A-2009/N°16 - La faim dans le monde n`est pas une fatalité

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A-2009/N°16 - La faim dans le monde n`est pas une fatalité
2009/16
La faim dans le monde
n’est pas une fatalité
par Mauro Sbolgi
Analyses &
Études
Société 1
Siréas asbl
Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente,
sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de
SIREAS sous la direction de Mauro SBOLGI, Editeur responsable. Les
questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui intéressent notre
public et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de
rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public.
Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes
Monde et droits de l’homme
Notre société à la chance de vivre une époque où les principes des Droits de l’Homme
protègent ou devraient protéger les citoyens contre tout abus. Dans de nombreux pays ces
principes ne sont pas respectés.
Économie
La presse autant que les publications officielles de l’Union Européenne et de certains
organismes internationaux s’interrogent sur la manière d’arrêter les flux migratoires. Mais
ceux-ci sont provoqués principalement par les politiques économiques des pays riches qui
génèrent de la misère dans une grande partie du monde.
Culture et cultures
La Belgique, dont 10% de la population est d’origine étrangère, est caractérisée, notamment,
par une importante diversité culturelle
Migrations
La réglementation en matière d’immigration change en permanence et SIREAS est
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Société
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de la Fédération
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Sommaire
Introduction....................................................................................................5
Malthus avait-il raison ?..................................................................................7
1. La crise économique de 2008.....................................................................9
Le ralentissement de l’économie mondiale...........................................9
La flambée des prix des denrées alimentaires.......................................9
2. La fixation des prix des matières premières............................................10
3. Des règles commerciales non équitables.................................................11
4. La domination de l’agrobusiness.............................................................15
5. La dette du Tiers Monde..........................................................................17
6. La faiblesse des agricultures locales.........................................................20
Le manque de soutien aux petits producteurs....................................20
Le coût de l’énergie...............................................................................22
7. Le manque d’espace cultivable.................................................................22
3
Les cultures d’exportation de l’agrobusiness.....................................23
Les cultures d’agrocarburants..............................................................23
Les plantations pour les crédits carbone.............................................24
L’accaparement de terres par des entreprises étrangères et
des États.................................................................................................25
8. Le changement climatique........................................................................27
Les enjeux du Sommet de Copenhague sur le climat........................28
Conclusion.....................................................................................................29
La gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire..........................30
La réforme de l’économie mondiale....................................................31
La notion de souveraineté alimentaire................................................32
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................33
ANNEXE 1...................................................................................................31
ANNEXE 2...................................................................................................37
4
Introduction 
L
e problème de la faim dans le monde s’aggrave. Selon le dernier rapport
de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et
l’Agriculture, daté de juin 2009, il y a actuellement 1,02 milliard de
personnes qui ont faim (1). Parmi eux, 19 millions d’enfants de moins de
cinq ans souffrent de malnutrition aiguë. Des hommes, des femmes et des
enfants qui sont victimes de la faim, cela nous paraît incroyable, et pourtant
c’est la réalité. Une réalité choquante, révoltante, qui nous rappelle le
Moyen Age mais se poursuit aujourd’hui, au 21e siècle, à une époque où
l’exploitation des richesses de la planète et du développement technologique
est vertigineuse. Nous nous sentons offensés devant ce drame dont nous ne
pouvons ignorer les responsabilités face à l’inefficacité des politiques dites
« d’aide au développement. »
Et pourtant, la faim n’est pas une fatalité. Selon la FAO, la terre produit
déjà assez pour nourrir la population mondiale - 6 milliards - et pourrait en
nourrir le double. (2) A condition, supposons-nous, que les pays du Nord
changent leur modèle alimentaire. 1
Le dernier rapport de la FAO indique que les victimes de la faim sont
en nombre croissant. Par rapport à l’année dernière, il y a 100 millions
de personnes de plus qui doivent se contenter de moins de 1800 calories
par jour, ce qui est considéré comme le « seuil de sous-alimentation». Un
sixième de l’humanité se nourrit de l’équivalent de 2 bols de céréales par
1 Voir à ce propos les études sur l’empreinte écologique de nos modes de production et
de consommation, http://fr.wikipedia.org/wiki/Empreinte_%C3%A9cologique
5
jour. Les régions les plus frappées sont  l’Asie avec 642 millions de sousalimentés dont 200 millions en Inde, soit 10,5 % de plus que l’année dernière,
l’Afrique (307 millions, augmentation de 12,5 % ) et l’Amérique latine (53
millions, augmentation de 12.8 %). L’augmentation la plus forte (15,4 %)
se situe dans les pays riches, où l’on compte aujourd’hui 15 millions de
personnes qui ont faim.
