révèlent pas de différences entre groupes. Le gain en connaissance de l’autisme montré par les mères (mais non significatif chez les pères) et par les intervenants n’apparaît également que dans l’étude de *Jocelyn 1998 dans le test TRE-ADD Autism Quiz pour les mères et pour les intervenants. La supériorité du groupe avec médiation parentale est en moyenne de 1,70 (allant de 3,2 à 0,19) pour les mères et de 2,70 (allant de 4,70 à 0,70) pour les intervenants. L’étude de *Smith et Groen 2000 ne montre que des supériorités de gains de l’intervention intensive par rapport à ceux de l’intervention mise en œuvre par les parents. L’amélioration en ce qui concerne l’autisme (Autism Behavior Checklist renseignée par les psychologues) est significativement plus importante dans le groupe « contrôle » de l’étude de Jocelyn et al. (194) que dans le groupe « parental » (amélioration de 4,4 en moyenne, allant de -4,15 en faveur du groupe parental à +12,95 en faveur du groupe contrôle). Dans l’étude de Smith et al. (191), les gains en QI (au Stanford-Binet ou Bayley, et au MerrillPalmer) sont significativement supérieurs dans le groupe « intensif » par rapport au groupe « parental ». De même, dans cette dernière étude, le stress parental, et le ressenti de la charge de travail par les parents s’améliore plus dans le groupe « intensif » que dans le groupe « parental ». Les auteurs de la revue estiment difficile de conclure, sur la question de savoir, si une intervention mise en œuvre par les parents est ou non plus efficace qu’une autre condition d’intervention, compte tenu du fait que l’une des études est très courte (3 mois seulement) alors que l’autre comporte un délai trop important (4 ans en moyenne) sans évaluation intermédiaire des effets entre les deux estimations. À la fin de leur revue, les auteurs signalent deux études qui sont en cours à cette époque et publiées après 2000. *Drew 2002 (cf. résumé dans la partie sur l’évaluation des interventions sur les compétences sociales) compare une intervention par formation des parents ciblant essentiellement l’attention conjointe et les routines d’action conjointe. Les parents sont entraînés aux techniques comportementales pour le développement de la pratique des communications sociales. Le groupe contrôle reçoit à la fois une intervention éclectique et une intervention en éducation spécialisée pratiquant l’ABA. Les résultats de cette intervention parentale visant les communications montrent des effets limités. Elder 2005 évalue la capacité des pères à apprendre des techniques d’intervention pour développer les compétences de précommunication chez des enfants âgés en moyenne de 56,7 mois. Dixhuit dyades père-enfant sont étudiées. L’étude utilise un paradigme avec lignes de base multiple. Les résultats montrent qu’après intervention, les pères ont recours plus souvent à l’imitation animée et que les enfants vocalisent d’avantage pendant les sessions de jeu. Cette étude montre une certaine efficacité de l’intervention par les pères mais dans un domaine limité quoi qu’important. En conclusion, les auteurs de la revue estiment que les résultats indiquent que les parents peuvent réaliser une intervention et avoir parfois une certaine efficacité, mais il n’existe pas d’éléments, jusqu’en 2002, pour conclure que l’intervention mise en œuvre par les parents peut être aussi ou plus efficace que celle menée par les professionnels. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 173 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Études cliniques 2010 Pays-Bas Oosterling et al. (221) examinent avec un essai contrôlé quasi randomisé si la formation régulière des parents améliore, potentialise les performances des enfants placés par ailleurs dans une des unités de soins et scolarisation habituelles. Participants : 62 enfants recrutés sur critères d’âge (12 à 42 mois) et de diagnostic (ADOS, ADIR-R et clinique) ayant soit un diagnostic d’autisme avec un âge de développement de 12 mois au moins, soit un diagnostic de TED non spécifié ayant un âge de développement de 12 mois au moins et un QD inférieur à 80. La randomisation concerne les 26 premiers enfants recrutés, les 49 enfants suivants sont distribuées en fonction d’un critère géographique (ceux habitant Nimègue sont dans le groupe expérimental, ceux habitant en dehors de Nimègue sont dans le groupe contrôle. Les deux groupes diffèrent significativement sur un aspect de l’ADI-R (RRSPB) et sur la mesure d’internalisation du CBCL. De même, la distribution des niveaux d’éducation du père s’inverse d’un groupe à l’autre et est significativement différente (le groupe contrôle ayant un niveau d’éducation plus bas que le groupe expérimental). Intervention : la seule différence entre les deux groupes est que les parents du groupe expérimental reçoivent en plus une formation, un entraînement et un suivi réguliers pour promouvoir la communication sociale et le développement du langage. Les techniques enseignées sont toutes des techniques comportementales, des aides visuelles et gestuelles à la communication et la prise en compte du niveau de développement de l’enfant et de ses intérêts. Durée : 1 an. Résultats : le test de compétence des parents ayant reçu la formation ne révèle pas de différence en fin d’intervention par rapport aux parents sans formation. Le niveau de langage (McArthur-N-CDI et la mesure de l’ADOS) n’augmente pas plus dans un groupe que dans l’autre. Le Clinical Global Improvement Scale (CGI-I) (interprétés en aveugle) ne révèle pas non plus de différence entre groupes. Faiblesse : les groupes diffèrent au départ sur des caractéristiques qui sont peut être pertinente. La formation des parents ne donne pas lieu à une différence entre parents dans leurs compétences concernant les enfants. Les résultats de cette étude n’apportent donc d’arguments ni dans un sens ni dans un autre. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 174 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2008 États-Unis Anan et al. (222) évaluent les effets d’une formation de parents à une intervention globale intensive pour enfants de moins de 6 ans. La formation type « main à la pâte ». Le programme d’intervention enseigné est nommé GIFT : Group Intensive Family Training. Il s’agit d’enseigner aux parents une intervention très proche de l’intervention avec réponses pivots décrite par Schreibman et Koegel, 200540. Ici l’intervention est plus brève (< 25 heures/semaine, et comporte une intervention en groupe. L’entraînement des parents avec leur enfant se déroule sur des sessions de 3 heures/jour, 5 jours/semaine pendant 12 semaines, soit 180 heures. Les groupes sont constitués de 6 dyades parent-enfant. Soixante-douze dyades sur les 92 qui avaient exprimé leur intérêt pour le programme ont maintenu leur décision de partager après un cours de 12 heures sur le type d’intervention, et terminé le programme. Quatre-vingt-seize pour cent étaient les mères. Les parents étaient âgés de 21 à 46 ans (m = 35 ans) et avaient une moyenne de 3 ans d’études postlycée ; 96 % étaient mariés. Population : les enfants entre 25 et 68 mois (m = 44 mois, σ = 12,6) ont un diagnostic d’autisme ou TED non spécifié (d’après le DSM-IV) posé par les médecins ou les psychologues, avec des scores cognitifs et/ou de fonctions adaptatives à plus de 2 écarts types de la moyenne. Beaucoup présentaient des problèmes comportementaux (non compliance, agression, automutilation). Intervention-Formation : le comité du Centre HOPE détermine l’intervention pour chaque enfant et supervise le programme. Quatre membres de l’équipe ayant l’expérience de l’intervention globale intensive entraînent chaque groupe de 6 familles. Chaque parent est individuellement piloté (1 :1) dans le groupe et met en œuvre l’enseignement avec son enfant pendant un mois, puis chaque membre prend en charge deux dyades (1 :2) pour le reste de la formation. Pour les enfants ayant peu de compétences, les premiers buts fixés étaient la mise en place de comportements pivots (attention et coopération sur demande). Le développement de compétences de communication spontanée et fonctionnelles était un but commun pour tous les enfants. Le deuxième mois, les parents travaillaient aussi avec un autre enfant. Les tests sont administrés par des psychologues supervisant mais n’intervenant pas directement dans les groupes, ils ne sont pas aveugles au statut des enfants. Résultats : après ces 12 semaines de formation des parents type « main à la pâte », les Échelles d’apprentissage précoce de Mullen (Mullen, 1995) montrent un progrès significatif des enfants aussi bien en score composite qu’aux 4 échelles (perception visuelle, motricité fine, compréhension du langage, production du langage). Les scores du VABS montrent également des progrès significatifs (score composite, communication, socialisation, vie quotidienne, motricité). Avant intervention, 97 % des scores composites de Mullen et 96 % de ceux du VABS se trouvaient en zone déficitaire (< 70) en raison des critères de recrutement. Après intervention, les scores de 10 enfants (14 %) au Mullen passent de < 70 à la zone typique ; ceux de 8 enfants (11 %) au VABS passent en zone typique. Les gains en termes de mois de développement sont de 8,2 mois pour les scores composites du Mullen et 5,7 mois pour les scores composites du VABS correspondant à une période d’une durée de 4,1 mois (les prétests ayant été réalisés quelques semaines avant le début de la formation des parents, l’intervalle pré posttest est de 4, 1 et non de 3 mois). Le degré de satisfaction des parents allait de « satisfait » à « très satisfait ». Les gains observés sont de l’ordre de ceux rapportés par Eikeseth et al. (169) 14 mois après le début d’intervention menée par des thérapeutes professionnels qui montrent un gain de 40 Schreibman L, Koegel R. Training for parents of children with autism : Pivotal responses, generalization, and individualization of interventions. In Hibbs ED, Jensen PS Eds. Psychosocial treatments for child and adolescent disorders : Empirically based strategies for clinical practice. Washington : American Psychological Association 2005 : p. 605Ŕ631. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 175 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 17 mois en QI et 11 mois en VABS. Sallows et al. ; Howard et al. (168,197) rapportent un gain en QI supérieurs à 17 points pour des interventions supérieures à 14 mois. Les auteurs signalent qu’on pourrait arguer que le manque d’adhésion des enfants à la demande adulte (compliance) avait masqué les compétences cognitives de nombreux enfants avant l’intervention et que celle-ci n’avait fait que faire apparaître la capacité à faire attention aux stimuli pertinents, à interagir et coopérer avec l’examinateur, à suivre les consignes, répondre adéquatement. Les auteurs estiment que, même sous cette interprétation, ces gains seraient en soi intéressants. Mais le VABS, bien qu’il s’agisse d’une interview semi-structurée des parents, montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une augmentation de l’adhésion au projet adulte par compliance. On peut considérer que cette étude apporte un argument favorable bien que limité à l’idée que les parents pourraient prendre en charge une partie de l’intervention grâce à une formation par une méthode de « main à la pâte ». Faiblesse : absence de groupe de comparaison, pas de randomisation, pas de données sur la sévérité de l’autisme, pas de mesure concernant les comportements-problèmes (alors que la formation comportait cette cible), les examinateurs ne sont pas aveugles au statut des enfants ; on n’a pas enseigné aux parents à planifier la suite du programme. 2009 Australie Whittingham et al. (223) évaluent le programme Stepping Stones Triple P Positive Parenting Program pour des parents d’enfants avec TED. Le programme Stepping Stones est une variante du programme Triple P Positive Parenting Program défini par Sanders et al. 200341 et comportant des aspects ABA. La modification apportée par la composante Stepping Stone consiste à utiliser des stratégies ciblant l’acquisition par l’enfant de moyens de communiquer ce qu’il veut obtenir. Ce nouveau programme concerne la gestion des comportementsproblèmes par les parents et les styles de dysfonctionnements de ces derniers. Population : 59 familles sont recrutées par divers canaux (associations, voie de presse, lettres, écoles primaires de la région). Les critères d’inclusion sont : âge entre 2 et 9 ans, avec TED, les parents indiquent l’existence de problèmes de comportements (pas de seuil de fréquence). Soixante-dix pour cent des enfants sont verbaux, 22 % ont un peu de langage. Quarante-cinq pour cent sont Asperger, 37 % sont TED, 13 % avec autisme, 3 % TED non spécifié (DSM-IV). Les familles sont appariées en fonction du diagnostic et du niveau de langage de l’enfant. Puis un membre de chaque paire est attribuée au hasard au groupe avec intervention (et au groupe liste d’attente). Aucune différence significative n’est observée entre les deux groupes en ce qui concerne les variables démographiques, ni, avant intervention, entre les comportements-problèmes rapportés, ni entre le style de dysfonctionnement, ou d’efficacité des parents des deux groupes. Les deux groupes ne différaient avant intervention sur aucun des tests utilisés pour évaluer les effets. L’intervention est partiellement menée en groupe de 4 ou 5 familles dont les enfants cibles étaient de niveau équivalent. L’enseignement des stratégies parentales se fait en groupe ; la pratique de l’observation et de l’intervention avec feedback se faisait individuellement. Au programme, 3P ont été ajoutés des histoires sociales et des bandes dessinées de dialogues comiques. L’intervention se déroule sur 9 sessions à raison d’une session/semaine. Le groupe « liste d’attente » reçoit l’intervention après la fin de l’intervention du groupe intervention. Ce dernier est retesté 6 mois après la fin de son intervention. Résultats : les scores du groupe intervention à l’ECBI (Eyberg Child behavior Inventory) (renseignée par les parents) montrent une diminution significative de l’intensité et la variété 41 Intervention décrite dans le manuel suivant : Sanders MR, Mazzucchelli TG, Studman LJ. Practitioner’s manual for standard Stepping Stones Triple P. Brisbane : Triple P International Pty. Ltd 2003. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 176 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées des problèmes après intervention par rapport à avant et par rapport au groupe « liste d’attente ». Ce dernier, après avoir reçu l’intervention, montre également des scores significativement meilleurs qu’avant son intervention. Il en va de même pour les scores des 3 sous-échelles de l’échelle de style parental (permissif ou inconsistant/suréactif/hyperverbal) qui montrent une diminution significative des dysfonctionnements par rapport à avant intervention et par rapport au contrôle. L’échelle de satisfaction parentale montre une augmentation significative dans les deux sous-échelles aussi bien par rapport à avant que dans le groupe traité par rapport au groupe contrôle quand il est encore non traité. L’échelle d’efficacité parentale montre une chute d’efficacité, qui s’améliore significativement 6 mois plus tard. Un seuil de significativité clinique du score postintervention est calculé pour chacune des trois variables (2 sous-échelles ECBI, et échelle parentale). Les participants sont classés en 4 groupes en fonction de ce seuil pour chacune des variables mesurées : 1) participants présentant un changement cliniquement significatif (au-dessus du seuil avant traitement et au-dessous du seuil après traitement), 2) participants présentant un score meilleur que le seuil dès avant intervention et demeurant dans cette zone (sous le seuil avant et après traitement), 3) participants situés au-dessus du seuil avant et après intervention, ne présentant donc pas de changement clinique significatif (score avant et après intervention au-dessus du seuil), 4) participants s’aggravant (score sous le seuil avant et au-dessus du seuil après intervention). Aucune famille ne montre d’aggravation. À peu près un tiers des familles présente un gain cliniquement significatif à l’échelle d’intensité ECBI (34,5 % des familles), à l’échelle de diversité des problèmes ECBI (37,9 % des familles) et à l’échelle parentale (31 % des familles). Six mois après la fin de l’intervention, les gains sont maintenus dans tous les tests et les scores se situent tous à l’intérieur de la zone typique autour de sa moyenne. Conclusion : le programme évalué présente une bonne efficacité dans la gestion par les parents des problématiques des enfants et des styles de dysfonctionnements parentaux tels qu’ils sont ressentis et évalués par les parents. Faiblesses : utilisation d’échelles renseignées par les parents eux-mêmes, ce qui exclut que les évaluateurs soient aveugles au statut des enfants. Les résultats concernent une population de familles avec un enfant Asperger dans la majorité des cas. Il est difficile d’étendre les résultats à des populations d’enfants avec autisme de faible niveau de fonctionnement cognitif. 2010 Canada Smith et al. (224) décrivent l’évaluation d’une intervention partiellement assurée par les parents après une période d’intervention directe par un centre et une formation des parents et des intervenants régionaux. Cette étude ne comporte pas de groupe contrôle : son but est de vérifier si ce type d’intervention moins onéreuse financièrement et en temps, atteint des gains cliniques aussi importants que l’intervention type strictement Lovaas. The Nova Scotia Intensive Behavior Intervention, décrite dans Bryson et al. (225), combine l’entraînement des parents et une intervention comportementale « naturaliste » et positive, avec un encadrement de 1 pour 1, utilisant les réponses pivots (PRT) (226,227). Mais il faut noter que l’intervention met l’accent sur les compétences sociales de communication fonctionnelle. Cependant elle est plus globale et les tests comportent des mesures de QI. Population : 45 enfants sélectionnés au hasard dans 3 régions indépendantes du secteur d’activité des auteurs et satisfaisant deux critères : un diagnostic de TED (ADOS et ADI-R, DSM-IV) et un âge inférieur à 6 ans. En début d’intervention, l’âge moyen est de 50,1 mois. La moyenne d’âge mental est de 26,4 et le QI moyen (Merrill-Palmer, nouvelle révision) est de 54. À l’exception du programme More than word auquel les familles cessent de participer quand HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 177 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées elles adoptent la présente intervention, les régions concernées disposent de très peu d’offres de soins privés, de telle sorte que le facteur « choix des parents » et le facteur « niveau socioéconomique » ne peuvent biaiser l’échantillon (très peu de parents ont refusé de participer). Intervention : il s’agit d’une intervention fondée sur l’ABA, mais qui utilise d’emblée les réponses pivots (PRT) sans phase initiale avec essais discrets. Les parents et les cliniciens (y compris orthophonistes) locaux sont d’abord formés à l’intervention comportementale et au PRT pendant une semaine avec pratique directe sur l’enfant à domicile ou en atelier de groupe par des consultants du centre universitaire. Après la semaine de formation, chaque enfant reçoit l’intervention avec un encadrement 1 :1 par un intervenant et un orthophoniste formés soit à domicile, soit dans une institution scolaire, en maternelle ou en crèche. Les premiers 6 mois d’intervention comportent 15 heures/semaine d’intervention par l’intervenant et l’orthophoniste formés. Pendant les 6 mois suivants, 22 enfants reçoivent encore 15 heures/semaine, tandis que 25 enfants reçoivent 10 heures/semaine pendant 3 mois puis 5 heures/semaine pendant 3 mois. Durée totale : 12 mois. La fidélité au traitement est vérifiée. À domicile, les parents utilisent également les techniques d’intervention dans les routines quotidiennes. Chaque équipe correspondant à un enfant, le superviseur clinique qui est soit psychologue, soit ergothérapeute, l’intervenant, l’orthophoniste et les parents définissent un projet en fonction de l’enfant, en se focalisant sur la communication fonctionnelle et les compétences correspondant à l’état de développement de l’enfant, et en intervenant dans un contexte de jeu et de routines fonctionnelles quotidiennes au cours d’interactions « naturelles ». L’objectif est de maximiser les motivations à communiquer chez l’enfant en suivant ses activités préférées ou en lui donnant des choix, en utilisant des renforcements naturels et en utilisant toute autre technique PRT validée (Koegel et Koegel 200642). Avant cette intervention, la majorité des enfants ont suivi et terminé le programme d’intervention du centre Hanen More than words assuré par les parents, mais les familles ont renoncé à recourir à des interventions privées pendant la présente intervention PRT. Les évaluations des enfants ont eu lieu avant l’intervention, puis à 6 et 12 mois après le début d’intervention. Les évaluateurs sont indépendants de l’étude. Résultats : les résultats ne diffèrent pas entre le groupe de 22 enfants qui a reçu une intervention de 15 heures/semaine pendant les 12 mois et celui de 25 enfants qui a reçu moins d’heures/semaine dans les 6 derniers mois. Les deux groupes sont regroupés en un seul groupe, et les gains sont évalués par comparaison avant/après intervention. Le QI mesuré en début d’intervention est significativement lié à la modification des scores après 6 et 12 mois pour le langage (expression, compréhension de la Preschool language Scale, MacArthur Communication Development Inventory, Peabody Picture Vocabulary Test PPVT III et sous-échelle de réception du langage du Merrill-Palmer-Révisé), la communication (expression, compréhension, VABS Scales II), la cognition (Merrill-Palmer ou pour 9 enfants en début d’intervention une estimation d’après le VABS), les symptômes autistiques (Social Responsiveness Scale). En revanche, l’évolution des comportements problèmes (Child Behavior Checklist) n’est pas corrélée avec le QI en début d’intervention. Les enfants sont donc divisés en deux groupes : QI < 50 et QI ≥ 50. En langage, versant expression et versant compréhension, chacun des deux groupes d’enfants a progressé significativement après 6 et 12 mois après le début d’intervention, mais le groupe QI ≥ 50 progresse plus que le second groupe et parvient à un niveau significativement supérieur au second à 6 et 12 mois. En 12 mois, le groupe QI < 50 a gagné 6,1 mois en expression et 8,4 mois en compréhension ; le groupe QI ≥ 50 a gagné 14,4 mois en expression et 19,5 mois en compréhension. En communication (sous-échelle d’expression et réception du VABS II), des gains significatifs sont rapportés par les parents pour chacun des deux groupes. Mais le groupe QI ≥ 50 progresse plus et plus vite que le groupe QI < 50 (en particulier dans la période allant de 6 et 12 mois après le début de l’intervention). Les 42 Intervention décrite dans le manuel suivant : Koegel RL, Koegel LK. Pivotal response treatments for autism : Communication, social and academic development. Baltimore : Brookes 2006. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 178 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées comportements adaptatifs (communication, socialisation, vie quotidienne, habiletés motrices et score composite du VABS II) montrent des gains significatifs mais modestes dans les deux groupes et une supériorité significative du groupe QI ≥ 50. Les compétences cognitives augmentent significativement dans chacun des deux groupes, mais le gain du groupe QI ≥ 50 est significativement supérieur dès 6 mois à celui de l’autre groupe. Trente enfants (66,7 % des 45 enfants) ont un rythme d’acquisition supérieur à 1 mois par mois, et 11 de ces enfants (24 % du total) ont un rythme d’acquisition de plus de 2 mois par mois. Au total, le gain en QI est de 16,4 points ; 18 (40 %) des 45 enfants atteignent après 12 mois un QI de 85 et plus (en début d’intervention, 4 participants avaient un QI de 85 et plus). Les comportements problèmes diminuent significativement entre le début et le 6e mois, mais non après cette date. Le groupe QI ≥ 50 passe d’une moyenne de 60,4 en début d’intervention à une moyenne dans les limites de la normale (m = 55,9) au 6e mois, alors que l’autre groupe passe d’une moyenne de 65 à une moyenne de 59,1 au 12e mois. Les signes d’autisme diminuent significativement dans un groupe. Alors que les deux groupes ne présentaient pas de différence significative au départ, les scores diminuent significativement dans le groupe QI ≥ 50 après 6 et après 12 mois (passant de 76,2 à 65,9 en 12 mois), mais non dans l’autre groupe dont les scores ne s’écartent du score initial ni après 6, ni après 12 mois. Dans l’étude de Sallows et Graupner (197) qui est l’une des études comportementales intensives qui a les meilleurs résultats (48 % des enfants atteignent la zone de QI moyenne typique), l’intensité moyenne d’intervention est de 38 heures/semaine pendant 2 ans (groupe clinique). Dans l’étude d’Eldevik et al. (199), dont l’intensité d’intervention comportementale est de 12 heures/semaine (donc proche de l’intensité pratiquée ici), le gain en QI est de 8 points contre 16 points ici. Mais le niveau de fonctionnement cognitif de leur échantillon était en moyenne inférieur à celui du présent échantillon en début d’intervention (m = 41 contre m = 54 ici). Le gain en QI observé ici est proche de celui observé par l’étude de Cohen et al. (165), soit 15 points en 1 an ; il est également proche de l’étude de Smith et al. (191) qui observe un gain de 16 points en 2 à 3 ans. En résumé, 40 % des enfants atteignent un QI et une compréhension du langage dans la moyenne normale après 12 mois d’intervention d’une intensité de 15 heures/semaine au maximum, réalisée par des intervenants et complétée par les parents formés. Les intervenants sont supervisés, mais leur formation est relativement courte. De nombreuses autres études abordent la question des interventions réalisées partiellement ou gérées par les parents. Ces interventions sont résumées dans le chapitre des interventions globales ((171,175,177,194,197,214,216,217,224) ou dans les interventions spécifiques sur la communication (191,212,228) ou dans les interventions sur l’attention conjointe (172) ou dans les interventions prosociales (212,228-230). ► Interventions mises en œuvre par les parents : conclusion des études d’évaluation La première conclusion est que l’implication des parents est importante pour assurer la cohérence des modes d’interactions avec l’enfant : les parents, ou au moins un parent, ont intérêt à être formés à intervenir auprès de l’enfant, même si la prise en charge comportementale est faite par des intervenants extérieurs, à domicile ou non. La cohérence entre la prise en charge et les interactions parents/enfant semble être un facteur de gain. Une intervention comportementale intensive par des intervenants extérieurs semble pouvoir requérir une intensité inférieure à 30 heures/semaine quand les parents sont formés aux types d’interactions pratiqués pendant la prise en charge, même si ces parents ne disposent pas de temps pour assurer eux-mêmes la prise en charge. La formation des parents aux interactions avec l’enfant par des experts semble être un facteur favorable. La seconde conclusion est que la réalisation d’une intervention comportementale, ABA ou proche de l’ABA, ciblant essentiellement la communication ou les compétences sociales, mise en œuvre et partiellement assurée par les parents formés est possible, en ce sens qu’on observe des gains cliniquement significatifs, comparables à ceux obtenus par des HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 179 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées interventions menées entièrement par des intervenants autres que des parents, et une accélération du rythme de développement. Les gains concernent le langage et la communication, mais aussi le QI, les comportements adaptatifs, les signes d’autisme, et à un moindre degré, les comportements-problèmes. De plus, on n’observe aucune régression des enfants. Mais, il ne s’agit donc pas d’une intervention entièrement menée par les parents qui sont très encadrés. On peut conclure en l’attente d’autres informations, qu’il n’est pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant que les parents prennent partiellement l’intervention en main, à condition d’être formés puis supervisés par des équipes professionnelles. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les membres du groupe de travail constatent que certains parents souhaitent s’investir en tant que cothérapeutes de leurs enfants, et peuvent y réussir très bien. En revanche, ils attirent l’attention sur le fait que de nombreux parents se retrouvent cothérapeutes non par choix, mais par manque de solutions organisées dans leur territoire géographique et peuvent souffrir grandement de cet état de fait. C’est pourquoi, les membres du groupe de pilotage rappellent l’importance que l’investissement des parents en tant que cothérapeute ne soit jamais imposé par les professionnels en charge du suivi de leur enfant et soit régulièrement réévalué avec les parents en vue de s’assurer que le choix antérieur qu’ils auraient pu faire à un moment donné est toujours souhaité. Conformément à l’arrêté du 24 avril 2002 relatif aux conditions d’attribution de certaines prestations délivrées aujourd’hui par les MDPH, les « frais de formation de membres de la famille à certaines techniques (stages de langue des signes, travail sur la communication, etc.) » peuvent être pris en compte par les prestations proposées par les MDPH, dans la mesure où ils entrent bien dans le cadre du projet individuel de l'enfant. Peuvent être assimilés à ces frais certaines prises en charge des membres de la famille, directement liées au projet individuel de l'enfant (231). ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Au regard des preuves de leur efficacité et de l’expérience professionnelle, l’implication des parents dans les interventions globales est recommandée pour assurer la cohérence des modes d’interactions avec l’enfant (grade B). Tout projet personnalisé d’interventions globales et coordonnées doit permettre aux parents, s’ils le souhaitent, de : participer le plus tôt possible à des séances éducatives et thérapeutiques, afin de partager les connaissances et savoir-faire, la compréhension du fonctionnement de l’enfant, les objectifs des interventions, l’organisation commune du temps et de l’espace et ainsi de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie de la famille (accord d’experts) ; bénéficier d’un accompagnement spécifique ou d’une formation ou d’un programme d’éducation thérapeutique s’appuyant sur les professionnels des équipes d’interventions et associant d’autres ressources, en particulier universitaires, selon les besoins et souhaits des familles (accord d’experts). Les parents qui souhaitent recevoir une formation peuvent solliciter auprès des MDPH une aide financière qui peut leur être accordée dans le cadre des allocations d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). 5.3.5 Évaluation de l’efficacité et sécurité des prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ► Recommandations de bonne pratique et revues systématiques Deux recommandations de bonne pratique ont étudié les prises en charges à référence psychodynamique (76,143) et les psychothérapies expressives (143), sans préciser s’il s’agit de prises en charge individuelles ou institutionnelles. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 180 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les psychothérapies expressives ont un faible niveau d’évidence et sont uniquement recommandées dans le cadre d’études expérimentales (143). Les thérapies psychodynamiques, sans preuve, ne sont pas recommandées (143). La thérapie intuitive et la thérapie psychodynamique ne sont pas recommandées comme traitement convenant aux personnes avec TSA : en raison des caractéristiques des TED dans les domaines des interactions sociales et de la communication, l’avis des experts néozélandais suggère qu’il est peu probable que les approches psychodynamiques basées sur l’intuition, l’introspection et le développement d’une alliance thérapeutique réussissent (76). ► Études cliniques Aucune étude contrôlée évaluant des prises en charges institutionnelles à référence psychanalytique n’a été identifiée. Aucun des deux suivis de cohortes, réalisés en France et en pays européens francophones (232-234) (cf. annexe 13), ne permet de conclure quand à l’efficacité des prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique. En effet, l’une de ces deux études (232) relève, d’après ses auteurs, de prise en charge intégrative et non d’une approche psychanalytique. Elle a fait l’objet de plusieurs publications détaillées qui sont décrites dans la section suivante. La seconde étude a pour objectif de décrire les modifications de diagnostic et d’analyser les parcours institutionnels des enfants et adolescents avec TED, mais ne donnent pas d’éléments concernant l’évolution clinique des enfants/adolescents (233,234). Des cas cliniques et quelques séries de cas publiés en France ont été décrits à travers la revue de littérature francophone (38) (cf. annexe 13). Leur description montre qu’il s’agit systématiquement d’approches multidisciplinaires, et non d’approche psychanalytique exclusive. Sur un plan méthodologique, ces études ne permettent pas de juger de l’efficacité des interventions à référence psychanalytique, mais apportent des éléments objectifs de l’évolution d’un à dix-huit enfants/adolescents recevant certaines interventions fondées sur la psychanalyse. ► Conclusions de l’évaluation de l’efficacité et la sécurité Les données scientifiques ne permettent pas de juger de l’efficacité ou de la sécurité des prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les avis exprimés au cours des réunions de travail sont divergents concernant l’intérêt des approches psychanalytiques pour les enfants/adolescents avec TED : certains membres consultés par le groupe de pilotage, dont les personnes avec TED, se sont fortement étonnés que les interventions fondées sur les approches psychanalytiques continuent à figurer dans ce document, alors même que les recommandations internationales soit n’en parle pas, soit les considèrent inappropriées dans ces situations cliniques. Il est alors rappelé que la méthode de consensus formalisé prévoit de proposer au vote du groupe de cotation les différentes pratiques mises en œuvre, afin que ce groupe puisse juger du caractère approprié ou non de ces pratiques. Les faire figurer dans cet argumentaire ne signifie pas qu’elles soient jugées appropriées ou non, mais donnent au groupe de cotation les éléments de preuve scientifique de l’efficacité et les éléments fondés sur l’expérience clinique lui permettant de se positionner lors de son vote ; les membres du groupe de pilotage constatent que la psychanalyse ne peut proposer à elle seule un programme global visant des objectifs dans l’ensemble des domaines fonctionnels dans lesquels les enfants/adolescents avec TED ont des besoins ; les membres du groupe de pilotage constatent également que certains professionnels formés à la psychanalyse ont depuis longtemps élargi leur pratique pour intégrer soins, éducation et scolarisation dans un projet cohérent autour de l’enfant, afin de répondre à l’ensemble de ses besoins ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 181 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées à l’issue de la phase de cotation, les avis des experts sont divergents concernant la pertinence des interventions personnalisées, globales et coordonnées fondées sur une approche psychanalytique ; cette divergence s’est également exprimée, indépendamment de la question précédente, concernant les interventions personnalisées, globales et coordonnées fondées sur les principes de la psychothérapie institutionnelle ; les commentaires reçus au cours de la phase de lecture et de consultation publique confirment la forte divergence des avis. La très large majorité des associations représentant les familles ou les usagers s’opposent à ce que les pratiques psychanalytiques figurent dans les recommandations, alors que certains professionnels souhaiteraient que les recommandations y fassent une plus large place. Enfin, certaines associations gestionnaires d’établissement considèrent que la dimension institutionnelle peut être également d’inspiration éducative et sociale et non psychanalytique. Pour connaître le détail des arguments des uns et des autres, se reporter aux documents annexes listant les commentaires reçus en phase de lecture ; en l’absence de données scientifiques permettant de juger de la pertinence de ces prises en charge fondées sur une approche psychanalytique ou sur les principes de la psychothérapie institutionnelle, et en l’absence de consensus du fait de la divergence des avis recueillis auprès des experts, il n’est pas possible de conclure à la pertinence de ces pratiques ; tant que les experts maintiendront des avis divergents, seules des études de recherche clinique contrôlées permettront de juger de leur caractère approprié ou non. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur : les approches psychanalytiques ; la psychothérapie institutionnelle. 5.3.6 Évaluation de l’efficacité et sécurité des prises en charge intégratives ► Recommandations de bonne pratique et revues systématiques Les prises en charge intégratives ne sont pas citées dans les recommandations de bonne pratique publiées à l’étranger. ► Études cliniques En l’absence d’évaluation de l’efficacité des prises en charges intégratives par une étude contrôlée, une étude prospective sans groupe contrôle sur 219 enfants de 51 services de pédopsychiatrie, en France, Suisse, Belgique et Luxembourg est rapportée ici, car elle donne une estimation des gains consécutifs à ce type d’intervention (235) ; l’échantillon et les caractéristiques des évaluations du fonctionnement des enfants sont les mêmes que ceux de l’étude sur les prédicteurs par Pry et al. (236), décrite § 5.5.5. 2007 France Population : les critères d’inclusion étaient : âge inférieur à 7 ans ; être intégré dans une prise en charge par un service de pédopsychiatrie, avoir un diagnostic d’autisme, de TED ou TED non spécifié ou de syndrome d’Asperger (CIM-10) ; le diagnostic était confirmé par une procédure méthodologiquement robuste assurant l’homogénéité des critères à travers les centres. Au total, 187 enfants ont un diagnostic d’autisme et 32 de TED ou TED non spécifié. Ils sont âgés de 2 ans à 7 ans lors de la première évaluation dans l’étude (moy : 5 ; 5 ans ; σ = 6,9) (comme dans une étude de Eikeseth et al. 2002) (169) et de 5 à 10 lors de la seconde évaluation 3 ans après (moy :8 ;2 ans ; σ = 1 ;3). L’état de développement est évalué dans 5 domaines : la cognition relative aux objets (subtest du triangle du K-ABC, la WPPSI-R, les subtests des cubes de Kohs du WISC-III), la cognition relative aux personnes HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 182 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées (ECSP : items des tests de Seibert and Hogan (1982) (Guidetti & Tourette, 1993), et, pour les enfants avec du langage, l’échelle de Schulman (Schulman 1985), la communication, l’autonomie de vie quotidienne et la socialisation (VABS). Les mesures sont effectuées en début d’étude et 3 ans après. Par ailleurs, le langage est estimé en 3 niveaux : 1) langage spontané et fonctionnel, phrases de 3 mots ou plus, 2) au moins 5 mots, 3) moins de 5 mots. Un indice de développement est calculé dans chacun de 5 domaines ; quotient de développement (QD) = [(âge mental/âge chronologique) x 100] dans chaque domaine avant, et en fin d’étude. Intervention : psychothérapie institutionnelle variant d’un centre à l’autre et incluant généralement : de la psychothérapie, de la scolarisation, des activités comportementales et des activités non structurées visant à développer les capacités sociales, communicatives et de vie quotidienne. L’orthophonie, la réhabilitation motrice et des systèmes alternatifs de communication avec images ou symboles sont parfois utilisés. Durée de l’étude : 3 ans (mais l’intégration de l’enfant peut avoir été faite avant le début de l’étude). Résultats : les différences moyennes entre les quotients de développement dans chacun des domaines entre le début et la fin de la période de trois ans montre une diminution significative du QD de l’échelle d’autonomie de vie quotidienne (augmentation du retard d’environ 2 ans), et dans le QD de cognition relative à la personne. Les QD pour les échelles de communication, socialisation du VABS et pour la cognition relative aux objets ne montre pas de changement significatif après 3 ans, et le rythme d’acquisition demeure stable. Cependant, lorsqu’on écarte les enfants qui ont soit un syndrome génétique, soit une malformation congénitale, le QD de cognition relative aux personnes diminue un peu moins après 3 ans que quand tout l’échantillon est pris en considération (diminution médiane de -4,5 au lieu de -4,7). Par ailleurs, les enfants dont le score total à la CARS indique un autisme le plus sévère au début de l’étude, présentent la chute la plus importante du QD à l’échelle d’autonomie de vie quotidienne (VABS). Prédicteurs : les variables, dont la mesure en début d’étude prédit significativement un changement après 3 ans dans le QD d’autonomie de vie quotidienne, sont, par ordre décroissant, le QD d’autonomie de vie quotidienne lui-même, puis la sévérité des signes autistiques (CARS), puis l’âge chronologique, puis le niveau de langage. Les variables, dont la mesure en début d’étude prédit significativement un changement après 3 ans, de QD relatif à la cognition des personnes, sont, par ordre décroissant, QD relatif à la cognition des personnes lui-même, puis la sévérité des signes autistiques (CARS), puis le niveau de langage. En résumé, après 3 ans de prise en charge en service de pédopsychiatrie, l’échantillon d’enfants montre, en moyenne, une augmentation du retard de développement d’autonomie de vie quotidienne (VABS) et du développement de la cognition relative à la personne. En contraste, le rythme de développement de la communication et socialisation du VABS et de la cognition relative aux objets demeure stable bien que retardé. Ceci concerne l’ensemble de l’échantillon. On trouvera plus loin, dans le paragraphe sur les prédicteurs, une autre analyse de ces données qui montre que, comme dans toutes les études d’intervention, il existe un groupe d’enfants qui ont des gains importants avec une évolution positive de leur rythme de développement dans les cinq mesures de compétences à la fin des trois années (n = 94, soit 43 %) (cf. Pry et al. 2007 (236), §5.5.5). Néanmoins, les gains observés dans cette étude sont plus limités que ceux observés dans d’autres études relatées ici même lorsqu’on tient compte du fait que l’échantillon contient ici des enfants jusqu’à l’âge de 7 ans (cf. ci-dessus, Eikeseth et al. 2002) (169). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 183 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Faiblesse : pas de groupe contrôle. Pas de description des interventions et de leur intensité, pas de documentation sur la durée de prise en charge réelle des enfants. Autres études cliniques Des cas cliniques et quelques séries de cas publiés en France ont été décrits à travers la revue de littérature francophone (38) (cf. annexe 13). Sur un plan méthodologique, ces études ne permettent pas de juger de l’efficacité de ces interventions, mais apportent des éléments objectifs de l’évolution de 5 à 29 enfants/adolescents recevant ces interventions, notamment en ce qui concerne la thérapie d’échange et de développement (158,237,238). L’enquête de pratiques, réalisée dans 3 régions françaises en 2010 dans le cadre du Plan Autisme 2008-2010, met en évidence l’extrême diversité des prises en charge, parfois extrêmement éclectiques (27). ► Conclusions de l’évaluation de l’efficacité et la sécurité Les données scientifiques ne permettent pas de juger de l’efficacité ou de la sécurité des prises en charge intégratives. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Les auteurs de l’étude francophone réalisée en services de pédopsychiatrie confirment que cette étude de « psychothérapie institutionnelle » évalue les prises en charge intégratives telles que définies en section 5.3.1 et non les « prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ». Les participants aux groupes de travail confirment que certaines des prises en charge intégratives mises en œuvre en France proposent des interventions précoces personnalisées globales et coordonnées qui présentent des caractéristiques ayant fait preuve de leur efficacité dans d’autres contextes (cf. § 5.3.3) ; en particulier, elles : visent l’imitation, le langage, la communication, le jeu, les capacités d’interactions sociales, l’organisation motrice et des actions, les capacités adaptatives des comportements ; sont pensées et planifiées de façon homogène afin de faciliter à l’enfant la compréhension du monde et des comportements des individus qui l’entourent et qu’il puisse aussi généraliser et transférer ses acquis quand l’occasion se présente ; tiennent compte de la séquence développementale ; intègrent pour certains objectifs des stratégies d’intervention comportementale et d’aménagement de l’environnement matériel (espace, temps) ; comportent des stratégies pour réduire les comportements problèmes ; comportent une implication des parents si ces derniers le souhaitent, en leur proposant de participer le plus tôt possible aux séances éducatives et thérapeutiques, afin de partager la connaissance et compréhension du fonctionnement de l’enfant, les objectifs des interventions, l’organisation commune du temps et de l’espace ; comportent une transition graduelle vers des environnements de plus en plus ordinaires, en particulier la crèche et l’école ; reposent sur une équipe très compétente, très entraînée ; mettent en place des mécanismes de supervision et de veille (suivi régulier du développement de l’enfant/adolescent, ajustements des objectifs fonctionnels, réunion d’équipe, staff, etc.) ; débutent dès la mise en évidence d’un trouble du développement pouvant évoquer un TED. Au regard de l’expérience clinique, ces interventions, telles que décrites ci-dessus, sont jugées appropriées pour les enfants/adolescents avec TED par le groupe de pilotage, ce que confirme le groupe de cotation et de lecture, notamment pour les prises en charge intégratives telles que proposées par la thérapie d’échange et de développement. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 184 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les avis recueillis au cours de la consultation publique sont plus incertains s’agissant des prises en charge intégratives. De nombreux commentaires s’interrogent sur ce que recouvre concrètement la « prise en charge intégrative ». La définition de cette dernière a donc été précisée, dans le corps de la recommandation, à l’issue de cette consultation. L’enquête de pratique réalisée en 2010 (27) met en évidence que certaines prises en charge intégratives françaises intègrent des pratiques de psychothérapie institutionnelle telles que décrites dans cet argumentaire en annexe 6. L’enquête de pratiques réalisée en 2010 met en évidence, cependant, que d’autres interventions en France ont un rythme hebdomadaire faible et sont extrêmement éclectiques (27). Certaines d’entre elles s’apparentent alors à une juxtaposition de pratiques éducatives et de rééducations peu fréquentes mises en œuvre avec des techniques très hétérogènes, ce qui n’est pas souhaitable pour l’enfant/adolescent avec TED. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm En l’absence d’études contrôlées, les données ne permettent pas en 2011 de juger de l’efficacité ou de la sécurité des prises en charge intégratives. Néanmoins, à l’issue du processus de consensus formalisé, les prises en charge intégratives de type thérapie d’échange et de développement, en tant qu’interventions fondées sur une approche développementale, intégrant des principes neurophysiologiques et de rééducation, sont jugées appropriées (accord d’experts). De manière plus générale, les prises en charge intégratives, fondées sur les besoins individuels de l’enfant identifiés lors de l’évaluation et conçues de manière transdisciplinaire pour permettre à l'enfant de rester intégré dans son milieu de vie ordinaire, sont également jugées appropriées, dès lors que les critères décrits dans le § 5.3.3 Ŕ « Interventions précoces recommandées débutées avant 4 ans » sont respectés, en particulier que les professionnels, quel que soit leur mode d’exercice, veillent à utiliser un mode de communication et d’interaction commun, et à ne pas disperser l’enfant/adolescent dans des activités éclectiques ou des lieux multiples (accord d’experts). 5.3.7 Évaluation de l’efficacité et sécurité d’autres programmes globaux D’autres méthodes sont parfois proposées aux familles. Le groupe de pilotage a souhaité rechercher si des données avaient été publiées concernant l’évaluation de l’efficacité ou de la sécurité des méthodes suivantes, car les associations de parents ou les professionnels sont régulièrement interrogés par les familles concernant ces méthodes. Une recherche documentaire spécifique a été menée. ► Méthode Doman-Delacato Aucune étude concernant cette méthode n’a été publiée dans le cadre des TED. La méthode Doman-Delacato est considérée comme une méthode non recommandée en Espagne (143). Elle a fait l’objet, dans les années 1980, de plusieurs publications dans des revues scientifiques pour rejeter cette pratique qui exige un investissement en temps majeur de la part des familles et des bénévoles pour appliquer un programme rigide et qui est fondée sur des arguments erronés, contraire aux connaissances scientifiques (239,240). L’inhalation de mélange gazeux spécifique n’a fait l’objet d’aucune étude : ni son efficacité, ni sa sécurité n’ont été évaluées. ► Programme Sonrise® et méthode Sunrise Le programme Sonrise® est brièvement présenté sur son site Web américain43 et fait l’objet de méthodes dérivées dont la méthode des 3i diffusée en France. 43 http://www.autismtreatmentcenter.org/contents/languages/french_version.php ; site consulté le 20 juin 2011. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 185 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Aucune étude évaluant l’efficacité pour l’enfant/adolescent avec TED du programme Sonrise® ou des méthodes utilisant le terme Sunrise n’a été identifiée. Une étude a évalué l’impact du programme Sonrise ® sur la famille dans son ensemble (241). Il s’agit d’une enquête prospective, effectuée en 1998 auprès de 135 familles et professionnels débutant un programme Sonrise ® au Royaume-Uni. Les conclusions des auteurs montrent que l’implication importante des familles conduit plus fréquemment à plus d’inconvénients (moins de disponibilités pour les conjoints ou autres enfants ; autres enfants délaissés, famille divisée) que de bénéfices pour les familles au cours du temps. Cependant, le niveau de stress familial n’augmente pas dans toutes les situations. Il semble essentiel pour les interventions basées au domicile de prendre en compte la famille dans sa globalité et non seulement de centrer les interventions sur l’enfant. ► Méthode des 3i La méthode des 3i, méthode française, est brièvement présentée sur son site Web44. Cette méthode empirique, développée récemment (2004) à partir de l’expérience de la famille d’un enfant avec TED est mise en œuvre par des bénévoles de manière intensive auprès d’enfants ou d’adolescents, au domicile. « Le but est d’amener, par une pédagogie éducative intensive (Méthode des 3i), des enfants ayant un diagnostic d’autisme à une vie sociale et scolaire aussi normales que possible ». Il s’agit d’une méthode de stimulation individuelle interactive intensive par 1 adulte (bénévole) pour un enfant : « 40 heures par semaine (incluant week-end et vacances), 6 heures par jour, ce qui implique une trêve scolaire », ayant la communication pour « objectif prioritaire à travers toutes les activités et non l’apprentissage de connaissances et de savoir-faire », où le jeu a une place centrale pour le développement et l’éveil de tout enfant. La méthode prévoit un suivi professionnel des enfants et adolescents quelques heures par mois par un psychologue formé à la méthode par l’association fondatrice. D’autres intervenants (orthophonistes, psychomotriciens, etc.) peuvent être sollicités. Un programme évolutif est défini chaque mois après une « évaluation globale de l'enfant à l’aide d’une échelle de 0 à 5. Dès le niveau 4 atteint et dès que l’enfant parle, imite, regarde bien, il commence par étapes à réintégrer l’école ». Les commentaires, transmis au cours de la phase de lecture, mettent en évidence que certaines caractéristiques de cette méthode remplissent les critères des interventions globales recommandées chez l’enfant de moins de 4 ans, et qu’elle permettrait « au moins un répit au niveau parental ». Sur ce dernier point, certains membres du groupe de pilotage et de cotation, dont des représentants des usagers, font état de retours d’expérience contraires et négatifs de la part de parents venant les consulter après avoir mis en œuvre cette méthode auprès de leur enfant (bénévoles trop nombreux, absence de flexibilité, déscolarisation regrettée, épuisement des parents). Au vu de l’absence de fondement théorique, du caractère inacceptable de la déscolarisation exigée par la méthode, de l’absence de données scientifiques permettant de juger de son l’efficacité et de sa sécurité et au vu de leur expérience, les membres du groupe de pilotage considèrent qu’il n’y a pas d’argument en 2011 pour juger cette pratique appropriée pour les enfants/adolescents avec TED. Les votes du groupe de cotation et du groupe de lecture confirment qu’elle n’a pas lieu d’être recommandée. ► Méthode Greenspan également intitulée méthode du Floortime® Cette méthode45 a fait l’objet de deux études non contrôlées. La première est une revue rétrospective de 200 dossiers d’enfants avec autisme ou TED non spécifiés (CARS de 30 à 52), âgés à l’inclusion de 22 mois à 4 ans, puis suivis par cette méthode pendant au minimum 2 ans ; cette étude ne fait pas de comparaison statistique avant-après (242). La seconde est une étude cherchant à évaluer l’évolution avant-après d’une partie du programme (interventions parentales autour d’activités par le jeu) chez des enfants avec 44 http://www.autisme-espoir.org/parent-suitemethode.html site consulté le 20 juin 2011 ; page modifiée le 22/10/2011, consultée le 27/10/2011 : http://www.autisme-espoir.org/parent-suite-methode.html 45 http://www.icdl.com/dirFloortime/overview/index.shtml ; site consulté le 20 juin 2011. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 186 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées TED qui suivaient par ailleurs d’autres interventions structurées (243). Elle est décrite dans la partie « interventions par les parents » (cf. § 5.3.4). Une étude pilote, contrôlée randomisée, récemment parue, confirme l’intérêt de cette pratique mise en œuvre en complément d’interventions réalisées par des professionnels lorsqu’elle est réalisée par les parents en moyenne 15 heures/semaine pendant au minimum 3 mois (244). Le groupe de pilotage considère qu’en tant que pratique individualisée, fondées sur les capacités développementales de l’enfant, proposant des interactions 1 :1 parent-enfant, autour d’activités centrées sur le jeu, elle peut s’intégrer utilement dans les projets personnalisés coordonnés d’interventions globales, tels que décrits ci-dessus (cf. conclusion de la section 5.3.3). En revanche, un projet individuel fondé exclusivement sur cette pratique ne doit pas être présentée comme une pratique efficace pour les enfants/adolescents avec TED. ► Méthode Feuerstein Cette méthode46, initialement diffusée dans les années quatre-vingts pour des enfants présentant un retard mental (245), a été critiquée à cette époque, considérant que les effets annoncés par les auteurs n’étaient pas scientifiquement valides après analyse indépendante (246). La méthode Feuerstein a plus fait l’objet, 15 ans plus tard, d’une étude chez des adolescents issus de l’immigration en difficulté scolaire (247). Aucune étude n’a évalué ses effets dans le cadre des TED. Au vu de l’absence des données scientifiques et de leur expérience, les membres du groupe de pilotage considèrent qu’il n’y a pas d’argument pour juger cette pratique appropriée pour les enfants/adolescents avec TED. ► Méthode Padovan Aucune étude n’a évalué l’efficacité ou la sécurité de la méthode Padovan47. Seules trois publications, réalisées entre 1995 et 2005, ont été identifiées à partir de la stratégie documentaire (cf. annexe 2). Au vu de l’absence des données scientifiques et de leur expérience, les membres du groupe de pilotage considèrent qu’il n’y a pas d’argument pour juger cette pratique appropriée pour les enfants/adolescents avec TED. ► Conclusion Le groupe de pilotage constate que l’efficacité de ces méthodes et leurs risques, dont la perte de chance pour l’enfant/adolescent, n’ont pas été évalués, qu’elles sont sans fondement théorique et souvent présentées aux familles comme des interventions exclusives nécessitant d’interrompre tout autre suivi, allant même parfois jusqu’à demander la déscolarisation des enfants. Certaines de ces méthodes ont fait l’objet de publications dans des revues scientifiques pour affirmer leur inefficacité. Les phases de cotation et de lecture confirment, en l’état des connaissances, de ne pas recommander les méthodes ci-dessus. Cette position ne doit cependant pas entraver d’éventuels travaux de recherche clinique permettant de juger de l’efficacité et de la sécurité des interventions de développement récent. 46 47 http://www.icelp.org/french/main.asp ; site consulté le 20 juin 2011. http://www.padovan-synchronicite.fr/html/accueil.html ; site consulté le 20 juin 2011. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 187 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm L’absence de données sur leur efficacité, le caractère exclusif de leur application et leur absence de fondement théorique ont conduit les experts, professionnels et représentants d’usagers, à ne pas recommander les pratiques suivantes (accord d’experts) : programme Son Rise® ; méthode des 3i ; méthode Feuerstein ; méthode Padovan ou réorganisation neurofonctionnelle ; méthode Floortime ou Greenspan, en tant que méthode exclusive ; cette pratique peut être proposée au sein d’un projet d’interventions coordonnées (grade C) ; méthode Doman-Delacato ; recours au mélange gazeux dioxyde de carbone-oxygène associé à une méthode précédente. Cette position ne doit cependant pas entraver d’éventuels travaux de recherche clinique permettant de juger de l’efficacité et de la sécurité des interventions de développement récent. 5.4 Interventions spécifiques Les interventions dites « focalisées » ou « spécifiques » visent un objectif précis d’amélioration d’un seul domaine du fonctionnement de la personne avec TED ou de ses activités et participation (1), par exemple l’imitation, l’attention conjointe, les interactions sociales, les comportements problèmes ou les stéréotypies, l’agressivité, l’anxiété, la dépression, etc. (cf. § 5.4.1 à 5.4.4). Certaines études d'évaluation de l’efficacité des interventions spécifiques sont décrites par thème ci-dessous, et d'autres sont décrites dans les rubriques spécifiques aux populations présentant un syndrome particulier : syndrome d’Asperger ou enfants/adolescents avec TED et haut niveau de fonctionnement (cf. § 5.4.5), et syndrome de Rett (cf. § 5.4.6). En effet, certaines interventions spécifiques ont été évaluées sur un plus grand nombre d'enfants/adolescents de haut niveau de fonctionnement que d'enfants de bas niveau de fonctionnement. C'est le cas en particulier des interventions de thérapie cognitivocomportementale concernant l'angoisse. Ces interventions spécifiques peuvent être intégrées dans le cadre de programmes globaux, pour en renforcer l’effet dans un domaine fonctionnel spécifique. Elles peuvent être réalisées selon diverses méthodes (rééducation orthophonique, technique ABA ou développementale et ABA, etc.). Le groupe de pilotage souhaite préciser que ce mode de présentation par domaine fonctionnel, destiné à faciliter la lecture des recommandations, ne doit cependant pas conduire les professionnels à une dispersion ou à une segmentation des interventions auprès de l’enfant/adolescent dans des activités ou des lieux éclatés ou à une absence de cohérence dans le mode de communication et d’interaction avec l’enfant. Un même professionnel peut, au travers des activités proposées, viser des objectifs fonctionnels dans plusieurs domaines de fonctionnement de l’enfant. Il est cependant important de rappeler que les activités visant un domaine spécifique ne se généralisent pas forcément dans les autres domaines, d’où la nécessité pour les professionnels de s’assurer de la généralisation des acquisitions réalisées dans un contexte spécifique à d’autres contextes. 5.4.1 Interventions ciblant les fonctions de communication ► Recommandations de bonne pratique Les interventions pour favoriser la communication sont indiquées dans les TED, telles que l’utilisation de l’augmentation visuelle, par exemple, sous la forme d’images d’objets (60). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 188 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les systèmes alternatifs/augmentatifs de communication sont recommandés, malgré leur faible niveau de preuve (143). L’adaptation des environnements physique, social et de communication de l’enfant et des jeunes gens avec TSA peut être bénéfique (les options incluent : fournir un aide-mémoire visuel, réduire les exigences pour les interactions sociales complexes, utiliser les routines, les emplois du temps et les calendriers, et minimiser les irritations sensorielles) (60). La communication facilitée n’est pas recommandée dans l’indication des symptômes spécifiques chez les enfants avec TED (76,143). ► Revues systématiques des études évaluant les interventions sur les fonctions de communication 2007 Baghdadli Baghdadli et al. 2007 (141) passent d’abord en revue les études sur la communication facilitée qui sont beaucoup plus nombreuses que celles sur le PECS, la langue des signes (LSF) ou le Makaton. Les auteurs concluent au caractère illusionniste de la communication facilitée. De leur revue de 4 études sur le PECS, inégales du point de vue méthodologique, Baghdadli et al. concluent que malgré les résultats encourageants, on ne peut pas considérer l’efficacité du PECS comme démontrée, compte tenu des sérieux problèmes méthodologiques des 4 études publiées avant 2007 (petits effectifs, absence de groupe contrôle, parfois absence de données statistiques) (Ganz 2004, Magiati 2003, Liddle 2001, Charlop-Christy 200248). La Makaton n’est pas l’objet d’étude d’évaluation. La comparaison entre LSF et PECS est l’objet d’une étude sur deux enfants de 5 ans 10 mois et 6 ans 8 mois (Tincani 2004). L’étude est méthodologiquement insuffisante pour conclure. Dans l’ensemble des interventions visant à améliorer la communication, Baghdadli et al. rapportent les études ABA dans lesquelles sont examinés différents facteurs intervenant dans l’apprentissage (Sidener 2005, Hoch 2002, Buffington 1998). Les 3 études confirment les études sur les techniques utilisées dans l’ABA, à savoir que la manipulation des facteurs classiques d’apprentissage (taux, nature et délai de renforcement, prompting, modèle) ont des effets différentiels sur l’apprentissage, la généralisation et le développement des communications. Mais le très petit nombre d’enfants dans chacune de ces études ne permet pas de conclure avec plus de précision. Baghdadli et al. citent 4 études avec apprentissage incident (Elder 2005, Keen 2001, Seung 2006, Stiebel 1999) : « Les résultats implicites de ces études suggèrent que les intervenants (formateurs, parents ou enseignants) ont à leur disposition des stratégies d’enseignement susceptibles de favoriser les opportunités de communication avec les enfants et le développement de leurs communication (vocalisation, demandes, communication à l’aide d’images, stock lexical ou syntaxique. Cependant les résultats des études expertisées sont limités par des faiblesses méthodologiques ». Deux études sont examinées comparant plusieurs interventions (Charlop-Christy 2000, Grindle 2004). Mais le nombre de participants est très faible, ce qui limite la portée des études. Baghdadli et al. concluent que les stratégies comportementales associées aux stratégies naturelles favorisent la spontanéité du langage et les capacités d’imitation. Le langage écrit et la langue des signes peuvent être des systèmes alternatifs de communication pour les enfants non verbaux. À noter que les enfants avec un retard mental semblent acquérir plus rapidement des compétences en lecture-écriture qu’en langue des signes (Eikeseth 2001). 48 Se reporter à la revue systématique pour connaître les références des études citées. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 189 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées L’enseignement utilisant l’ordinateur a été évalué dans plusieurs contextes d’intervention. Bosseler 2003 évalue un apprentissage du vocabulaire et de la grammaire chez des enfants de 7 à 12 ans partiellement verbaux. Cette étude montre un bénéfice clair avec généralisation dans un contexte naturel. Mais le manque d’information sur le diagnostic des enfants rend les conclusions ambiguës. L’étude d’Hetzroni 2004 portent sur 5 enfants âgés de 8 à 12 ans. L’entraînement sur ordinateur diminue les écholalies, augmentent les initiatives de communication dans deux des trois contextes entraînés et s’accompagne d’un transfert des phrases appropriées du contexte simulé à l’environnement de la classe. Baghdadli et al., comme Ospina et al. (162), concluent aux effets bénéfiques de l’apprentissage assisté par ordinateur : développement d’imitations vocales chez les enfants de 3 à 7 ans avec peu de langage préalable ; amélioration du vocabulaire, de la reconnaissance des mots, de la conscience phonologique, du niveau de lecture et de la construction syntaxique chez les enfants de 7 à 12 ans, dont les niveaux de langage sont variés. Néanmoins les auteurs de la revue rappellent que ces études ont des limitations méthodologiques importantes. Il en va de même pour le programme spécifique VOCA (« Aide à la communication avec sortie vocale ») qui produit un texte imprimé ou sonore. Baghdadli et al. concluent que les études d’utilisation de VOCA par les enfants avec autisme et l’exploitation de ses potentialités pour faire progresser la fonctionnalité ou la qualité de la parole ou de l’écrit sont encore très insuffisantes. 2008 Ospina Ospina et al. dans leur revue en 2008 (162) examinent 10 essais d’interventions centrées sur la communication ou la reconnaissance des émotions. Les résultats montrent des effets statistiquement significatifs en faveur des interventions sur la reconnaissance des émotions faciales, l’attention ou la motivation, la production lexicale en langue orale, l’acquisition de principes de communication en PECS ou en langue des signes. Seules les études publiées depuis 2000 sont signalées et résumées ci-dessous. Les études concernant les adolescents/adultes de haut niveau ou Asperger sont rapportées dans le sous chapitre correspondant plus bas (§ 5.4.5) Des effets positifs avec des résultats significatifs sur la reconnaissance des émotions sont observés dans les 2 études basées sur des instructions assistées par ordinateur. Dans l’une de ces études (randomisée, avec 3 enfants traités et 4 enfants contrôles) d’une durée de 5 semaines (Bolte 2006), on observe des résultats significatifs sur la reconnaissance des émotions. Dans un autre essai randomisé comportant des enfants avec autisme et des enfants avec Asperger (Silver 2001), on observe des résultats significatifs avec amélioration de la reconnaissance et de l’anticipation des émotions d’autrui pour les 10 enfants avec programme sur ordinateur par rapport aux 11 enfants du groupe contrôle. Des effets positifs, avec des résultats significatifs sur l’attention à ce qui est enseigné et aux consignes et sur le développement du langage, sont observés dans les 2 études basées sur des instructions assistées par ordinateur. Deux autres études randomisées sont basées sur des instructions assistées par ordinateur. Un essai randomisé (Moore 2000) montre une augmentation significativement importante de l’attention à ce qui est enseigné. Quatorze enfants entre 3 et 6 ans sont sélectionnés dans une école spécialisée pour enfants avec autisme et stratifiés par niveau de langage. À l’intérieur de chaque niveau de langage, les enfants sont répartis au hasard entre un programme d’ordinateur attrayant par les sons et les mouvements sur l’écran et un programme comportemental pour enseigner des noms d’objets. Les enfants du groupe avec ordinateur sont plus longtemps attentifs à l’intervention, prêts à recommencer, plus motivés, et apprennent plus de vocabulaire que le groupe comportemental. Par ailleurs plus les enfants sont attentifs, quel que soit le programme d’intervention, plus ils apprennent. Dans un second essai randomisé (Williams 2002) d’une durée de 10 semaines avec 8 enfants avec autisme (ADI-R) âgés de 3Ŕ1 à 5Ŕ9 ans, les enfants sont appariés sur l’âge, la sévérité des signes autistes et le nombre de mots HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 190 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées produits, puis un enfant de chaque paire appariée est attribué au hasard à l’une de deux interventions pendant 10 semaines, 15 minutes/jour, 5 jours/semaine. À la fin des 10 semaines, les deux interventions sont permutées et menées pendant 10 autres semaines. L’une des interventions est basée sur des instructions assistées par ordinateur et l’autre sur un livre (avec images et diverses animations de sons activables par l’enfant). Tous les enfants passent plus de temps à travailler sur ordinateur que sur livre, et pendant qu’ils travaillent sur ordinateur, ils produisent deux fois plus de mots qu’avec les livres. Cependant, si on rapporte le nombre de mots produits à la durée effective de travail de l’enfant, la différence entre les deux situations disparaît. Autrement dit la situation « ordinateur », permettant des durées de travail plus longues, permet l’acquisition et la production de plus de mots. Par ailleurs, la durée d’intervention est trop courte pour parler véritablement d’apprentissage de la lecture. Un essai contrôlé avec 41 enfants avec autisme compare l’utilisation du PECS (n = 24) à une intervention contrôle (n = 17). L’initiation de la communication et les interactions dyadiques augmentent significativement plus avec l’intervention PECS qu’avec l’intervention contrôle (*Carr 2007) (cf. détail ci-dessous). 2010 Kasari Kasari et al. (178), dans leur revue des interventions visant la communication et le langage, considèrent 5 essais sur les 18 signalés, comme présentant un intérêt particulier. La plupart des essais ciblent essentiellement le développement de la communication verbale. Ces essais utilisent pratiquement tous l’ABA et rapportent des améliorations significatives en communication verbale. La plupart des interventions se préoccupent d’abord de recruter l’attention de l’enfant sur un objet ou une situation spécifique avant de le (la) nommer. Les 5 essais, particulièrement intéressants, sont *Kasari 200849, *Franco 2009, Hundert 2009, *Koegel 2009, *Vismara 2009). ► Études cliniques évaluant l’efficacité ou la sécurité des interventions ciblées sur la communication 2007 Royaume-Uni– communication orale – PECS Un essai contrôlé (248) avec 41 enfants âgés de 3 à 7 ans avec autisme compare les effets de l’enseignement des phases I, II et III du PECS (n = 24) à un l’effet de l’éducation spécialisée sur un groupe contrôle (n = 17). Avant intervention, le développement du langage évalué en mois par les échelles de langage (Preschool language Scales-3) était pour le groupe expérimental de 7,8 mois en compréhension, et 7,4 mois en production (pour le groupe contrôle : 8,6 mois et 9,8 mois respectivement). Le développement évalué par le VABS en autonomie de vie quotidienne et en compétences sociales était de 16,5 et 12,0 mois pour le groupe expérimental (15,9 et 12,5 pour le groupe contrôle), malgré l’absence de randomisation, l’étude est très bien contrôlée. L’enseignement du PECS dure un total de 15 heures réparties sur 4Ŕ5 semaines (rythme : 1 heure/jour répartie en 2Ŕ3 sessions, 3Ŕ4 jours/semaines). Le PECS augmente significativement plus les initiatives de communication dirigées vers autrui, les réponses aux demandes de communication, et les interactions dyadiques dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle. 2006 États-Unis – communication orale – PECS Yoder et Stone (249) comparent l’effet de deux interventions sur le développement de la communication verbale : Responsive Education and Prelinguistic Milieu Teaching50 (RPMT) 49 Les études précédées d’un astérisque sont décrites dans cet argumentaire. Intervention décrite dans : Yoder PJ, Warren SF. Effects of prelinguistic milieu teaching and parent responsivity education on dyads involving children with intellectual disabilities. J Speech Language Hearing Res 2002 ;45 : 1158Ŕ74. 50 HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 191 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées et Picture Exchange Communication System (PECS51). Cette étude est sélectionnée dans la revue d’Ospina et al. (162) qui donne les résultats en une phrase et en les inversant. Durée : 6 mois. Population : critères d’inclusion : diagnostic d’autisme ou de TED non spécifiés, âgés entre 18 et 60 mois, non verbal ou faible niveau de verbalisation (< 10 mots). Sont exclus les enfants présentant un déficit sensoriel sévère ou dont la langue parlée à la maison n’est pas l’anglais. Trente-six enfants sont inclus : 33 avec un diagnostic d’autisme, 3 avec un diagnostic de TED non spécifiés. Le diagnostic est confirmé avec l’ADOS. L’âge mental non verbal (échelle de Mullen) est entre 11,5 mois et 26,5 mois. L’âge mental verbal entre 7 et 19 mois. Le QI est entre 48 et 67. Les enfants sont randomisés entre les deux interventions : Responsive Education and Prelinguistic Milieu Teaching (RPMT) (n = 17) et Picture Exchange Communication System (PECS) (n = 19). Dans les deux interventions, les enfants et les parents sont impliqués. Les enfants reçoivent au centre 3 sessions de 20 minutes/semaine pendant 6 mois (72 sessions). Les parents observent leurs enfants pendant ces sessions. Ils ont par ailleurs jusqu’à 15 heures de formation supplémentaire. Le PECS : le PECS est une sorte d’ABA pour la communication qui utilise des stratégies d’incitation et de renforcement pour faire évoluer la personne vers une communication indépendante, mais n’entraîne ni à l’attention visuelle vers l’adulte ni à la direction du regard (Bondy et Frost 1994). Le PECS comporte 6 phases qui vont de l’échange d’une image contre un objet sans autres distracteurs, à l’échange d’une phrase en réponse à la question « Que vois-tu ? ». Le rapport thérapeute : enfant est de 2 :1 dans les phases I, II et IV de l’intervention ; il est de 1 :1 dans les autres phases. La situation de l’enfant est scolaire, assis à une table. Le RPMT est destiné à favoriser trois fonctions de la communication intentionnelle : requête, commentaire et tour de parole. Le rapport thérapeute : enfant est 1 :1 avec une alternance de thérapeute une fois par semaine. Le thérapeute établit des routines de jeu, stimule l’attention conjointe. Quand l’enfant atteint un certain niveau de communication, l’intervention Milieu Language Teaching, centrée sur la parole, est utilisée. Les parents sont formés à interagir avec leur enfant dans le cadre de cette intervention. Les enfants avaient par ailleurs d’autres interventions choisies par les parents. Résultats : l’intervention PECS augmente plus le nombre d’actes de parole non imitatifs et le nombre de mots différents non imitatifs après 6 mois d’intervention et 6 mois après la fin de l’intervention que ne le fait l’intervention RPMT. Le taux de croissance du nombre de mots différents non imitatifs est plus rapide dans le groupe PECS que le groupe RPMT pour les enfants qui exploraient beaucoup les objets au début du traitement. En revanche, le taux de croissance correspondant était plus rapide dans le groupe RPMT que le groupe PECS chez les enfants qui exploraient peu les objets au début du traitement. En conclusion : l’intervention PECS est globalement plus efficace que l’intervention RPMT. Elle a un effet en tout cas plus rapide chez les enfants qui exploraient beaucoup les objets au début du traitement. 51 Intervention décrite dans : Bondy AS, Frost LA. PECS : The Picture Exchange Communication System training manual. Cherry Hill : Pyramid Educational Consultants 1994. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 192 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Faiblesses : les évaluateurs ne sont pas aveugles au statut des enfants. La dichotomie entre enfants qui explorent beaucoup ou peu les objets en début d’intervention est une variable intéressante mais définie a posteriori. 2010 États-Unis – communication non verbale – PECS Yoder et Lieberman (250) évaluent le caractère général et fonctionnel du principe de communication appris par les enfants dans une intervention PECS (de façon générale, une image PECS désigne un objet qu’on peut demander ou désigner, même si on ne connaît pas l’objet lui-même, le « référent »). L’intervention PECS est comparée à une autre intervention dans un essai randomisé. Cette étude concerne le même échantillon et les mêmes interventions que l’étude précédente Yoder et Stone (249) (cf. ci-dessus). La seule différence entre l’étude de 2006 (249) et la présente étude est la question posée et le test utilisé pour y répondre. Les évaluations pré- et postintervention sont faites en aveugle. Intervention : les interventions sont les mêmes que dans Yoder et Stone (249) (ci-dessus). Avant intervention, les deux groupes ne diffèrent que par l’algorithme social de l’ADOS et dans la production de langage de l’échelle de Mullen. Aucun enfant des deux groupes n’utilisait de signes PECS avant intervention, excepté un enfant par groupe qui utilisait un seul échange PECS chacun. L’intervention PECS entraîne l’usage de dessins pour développer la communication sans entraîner l’attention visuelle à l’adulte et à la direction du regard. Le RPMT utilise les signes PECS, mais entraîne l’attention à l’adulte et à la direction du regard. Résultat : la Early Social communication Scales-Abridge (ESCS-Abridge ; Mundy et al., 1996) est adaptée pour évaluer la communication avant et après intervention. Les gains prépost montrent que l’intervention PECS a engendré significativement plus de capacité à utiliser la communication dans des situations nouvelles différant sur plusieurs dimensions des situations d’apprentissage que ne l’a fait l’intervention RPMT. Autrement dit, dans l’intervention PECS, les enfants ont appris un principe général, c'est-à-dire à utiliser une image PECS pour communiquer au sujet du référent de l’image sans connaître préalablement ce référent. La communication s’est généralisée à des situations très différentes sans qu’il y ait eu entraînement de l’attention visuelle à la direction du regard, alors que l’entraînement à l’attention à la direction du regard (inclus dans le RPMT) n’a pas d’effet aussi important. Ceci ne signifie pas que le RPMT n’aurait pas le même résultat à plus long terme que le PECS. Cela signifie seulement que l’intervention PECS permet à l’enfant d’acquérir un principe général de communication. 2011 États-Unis – Imitation sociale, attention conjointe, émotion partagée Landa et al. (251) procèdent à un essai randomisé pour évaluer les effets d’une intervention prosociale visant l’imitation sociale, l’attention conjointe, l’émotion partagée. Population : 48 enfants recrutés par tous les moyens disponibles dans Baltimore. Critères d’inclusion : diagnostic d’autisme par l’ADOS et par un clinicien, âge chronologique de 21 à 33 mois, âge mental non-verbal d’au moins 8 mois (échelle de réception visuelle de Mullen Scales of Early Learning), sans autre enfant avec autisme dans la fratrie, avec l’anglais comme langue principale à la maison et sans étiologie connue pour l’autisme. Vingt-quatre paires d’enfants appariés pour l’âge mental (échelle de réception visuelle) et les scores de l’algorithme d’interaction sociale de l’ADOS. Un enfant de chaque paire est aléatoirement affecté au groupe expérimental. Les deux groupes ne diffèrent sur aucune variable mesurée. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 193 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Intervention : les deux groupes reçoivent la même intervention globale comportementale tenant compte du développement individuel (Assesment Evaluation Programming system for infant and children, Bricker 2002) utilisant des procédures par essais discrets, réponsespivots, interactions fondées sur des routines et des aides visuelles à la communication quand nécessaire. Ce programme inclut, parmi ses cibles, l’imitation et l’attention conjointe. Le groupe expérimental reçoit beaucoup plus d’occasions organisées de répondre et initier de l’attention conjointe, de l’imitation pendant les interactions sociales, de l’émotion partagée. Les intervenants présentent de façon séduisante, et amorcent des segments de comportements sociaux à imiter. Les situations de transfert d’apprentissage et de généralisation sont très variées. Le groupe de comparaison ne reçoit pas cette intervention supplémentaire. Les deux groupes ont le même nombre total d’heures d’intervention, soit 2,5 heures/jour, 4 jours/semaine dans une classe de maternelle, pendant 6 mois, avec un encadrement de 5 :3. La formation des parents est identique dans les deux groupes (1,5 heures/mois à domicile pendant 6 mois ; les parents assistent à la classe 2 fois/semaine). Résultats : les évaluations sont faites avant, à la fin de l’intervention (à la fin des 6 mois) et 6 mois après la fin de l’intervention. Le Test Communication and Symbolic Behavior Scales Developmental Profile permet de provoquer et mesurer, de façon standardisée, les initiations d’attention conjointe (IAC), les imitations socialement engagées (les imitations avec contact œil-œil, ISE) et les émotions partagées positives (EPP), définies de façon stricte. La passation du test est vidéo-enregistrée pour vérifier ensuite l’accord de deux juges. Les tests sont administrés en aveugle. Les échelles de production de langage et de réception visuelle mesurent les gains en développement du langage et des capacités cognitives. Les IAC, ISE et EPP augmentent significativement à la fin de l’intervention dans l’ensemble des deux groupes. Le groupe expérimental présente un gain en comportements ISE significativement supérieur à celui du groupe de comparaison aussi bien 6 mois après le début de l’intervention, que 6 mois après la fin de l’intervention. La proportion d’ISE a doublé en 6 mois d’intervention. La différence en IAC et EPP entre les deux groupes n’est pas significative. Les deux groupes ne diffèrent pas non plus sur l’échelle « langage » ni sur l’échelle cognitive du test de Mullen. 2008 États-Unis – attention conjointe, jeu symbolique et communication orale Kasari et al. 2008 (252) évaluent l’effet de certaines interventions sur l’attention conjointe, le jeu symbolique et la communication orale. Cette étude est citée parmi les 5 essais évalués comme méthodologiquement « fort » selon l’échelle Evaluative Method for Determining EBP in Autism (193), concernant la communication et le langage, désignés par la revue du même auteur (178) portant sur les années 2008Ŕ2009. Interventions : il s’agit d’un essai randomisé pour évaluer l’effet d’un traitement de certains aspects des compétences de communication sur le développement du langage. L’essai compare 3 entraînements, l’un à l’attention conjointe (n = 20), l’autre au jeu symbolique (n = 21), le troisième ne comporte pas d’intervention spécifique pour ces deux fonctions autres les aspects du traitement global (contrôle) (n = 17) destinés à améliorer l’usage du langage. Les 58 enfants sont âgés de 3 à 4 ans avec un diagnostic d’autisme (ADI-R, ADOS), sans épilepsie ni autre pathologie (syndrome génétique par exemple). L’intensité d’intervention pour l’attention conjointe et celle pour le jeu symbolique était de 30 minutes/jour pendant 5 à 6 semaines, et faisait partie d’un programme ABA et développemental de 30 heures/semaines. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 194 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Résultats : outre les gains en attention conjointe et en jeu symbolique, on observe un gain de la production du langage qui est supérieur pour les deux groupes expérimentaux comparé au groupe contrôle (gain de 2,1 à 2,3 écart type en production de langage à la fin de l’année d’intervention, contre un gain d’1 écart type pour le groupe contrôle). Chez les enfants qui avaient commencé l’intervention avec le niveau de langage le plus bas, l’entraînement à l’attention conjointe améliore plus le langage que ne le fait le jeu symbolique ou l’intervention contrôle. Les bénéfices cliniques sont importants. Les gains continuent encore un an après la fin de l’intervention, et la supériorité des deux interventions sur le groupe contrôle demeure. L’insertion d’un entraînement bref, quotidien, visant spécifiquement l’attention conjointe d’une part et le jeu symbolique d’autre part, dans une intervention intensive combinant ABA et approche développementale, apparaît comme efficace sur le développement du langage lui-même. 2011 Canada – Pragmatique de la communication sociale Casenhiser et al. (253) examinent l’efficacité d’une intervention visant à développer les aspects pragmatiques de la communication sociale dans le cadre d’un programme d’intervention MEHRI (ou MEHRIT). Population : diagnostic d’autisme confirmé par l’ADOS et l’ADI. Âgés de 2 ans à 4 ans 11 mois. Ont été exclus les enfants avec une comorbidité neurologique ou un problème de développement autre que l’autisme, et les familles qui ne pouvaient pas assurer les horaires requis par l’intervention. Les enfants étaient affectés au hasard à l’un de deux groupes : 25 enfants ont suivi le programme MEHRIT et 21 en liste d’attente ont fréquenté une institution. Ce groupe contrôle a reçu un maximum de 15 heures d’interventions diverses (moyenne 3,9 heures/semaine) (orthophonie, ergothérapie, groupes sociaux, garderie spécialisée avec ou non des thérapies physiologiques spécifiques. Intervention : le programme MEHRIT insiste sur les caractéristiques des interventions : 1) l’implication dans l’intervention de la personne qui s’occupe régulièrement de l’enfant (parent ou non), ci-dessous appelé « l’adulte » ; 2) la prise en compte de l’étape de développement où se situe l’enfant dans la séquence développementale suivante : capacités à être contrôlé, à être attentif aux interactions sociales, à s’engager dans des interactions réciproques, capacités à résoudre des problèmes d’interaction sociale et enfin capacités à utiliser les idées et le langage de façon fonctionnelle. Dans ce cadre général, l’intervention évaluée ici est une intervention de type DIR, c'est-à-dire fondée sur la prise en considération des relations individuelles dans un cadre développemental. Elle peut par ailleurs être classée comme une intervention sur la pragmatique du développement social. Durée : 12 mois, avec 2 heures/semaine d’intervention avec l’adulte et l’enfant, par des intervenants orthophonistes formés puis supervisés de façon hebdomadaire. Les orthophonistes aident l’adulte à faire le point sur l’enfant, et lui enseignent les procédures d’intervention. L’adulte assure 3 heures/jour d’interaction avec l’enfant. En plus des deux heures hebdomadaires de guidage et enseignement par les orthophonistes, les adultes se réunissent toutes les 8 semaines pour analyser les enregistrements vidéo de leurs interactions avec l’enfant. Les évaluations sont faites en aveugle. Le langage est évalué par le Preschool Language Scale IV (Zimmerman et al., 2006) ou le Comprehensive Assessment of Spoken language (Carrow-Woolfolk, 1999). Les changements dans les comportements sociaux sont évalués en aveugle, sur la base des enregistrements vidéo réalisés pendant les interventions. L’évaluation des comportements avant et après intervention est faite par un test « éthologique », le Child Behavior Rating Scale (Kim and Mahoney 2004). Mais ce test a été HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 195 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées modifié pour l’étude, de telle sorte qu’on ne peut le considérer comme ayant été développé totalement indépendamment de l’étude. Chaque enregistrement est codé par deux personnes indépendamment, et les résultats de ces deux codages sont très bien corrélés. Mais on ignore la durée des séquences codées. Par ailleurs, dans l’analyse statistiques des résultats, l’absence de correction de sphéricité liée au nombre (> 3) de répétitions de mesures sur un même sujet, conduit à de valeurs de F très importantes artificiellement. Résultats : le niveau de développement du langage s’accroît de façon identique dans les deux groupes. On n’observe aucune différence entre le groupe expérimental et le groupe contrôle ni avant, ni après intervention. Il existe des indications que le groupe expérimental pourrait effectivement progresser en attention à l’interaction, dans le degré d’implication de l’enfant dans l’interaction, l’attention conjointe et le degré de plaisir dans l’interaction, alors que le groupe contrôle ne se modifie pas dans les comportements. ► Autres études cliniques Bien que ne correspondant pas aux critères de sélection définis a priori, nous mentionnons ici cinq études de cas concernant des points spécifiques non développés dans les études de meilleur niveau de preuve concernant la langue écrite (254), l’initiation de la communication orale (255,256) ou des interactions sociales (257) et l’utilisation d’un appareil de génération de parole (258). Ces 5 études sont rigoureusement menées, mais concernent moins de 10 enfants par groupe. Chacune évalue l’efficacité d’une intervention spécifique répondant à une question, peu abordée par ailleurs dans la littérature, et indique une réponse qui demande à être confirmée par des études complémentaires ultérieures. 2001 États-Unis – Est-il possible de remplacer la langue orale par la langue écrite lorsqu’on échoue à développer la langue orale chez un enfant ? Eikeseth et Jahr (254) évaluent le programme « Lire et écrire » de l’UCLA pour des enfants ne présentant pas de début de langage malgré une intervention globale ABA d’un an ou plus. Cet essai clinique ne concerne que 4 enfants avec autisme et retard mental âgés de 4 à 7 ans, qui après un à deux ans d’intervention globale ne développaient pas de langage. La lecture et l’écriture sont enseignées en même temps que la langue des signes. L’enseignement de la lecture consiste à faire apprendre les correspondances entre mots écrits et objets ou actions (la question de la correspondance entre le son et les lettres correspondance grapho-phonémique - ne se pose pas puisque les enfants ne vocalisent pas). La communication se développe plus rapidement avec le langage écrit qu’avec le langage gestuel. Le transfert à partir de ce qui est appris survient plus facilement qu’avec la langue des signes. Enfin, l’apprentissage de l’écrit se maintient mieux un mois après la fin de l’apprentissage que l’apprentissage des signes gestuels. La faiblesse principale de cette étude est qu’elle a été menée par le créateur du programme « Lire et écrire » bien que les intervenants et les évaluateurs ne fussent pas informés de l’hypothèse de l’étude. Enfin les auteurs font remarquer que tous les enfants avec autisme et sans langage ne seront pas susceptibles de tirer bénéfice de ce type d‘apprentissage et qu’il ne faut pas écarter a priori le PECS ou la langue des signes. 2009 États-Unis – L’utilisation d’une technologie spécifique permet-elle de révéler la présence de compétences fondamentales de communication et de les exploiter ? Franco et al. (258) (est cité parmi les 5 essais méthodologiquement « fort » selon l’échelle Evaluative Method for Determining EBP in Autism, concernant la communication et le langage, désignés par la revue de (178) portant sur les années 2008-2009). Il s’agit d’une intervention sur un enfant de 7 ans avec autisme sans langage parlé et qui produisait des vocalisations inappropriées qui servaient plusieurs fonctions. L’enfant apprend à discriminer différentes options de l’appareil de génération de parole (speech-generating device) puis HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 196 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées choisit le message approprié dans deux situations de généralisation. Les résultats montrent que quand l’appareil est disponible, l’enfant réduit ses vocalisations inappropriées dans toutes les situations et augmente sa participation aux activités appropriées et aux interactions avec les autres. 2006 États-Unis – Comparaison de deux techniques différentes pour développer spécifiquement la parole et la communication orale chez des enfants non verbaux Rogers et al. (255) comparent chez des enfants non verbaux les effets sur le langage d’une intervention type « modèle de Denver » à une intervention « PROMPT52 ». Population : 10 enfants de 20 à 65 mois sont recrutés s’ils ont un diagnostic d’autisme (diagnostic clinique, confirmé au moment du recrutement par un psychologue de l’équipe et satisfaisant aux critères du DSM IV, avec un score d’autisme à l’ADOS supérieur à la limite, un score supérieur à la limite du questionnaire de communication sociale), s’ils utilisent spontanément moins de 5 mots fonctionnels par jour, ont un QI de 30 au moins, sans comorbidité. Les participants sont attribués au hasard à l’une des deux interventions. Le paradigme expérimental pour cas uniques suit un plan A-B-A. L’âge mental non verbal allait de 18 à 36 mois, le versant expression du langage de 8 à 18 mois, le versant compréhension allait de 11 à 32 mois. Intervention : l’intervention est de 1 heure/semaine pendant 12 semaines par un thérapeute avec 1 heure/jour d’intervention donnée par les parents. L’intervention PROMPT a lieu à propos de demandes d’objets, de requêtes et comporte des techniques audio-tactilokinesthésiques avec modèle vocal et manipulations des mâchoires et des lèvres de l’enfant. Les indices tactilo-kinesthésiques de ce type sont progressivement remplacés par des indices visuels. Parmi les caractéristiques qui différencient PROMPT du modèle de Denver, il faut citer la manière dont une tâche est enseignée et la promotion de l’imitation dans le module langage du modèle de Denver ainsi que les critères de changements de tâches. Résultats : On n’observe pas de différence significative entre les deux groupes. À la fin de l’intervention le développement verbal pour le volet expression va de 8 à 35 mois avec un gain moyen de 3,9 mois, et celui pour le volet compréhension va de 11 à 36 mois avec gain moyen de 3,1 mois. La comparaison avant/après sur l’ensemble des deux groupes montre un progrès significatif pour l’expression (test du signe : p = 0,011) ; mais non pour la compréhension (test du signe : p = 0,055) (tests effectués par l’auteur de la présente revue de littérature, en l’absence de statistique comparant les 2 groupes dans l’article). Un enfant de chaque groupe n’a pas développé de langage fonctionnel. Les 8 autres enfants développent au moins l’utilisation de plus de 5 mots nouveaux et une généralisation de ces acquis. Quatre de ces enfants développent des phrases et deux produisent des phrases spontanément dans diverses situations. Les 8 enfants utilisent spontanément les mots. On observe également des gains collatéraux dans le fonctionnement social et communicatif (augmentation de l’imitation dans le groupe Denver et augmentation du jeu dans le groupe PROMPT, diminution des scores ADOS de 2 ou 3 à 0). Les gains ne peuvent être attribués ni à la maturation spontanée, ni à un effet global de l’intervention. En effet, certains enfants sont en traitement depuis plusieurs années, d’autres depuis quelques mois, sans que les performances de langage n’en ait été modifiées, alors que l’apparition de gains correspond bien au début de l’intervention. En résumé, les deux types d’intervention donnent des résultats analogues sur ces enfants qui étaient non verbaux malgré des interventions antérieures. La fréquence des observations 52 Intervention PROMPT : Prompts for Restructuring Oral Muscular Phonetic Targets « Incitations pour la restructuration de la production musculaire orale de la phonétique » est décrite dans : Chumpelik D. The PROMPT system of therapy : Theoretical framework and applications for developmental apraxia of speech. Semin Speech Language 1984 ; 5 :139Ŕ56. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 197 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées pendant la ligne de base de longue durée permet d’attribuer les résultats à l’’entraînement du langage. 2010 États-Unis – Imitation réciproque Ingersoll (259) effectuent un essai contrôlé et randomisé concernant un entraînement à l’imitation réciproque (Reciprocal Imitation Training : RIT) pour développer l’imitation élicitée et spontanée. Participants : 22 enfants âgés entre 27 et 47 mois recrutés dans divers circuits. Critères d’inclusion : diagnostic d’autisme (DSM-IV-TR et ADOS-G) par un psychologue professionnel. Les enfants sont appariés par le niveau de production de langage puis un membre de chaque paire est attribué au hasard au groupe expérimental. Intervention : Les enfants du groupe expérimental (n = 11) reçoivent un entraînement RIT, 1 heure/jour, 3 jours/semaine pendant 10 semaines. Les enfants du groupe contrôle (n = 10) ne reçoivent pas d’entraînement spécifique, et sont dans leur institution éducative habituelle (il n’est pas précisé si le groupe expérimental est également en éducation spécialisée). Le groupe expérimental ne présente aucune différence par rapport au groupe contrôle ni en âge (exp : 41,36, écart type = 4,30 ; contr : 37,20, écart type = 7,36), ni en âge mental non verbal (Bayley III ; exp : 21,73, écart type = 6,12 ; contr : 18,60, écart type = 6,02), langage (Preschool language scales, 4e édition, PLS-4 : exp : 15,91, écart type = 4,76 ; contr : 14,50, écart type = 4,53), nombre d’actes spontanés de jeu (Structured Play Assesment, SPA), réponses à l’attention conjointe, initiations d’attention conjointe (Early social communication scales, ESCS), heures d’intervention extérieure par semaine. Malheureusement, le groupe experiental présente significativement plus d’imitation élicitée au test Motor Imitation Scale (MIS) que le groupe contrôle. En ce qui concerne les imitations spontanées, la différence va dans le même sens mais n’est pas significative. L’entraînement ne tente pas d’automatiser une séquence spécifique d’imitation, mais plutôt de varier les objets et les gestes. Résultats : les enfants du groupe expérimental ont significativement plus de gain en imitation élicitée et imitation spontanée au test d’imitation (Unstructured Imitation Assessment, UIA adapté de McDuffie et al. 2007). Chacune des deux catégories d’imitation progressent significativement plus chez les enfants du groupe expérimental : imitation d’actions sur des objets (même quand ces actions ne sont pas des actions habituellement faites sur l’objet utilisé) et imitation de gestes. Conclusion : ces résultats ne sont pas fiables, car le groupe expérimental (tiré au sort) présentait avant intervention un niveau d’imitation supérieur au groupe contrôle. L’analyse statistique comparant les deux groupes après intervention a tenu compte de cette différence, mais la question de fond n’est pas résolue pour autant : les enfants qui avaient un niveau plus important d’imitation sont peut-être des enfants qui ont des caractères spécifiques par rapport aux autres. L’entraînement évalué ici est peut être efficace, mais l’étude n’apporte pas de preuve. 2009 États-Unis – Technique spécifique pour amorcer l’émergence de la parole chez des enfants non verbaux malgré une intervention intensive ABA Koegel et al. (256) (est cité parmi les 5 essais méthodologiquement « fort » selon l’échelle Evaluative Method for Determining EBP in Autism, concernant la communication et le langage, désignés par la revue de (178) portant sur les années 2008Ŕ2009. Cet essai constitue un aménagement spécifique des techniques ABA et PRT (Pivotal response HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 198 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées treatment53-54) pour promouvoir le démarrage de la parole chez des enfants qui ne parlent pas et qui ne développent pas de langage alors qu’ils reçoivent une intervention globale. Trois enfants avec diagnostic d’autisme, âgés de 3 ans, 4 ans 1 mois et 4 ans 8 mois ayant un âge verbal au VABS de 10, 14 et 12 mois respectivement sont étudiés. Ils n’ont ni mot fonctionnel ni nom d’objet. Ils sont depuis 8 à 13 mois en intervention PRT (Pivotal response treatment). Le début de l’intervention spécifique est décalé de plusieurs semaines entre chaque enfant pour vérifier que l’intervention comportementale standard ne déclenche pas elle-même de production de mot, et que la production ne se modifie qu’après le début de l’intervention spécifique. L’intervention spécifique consiste à rechercher, pour chaque enfant, un signal visuel qui attire efficacement son attention visuelle (orienting cue) sur l’intervenant. Immédiatement après la réponse d’orientation, le stimulus signal est dénommé. L’essai est répété jusqu’à obtenir une répétition minimale du mot. D’autres essais sont introduits. Les séances de la ligne de base et celles de l’intervention sont enregistrées en vidéo et les productions verbales des enfants jugées et dénombrées par un évaluateur indépendant. La production de mots, sans amorçage par l’intervenant, apparaît peu de semaines après le début de l’intervention (donc après des lignes de base de durées très différentes pour chacun des enfants) :1 enfant passent de 0 mots à 38 mots ; un autre passe de 1 mot à 245 mots. Six mois après l’intervention, le premier produit 94 mots et des phrases de 2 à 3 mots, le second produit 328 mots et des phrases complètes. Le 3e enfant est plus lent : il passe de 0 à 4 mots et se trouve à ce même niveau 6 mois plus tard. En résumé, cet essai est méthodologiquement bien contrôlé ; ses résultats sont positifs. Il reste que le nombre d’enfants est très petit, et que l’un des 3 enfants présente un rythme d’acquisition très limité. 2009 États-Unis – Interventions précoces visant la communication sociale Entre le diagnostic et le début des interventions globales s’écoulent souvent plusieurs mois, perdus pour le développement de l’enfant. Dispose-t-on de techniques légères, faciles à manipuler, économiques pour amorcer le développement des interactions sociales et de l’imitation en attendant la mise en œuvre des interventions globales ? Vismara et al. 2009 (257) (étude citée parmi les 5 essais méthodologiquement « fort » selon l’échelle Evaluative Method for Determining EBP in Autism, concernant la communication et le langage, désignés par la revue de (178) portant sur les années 2008-2009). Intervention : cet essai évalue une intervention brève, réalisable avec peu de formation, applicable pendant la période suivant le diagnostic et en attendant l’inclusion de l’enfant dans une intervention visant des domaines plus larges. Les auteurs entraînent, dans un centre, une heure/semaine pendant 12 semaines, 8 couples parent-enfants qui viennent de recevoir le diagnostic d’autisme. Les parents apprennent dans le cadre du programme de Denver pour jeunes enfants (qui associe ABA et approche développementale) des techniques d’intervention visant les comportements de communication sociale. Les enfants ont entre 10 mois et 3 ans au diagnostic. Résultats : tous les parents présentent des progrès dans leur maîtrise de l’enseignement des interactions et des communications pour guider l’attention, l’expression des affects positifs, l’imitation et la communication, et ceci vers la 5Ŕ6e semaine de coaching pour 7 des 8 parents. Cette maîtrise est encore présente 3 mois après la fin de leur apprentissage. 53 Intervention décrite dans : Koegel RL, Schreibman L, Good A, Cerniglia L, Murphy C, Koegel LK. How to teach pivotal behaviors to children with autism. A training manual. Santa Barbara : University of California 1989. 54 Intervention décrite dans : Schreibman L, Koegel R. Training for parents of children with autism : Pivotal responses, generalization, and individualization of interventions. In Hibbs ED, Jensen PS Eds. Psychosocial treatments for child and adolescent disorders : Empirically based strategies for clinical practice. Washington : American Psychological Association 2005 : p. 605Ŕ631. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 199 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Avant intervention les enfants ne produisaient pas, ou presque pas, de comportement de communication sociale, d’initiation de communication, d’imitation ou de parole. On observe des gains dans tous ces comportements dans les 2 dernières semaines de l’intervention et un mois et demi après la fin de l’intervention chez chacun des enfants. Les enfants utilisent le langage comme un instrument de communication intentionnel durant les sessions finales (passant de 0Ŕ1 productions verbales fonctionnelles à une moyenne de 18 dans la 14 e semaine après le début d’intervention). Conclusion : l’absence de groupe contrôle ou de comparaison peut être considérée comme une faiblesse de cette étude. Mais le contrôle par rapport à la ligne de base est bien fait. De plus, comparativement aux données disponibles sur le rythme d’acquisition des verbalisations chez des enfants jeunes avec autisme en l’absence d’intervention, on peut néanmoins considérer cette intervention brève et peu intensive comme cliniquement efficace et remplissant le but qu’elle s’était fixée (commencer à intervenir pendant la période d’attente suivant immédiatement le diagnostic). ► Conclusion concernant les évaluations d’interventions sur la communication Les interventions évaluées ci-dessus ne sont pas les seules à viser la communication. D’autres sont également décrites ci-dessous dans le cadre plus large d’interventions sur les compétences et les communications sociales, comme par exemple les approches d’entraînement de la communication sociale par l’intermédiaire des parents (172,212). Les évaluations récentes du PECS sont devenues rares, car le PECS est maintenant intégré comme technique dans de nombreuses interventions. L’étude évaluant le PECS citée ici montre de plus que les enfants apprennent non pas simplement une collection d’associations signes-référents, mais le principe général de communication qu’un signe renvoie à un référent, qu’il soit présent ou absent, connu ou inconnu. Toutes les interventions mentionnées ci-dessus sont relativement brèves et le plus souvent efficaces pour les enfants non verbaux comme pour les enfants verbaux. Leurs résultats sont encourageants, et montrent qu’il y a intérêt à utiliser des procédures spécifiquement adaptées aux enfants non verbaux avec autisme même si c’est pour les intégrer de façon cohérente dans des interventions plus globales. Dans plusieurs des études mentionnées cidessus, ce sont bien les interventions visant la communication qui sont évaluées, mais les enfants du groupe expérimental et du groupe contrôle (ou pendant la ligne de base) sont aussi inclus dans des programmes plus globaux d’intervention. Deux interventions différentes, toutes deux comportant un manuel (PROMPT55 et modèle de Denver) (255) obtiennent des résultats satisfaisants et très peu différents l’un de l’autre en ce qui concerne la communication. L’insertion d’un entraînement à l’attention conjointe dans un cas, ou au jeu symbolique dans l’autre, dans une intervention ABA, montre dans les deux cas un effet bénéfique sur le développement du langage chez de jeunes enfants non verbaux de 3Ŕ4 ans. Ainsi l’insertion d’une problématique développementale et d’un entraînement développemental dans des procédures ABA se montre efficace. Certaines des interventions montrent la nécessité d’entraîner différents domaines, même si en première analyse ceux-ci apparaissent liés de la même manière à un troisième domaine : par exemple, l’entraînement à l’attention conjointe bénéficie plus au développement du langage que l’entraînement au jeu symbolique qui bénéficie un peu moins au langage, mais bénéficie au développement des interactions sociales. Enfin l’utilisation d’intervention sur la communication assistée par ordinateur facilite l’attention et l’intérêt des enfants d’âge préscolaire et d’âge de l’école primaire. Utilisé 55 PROMPT : Prompts for Restructuring Oral Muscular Phonetic Targets « Incitations pour la restructuration de la production musculaire orale de la phonétique ». Intervention décrite dans : Chumpelik D. The PROMPT system of therapy : Theoretical framework and applications for developmental apraxia of speech. Semin Speech Language 1984 ; 5 :139Ŕ56. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 200 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées convenablement, cet outil augmente le vocabulaire, la maîtrise de plusieurs aspects du langage, et semble de plus faciliter l’initiation de la communication et la généralisation fonctionnelle des acquis verbaux oraux ou écrits. Bien entendu, ce n’est pas l’utilisation en soi de l’ordinateur, mais l’utilisation de ce dernier avec des programmes bien pensés et évalués qui est bénéfique. De même, l’utilisation d’un système sur ordinateur pour dissocier la fonction communication d’un message, du message lui-même qui peut être vocal et/ou visuel (258) offre une grande souplesse et une grande richesse dans l’intervention sur la communication. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Domaine de la communication et du langage Pour tout enfant/adolescent avec TED, même en l’absence de développement de la langue orale, tout projet personnalisé doit comporter des objectifs fonctionnels dans le domaine de la communication verbale et non verbale. Il est recommandé de mettre en œuvre ces interventions en étroite collaboration avec les parents et les autres professionnels au contact de l’enfant/adolescent, dès lors que des difficultés sont observées dans les dimensions de la communication et avant même qu'un diagnostic formalisé définitif de TED soit posé (grade C). Le développement de la fonction de communication nécessite : qu’une relation individuelle s’établisse progressivement par l’attention et la disponibilité que l’adulte témoigne à l’enfant/adolescent, à partir de ses centres d’intérêt ; que des techniques spécifiques soient mises en œuvre pour le développement de l’attention conjointe par la mise en situation d’interactions sociales (imitation, manipulation d’objets, d’image, jeu, etc.) introduisant progressivement des changements pour augmenter le champ de communication (grade C) ; et que les parents et l’ensemble des intervenants ayant une fonction éducative favorisent la généralisation des acquis dans les activités de la vie quotidienne, éducatives et scolaires. Parmi les interventions spécifiques peuvent être recommandées : des séances d’orthophonie (accord d’experts) ; les interventions éducatives, comportementales et développementales individuelles, mises en œuvre dans le cadre d’interventions précoces, globales et coordonnées telles que recommandées au § 4.2 (grade B), associant un orthophoniste (accord d’experts). Le rythme des séances d’orthophonie doit être fonction des besoins de l'enfant/adolescent, des contraintes liées à l'ensemble de sa prise en charge et des priorités de sa famille. Chez l’enfant de moins de 6 ans ne s’exprimant pas encore oralement ou ayant un très faible champ lexical, les séances d’orthophonie 2 à 4 fois par semaine sont recommandées en vue de favoriser l’émergence du langage oral ou tout autre moyen de communication (signe, image, pictogramme, écrit, etc.). Il est également recommandé d’impliquer les familles et les autres professionnels intervenant auprès de l’enfant/adolescent pour faciliter la généralisation de ses acquis. La mise à disposition le plus tôt possible dans le cadre de tout projet personnalisé d’outils de communication alternative ou augmentée est recommandée, en veillant à la généralisation de leur utilisation dans les différents lieux de vie de l'enfant/adolescent (domicile, école et/ou établissement spécialisé, autres lieux sociaux) (grade C). La formation des parents à l’utilisation de ces outils est souhaitable, afin de favoriser cette généralisation. Lorsque l'enfant de 6 ans, ou plus, ne parle pas, il ne faut pas exclure d'enseigner l'écrit. Chez l’enfant/adolescent avec un bon niveau de langue orale, il est également important de favoriser le développement et la généralisation en vie quotidienne de la communication et des habiletés pragmatiques du langage au travers d’exercices notamment scolaires, complétés si nécessaire de séances d’orthophonie spécifiques et d’activités éducatives ou thérapeutiques en petit groupe, visant aussi bien les aspects de communication et de langage pragmatique que les interactions sociales. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 201 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les techniques de « communication facilitée », où un adulte guide le bras de l’enfant/adolescent sans expression verbale, n’ont pas fait preuve de leur efficacité et sont jugées inappropriées pour les enfants/adolescents avec TED. Il est recommandé de ne plus les utiliser. La « communication facilitée » ne doit pas être confondue avec la mise à disposition d’aides techniques ou support à la communication (images, pictogrammes, etc.). 5.4.2 Interventions ciblant les fonctions d’interactions sociales ► Recommandations de bonne pratique Les interventions visant à favoriser le développement de la communication sociale doivent être envisagées chez les enfants et les jeunes gens avec TED, l’intervention la plus appropriée devant être évaluée sur une base individuelle (60). Le développement des compétences sociales est recommandé, malgré son faible niveau de preuve (143). ► Revues systématiques des études évaluant les interventions sur les compétences sociales 2002 Mc Connell En 2002, Mc Connell (260) publiait une revue de 48 interventions prosociales, publiées jusqu’en 2000, menées sur de petits nombres de participants essentiellement avec un paradigme de ligne base avec mesures multiples. L’auteur confirmait l’opinion déjà proposée que les interactions sociales peuvent être enseignées à l’enfant avec autisme de façon efficace, que pour la majorité de ces enfants, nos connaissances sont suffisantes pour promouvoir chez eux un développement des interactions sociales et que cet enseignement doit faire partie automatiquement sous une forme ou sous une autre, isolée ou intégrée à une intervention globale, des routines d’intervention. Il restait qu’on ignorait quelle forme d’intervention promeut le mieux quelles compétences sociales, et que les interventions sont loin d’être disponibles sous la forme de manuel et d’instructions facilement utilisables. 2006 Rust Rust et Smith (261) passent en revue les études d’évaluation d’une intervention avec histoires sociales. Sur les huit études mentionnées, trois sont parues après 2000 (Smith 2001, Lorimer 2002, Satone 200256), et concernent un total de 23 enfants de 5 à 15 ans, avec autisme léger ou modéré, ou avec du langage parlé mais des difficultés. Rust fait remarquer que les difficultés de langage rendent l’utilisation des histoires sociales très difficiles. L’auteur de la revue considère que les résultats sont fragiles, biaisés méthodologiquement et fait des recommandations pour les études ultérieures. 2007 Baghdadli Baghdadli et al. (141) consacrent une partie de leur revue de littérature aux interventions spécifiques sur les compétences sociales. Ces auteurs regrettaient l’absence d’un certain nombre d’évaluation qui ont été publiées depuis. De même, des études sur le développement de l’attention conjointe, sur le jeu, etc. ont été publiées depuis, et répondent aux préoccupations énoncées en 2007 par Baghdadli et al. 56 Se reporter à la revue systématique pour connaître les références des études citées. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 202 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2007 Bellini Bellini et al. 2007 (262) extraient de la littérature, en suivant des règles internationales strictes, 55 études de cas entre 1986 et 2005 portant sur les habiletés sociales et de communication réalisées en environnement scolaire. Les 55 études de très bon niveau méthodologique concernent 157 participants. Les interventions avaient des durées de 2,5 heures à 28 heures, de 10 à 210 jours. Dix études utilisent des compétences collatérales pour intervenir sur la socialisation, 10 interviennent par l’intermédiaire d’un congénère, 15 utilisent une intervention spécifiquement adaptée à l’enfant, 20 utilisent une intervention globale. Des méta-analyses sont réalisées pour déterminer les facteurs menant aux meilleurs résultats pour ces interventions en milieu scolaire. Ces différents types d’interventions obtiennent des effets à peu près équivalents. La valeur d’efficacité telle que mesurée par la mesure comparative PND57 est observée pour la stratégie qui utilise des habiletés collatérales ; le PND le plus faible est observé pour l’intervention avec médiation par un congénère. La persistance des effets est très variable, mais ne diffère pas significativement entre les diverses interventions expérimentales (le PND le plus élevé est observé dans la stratégie qui utilise des habiletés collatérales ; le PND le plus faible dans les interventions globales). La généralisation des apprentissages est également très variable (mais ceci est peut être dû au fait que les études qui avaient évalué la généralisation étaient peu nombreuses). Les effets des interventions, de généralisation et de persistance ne diffèrent pas significativement entre types d’intervention. Vingt-quatre des 55 études portent sur des interventions où l’enfant est seul et 31 portent sur des interventions en groupe. Dans chacun des deux types d’interventions, les effets des interventions sont de faibles à modérés. Les effets de persistance sont modérés dans les deux cas. Les effets de généralisation paraissent plus forts quand les interventions portent sur des enfants isolés qu’en groupe, mais la différence n’est pas statistiquement significative. Vingt-sept études portent sur des interventions réalisées dans la classe, et 20 études portent sur des interventions réalisées dans l’école dans une salle isolée. Les interventions réalisées en classe ont des effets et une persistance modérés, et une généralisation faible ; les interventions en salle isolée ont des effets et une persistance faibles à douteux et une généralisation très faible. Vingt et une études portent sur des enfants d’âge préscolaire, 23 études sur des enfants d’âge de classe élémentaire, et 5 études concernent des enfants du secondaire. Six portent sur des enfants appartenant à plusieurs groupes d’âge. Les effets d’intervention sont équivalents à travers les âges : l’effet le plus élevé s’observe dans le groupe d’âge scolaire du secondaire, et l’effet le plus faible dans le groupe d’âge scolaire élémentaire. L’effet de persistance et celui de généralisation les plus élevés sont pour le groupe secondaire ; et l’effet de persistance le plus faible s’observe pour le préscolaire, l’effet de généralisation le plus faible est pour le groupe élémentaire. Aucune différence n’est significative. En résumé, les interventions sur les compétences sociales menées à l’école sont peu efficaces. Ces résultats convergent avec ceux obtenus auparavant par d’autres métaanalyses (Mathur et al. 1998 ; Scruggs et Mastropieri, 1994). 2007 Luckett 57 Le pourcentage de points ne se recouvrant pas (percentage of non overlapping data, PND) est une mesure de la taille relative d’un effet. Ici, cette mesure consiste à calculer le pourcentage de points de la phase postintervention situé au-dessus (ou au-dessous) de la distribution des points de la ligne de base. L’inconvénient est que un ou plusieurs points de la ligne de base peuvent atteindre le plafond (ou le plancher) ; ce qui fait que le PND peut être de 0 % alors que l’intervention a néanmoins un effet. Le PEM, pourcentage de points de la phase postintervention qui dépasse le point médian de la ligne de base, est une manière de contourner cet inconvénient. Méthodologiquement, cette mesure a d’autres avantages aussi (263-265)). Voir aussi pour la comparaison du PND, PEM et IRD (Improvement Risk Difference, Parker et Hagan-Burke 2007). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 203 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Luckett et al. (266) font une revue de littérature pour répondre à la question de savoir si les interventions comportementales visant à enseigner le jeu aux enfants avec autisme enseignent la fonction de jeu ou seulement des séquences comportementales (cette question se pose à propos de toutes les interventions comportementales et les études résolvent cette question en utilisant la généralisation au cours de l’intervention, mais moins souvent au cours des tests postintervention). Une étude met en jeu systématiquement la généralisation dans les tests postintervention, (cf. *Golan 2006 résumée dans la section sur les adolescents et les adultes Asperger ou de haut niveau de fonctionnement). Les articles sélectionnés par Luckett et al. dans leur revue sont considérés comme ayant des conclusions claires concernant le jeu, si l’enseignement décrit (i) enseigne à jouer, (ii) de façon comparable aux enfants avec développement typique, ou (iii) de façon à développer des activités sur motivation interne de l’enfant, volontairement, de façon flexible, plaisante ou spontanée pour l’enfant, ou des activités pour lesquelles l’intervention promeut et examine le processus de production plus que le produit fini, ou des activités sous le contrôle de l’enfant, avec engagement actif ou indépendance à l’égard des contraintes de la réalité. Les études satisfaisant à ces critères sont examinées pour déterminer en particulier s’il y a généralisation des comportements enseignés à d’autres contextes, matériels et partenaires. Onze études publiées en langue anglaise satisfaisaient aux critères ci-dessus. Sur les onze études, celles de Baker 2000, Jahr 2000, Lifter 1993, Newman 2000, Santarcangelo 1987, Stahmer 1995, Stahmer 1992, Thorp 1995 rapportent des évaluations méthodologiquement sérieuses de changements de comportements chez des enfants, dont le diagnostic n’est pas contestable, qui semblent correspondre aux critères mentionnés cidessus : le jeu enseigné est fonctionnel, ou symbolique ; les jeux de « faire semblant », de « faire croire », de « jouer à », augmentent en fréquence ou bien il s’agit de jeu social où les enfants jouent avec quelqu’un et non avec les jouets seulement, et montrent une réciprocité du type « tour de parole», restent orientés vers l’activité, ou s’engagent dans une communication sociale positive ou un jeu interactif de faire semblant sans comportement persévératif. Les 3 études écartées concluaient aussi à l’acquisition du jeu véritable, mais diverses raisons les écartent de l’échantillon final. Les 8 études situaient leur intervention dans un cadre strictement comportemental, avec renforcement pour le façonnage (shaping) du comportement. Cependant, Lifter 1993 part de considérations développementales et s’appuie sur les compétences disponibles de l’enfant ; Jahr 2000 fournit à l’enfant l’aide d’un congénère pour développer la réciprocité dans l’alternance ; Baker 2000 et Stahmer 1995 utilisent, dès le début de l’intervention, les renforcements inhérents à l’activité de jeu ou aux jouets et non des renforcements extérieurs ; Stahmer 1992 et Newman 2000 encouragent l’enfant à contrôler lui-même ses comportements. Par ailleurs, Thorp 1995 remarque que le jeu chez l’enfant avec autisme sévère reste qualitativement différent de celui observé chez l’enfant avec développement typique, malgré les gains apportés par l’intervention. En conclusion : les huit études ne se contentent pas d’enseigner une simple reproduction de comportement, mais promeuvent la généralisation à d’autres matériaux, compagnons de jeu et situations. Les difficultés de cette revue de littérature tiennent au fait que les critères objectifs et communicables du jeu, tel qu’il est pratiqué dans le développement typique, ne sont pas évidents. Cette revue fournit néanmoins des critères possibles et des résultats qui suggèrent que l’approche comportementale peut, dans une certaine mesure, modifier l’attitude de l’enfant vis-à-vis du jeu et donner un statut fonctionnel à cette activité. Mais l’auteur de la revue remarque que les résultats les plus probants semblent être associés au cas où l’intervention s’appuie sur les capacités initiales de l’enfant et où le renforcement provient de l’activité elle-même plutôt que de renforcements extérieurs. 2008 Ospina Ospina et al. (162) consacrent une partie de leur revue systématique (décrite § 5.3.3 « Interventions globales ») aux interventions ciblant seulement les comportements sociaux. Six essais, totalisant 135 participants sont répertoriés. Tous sont basés sur des « histoires sociales ». Cinq des six essais montrent des gains significatifs concernant plusieurs aspects HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 204 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées des comportements sociaux. Deux des essais comparaient l’usage des histoires sociales à une intervention active visant également les compétences sociales (Andrews 2005, Bader 2006, Feinberg 2002, Quimbarch 2006, Ricciardelli 2006, Romano 2002) ; les 4 premiers sont des essais randomisés, les deux derniers sont des essais contrôlés avec groupes parallèles. La durée d’intervention va de 1 jour à 6 semaines, sauf dans l’étude de Ricciardelli 2006 où l’intervention s’étend sur 10 mois. Les enfants sont âgés de 7 à 10 ans (âge non signalé dans l’étude de Romano 2002) et ont un diagnostic d’autisme. Les quatre premières interventions ont des résultats positifs sur le jeu et les interactions sociales ou la reconnaissance des expressions émotionnelles, effets qui sont attribuables à l’intervention. L’étude de Ricciardelli 2006 ne montre pas de différence entre les deux groupes, excepté en ce qui concerne une augmentation du maintien de l’attention dans le groupe expérimental. L’étude de Romano 2002 montre, en plus d’une augmentation des compétences sociales et de communication, une diminution significative du comportement agressif. Bien que les faiblesses méthodologiques des études ne permettent pas d’établir comme acquis ces résultats, les auteurs qualifient ces interventions de prometteuses. Ospina et al. examinent également les études évaluant des programmes d’intervention prosociale sans histoires sociales (Kalyva 2005, Solomon 2004, Lopata 2006, Provencal 2003 qui est une thèse non publiée). Les études de Solomon et Lopata concernent des enfants avec autisme de haut niveau ou avec Asperger. L’étude de Lopata a été publiée en deux parties (cf. *Lopata 2008 et *Solomon 2004 dans la section sur les enfants avec autisme de haut niveau ou Asperger). Kalyva 2005 est un essai randomisé sur 5 enfants avec autisme âgés de 3Ŕ4 ans (3 enfants dans le groupe expérimental, 2 dans le groupe contrôle) utilisant le programme du « Cercle des amis » en plus de l’intervention ABA qu’ils reçoivent. Les résultats montrent que l’intervention modifie significativement et favorablement les interactions sociales et la communication. L’étude de Legoff et Sherman 2006, utilisant la « Legothérapie » citée et résumée plus bas dans la revue de Reichow et Volkmar 2010 (267), est signalée par Ospina et al. comme donnant des résultats significativement positifs sur les compétences sociales. Mais Ospina et al. (162) concluent de l’ensemble de leur revue que, dans la mesure où il n’existe pas d’intervention améliorant tous les symptômes et de tous les enfants, il est recommandé de prendre des décisions en fonction des besoins individuels et de la disponibilité des ressources. 2010 Kasari Kasari et Lawton 2010 (178), dans la section « interventions sur les déficits sociaux » de sa revue des publications entre 2008 et 2009, sélectionnent les interventions comportementales chez des enfants avec diagnostic d’autisme sans autre anomalies du développement. Les auteurs signalent que plus de la moitié des études (39 sur 68) visent l’amélioration des déficits sociaux. Les auteurs signalent que pratiquement toutes les études, réalisées entre 2008 et 2009 sur les interventions visant les compétences sociales, rapportent des résultats positifs. Dans la majorité des études, les enfants concernés sont des enfants d’école élémentaire ou plus ; la plupart concernent des enfants avec haut fonctionnement ou des enfants avec syndrome d’Asperger (cf. § 5.4.5). Les études sur des enfants d’âge préscolaire, ciblent surtout les déficits en attention conjointe (Kim 2008, Naoi 2008 : 3 enfants avec autisme, Taylor 2008), l’imitation (Kleeberger 2009, Stephens, 2008), les vocalisations sociales (MacDonald, 2009 : 2 enfants avec autisme), le contact œil-œil (Baharav 2008 : 1 enfant avec autisme), les relations entre partenaires (Barakova 2009, Betz 2008 : 3 dyades, Jung 2008, Trembath 2009), la réactivité HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 205 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées émotionnelle, motivationnelle et interpersonnelle (Kim 2009). La plupart des interventions sont menées avec un encadrement 1 :1 plutôt qu’en groupes. Les interventions qui ciblent les relations avec des partenaires sont menées en dyades ou en petits groupes. Kasari et Lawton remarquent que ces études ne permettent pas de savoir quels types d’enfants tirent le plus grand bénéfice de quels types d’intervention. Disposer d’information sur qui sont les enfants qui pourraient être le plus sensible à ces interventions serait souhaitable. Ils se demandent également dans quelle mesure les enfants apprennent la fonctionnalité des comportements qu’on leur enseigne ou seulement des séquences comportementales. Quand la généralisation des apprentissages n’est pas testée, cette question reste sans réponse (cf. pour cette question, la revue de *Luckett 2007 plus haut qui conclut que dans le cas des interventions concernant le jeu, c’est bien le caractère fonctionnel du jeu, et non des séquences comportementales seulement, qui est acquis par les enfants). Dans la section sur les comportements répétitifs et sur l’émotion, Kasari et al. rapportent d’une part des interventions sur l’anxiété concernant des enfants avec autisme de haut niveau (cf. plus bas § 5.4.6) et, d’autre part, une seule étude concernant la régulation des émotions chez de jeunes enfants (Gulsrud 2009). Il s’agit d’un essai randomisé (groupe d’intervention et groupe en liste d’attente) concernant un échantillon total de 34 jeunes enfants. L’intervention est médiatisée par les parents, et agit sur l’engagement conjoint des parents et des enfants. La durée de l’intervention est de 8 semaines (avec 24 sessions de travail). Les comportements négatifs de l’enfant diminuent ; les stratégies de la mère qui étayent le développement chez l’enfant des stratégies de régulation des émotions augmentent ; mères et enfants augmentent leurs stratégies de régulation des émotions. Kasari et al. concluent que les interventions visant le développement des stratégies de régulation des émotions et des comportements chez le jeune enfant sont une piste prometteuse. 2010 Reichow Reichow et Volkmar (267) utilisent des règles rigoureuses de sélection bibliographique. Ils sélectionnent des études évaluées comme méthodologiquement « acceptables » ou « fortes », selon les critères définis dans l’Evaluative method for determining Evidencedbased Practices in Autism (193), publiées dans des revues de langue anglaise avec comité de lecture, entre 2001 et 2008. Soixante-six études avec une évaluation méthodologique forte ou adéquate ont été publiées, impliquant plus de 500 participants. Cette revue signale que les évaluations d’interventions prosociales utilisant un paradigme avec comparaison de groupes commencent en 2004. - Interventions concernant l’âge préscolaire : 35 études concernent un nombre total de 186 enfants avec autisme d’âge préscolaire, majoritairement de 4 ans et plus avec un fonctionnement cognitif moyen ou bas. La plupart des études concernent des interventions réalisées par des adultes autres que les parents. La technique la plus souvent utilisée est l’ABA, couplée à des techniques dites par environnement naturel et/ou des congénères. Dans 20 des 35 études, la durée des sessions est en moyenne de 14Ŕ15 minutes par sessions ; dans 30 études/36 plusieurs sessions ont lieu par semaine. La durée est très variable de 3 semaines à 43 semaines. Sur les 35 études, quatre seulement sont des comparaisons de groupes (les autres sont des études de cas). Deux essais randomisés, l’un méthodologiquement « adéquat » (*Aldred 2004), l’autre méthodologiquement « fort » (*Kasari 2006), et deux essais avec comparaison de plusieurs groupes, l’un méthodologiquement « fort » (*Kroeger 2007), l’autre méthodologiquement « adéquat » (*Smith 2004), présentent tous quatre des résultats très positifs, avec des effets cliniquement significatifs concernant des enfants de 3Ŕ4 ans avec niveau de fonctionnement cognitif moyen et plus souvent bas (cf. résumés ci-dessous). Les compétences sociales visées augmentent significativement et se généralisent très bien. Les interventions sont de 30 à 60 minutes/jours, 5 jours/semaine pendant soit 26 semaines, soit 5Ŕ6 semaines. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 206 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées - Interventions concernant l’âge scolaire : 28 études concernent des enfants d’âge scolaire avec autisme, totalisant 291 enfants dont la majorité a 10 ans et plus. Le niveau de fonctionnement cognitif est moyen ou haut. Dans la majorité des cas, ce ne sont pas les parents qui réalisent l’intervention. Cette dernière est de type ABA avec entraînements avec des congénères, des techniques visuelles et de modèles donnés par vidéo. Douze de ces études utilisent des sessions d’au moins 15 minutes, 6 des sessions de moins de 15 minutes. Les durées s’étendent de 2 à 52 semaines. Sur les 28 études, 5 sont des études contrôlées. Deux sont des essais randomisés, l’un classé méthodologiquement « adéquat » (*Fisher 2005, cf. le résumé ci-dessous), et l’autre « fort » (*Owens 2008). Les 3 autres études sont des comparaisons de groupes non randomisés : l’une est classée méthodologiquement « forte » (*Lopata 2008, cf. résumé dans la section « Autisme de haut niveau » et Asperger), les deux autres sont méthodologiquement « adéquates » (*Legoff 2004 et 2006). Un bref résumé de ces 3 études non randomisées est donné ici (268-270). Elles concernent des enfants avec autisme de niveau moyen et supérieur de fonctionnement cognitif ou Asperger, âgés de 6 à 13 ans. L’étude de Legoff et Sherman (270) est la prolongation avec adjonction de participants de l’étude Legoff 2004 (269). L’intervention est menée par petits groupes s’appuyant sur une activité avec les LEGO pour les groupes expérimentaux. L’intervention contrôle est assurée soit par un groupe indépendant avec une intervention SULP (Social use of Language program, Rinaldi 2004), soit par la répétition de mesure sur les mêmes enfants lorsqu’ils sont en liste d’attente de plusieurs mois (269,270). Dans les 3 études, la GARS (Gillians Autism rating scale) montre, chez les enfants avec intervention expérimentale, une amélioration des attitudes et comportements sociaux par rapport aux groupes contrôles. Dans l’étude d’Owens, l’écart qui se creuse entre le groupe expérimental et le groupe contrôle n’est pas lié à une amélioration significative du groupe expérimental, mais à l’absence de régression comportementale des enfants dans ce groupe. On observe aussi dans cette étude une diminution significative des comportements mal adaptés (VABS). Dans l’étude de Legoff 2004 (269), l’amélioration par rapport à la ligne de base est plus importante que dans l’étude d’Owen. Dans l’étude de Legoff et Sherman 2006 (270) l’intervention est de 1 h 30 par semaine (comme dans Legoff 2004) au lieu de 1 heure/semaine dans Owens, mais elle a été poursuivie sur 3 ans. Le groupe contrôle de Legoff 2006 reçoit aussi une intervention prosociale, sans LEGOthérapie et moins structurée que cette dernière. La GARS montre une amélioration significative du groupe LEGO par rapport au début d’intervention et par rapport au groupe contrôle. De même la VABS montre que le groupe LEGO s’est significativement amélioré par rapport à avant l’intervention et par rapport au groupe contrôle (deux fois plus amélioré que le groupe contrôle). Dans cette étude, chacun des deux groupes étaient composés de deux sous-groupes (enfants avec autisme/Asperger) ; les deux groupes expérimental et contrôle sont appariés de ce point de vue. Le type d’autisme n’a pas d’effet sur les gains observés et n’interagit pas avec les effets. Les trois études ci-dessus ont des résultats positifs qui varient cependant en intérêt clinique. Pour l’adolescent, cf. la revue de Reichow et Volkmar 2010 (267) plus bas dans la section 5.4.6 concernant l’autisme avec fonctionnement cognitif de haut niveau. La plupart des études rapportées ci-dessus utilisent des techniques ABA quel que soit l’âge des enfants. Les intervenants sont soit les parents, soit des congénères, soit des intervenants autres que les parents. Le plus grand nombre d’interventions ABA sont destinées aux enfants préscolaires. Les éléments les plus fréquents de ces interventions sont l’amorçage, les dispositifs avec renforcement, les dispositifs avec imitation et modèles, et l’autocontrôle. L’ABA est très souvent utilisé pour renforcer d’autres modes d’intervention tels que les modèles vidéo, les aides visuelles, et l’entraînement avec des congénères. Les interventions « naturelles » (naturalistic interventions : intervention en milieu ordinaire avec des renforcements naturels pendant des interactions guidées par l’enfant lui-même) HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 207 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées sont fréquentes et recommandées pour les enfants d’âge préscolaire. Pour l’âge scolaire, elles ne sont représentées que dans une étude. En fait, on ignore leur effet à l’âge scolaire et chez les adolescents et les adultes. L’implication directe des parents dans les interventions apparaît comme un élément essentiel, en tout cas pour les enfants d’âge préscolaire. Le manque d’études pour les enfants plus âgés ne permet pas de savoir dans quelle mesure l’implication des parents est importante ou non chez les enfants plus âgés. Le recours à des congénères avec développement typique et entraînés pour interagir avec des enfants avec autisme est fréquent, aussi bien à l’âge préscolaire que scolaire, et semble efficace. Dans les études retenues dans cette revue de littérature, les congénères fournissent un entraînement fondé sur des réponses pivots, des aides visuelles, des amorces. Les interventions pratiquées en groupes semblent également bénéfiques. Mais il faut noter que plusieurs interventions n’utilisent les groupes que comme l’un des éléments d’un ensemble d’entraînements sociaux. L’efficacité de l’intervention exclusivement par groupe est peu documentée en elle-même. Par ailleurs toutes les interventions avec groupes sauf une, dans cette revue de question, concernent des enfants de niveau de fonctionnement cognitif moyen ou supérieur. Les aides visuelles sont fréquemment utilisées dans les interventions sur les compétences sociales chez les enfants d’âge préscolaire et scolaire. Les aides visuelles les plus courantes sont les histoires sociales (cf. *Sansosti 2006 dans la section 5.4.6 concernant les enfants avec autisme de haut niveau et avec Asperger), les scripts, les représentations imagées des emplois du temps, les vidéos. Ces aides visuelles sont également utilisées dans les techniques ABA, les entraînements avec congénères et les modèles fournis par vidéo. Les études utilisant des aides visuelles ont des résultats positifs suggérant qu’elles peuvent être une méthode efficace pour améliorer la compréhension sociale et pour structurer les interactions sociales ou la communication chez l’enfant d’âge préscolaire et scolaire. Aucune étude satisfaisant aux critères méthodologiques de cette revue de littérature ne concerne l’usage des aides visuelles dans l’entraînement des compétences sociales chez l’adolescent et l’adulte. Les études sur des interventions avec modèles fournis par vidéo commencent à montrer que ce mode d’interventions constitue un type d’intervention efficace. Cependant, nombre d’études dans cette revue de littérature suggèrent que fournir un modèle par vidéo n’est pas en soi suffisant pour obtenir des changements comportementaux visés. L’examen de la valeur des résultats selon les critères de l’evidence-based practice (EBP) publiés par Reichow et al. (193) qui identifient deux catégories de résultats solides, les « résultats prometteurs » et des « résultats établis », n’a été appliqué dans cette revue ni aux études d’intervention avec ABA, ni aux études avec entraînement des parents, ni à celles avec congénères, en raison de la grande variabilité des interventions dans ces catégories. En ce qui concerne les autres modes d’intervention, les résultats d’aucune des études sur des enfants d’âge préscolaire ou sur des adolescents et/ou adultes n’atteignent l’un des deux niveaux de résultats. Il faut noter aussi que certains types d’interventions comme les « histoires sociales », les scripts, etc. sont utilisés en combinaison avec d’autres méthodes, ce qui empêche qu’on examine leur adéquation avec les critères de résultats EBP. Par conséquent très peu d’études ont été examinées du point de vue de la robustesse des résultats avec les critères d’EBP définis par Reichow et al. (193). Les études d’intervention sur des groupes d’âge scolaire pour l’amélioration des compétences sociales montrent des résultats du niveau« résultats établis ». Les caractéristiques les plus fréquentes, communes à ces interventions sociales sur des groupes, sont : un âge moyen de 10 ans, un niveau de fonctionnement cognitif moyen à supérieur, une densité d’intervention d’une session/semaine pendant au moins 12 semaines, dans un environnement clinique. Un autre type d’interventions a des résultats qui atteignent le niveau «résultats prometteurs ». Il s’agit HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 208 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées de celui avec modèle fourni par vidéo pour des enfants d’âge scolaire. La variabilité des résultats de ces interventions dans cette revue de littérature empêche de classer ce type d’intervention comme ayant des « résultats établis ». En résumé, Reichow et Volkmar (267) estiment que l’ensemble des études qu’ils ont retenu dans leur revue, utilisant différentes interventions données par différents intervenants dans différents lieux, montre que ces interventions améliorent véritablement les compétences sociales des enfants. Cependant, pour savoir quelles sont les modes d’intervention les plus efficaces, les auteurs souhaiteraient une standardisation de la méthodologie, ce qui permettrait de comparer les modes d’intervention entre eux. 2010 Gold Gold et al. (271) passent en revue les effets de la musicothérapie sur divers aspects des comportements et de la qualité de vie à l’école et au domicile, le stress familial. Les auteurs notent qu’avant leur revue, Whipple 2004 (272) conclut, à partir d’une métaanalyse de 9 études, que l’effet de l’utilisation de la musique pour des enfants et des adolescents avec autisme est significatif, relativement fort, et favorable. Mais Gold et al. signalent que les études incluses dans cette méta-analyse sont trop hétérogènes et faibles méthodologiquement pour que la conclusion soit considérée comme solide. Ball 2004 conclut que les effets sont inconnus, mais omettent plusieurs études. Gold et al. (271) utilisent des critères solides pour la recherche documentaire et sélectionnent des essais randomisés et des essais cliniques contrôlés, portant sur des enfants avec TED (CIM-10 ou DSM-IV) incluant des enfants avec autisme, avec autisme atypique et TED non spécifié. Sur 52 études extraites, trois études publiées sont retenues ; 3 autres sont des thèses non publiées. Les 3 études retenues sont faites aux États-Unis et comparent musicothérapie et placebo. Deux études sont des études avec permutation (Browmwell 2002, Buday 1995), la troisième étude compare deux groupes parallèles. La durée d’un traitement est d’une semaine. Elles sont toutes au total de durée brève, de une (Farmer 2003) à quatre semaines (Brownell 2002). L’âge des participants va de 2 à 9 ans avec un diagnostic d’autisme. Dans celle de Buday 1995, il est seulement spécifié que le niveau de fonctionnement cognitif va de modérément à sévèrement retardé mentalement, et d’un autisme léger à modéré. Le nombre de participants va de 4 à 10 participants. L’essai randomisé comportait 10 enfants de 2 à 5 ans distribués au hasard entre un groupe sans et un groupe avec musicothérapie. Dans les 3 études, l’encadrement était de 1 :1 avec des sessions quotidiennes, très structurées, pendant une semaine. Le choix des chansons est fait en fonction des individus. La production de musique par les enfants n’est utilisée que dans Farmer 2003. Dans l’étude de Brownell 2002, les sons musicaux sont associés à une histoire sociale centrée sur le comportement répétitif du participant. Dans cette étude, les résultats sont ambigus. Dans l’étude de Buday 1995, les chansons utilisées contiennent du vocabulaire et l’usage de signes que l’enfant apprend. Dans l’étude de Farmer 2003, la musique est utilisée pour structurer de façon compréhensible et sécurise les interactions. La communication gestuelle et la communication verbale augmentent dans ces deux études ; elles sont significativement supérieures dans le groupe avec musicothérapie que dans le groupe contrôle après intervention. La taille de l’effet de supériorité des communications gestuelles est cliniquement pertinente. La taille de l’effet pour la communication verbale est plus faible. En résumé, les évaluations des interventions de musicothérapies sont très peu nombreuses à être méthodologiquement pertinentes et, celles qui le sont, concernent peu d’enfants. Mais les résultats de ces quelques études ne rejettent pas l’existence d’un effet bénéfique. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 209 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2011 Agency for Healthcare Research and Quality 1- Interventions prosociales, incluant les entraînements avec des pairs ou les histoires sociales Seize études ont été retenues dont 12 études contrôlées. Elles comportent : 6 essais randomisés, dont 3 sont qualifiés de méthodologiquement « corrects » (*Lopata 2006, *Solomon 2004, *Frankel 2010 avec erratum) et 3 de « faibles » (*Owens 2008, *Beaumont 2008, *Kroeger 2007), une cohorte rétrospective qualifiée de « faible » (*Legoff 2006), 5 études prospectives de série de cas (*Lopata 2006, *Cotugno 2009, Bauminger 2007, Tyminski 2008, Gevers 2006). Les données de ces études montrent que les enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement s’améliorent dans divers domaines sociaux, mais les compétences sociales spécifiques étudiées et dans lesquelles sont observés les gains (reconnaissance des émotions, théorie de l’esprit, interactions avec des congénères) varient selon l’étude. Compte tenu des variations dans les interventions et les mesures faites, la force de preuve concernant les gains en compétences sociales sont insuffisants. La conclusion qu’on peut tirer de quatre autres études qui examinent des résultats individuels est exactement la même (deux essais randomisés dont l’un est qualifié de correct *Quirmbach 2009 3367 et l’autre de faible Golan 2010 et ; deux séries de cas prospectives Bauminger 2007 et Whitaker 2004). 2- Interventions ciblant le jeu ou les interactions entre enfants et parents et visant à modifier l’imitation, l’attention conjointe, la capacité au jeu symbolique Treize études sont retenues. Deux essais randomisés ciblent la formation des parents, dont l’une est qualifiée de méthodologiquement correcte (Solomon 2008), l’autre de faible (*Whittingham 2009). Dans les groupes traités des deux études, les comportements à problème diminuent et les comportements adaptatifs augmentent. Trois essais randomisés concernent l’imitation (Field 2001, Escalona 2002, Heimann 2006). Ils sont qualifiés de méthodologiquement faibles. Dans ces trois études, les groupes dont l’imitation est entraînée montrent plus d’interactions avec les adultes que les groupes traités par réponses dépendantes. Deux essais randomisés et deux études prospectives de série de cas ciblent l’attention conjointe et le jeu symbolique. L’un des essais randomisés est qualifié d’adéquat (*Kasari 2008) et l’autre de faible (Gulsrud 2007). Dans le premier, l’entraînement de l’attention conjointe et du jeu symbolique sont efficaces pour améliorer l’attention conjointe en réponse à une sollicitation ou le versant production du langage, à court et à long terme. L’une des études prospectives de cas montre une augmentation de l’attention conjointe par l’intervention réalisée par la mère sur l’attention conjointe (Gulsrud 2010, Wong 2007). Enfin, 4 études (2 prospectives et 2 rétrospectives) de série de cas ciblent les relations avec autrui et montrent des résultats comportementaux positifs dans les 4 études. Mais ces études n’ont pas de groupe de comparaison (Solomon 2007, Gutstein 2007, Mahoney 2005, Vorgraft 2007). La force de preuve des effets des études de chacun de ces groupes thématiques est considérée comme insuffisante. 3- Interventions ciblant les comportements fréquemment associés à l’autisme, essayant d’améliorer des symptômes comme l’anxiété, et utilisant des techniques incluant la thérapie cognitivocomportementale (TCC) et l’entraînement des parents centré sur les comportements à problème La plupart de ce type d’études s’adressent à des enfants avec austisme de haut niveau de fonctionnement ou Asperger d’un âge au moins scolaire. Onze études sont identifiées. Elles rapportent toutes des résultats positifs. Cinq concernent des interventions de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) sur l’anxiété. Parmi elles, 4 sont des essais randomisés dont 2 qualifiés de méthodologiquement corrects (*Sofronoff 2005, *Wood 2009a-2009b) et deux de faibles (*Chalfant 2007, Sofronoff 2003) et un essai est contrôlé non randomisé, qualifié de correct (Reaven 2009). Ces 5 études montrent des résultats positifs avec réduction significative de l’anxiété. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 210 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Un essai randomisé est retenu concernant une intervention TCC sur les colères ; l’essai est qualifié de correct. Les parents rapportent une diminution claire des crises de colères (*Sofronoff 2007). Cinq études portent sur un entraînement des parents ou des enseignants à gérer les comportements associés à l’autisme. Parmi ces 5 études, un essai randomisé est qualifié de correct et concerne un entraînement des parents avec administration de Risperidone. L’irritabilité et les agressions diminuent, les comportements adaptatifs augmentent et le refus de coopération diminue (Aman 2010). Deux autres études prospectives de cohortes (qualifiées de faible : Sofronoff 2002 et 2004), une étude prospective de série de cas (Grey 2005) et une étude pilote avec un essai randomisé en cours ciblent la formation des parents pour gérer les comportements problèmes. L’une des études montre que la formation des parents en séances individuelles est plus efficace que celle en atelier de travail en groupe. Ces études montrent que la formation des parents diminue significativement la fréquence et l’intensité des comportements à problème. Cependant, il est fréquent dans ces études que les parents qui sont en formation soient aussi les personnes qui jugent des effets de leur formation sur leur enfant, ce qui est méthodologiquement déconseillé. La force de preuve des effets de toutes les 11 études est considérée comme insuffisante en raison du petit nombre d’études, du petit nombre d’enfant/adolescents, de la variété des interventions. Sont mentionnées 2 études de neurofeedback (Jarusiewicz 2002, Coben 2007) et une étude sur un atelier de sommeil (Reed 2009). Mais ces études ne sont pas encore suffisantes pour se prononcer. 4- Interventions des disciplines dites alliées : orthophonie, ergothérapie, psychomotricité, incluant l’intégration auditive et sensorielle, la musicothérapie, toutes les « thérapies du langage » (par ex. : PECS – Picture Exchange Communication System) En ce qui concerne la langage et la parole, 8 articles portant sur 4 études ont été identifiées concernant le Picture Exchange Communication System (PECS) et le Responsive Education and Prelinguistic Milieu Teaching (RPMT) : un essai randomisé est qualifié de bon (*Yoder 2006 et 2010), un essai randomisé qualifié de faible (Howlin 2007), un essai contrôlé non randomisé qualifié de faible (*Carr 2007 et 2008) et une étude prospective de série de cas (Magiati 2003). Les effets sur l’acquisition du langage sont mitigés. Les deux types d’intervention, PECS et RPMT sont efficaces pour augmenter le nombre de mots utilisés par l’enfant jusqu’à 3 mois après l’intervention, mais aucune étude ne montre un maintien des progrès à plus long terme. Par ailleurs en comparant différentes techniques (par ex. : PECS/RPMT), les études ont montré que certains enfants répondent différemment à ces différentes techniques selon leur profil. Par exemple, les enfants qui ont présenté un certain niveau de capacités d’attention conjointe avant intervention, ont une probabilité plus grande que les autres de tirer bénéfice de la RPMT en augmentant leur capacité d’attention conjointe. Autrement dit, il se pourrait qu’il faille adapter avec plus de précision les modes d’intervention pour le langage aux forces et déficits spécifiques des compétences cognitives repérées chez l’enfant (par ex. : en attention conjointe). Les auteurs de la revue considèrent que les données de ces études sont insuffisantes à l’heure actuelle pour évaluer la force de preuve des interventions centrées sur le langage. 5- Revue des études la musicothérapie Un essai randomisé est qualifié de faible (273). On ne peut définir les effets de ce type d’intervention sur les compétences sociales, compte tenu du peu de données. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 211 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Études cliniques évaluant l’efficacité ou la sécurité des interventions ciblées sur l’attention conjointe 2002 Royaume-Uni Drew et al. 2002 (172) comparent un groupe intervention par formation des parents ciblant essentiellement l’attention conjointe et les routines d’action conjointe à un groupe bénéficiant de l’éducation spécialisée locale. Cette étude est sélectionnée par les revues de Baghdadli (141), de Rogers (161) avec la note méthodologique 2 en raison de plusieurs faiblesses et d’Ospina (162) qui lui reproche le manque de similitude entre les deux groupes comparés (en fait cette difficulté est partiellement surmontée en mettant en facteurs covariants les variables sur lesquelles les échantillons diffèrent). Population : 24 enfants, satisfaisant aux critères d’autisme de la CIM-10 (au moyen de l’ADIR et autres mesures), recrutés parmi 51 enfants suspectés d’autisme à moins de deux ans.Les enfants sont répartis au hasard entre un groupe « parental » (n = 12) et un groupe « services locaux » (n = 12). En début d’intervention, l’âge moyen du groupe parental est 21,4 mois, celui du groupe contrôle 23,6. Durée de l’intervention : en moyenne 12,3 mois. Intervention : les parents sont entraînés à la fois aux techniques comportementales de type ABA et à la pratique des communications sociales. Les techniques comportementales comportent la manipulation des renforcements, gestion de l’interruption des comportements non souhaités, renforcement des comportements alternatifs pour augmenter la docilité pendant les activités conjointes. Les techniques de communication sociale comporte le développement de routines d’action conjointe (avec des livres, des miroirs, des jouets, etc.). Les parents apprennent à enseigner explicitement l’attention conjointe, le jeu, l’imitation, le tour de « parole », l’utilisation de supports visuels de communication, de stimulation de communication gestuelle au cours des interactions. L’entraînement des parents a lieu à domicile, 3 heures consécutives toutes les 6 semaines. Les progrès des enfants sont examinés à l’occasion de cette visite et de nouvelles pratiques sont enseignées aux parents. Les parents doivent quotidiennement, au cours de leurs activités et des jeux utiliser, ces techniques pendant 30 à 60 minutes. Ce groupe reçoit aussi les interventions des services fournis au groupe contrôle. Le groupe contrôle reçoit les interventions des services locaux d’éducation spécialisée : orthophonie, ergothérapie, intervention comportementale intensive. En début d’intervention, les 2 groupes ne diffèrent ni en ce qui concerne le langage (CDI et ADI-R), ni dans les domaines des interactions sociales réciproques, de la communication non verbale des comportements répétitifs et stéréotypés de l’ADI-R, ni en ce qui concerne le stress parental. Mais le groupe « parental » a un QI non verbal significativement plus élevé que le groupe contrôle (échelle de développement mental de Griffiths). Après intervention, la différence entre groupes de QI non verbal entre groupe disparaît : le groupe « parental »perd en moyenne 11 points au QI non verbal et le groupe contrôle garde le même QI. Le vocabulaire augmente significativement ainsi que les gestes de communication, dans les deux groupes, mais les groupes ne diffèrent pas entre eux après intervention (si on tient compte de la différence de QI entre groupes au départ, en mettant le QI en covariance). Cependant, un nombre significativement plus grand d’enfants dans le groupe « parental » (7/12) que dans le groupe contrôle (2/12) passe d’un fonctionnement non verbal à un fonctionnement plus verbal. Ni la sévérité de l’autisme, ni le stress des parents ne changent. Faiblesse de l’étude : on ne sait pas si les évaluateurs sont aveugles aux traitements ; la durée de traitement est brève (12 mois), le groupes parental a un QI non verbal significativement plus élevé au départ que celui du groupe contrôle (ce qui est corrigé HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 212 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées partiellement par la mise en covariance de cette variable), l’intervention par les parents n’est pas systématiquement examinée ni supervisée, 3 parents du groupe contrôle ont entrepris une formation d’intervention intensive comportementale pendant la période d’étude. En résumé, la supériorité du QI du groupe « parental » est peut être à l’origine de la tendance de ce groupe à progresser plus en langage que le groupe contrôle. Quoiqu’il en soit, cette étude d’entraînement spécifique aux communications sociales ne montre pas de progrès en QI, et ne démontre pas que l’intervention soit à l’origine de progrès en langage. La perte moyenne de 11 points de QI dans le groupe parental est surprenante. ► Études cliniques évaluant l’efficacité ou la sécurité des interventions ciblées sur les compétences sociales 2004 Royaume-Uni – interactions sociales Une étude réalisée au Royaume-Uni (212) visant principalement la question des interactions sociales et la communication chez le jeune enfant à travers la formation des parents. Cette étude est un essai randomisé, sélectionné par les revues systématiques de Rogers et al. (161) avec la note méthodologique maximale, d’Ospina et al. (162) et de Reichow et Volkmar (267). Population : 28 enfants avec un diagnostic d’autisme (selon l’ADI, et l’ADOS pour tous sauf 4 enfants) ont été recrutés au fur et à mesure de leur arrivée dans diverses consultations. Les critères d’inclusion : être âgé de 2 ans 0 mois à 5 ans 11 mois. Étaient exclus les enfants avec une pathologie autre que l’autisme, un retard global sévère, une absence totale de réponse à une tentative de communication, une langue maternelle autre qu’anglaise, une pathologie physique ou psychiatrique chez les parents. Les enfants sont attribués au hasard à l’une de deux conditions à l’intérieur d’une stratification en 4 catégories (2 âges x 2 degrés de sévérité des comportements autistiques : jeunes avec haut niveau de fonctionnement, 24Ŕ27 mois, score total ADOS 11Ŕ17 ; Jeunes bas niveau 24Ŕ47 mois, score total ADOS 18Ŕ24 ; âgés haut niveau de fonctionnement, 48Ŕ71 mois score total ADOS 11Ŕ17 ; âgés bas niveau 48Ŕ71 mois score total ADOS 18Ŕ24). Les tests avant et après traitement sont réalisés par un professionnel indépendant de l’étude et aveugle aux traitements. Groupe avec intervention : n = 14, groupe contrôle : n = 14. Intervention : l’intervention est donnée en plus des interventions éducatives locales fournies aux deux groupes. L’intervention vise à accroître la qualité de l’adaptation et la communication parentales avec l’enfant. L’intervention suit des étapes conformes au développement des habiletés de communication prélinguistique. Elle cible d’abord l’attention conjointe, puis cherche à remplacer les demandes intrusives des parents par des commentaires soutenant les actions et les intérêts de l’enfant ; puis on introduit du langage correspondant aux capacités de traitement de l’enfant, à son centre d’intérêt et à son action. Des routines sont ensuite établies au cours d’interaction de jeu. Les parents reçoivent d’abord une formation psycho-éducative. Ensuite, les enfants et les parents participent à une session de 3Ŕ4 heures par mois pendant 6 mois au cours de laquelle sont définies les stratégies de communication que doivent adopter les parents. Les parents passent 30 minutes par jour dans des exercices seul avec leur enfant. Pendant les 6 mois suivants, les sessions de formation et entraînement ont lieu tous les deux mois. L’intervention est donnée en plus des interventions éducatives locales fournies aux deux groupes qui bénéficiaient d’une prise en charge de routine et recevaient une rééducation du langage à l’école. Six enfants du groupe traité et 8 du groupe contrôle ont reçu des interventions TEACCH. Neuf enfants traités et 8 contrôles ont reçu un entraînement aux habiletés sociales. Les deux groupes ne différaient pas par les traitements additionnels reçus. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 213 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Durée : 12 mois. Résultats : le score ADOS s’améliore significativement plus dans le groupe dont les parents sont formés que dans le groupe contrôle. Neuf/11 des participants du groupe traité ont des scores d’interaction sociale réciproque, d’engagement social, de réponses sociales, d’initiation spontanée d’interactions sociales qui s’améliorent (les scores de 2 enfants restent à leur ligne de base). En moyenne, le scoretotal ADOS du groupe traité passe de 16,5 (étendue 11Ŕ21) à 11,8 (σ = 6,4). Les traits autistiques mesurés par l’ADOS ont diminué dans les 4 sous-groupes (2 niveaux de sévérité x 2 âges) du groupe traité. Dans le groupe contrôle, seul le groupe de quatre plus jeunes enfants de bas niveau améliore son score, les autres enfants restent au niveau de leur ligne de base ou s’aggravent. Le sous-domaine de la communication ne s’améliore pas. Les comportements spécifiques et stéréotypés ne se modifient pas. Les enregistrements vidéo de 30 minutes d’interactions entre parent et enfant montrent une augmentation significative de la synchronisation des actions parent/enfant et des communications initiées par l’enfant dans le groupe traité et une diminution dans le groupe contrôle. Mais l’attention partagée n’augmente dans aucun des deux groupes. Le niveau de compréhension verbale augmente de façon équivalente dans les groupes traité et contrôle, mais la production augmente significativement plus dans le groupe traité (dans chacun des 4 sous-groupes) alors que parmi les enfants contrôles seul les jeunes de haut niveau progressent, et que 4 enfants contrôles restent non verbaux et trois réduisent leurs scores d’expression verbale. Cependant, le test utilisé pour évaluer le niveau verbal repose essentiellement sur les réponses des parents (Le MacArthur Communicative Developmental Inventory). Cependant, les scores attribués par les professionnels extérieurs dans l’ADOS et dans la vidéo de 30 minutes confirment les dires des parents. Les deux groupes augmentent leurs scores de communication sociale de façon équivalente (VABS). Enfin, l’indice des stress des parents ne diffère pas entre groupe. Ce traitement visant le développement social et la communication chez le jeune enfant par une formation des parents est peu intense. Il est probablement efficace, mais n’a pas été encore reproduit. Faiblesse : deux des tests utilisés pour évaluer les changements en communications ne sont pas des tests directs des compétences de l’enfant, mais des interviews des parents (MCDI, VABS). 2004 Royaume-Uni – Attention sociale et communication fonctionnelle Smith et al. (274) évaluent les effets d’une intervention développementale qui sollicite l’enfant au cours de sessions brèves visant à faire évoluer le rôle que joue l’enfant dans un jeu. Population : 20 participants, âgés de 3 à 5 ans divisés en 2 groupes appariés sur l’âge chronologique, un groupe reçoit l’intervention pendant que l’autre ne reçoit pas d’intervention. Douze enfants sont dans une classe de diagnostic pour enfants à risque d’autisme, et 8 sont dans une classe d’accueil et d’aide à la communication et l’interaction. Chacun des groupes comporte 6 enfants de 3 ans en classe de diagnostic et 4 enfants en classe d’accueil. Le diagnostic de TED a été confirmé pour 75 % des enfants. Les 25 % restant avaient des troubles du langage entraînant des difficultés de communication sociale. Intervention : l’intervention vise à transformer la capacité de chaque enfant à manipuler des objets en un jeu de « chacun son tour », à développer l’attention à autrui et à son activité, à échanger les rôles. Dans la première phase, on sollicite et oriente l’attention de l’enfant en se fondant sur les objets qu’il préfère et ses capacités de manipulation. L’attention est sollicitée HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 214 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées vers les objets détenus par l’adulte (ces objets étant les mêmes que ceux détenus par l’enfant et qui ont été identifiés comme préférés par l’enfant), puis vers l’activité de l’adulte avec un objet (imitation de l’enfant par l’adulte), on promeut l’imitation, la verbalisation, puis l’interaction. Dans une deuxième phase, l’attention triadique et l’échange de rôle sont encouragés dans diverses activités. Le rythme d’intervention comporte 30 minutes par jour à domicile par un parent ou la personne qui s’occupe de l’enfant avec le Scheme to Promote Early interactive Conversations58et 30 minutes/jour au moins de la même intervention par l’équipe de la crèche ou de la maternelle où se trouve l’enfant. Pendant les 6 mois d’intervention avec le groupe expérimental, le groupe contrôle est en ligne de base. À la fin des 6 mois, le groupe contrôle reçoit l’intervention. Dans chacun des deux groupes, les évaluations sont faites au début et à la fin des 6 mois de ligne de base, au début, au milieu et à la fin des 6 mois d’intervention. Durée d’intervention : 6 mois. Résultats : l’évaluation des gains en interactions sociales au cours des jeux est faite d’après une description en 4 stades de rôle dans le jeu, proposée à titre d’hypothèse de travail par Bruner en 1983 allant d’un rôle d’observateur d’une routine de jeu à un rôle d’acteur. La progression des comportements est également évaluée par rapport aux sous-stades décrits par Piaget et Vygotsky concernant le stade sensori-moteur et l’imitation différée. Le statut de cette « progression » est encore en débat à l’heure actuelle. Les critères exacts et la nature des données de base de cette étude (vidéos, observations, tests ?) ne sont pas non plus précisés. Des analyses statistiques sur ces données non définies montrent des gains significatifs après intervention par rapport à avant, et dans le groupe expérimental après intervention par rapport au groupe contrôle avant intervention. Les gains en langage évalués avec la WPPSI sont significativement supérieurs après par rapport à avant intervention ainsi que dans le groupe expérimental après intervention que dans le groupe contrôle avant intervention. Faiblesse : on ignore qui fait les évaluations, les critères de modification et de gain dans le rôle de l’enfant dans le jeu sont mal définis. 2010 Royaume-Uni – interactions sociales Cette étude Green et al. (228) est la suite (mais avec un échantillon différent) d’une étude antérieure résumée ci-dessus par Aldred et al. (212). Les auteurs avaient montré un bénéfice dans les compétences sociales et de communication après une intervention PACT (Preschool Autism Communication Trial) menée d’abord pendant 6 mois par un intervenant et un parent, puis essentiellement par le parent pendant les 6 derniers mois. De plus la sévérité de l’autisme avait régressé plus dans le groupe PACT que dans le groupe contrôle. Cette nouvelle étude est destinée à confirmer les résultats sur un nombre plus important de participants. Population : les enfants âgés de 2 à 4 ans et 11 mois sont recrutés dans 3 centres spécialisés : Londres, Manchester et Newcastle. Les critères de recrutement sont : présenter les signes caractéristiques de l’autisme dans les domaines des compétences sociales et de communication selon l’ADOS-G et dans deux domaines de l’ADI-R. Étaient exclus les enfants avec un âge de développement non verbal de 12 mois ou moins à l’échelle de Mullen Early Learning, ayant un jumeau avec autisme, une épilepsie requérant un traitement médicamenteux, la présence chez l’enfant ou chez les parents d’un déficit auditif ou visuel sévère, la présence chez un parent d’un trouble psychiatrique requerrant un traitement. 58 Intervention décrite dans : Smith C, Fluck M. SPEICŕScheme to promote early interactive conversations (SPEIC). University of Portsmouth Press 2001. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 215 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les 152 enfants sont stratifiés en 2 x 2 strates : par âge (≤ 42 mois, > 42 mois) et sévérité de l’autisme (algorithme ADOS-G : 12Ŕ17 ou 18Ŕ24). Les enfants de chaque strate sont distribués au hasard dans deux groupes. Un groupe PACT avec 77 enfants et le groupe contrôle avec 75 enfants. Intervention : l’intervention expérimentale est le PACT qui cible les difficultés d’interaction sociale et de communication en suivant la progression développementale allant du prélinguistique au début du langage. Le parent, l’enfant et un intervenant travaillent ensemble, au cours de 2 sessions hebdomadaires de 2 heures pendant 6 mois suivies, pendant les 6 mois suivants, de deux sessions mensuelles supervisées. Entre les sessions, les familles pratiquent 30 minutes/jour l’intervention. L’intervention est consignée dans un manuel. Un échantillon des interventions (filmées) est analysé pour vérifier la fidélité des pratiques. En dehors de l’intervention PACT qui est fournie à part, le groupe expérimental continue de recevoir les interventions courantes usuelles. Le groupe contrôle reçoit les interventions courantes usuelles. Les différentes interventions usuelles non-PACT font l’objet d’un nombre d’heures équivalent dans les deux groupes. Les tests d’évaluation sont assurés par des personnes différentes des intervenants et aveugles au statut des enfants. Cette étude diffère de la précédente étude pilote (212) par le plus grand nombre de participants, et par le fait que le matériel et les lieux où sont réalisés les tests évaluant les effets de l’intervention sont différents des lieux habituels d’intervention, et les évaluateurs sont des personnes inconnues des participants. Cette particularité permet d’évaluer la possibilité de généraliser les gains éventuels dans la socialisation et la communication à des contextes nouveaux. Résultats : après 12 mois d’intervention, l’amélioration de communication sociale évaluée par l’algorithme de l’ADOS-G ne diffère pas entre les deux groupes, et n’est sensible ni à l’âge, ni au degré de sévérité de l’autisme au départ, ni au niveau de développement non verbal (< ou > 24 mois), ni au niveau de langage, ni au statut socio-économique, ni à la ville. Trente pour cent des enfants du groupe PACT et 24 % du groupe contrôle sont passés dans la catégorie diagnostic « troubles du spectre autistique », 5 % du groupe PACT et 7 % du groupe contrôle passent hors du spectre. Les effets sur le langage (production et compréhension) évalués par l’échelle de Preschool Language sont faibles et ne diffèrent pas entre groupes. En revanche, les comportements directement entraînés par l’intervention sont modifiés de façon importante. Les gains en synchronie des interactions parents/enfants et en initiation des interactions par l’enfant sont plus élevés dans le groupe PACT. L’effet est faible pour l’attention conjointe. Les tests où les parents évaluent euxŔmêmes les changements de compétences sociales de l’enfant (score composite social du CBS-DP) montrent des gains plus importants dans le groupe PACT que dans le groupe contrôle. Il en va de même des gains en vocabulaire testés par le MCDI (renseigné par les parents). Le VABS renseigné par l’enseignant ne montre pas de différences entre groupe. La force statistique de l’effet de l’intervention s’amoindrit de la façon suivante : elle est maximale en ce qui concerne le gain dans les interactions dyadiques parents/enfants, elle est un peu plus faible en ce qui concerne les interactions initiées par l’enfant avec les parents ; elle est encore plus faible en ce qui concerne les interactions avec l’évaluateur étranger et encore plus faible en ce qui concerne les interactions de l’enfant à l’école. En résumé : cette étude ne confirme pas les résultats de l’étude pilote (ci-dessus) en ce qui concerne la diminution de la sévérité de l’autisme. Le rythme utilisé dans cette étude ne peut pas être considéré comme efficace. Il est possible que le caractère nouveau du matériel et des lieux de test après intervention (par rapport au contexte de l’intervention) soit un facteur limitant, mais les auteurs remarquent qu’il est important que les gains soient évalués dans des conditions évaluant la généralisation des acquis. Le petit nombre d’heure d’intervention avec HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 216 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées un encadrement 1 :1, et la durée totale limitée à un an est peut-être un facteur limitant l’acquisition. Néanmoins, l’intervention améliore significativement les interactions dyadiques parent/enfant. 2005 Royaume-Uni – interactions sociales McConachie et al. (229) au Royaume-Uni évaluent le programme More than words développé par le centre Hanen au Canada. Ce programme vise à faciliter la communication sociale avec l’enfant en faisant intervenir les parents. Le groupe contrôle ne reçoit que de la rééducation orthophonique. Population : 51 enfants et un parent par enfant (49 mères et 2 pères). Critères d’inclusion : suspicion d’autisme et retard de langage, âgés de 24 à 48 mois. Critère d’exclusion : autre pathologie, et enfant sur le point de commencer un traitement intensif à domicile. Durée d’intervention : 7 mois. La répartition n’est pas au hasard. Le groupe intervention (n = 26, 17 enfants avec autisme, 9 enfants non core autism (NCA) ne présentant pas toutes les caractéristiques critiques de l’autisme) est recruté immédiatement après le diagnostic de suspicion d’autisme et le groupe contrôle (n = 25, 12 enfants avec autisme, 13 enfants NCA ne présentant pas tous les traits d’autismes) est sur liste d’attente. La formation pour les parents se fait une fois par semaine, et comporte des cours et des exercices pratiques de stratégies facilitatrices de la communication. Un total de 3 visites à domicile est assuré. Les cours et exercices se font par groupe de 8 parents. Tous les enfants participent par ailleurs à un groupe de loisir et/ou à un programme éducatif de 2 heures à 30 heures/semaine. Le groupe contrôle reçoit des interventions de la part d’orthophonistes. Résultats : à la fin des 7 mois, la taille du vocabulaire est significativement supérieure (de 50 mots en moyenne) dans le groupe d’enfants avec autisme recevant l’intervention par rapport au groupe contrôle d’enfants avec autisme (MacArthur Communicative development Inventory, MCDI qui est une interview des parents) ; de même les enfants NCA avec intervention ont significativement plus de mots (en moyen 114 mots de plus) que les enfants NCA contrôles. Ni les scores ADOS de communication sociale, ni ceux de comportements inadéquats ne diffèrent entre groupe. Le score de stress parental ne diffère pas entre groupes. En conclusion : les résultats montrent que l’intervention est efficace pour augmenter le vocabulaire aussi bien chez les enfants avec autisme que chez ceux qui ne présentent pas tous les signes critiques d’autisme (NCA). Faiblesses : pas de randomisation, les mesures de vocabulaire qui sont déterminantes pour l’évaluation de l’efficacité ne sont pas directes, elles résultent de l’interview des parents. 2007 États-Unis – Compétences sociales Kroeger et al. (275) comparent les effets prosociaux d’une intervention structurée enseignant directement le jeu par petits groupes à une intervention identique en tout point, mais où les enfants sont libres de leurs activités de jeu pendant le temps où les autres reçoivent l’intervention structurée. Population : 25 enfants âgés de 4 à 6 ans avec un diagnostic d’autisme (sont exclus les syndromes d’Asperger ou de Rett et les TED non spécifiés). La répartition entre les deux HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 217 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées groupes dépend des horaires de disponibilité des enfants et des parents. Le groupe expérimental comporte 13 enfants (dont enfants non verbaux) et le groupe contrôle 12 (dont 2 enfants non verbaux). Chacun des deux groupes est divisé en 3 sous-groupes qui restent les mêmes pendant les 5 semaines d‘intervention. La majorité des enfants ne faisaient pas de demandes spontanées et produisaient de 0 à 5 mots. Les enfants qui parlaient de façon fluente avaient des persévérations verbales, une organisation phrastique figée, des aspects idiosyncratiques. Le groupe expérimental avait en moyenne 65 mois (σ = 9,15) et un score GARS de 92,58 (σ = 15,24) ; le groupe contrôle avait en moyenne 61 mois (σ = 12,25) et un score GARS de 92,15 (σ = 9,66). Intervention : le rythme était de 15 heures en 15 sessions sur 5 semaines. L’intervention expérimentale suivait une progression utilisant la présentation de modèles sur des vidéos suivie d’entraînement correspondant. Des renforcements primaires (nourriture) étaient utilisés pendant les entraînements suivant les vidéos. À l’exception de ces deux aspects spécifiques de l’intervention expérimentale, l’intervention contrôle était semblable en ce qui concerne les renforcements, l’intervention sur les comportements : le contact œil-œil, les sourires, les jeux interactifs étaient encouragés et renforcés verbalement. Toutes les séances sont enregistrées en vidéo pour analyser les comportements prosociaux. Résultats : après intervention, les deux groupes montrent des gains en nombre de comportements prosociaux (p = 0,001, de comportements-réponses p = 0,005, de maintien de comportements interactifs [p = 0,002] par rapport à avant l’intervention). Mais dans le groupe expérimental, les gains sont significativement supérieurs à ceux du groupe contrôle pour les comportements d’initiative (p = 0,02), les comportements de réponses (p = 0,003), le maintien des comportements d’interaction (p = 0,006). Les tailles des 3 effets sont très importantes. Les savoir-faire de la vie quotidienne ou éducatifs sont évalués par l’ABLLS59. Les mesures avant-après montrent une augmentation de ces capacités dans les deux groupes (p = 0,001), mais aucune différence entre groupe suggérant que les capacités d’apprentissage du groupe expérimental n’ont pas été modifiées par l’intervention plus que dans le groupe contrôle. Enfin, le niveau de satisfaction des parents était semblable pour les deux groupes. En résumé : les résultats montrent que les interventions en petits groupes (ici 4 participants par sous-groupe) peuvent promouvoir les capacités sociales chez les enfants jeunes, et que les effets peuvent être fortement accrus par une intervention ciblant directement l’enseignement de ces capacités en utilisant des vidéos. La qualité de l’encadrement (personnel entraîné) et l’encadrement 2 :1 doit être pris en compte comme facteur facilitateur des effets. 2010 États-Unis Koenig et al. (276) évaluent, dans un essai contrôlé randomisé, une intervention prosociale pour des enfants âgés de 8 à 11 ans. Participants : 44 enfants. Critères d’inclusion : âge entre 8 et 11 ans, un QI total ≥ 70, avec un diagnostic de TED non spécifié d’après le score d’algorithme de l’ADOS, d’après le questionnaire de communication sociale (SCQ, Corsello 2007) et l’inventaire comportemental des troubles envahissant du développement (Pervasive Developmental Disorders Behavior Inventory. Critères d’exclusion : avoir un score supérieur à 18 sur 59 Outil d’évaluation du langage décrit dans : Partington J, Sundberg M. The assessment of basic language and learning skills (The ABLLS) : An assessment, curriculum guide, and skills tracking system for children with autism or other developmental disabilities. California : Behavior Analysts Inc 1998. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 218 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées l’échelle d’irritabilité de l’ABC (Aberrant behavior Checklist) ou un score cliniquement significatif à au moins une des échelles du Children’s Symptom Inventory. Attribution au hasard des enfants au groupe expérimental (n = 25) et contrôle (n = 19) en liste d’attente. Le groupe expérimental contient 7 enfants avec autisme, 11 avec TED non spécifiés, 6 avec syndrome d’Asperger. Le groupe contrôle contient 3 enfants avec autisme, 3 avec syndrome d’Asperger et 12 avec TED non spécifiés. Les deux groupes ne diffèrent ni par l’âge, QI, score de communication sociale (SCQ), score total de l’algorithme de l’ADOS, indice prosocial du Social Competence Inventory (SCI). L’intervention comporte un manuel. La fidélité du traitement est évaluée. Résultats : le test utilisé pour comparer les deux groupes est un questionnaire aux parents (Clinical Global Impressions Scale Improvement item (CGI-I). Un examinateur aveugle au statut de l’enfant interroge les parents qui décrivent les comportements de leur enfant, et évalue l’amélioration en fonction des réponses des parents (qui eux ne sont pas aveugles au statut de l’enfant). Les changements sont classés en cinq catégories : extrêmement améliorés, très améliorés, peu améliorés, sans changement, empirés. Sur les 23 enfants du groupe expérimental évalués après traitement, 16 sont jugés comme extrêmement ou très améliorés par opposition aux enfants du groupe contrôle, où 0/18 enfants sont jugés comme extrêmement ou très améliorés. La différence est significative. La SCI, en revanche, montre une augmentation équivalente dans les deux groupes à l’indice prosocial (PSI), et pour l’initiative sociale (SI). Conclusion : le test CGI repose essentiellement sur le rapport des parents. Les résultats positifs obtenus avec ce test sont en contradiction avec les résultats obtenus avec l’autre test utilisé, la SCI. Les résultats ne peuvent être considérés comme concluants. 2006 États-Unis – attention conjointe et jeu symbolique Kasari et al. (277) font un essai randomisé cité comme méthodologiquement « fort » par la revue de Reichow et Volkmar (267) sur les interventions prosociales. Population : 58 enfants de 3 à 4 ans avec autisme (critères ADI-R et ADOS) de niveau de fonctionnement cognitif bas à moyen et développement du langage inférieur à 24 mois. Les enfants sont répartis au hasard en 3 groupes : (i) intervention sur l’attention conjointe, (ii) intervention sur le jeu symbolique, (iii) contrôle. Interventions : tous les enfants faisaient déjà partie d’un programme d’intervention précoce intensive de base identique (6 heures/jours) et le poursuivent pendant la durée des interventions spécifiques. Les deux groupes expérimentaux reçoivent donc, en plus, 30 minutes/jour d’intervention spécifique (sur des domaines non ciblés dans leur intervention de base). La technique générale des deux interventions spécifiques est l’ABA avec essai discret, amorçage et renforcements et l’approche développementale avec prise en compte des aspects forts et faibles de chaque enfant et de ses intérêts. Les étapes comportementales à atteindre dans chacun des deux groupes avec intervention sont définies pour chacun des enfants individuellement à l’intérieur du domaine défini, ciblé par l’intervention. Fréquence et durée d’intervention : 30 minutes par jour pendant 5Ŕ6 semaines. Les interventions sont régulièrement supervisées par des seniors. Les évaluateurs sont aveugles au statut des enfants. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 219 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Résultats : le groupe avec entraînement de l’attention conjointe indique significativement plus d’initiatives pour montrer quelque chose à autrui, répond plus à la sollicitation d’attention conjointe que le groupe contrôle. Le groupe avec jeu symbolique présente significativement plus de jeux symboliques que le groupe d’attention conjointe. La généralisation est significativement assurée dans les deux groupes. La taille des effets est importante. Conclusion : les deux types d’interventions spécifiques sont cliniquement efficaces dans leur domaine spécifique. Les résultats sont considérés par Reichow et Volkmar (267) comme « résultats établis ». 2009 Australie – généralisation des apprentissages Rickards et al. (230) (Melbourne, Australie) comparent une intervention de 5 heures/semaine en centre spécialisé (contrôle) à cette même intervention associée en plus à une intervention à domicile visant à généraliser les apprentissages à la vie dans l’environnement habituel (intervention expérimentale). Durée : un an. Population : 54 enfants de 3Ŕ5 ans. Diagnostic de TED d’après le DSM-IV ou ADOS. Les enfants avec des troubles neurologiques ou dont la langue maternelle n’est pas l’anglais sont exclus. Les enfants sont appariés sur leur quotient de développement, et un membre de la paire est attribué au hasard à l’un ou l’autre des modes d’intervention. Dix-neuf enfants avec autisme, 7 enfants avec retard mental et 4 enfants avec troubles du langage d’étiologie connue constituent le groupe contrôle. Seize enfants avec autisme, 12 avec un retard mental et 3 avec trouble du langage d’étiologie connue constituent le groupe expérimental. Intervention : le groupe contrôle reçoit l’intervention dans un centre en 2 sessions par semaine réparties sur 5 heures. L’accent était mis sur l’estime de soi, les habiletés sociales et l’indépendance. L’intervention utilise des aides de communications et des techniques comportementales, de l’orthophonie et de l’ergothérapie. Le groupe expérimental reçoit la même intervention et une intervention à domicile. Un enseignant spécialisé vient chez l’enfant à domicile 1 h à 1 h 30/semaine pendant 40 semaines. L’enseignant travaille avec l’enfant, montre les stratégies aux parents et aide à gérer les comportements difficiles. La fratrie est incluse dans l’entraînement. L’enseignant aide aussi à l’aménagement des aides de communication pour l’enfant au domicile. Les enfants de ce groupe ont reçu en plus des 5 heures/semaine d’intervention au centre spécialisé, en moyenne 35,5 heures à domicile (limites 26Ŕ40) en 40 semaines. Les enfants sont évalués avant intervention, un an après le début puis après un délai d’un an après la fin de l’intervention. Les évaluateurs sont aveugles au statut des enfants, mais non les enseignants qui répondent aux interviews. Résultats : la différence de QI entre les deux groupes, nulle au départ, devient très significative à la fin de la 2e année, avec une augmentation de 5,8 points dans le groupe expérimental et une baisse de 2,8 points dans le groupe contrôle. Le QI dans le groupe expérimental augmente en fait à la fin de l’intervention et se maintient à la fin de la deuxième année. L’effet de l’intervention en centre associée à l’intervention à domicile empêche la détérioration du QI qui a lieu dans le groupe contrôle : 15/26 enfants contrôles ont un niveau de QI qui diminue, contre 6/28 dans le groupe expérimental. Le gain de QI observés dans le groupe expérimental provient du domaine de performance mais non du domaine du langage qui ne se modifie pas. En dehors du QI, les autres mesures sont des interviews ou des questionnaires remplis par les parents ou des personnels spécialisés indépendants. Le VABS (communication, HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 220 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées autonomie de vie quotidienne, socialisation et motricité) montre un gain significatif qui se maintient dans la 2e année dans le groupe expérimental. Le progrès n’est pas significatif chez les contrôles. Le BSQ (questionnaire sur les comportements anormaux) montre une diminution significative dès la fin de la première année puis un maintien chez les enfants expérimentaux, la diminution n’est pas significative chez les contrôles. La check-list PBCL (Preschool behaviour checklist, remplie par les enseignants qui connaissent le statut des enfants) montre également une diminution des comportements et des états émotionnels inadéquats dès la fin de la première année et son maintien ensuite dans le groupe expérimental, mais une diminution non significative dans le groupe contrôle. Conclusion : l’association de 1 heure à 1 heure et demie d’intervention à domicile à un traitement très modérément intensif de 5 heures/semaine en centre a des effets positifs, en ce sens qu’il s’oppose à un processus de détérioration du QI, contrairement aux effets du traitement moins intensif mené exclusivement en centre. Les différences entre les deux groupes ne sont significatives que pour le QI et non les compétences spécifiquement sociales. De plus, les groupes ne se comportent pas de la même manière : après un délai d’un an sans traitement spécifique, on observe un maintien des gains significatifs acquis à la fin de l’intervention par le groupe expérimental. Les faiblesses de cette étude : l’absence de mesure de performances de langage avant l’intervention, et le caractère hétéroclite de la composition des groupes. ► Autres études cliniques Bien que ne correspondant pas aux critères de sélection définis a priori, car elles concernent moins de 10 enfants par groupe, nous mentionnons ici 2 études contrôlées randomisées évaluant des points spécifiques non développés dans les études de meilleur niveau de preuve. Ces 2 études sont rigoureusement menées. Chacune évalue l’efficacité d’une intervention spécifique répondant à une question peu abordée par ailleurs dans la littérature (théorie de l’esprit (278) et une formation des parents (279)), et indique une réponse qui demande à être confirmée par des études complémentaires ultérieures. Une 3e étude contrôlée randomisée a été identifiée (intervention pour développer l’attention conjointe en utilisant la musicothérapie), mais n’a pas été retenue car elle comporte un biais majeur : la condition contrôle est essentiellement visuelle alors que la condition expérimentale est essentiellement auditive. L’attention visuelle de l’enfant peut être attirée vers un objet indépendamment d’une initiation d’attention conjointe par l’intervenant. Cette erreur méthodologique rend inutilisable les résultats de l’étude malgré la randomisation des participants et le plan croisé (273). 