De son côté, à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation (16
octobre), l’IFPRI (International Food Policy Research Institute) a rendu
public son index de la faim dans le monde qui classe les pays selon la
prévalence de la malnutrition infantile, le taux de mortalité infantile et la
proportion d’habitants qui ne consomment pas assez de calories. Selon ces
statistiques, 29 pays au monde ont des niveaux de famine alarmants dont
six très alarmants. Le pire score est détenu par le Congo Kinshasa, suivi
de l’Érythrée, du Tchad, de la Sierra Leone, du Burundi et de l’Éthiopie.
Sur ces 29 pays, 13 sont plus affamés aujourd’hui qu’en 1990. Le record est
encore détenu par le Congo Kinshasa où le niveau de famine a augmenté de
53 %. (3)
Jusqu’au milieu des années ‘90, on enregistrait des progrès dans la lutte
contre la faim. En 1969, lorsque la FAO a commencé les recensements, la
malnutrition touchait 876 millions de personnes. De 1969 à 1995, la situation
s’est améliorée, les chiffres ont baissé. En 1995, ils ont commencé à remonter,
malgré l’engagement solennel des chefs d’États et des gouvernements lors du
premier Sommet Alimentaire Mondial organisé par la FAO à Rome en 1996,
d’atteindre le seuil de 425 millions avant 2015. Il y eut un autre engagement
dans le même sens au Sommet du Millénaire à l’ONU en septembre 2000,
lorsque que fut proclamé solennellement le premier des huit Objectifs du
Millénaire pour le Développement (les « OMD ») : « Réduire l’extrême
pauvreté et la faim chronique de moitié d’ici 2015 (en prenant l’année 1990
comme base statistique) ». Mais au lieu de se rapprocher de cet objectif, on
s’en éloigne…
Cet objectif fait appel à la notion de sécurité alimentaire, définie par
la FAO au premier Sommet Alimentaire Mondial de 1996. La sécurité
alimentaire est atteinte lorsque « toutes les personnes, en tout temps, ont
économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation
suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs
préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et
saine » (4).
La notion de sécurité alimentaire ne doit pas être confondue avec celle de
souveraineté alimentaire, définie par le mouvement La Via Campesina2, qui
est « le droit de chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à
2 Voir annexe 2 pour la présentation de ce mouvement.
6
produire ses propres aliments de base dans le respect de la diversité culturelle
et productive ».
La sécurité alimentaire des peuples est d’évidence extrêmement importante.
La FAO établit avec raison un lien indéniable entre insécurité alimentaire
et insécurité tout court. « La crise silencieuse de la faim » représente donc
une grave menace pour la paix et la sécurité mondiale. La faim a provoqué
et provoquera de nouveaux conflits. Ainsi, afin de garantir la paix sur terre,
Il faut augmenter la production alimentaire de 70 % d’ici 2050, lorsque nous
atteindrons les 9 milliards d’êtres humains sur terre.(5)
De manière générale, les victimes de la faim sont dans des situations
d’insécurité alimentaire chronique et non dans des situations exceptionnelles
dues à des guerres ou à des catastrophes naturelles. Il s’agit de personnes qui
ont du mal à survivre, sans protection sociale et dans un état de pauvreté
extrême, pour lesquels le moindre choc économique ou climatique provoque
une crise alimentaire aiguë.
Or, la pauvreté et l’extrême pauvreté continuent d’augmenter dans le
monde, sauf dans la région «  Asie de l’Est et Pacifique » qui comprend
la Chine. La Banque Mondiale, – créée, rappelons-le, avec la mission
spécifique de lutter contre la pauvreté –, fournit entre autres des statistiques
sur l’augmentation, entre 1993 et 2002, du nombre de personnes vivant avec
moins de 1 dollar par jour. Cette augmentation est la plus manifeste en Asie
du Sud (Inde) et en Afrique, autant en milieu rural qu’en milieu urbain. En
Amérique latine l’augmentation est constatée surtout en milieu urbain. (6)
En cas de famine exceptionnelle, l’intervention humanitaire internationale
est utile, quoique ses moyens actuels sont insuffisants 3. Mais le problème de
la faim dans le monde est essentiellement, et de plus en plus, un problème
chronique qui doit relever de la responsabilité des États en premier lieu. Or
ceux-ci n’y arrivent pas, et ce n’est pas toujours par manque de volonté ou
de compétence.