2005 Royaume-Uni – théorie de l’esprit Fisher et Happé (278) proposent un essai randomisé classé méthodologiquement « adéquat » par Reichow et Volkmar 2010. L’intervention vise à développer la théorie de l’esprit et examine l’éventualité qu’un entraînement des fonctions exécutives (fonctions qui sont nécessaires aux opérations mentales de théorie de l’esprit) soit aussi efficace qu’un entraînement plus spécifiquement consacré à la théorie de l’esprit. Population : 27 enfants d’âge scolaire de 6 à 15 ans avec un niveau de fonctionnement cognitif moyen sont attribués au hasard à 3 groupes : (i) intervention sur les fonctions exécutives, (ii) intervention sur la théorie de l’esprit, (iii) contrôle sans intervention. Interventions : les interventions sont du type cognitivo-comportementales avec aide visuelle et histoires sociales : les enfants doivent apprendre à appliquer un certain nombre de règles de raisonnement (théorie de l’esprit) ou apprendre des stratégies pour augmenter leurs capacités mentales (fonctions exécutives). Les enfants sont évalués avant, après et deux mois après la fin de l’intervention. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 221 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Résultats : après intervention, les performances à diverses tâches de théories de l’esprit augmentent significativement, comparativement au groupe contrôle, après intervention et se maintiennent 2 mois après la fin de l’intervention (16 des 27 enfants traités progressent significativement). La généralisation correcte des acquis à d’autres situations de théorie de l’esprit est également attestée. On n’observe pas de gains en fonction exécutives et l’entraînement aux fonctions exécutives ne se généralise pas. En revanche, l’entraînement aux fonctions exécutives a un effet positif sur les performances en théorie de l’esprit, mais seulement 2 mois après la fin de l’entraînement. Les enfants qui se sont améliorés en théorie de l’esprit ne différaient ni sur les capacités générales visuo-spatiales (Test de Raven), ni en vocabulaire en début d’intervention de ceux qui ne se sont pas améliorés, mais ils avaient des performances significativement meilleures au test de compréhension syntaxicogrammaticale. Conclusion : un entraînement bref à la théorie de l’esprit ou aux fonctions exécutives suffit à assurer des gains en théorie de l’esprit et une généralisation possible de ces gains à des tâches nouvelles. Les enfants qui progressent sont ceux qui ont par ailleurs la meilleure maîtrise syntaxique du langage (comparativement à ceux qui ne progressent pas). Cet acquis se maintient deux mois plus tard. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 222 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2010 Hong Kong – communication verbale et non verbale Wong et Kwan 2010 (279) développent un enseignement de 2 semaines (Autism 1-2-3) aux parents des techniques simples pour entraîner le contact œil-œil, les gestes, les mots afin d’améliorer la communication et les interactions sociales. Le but de cet enseignement court est de permettre aux parents d’attendre la prise en charge (délai de 6 et 36 mois) en leur donnant les moyens de réduire leur anxiété et leur maladresse devant les enfants, tout en amorçant le développement des fonctions symboliques et du langage dont on a des raisons théoriques de penser qu’il est favorisé par les 3 comportements entraînés. Huit thérapeutes ont d’abord été entraînés pour cet enseignement. Population : 17 enfants âgés de 17 à 36 mois sont recrutés au fur et à mesure du diagnostic et randomisés, immédiatement après le diagnostic. Le diagnostic d’autisme avait été posé conformément au DSM-IV, ADI-R et ADOS. La sévérité de l’autisme est évaluée avec la CARS. Les enfants avec une comorbidité neurologique ou une autre pathologie psychiatrique ne sont pas inclus. Les enfants ne reçoivent pas d’autre entraînement. Deux groupes sont formés au hasard : 9 enfants sont attribués au groupe d’intervention et 8 au groupe contrôle. Quand le groupe d’intervention a terminé l’intervention de 2 semaines, le groupe contrôle reçoit la même intervention. Intervention : elle est quotidienne 5 jours/semaine pendant 2 semaines, 30 minutes/jour d’intervention sur les enfants au centre de soins. L’intervention utilise une méthode type ABA. Les thérapeutes expliquent aux parents le but et la manière de procéder. Les parents doivent entraîner leur enfant 5 à 10 minutes toutes les heures à domicile avec des jouets, puzzles, etc. identiques à ceux du centre. Lors de la visite quotidienne, ils rendent compte au thérapeute de ce qu’ils ont fait ; le thérapeute teste directement sur les enfants l’effet de l’intervention des parents. Résultats : le groupe contrôle ne montre aucun changement dans les vocalisations, pointages et gestes de l’ADOS (évaluation faite par des interviewers aveugles au statut des enfants), tandis que le groupe avec intervention présente une diminution significative des comportements anormaux. Les scores aux items correspondant à des comportements non entraînés ne changent pas. Au test d’interactions sociales réciproques, on observe une diminution significative des scores d’inadaptation des comportements et une augmentation des comportements de demande dans le groupe traité, mais non dans le groupe contrôle. Le test de jeu symbolique (mesure directe des activités de l’enfant) montre une augmentation très proche de la significativité dans le groupe traité, mais non dans le groupe contrôle. La fusion des scores des deux groupes confirment les résultats et les renforcent (les scores de jeu symboliques augmentent significativement après intervention). De même d’après les interviews des parents, on observe une augmentation significative de l’utilisation du langage et des relations sociales avec les gens, mais non des comportements dans les domaines non concernés par l’intervention. Enfin le stress parental diminue significativement entre avant et après intervention. Conclusion : cette intervention de 2 semaines pourrait constituer une étape efficace au cours de l’attente de la prise en charge de l’enfant. Elle diminue le stress des parents. Faiblesses : cette étude comporte quelques faiblesses : 1) le petit nombre d’enfants qui empêche la stratification par degré de sévérité de l’autisme, 2) utilisation importante des évaluations par interview des parents. Seul le test de jeu symbolique est un test direct de l’enfant, et le progrès n’est constaté comme significatif que lorsque les deux groupes sont fusionnés (ce qui augmente le nombre d’enfants sur lequel est calculé le gain). Il n’y a pas de comparaison entre groupe expérimental à la fin de l’intervention et groupe contrôle avant intervention : l’efficacité n’est mesurée ici que par comparaison avant-après. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 223 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Conclusions relatives aux études d’évaluation des interventions prosociales chez des enfants avec autisme et niveau moyen ou faible de fonctionnement cognitif Qu’il s’agisse d’intervention pour des enfants d’âge préscolaire ou d’âge supérieur à 6 ans, la grande majorité des études rapportent des gains en compétences sociales après une intervention prosociale, quel que soit le domaine social spécifique visé par l’intervention (les études sur les interventions visant spécifiquement les comportements-problèmes sont examinées ci-dessous). Une grande partie de ces interventions, en particulier celles sur les enfants de moins de 6 ans, sont données avec un encadrement 1 :1 ; leur durée est très variable et leur intensité est faible (comparativement aux interventions globales). De façon générale, une intervention sur une compétence sociale spécifique ne se généralise pas spontanément à une autre compétence sociale. Ceci signifie qu’il faut viser plusieurs compétences sociales. L’un des problèmes difficile à régler est celui de savoir ce que l’enfant a réellement développé : une séquence comportementale ou une compétence ? La généralisation à des situations nouvelles n’est pas toujours testée dans les études rapportées ci-dessus. Il s’en suit qu’il est difficile de comparer entre elles des interventions, dont les unes testent la généralisation des acquis et les autres non. Le choix d’une intervention devrait se porter sur celles dont on a montré qu’elles conduisent au développement d’une compétence et non pas seulement au développement de séquences comportementales. Cependant, il ne faut pas s’attendre non plus à ce que la généralisation d’une séquence comportementale soit automatique et rapide ni à ce qu’elle se fasse pour des catégories de situations très différentes. Cette remarque concerne tous les modes d’intervention comportementale et non pas seulement l’ABA. Les compétences sociales développées par les enfants avec un développement typique sont d’une grande complexité que la recherche est loin d’avoir élucidée. De plus, on sait que tous les profils de TED ne réagissent pas de façon identique à une intervention. Il n’est pas très étonnant, dans ces conditions, que les interventions tâtonnent dans ce domaine. Néanmoins, ce que montrent les résultats examinés, c’est qu’on en sait suffisamment aujourd’hui pour développer des compétences sociales chez l’enfant avec autisme par des interventions comportementales très diverses, et qu’il ne faut pas attendre de connaître la meilleure intervention possible pour intervenir. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Domaine des interactions sociales Pour tout enfant/adolescent avec TED, tout projet personnalisé doit comporter des objectifs fonctionnels dans le domaine des interactions sociales en vue de favoriser le développement de la réciprocité des échanges sociaux, au sein de la famille et dans les différents lieux de vie de l’enfant/adolescent. Il est recommandé de mettre en œuvre ces interventions en étroite collaboration avec les parents, dès lors que des difficultés sont observées dans les dimensions de la communication et avant même qu'un diagnostic formalisé définitif soit posé (grade C). Le développement de la réciprocité des échanges sociaux nécessite que les interventions ciblant le développement du jeu fonctionnel ou symbolique, de l'imitation et de la compréhension des règles sociales soient proposées à l’enfant/adolescent et que son environnement social immédiat y soit formé (famille, assistante maternelle, personnels de crèche, école, etc.). Il nécessite également un accompagnement de l’enfant/adolescent dans les situations sociales ordinaires (à l’école, dans les magasins, dans toute situation sociale de la vie courante). Ces interventions peuvent être développées dans le cadre de prises en charge globales coordonnées en complémentarité avec des interventions de nature différente ciblant d'autres domaines fonctionnels. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 224 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Parmi les interventions proposées pour aider l’enfant/adolescent à développer ses habiletés sociales, sont recommandées : les interventions éducatives, comportementales et développementales individuelles, mises en œuvre dans le cadre d’interventions précoces, globales et coordonnées telles que recommandées au § 4.2 (grade B si débutées avant 4 ans ) ; quel que soit l’âge, les interventions en séances individuelles et/ou en petit groupe, qui lui permettent d’expérimenter des situations de partage, tour de rôle, attention à l’autre, reconnaissance et prise en compte des émotions, pensées et intentions de l’autre (théorie de l’esprit), afin d’aider l’enfant/adolescent à anticiper, prévoir, comprendre l’autre, généraliser et apprendre (accord d’experts). Pour les enfants/adolescents avec TED présentant des compétences très hétérogènes selon les domaines de fonctionnement, en particulier pour les enfants/adolescents présentant un bon fonctionnement intellectuel ou un syndrome d’Asperger, il est recommandé de mettre en œuvre des interventions spécifiques structurées, centrées sur le développement des habiletés sociales (habileté de jeu, compréhension des situations sociales, compréhension des émotions, etc.) (grade B). Les thérapies cognitivo-comportementales spécifiquement adaptées aux personnes avec TED peuvent être utilisées chez les enfants/adolescents ayant un bon niveau de développement du langage oral (grade C). Ces interventions peuvent être proposées au cours de séances individuelles et/ou en petit groupe. 5.4.3 Interventions ciblant la gestion des comportements-problèmes ► Recommandations de bonne pratique L’Anesm définit les comportements-problèmes comme tout ce qui constitue « une gêne notable, intense, répétée, durable ou qui présente un danger pour la personne avec autisme ou autres TED ainsi que pour son environnement et qui compromet ses apprentissages, son adaptation et son intégration sociales » (2). L’Anesm recommande (2) : de prendre en compte dans les interventions les situations problématiques rencontrées au quotidien dans l’environnement, afin qu’elles contribuent à l’amélioration de la qualité de vie des familles ; d’identifier et d’évaluer le caractère problématique des comportements par une concertation entre la personne, la famille et les professionnels au sein d’une équipe, en s’appuyant sur des outils spécifiques ; de rechercher et comprendre l’origine des comportements-problèmes, afin de permettre une résolution ou une gestion appropriée des facteurs les favorisant ; de prévenir et gérer les moments de crise ; d’encadrer le recours des lieux de calme-retrait ou d’apaisement, qui doit rester une procédure d’exception. Les interventions doivent commencer précocement, dès que les comportements-problèmes sont importants et être proactives. Le programme de l’enfant doit être personnalisé et conçu pour motiver l’enfant et fournir des aides environnementales. Les interventions éducatives doivent inclure les principes du soutien positif au comportement, en particulier focalisé sur la compréhension de la fonction du comportement de l’enfant. Les procédés d’aversion physique ne doivent pas être utilisés (76). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 225 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Revues systématiques d’études évaluant l’efficacité des interventions visant la gestion des comportements-problèmes 2010 Brosnan Brosnan et Healy (280) passent en revue les évaluations des interventions sur les comportements agressifs chez les enfants relevant du spectre de l’autisme, du retard mental ou des deux conjoints. Les critères d’inclusion de la littérature étaient : études concernant des enfants relevant du spectre de l’autisme, du retard mental ou des deux conjoints âgés de 3 à 18 ans ; paradigme expérimental avec cas uniques, publié dans une revue avec comité de lecture entre 1980 et 2009, visant à réduire les comportements agressifs. Dix-huit études sont sélectionnées dont 2 utilisent une seule intervention et 16 emploient des groupes d’interventions. Trois catégories d’intervention sont appliquées : (i) procédures utilisant les renforcements différentiels et un entraînement à la communication fonctionnelle. Dans ce dernier cas, on s’efforce de substituer un comportement de communication approprié à un comportement inadéquat (utilisation de PECS, entraînement à la communication fonctionnelle60 (FCT), renforcements différentiels, attention noncontingente, renforcement négatif différentiel) ; (ii) procédures agissant sur les facteurs environnementaux, physiologiques ou sociaux considérés comme des antécédents du comportement ciblé ; (iii) procédures utilisant le contrôle des conséquences des actes ou des stratégies de réduction de comportement : procédures d’extinction (avec ou sans introduction de comportement de substitution), surcorrection, coût de réponse, blocage et limite de temps. Au total, 31 participants sont concernés : 11 ont un diagnostic d’autisme, 9 un diagnostic de retard mental et 6 présentent les deux tableaux. Les comportements agressifs ciblés sont les coups (n = 25), les morsures (n = 16), les coups de pied (n = 16), les pincements (n = 10), les griffures (n = 9). Six études utilisent des lignes de bases multiples, quatre utilisent un plan avec inversion, 6 comparent plusieurs éléments d’intervention. Toutes les interventions rapportent une diminution des comportements ciblés, diminution que leurs auteurs attribuent à l’intervention. Compte tenu de la méthodologie des études, ce résultat est solide. Sept études rapportent l’élimination presque totale des agressions chez au moins un individu dans au moins l’une des conditions quel que soit la catégorie d’intervention. Mais seulement quatre études (Borrero 2004 ; Braithwaite 2000, Frea 2001, Massey 2000) de ces 7 interventions n’utilisent pas de procédures de punition. Quatre de ces études montrent une stabilité des résultats dans le temps, dont 3 utilisent les punitions (Charlop-Christy 1996, Foxx 2007, Grace 1994) et une seule ne les emploie pas (O’Reilly 1999). Brosnan et al. indiquent que l’ensemble de la littérature ABA montre que la clef de l’efficacité d’une intervention repose sur l’analyse préalable à l’intervention de la fonction d’un comportement observé chez l’enfant et sur la planification d’une intervention qui tienne compte de cette fonction. En particulier, l’utilisation de l’Experimental Functional Analysis (EFA) et de Functional Behavioral Assessments (FBA) permettent de déterminer la fonction d’un comportement observé chez un enfant donné. Cependant 5 des études sélectionnées n’ont pas procédé avant intervention à une analyse fonctionnelle expérimentale ni à une évaluation des fonctions des comportements ciblés. Malgré cette lacune, les résultats de ces 5 études (Heckaman 1998, Schreibman 2000, Charlo-Christyb 1996, Dyer 1990, Massey 2000) vont dans le bon sens, mais souvent avec moins d’efficacité que dans les études ayant utilisé EFA et FBA. Méthodologiquement, la comparaison qualitative entre résultats de ces différentes études ne peut être considérée comme robuste. De même Brosnan et al. ne peuvent que commenter qualitativement les différences entre l’efficacité de différents 60 Intervention décrite dans : Durand VM, Merges E. Functional Communication Training. A contemporary Behavior Analytic Intervention for problem behaviours. Focus Autism Other dev Disabil 2001, 16(2) :110-9. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 226 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées groupes d’études : études utilisant un EBA vs études n’utilisant pas de FBA, ou études ayant identifié les renforcements efficaces et les stimuli préférés par l’enfant traité vs les études qui n’ont pas procédé à cette identification. En résumé, on peut considérer les résultats de ces études comme indiquant une bonne efficacité des interventions, mais on ne peut comparer les différentes techniques entre elles. 2010 Patterson Patterson et al. (281) passent en revue les études sur des interventions concernant les stéréotypies et comportements répétitifs, publiées entre 1994 (date de la dernière révision du DSM-IV) et juin 2008. Les critères de bibliographie et les critères méthodologiques de sélection des études sont rigoureux. Dix études de cas sont extraites (entre 2000 et 2003) sur un total de 141 études. Les dix études sont évaluées sur les 11 critères méthodologiques concernant les études de cas décrits par Logan 2008, puis en fonction de critères additionnels énoncés par Smith 2007. Neuf études sont de niveau méthodologiquement « moyen » (entre 7 et 10, le score 11 correspond à une qualité méthodologique « forte »), une étude est de niveau « faible ». La meilleure des 9 études est affaiblie par une évaluation des enfants par des examinateurs non aveugles à leur statut. Les études concernent au total 17 participants âgés de 11 mois à 26 ans. Quinze participants ont un diagnostic d’autisme, un avec TED et un avec autisme de haut niveau. Parmi ces participants, 5 présentent en plus une comorbidité de retard mental, un participant a une lésion cérébrale. Les comportements ciblés sont : les mouvements stéréotypés, les manipulations stéréotypées d’objets, l’usage répétitif de paroles et les intérêts restreints. L’analyse fonctionnelle rapporte dans 15 cas une fonction de stimulation sensorielle, dans deux cas une recherche d’attention sociale, un cas présente une double fonction d’attention sociale et d’évitement. Avant intervention, la fréquence des comportements est très grande chez tous les enfants. Les parents et les enseignants rapportent que ces comportements interfèrent beaucoup avec les activités. Toutes les interventions sont comportementales avec renforcement non contingent comme technique la plus fréquente, utilisée seule ou en conjonction avec l’interruption de réponse, la stimulation appariée, le blocage de réponse. Une étude (Roane 200361) a des résultats traduisant une très forte efficacité. Il s’agit d’un enfant de 8 ans, avec autisme, retard mental modéré et lésion cérébrale. Il portait répétitivement à la bouche. L’intervention s’est faite par renforcement non contingent. Trois autres études ont un score montrant une efficacité très forte pour au moins une variable dépendante ou une condition d’intervention : 4 enfants d’environ 3 ans 10 mois, avec autisme sévère dont les stéréotypies sont la course en cercle, la manipulation d’objets, le jeu avec objet. L’intervention par interruption de réponse est efficace alors que le renforcement non contingent ne l’est pas ; les deux techniques ensemble sont très efficaces) (Cicero 2007) ; 2 enfants d’environ 9 ans avec autisme et retard mental présentant des répétitions de paroles et vocalisations. La stimulation appariée est efficace, mais le renforcement non contingent l’est peu (Rapp 2007) ; un enfant de 7 ans avec autisme porte un objet à la bouche à répétition, la technique de blocage de la réponse est efficace ; le renforcement non contingent est inefficace (Carr 2002). Six autres études montrent une efficacité « constatée » pour au moins une condition ; quatre études ont une efficacité très faible. 61 Se reporter à la revue systématique pour connaître les références exactes des publications qui ne relèvent pas des critères de sélections de cet argumentaire. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 227 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En résumé : les auteurs de la revue concluent que ces études de cas montrent que les interventions peuvent être efficaces, mais qu’il demeure nécessaire de reproduire ces données sur des groupes contrôlés malgré la difficulté de cette méthodologie dans le domaine des stéréotypies. Minshawi 2008 Minshawi (282) examine les évaluations des traitements comportementaux des comportements d’automutilation qui ont réussi pour décrire les traits généraux des traitements efficaces. Aucune règle bibliographique n’est décrite, et une grande partie des études rapportées comme montrant une efficacité viennent de la revue à comité de lecture Journal of Applied Behavior Analysis. Les études d’évaluation des traitements comportementaux qui ont réussi à diminuer ou supprimer les comportements d’automutilation présentent les caractères suivants. Les techniques pour identifier le comportement cible et sa ou ses fonctions y sont d’abord décrites. Cette phase d’exploration permet ensuite de définir une intervention. Les procédures d’intervention fondées sur le renforcement, l’extinction, la punition, la construction d’une compétence particulière sont distinguées. L’auteur de la revue signale qu’en général plusieurs de ces procédures sont utilisées dans une même intervention. Le renforcement différentiel va en général de paire avec une procédure d’extinction. L’auteur insiste sur le fait que la procédure de punition, quand elle est utilisée (restriction motrice totale ou d’un membre seulement), ne représente qu’une phase initiale de l’intervention qui est suivie d’une procédure de renforcement ou d’extinction. De plus, dans la plupart des cas les procédures de renforcement et d’extinction, qui diminuent la fréquence ou la sévérité d’un comportement d’automutilation, doivent être ensuite renforcée par une procédure de construction d’un savoir-faire qui assure la fonction originelle de l’automutilation. Si le comportement ciblé remplissait une fonction de communication, l’enseignement d’un système de communication devrait contribuer à la disparition du comportement cible en permettant à la personne avec autisme de contrôler l’obtention du renforcement qui a été établi dans la phase précédente (par ex. : demande de pause pour remplacer la fuite ou demande d’attention). Le nombre total de participants des études examinées est petit, compte tenu du paradigme avec participant unique utilisé par ces techniques. 2003 Campbell Campbell (283) effectuent une synthèse quantitative d’études de cas uniques évaluant les interventions comportementales pour réduire les comportements-problèmes. Les publications entre 1966 et 1998 sont examinées. La bibliographie est faite selon des critères méthodologiques forts. Les articles sont retenus s’ils portent sur des personnes avec un diagnostic d’autisme (quand l’étude porte sur d’autres sortes de diagnostics, seules les données sur les personnes avec autisme sont prises en compte). Une étude est retenue si elle concerne l’automutilation, les stéréotypies, l’agression, la destruction d’objets. Seules les études de cas sont retenues (sont exclues les études de groupes) ; les études de cas ne sont retenues que si la ligne de base de l’intervention comporte plusieurs points de mesure. Les études avec moins de deux points de mesure pour la ligne de base sont exclues. Cent dix-sept études sont ainsi retenues représentant 181 individus avec autisme. Toutes les études sont publiées dans des journaux spécialisés, de langue anglaise, avec comité de lecture. Trois mesures ont été calculées : le pourcentage de réduction du comportement par rapport à la ligne de base (MBLR), le pourcentage de points mesurés après traitement se trouvant hors de la zone des points de mesure les plus hauts ou les plus de la ligne de base (PND), le premier point de mesure après traitement qui atteint zéro et le pourcentage de points de mesure après traitement, incluant le premier zéro, qui reste à zéro (PZD). L’âge des participants va de 2 à 31 ans (m = 10 ; 08 ans, σ = 5,30). Quarante-sept pour cent des HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 228 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées participants ont un retard mental sévère, 23 % un retard modéré (entre 54 et 40 de QI), 9 % ont un retard léger (55 à 70) et 4 % aucun retard (pour 20 % on ignore le QI). Seul 1,7 % atteignent un niveau moyen de langage. Les critères de diagnostic d’autisme ne sont pas mentionnés pour 71 % des participants. Seules les publications les plus proches de 1998 (récentes) comportent une analyse fonctionnelle du comportement ciblé avant intervention. Le nombre d’études n’utilisant que des techniques de renforcement positif (par opposition avec les renforcements aversifs) augmentent avec le temps. Les résultats des scores MBLR, PND, PZD montrent que les traitements comportementaux sont significativement efficaces pour réduire les comportements-problèmes. L’efficacité ne diffère ni en fonction du type de comportements, ni en fonction des techniques (punition/renforcement positif par ex), ni en fonction de l’âge ou du niveau de QI des participants. Les scores PND et PZD correspondent à ceux observés antérieurement à la présente revue. L’existence d’une analyse préalable du comportement cible avant intervention est un facteur significatif d’efficacité du traitement (le score PZD est significativement supérieur dans les études avec analyse fonctionnelle préalable de comportement cible comparé aux études sans analyse préalable, le score PZD indique la suppression d’un comportement et non pas seulement sa réduction). De plus, les études utilisant une analyse préalable du comportement menée selon le protocole d’analyse fonctionnelle (EFA : Experimental Functional Analysis) impliquant une manipulation des variables susceptibles de maintenir en place le comportement à problème, montrent plus d’efficacité (PZD) que les études qui ont employé une autre technique pour définir le comportement cible avant intervention. Ce résultat concernant le rôle de l’EFA est robuste, et suggère, malgré le coût en temps et moyens, la nécessité de former des experts. 2002 Horner Horner et al. (284) passent en revue les études concernant des interventions sur les comportements-problèmes chez de jeunes enfants avec autisme entre 1996 et 2000. Les règles bibliographiques sont rigoureuses. Les articles retenus satisfont les critères suivants : concerner des enfants avec autisme âgés de moins de 97 mois, utiliser les comportementsproblèmes comme variable dépendante, utiliser un paradigme expérimental permettant d’établir un lien causal entre la réduction des comportements à problème et l’intervention, fournir des données individuelles pour les participants, fournir au moins trois estimations avant intervention et trois estimations après intervention. Neuf articles sont retenus portant sur un total de 24 participants avec autisme âgés de 29 à 96 mois. Le niveau de handicap intellectuel va de faible à sévère. Ces 24 participants donnent lieu à 37 comparaisons. Les problèmes de comportements comportent les colères, l’agression, les stéréotypies, les automutilations (un individu pouvant présenter plusieurs problèmes). Une évaluation fonctionnelle des comportements (identification des variables qui prédisent et maintiennent les comportements-problèmes) a été faite la plupart du temps par interview de la personne qui s’occupe de l’enfant et confirmée par observation directe (dans quelques cas une évaluation complète a été faite). Les procédures d’intervention ne comportaient pas d’intervention pharmacologique ; elles étaient fondées soit sur des stimuli, soit sur des instructions. La plupart des interventions comportaient plusieurs composantes différentes : extinction, renforcement de comportement approprié. Les punitions étaient utilisées dans une partie des interventions. Les interventions avaient lieu à domicile ou à l’école, l’intervenant était un parent ou un enseignant. Les résultats des 37 comparaisons montrent une réduction moyenne de 85 % (σ = 19) des comportements-problèmes (médiane des pourcentages de réduction = 93,2 % ; mode = 100 %). Dans 6 des 9 études (21 des 37 comparaisons), la persistance dans le temps de la réduction des comportements est examinée sur une durée moyenne de 12 semaines (la durée la plus longue est de 1 an, Koegel 1998). Dans tous les cas où la persistance de l’effet est évaluée, HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 229 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées le niveau de réduction des comportements reste dans les 15 % du niveau de réduction initiale obtenu par l’intervention. Concernant les effets de généralisation (persistance des effets de réduction dans des environnements et situations variés), deux des 9 études examinent la question des effets de généralisation (persistance des effets de réduction dans des environnements et situations variés). Ces deux études montrent un effet de généralisation, mais Horner et al. (284) estiment le nombre d’études trop faible pour commenter. À cette revue d’études, Horner et al. (284) ajoutent une revue de revues publiées entre 1996 et 2000. Les conclusions qu’il tire de l’ensemble des données examinées sont les suivantes : les interventions ciblent essentiellement les comportements agressifs, destructifs, les colères ou retraits, les automutilations, les stéréotypies ; les interventions comportementales réduisent les comportements-problèmes, d’après la littérature examinée, de 80 % à 90 % dans 50 % à 60 % des comparaisons calculées ; les interventions qui sont organisées sur la base de l’évaluation fonctionnelle des comportements de chaque enfant semblent plus susceptibles de donner lieu à une réduction significative des comportements-problèmes que les interventions non fondées sur cette évaluation ; l’aide comportementale aux enfants avec autisme doit comporter de façon générale les trois éléments suivants : éviter le développement de comportements-problèmes en minimisant les occasions d’environnements ou événements aversifs, en maximisant la possibilité d’accès aux activités renforçantes et en diminuant la probabilité qu’un comportement-problème puisse être renforçant. Ceci implique que l’enfant soit activement inclus dans un système d’interactions, qu’il ait accès à ses activités et ses récompenses préférées, qu’il puisse prédire l’emploi du temps (en particulier avec des indications visuelles), qu’il ait accès de façon fréquente et régulière à des congénères typiques, qu’il dispose d’un système de communication, identifier les comportements-problèmes et en faire une analyse fonctionnelle (définition opérationnelle, identification des événements prédisant l’occurrence du comportement et ceux qui ne le prédisent pas), mettre au point une intervention en contrôlant les événements qui rendent non pertinent le comportement-cible, enseigner à l’enfant des comportements sociaux qui le rendent plus compétent et produisent le même résultat environnemental que ses comportements-problèmes, organiser les conséquences du comportement de telle sorte d’éviter le renforcement de comportement-problème et d’augmenter le renforcement de comportements appropriés en compétition avec le comportement à réduire ; s’assurer que les procédures à mettre en œuvre sont à la portée des capacités, des ressources et des valeurs de ceux qui doivent les pratiquer ; assurer le recueil et la conservation des données afin d’évaluer l’intervention. ► Évaluation des interventions ciblant la gestion des comportements problème : études cliniques Les études évaluant les interventions ciblant les comportements problèmes sont des études sur de petit nombre de cas et sans groupe contrôle. Trois études non répertoriées dans les revues systématiques ci-dessus ont été identifiées (285-287). Bien que n’entrant pas dans les critères de sélection des études, définis a priori, elles sont brièvement décrites car elles permettent d’illustrer 3 approches différentes. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 230 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2002 Moes – intervention comportementale Moes et Frea (285) (retenue par la revue de Rogers et Vismara 2008 (161) et ne figurant pas dans la revue de Brosnan et Healy 2011 (280)) évaluent une intervention comportementale comportant un entraînement de type Functional Communication Training62 (FCT) en vue de réduire les crises d’agression et celles de retrait chez trois enfants avec autisme (âgés de 3 ans 7 mois) et autisme de haut niveau (3 ans 3 mois). L’entraînement FCT standard est utilisé avant un entraînement FCT spécifiquement adapté à la famille, ses besoins, ses impératifs, ses croyances. Cette adaptation apparaît bénéfique, mais l’étude comporte des limites : il n’y a que 3 participants et de plus l’intervention FCT précède dans les 3 cas l’intervention adaptée, ce qui ne permet pas de savoir si cette dernière, appliquée en premier, aurait eu le même effet bénéfique. 2009 Cale – modification de l’environnement Cale et al. (286) étudient 3 types d’intervention concernant 6 enfants présentant des comportements problèmes différents. Les interventions sont fondées sur une modification de l’environnement et des indices identifiés comme les déclencheurs (ou les causes) du comportement-problème. Chacune des trois études (3 enfants par étude) concerne un type particulier de relation contexte-comportement. Les comportements-problèmes et les contextes de déclenchement sont identifiés et analysés par les parents, l’enseignant en classe et l’expert. Dans un cas, 3 enfants sont sélectionnés qui présentaient tous les trois un comportementproblème quand il (elle) doit opérer une transition d’activité : c'est-à-dire devait quitter une activité donnée dans un lieu pour aller dans une autre session d’activité. Les 3 enfants étaient un enfant de 8 ans avec syndrome d’Asperger et QI total de 110, un enfant de 5 ans avec TED et QI total de 104, un enfant de 5 ans avec TED et QI total de 76. Ces trois enfants fréquentaient une école typique avec une AVS à plein temps. Dans le second cas, 3 enfants présentaient un comportement anormal quand ils (elles) devaient terminer leur activité préférée. Un enfant de 6 ans avec autisme et QI total de 65 ; un enfant de 6 ans avec autisme et QI total de 72 ; un enfant de 7 ans avec autisme et QI total de 53. Le premier enfant du groupe fréquente une école typique avec une AVS à plein temps ; les deux autres enfants sont dans une classe spécialisée avec une AVS à plein temps. Dans le troisième cas, 3 enfants présentent des comportements-problèmes en présence d’un stimulus qui leur fait peur. Il s’agit d’un enfant de 6 ans avec Asperger et QI total de 108 ; un enfant de 7 ans avec TED et QI total de 77 ; un enfant de 8 ans avec syndrome d’Asperger et QI total de 110 qui avait été traité dans le premier groupe pour comportement anormal dans un autre contexte. Les deux derniers enfants fréquentent une école typique avec AVS à plein temps. Le premier enfant est dans une classe d’inclusion avec une AVS à plein temps. Chaque intervention comporte 5 sessions de ligne de base, puis 31 sessions d’intervention. L’intervention est planifiée sur la base des interventions faites au cours des 5 sessions de ligne de base. Elle comporte des représentations visuelles des emplois du temps à différentes échelles de temps, des annonces verbales des changements de contexte ou d’activité, des moyens visuels de compte à rebours des changements de contexte (y compris présence de congénères choisis), des offres au choix, etc. Les plans d’interventions étaient faits par l’expert, qui ensuite entraînait l’intervenant à la procédure à suivre. Les intervenants étaient soit l’AVS, soit l’enseignant lui-même. Les résultats montrent une disparition des comportements-problèmes chez les 9 enfants. Mais on ne connaît pas la durée à long terme de cet effet. Par ailleurs, on ignore également 62 Interventions décrite dans : Durand VM, Merges E. Functional Communication Training. A contemporary Behavior Analytic Intervention for problem behaviours. Focus Autism Other dev Disabil 2001, 16(2) :110-9. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 231 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées le pouvoir de généralisation de cette intervention : généralisation à d’autres stimuli ou contexte ou généralisation des réponses de l’enfant. Goeb 2009 – packing Le packing ne serait utilisé qu’en France. Aucune évaluation méthodologiquement complète n’a été menée. Une étude pilote (287) a été réalisée sur 10 enfants avec autisme de 5 à 16 ans et présentant des troubles graves du comportement à type d’auto et hétéroagressivité, de stéréotypies envahissantes, d’hyperactivité ou d’instabilité psychomotrice grave, rebelles aux traitements médicamenteux. L’échelle Aberrant Behavior Checklist (ABC) évalue les comportements avant et après 3 mois d’enveloppements. Le score total s’améliore de 38 % et le sous-score d’irritabilité de 50 %. L’évaluation est faite par l’équipe qui assure les enveloppements, aucun groupe d’enfants appariés en âge et en types de comportements-problèmes et subissant un traitement comparable, mais différent ne sert de groupe de comparaison ; seuls les scores moyens sont fournis sans les écarts types ni les limites (un test non paramétrique du signe aurait pu facilement être réalisé) ; enfin, on ignore dans quelle mesure les effets se maintiennent. Une étude contrôlée multicentrique est en cours. Cette étude a pour objectif de mesurer l’efficacité à trois mois des techniques de packing dans les troubles graves du comportement des enfants présentant un TED en tant que traitement adjuvant de la prescription de rispéridone (287). Son protocole a été récemment modifié, du fait de la restriction en 2010 de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de la rispéridone suite à une décision de l’Agence européenne du médicament (288). Autres études – packing Suite au premier tour de cotation, d’autres études ont été portées à la connaissance du groupe de pilotage. Il s’agit d’une étude de cas (289) et de deux séries de cas rétrospectives de moins de 10 sujets (290,291). L’étude de cas, concernant un adolescent présentant une catatonie associée à un trouble envahissant du développement de type syndrome désintégratif, ne permet pas de juger de l’effet du packing du fait de traitement médicamenteux modifié conjointement à la mise en œuvre du packing (289). L’une des séries de cas concerne des personnes ayant un diagnostic différent de celui de TED (290). La série de cas la plus récente est une étude rétrospective de 8 cas, dont 4 enfants ou adolescents avec autisme ou TED non spécifiés, âgés de 9 à 15 ans, dont 2 ont d’autres diagnostics associés (troubles des conduites, comportements oppositionnels). Ces enfants/adolescents, tous hospitalisés, présentent des épisodes d’auto ou hétéroagressivité plusieurs fois par semaine. Une analyse statistique par modèle de régression linéaire met en évidence un effet significatif du packing après ajustement sur le temps d’une part (p = 0,002) et sur l’utilisation de médicaments antipsychotiques atypiques d’autre part (p < 0,001). Le score d’agressivité, calculé sur une échelle de 0 à 6/jour pendant 7 jours consécutifs passe en moyenne de 16,4 (min 11 à max 29) à 8,1 (min/max : 3 à 20) après 17 séances de packing en moyenne (min/max : 3 à 19) sur une durée de 3 à 19 semaines. ► Conclusions relatives aux études d’évaluation des interventions sur les comportements-problèmes. L’évaluation fonctionnelle des comportements-problèmes (292), et l’élaboration d’un programme comportemental sur la base de cette analyse précise semblent être efficaces, qu’il s’agisse d’enfant avec autisme et retard mental ou avec syndrome d’Asperger, qu’il s’agisse d’enfants jeunes ou adolescents. L’analyse fonctionnelle requiert une manipulation des variables de situation afin de s’assurer de leur caractère déterminant dans le comportement ciblé. Cette analyse et l’élaboration de l’intervention correspondante requièrent des experts. On ne dispose cependant pas encore de données claires sur le maintien à long terme de ces effets. Par ailleurs, certains enfants (ou certains comportements-problèmes ?) semblent tirer un moindre profit ou un profit moins rapide des interventions que d’autres. On ne sait pas dans quelle mesure ces différences sont liées aux HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 232 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées techniques utilisées ou à la spécificité du profil des personnes avec autisme ou des comportements-problèmes eux-mêmes. Dans l’état actuel de nos connaissances, on ignore si les cas pour lesquels on a eu recours en France au packing sont des cas qui auraient été rebelles au traitement comportemental si on les avait traités plus précocement par ce moyen. Le packing n’a pas fait l’objet d’évaluation de son efficacité par des études contrôlées. Des études de cas pour des indications exceptionnelles ont été très récemment publiées ; ces dernières ne permettent pas de généraliser les résultats observés à une population plus large. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail De nombreuses pratiques, bien que non évaluées, visent la prévention des comportements problèmes. Le groupe de pilotage a donc fait des propositions qui ont été pour la plupart retenues après la phase de cotation et de lecture (cf. la section « Recommandations » cidessous). Le recours aux lieux de calme-retrait, d’apaisement ou de chambre d’isolement ne constitue pas une pratique généralisée dans les différentes structures collectives accueillant des enfants/adolescents avec TED. Il ne semble pas exister de consensus sur l’opportunité de la généraliser. Lorsque ces lieux existent, ils répondent à deux besoins : un besoin de l’enfant/adolescent de trouver un lieu où s’isoler dans un environnement où ils sont en permanence en collectivité ; un besoin pour les équipes de proposer un lieu permettant de provoquer une rupture ayant pour finalité d’éviter une mise en danger de l’intégrité de l’enfant/adolescent ou d’autrui, une destruction d’objet, etc. Dès lors que ces lieux existent, les membres du groupe de pilotage considèrent nécessaire que les recommandations de l’Anesm soient appliquées (2). Le recours à ces lieux doit donc : rester une procédure d’exception, dont la finalité doit être définie et qui est inscrite comme ses indications dans le projet d’établissement ou de service ; faire l’objet d’une réflexion éthique collective ; respecter une procédure d’utilisation et des protocoles personnalisés, compatibles avec la sécurité et le respect de la dignité des personnes ; dont les règles d’utilisation doivent être accessibles aux personnes avec TED, à l’aide de supports de communication adaptés à leurs capacités ; dont la mise en œuvre fait l’objet d’une information à la famille ; dont le protocole personnalisé est joint au projet personnalisé. La mise en « isolement » est une pratique que de nombreuses personnes, ayant répondu à la phase de lecture à des pratiques, considèrent comme inappropriée, voire maltraitante. Seul le terme « lieux de calme-retrait » a été maintenu, et le caractère exceptionnel de son utilisation a été rappelé. Concernant le packing, le groupe de pilotage a estimé nécessaire de proposer au groupe de cotation de se positionner sur le caractère approprié ou non de cette pratique, proposée par certaines équipes sanitaires ou médico-sociales françaises, et fortement critiquée par certaines associations de parents d’enfants avec TED et la communauté internationale d’experts (11). Au cours du débat, aucun participant n’a proposé que le packing soit recommandé ; les points de vue suivants se sont exprimés et ont abouti à la formulation de 3 propositions soumises au groupe de cotation. Une quatrième proposition a été proposée au second tour de cotation pour prendre en compte les dernières publications transmises lors de la réunion de cotation : certains participants soulignent la nécessité de retenir une proposition identique à celle utilisée pour les autres pratiques, sans preuve de leur efficacité et non recommandées, car jugées inappropriées au vu de l’expérience clinique : ex. « cette intervention n’a pas HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 233 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées fait preuve de son efficacité et ne peut être recommandé » ; pour ces experts, il n’y a pas lieu de faire référence à la recherche clinique spécifiquement pour le packing, alors que la question de la rigueur du contrôle méthodologique de la recherche clinique est valable pour toutes les pratiques non évaluée ; certains participants souhaitent que la proposition prenne en compte le contexte particulier dans lequel la question du packing est débattue en France, plusieurs membres du groupe jugeant opportun de rappeler les questions éthiques que soulèvent le packing, en particulier le droit à la dignité de l’enfant. Ne pas rappeler les droits fondamentaux de l’enfant serait très mal compris par les associations de parents ; ainsi, chaque proposition formulée au groupe de cotation précise « En l’état actuel des connaissances et du fait des questions éthiques soulevées par cette pratique non évaluée, etc. ; certains participants signalent que la proposition formulée « le packing ne peut être recommandé comme intervention sur les comportements problèmes » sous-entend que le packing pourrait être recommandé dans un autre objectif que la réduction de comportements problèmes, ce qui leur paraît tout à fait inapproprié ; certains participants du groupe de cotation souhaitent que soit laissée ouverte la possibilité d’un recours exceptionnel et ultime au packing lorsque l’enfant/adolescent se trouve en impasse thérapeutique après échec des autres interventions éducatives et thérapeutiques, dans de très rares indications (épisodes d’automutilation ou d’hétéroagressivité plurihebdomadaires ou catatonie). Dans ce cas, l’utilisation de cette pratique comme traitement adjuvant intégré dans une approche multidimensionnelle thérapeutique, éducative et pédagogique doit se conformer strictement aux situations cliniques et aux conditions de prescription et de réalisation fixées par le Haut Conseil de la santé publique en 2010 (HCSP) (10,293). Ce rapport rappelle que l’existence de risques psychiques n’est pas exclue, et doit être prise en compte dans l'analyse bénéfice-risque de cette pratique qui nécessite une prescription médicale. Il décrit le caractère exceptionnel du recours à cette pratique, et établit des critères stricts de réalisation et de surveillance qui doivent être consultés dans leur intégralité63. d’autres participants signalent que ce recours ultime dans certaines situations exceptionnelles n’a rien à voir avec ce qui est observé en 2011 dans certains établissements en France où la pratique du packing se développe sans respect des conditions définies par le HCSP et est beaucoup plus extensive et systématique, ce qui n’est pas fondé ; enfin, de nombreux avis recueillis au cours de la consultation publique considèrent cette pratique inappropriée, voire maltraitante et souhaitent la voir interdite. Quelques avis professionnels sont en faveur d’une utilisation exceptionnelle encadrée selon les conditions définies par le HCSP. En conclusion, les avis des experts du groupe de cotation et du groupe de lecture restent extrêmement divergents à l’issue du processus de consensus formalisé sur le recours possible au packing. Les données cliniques ne permettent pas de juger de son efficacité ni de sa sécurité. Il est finalement proposé au cours de la dernière réunion plénière de travail, regroupant groupe de pilotage et de cotation, de strictement limiter l’utilisation de cette pratique, en l’interdisant en dehors des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique. L’Anesm et la HAS ont souhaité affirmer leur opposition formelle à l’utilisation de cette pratique, et ont ainsi restreint son utilisation au domaine de la recherche clinique et dans le strict respect de la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique. 63 Avis disponible sur : HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 234 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Prévention, accompagnement et traitement des comportements problèmes, dont les troubles du comportement alimentaire et l’hyperactivité Pour tout enfant/adolescent avec TED, tout projet personnalisé, quel que soit le cadre dans lequel il s’effectue, doit comporter des actions visant la prévention et, le cas échéant, la réduction ou la gestion des comportements problèmes. Parmi les interventions proposées pour prévenir l’apparition de comportements problèmes, sont recommandées : la mise en place de système de communication augmentée ou alternative cohérent dans les différents lieux de vie de l’enfant/adolescent, lorsque celui-ci ne s’exprime pas ou peu oralement (grade C) ; l'adaptation de l'environnement (ex. : structuration spatio-temporelle, environnement sonore et lumineux, etc.) ; une anticipation des situations entraînant habituellement un comportement problème. Toute particularité de comportement ne nécessite pas systématiquement d’intervention spécifique visant à la réduire. En cas de troubles du comportement, il est recommandé de rechercher, en collaboration avec les parents et l’entourage de l’enfant/adolescent : des comorbidités somatiques ou des phénomènes douloureux avec l’utilisation d’une échelle d’hétéroévaluation de la douleur ; et les contextes d’apparition des comportements problèmes et leur fonction, afin de déterminer, par une évaluation fonctionnelle, les facteurs qui déclenchent ces troubles ou les maintiennent, voire les renforcent. En cas de troubles du comportement nécessitant une intervention éducative spécifique ou un traitement médicamenteux, ceux-ci peuvent être débutés parallèlement aux investigations médicales à la recherche de causes somatiques, mais ne doivent pas s’y substituer. En cas de comportement problème (gêne notable, intense, répétée, durable ou qui présente un danger pour l’enfant/adolescent ainsi que pour son environnement et qui compromet ses apprentissages, son adaptation et son intégration sociales), il est recommandé de promouvoir l’apprentissage de comportements adaptés par des techniques psychologiques ou éducatives appropriées. Parmi les interventions proposées pour favoriser l’apprentissage de comportements adaptés en vue de réduire la fréquence ou l’intensité de comportements problèmes sont recommandés : les techniques psycho-éducatives comportementales (grade C) ; toute intervention qui obtient cet apprentissage par la valorisation de l’enfant/adolescent ; certains traitements médicamenteux (cf. § 4.4), en association avec les stratégies non médicamenteuses citées ci-dessus. Le recours aux lieux de calme-retrait ou d’apaisement doit rester une procédure d’exception. En aucun cas ces lieux ne peuvent s’apparenter à des lieux d’isolement où serait enfermé l’enfant. Dans les cas où des équipes ont recours à ces lieux de calme-retrait ou d’apaisement, il est recommandé que leur utilisation soit encadrée par une procédure compatible avec la continuité de l’accompagnement de l’enfant et avec la sécurité et le respect de la dignité des personnes. En cas d’automutilation, le port de protections spécifiques peut être envisagé (ex. : casque). En l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité, du fait des questions éthiques soulevées par cette pratique et de l’indécision des experts en raison d’une extrême divergence de leurs avis, il n’est pas possible de conclure à la pertinence d’éventuelles indications des enveloppements corporels humides (dits packing), même restreintes à un recours ultime et exceptionnel. En dehors de protocoles de recherche autorisés respectant la HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 235 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 64, la HAS et l’Anesm sont formellement opposées à l’utilisation de cette pratique. 5.4.4 Évaluation des interventions ciblant les fonctions sensorielles et motrices ► Recommandations de bonne pratique Les enfants et les jeunes personnes avec TED peuvent bénéficier d’ergothérapie pour des indications génériques, telles que fournir des conseils et une aide pour adapter l’environnement, les activités et les habitudes dans la vie quotidienne (meilleure pratique recommandée sur la base de l’expérience clinique) (60). Les interventions pour lesquelles il n’y a pas de preuve de l’effficacité et qui ne sont pas recommandées chez les enfants/adolescents avec TED sont les suivantes : le massage (72) ; l’utilisation de lunettes d’Irlen (72) ; l’ostéopathie crânienne (72) ; les thérapies assistées d’animaux (72) ; l’entraînement à l’intégration auditive (60). Les interventions pour lesquelles les données sont jugées insuffisantes pour élaborer des recommandations pour les enfants/adolescents avec TED, l’opinion des rédacteurs des recommandations étant qu’il est peu probable que ces agents soient utiles sont : la musicothérapie (60) ; l’entraînement à l’intégration auditive et l’intégration sensorielle (76). ► Revues systématiques évaluant les études relatives à l’intégration auditive ou sensorielle Sinha 2006 Sinha et al. (294) procèdent à une revue de la littérature jusqu’en 2007 des interventions sur la thérapie par l’intégration auditive (TIA) chez les personnes avec autisme (incluant les méthodes de Berard, Tomatis, Samonas). Au total, 278 études sont examinées (sans restriction sur la langue du texte, mais tous les articles retenus étaient en anglais). Deux dent soixante-quatre de ces publications se révèlent non pertinentes pour la revue. Quatorze sont retenues, dont 10 exclues, car elles ne comportaient pas d’intervention avec des sons ou/et ne concernaient pas les personnes avec autisme ou n’étaient pas des essais randomisés ou contrôlés. Aux 4 études restantes sont ajoutées deux études non publiées. Cinq études comparent des groupes en parallèle et une étude utilise un plan croisé avec une période de 4 mois d’intervalles entre les deux phases. Aucune étude ne concernait les interventions Tomatis ou Samonas. La procédure d’attribution des participants est incorrecte d’après les normes de Cochrane (Clarke 2003) pour toutes les études. En revanche, les évaluateurs sont aveugles au statut des participants dans toutes les études. La période de traitement durait 10 jours consécutifs avec 2 sessions de 30 minutes par jour pour toutes les études. Les fonctions de transformations des sons destinés aux groupes expérimentaux varient entre étude, mais tous les groupes contrôles reçoivent de la musique non transformée. Résultats : les données sur les comportements-problèmes figurent dans 5 des 6 études, mais deux seulement utilisent correctement les données du test utilisé (Aberrant Behavior Checklist (ABC), Aman 2003 Une étude randomisée, avec des évaluateurs aveugles au statut des enfants (Bettison 1996), comporte 80 participants avec autisme ou Asperger âgés de 3 à 17 ans. Les résultats 64 Ces conditions sont consultables sur le site du (http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspa20100202_packing.pdf). HCSP via le lien suivant HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 236 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées montrent : (i) une amélioration équivalente dans les deux groupes expérimental et contrôle à la liste Autism Behavior Checklist (Krug 1980) remplie par les parents et interprétée pas les professionnels, (ii) une amélioration équivalente dans les deux groupes expérimental et contrôle dans les compétences cognitives à la Leiter International Performance Scale (Leiter 1980) 6 et 12 mois après l’intervention, (iii) une amélioration équivalente dans les deux groupes expérimental et contrôle à un questionnaire de sensibilité au son, (iv) le rapport des parents sur les événements adverses ne rapporte que quelques plaintes physiques mineures. Une autre étude randomisée, avec 30 participants de 7 à 24 ans qui, après renseignements pris par les auteurs de la revue, Sinha et al. auraient tous reçu un diagnostic d’autisme. Les évaluations ont lieu à plusieurs reprises une semaine à 9 mois après intervention ; elles sont aveugles au statut des participants. Aucune modification du seuil de tolérance à l’intensité du son n’est observée. Une légère amélioration équivalente dans les deux groupes expérimental et contrôle est observée aux différentes échelles (correctement utilisées) de l’Aberrant Behavior Checklist (ABC). L’étude de Mudford 2000, avec croisement des groupes, sur 16 enfants de 5 à 14 ans avec autisme (DSM-IV ou CIM-10), rapporte une absence d’effet pour le langage (échelles de Reynell), les comportements au VABS, les compétences cognitives, et la liste de comportement aberrants ABC. Deux études publiées et une troisième non publiée (toutes trois ont des évaluateurs aveugles au statut des enfants) comportent des participants avec autisme : Edelson 1999, n = 18, 4Ŕ39 ans ; Rimland 1995, n = 17, 4Ŕ21 an ; Veale 1993, n = 10, 6Ŕ10 ans. Seule l’étude de Rimland 1995 utilise correctement les scores de la liste de l’Aberrant Behavior Checklist (ABC), et note une amélioration du score de ce test 3 mois après l’intervention dans le groupe avec intervention, sans modification de sensibilité au son dans aucun des deux groupes. Ces études ne permettent pas d’analyser les résultats en fonction de l’âge des participants. On ne peut donc savoir si ce type d’intervention qui est supposé modifier, entre autre, l’attention auditive, accélère ou facilite le développement de l’attention à la parole et la compréhension du langage chez les enfants jeunes En résumé : les auteurs concluent que les résultats de leur revue n’indiquent pas de bénéfices liés à l’intervention (en ce qui concerne les effets de l’intervention du type Berard (1993) qui était seule évaluée correctement. 2011 Agency for Healthcare Research and Quality Concernant l’intégration sensorielle, la revue systématique réalisée par l’AHRQ (184) a retenu sept articles (pour 5 études), dont un essai randomisé (Fazlioglu 2008) qualifié de méthodologiquement « pauvre » et une série de cas prospective (Jung 2006a et b). Les auteurs concluent qu’on observe des effets dans les problèmes sensoriels des enfants traités, mais que les études sont de faible qualité. La force de preuve des effets est jugée insuffisante. Concernant l’intégration auditive, la revue systématique réalisée par l’AHRQ (184) a retenu deux essais randomisés qualifiés de « bons ». L’un des essais signale des événements indésirables (Mudford 2000). Le second essai (Corbett 2008) compare la méthode Tomatis avec un placebo. Les deux essais montrent une absence d’effet des interventions expérimentales sur le langage ou sur les capacités cognitives ou adaptatives. Les interventions de médecines alternatives ou complémentaires incluent l’acupuncture et les massages. Deux essais randomisés, l’un qualifié de correct, l’autre de faible, examinent une intervention par acupuncture et recherchent des effets sur le langage ; mais ils utilisent des outils de mesure non validés, et ne signalent pas avoir vérifié l’existence d’événements indésirables (Allam 2008 ; Chan 2009). Les études des interventions par massage retenues comportent 4 essais randomisés (un correct et 3 faibles : Silva 2007, Silva 2009, Piravej HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 237 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2009, Chandarasiri 2009). Les études sont de faible qualité. La force de preuve des effets est jugée insuffisante. Ces conclusions sont confirmées par les revues de Lee et al. (295) et Cheuck et al. (296). ► Conclusions relatives aux études d’évaluation de l’efficacité des interventions ciblant les fonctions sensorielles et motrices L’entraînement à l’intégration auditive n’a pas fait preuve de son efficacité, et les deux études contrôlées randomisées ne mettent pas en évidence d’efficacité. Les données scientifiques ne permettent pas de juger de l’efficacité ou de la sécurité de la psychomotricité, de l’ergothérapie, des techniques d’intégration sensorielle et du massage, de la musicothérapie ou des thérapies assistées par des animaux. L’utilisation sans surveillance de couvertures lestées a conduit au décès d’un enfant avec TED au Canada (297,298). ► Avis complémentaire des membres du groupe de travail Concernant l’intégration auditive, le groupe de pilotage et les membres consultés confirment qu’elle n’a pas sa place dans les interventions à proposer aux enfants/adolescents avec TED. Concernant les techniques d’intégration sensorielle, les avis sont plus partagés. D’un côté, l’expérience clinique de plusieurs professionnels atteste que certaines pratiques mises en œuvre par les ergothérapeutes et les psychomotriciens permettent la rééducation des troubles moteurs (globaux, fins, praxiques ou toniques) identifiés par l'évaluation, le développement des capacités relationnelles, le développement des actions motrices sur l'environnement, avec, si nécessaire, un réaménagement de celui-ci (perspectives ergonomiques) et la mise en place d'un environnement sensoriel adapté (éviter les surstimulations ou au contraire favoriser des stimulations suffisantes, par exemple au niveau du bruit ou au niveau tactile). Dans les cas où une hypersensibilité importante existe, un travail d'atténuation ou de modulation de cette sensorialité exacerbée peut être proposé dans la mesure où les évaluations successives mettent en évidence un bénéfice individuel pour l’enfant/adolescent. Certains petits appareils peuvent également être proposés pour limiter les conséquences négatives de certaines particularités sensorielles, comme les obturateurs à évents lorsqu’une hyperacousie a été mise en évidence et documentée dans la phase d’évaluation. Si des études tendent à montrer les particularités du traitement des signaux sonores chez les personnes avec autisme infantile comparativement aux personnes typiques (299), aucune étude cependant n’a étudié l’efficacité des obturateurs. Par ailleurs, l’expertise des personnes adultes avec TED ayant un haut niveau de fonctionnement cognitif est jugée utile par certains professionnels pour accompagner les enfants/adolescents, notamment dans le domaine sensoriel. Leur expertise est utile pour tous les enfants présentant des TED, y compris ceux présentant des déficiences importantes. De l’autre côté, les techniques dites « d’intégration sensorielle » recouvrent des techniques diverses, souvent utilisées sans bases théoriques et pratiques très étayées, et font partie des pratiques pour lesquelles se développe un marché des formations lucratives alors que l’efficacité de ces pratiques n’est pas démontrée, amenant le groupe de pilotage à rester prudent et à limiter ces interventions à certains enfants avec TED, lorsque l’évaluation initiale met en évidence objectivement des particularités sensorielles et que le suivi des interventions montre une efficacité individuelle. Concernant les pratiques aquatiques, les séances avec des animaux (ex. : équitation) ou les séances avec médiation artistique, certains membres du groupe de pilotage ont exprimé que ces activités peuvent être proposées par des professionnels, afin d’aider l’enfant à accéder aux dimensions culturelles et sportives utiles à l’éducation de tout enfant ; elles sont parfois HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 238 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées intégrées dans un projet d’intervention personnalisé et coordonné pour viser de manière ludique l’amélioration du développement d’une fonction donnée (ex. : équilibre, généralisation de la fonction de communication, atténuation de particularité sensorielle, etc.) ; les objectifs fonctionnels nécessitent d’être explicités. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Domaine sensoriel et moteur Lorsque l’enfant/adolescent avec TED présente des troubles visuels ou auditifs confirmés par les examens ophtalmologiques ou oto-rhino-laryngologiques, celui-ci doit bénéficier des traitements appropriés recommandés pour tout enfant/adolescent (ex. prescription de lunettes, rééducation orthoptique de troubles neuro-visuels, etc). Les pratiques dites « d’intégration sensorielle », très diverses, n’ont pas fait preuve de leur efficacité au vu des données publiées ; cependant, pour certains enfants/adolescents avec TED dont les évaluations du fonctionnement montrent des particularités sensorielles ou motrices, les pratiques ci-dessous peuvent apporter des bénéfices en termes d’attention, de réduction du stress ou de comportements inadaptés aux stimulations sensorielles (accord d’experts). En cas de troubles praxiques, posturaux, toniques, ou gnosiques interférant avec leurs activités quotidiennes (habillage, alimentation, loisirs) ou leurs apprentissages scolaires (écriture, lecture), la psychomotricité et l'ergothérapie peuvent être proposées, parfois de façon combinée, pour favoriser le développement de la motricité et des praxies et proposer des aménagements de l'environnement permettant d’éviter les sur-stimulations ou au contraire favoriser des stimulations suffisantes, par exemple au niveau du bruit, de la lumière, ou au niveau tactile (perspectives ergonomiques) (accord d’experts). Dans les cas où une hypersensibilité importante existe, un travail d'atténuation ou de modulation de cette sensorialité exacerbée peut être proposé, ainsi qu’un aménagement de l’environnement pour agir sur les stimulations sensorielles gênantes (lumière, bruit, etc.). Dans les cas où une hyperacousie est mise en évidence et entraîne une souffrance chez l’enfant/adolescent, des filtres auditifs peuvent être proposés pour limiter les effets négatifs de l’hyperacousie sur la concentration de l’enfant/adolescent. Les pratiques dites « d’intégration auditive », dont la méthode Tomatis, ont fait preuve de leur absence d’effets ; elles ne sont pas recommandées pour les enfants/adolescents avec TED (grade B). Les activités physiques et sportives, les activités musicales et les activités réalisées avec les animaux ne peuvent être considérées, en l’état des connaissances, comme thérapeutiques mais constituent des pratiques qui peuvent participer à l’épanouissement personnel et social de certains enfants/adolescents avec TED, selon leurs centres d’intérêt, s’ils bénéficient d’un accompagnement spécifique (accord d’experts). 5.4.5 Évaluation des interventions ciblant les troubles du comportement alimentaire ► Recommandations de bonne pratique Des conseils concernant l’alimentation et les régimes doivent être demandés pour les enfants et les jeunes personnes avec autisme qui manifestent une sélectivité alimentaire marquée et un comportement alimentaire dysfonctionnel, ou qui sont sous des régimes stricts qui peuvent avoir un impact défavorable sur la croissance ou être à l’origine de symptômes de déficience nutritionnelle ou d’intolérance (60). Les symptômes gastro-intestinaux doivent être pris en charge chez les enfants et les jeunes personnes avec TED, de la même façon que chez les enfants et les jeunes personnes sans TSA (60,79). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 239 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Revues systématiques Aucune revue systématique relative aux études évaluant l’efficacité des interventions spécifiques visant à améliorer les troubles du comportement alimentaire chez l’enfant/adolescent avec TED n’a été identifiée. Une revue générale, ne précisant pas les critères de sélection des articles retenus, a été identifiée (300). Cette revue, centrée sur l’évaluation et le traitement des troubles du comportement alimentaire et des troubles du sommeil n’a identifié que des études de cas. ► Études cliniques Aucune étude contrôlée n’a été identifiée. Deux études de cas postérieures à 2000, publiées par la même équipe, présentent l’évolution d’1 à 3 enfants avec TED avant et après intervention comportementale (301,302). Ces études ne permettent pas de conclure formellement quant à l’efficacité ou non de ces interventions comportementales. ► Avis complémentaire des membres du groupe de travail Les membres du groupe de pilotage considèrent qu’il n’y a pas lieu de mettre en place d’interventions spécifiques, en dehors des rares cas où la sélectivité alimentaire est marquée et entraîne des conséquences défavorables sur la croissance ou sont à l’origine de symptômes de déficience nutritionnelle ou d’intolérance avérées. 5.4.6 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’enfants/adolescents avec un haut niveau de fonctionnement ou avec syndrome d’Asperger ► Recommandations de bonne pratique Aucune recommandation de bonne pratique n’a formulé de recommandation spécifique pour les enfants/adolescent avec autisme et haut niveau de fonctionnement ou avec syndrome d’Asperger. ► Revues systématiques de littérature 2010 Kasari et Lawton Kasari et Lawton 2010 (178) dans la section « Interventions sur les déficits sociaux » de leur revue des publications entre 2008 et 2009, sélectionnent les interventions comportementales chez des enfants avec diagnostic d’autisme sans autre anomalies du développement. Les auteurs signalent que plus de la moitié des études (39 sur 68) visent l’amélioration des déficits sociaux. Dans la majorité des études, les enfants concernés sont des enfants d’école élémentaire ou plus ; la plupart concernent des enfants avec haut fonctionnement ou des enfants avec syndrome d’Asperger (pour les jeunes enfants avec retard de développement, (cf. la section 3.2.2). Les interventions visent la reconnaissance des émotions et des affects et/ou les capacités de conversation, et/ou la théorie de l’esprit et/ou les conduites de réponse à l’agression ou à la provocation. Beaucoup d’interventions se font par groupe, et rapportent des améliorations dans ces compétences sociales liées aux interventions. Sur les 25 études prises en considération concernant des enfants d’âge d’école élémentaire ou plus, deux ont reçu la note de « méthodologiquement forte » par l’Evaluative Method for Determining Evidence Based Practice in Autism (193) : Feng 2008, dont l’intervention vise la reconnaissance des émotions et des affects, les capacités de conversation et la théorie de l’esprit et *Lopata 2008 (cf. résumé ci-dessous). Les autres études (qu’il s’agisse de groupes ou des cas uniques) sont classées adéquates ou faibles Kasari et Lawton 2010 (178) sélectionnent 5 publications provenant de trois groupes de recherche sur une intervention cognitive-comportementale visant la réduction de l’anxiété chez des enfants avec autisme de haut niveau ou avec syndrome d’Asperger. Les trois groupes de recherche publient des résultats montrant une réduction significative des HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 240 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées symptômes d’anxiété chez ces enfants soulignée dans le rapport par les parents. (Reaven 2009, Sze 2008, White 2009, Wood 2009a-b). Les deux dernières études par Wood et al. sont évaluées « méthodologiquement fortes » par l’Evaluative Method for Determining Evidence Based Practice in Autism (193). Dans l’essai randomisé de Wood 2009a, 80 % des enfants montrent une amélioration significative de l’anxiété (échelle d’impression globale), et 65 % ne présentent plus les critères pour un diagnostic de troubles anxieux. En ce qui concerne la question de l’anxiété chez les adolescents, une étude pilote sur 4 adolescents rapportent une réduction significative des symptômes anxieux chez 3 des 4 participants (Wood 2009b). 2010 Reichow et Volkmar Concernant les enfants d’âge scolaire, cette revue systématique a été décrite plus haut (cf. § 5.4.1). Concernant les adolescents et adultes, Reichow et Volkmar retiennent trois études, au nombre total de 36 individus, de fonctionnement cognitif moyen ou élevé (267). Les interventions sont menées par des personnes autres que les parents, et à l’aide d’ordinateurs. Deux études sont fondées sur des techniques ABA, une étude utilise des modèles fournis par vidéo. Les sessions ont une durée d’au moins 15 minutes. La durée totale va de 4 à 15 semaines. Deux études sont des études de cas (Lee 2006, McDonnald 2003). La troisième étude est un essai randomisé classé « fort » sur 32 personnes (Golan 2006). L’essai cible la reconnaissance des expressions émotionnelles complexes faciales et vocales (cf. résumé plus bas dans la section « Études cliniques »). Les résultats montrent une amélioration significative des compétences sociales. Mais rien ne permet de d’affirmer qu’un mode d’intervention est plus efficace qu’un autre parmi les divers modes d’intervention évalués. 2010 Karkhaneh Karkhaneh et al. (303) rapportent les interventions par « histoires sociales ». Ils résument d’abord 3 revues de la littérature qui portent sur 22 études dont 7 sont communes aux 3 revues : 2004 Sansosti et al. (304) ne donnent pas les règles suivies pour faire la bibliographie. Les études citées sont publiées entre 1995 et 2002. Ces 8 études sont des études de cas. Elles rapportent toutes des résultats positifs concernant les histoires sociales pour différents comportements. Mais les auteurs de la revue notent qu’elles ont toutes des faiblesses méthodologiques trop importantes pour qu’on puisse conclure ; 2006 Reynhout et Carter (305) passent en revue les études jusqu’en 2003. Si leurs règles bibliographiques sont clairement expliquées, les critères méthodologiques de sélections des études ne sont pas énoncés. Sur les 16 études retenues, 12 sont des études de cas. Les auteurs de la revue signalent de nombreuses faiblesses méthodologiques, et concluent que les effets des histoires sociales sont très variables et les résultats peu fiables ; 2006 Ali et Frederikson (306). Les règles bibliographiques ne sont pas totalement décrites. Seize études publiées entre 1994 et 2004 sont sélectionnées. Comme les revues précédentes, les résultats de ces études sont positifs. Les auteurs mentionnent aussi des faiblesses méthodologiques. Karkhaneh et al. (303) ajoutent une nouvelle revue à ces revues des interventions par histoires sociales, en utilisant des règles bibliographiques rigoureuses pour extraire des études jusqu’en 2007. Les études sont retenues si elles sont en anglais, s’il s’agit d’essais randomisés avec contrôle, ou d’essais cliniques avec contrôle, si les participants sont des enfants avec autisme et si l’essai évalue les effets d’histoires sociales par comparaison avec n’importe quelle autre intervention sur des enfants avec autisme. Deux experts jugent indépendamment si les études extraites satisfont les critères méthodologiques prédéfinis. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 241 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Quatre essais randomisés (Andrews 2004, Bader 2006, Fainberg 2002, Quirmbach 200665) et deux essais cliniques (Ricciardelli 2006, Romano 2002) avec groupe contrôle, publiés entre 2002 et 2006 sont retenus. Il s’agit uniquement de thèses soutenues aux États-Unis et non publiées dans un journal scientifique. Les participants (135 au total) ont de 4 à 14 ans (âge médian : 120 mois). Les 4 études randomisées concernent des enfants entre 6 et 14 ans, avec un niveau verbal supérieur ou égal à la maternelle et la capacité de lire des mots écrits. La durée d’intervention va de 1 jour (Fainberg 2002) à 6 semaines (Romano, 2002), l’intensité de l’intervention va de deux histoires sociales dans une seule session à 10 histoires/jour pendant 30 jours consécutifs. Les groupes contrôles sont constitués par des enfants en scolarisation normale, ou sans intervention, ou intervention avec usage d’une histoire sociale non pertinente pour le comportement ciblé, ou des histoires classiques. Cinq des six essais rapportent des résultats significativement en faveur des histoires sociales dans le groupe traité par rapport au groupe non traité, dans le court terme. L’amélioration concerne les habiletés de jeu, la compréhension des histoires, la généralisation de la compréhension sociale, la dénomination et la compréhension des expressions faciales émotionnelles, les compétences sociales et de communication. Le seul essai qui n’a pas de résultats positifs est un essai où les histoires sociales constituaient une intervention additionnelle dans le cadre d’un curriculum bien structuré. Cet additif n’a pas eu d’effet. En résumé, l’effet positif à court terme des histoires sociales peut être considéré comme attesté pour modifier des comportements ciblés par les histoires chez des enfants avec autisme de haut fonctionnement cognitif. Le maintien de ces effets, à plus long terme et dans des contextes plus variés et moins contrôlés, reste à démontrer. 2008 Rao Rao et al. (307) font une revue des interventions prosociales. Ils ont une stratégie bibliographique non totalement décrite sur la période antérieure à février 2007. Dix études sont extraites, dont 7 publiées à partir de 2000. Trois des 10 études sont des études de cas (Barry 2003, Sansosti 2006, Webb 2004) ; 3 sont des essais sans groupe contrôle, mais utilisant des tests standardisés (Barnhill 2002 ; Bauminger 2002 ; Tse 2007) ; une étude compare un groupe avec intervention et un groupe contrôle (Solomon 2004). Quatre études n’entraînent pas directement la généralisation des acquis. L’étude de Webb 2004 concerne 10 enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif, âgés entre 12 et 17 ans. L’intervention est un programme commercialisé utilisant des jeux, exercices et jeux de rôle pour améliorer divers comportements sociaux. Les résultats de l’entraînement sont positifs, sauf à l’échelle de Social Skills Rating System (échelle standardisée remplie par les parents et par les enseignants) dont les scores ne sont pas modifiés. Ceci suggère une absence de généralisation des acquis à des situations différentes de celles qui sont entraînées. Le fait que les évaluations ne soient pas faites en aveugle constitue une faiblesse notable de l’étude. L’étude de Sansosti 2006 utilise des histoires sociales pour 3 enfants avec Asperger âgé de 9 à 11 ans. Les histoires sont définies spécifiquement pour chaque enfant après interviews des parents et des enseignants. On note une augmentation des comportements positifs ciblés chez deux des 3 enfants. Mais rien n’est dit de la généralisation. Les évaluateurs étaient aveugles à l’étude. Tse 2007 évaluent une intervention par groupes de 7 à 8 enfants avec interactions interindividuelles, pour 46 adolescents avec autisme de haut niveaude fonctionnement cognitif ou avec Asperger, âgés de 13 à 18 ans. L’échelle Social Responsiveness Scale (Constantino et al, 2000), la Aberrant Behavior Checklist (ABC, Aman 1985 et la Nisonger Child Behavior Rating Form (N-CBRF), Aman 1996) montrent une amélioration significative après intervention des évaluations parentales concernant les compétences sociales et les 65 Se référer à la revue systématique pour connaître les références précises des études non décrites dans cet argumentaire. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 242 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées comportements problèmes. Malheureusement l’étude ne comporte aucun groupe contrôle, ni autre moyen de conclure que les améliorations sont liées à l’intervention. Dans l’étude de Solomon 2004, 18 enfants avec autisme ou autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif ou avec spectre d’autisme non spécifié, âgés de 8 à 12 ans, avec un QI ≥75 au WISC ou WASI, et ayant réussi l’épreuve de premier niveau de théorie de l’esprit. Les enfants sont appariés par l’âge et le QI, et randomisés entre un entraînement social de 20 semaines et une liste d’attente. L’intervention comporte aussi une formation des parents. Neuf enfants sur neuf du groupe intervention ont progressé significativement plus en reconnaissance des expressions émotionnelles d’enfants et d’adultes (DANVA-2-AF et CF, test standardisé) que les enfants en liste d’attente qui tendent à régresser. Les mesures de résolution de problème de la vie quotidienne impliquant à la fois des fonctions exécutives et l’interprétation de situations (TOPS - Elementary Revised (Zachman 1994) montrent une amélioration significative après intervention dans le groupe avec intervention par rapport au groupe contrôle, mais cette amélioration est essentiellement lié au seul enfant avec spectre d’autisme non spécifié (groupe intervention) qui présente une forte amélioration. Les mesures de théorie de l’esprit et de détection de « faux pas », ne montrent pas d’amélioration significative ou une amélioration analogue dans les deux groupes. En résumé, ces quatre études ont des résultats limités à certains domaines de compétences sociales. Un autre groupe d’études retenues par Rao et al. entraîne explicitement la généralisation des acquis. Barnhill 2002 entraînent 8 adolescents avec autisme de haut niveaude fonctionnement cognitif (n = 1) ou Asperger (n = 6) ou avec spectre d’autisme non spécifié (n = 1) âgés de 12 à 17 ans à la compréhension des expressions émotionnelles et à des jeux de rôle avec des situations de généralisation dans un environnement moins structuré. Les comportements ciblés ne s’améliorent pas (Test de DANVA 2 pour les expressions faciales et les intonations vocales). L’absence de groupe contrôle fait que si l’entraînement avait l’effet de maintenir le niveau de compétence contre une régression, cet effet ne pourrait pas être détecté. Barry 2003 utilisent des scripts sociaux où des images et informations écrites guidant les participants à travers une situation sociale. Sont enseignés l’accueil, la conversation et le jeu. Après chaque session, une session d’interactions avec des enfants de même âge ayant un développement typique et entraînés à ces interactions promeut la généralisation. Quatre enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif âgés de 6 à 9 ans sont entraînés. L’échelle de Social Skills Rating System (échelle standardisée remplie par les parents) ne montre aucune amélioration significative, excepté dans les conduites d’accueil. Bauminger 2002 utilise une intervention de longue durée, à l’école menée par les enseignants (3 heures par semaine pendant 7 mois). Le groupe comporte 15 enfants de 8 à 17 ans, avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif (QI verbal ≥ 69, 69 à 106). Des enfants avec développement typique sont appariés par l’âge et entraînés aux interactions avec des enfants avec autisme pour donner l’occasion de généralisation des acquis. Avant et après intervention, les interactions des 11 enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif avec des enfants au développement typique, mais non entraînés sont codées par un assistant entrainé à ces observations, permettant ainsi de tester les possibilités de généralisation des acquis. L’échelle de Social Skills Rating System (échelle standardisée remplie par lesenseignants) est utilisée avant et après intervention. Les deux systèmes d’évaluation montrent une augmentation significative des conduites sociales positives. Cependant, les évaluateurs ne sont pas aveugles au statut des enfants. En résumé, une seule (Bauminger 2002) des 3 études montre à la fois une amélioration et une généralisation des conduites sociales, mais cette étude utilise des évaluateurs non aveugles au statut des enfants, ce qui diminue la rigueur des résultats. De plus l’étude n’utilise pas de groupe de comparaison ou de groupe contrôle, ce qui ne permet pas HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 243 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées d’écarter l’hypothèse que les enfants auraient évolué même sans intervention pendant les 7 mois de l’étude. En résumé, Rao et al. énoncent les critiques suivantes : une seule étude dispose d’un groupe contrôle (Solomon 2004) et randomise les participants, ce qui permet d’écarter l’hypothèse d’une amélioration liée à la maturation en général. Or, les résultats de cette étude ne révèlent pas d’amélioration importante. La taille des échantillons est très faible : 3 études seulement ont plus de 10 participants (Bauminger 2002, Solomon 2004, Tse 2007). Seule l’étude de Sansosti 2006 utilise des évaluateurs aveugles au statut des enfants. Ce point est d‘autant plus regrettable que l’observation des comportements (et pas seulement l’utilisation des tests standardisés) est nécessaire dans ce secteur d’étude des conduites sociales. Quatre études sur huit ne se préoccupent pas de la généralisation des acquis, ce qui ne permet pas de savoir dans quelle mesure les enfants ont appris une recette ou la fonction d’une catégorie de comportement (voir aussi à ce sujet, *Luckett 2007 plus haut). Enfin seule l’étude de Barry 2003 procède à un suivi, mais à relativement court terme (6 semaines après la fin de l’intervention). L’absence de suivi à moyen terme ne permet pas de savoir dans quelle mesure les acquis sont stables. Rao et al. remarquent que la définition des compétences sociales demeure vague et très variable, alors qu’il est évident que ces compétences doivent être l’objet d’intervention pour les améliorer chez les enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif ou avec syndrome d’Asperger. 2010 Lang Une revue par Lang et al. examine les évaluations d’interventions de thérapie cognitivocomportementale (TCC) sur l’anxiété d’enfants et adolescents avec autisme de haut niveau ou syndrome Asperger (308). La littérature examinée est en langue anglaise. Les critères de sélection bibliographique et scientifique sont rigoureux. Neuf études portant sur un total de 110 participants âgés de 9 à 23 ans sont retenues. Cinq de ces études sont relatives chacune à un cas, ne sont pas incluses ici. Quatre portent chacune sur 10 participants et plus : deux essais contrôlés sans randomisation (*Chalfant 2007, Reaven 2009), deux essais contrôlés randomisés (Wood 2009b), mais, pour l’un d’entre eux, les évaluateurs ne sont pas aveugles aux traitements des groupes (*Sofronoff 2005). Ces 4 études concernent très majoritairement des enfants/adolescents avec autisme de haut niveau ou syndrome d’Asperger. Leur niveau méthodologique est bon ou excellent. Ces 4 études figurent également dans la sélection opérée par d’autres revues. Ces 4 études montrent une diminution significative et cliniquement importante des signes d’anxiété comparativement aux traitements contrôles. ► Études cliniques 2007 Australie Sofronoff et al. (309) évaluent une intervention cognitivo-comportementale pour la gestion de la colère chez des enfants avec Asperger. Population : 45 enfants âgés de 10 à 14 ans et leurs parents sont attribués au hasard à l’intervention (n = 24) ou à la liste d’attente (n = 21). Le diagnostic d’Asperger est établi par le Childhood Asperger Syndrome Test (CAST ; Scott 2002 ; critères DSM IV). La présence de colère est établie par entretien avec les enfants et les parents. Les QI sont évalués avec la forme courte du WISC III. L’intervention : elle comporte 6 sessions de 2 heures/semaine. Les enfants sont mis par couples avec deux intervenants, avec master de psychologie, et formés pour cette intervention spécifique. Chaque équipe est supervisée chaque semaine. Les réponses des enfants au questionnaire de 26 questions fermées What Makes me Angry (Faupel 1998) sert de point de départ pour définir des situations de traitement. Les sessions, très structurées, comportent des directives écrites, exercices, questions et indications de pratiques à exercer (dont le concept de thermomètre émotionnel) des discussions, et des « travaux » à domicile. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 244 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les parents sont formés en groupe (dans la même période de temps que les enfants). Les évaluations sont faites, avant, après et 6 semaines après la fin de l’intervention. Résultats : à l’échelle totale du questionnaire pour les parents concernant les colères de leur enfant (Children’s Inventory of Anger, ChIA-P ; Sofronoff, 2003), les scores s’améliorent entre le prétest et les deux posttests, mais ne montrent pas de différence significative entre les deux groupes en aucun des trois points de mesure. Les scores de la sous-échelle de frustration du groupe traité montrent une supériorité par rapport au groupe contrôle aux deux points de mesure après intervention. Les scores de la sous-échelle d’autorité montrent également un effet à la fin de l’intervention et 6 semaines plus tard dans le groupe traité, mais non dans le groupe contrôle. Le rapport sur une semaine fait par les parents montre une diminution significative des colères dans le groupe traité aux deux points de mesures posttest par rapport à avant l’intervention et par rapport au groupe contrôle. Enfin, 86 % des enseignants répondent qu’ils ont noté un changement de comportement des enfants. Au test spécialement établi pour cette étude Ŕ Dylan is being Teased (Attwood, 2004b) Ŕ où l’enfant doit proposer des stratégies au héros du scénario pour maîtriser sa situation, le nombre de stratégies proposées par le groupe traité augmente, et est significativement supérieur à celui du groupe contrôle après intervention et se maintient 6 semaines après la fin de l’intervention. En résumé, l’intervention apparaît efficace. Faiblesse : l’évaluation repose de façon importante sur des questionnaires aux parents et aux enseignants qui étaient tous informés de l’intervention. 