Malthus avait-il raison ?
Dans son fameux « Essai sur le principe de la population », rédigé en 1798,
Malthus avait mis en évidence le fait que la croissance de la population, si elle
n’est pas régulée, progresse de manière géométrique (2, 4, 8, 16 , 32,…) alors
que les biens de subsistance augmentent seulement de manière arithmétique
(1, 2, 3, 4). Il prévoyait donc à terme de grosses difficultés.
3 Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) est l’organe des Nations Unies chargé
de distribuer l’aide alimentaire d’urgence. En 2008, le PAM a apporté une aide à 70
millions de personnes, ce qui ne représente que 8 % du total des personnes souffrant de
la faim.
7
Il y a eu un quasi-consensus sur le fait que les prévisions de Malthus
se sont avérées fausses de 1800 à aujourd’hui, vu que la population s’est
multiplié par 7 (on a atteint les 6 milliards en 1999) mais que les ressources
alimentaires et la richesse en général ont augmenté dans les mêmes
proportions, surtout au 20e siècle lorsque l’accroissement exponentiel de
l’exploitation des ressources énergétiques à bon marché a énormément
amélioré la productivité agricole dans les pays industrialisés.
Les préoccupations de Malthus ont été reprises par des chercheurs
américains dans les années soixante. (7) Ils ont expliqué que les individus
ont tendance à exploiter excessivement à leur propre avantage les ressources
communes, même si cela s’avère au détriment de tous à la longue. Par
conséquent, la quantité de population serait moins en cause que la manière
dont une partie de cette population se comporte.
C’est exactement ce que confirme Jean Ziegler, rapporteur spécial
des Nations Unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, en
parlant, à l’occasion de la sortie de son film « We feed the world »4, de la
« captation de ces immenses richesses nouvellement créées par une oligarchie
transcontinentale détentrice du capital financier ». (8)
Est-ce alors la taille de la population mondiale qui pose problème ou
le modèle de production et de consommation des pays riches ? Il semble
bien que la seconde réponse soit la bonne. C’est ce que cette étude entend
démontrer en évoquant quelques caractéristiques du système économique
capitaliste mondialisé et néolibéral qui se développe depuis près de 30 ans.
Il s’agit de différents facteurs, tous liés les uns aux autres, dont les multiples
interactions continuent d’aggraver les inégalités dans le monde. Nous
étudierons successivement :
• la crise économique de 2008
• le marché des matières premières
• les règles commerciales non équitables
• la domination de l’agro-business
• la dette du Tiers Monde
• la faiblesse des agricultures locales
• le manque d’espace cultivable
• le changement climatique
4 Jean Ziegler a publié de nombreux ouvrages, dont « L’empire de la honte » à la base du
film « We feed the world » de Erwin Wagenhofer sorti en 2007.
8
1. La crise économique de 2008
B
ien qu’il ne soit pas le plus fondamental, nous parlons de ce facteur
en premier parce que la FAO l’a mentionné récemment comme
facteur significatif dans l’immédiat. La FAO reconnaît que la pénurie
alimentaire existe depuis longtemps, mais considère que deux facteurs sont
directement liés à l’aggravation de la situation (9).
• d’une part le ralentissement de l’économie mondiale provoquée par la
crise financière de 2008
• d’autre part la flambée persistante des prix des denrées alimentaires dans
de nombreux pays : 24 % de hausse par rapport à 2006 et 33 % de hausse
par rapport à 2005.
Le ralentissement de l’économie mondiale
La récession mondiale a en effet un impact sur les revenus. Les gens les
plus pauvres et qui ont perdu leur faible emploi ont souffert directement de
la flambée des prix des produits alimentaires.
Dans les pays riches, les pauvres bénéficient de certaines formes de
protection sociale, quoique cette protection ne soit manifestement pas
toujours suffisante. Les pays les plus pauvres, quant à eux, n’ont pas ces
systèmes. Dans certains cas, ce sont les programmes d’ajustement structurels  imposés par la Banque Mondiale et le FMI (Fonds Monétaire International)
qui ont obligé les gouvernements à réduire leurs dépenses publiques et
notamment les dépenses de protection sociale et de protection des petits
producteurs. Nous détaillerons ce point plus loin dans le chapitre sur la
dette du Tiers Monde.