2008 Australie Beaumont et Sofronoff (310) procèdent à une intervention sur les habiletés sociales chez des enfants âgés de 7 ;6 à 11 ans avec syndrome d’Asperger confirmé (d’après les critères du DSM-IV-TR). L’essai est randomisé avec 26 enfants en intervention et 23 enfants contrôles en liste d’attente. Les enfants des deux groupes sont appariés en âge, QI (≥ 85), compétences sociales telles qu’évaluées par la version « parent » du questionnaire sur les habiletés sociales (Spence, 1995), et la sévérité des symptômes mesurée par la CAST (Childhood Asperger Syndrome Test). L’intervention comprend 4 composantes : un entraînement en groupes (3 enfants pour 2 thérapeutes) des compétences sociales, une formation et entraînement des parents, des consignes régulièrement mises à jour pour les enseignants et un jeu vidéo « Programme d’entraînement du détective junior ». Les habiletés visées sont le contrôle des sentiments d’anxiété et de colère, l’initiative et le maintien des conversations, la participation aux jeux interactifs, savoir manager l’agressivité d’autrui. Plusieurs aspects de l’intervention visent à la généralisation des comportements appris. L’intervention dure 7 semaines avec une session/semaine de deux heures environs chacune. Les résultats montrent un gain en habiletés sociales significativement supérieur dans le groupe avec intervention par rapport au groupe contrôle (évalué par le questionnaire sur les habiletés sociales et la régulation des émotions [ERSSQ] et par la version « Parents » du questionnaire d’habiletés sociales [SSQ-P], dont la version « Enseignant » a été trop peu remplie pour être utilisée). Le groupe avec intervention progresse significativement tandis que le groupe contrôle ne change pas. Avant intervention, les deux groupes se trouvaient à plus de deux écarts types de la norme moyenne. Après intervention les scores du groupe expérimental sont dans les limites de la norme. Les progrès sont en intensité et en nombre de participants cliniquement significatifs. La connaissance des stratégies de gestion de l’anxiété et de la colère progresse significativement plus dans le groupe avec intervention que dans le groupe contrôle qui ne progresse pas (l’évaluation est faite avant et après intervention à l’aide de deux histoires sur lesquelles sont posées des questions (Attwood, 2004a et 2004b). En revanche, les gains en reconnaissance des émotions dans les HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 245 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées expressions faciales et dans les postures corporelles ne diffèrent pas entre les deux groupes. Maintien des effets à long terme : le groupe contrôle ayant aussi subi l’intervention après le premier groupe, les deux groupes sont l’objet d’un suivi 6 semaines et 5 mois après la fin des interventions. Les gains en habiletés sociales sont maintenus 6 semaines et 5 mois après la fin des interventions dans les deux groupes d’après le questionnaire ERSSQ et la version « parents » du questionnaire SSQ-P. La version « enseignant » a été peu remplie (8 questionnaires « enseignant » seulement contre 46 questionnaires « parent ») ; ce petit nombre de questionnaires « enseignant » montre un gain après par rapport à avant intervention, mais ne montre pas de maintien des gains 6 semaines après la fin de l’intervention par rapport à avant intervention. Les gains en connaissance des stratégies de gestion de l’anxiété et de la colère sont maintenus 6 semaines après intervention (pas de mesures après 5 mois). 2009 États-Unis Cotugno (311) examine l’efficacité d’une intervention cognitivo-développementale menée par groupes de participants concernant les compétences sociales. Population : 18 enfants avec autisme non sélectionnés a priori. Les critères d’inclusion étaient l’âge : 7 à 11 ans, le diagnostic (autisme de haut niveau, TED non-spécifié, Asperger DSM-IV, un QI supérieur à 80 [80Ŕ119], sans déficit notable de communication ou de langage, participant à un programme scolaire typique au moins à temps partiel. Quatre sousgroupes sont constitués en fonction de l’âge. Dix enfants sans autisme, appariés par l’âge sont sélectionnés au hasard dans deux écoles locales. Ce groupe contrôle sert à vérifier l’effet de la maturation. L’intervention dure 30 semaines à raison d’une séance d’une heure/semaine. Il s’agit d’une intervention cognitivo-comportementale avec une approche développementale, centrée d’abord sur la formation d’une cohésion de groupe et sur les interactions entre congénères. L’intervention est adaptée en fonction de l’âge. Une évaluation préalable de chaque enfant sert à définir les champs d’intérêts, des buts individuels et des buts collectifs pour les sousgroupes. Chaque enfant est évalué avant et après intervention avec le Waker-McConnelle Scale of social Competence and Social Adjustment (WMS), renseigné par les enseignants et le MGH Youth Care Social Competence/Social Skill Development Scale (SCDS), renseigné par les parents. Cette échelle comporte des questions concernant le stress et l’anxiété, l’attention, le flexibilité/maîtrise des transitions, compétences pour les interactions interpersonnelles, conscience de soi et contrôle de soi. Résultats : Dans chacun des deux groupes d’âges d’enfants avec autisme, les scores parents et enseignants de l’échelle WMS et de chacune des sous-échelles augmentent de façon significative. L’échelle SCDS (concernant les enfants mais remplie par les parents) montre un niveau d’anxiété et de gestion du stress, une flexibilité dans la gestion des transitions et une attention conjointe significativement améliorés dans les deux groupes d’âge. Dans les 2 groupes contrôles d’enfants typiques appariés par l’âge aux participants, les scores sont ceux correspondant à l’âge. Ceux du groupe 10Ŕ11 ans sont supérieurs à ceux du groupe 7Ŕ8 ans ; les scores des deux groupes sont supérieurs à ceux des groupes correspondant avec autisme. Les scores typiques n’augmentent pas significativement après 30 semaines bien qu’ils le pourraient, montrant que l’augmentation observée chez les participants ne peut être entièrement attribuée à la maturation spontanée. Faiblesse : le groupe contrôle aurait dû être un groupe de participants potentiels avec autisme, l’attribution des participants aux deux groupes auraient dû être faite au hasard. La validité du test WMS a été montrée pour une population scolaire typique seulement. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 246 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2010 France Baghdadli et al. (312) dans un essai contrôlé randomisé comparent deux interventions, l’une centrée sur les habiletés sociales et l’autre plus généraliste et éclectique. Population : 13 enfants recrutés dans la file active du centre de ressource autisme de Languedoc-Roussillon, âgés de 8 à 12 ans, avec autisme de haut niveau ou Asperger (diagnostic autisme de haut niveau (CIM10), score positif à l’algorithme de l’ADIR-R, QI verbal >70, et réussite aux tests de théorie de l’esprit de premier niveau). Ne sont pas inclus les enfants habitant à plus d’une heure du centre de ressource, ni ceux impliqués dans une autre intervention prosociale. Intervention : 20 séances de 1heure 30 chacune à raison d’une séance par semaine animée par des professionnels. L’intervention prosociale porte sur la connaissance, la reconnaissance et la compréhension des émotions, la gestion du stress lié aux différentes émotions, les signaux sociaux visuels et auditifs, les habiletés de conversation, la camaraderie, la gestion de la taquinerie et de la provocation, la solution de problèmes et la coopération organisée (leadership, prise de décision, etc.). L’intervention généraliste (contrôle) travaille sur les cinq sens, la musique et le rythme, l’image de soi dans le miroir, le mime, des exercices de perception visuo-spatiale, jeux de société, gestion du budget et du temps quotidien, création de scénarios, décors, mise en scène. Les évaluations sont faites par des personnes indépendantes de l’étude. Résultats : la discrimination des expressions faciales d’adultes et d’enfants66 reste inférieure aux normes du test étalonné sur des enfants au développement typique, et ne se modifie pas après intervention. On n’observe pas de différence significative entre groupes. Le test TOPS 3E évalue les habiletés pragmatiques dans la résolution de problèmes de la vie quotidienne impliquant 6 catégories de raisonnement et d’utilisation de l’information disponible. Les capacités de fonctions exécutives, de langage oral et les compétences de communications impliquées dans ces habiletés sont évaluées. Les scores à ce test ne montrent pas de différence significative entre les deux groupes avant intervention. On observe un gain significatif dans une seule des 6 tâches (prédictibilité) dans le groupe expérimental. Dans une autre tâche (questions négatives), on observe que les deux groupes ont une évolution inverse l’une de l’autre : le groupe contrôle s’améliore alors que le groupe intervention s’affaiblit ; mais cette différence entre groupes n’est pas significative. L’essai est méthodologiquement adéquat, mais les résultats ne permettent pas de conclure à l’efficacité des interventions prosociales, dans la mesure où on n’observe pas de différences significatives entre groupes après intervention. 2008 États-Unis Lopata et al. (313) ont mené un essai randomisé, évalué méthodologiquement « fort » par Reichow et Volkmar (267), et par Kasari et Lawton (178). L’étude est la suite de Lopata et al. 2006 (314). L’intervention concerne des enfants âgés de 6 à 13 ans de niveau de fonctionnement cognitif moyen à supérieur. L’intervention vise la reconnaissance des émotions et des affects, les capacités de conversation et les conduites de réponses à la provocation. Elle est réalisée en petits groupes de 6 enfants et utilisent des techniques comportementales. Cinquante-quatre enfants sont attribués au hasard à deux groupes qui diffèrent par le renforcement qui est donné en feedback. L’intervention est donnée pendant 6 semaines d’été 6 heures/jour dans un campus. Les résultats montrent des gains significatifs en compétences sociales après intervention, sans différence entre les deux types de renforcements. En revanche, la reconnaissance des expressions émotionnelles ne se modifie pas. Mais il faut tenir compte du fait que le niveau de performance des enfants dans cette tâche était déjà autour de la moyenne au début de l’intervention. La faiblesse de cette 66 Décrit dans le test de DANVA : Nowicki, S. The manual for the Diagnostic Analyses of Nonverbal Accuracy (DANVA) tests. Atlanta : Department of Psychology, Emory University 2005. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 247 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées étude réside dans le fait que les deux groupes ayant progressé de façon identique, on ne peut exclure l’hypothèse d’un effet non spécifique de l’intervention. 2010 USA Lopata et al. (315) évaluent dans un essai contrôlé randomisé les effets d’une intervention prosociale comportementale comportant un manuel chez des enfants avec autisme de haut niveau. Population : 36 enfants de 7 à 12 ans recrutés par annonce pendant une période de 6 mois. Diagnostic : Asperger, autisme de haut niveau et TED non specifé (diagnostic confirmé par divers tests, procédures et cliniciens). Stratification des 36 participants par tranche d’âge, sexe et ethnicité, puis attribution des participants de chaque tranches au hasard à l’un des deux groupes de 18 participants chacun (expérimental et contrôle en liste d’attente). Dans chaque groupe, 77,8 % ont un diagnostic d’Asperger. L’âge moyen est de 9,47 ans. Ni les caractéristiques de niveau d’éducation des parents (moyenne 15,18 années), ni le QI (moyenne : 103), ni le niveau de langage ne diffèrent entre les deux groupes. Intervention : le programme d’intervention comporte un manuel. Trois groupes d’âge de 6 participants chacun (7Ŕ8, 9Ŕ10, 11Ŕ12 ans). Cinq sessions par jour, de 70 minutes chacune, pendant 5 semaines. Une session comporte 20 minutes d’instruction intensive prosociale ciblant un comportement ou une situation, suivie de 50 minutes d’activité d’interaction et coopération diverses. Utilisation d’un système d’intervention comportementale avec coût pour maintenir les comportements prosociaux et diminuer les comportements problèmes. Les parents reçoivent un entraînement d’une session de 90 minutes/semaine. Résultats : La SRS (Social Responsiveness Scale) montre une diminution des caractéristiques du spectre de l’autisme chez les enfants avec intervention significativement plus importante que chez les enfants contrôles (taille de l’effet moyen à fort). En revanche, la BASC-2-PRS et -TRS (Behavioral Assesment system for children, 2e édition,-Parent rating scale (-PRS) et Teacher Rating Scale (-TRS) ne montre pas de différence significative entre les deux groupes ni de gain significatif avant-après. Le SKA (Skillstreaming Knowledge Assessment) montre une augmentation significativement plus importante de la compréhension et des connaissances concernant les situations sociales dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle (taille d’effet faible à fort). Le CASL4 indique que le langage (antonymes, synonymes, constructions syntaxiques, compréhension de paragraphe) a significativement plus progressé dans le groupe expérimental que contrôle (taille d’effet faible à forte). L’identification des expressions faciales émotionnelles (test de DANVA-2) augmente plus dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle, mais non significativement. 2009 États-Unis Quirmbach et al. (316) comparent, dans un essai randomisé, 3 interventions de deux jours avec histoires sociales : un groupe reçoit une histoire sociale rédigée de façon explicitement directive, un autre reçoit une histoire sociale standard incluant des phrases directives avec d’autres phrases, et le troisième groupe reçoit une histoire qui n’a pas de relation avec les compétences sociales. Chaque groupe comporte 15 enfants avec autisme âgé de 7 à 14 ans ayant un niveau de lecture au moins de fin de CP. Le niveau de fonctionnement cognitif moyen allait d’un QI total de 42 à 122, sans différence significative entre les 3 groupes. Les groupes ne différaient sur aucune variable pertinente. Les intervenants qui interagissent avec les enfants lors des sessions après la lecture de l’histoire sociale ne sont pas les mêmes que ceux qui gèrent la lecture de l’histoire sociale. Les résultats montrent une augmentation significative du score total de comportements sociaux ciblés par rapport au groupe contrôle, dont le score n’augmente pas. L’effet est important. De plus, on observe une généralisation significative des acquis dans les deux groupes expérimentaux. Ces deux groupes conservent leurs acquis une semaine après HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 248 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées l’intervention. Au cours des deux jours d’intervention, les deux groupes expérimentaux augmentent leurs scores à la même vitesse montrant que la rédaction directive ou non de l’histoire sociale n’a pas d’effet spécifique. L’indice de compréhension verbale (QI verbal au WISC-IV) est un bon prédicteur des gains. Les enfants avec un indice allant de la limite moyenne au niveau supérieur (69Ŕ124) présentent des gains significatifs en comportement social. Les enfants avec un indice très bas (45Ŕ61) ne présentent pas de gain. La supériorité des gains de chacun des deux groupes expérimentaux reste identique et de même force même lorsqu’on ne tient compte que des enfants avec compréhension verbale supérieure à l’indice 68. Les résultats montrent que les enfants avec un indice très faible de compréhension verbale risquent de ne pas bénéficier des histoires sociales. Ces résultats confirment ceux des études de Andrews 2004, Feinberg 2001 avec des enfants de 8 à 13 ans avec autisme et ceux de Romano 2002 avec des enfants de 4 à 8 ans avec autisme, toutes trois réalisées avec des groupes contrôles et citées comme méthodologiquement bonnes avec des résultats positifs par Karkhaneh et al. (303) et Ospina et al. (162). Les faiblesses de l’étude : pas de suivi au-delà d’une semaine ; l’environnement de jeu est peu « naturel » ; les raisons pour lesquelles le tiers d’enfants avec un QI verbal inférieur à 68 n’ont pas montré de gain n’ont pas été explorées. 2009 Allemagne Herbrecht et al. (317) évalue le programme d’entraînement des compétences sociales de Francfort (KONTAKT) destiné à des enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme avec un langage fonctionnel et un fonctionnement cognitif de niveau moyen à élevé. L’intervention se fait par groupe de 4 à7 participants séparant deux tranches d’âge : 8Ŕ13 ans et 13Ŕ19 ans. Les enfants se réunissent une heure par semaine, les adolescents deux fois 1 h 30/semaine, avec des psychiatres et des intervenants spécialistes. Les sessions sont structurées et composées d’éléments comportementaux assemblés de façon adaptative, d’éléments optionnels ou obligatoires, qui se répètent à travers les sessions. Des règles sont apprises concernant la communication et les interactions interindividuelles (contact œil-œil, écouter l’autre, coopérer). Les participants ont aussi des exercices à faire à la maison. L’article rapporte les résultats du groupe avec intervention, mais ne comporte pas de groupe contrôle. 2010 États-Unis Frankel et al. (318) et erratum (319) évaluent une intervention pour laquelle existe un manuel, appelé Children’s friendship training67 (CFT) (Entraînement à la camaraderie entre enfants) pour des enfants de haut niveau, s’appuyant sur l’aide parentale. Population : 68 enfants, dont 61 sont scolarisés normalement sans AVS, 6 sont en éducation spécialisée, un enfant suit une scolarisation normale avec une AVS pendant 1 à 2 heures/jour. Les critères d’inclusion sont : diagnostic d’autisme (ADOS-G et ADI-R) de haut niveau68, être en CE1 à CM2 sans superviseur pendant la majorité du temps scolaire, sans psychotrope, avoir un QI verbal supérieur à 60 au WISC-III (pour s’assurer que la compétence verbale est suffisante pour permettre des interactions confortables avec les autres élèves), être capable de changer de sujet de conversation quand son interlocuteur manifeste le désir de parler d’autre chose, avoir une connaissance des règles d’au moins 2 jeux de société, avoir une connaissance de jeux de plein air (handball, football, saut à la corde, etc.), pas de déficit de pensée, sans crises cliniques d’épilepsie ni déficit neurologique important ou autre déficit (malvoyance, surdité modérée, etc.). 67 68 Frankel F, Myatt R. Children's Friendship Training New York : Brunner/Mazel 2003. Selon le questionnaire d’exploration du Spectre d’Autisme de Haut Niveau publié par Ehlers (320). HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 249 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Les enfants sont recrutés parmi ceux dont les parents cherchent auprès de l’UCLA (université de Los Angeles) un entraînement social ou parmi ceux qui viennent pour un diagnostic. Les enfants sont attribués au hasard à un groupe qui reçoit, immédiatement après examen, 12 semaines de CFT (n = 26 après 14 abandons pour diverses raisons) ou à un groupe contrôle qui attend 12 semaines avant de recevoir une intervention CFT (n = 31 après 5 abandons). Le groupe CFT est évalué immédiatement avant intervention, à la fin de l’intervention et 12 semaines après la fin de l’intervention. Le groupe contrôle est évalué 12 semaines avant intervention, immédiatement avant intervention et à la fin de l’intervention. Intervention : 12 sessions hebdomadaires de 60 minutes. Parents et enfants sont en intervention simultanément mais pas au même endroit, sauf dans les 5 dernières minutes de la séance. La technique d’enseignement est comportementale, mais avec une information verbale sur la finalité, le but, les prérequis, etc. de chaque enseignement. Résultats : les deux groupes ne diffèrent par aucune des mesures avant intervention, ni par le nombre de sessions suivies, ni par le statut socio-économique des parents. Le groupe CFT à la fin de l’intervention s’améliore significativement plus que le groupe contrôle : sur les échelles d’autoévaluation de solitude et de popularité, sur une partie seulement des évaluations de qualité de jeu par les parents (augmentation du nombre de fois où l’enfant invite un autre enfant, diminutions des comportements de non-interaction ou de retrait lors de la présence d’un autre enfant), sur l’évaluation du contrôle de soi (attitude devant la provocation de l’échelle de compétences sociales). Douze semaines après la fin de l’intervention (le groupe contrôle étant en intervention à son tour ne peut plus servir de contrôle). Les changements du groupe CFT, 12 semaines après la fin de l’intervention, sont donc évalués par rapport à la ligne de base et par rapport aux premiers posttests. Par rapport à la ligne de base avant l’intervention, le groupe CFT a amélioré significativement le nombre de ses invitations envers un autre enfant, et a diminué significativement ses conflits et ses non-interactions ou retraits sur soi en présence d’un autre enfant ; le contrôle de soi a également significativement progressé, ainsi que les tentatives de se lier à d’autres enfants. Les autres mesures ne montrent pas de gains significatifs. Les gains apparaissent dès la fin de l’intervention : les posttests 12 semaines après la fin de l’intervention ne montrent pas de gain par rapport à la fin de l’intervention. En revanche, un posttest montre une régression : celui mesurant les conduites de retrait sur soi en présence d’un autre enfant. Après avoir reçu l’intervention expérimentale, le groupe contrôle s’améliore immédiatement par rapport à ses scores avant intervention, et de façon analogue au groupe CFT, confirmant les résultats observés sur le groupe expérimental. Le pourcentage total d’enfants qui présente un gain significatif en fin d’intervention (gain > 2 erreurs standards ou compris entre 1,5 et 2 erreurs standards) dépasse largement 50 % dans plusieurs des mesures. À la fin de l’intervention, sept enfants (sur 66) ne présentent pas de gain significatif > 2 erreur standard dans aucune mesure, 22 dans une mesure, 12 dans 2 mesures, 9 dans 3 mesures, 9 dans 4 mesures, 4 dans 5 mesures et 1 dans 6 mesures. Au total, 91,4 % du groupe CFT et 87,1 % du groupe contrôle (après intervention) montrent un gain significatif dans au moins une mesure. Dans le groupe CFT qui est examiné 12 semaines après la fin de l’intervention, 66,7 % continuent de montrer un gain significatif sur au moins une mesure. En résumé : l’intervention CFT apparaît efficace pour favoriser la constitution de liens de camaraderie et les interactions sociales chez des enfants de 10 ans avec autisme de haut niveau. Faiblesse : les estimations par les enseignants ne montrent pas de gains significatifs. 2006 Royaume-Uni HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 250 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées Golan et Baron-Cohen (321) est cité par la revue d’Ospina et al. (162) et par la revue de Reichow et Volkmar (267) comme étant la seule étude méthodologiquement « forte » sur les interventions prosociales chez l’adolescent et l’adulte. L’intervention, concernant des personnes avec autisme de haut niveau de fonctionnement ou Asperger, est fondée sur un programme utilisant un guide audio-visuel interactif systématique pour la reconnaissance et la compréhension des émotions et l’interprétation des états mentaux à partir d’indices faciaux ou vocaux Mind Reading (Baron-Cohen, Goal, Wheelwright et Hill, 2004). Ce système comporte 6 niveaux de développement (de l’âge de 4 ans à l’âge adulte). Une première étude évalue le bénéfice tiré par des personnes avec autisme s’entraînant librement avec ce logiciel. Deux groupes sont constitués de personnes avec autisme de haut niveau ou Asperger :19 dans le groupe expérimental, 22 dans le groupe contrôle. Un 2e groupe contrôle comporte 24 personnes de même âge et ayant un développement typique. Les participants des trois groupes sont âgés de 17 à 52 ans, avec un QI verbal de 80 à 138 ; un QI de performance va de 92 à 140. Les participants du groupe expérimental travaillent avec le logiciel, seuls chez eux, 2 heures/semaine pendant 10 semaines. Les deux groupes contrôles n’ont pas d’intervention. Après intervention, deux sortes de tâches sont utilisées : des tâches peu différentes de celles utilisées en intervention, pour tester la généralisation à courte distance, et une tâche de généralisation à longue distance. Les gains du groupe avec intervention concernent les tâches de généralisation à courte distance et non celle à longue distance. De même, aucun gain n’est observé par rapport au groupe clinique contrôle dans les tâches d’interprétation des états mentaux d’après la direction du regard et l’intonation vocale. Dans la 2e étude, l’étude 1 est reproduite, mais le groupe expérimental (13 participants avec Autisme de haut niveau ou Asperger) reçoit en plus 10 séances de supervision hebdomadaire en petit groupes avec un tuteur pour l’utilisation du logiciel. Le groupe clinique contrôle (13 participants avec Autisme de haut niveau ou Asperger) reçoit une intervention prosociale en groupes (conversation, expressions et attitudes corporelles émotionnelles, entretien d’embauche, camaraderie) (sans le logiciel) pendant 10 semaines. Un deuxième groupe contrôle est composé de 13 personnes avec développement typique. Les résultats confirment les résultats de l’étude 1. En résumé, l’utilisation brève du programme par les individus conduit à des gains clairs, mais présentant une généralisation très limitée. On ignore si les gains seraient généralisables à des situations plus distantes si l’intervention était plus longue ou plus intense. 2005 Australie Sofronoff et al. (322) évaluent une intervention de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) sur l’anxiété chez des enfants avec Asperger. Population : 71 enfants avec Asperger (diagnostiqués avec le Childhood Autist Spectrum Test69), âgés de 10 à 12 ans (recrutés par voie de presse radio et réseau de familles), dont les symptômes d’anxiété étaient décrits par l’interview des parents. Les enfants sont appariés par trois en fonction de l’âge et le sexe et randomisés en 3 groupes : traitement impliquant les enfants seulement, traitement impliquant les enfants et les parents, liste d’attente. Ni le niveau d’anxiété (Spence Child Anxiety Scale Ŕ Parent,SCAS-P, Nauta et al. 2004), ni le QI, ni les scores CDI (Child Development Inventory), ni les scores CAST, ne différaient entre groupes. Le groupe liste d’attente reçoit l’intervention enfants + parents après la période de contrôle sans intervention. Intervention : durée de 6 semaines, une intervention de 2 heures/semaine. Dans les deux interventions, les enfants sont mis en groupes de trois avec deux intervenants (étudiants en psychologie avec master et formés à cette intervention). Les parents de l’intervention enfants 69 critères DSM-IV, CAST ; Scott, Baron-Cohen, Bolton, Brayne 2002. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 251 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées et parents, sont assemblés en 2 groupes de parents ; un thérapeute entraîne les parents à travailler comme cothérapeutes sur toutes les composantes de l’intervention. Résultats : les scores d’évaluation de l’anxiété par les parents (SCAS-P), avant, à la fin et 6 semaines après la fin de l’intervention, montrent une amélioration significative de chacun des deux groupes d’intervention par rapport au prétest et significativement supérieure au groupe contrôle. De plus, le groupe enfants + parents est significativement supérieur aux deux autres groupes 6 semaines après la fin de l’intervention. La sous-échelle d’anxiété de séparation montre les mêmes résultats. Les sous-échelles d’obsession compulsive, de tendances à la phobie sociale et à l’anxiété généralisée montrent également une amélioration significativement supérieure dans les deux groupes d’intervention par rapport au groupe contrôle en postintervention. Le questionnaire des parents sur les préoccupations sociales (Social Worries Questionar, Spence, 1995) montre les mêmes effets significatifs d’amélioration entre avant et après intervention, pour les deux groupes d’intervention comparés au groupe contrôle. Au test James and the Maths Test (Attwood, 2002), le nombre de stratégies pour gérer l’anxiété du héros du scénario proposées par les enfants des groupes d’intervention augmente significativement plus 6 semaines après intervention que dans le groupe contrôle. L’augmentation du nombre de stratégies est significativement supérieure dans le groupe enfants + parents par rapport au groupe « enfants seuls » immédiatement après l’intervention et 6 semaines après. En résumé : la diminution significative des signes d’anxiété après une intervention brève cognitivo-comportementale diminue significativement les signes d’anxiété encore 6 semaines après la fin de l’intervention. L’association des parents comme thérapeutes augmente significativement l’efficacité de l’intervention reçue par les enfants de la part des thérapeutes professionnels. Faiblesse : les évaluations pré et posttest sont en grande partie assurées par des questionnaires aux parents qui ne sont donc pas aveugles au statut des enfants. Australie 2007 Chalfant et al. (323) évaluent une thérapie cognitivo-comportementale(TCC) pour réduire les signes d’anxiété chez des enfants avec autisme de haut niveau de fonctionnement. Cette étude est très semblable à la précédente, mais c’est la première concernant l’anxiété chez des enfants avec autisme de haut niveau. Population : 8Ŕ13 ans avec autisme de haut niveau de fonctionnement. Quarante-sept enfants sont attribués aléatoirement à un groupe d’intervention (n = 28) et un groupe en liste d’attente (n = 19). Intervention : 1 session hebdomadaire de 2 heures pendant 12 semaines dans une institution clinique non spécialisée. Les mesures faites chez les enfants, les parents et les enseignants (CATS ; Revised Children’s Manifest Anxiety Scale ou RCMAS, SCAS-P, Strength and Difficulties Questionnaire for Parents or/and Teachers) montrent un avantage important du groupe traité par rapport au groupe liste d’attente après intervention Faiblesse : Les évaluations pré et posttest sont en grande partie assurées par des questionnaires aux parents et aux enfants eux-mêmes. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 252 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2011 États-Unis Drahota et al. (324) évaluent, avec un essai contrôlé randomisé, les effets d’une thérapie cognitivo-comportementale pour l’anxiété sur les habiletés de vie quotidienne et le degré d’intrusion des parents dans la vie de l’enfant (programme Building Confidence Cognitive Behavioral Therapy adapté aux enfants avec autisme pour cette étude). Participants : 40 enfants âgés de 7 à 11 ans (m = 9,20, écart type = 1,49) avec autisme de haut niveau. Critères d’inclusion : diagnostic d’autisme, syndrome d’Asperger ou TED non spécifié, souffrant d’anxiété de séparation, de phobie sociale ou de trouble obsessionnel compulsif, sans médication psychiatrique ou bien un dosage stable depuis au moins un mois et ne devant pas être modifié. Critères d’exclusion : un QI verbal < 70 ou des difficultés de langage, l’enfant est en psychothérapie ou en entraînement prosocial ou reçoit une intervention comportementale, dont la famille est en thérapie familiale ou un groupe de parents, l’enfant change de médicament ou de dosage pendant l’intervention. Les enfants sont attribués au hasard au groupe expérimental (n = 17) et au groupe contrôle (liste d’attente). Intervention : elle est menée par des doctorants en psychologie après des études dans une grande université avec activité de recherche, et au moins un an d’expérience clinique et une expérience de travail avec des enfants avec autisme. Ces thérapeutes sont de plus spécifiquement formés pour cette intervention et supervisés par un docteur en psychologie. Les thérapeutes travaillent avec les familles pendant 16 sessions hebdomadaire (une session = 90 minutes dont 30 min avec l’enfant et 60 minutes avec les parents). Résultats : le score total d’habiletés de vie quotidienne du VABS augmente significativement plus dans le groupe expérimental que dans le groupe traité. Le score standardisé du groupe traité passe de 50,6 avant intervention à 60,24 après intervention, alors que les score du groupe témoin n’augmente pas passant de 55,61 à 55,62. Le score en âge montre que la majorité des enfants ont un retard de développement des habiletés de vie quotidienne, mais le groupe traité s’améliore significativement plus passant de 5,2 ans à 6 ans, alors que le groupe témoin passe de 5,4 à 5,7 ans. Le score d’habileté de vie quotidienne personnelle s’améliore également significativement plus dans le groupe traité que dans le groupe témoin. Le groupe traité passe de 4,1 ans à 5,0 ans, alors que le groupe témoin passe de 4,5 à 4,6 ans. Le Parent-Child Interaction Questionnaire (PCIQ) concerne des aspects très concrets des interactions parents-enfants au cours d’une semaine avec estimation des fréquences de chaque comportement. Huit questions concernent l’intrusion des parents dans les comportements d’habillage ou de toilette, l’intrusion dans l’espace personnel de l’enfant et les comportements d’infantilisation de la part des parents. Les scores d’intrusion diminuent significativement plus dans le groupe traité que dans le groupe témoin. Les gains dans les deux mesures d’habileté de vie quotidienne du VABS et la diminution des scores d’intrusion des parents sont maintenus 3 mois après la fin de l’intervention. L’amélioration du score de troubles anxieux (mesuré par l’ADIS-C/P) est directement corrélée avec l’augmentation des deux scores aux VABS et avec la diminution des scores d’intrusion parentale dans les deux groupes d’enfants. Conclusion : la seule faiblesse de cette étude est le fait que les mesures pertinentes reposent essentiellement sur des questionnaires adressés aux parents. ► Conclusions relatives aux évaluations des interventions chez l’enfant/adolescent avec autisme de haut niveau de fonctionnement cognitif ou syndrome d’Asperger Certains essais de thérapie cognitivo-comportementale prosociale obtiennent de bons résultats. Quelques essais d’entraînement à la reconnaissance des expressions HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 253 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées émotionnelles ont aussi de bons résultats. Ces résultats constituent un encouragement. Il est difficile de tirer des conclusions à partir des cas d’échecs et de réussites d’études qui portent sur des tranches d’âge extrêmement variables. Une des raisons qui rend le tableau de la situation un peu brouillé tient au fait que les recherches scientifiques sur les changements cognitifs, et plus généralement mentaux, qui se déroulent entre les âges de 10 ans et le jeune adulte, sont rares. L’association entre les connaissances sur le développement du petit enfant et la manipulation des techniques d’apprentissage (ABA) donnent des résultats très encourageants. Dans la même optique, il faudrait pouvoir associer aux techniques cognitivocomportementales de meilleures connaissances sur l’adolescent. Les résultats des interventions sur l’anxiété semblent plus clairs et ouvrent une voie prometteuse. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le domaine des émotions (reconnaissance de ses propres émotions et de celles d’autrui, gestion de ses propres émotions) est un domaine essentiel dans lequel des objectifs fonctionnels nécessitent d’être fixés pour tout enfant/adolescent avec TED, et pas uniquement pour les enfants/adolescent avec autisme de haut niveau ou syndrome d’Asperger, même si c’est auprès de cette population que certaines interventions ont été évaluées. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) nécessitent que l’enfant/adolescent ait acquis un bon niveau de langage pour pouvoir être mis en œuvre. Les personnes avec TED consultées par le groupe de pilotage considèrent que les TCC sont très utiles et répondent bien à leurs besoins pour gérer leur anxiété. Certains participants à la phase de lecture jugent que les aspects psychoaffectifs ne sont pas suffisamment mis en valeur. À l’inverse, le terme « psychoaffectif » est remis en cause par d’autres participants. Concernant les psychothérapies individuelles, les psychothérapies psychanalytiques initialement proposées au cours du travail ont été fortement critiquées au cours de la consultation publique et par le groupe de lecture, car elles n’ont pas fait preuve de leur efficacité (absence d’études d’évaluation), alors que d’autres formes de psychothérapies ont été évaluées. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Émotions Pour tout enfant/adolescent avec TED, tout projet personnalisé doit comporter des objectifs fonctionnels dans le domaine des émotions (reconnaissance de ses propres émotions et de celles d’autrui, gestion de ses propres émotions), en lien étroit avec les objectifs fixés dans le domaine des interactions sociales. Pour les enfants/adolescents dont les évaluations ont mis en évidence des signes de souffrance, d’anxiété ou de dépression, les stratégies habituellement utilisées et ayant fait preuve d’une efficacité pour d’autres populations peuvent être proposées avec des adaptations pour les enfants/adolescents avec TED. Parmi les interventions spécifiques proposées pour aider l’enfant/adolescent avec TED à reconnaître, à vivre ses émotions et à gérer son anxiété, sont recommandés, selon les besoins de l’enfant/adolescent mis en évidence par les évaluations et avec accord des parents : l’adaptation de stratégies utilisées en thérapie cognitivo-comportementale pour les enfants avec autisme de haut niveau ou syndrome d’Asperger (grade B) ; des jeux de rôle (grade C) ; HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 254 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées des groupes de paroles (accord d’experts) ; des psychothérapies individuelles (accord d’experts). 5.4.7 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’enfants/adolescents avec syndrome de Rett ► Recommandations de bonne pratique Une seule recommandation de bonne pratique identifiée préconise des éléments spécifiques au syndrome de Rett. Il s’agit de recommandations relatives au diagnostic, suivi et traitement de la scoliose dans le cadre du syndrome de Rett (77). Elles ne sont pas détaillées ici, puisque leur spécificité dépasse le cadre de ce travail. ► Revues systématiques Aucune revue systématique relative aux interventions spécifiques lors de syndrome de Rett n’a été identifiée. ► Études cliniques États-Unis 2001 Bien que ne correspondant pas aux critères de sélection définis a priori dans la mesure où le nombre de participants est inférieur à 10 (cf. § méthode), cette étude est résumée ici pour information, car aucune autre étude d’intervention mise en œuvre spécifiquement auprès d’enfants avec syndrome de Rett n’a été identifiée (325). Il s’agit d’une intervention visant à développer la communication par la lecture conjointe de livres d’histoires chez des filles atteintes de syndrome de Rett. Le plan est celui d’une étude avec multiples lignes de base. Diverses techniques sont utiliséees pour faciliter la lecture et la manipulation des livres. Population : 6 dyades mère-fille âgées de 3 ;6 à 7 ans avec un déficit sévère de la communication et un langage intelligible très limité ou absent. Tous les enfats communiquent à l’aide de gestes et vocalisation non conventionnelles. Une enfant utilise quelques paroles. Tous savent utiliser correctement la direction du regard et l’attention conjointe. Le « Quotient de Développement » (Bayley 2e édition) allait d’un âge de 5 à 19 mois. Le VABS allait de 9 à 17 mois. L’école les percevait comme ayant un retard mental sèvère à profond. Aucun critère de sélectiion pour l’inclusion ou l’exclusion n’est indiqué. Intervention : utilisation de l’immobilisation de la main non dominante avec attelle, aides technologiques, aides à la communication, formation et entraînement des parents. L’intervention dure 4 mois. Chaque dyade mère-enfant est étudié et entraîné seul pendant 10 à 15 minutes en moyenne et jamais moins que 2 fois par semaine. Cette intensité est donc reproductible dans un établissement scolaire. Résultats : les séances sont enregistrées, et des échantillons au hasard sont prélevés à différentes phases de l’intervention et analysées de façon identique et rigoureuse pour chaque enfant. Le nombre de communications symboliques n’augmente pas avec l’immobilisation manuelle, mais avec l’utilisation des aides techniques et des livres chez les 6 enfants. Il en va de même pour l’utilisation de mots ou mots-étiquettes et de commentaires. En résumé, l’intervention est très simple, brève et peu dispendieuse, mais relativement efficace. On ignore dans quelle mesure elle peut conduire à dépasser le niveau de communication de la dénomination, des requêtes, désirs, ou besoins de base. Faiblesse : on ignore les critères de sélection des participants ; petit nombre de participants. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 255 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5.4.8 Évaluation des interventions spécifiques mises en œuvre auprès d’adolescents en lien avec la sexualité ► Recommandations de bonne pratique Aucune recommandation de bonne pratique publiée à l’étranger n’a abordé la question des interventions à mettre en œuvre auprès d’adolescents avec TED pour aborder les questions liées à la sexualité. ► Revues systématiques et études cliniques Aucune revue systématique ni étude clinique évaluant l’efficacité des interventions d’information ou de prévention auprès d’adolescent avec TED n’a été identifiée. ► Avis complémentaires des membres des groupes de travail Le groupe de pilotage insiste sur la nécessité de prendre en compte la question de la sexualité et de la vie sentimentale et affective. Il a donc formulé des propositions qui ont été soumises en cotation et en phase de lecture (cf. section suivantes « Recommandations »), après avoir signalé la publication de quelques articles de littérature grise sur le sujet (326331). Les personnes avec TED auditionnées par le groupe de pilotage ont confirmé que pour certaines d’entre elles, les groupes de compétences sociales abordant les questions relatives à la vie affective et sentimentale avaient eu un intérêt. ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm À partir de l’adolescence, il est recommandé de prendre en compte le retentissement de la puberté sur le comportement de l’adolescent. Les contenus des programmes d’éducation sexuelle proposés dans le cadre du cursus scolaire à tout(e) adolescent(e) en France devraient être proposés à tout(e) adolescent(e) avec TED de manière adaptée par des professionnels formés, afin de tenir compte de ses particularités de communication et d’interactions sociales, ainsi que de ses capacités de compréhension et de raisonnement. L’objectif est de permettre aux adolescent(e)s de trouver un comportement adapté avec leurs pairs et d’accéder à une autonomie et un épanouissement également dans ce domaine. Des programmes spécifiques et adaptés (groupes de compétences sociales, ateliers portant sur la vie affective et sociale), animés par des professionnels formés, peuvent également être proposés par les équipes d’interventions aux adolescent(e)s. 5.4.9 Évaluation des interventions spécifiques visant d’autres domaines Aucune étude clinique n’a cherché à évaluer l’efficacité d’interventions visant spécifiquement à améliorer l’état de santé somatique de l’enfant/adolescent avec TED, à améliorer son autonomie dans les activités quotidiennes ou à mesurer l’impact de l’adaptation de l’environnement matériel de l’enfant. Ces deux derniers points sont en général visés dans le cadre des interventions globales visant le développement de l’enfant et sa participation sociale dans différents domaines. Cependant, les membres des groupes de travail et notamment les personnes avec TED auditionnées ont insisté pour que ces trois domaines, qu’ils jugent essentiels pour leur qualité de vie, fassent l’objet de paragraphes bien individualisés dans les recommandations. C’est pourquoi le groupe de pilotage, à partir des études ci-dessus détaillées et de leur expérience ont formulé des propositions qui ont été soumises et approuvées en phase de cotation et de lecture. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 256 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Recommandations de la HAS et de l’Anesm Domaine somatique Tout enfant/adolescent avec TED doit pouvoir bénéficier des mêmes actions de prévention, d’éducation à la santé, de surveillance et de traitement que tout enfant/adolescent, en fonction des besoins somatiques repérés lors des évaluations ou des bilans proposés à tout enfant/adolescent d’une même classe d’âge dans le cadre de son cursus scolaire ou à l’occasion de la survenue de maladies intercurrentes. Il est recommandé aux équipes d’interventions et aux professionnels sollicités, en accord avec les parents, pour la mise en œuvre des procédures diagnostiques ou thérapeutiques d’anticiper, de se coordonner et de faciliter la planification, et si nécessaire l’accompagnement lors des consultations, afin de tenir compte des particularités de fonctionnement des personnes avec TED. Une familiarisation progressive aux situations de consultation, de bilan et de soins potentiellement anxiogènes est recommandée. Il est recommandé de mettre en œuvre des apprentissages anticipant les situations de soins. Il s'agit en premier lieu d'apprendre à la personne à mettre des mots ou des images sur ses sensations, ses ressentis (échelles visuelles d'intensité de la douleur) ou ses sentiments. Parallèlement, il convient de lui apprendre à connaître et à désigner les différentes parties de son corps, ainsi qu'à répondre à des consignes simples, utiles lors d'une consultation. Domaine de l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne Pour tout enfant/adolescent avec TED, tout projet personnalisé doit comporter des objectifs fonctionnels dans le domaine de l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne (habillage, toilette, courses, activités ménagères, repas, transport, etc.), en vue de favoriser le développement d'une autonomie personnelle et sociale par un apprentissage spécifique lors de séances de rééducation (ex. : ergothérapie) ou d’activités éducatives puis par un entraînement en situation de vie quotidienne au domicile, à l'école, au travail, sur ses lieux de loisirs et de vacances et de façon générale dans les lieux publics que l’enfant/ adolescent est amené à fréquenter. Domaine de l’environnement matériel Pour tout enfant/adolescent avec TED, dont l’évaluation aurait mis en évidence des besoins spécifiques d’adaptation ou de structuration matérielle de l’environnement, les aménagements doivent être mis en œuvre, éventuellement avec l’aide de professionnels spécialisés. 5.5 Facteurs prédictifs de l’efficacité des interventions Afin de préciser les indications des différentes interventions et notamment de pouvoir éventuellement définir des objectifs déclinés selon les tranches d’âge (cf. « Note de cadrage ») ou selon d’autres facteurs, une analyse de la littérature relative aux facteurs prédictifs de l’efficacité des interventions a été réalisée. 5.5.1 Attention conjointe, imitation, jeu Les déficits en attention conjointe, en imitation ou en jeu apparaissent souvent comme des obstacles à la réussite des interventions auprès des enfants avec TED. Compte tenu du rôle important de ces trois fonctions dans le développement typique, on a cherché à savoir dans quelle mesure l’importance d’un déficit ou d’un retard dans l’un ou plusieurs de ces domaines détermine les résultats des interventions comportementales intensives et/ou développementale. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 257 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 2006 États-Unis Toth et al. (332) étudient les prédicteurs précoces du développement de la communication chez le jeune enfant : attention conjointe, imitation, jeu avec des jouets. Dans cette étude, 60 enfants d’âge préscolaire, dont 42 avec autisme et 18 avec TED non spécifié, sont recrutés dans toutes les institutions possibles de l’État de Washington. N’étaient pas inclus les enfants avec des atteintes neurologiques d’étiologie connue, des atteintes sensorielles ou motrices handicapantes, une histoire de trauma crânien ou de maladie neurologique. L’âge allait de 34 à 52 mois en début d’étude. Les enfants sont suivis jusqu’à 65 à 78 mois. L’âge mental au score composite de l’échelle de Mullen est de 25,4 mois, allant de 11,8 à 46, 8 mois. Le QI (Mullen) était de 58,1 allant de 30 à 101, et le score verbal à l’échelle de Mullen était de 22,9 allant de 8 à 50. Le diagnostic d’autisme était fait selon l’ADI-R ET L’ADOS d’après le DSM-IV. Le diagnostic est également confirmé par un clinicien. L’attention conjointe, l’attention conjointe protodéclarative, la direction du regard étaient évaluées par l’Early Social Communication Scales (ESCS). L’imitation et l’imitation différée étaient évaluées par une batterie déjà utilisée avec des enfants avec autisme (Meltzoff 1988a, b). Le jeu fonctionnel et symbolique était évalué dans une situation standardisée (pas de tests standardisés). Le VABS était administré par téléphone tous les 6 mois. Les évaluateurs d’un enfant après le début de l’étude ne sont pas les mêmes qu’au début de l’étude. Les prises en charge des participants sont variées et ne sont pas décrites dans l’article. Les résultats des analyses montrent que quand on évalue simultanément l’attention conjointe, l’imitation et le jeu avec jouet, et la relation de ces trois fonctions au langage, ce sont l’initiation de l’attention conjointe protodéclarative et l’imitation immédiate qui sont le plus fortement corrélées avec les capacités initiales de langage à l’âge de 3Ŕ4 ans. Ainsi, on pourrait considérer que les deux facteurs moteurs nécessaires, au départ, au développement des échanges sociaux et communicatifs, sont l’attention conjointe protodéclarative et l’imitation immédiate. En ce qui concerne le rythme de développement, les capacités plus représentationnelles, ici le jeu avec des jouets et l’imitation différée, sont fortement associées avec un taux important d’augmentation des capacités de langage entre 4 et 6,5 ans. Les enfants qui ont un bon niveau de jeu avec des jouets et d’imitation différée à 4 ans, acquièrent des capacités de communication plus rapidement (ils gagnent en moyenne 13,4 mois de langage/an) que ceux qui ont un jeu et des imitations différées moins développées (ceux-ci gagnent 4,5 mois de langage par an). Ainsi le jeu et l’imitation différée sont de bons prédicteurs de la vitesse de développement des capacités de communication dans les quelques années suivant l’âge de 4 ans. 2005 États-Unis Dans l’étude de Sallows et Graupner (197) sur une étude globale, l’imitation, le niveau de langage, l’autonomie de vie quotidienne et la socialisation en début d’intervention sont de bons prédicteurs des scores après 3Ŕ4 ans d’intervention comportementale intensive. En particulier, le niveau initial d’imitation est un très bon prédicteur des gains en compétences sociales et en langage. Conclusion relative à l’attention conjointe, l’imitation, le jeu avec des jouets Chez le jeune enfant de 3Ŕ4 ans, quelle que soit l’intervention, le niveau d’attention conjointe protodéclarative et d’imitation immédiate sont de bons prédicteurs du développement du langage. Mais chez l’enfant un peu plus âgé, 4 et 6 ans 6 mois, quelle que soit l’intervention, c’est le niveau de jeu avec des jouets et d’imitation différée qui deviennent de bons prédicteurs du niveau de développement du langage. Dans les interventions ABA, l’imitation, le niveau de langage, l’autonomie de vie de quotidienne, les compétences sociales sont chacun de bons prédicteurs de langage et du gain en divers domaines. Ces résultats confirment le lien prédictif entre les différents niveaux de développement de l’attention conjointe et de l’imitation et le développement du langage. Néanmoins, cela ne montre pas que le seul entraînement en attention conjointe et imitation pourrait être suffisant pour développer du langage. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 258 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 5.5.2 Quotient intellectuel La valeur prédictive du QI en début d’intervention comportementale intensive et/ou développementale est l’objet de nombreuses discussions. Dans leur revue Rogers et Vismara (161) signalent que deux études Harris et Handlement 2000 et Ben Itzchak et Zachor* 2007 observent que le QI avant intervention prédit les résultats de l’intervention. Dans leur revue Howlin et al. (180) signalent que sur sept études qui explorent la question des prédicteurs, 4 trouvent que plus le QI initial est élevé et plus la taille du gain après intervention est grande. Dans aucune des 7 études, l’âge en début d’intervention n’est corrélé avec les gains. Hayward et al. (205) (cf. plus haut § 5.3.3), sur une intervention ABA intensive sur un échantillon de 44 enfants âgés de 24 à 42 mois, trouvent que le QI visuo-spatial (test de Merrill-Palmer) est un bon prédicteur des scores après intervention pour le QI (Bayley, WISC), la compréhension et production de langage, les comportements adaptatifs (VABS) ; ils prédisent également la taille des gains en QI (Bayley, WISC) et en scores composites de comportements adaptatifs (Lord et Schopler, 1989). Ce fait est à rapprocher de l’importance du rôle de l’attention visuelle dans les interventions sur les jeunes enfants avec autisme. Il est possible que les enfants qui ont plus d’attention et d’exploration visuelle aient un meilleur QI visuo-spatial et soient susceptibles de développer plus d’attention au thérapeute. Dans l’étude d’Eikeseth et al. 2002 (169), le QI au prétest est un prédicteur des résultats au post test un an après le début d’intervention dans le groupe avec intervention comportementale intensive mais non dans le groupe avec intervention éclectique. L’âge chronologique n’est pas un bon prédicteur. Dans l’étude d’Eikeseth et al. 2007 (170) qui est la suite de la précédente, deux ans et plus après le début d’intervention, aucune variable ne permet de prédire les scores de fin d’intervention, ni le taux de gain. Dans l’étude de Cohen et al. (165), le QI avant intervention des 10 participants ICPI dont les scores parviennent dans la zone moyenne normale après 3 ans d’intervention pour toutes mesures, ne diffèrent pas significativement des QI des 11 autres enfants du groupe qui ne présentent que des gains modérés. Dans l’étude de Sallows et Graupner (197), le score avant intervention au test de Mullen Early Learning Measure qui évalue le niveau de développement mental d’enfants jeunes sur 5 échelles (motricité globale, perception visuelle, motricité fine, production de langage, compréhension du langage) est un très bon prédicteur des gains après 3Ŕ4 ans d’intervention. Un QI inférieur à 44 avec aucun mot à l’âge de 36 mois prédit des progrès lents bien que réels alors qu’un QI supérieur à 44 prédit un rythme d’apprentissage rapide, une certaine capacité d’imitation et une certaine habileté sociale initiales prédisent des progrès importants et rapides de l’intervention. L’étude d’Elkevik et al. (199) signale que le niveau initial de fonctionnement intellectuel (QI) est un prédicteur moins fort que le niveau initial de compréhension du langage. Dans l’étude de Magiati et al. (167), le QI initial et les scores de compréhension du langage sont un très bon prédicteur du score global de progrès après deux ans d’intervention. Le QI en début d’intervention rend compte de 35 % de la variance des rangs de progrès global en fin d’intervention. Les 10 % d’enfants qui ont progressé le plus(dont le gain est le plus élevé) avaient un QI > 70, et tous verbalisaient sauf un en début d’intervention. Aucun des enfants qui ont progressé le moins n’avaient un QI ≥ 55 et aucun ne verbalisait. Dans l’étude de *Remington 2007 et al. (166), les 6 enfants de l’intervention comportementale intensive qui gagnent plus de 20 points de QI ont un QI, un âge mental, des scores composites, de communication, de socialisation au VABS plus élevés que les 6 enfants « non sensibles » à l’intervention et qui perdent des points de QI (perte inférieure à HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 259 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées 18 points). Les 6 premiers enfants ont un score moteur (VABS) plus faible, plus de problèmes comportementaux repérés sur la liste de développement comportemental par les père et mère, et plus de signes d’autisme rapportés par les pères et mères (l’algorithme de diagnostic de l’autisme), ainsi que moins d’heures d’intervention en deuxième année d’intervention. L’étude de Ben-Itzchak et al. (201) signale que le niveau de QI avant intervention comportementale intensive ne prédit pas la réduction des signes autistes après intervention. Mais le taux d’augmentation du QI est associé au taux de réduction de sévérité de certains traits autistiques, en particulier des comportements stéréotypés que l’on rencontre plus spécifiquement chez le jeune enfant que chez l’enfant plus âgé. L’étude d’Ozonoff et Cathcart (214) signale que le gain total en mois à la PEP, après une intervention TEACCH de 10 semaines est bien prédit par les scores (en mois) au prétest de PEP. Meilleures sont les capacités initiales des enfants au PEP, plus importants sont les gains. Les scores de la CARS en début d’intervention (40,9 pour le groupe TEACCH, 38 pour le groupe contrôle) sont négativement corrélés avec le gain total en mois de la PEP. Autrement dit un autisme modéré et de bonnes capacités de langage prédisent des gains plus importants. L’âge n’est pas corrélé au gain. Dans l’étude de Smith et al. (224), le groupe d’enfants qui en début d’intervention avait un QI ≥ 50 progresse plus que le groupe qui avait un QI < 50, et parvient à un niveau significativement supérieur à ce dernier 6 et 12 mois après le début d’intervention. En 12 mois, le groupe QI < 50 a gagné 6,1 mois en langage versant expression et 8,4 mois en compréhension ; le groupe QI ≥ 50 a gagné 14,4 mois en expression et 19,5 mois en compréhension. En communication (sous-échelle d’expression et réception du VABS II), le groupe QI ≥ 50 progresse plus et plus vite que le groupe QI < 50 (en particulier dans la période allant de 6 à 12 mois). Les comportements adaptatifs (communication, socialisation, vie quotidienne, habiletés motrices et score composite du VABS II) montrent des gains significatifs mais modestes dans les deux groupes, avec une supériorité significative du groupe QI ≥ 50. Les compétences cognitives augmentent significativement dans chacun des deux groupes ; mais le gain du groupe QI ≥ 50 est significativement supérieur dès 6 mois après le début de l’intervention à celui de l’autre groupe. Les comportements à problème diminuent significativement entre le début et le 6e mois, mais non après cette date. Le groupe QI ≥ 50 passe d’un score moyen de 60,4 sur l’échelle de comportement à problème en début d’intervention à un score moyen dans les limites de la normale (m = 55,9) au 6e mois, alors que le groupe avec un QI < 50 passe d’une moyenne de 65 à une moyenne de 59,1 au 12emois. Une étude française procède à une étude longitudinale multicentrique de l’évolution sur 3 ans d’un échantillon multicentrique de 263 enfants de moins de 7 ans, dont les résultats sont rapportés dans la thèse d’université de Baghdadli (232) et dans des publications internationales ultérieures (235,236,333) (cf. § 5.3.6). Cette étude montre que l’évolution à 3 ans est clairement fonction du niveau intellectuel de départ ; les résultats montrent une corrélation positive entre le niveau du langage et celui du développement psychologique général, ainsi qu’avec l’intensité des symptômes (334). En revanche, cette étude n’a pas mis en évidence d’influence significative du nombre des interventions thérapeutiques et/ou éducatives sur la trajectoire développementale (335). Dans la revue de cas unique de Campbell (283) sur les interventions concernant les comportements à problème, le QI n’est pas un bon prédicteur de l’efficacité de l’intervention comportementale. En conclusion, le QI apparaît très souvent comme un bon prédicteur de la sensibilité des enfants à l’intervention. Cependant, cette relation est statistique, et toutes les études comportent des enfants avec un QI bas qui ont pu profiter de façon considérable de l’intervention. La nature du lien entre le QI et la sensibilité à l’intervention est encore obscure. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 260 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées L’une des raisons est liée au fait que le QI fournit une sorte de résumé hic et nunc de ce que l’enfant avec autisme et retard mental a appris et est capable de comprendre des questions ou problèmes posés, mais le QI n’évalue pas les capacités virtuelles de l’enfant, ce dont il pourra être capable si on lui fournit les occasions d’apprendre d’autres savoir-faire et de développer ses outils de pensée. Les enfants qui pour des raisons qu’on ignore ont eu l’occasion de développer des capacités de pensée et de faire résumées sous un QI modéré ou élevé, ont plus de chances de tirer profit des interventions. Mais parmi les enfants qui, pour des raisons qu’on ignore, n’ont pas encore eu l’occasion de développer leurs capacités de pensée et de savoir-faire, un certain nombre peuvent les développer si l’occasion leur en est fournie. Il reste que pour un certain nombre d’enfants, on ne sait pas encore ce qu’il faudrait leur apporter pour qu’ils puissent à coup sur développer pensée et savoir-faire. Un autre aspect du problème est celui concernant la rapidité de traitement de l’information, de réaction et de compréhension. Même lorsqu’elle n’est pas mesurée explicitement par le QI, la vitesse de traitement détermine ce qu’un enfant a pu apprendre dans les quelques années de sa vie. Plus la vitesse de traitement est lente, moins un enfant aura l’occasion d’apprendre. Cet aspect de la vitesse de traitement chez l’enfant avec autisme pourrait être une piste importante à étudier. 5.5.3 Âge et rythme d’intervention ► Âge en début d’intervention Dans leur revue, Howlin et al. (180) signalent que sur sept études qui explorent la question des prédicteurs, aucune ne trouve que l’âge en début d’intervention n’est corrélé avec les gains. Dans la revue de cas unique de Campbell (283) sur les interventions comportementales concernant les comportements à problème ni l’âge, ni le QI ne sont de bons prédicteurs de l’efficacité de l’intervention comportementale. Dans l’étude Harris et Handleman 2000 (citée par la revue de Rogers et Vismara) (161), les enfants commençant l’intervention (type ABA) avant l’âge de 4 ans ont des résultats bien meilleurs en termes de QI et de scolarisation que ceux qui commencent à 50 mois (il n’y avait pas de relation entre âge et QI en début d’intervention). Dans l’étude d’Eikeseth et al. 2007 (170) qui est la suite de leur étude précédente, publiée en 2002 (169), deux ans et plus après le début d’intervention, aucune variable ne permet de prédire les scores de fin d’intervention ni le taux de gain. Dans l’étude de Cohen et al. (165), l’âge chronologique avant intervention des 10 participants ICPI dont les scores parviennent dans la zone moyenne normale après 3 ans d’intervention pour toutes mesures, ne diffèrent pas significativement des âges chronologiques des 11 autres enfants du groupe qui ne présentent que des gains modérés. Dans l’étude de Magiati et al. (167), l’âge chronologique en début de l’intervention comportementale intensive n’est pas un prédicteur des scores globaux de progrès. L’étude de Hayward et al. (205) signale que l’âge chronologique en début d’intervention (entre 24 et 42 mois) ne prédit pas les scores après intervention, dans aucun des domaines de mesure. L’étude d’Ozonoff et Cathcart (214) signale que l’âge chronologique en début d’intervention TEACCH (durée 10 semaines) ne prédit pas les gains en PEP. ► Rythme d’intervention 2000 États-Unis Luiselli et al. (336) (retenue par la revue de Rogers et Vismara) (161) examine le facteur âge, nombre d’heures d’intervention par semaine, durée totale d’intervention en mois, et nombre total d’heures pour 8 enfants âgés de 2 ans et 8 enfants de 3 ans recevant une HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 261 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées intervention ABA (Lovaas) à domicile de 6 à 20 heures/semaine, fournie par un programme clinique spécialisé du May Institute. Seul le nombre de mois de traitement est significativement corrélé au gain en langage, cognition, fonctionnement socio-émotionnel. En revanche, Granpeesheh et al. 2009 (337) (cf. plus bas) observe que le nombre d’items comportementaux appris dans une intervention ABA augmente sans faiblir avec le nombre d’heures d’intervention/mois en tout cas jusqu’à 40 heures/semaine et à condition de concerner des enfants entre 2 et 6 ans. À partir de 7 ans le taux d’apprentissage ne change pas avec le rythme d’intervention. 2005 États-Unis Dans l’étude de Sallows et Graupner (197), le nombre d’heures de traitement effectives avec encadrement 1 : 1 n’est pas un bon prédicteur. De même, le nombre d’heures additionnelles (0 à 15 heures/semaine), hors de l’intervention comportementale intensive donnée aux enfants pendant la première année d’intervention, n’est pas un bon prédicteur des résultats de l’intervention. 2010 France Darrou et al. (335) procèdent à une étude prospective longitudinale sur des enfants traités dans 51 centres de soin en France, Confédération helvétique et Luxembourg, afin de savoir dans quelle mesure le taux d’intervention influence la trajectoire développementale. La plupart de ces institutions utilisent la psychothérapie associée à différents services et aides rééducatives (sessions pédagogiques, rééducation du langage et rééducation psychomotrice. Le programme de ces interventions peut ainsi être considéré comme « éclectique ». Population : les critères d’inclusion sont : âge inférieur à 7 ans, diagnostic de TED sur la base de la CIM-10. Deux cent huit enfants sont retenus, dont 175 avec autisme, 28 avec autisme atypique, 5 « autres ». Il y avait 7 enfants avec syndrome génétique ou malformation, 16 avec épilepsie, 10 avec des antécédents périnataux. Les évaluations sont faites par des experts, validées cliniquement, sans connaissance du but de l’étude et de l’échantillon. Les informations sur les interventions, leur intensité par semaine dans les classes d’éducation spécialisée et scolarisation typique sont enregistrées, quand les interventions concernent plus de trois mois consécutifs et qu’elles sont administrées par des professionnels. Le nombre d’heures/semaine est calculé par des évaluateurs indépendants et une intensité moyenne/semaine par enfant est calculée. Les 208 enfants étaient évalués aux environs de l’âge de 5 ans puis 3 ans plus tard. Le niveau de langage est évalué par un item adapté de l’ADI-R en 3 catégories (phrases de 3 mots ou plus, pas de phrases de 3 mots, mais utilisation d’au moins 5 mots différents, moins de 5 mots). L’âge de développement est évalué avec le score, en mois, de l’échelle d’autonomie de la vie quotidienne du VABS et le retard mental par le rapport : âge de développement/âge chronologique. Le développement de la cognition relative aux personnes est évalué par trois des échelles de la communication sociale précoce standardisées (ECSP) : échelle d’interaction sociale, d’attention conjointe et d’ajustement comportemental renseignées au cours d’une session d’interaction standardisée avec un investigateur. Le degré de sévérité de l’autisme est évalué par la CARS d’après une vidéo de 20 minutes d’interaction de l’enfant avec un adulte. Les évaluateurs ne sont pas les mêmes avant et après l’intervention et sont indépendants de l’étude. Intervention : les informations sur les interventions, leur intensité par semaine dans les classes d’éducation spécialisée et scolarisation typique sont enregistrées quand les interventions concernent plus de trois mois consécutifs, et qu’elles sont administrées par des professionnels. Le nombre d’heures/semaine est calculé par des évaluateurs indépendants et une intensité moyenne/semaine et par enfant est calculée. La médiane des heures HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 262 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées d’intervention/semaine est de 30,5 au début comme à la fin de la période de 3 ans avec un écart interquartile de 24 à 38 heures/semaines. Résultats : deux groupes distincts émergent d’une analyse structurale (analyse en classes latentes ou clusters), un groupe de niveau supérieur et un groupe de niveau inférieur, sur la base des 4 variables : âge chronologique, âge de développement, sévérité de l’autisme, niveau de langage (phrase/mots/pas de langage). La même dichotomie des 4 variables apparaît avant et après le délai de 3 ans. Les enfants avec haut niveau ont un degré d’autisme plus faible, un niveau de langage plus élevé, un âge de développement plus élevé que ceux du groupe de niveau inférieur. Au total, 72 % de l’échantillon (149 sur 208 enfants) ne changent pas de groupe après intervention : 47 enfants appartiennent au groupe de niveau supérieur avant intervention, dont 44 de ces 47 enfants sont en niveau supérieur après le délai de 3 ans. Cent soixante et un enfants appartiennent au groupe de niveau inférieur en début d’étude, dont 105 restent dans le groupe de niveau inférieur après le délai de 3 ans. Vingt sept pour cent de l’échantillon (55 enfants) passent du groupe inférieur au groupe supérieur et 3 enfants (1 %) passent du groupe supérieur au groupe inférieur. Quarante-trois pour cent des 55 enfants, qui passent au niveau supérieur et qui ne parlaient pas en début d’intervention, présentent du langage après les 3 ans d’intervention. Malgré le fait qu’ils ne changent pas de groupe de niveau, les 149 enfants progressent, mais à un rythme plus lent que le développement typique. Les enfants qui sont dans le groupe supérieur avant et après le délai de 3 ans montrent une diminution significative de la sévérité de l’autisme et une augmentation de l’âge de développement. Les enfants qui demeurent dans le groupe inférieur montrent une augmentation significative de l’âge de développement. Les enfants qui passent du groupe inférieur au groupe supérieur montrent une diminution significative de la sévérité de l’autisme, et une augmentation de l’âge de développement. Prédicteurs : le nombre d’heures d’intervention n’est pas un bon prédicteur des scores après 3 ans, pas plus que le statut socio-économique. La sévérité de l’autisme et le niveau de langage sont de bons prédicteurs et des facteurs de risque : en début d’étude, une différence de 5 points à la CARS multiplie par 1,75 la probabilité d’appartenir au groupe inférieur après intervention. La probabilité d’être dans le groupe inférieur après intervention est 23,9 fois plus grande pour les enfants qui n’ont pas de langage en début d’intervention que pour ceux qui présentent du langage. La cognition relative aux personnes (échelle ECSP) et les habiletés de communication (VABS) apparaissent comme deux facteurs prédicteurs et protecteurs. Une supériorité de 10 mois d’un score de cognition relative aux personnes divise par 5 la probabilité d’être dans le groupe inférieur après intervention. Une supériorité de 10 mois d’un score de communication divise par 7,3 la probabilité d’être dans le groupe inférieur après intervention. En résumé, l’intensité des interventions qui ne sont pas homogènes entre services pédopsychiatriques, n’est pas l’équivalent de l’intensité d’interventions standardisées et comparables entre elles étudiées dans les autres études. Comparativement aux facteurs propres aux enfants qui ont repérés comme des prédicteurs, l’intensité d’intervention n’est pas un prédicteur des résultats obtenus après 3 ans d’intervention. Faiblesse : L’hétérogénéité des interventions qui retentit sur l’évaluation de l’intensité et sa validité. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 263 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées ► Interaction entre âge en début d’intervention et rythme d’intervention 2009 États-Unis Granpeesheh et al. (337) examinent la relation existant entre d’une part l’âge des enfants et le nombre d’heures de traitement et, d’autre part, le nombre d’objectifs comportementaux atteints dans une intervention ICPI. Population : un sous-ensemble a été extrait de 379 enfants recevant une intervention comportementale intensive en Californie, Arizona, Illinois, Texas, Virginia, et New York. Les critères d’inclusion : être âgé entre 16 mois et 12 ans, recevoir une moyenne de 20 heures d’intervention ou plus par mois pendant la durée de l’étude et avoir maîtrisé au moins un item/mois. Les enfants en intervention depuis moins d’un mois et ceux en intervention depuis 4 ans et plus n’étaient pas inclus. Au total 245 enfants sont retenus, âgés en moyenne de 6,16 (σ = 2,33). Le nombre moyen d’heures d’intervention par mois était de 76,65 (de 20,25 à 168,88 heures ; σ = 37,9). Deux cent vingt-sept enfants ont un diagnostic d’autisme, 18 un diagnostic de trouble envahissant du développement non spécifié. Les interventions impliquées dans l’étude partagent toutes les traits suivants : elles sont réalisées en encadrement 1 :1, sont comportementales avec des essais discrets et des entraînements par l’environnement, utilisent le renforcement, l’extinction, la généralisation, l’enchaînement de segments comportementaux, et le shaping, elles utilisent une approche fonctionnelle pour traiter les comportements-problèmes, l’entraînement régulier des parents et leur participation aux décisions, enfin une supervision directe, au moins tous les 15 jours, par un expert en intervention comportementale pour les enfants avec autisme. Les informations sont collectées prospectivement pendant 4 mois (chaque mois un intervenant de l’équipe thérapeutique de l’enfant note le nombre d’objectifs comportementaux acquis (d’après des critères précis) par l’enfant pendant ce mois. Résultats : quand le nombre d’heures mensuelles de traitement augmente et l’âge diminue, le nombre d’items comportementaux acquis par mois croît. L’échantillon de participants est divisé en 3 groupes d’âge : 2Ŕ5 ans, 5Ŕ7 ans, 7Ŕ12 ans. Le nombre d’heures mensuelles de traitement ne diffère pas entre groupes d’âge. Le groupe 2Ŕ 5 ans est le groupe qui tire le meilleur profit de l’intervention pour des taux faibles de traitement mensuel par rapports aux groupes plus âgés. Le groupe 2Ŕ5 ans tire le même profit que le groupe 5Ŕ7 ans pour les taux élevés de traitement mensuel. Le groupe 5Ŕ7 ans tire d’autant plus de profit de l’intervention que le taux d’intervention mensuel est élevé (jusqu’à un maximum de 42 heures/semaine qui est la limite supérieure dans les interventions représentées ici). Dans le groupe le plus âgé (7Ŕ12 ans), un nombre moyen de 17 items comportementaux est acquis par mois quel que soit le taux mensuel d’intervention. En résumé, l’âge et le taux d’heures d’intervention ne sont pas des prédicteurs indépendants. Par ailleurs, avant l’âge de 7 ans, aucun taux (en tout cas jusqu’à 42 heures/semaine) ne provoque de diminution ou de rupture des acquisitions. Au contraire, les enfants de moins de 7 ans augmentent régulièrement le bénéfice qu’ils tirent de l’intervention, sans indice de freinage, quand le taux d’heures augmente. Il est possible que 40 heures/semaine ne soit pas une limite supérieure à ne pas dépasser. On peut considérer que le critère d’efficacité choisi, le nombre d’objectifs comportementaux atteints, constitue une faiblesse de l’étude. D’abord la probabilité d’introduire un nouvel item comportemental est d’autant plus grande que la durée d’intervention hebdomadaire est longue. Donc la probabilité d’apprendre plus objectifs comportementaux s’accroît. Ce qui est intéressant dans cette étude, c’est l’information sur l’absence de rupture d‘apprentissage quand le nombre d’heures augmente. Cependant l’absence de rupture d’apprentissage ne dit rien sur d’autres aspects du comportement de l’enfant. On aurait aimé disposer d’information sur des critères concernant le niveau de généralisation des comportements, les niveaux d’anxiété, le sommeil, le contrôle émotionnel. Néanmoins, les résultats de cette étude sont à prendre en considération avec ceux d’études utilisant des critères plus globaux. Une autre HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 264 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées conclusion intéressante de l’étude concerne la relation âge-intensité. Si le facteur âge n’est pas un bon prédicteur des gains quand il varie soit à l’intérieur de la zone d’âge 2Ŕ5 ans, soit à l’intérieur de la zone d’âge 5Ŕ7 ans, soit à l’intérieur de la zone 7Ŕ12 ans, on comprend pourquoi la majorité des études évaluant les effets d’interventions comportementales globales à l’intérieur de chacun de ces groupes d’âge, ne trouve pas de prédiction par l’âge de début d’intervention. ► Rythme de supervision des intervenants 2009 Royaume-Uni et Norvège Eikeseth (181) examine la relation entre les gains après intervention comportementale intensive (type ABA) chez des enfants préscolaires et le rythme de supervision des intervenants. Population : Critère d’inclusion : diagnostic d’autisme (CIM-10, ADI-R), âge chronologique entre 24 et 42 mois à l’inclusion, pas d’autres pathologies médicales sévères, résidant hors de la zone couverte par le centre clinique d’intervention. Le groupe de 20 participants reçoit une intervention intensive organisée par les parents. L’âge chronologique est en moyenne de 34,9 mois (étendue 28Ŕ42, σ = 5,7), QI moyen = 54,2 (étendue 17Ŕ83, σ = 15,1) (WPPSI-R ou Bayley Scales of Infant Development -Revised), QI visuo-spatial moyen 76,1 (étendue : non testable-110, σ = 18,2) (MerrillPalmer, Compréhension du langage [échelle de Reynell] = 20,7 [étendue : non testable-33, σ = 2,8] production [échelle de Reynell] = 20,8 [étendue : non testable-35, σ = 3,3], VABS : 65,5 [étendue 53-93, σ = 10,4]). Intervention : elle se fait à domicile par au moins deux intervenants qui fournissent un encadrement 1 :1 sur la base du manuel développé par Lovaas et al.. Le rythme moyen d’intervention est de 34,2 heures/semaines pendant 50 semaines. Les parents ont reçu un cours d’une demi-journée sur l’ABA suivi par plusieurs heures d’entraînement intensif type main-à-la-pâte par les consultants. L’entraînement est ensuite fourni pendant les réunions, sessions de supervisions ou sessions avec les tuteurs. Les tests d’évaluations des enfants sont réalisés par des psychologues avec une grande expérience, ignorant le but de l’étude, et indépendants de celle-ci. Supervision : chaque enfant a un consultant (un total de 8 consultants travaille avec ce groupe). Chaque consultant fournit un minimum de sessions de supervision rentrant dans l’une des 3 classes de rythme suivantes : a) 3 heures toutes les 3 semaines, b) 4 heures toutes les 4 semaines), c) 6 heures toutes les 6 semaines. Les enfants, les parents et les tuteurs sont présents à chaque session de supervision. Le consultant et l’équipe analyse les données du cahier de compte-rendu relatif à l’enfant, travaille avec l’enfant pour contrôler les programmes en cours, réexamine les procédures pour réduire les comportements problèmes et donne un retour sur la qualité d’intervention. Le superviseur montre de nouveaux programmes et interventions à réaliser. À la fin de la séance de supervision, le consultant donne un rapport écrit sur les nouveaux programmes et interventions à réaliser. Les consultants sont eux-mêmes supervisés par les directeurs du UK Young Autism Project (UK YAP) qui est une réplique de l’UCLA International Multi-site Young Autism Project dirigé par Tristan Smith de Rochester University, New York (le codirecteur OI, Lovaas étant décédé entre temps). Un consultant doit avoir au moins une maîtrise en psychologie (bachelors degree). Les consultants de cette étude avaient au moins 3 ans d’expérience clinique en tant que tuteur et tuteur senior. Les superviseurs doivent avoir reçu un enseignement avancé sur l’ABA, connaître la revue de littérature sur les interventions et les résultats obtenus, sur la recherche concernant d’autres traitement de l’autisme et sur les aspects professionnels spécifiques aux consultants. Ils doivent montrer leurs compétences sur les principes, les procédures et les programmes nécessaires à la réalisation d’une intervention sur un enfant, HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 265 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées leurs compétences dans les relations avec les parents, à mener une équipe, à conduire les évaluations de performances de l’enfant et des tuteurs, à juger des situations et personnes, à écrire des rapports cliniques, à participer aux réunions annuelles d’état des questions, à suivre les règles éthiques. Ces capacités requises des consultants sont examinées en situation concrète selon une procédure qui figure dans un manuel. Résultats : 14 mois après le début de l’intervention, le QI moyen passe de 54 (σ = 15,1) en début d’intervention à 71 (σ = 22,1). La somme moyenne des supervisions est de 73,05 (allant de 40 à 109,5, σ = 24,80). Le rythme moyen de supervision par enfant est de 5,2 heures/mois (allant de 2,9 à 7,8 heures/mois). Le rythme de supervision est positivement et significativement corrélé à l’augmentation du QI (r(20) = 0,45, p < 0,05. L’augmentation du QI est positivement et significativement corrélé à l’augmentation du QI visuo-spatial (r(18) = 0,63, p < 0,01), mais ce dernier n’est pas significativement corrélé avec le rythme de supervision. Aucune corrélation entre les variables avant intervention et le rythme de supervision n’est significative. En résumé : ces résultats montrent une association entre le rythme de supervision et les gains en QI réalisés par les enfants après 14 mois d’intervention. Cependant, la forme de la courbe de corrélation ne suggère pas une association linéaire, mais plutôt le fait qu’endessous d’un certain rythme de supervision l’intervention est inefficace, et qu’au-dessus d’un certain rythme de supervision, on ne peut plus augmenter les gains produits par l’intervention. D’autres facteurs, tels que le rythme de l’intervention elle-même par exemple, sont également en jeu. Faiblesse : petit nombre de participants pour une étude de corrélation. L’utilisation d’une mesure de corrélation ne fait qu’identifier une association entre deux variables, mais non une relation causale. Cette étude est une étude préliminaire. ► Conclusion concernant les facteurs âge et rythme d’intervention et de supervision Il est capital de commencer le plus tôt possible une intervention pour deux raisons : permettre à l’enfant de s’intégrer le plus tôt possible à la société de ses congénères ; promouvoir une accélération de la diversification du développement le plus tôt possible avant que des facteurs jouant contre la plasticité ne puissent contrecarrer l’intervention. Ce que montrent, par ailleurs, les données sur le facteur âge est qu’en dessous d’un certain âge la sensibilité à l’intervention varie plus en fonction d’autres facteurs (comme le QI) qu’en fonction de l’âge. Par ailleurs, la seule étude qui a examiné la question de l’intensité d’intervention en fonction de l’âge montre que : l’augmentation de l’intensité ne provoque pas de rupture d’apprentissage chez les enfants de 2 à 7 ans ; que les plus jeunes de 2Ŕ5 ans sont ceux qui tirent le plus grand profit d’une intensité faible (mieux que ceux de 5 ans et plus) ; qu’à partir de 7 ans la variation d’intensité d’intervention ne change rien au taux d’apprentissage. Ces trois points constituent des arguments supplémentaires pour commencer une intervention le plus rapidement possible. Plusieurs études montrent qu’un nombre trop faible d’heures est inefficace, mais que dans le cas d’intervention intégrant ABA et approche développementale 25 heures/semaine semble un taux efficace. Mais on ignore jusqu’où on peut diminuer le nombre d’heures d’intervention sans nuire à l’enfant. Il est possible que la formation des parents à interagir avec leur enfant de façon conforme avec l’intervention menée dans la prise en charge permette de diminuer le nombre d’heures de l’intervention (cf. Smith et al.) (224) Le fait que le niveau d’imitation, de réponse à l’attention conjointe initiée par autrui, et de langage apparaissent comme de bons prédicteurs des gains, indique que les interventions qui tiennent compte dans la planification des entraînements du profil de l’enfant et de son HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 266 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées développement ont plus de chance d’être efficaces. C’est bien ce que semble indiquer d’ailleurs les essais qui insistent sur les considérations développementales comme ceux de Dawson et al. (175) sur des enfants très jeunes, ou celui de Kasari et al. (252) où sont intégrées intervention ABA et approche développementale insistant sur les compétences d’attention conjointe, d’imitation ou de communication. Enfin, le rythme de supervision des intervenants (c'est-à-dire le rythme du contrôle opéré par des professionnels très qualifiés, sur les activités des intervenants et les résultats obtenus) dans une intervention ABA auprès d’enfants préscolaires, semble être un facteur intervenant dans les gains liés à l’intervention au moins en ce qui concerne le QI. 5.5.4 Niveau de langage Études étrangères Eldevik et al. (199) rapporte que le niveau initial de compréhension du langage est un bon prédicteur des gains d’une intervention comportementale intensive aussi bien que d’une intervention éclectique. Le niveau de production du langage est un prédicteur moins fort. Magiati et al. (167) rapporte que le score de compréhension du langage est un très bon prédicteur du score global de progrès après deux ans d’intervention comportementale intensive. Les 10 % d’enfants qui ont progressé le plus verbalisaient sauf un en début d’intervention. Aucun des enfants qui ont progressé le moins ne verbalisait. Hayward et al. (205) signale que les scores en début d’intervention dans les différents domaines ne prédisent de façon fiable ni les scores finaux, ni le montant des gains un an après le début de l’intervention. Ozonoff et Cathcart (214) signalent que le score en mois au subtest de cognition verbale (PEP) en début d’intervention TEACCH (durée : 10 semaines) prédit le gain total en mois de la PEP en fin d’intervention. Les scores de la CARS en début d’intervention (40,9 pour le groupe TEACCH, 38 pour le groupe contrôle) sont négativement corrélés avec le gain total en mois de la PEP. Autrement dit un autisme modéré et de bonnes capacités de langage prédisent des progrès plus importants. Bono et al. (338) trouvent que la taille des gains d’une intervention comportementale est prédite par le niveau de langage des enfants et leur capacité à répondre à l’attention conjointe initiée par autrui. Ben-Itzchak et Zachor (339) examinent les prédicteurs des effets d’intervention chez 68 enfants âgés de 18 à 35 mois, en particulier le niveau cognitif et le langage. Population : 68 enfants avec un diagnostic d’autisme confirmé sur les trois mesures du DSMIV, ADI-R et ADOS, d’un âge moyen de 25,4 mois (σ = 4). Intervention : une intervention comportementale intensive (n = 40) et une intervention éclectique de plusieurs approches différentes (n = 28). Les deux interventions sont pilotées par un centre et comportent des programmes préscolaires spécifiques pour enfants avec autisme. Durée : un an. Résultats : l’algorithme de l’ADOS (score total des domaines de communication et d’interaction sociale) est utilisé pour former 3 niveaux de diagnostic : autisme, spectre de l’autisme et hors spectre. Les participants sont divisés en deux groupes en fonction de l’algorithme de l’ADOS après intervention : le groupe sans changement de diagnostic de 53 enfants qui conservent leur diagnostic d’autisme, et le groupe, de 15 enfants qui s’est amélioré ; sur ces 15 enfants, 13 (19 %) passent en catégorie « spectre de l’autisme », et 2 (3 %) passent hors diagnostic d’autisme et de spectre de l’autisme. Le groupe qui s’est amélioré a, avant intervention, des scores verbaux (Mullen Scales for Early Learning) significativement meilleurs (m = 70,3 σ = 27,1) que le groupe qui ne HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 267 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées s’améliore pas (m = 55,’ σ = 22,4) (p < 0,05) ; cette différence concerne le versant compréhension verbale (p < 0,05), mais moins sûrement le versant production (p = 0,05). Aucune autre différence n’est significative ni dans le domaine non verbal, ni le VABS, ni l’âge, ni le niveau d’éducation des parents, ni l’âge des parents. Les deux types d’interventions sont également répartis entre les deux groupes suggérant que les interventions n’interviennent pas dans le changement de sévérité de l’autisme (22 % du groupe comportemental intensif et 21 % du groupe éclectique changent de diagnostic). En ce qui concerne les gains après intervention, bien que chacun des deux groupes présentent des gains de capacités cognitives (Mullen Scales) avant-après significatifs, le groupe avec diagnostic amélioré présente un gain significativement plus important que le groupe non amélioré (p < 0,01). Les gains du groupe amélioré sont significatifs dans le domaine verbal versants compréhension et production (p < 0,001) et non-verbal (sauf en motricité) (p < 0,01) alors que le groupe non amélioré ne présente de gains que dans le domaine verbal versants compréhension et production (p < 0,001). On n’observe de différence significative entre les deux groupes dans le VABS, que dans le domaine de la communication. En ce qui concerne les comportements stéréotypés, le groupe amélioré présente une diminution des stéréotypies et des intérêts restreints significativement plus importante que le groupe non amélioré. En résumé, le seul facteur avant intervention qui apparaît comme prédicteur d’une amélioration de la sévérité de l’autisme est le facteur verbal, en particulier le versant compréhension. Les auteurs suggèrent que ces résultats sont en faveur d’endophénotypes différant du point de vue génétique, du point de vue de la sévérité de l’autisme et des anomalies neurologiques sous-jacentes. 2005 France Pry et al. (334) examinent, dans une étude rétrospective française, les relations existant entre la date d’apparition de signes de retard de langage et le développement mental ultérieur. La population étudiée est en partie la même que celle des études de Darrou et al. (335) et Pry et al. (236). Population : 222 enfants, provenant de 51 centres de pédopsychiatrie en France, Suisse, Belgique et Luxembourg sont inclus sur les critères suivants : un diagnostic d’autisme (CIM10), un âge inférieur à 7 ans. L’âge moyen était de 5 ans (étendue 21 mois à 7 ans). Au total, 7,5 % avaient une épilepsie, 3,2 % un syndrome génétique, et 5 % un accident périnatal. En utilisant comme indicateur de QI, le quotient développemental QD = AM/AC x 100, où l’AM est le score obtenu à l’échelle d’indépendance de vie quotidienne de la VABS et AC l’âge chronologique, la distribution était la suivante : 5,9 % présentaient un retard profond (QD < 20), 70 % un retard sévère (20 < QD < 50 ; 20,3 % un retard léger (50 < QD < 70 et 4 % sans retard mental (QD > 70). Le degré d’autisme d’après la CARS était en moyenne de 37 (σ = 7,1). Les parents sont interviewés par un psychiatre (différent de celui qui examine l’enfant) sur la date à laquelle ils ont perçu les premiers signes d’anomalie. Intervention : non mentionnée ; brièvement décrite dans l’étude de Baghdadli et al. 2007 (235), décrite § 5.3.6 « Prise en charge intégrative ». Résultats : le niveau de production de langage (1 : parole spontanée fonctionnelle, phrases de 3 mots ou plus ; 2 : au moins 5 mots différents sans phrases ; 3 : moins de 5 mots) est significativement et positivement corrélé avec le quotient de développement (vie quotidienne VABS) et négativement corrélé avec l’intensité des signes (CARS), mais l’âge de début des signes repérés par les parents (qui devrait corrélé avec le développement du langage), l’intensité des signes et le développement psychologique ne sont pas corrélés entre eux et, mis à part le développement psychologique, ne sont pas significativement corrélés avec le niveau de langage. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2012 268 Enfants/adolescents avec TED : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées En résumé : l’âge d’apparition des signes n’est pas un bon prédicteur du développement des enfants. La corrélation entre le niveau de langage et d’une part le niveau de développement estimé par le quotient de développement de l’échelle d’autonomie de vie quotidienne du VABS, et d’autre part la sévérité de l’autisme, confirme le rôle important du langage dans l’évaluation du développement des enfants avec autisme. Faiblesse : on ignore quelles interventions ou entraînement ont reçu les enfants. 5.5.5 Profils des enfants par attitudes et comportements sociaux 2007 France Pry et al. (236) explorent également les profils de 207 enfants et leur valeur prédictive sur les résultats des interventions. La population est recrutée dans 51 services français, suisse, belge et luxembourgeois. Les critères d’inclusion étaient : âge inférieur à 7 ans ; être intégré dans une prise en charge par un service de pédopsychiatrie, avoir un diagnostic d’autisme, de TED non spécifié ou de syndrome d’Asperger (CIM-10) ; le diagnostic était confirmé par une procédure méthodologiquement robuste assurant l’homogénéité des critères à travers les centres. Au total 187 enfants ont un diagnostic d’autisme et 32 de TED ou TED non-spécifié. Ils sont âgés de 2 ans à 7 ans lors de la première évaluation dans l’étude (moy : 5 ;5 ans ; σ = 6,9, comme dans une étude de Eikeseth et al. 2002 (169)) et de 5 à 10 lors de la seconde évaluation 3 ans après (moy :8 ; 2 ans ; σ = 1 ;3). L’état de développement est évalué dans 5 domaines : la cognition relative aux objets (subtest du triangle du K-ABC, la WPPSI-R, les subtests des cubes de Kohs du WISC-III), la cognition relative aux personnes (ECSP : items des tests de Seibert and Hogan (1982) (Guidetti & Tourette, 1993), et, pour les enfants avec du langage, l’échelle de Schulman (Schulman 1985), la communication, l’autonomie de vie quotidienne et la socialisation (VABS). Les mesures sont effectuées en début d’étude et 3 ans après. Par ailleurs, le langage est estimé en 3 niveaux : 1) langage spontané et fonctionnel, phrases de 3 mots ou plus,2) au moins 5 mots, 3) moins de 5 mots. Un indice de développement est calculé dans chacun des 5 domaines ; cet indice prend en compte la distance entre l’âge chronologique et l’âge de développement (en mois) dans chaque domaine considéré. Dans la publication Baghdadli et al. (235), l’indice de développement dans chaque domaine est plus classiquement QD = ([âge mental/âge chronologique] x 100) dans chaque domaine. Les résultats sont les mêmes. Intervention : prise en charge institutionnelle, non documentée ; brièvement décrite dans l’étude de Baghdadli et al. 2007 (235), décrite § 5.3.6 « Prise en charge intégrative ». Résultats : chaque enfant est caractérisé par 5 scores (différence entre l’indice calculé en début d’étude dans chaque domaine et l’indice correspondant calculé après le délai de 3 ans). Ces 5 scores représentent ainsi le parcours développemental de chaque enfant dans chaque domaine. Une analyse de clusters sur les 5 scores pour chaque enfant révèle l’existence de 4 groupes d’enfants. Les groupes diffèrent à la fois par l’importance de leur gains et les domaines dans lesquels se font les gains. Parmi ces 4 clusters, deux (n1 = 44, n2 = 50) sont des groupes d’enfants qui ont des gains importants dans les cinq mesures de compétences à la fin des trois années. L’un des deux groupes a des gains un peu plus importants que l’autre, et avait aussi un niveau de départ un peu meilleur que l’autre en particulier en langage. Les deux autres groupes ont des gains très modestes et des niveaux de départ également un peu plus modestes que les deux premiers. Ils sont un peu plus âgés en moyenne que les deux premiers groupes et montrent une sévérité d’autisme un peu plus importante. Ces deux groupes différaient peu par l’âge et peu par la sévérité de l’autisme. La différence entre les gains des deux premiers groupes et les gains très modestes des deux derniers groupes est beaucoup plus importante que la différence qui séparait ces deux paires de groupes au départ. Cette différence de gains ne pouvait pas être prédite par le seul âge, ou la seule sévérité de l’autisme, ni même par les scores obtenus au départ dans l’une des 5 variables. HAS et Anesm / Service des bonnes pratiques professionnelles (HAS) et service des recommandations (Anesm) mars 2