La flambée des prix des denrées alimentaires
Les 51 pays les moins avancés (les PMA) sont tous, sauf deux, importateurs
nets de produits alimentaires (10). La hausse des prix alimentaires par
rapport à 2006 n’est pas due à une baisse de l’offre, au contraire. En 2008,
la production de céréales a atteint le record de 2,3 milliards de tonnes. Mais
c’est l’augmentation de la demande qui crée une pression sur les prix, et cette
augmentation est liée notamment à l’élévation des revenus dans certains
pays, dont la Chine et l’Inde. Elle est due aussi à d’autres facteurs tels la
fixation des prix des denrées de base sur les marchés financiers. Nous y
reviendrons également ci-dessous.
Il y a donc une interaction entre des facteurs conjoncturels (le
ralentissement économique et la hausse des prix) et des facteurs structurels
9
(la faiblesse de la protection sociale, la soumission des pays pauvres à des
instances internationales, les mécanismes de la fixation des prix des denrées
de base).
Les facteurs conjoncturels sont aggravés par la multiplicité des
facteurs structurels responsables de la faim dans le monde. Ceux-ci sont
essentiellement d’ordre international. Selon Jean Ziegler, la faim est surtout
due à une répartition aberrante des richesses. « Le système actuel de
l’économie mondiale est complètement inadapté aux besoins de la planète »
écrit-il.
 
2. La fixation des prix des matières premières
L
es principales matières premières agricoles (céréales, sucre, café,
coton, cacao, huiles et pomme de terre) sont cotées en bourse : le café,
le cacao et le sucre à Londres et à New York, le riz, le blé à Chicago,
le coton à New York, la pomme de terre à Londres, le soja à Chicago, le
maïs à Chicago et à Paris, etc. ).
L’évolution du prix des denrées alimentaires est donc influencée par
l’évolution des cours sur les marchés boursiers. Or les matières premières
sont devenues un refuge pour les spéculateurs depuis la crise financière de
2008. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter quelques sites Internet sur
la bourse5.
Ainsi, des pays entiers se trouvent soumis à la volatilité des prix. Prenons
l’exemple de l’Éthiopie. Le café est le principal produit d’exportation des
Éthiopiens et plus de 95 % des grains de café sont produits par des petits
paysans et leurs familles. En trois ans, de 2000 à 2003, les cours du café ont
baissé de près de 50%. Dix ans avant, les pays exportateurs obtenaient le
tiers de la valeur du café sur le marché mondial. En 2003, ils en reçoivent
à peine dix pour cent, alors que le consommateur final paie le même prix.
(11) En 2004 une majorité de paysans avaient donc renoncé à la récolte des
grains, le prix de la vente ne couvrant plus les frais de production, et peu à
peu la grande pauvreté et la famine sont apparues.
En effet, le cours du café se négocie à Londres. Le marché mondial du
café est dominé par quelques sociétés transcontinentales qui décident de la
vie ou de la mort de millions de familles paysannes réparties dans le monde.
La première de ces sociétés est le trust agro-alimentaire Nestlé. (12)
Pendant plus de trente ans, le marché du café a été régulé par l’International
Coffee Agreement (ICA) de manière à assurer des prix relativement
stables aux paysans. Mais cet accord a été liquidé en 1989 par les sociétés
5 Notamment http://www.edito-matieres-premieres.fr/0679/soft/ble/usda-bresilethanol.html
10
transcontinentales du café, encouragés par la politique de libéralisation des
marchés impulsée par le FMI et par la Banque Mondiale. Jusqu’en 1989,
pays producteurs et importateurs se mettaient d’accord sur des quotas
d’exportation. Aujourd’hui, les prix se fixent à la bourse de New-York (pour
l’arabica) et de Londres (pour le robusta) où les spéculateurs désorganisent
le marché et où l’offre augmente alors que la consommation stagne.(11)
Le commerce du café, dont la production concerne 25 millions de
producteurs dans le monde, est contrôlé à 70 % par quatre sociétés, tandis
que 66 % de la commercialisation du café torréfié sont dominés par cinq
entreprises. Les dépenses publicitaires de ces sociétés sont sans commune
mesure avec tous les efforts entrepris pour lutter contre la faim dans le
monde.
La planète est devenue un grand marché. Tandis que certains pays
s’appauvrissent parce qu’ils ne peuvent plus vendre leur café à un prix
raisonnables, d’autres s’enrichissent. Pour le riz, la tendance des cours est
à la hausse parce que la consommation augmente alors que la production
baisse. Ce qui ne fait pas l’affaire de ceux qui doivent en importer.
3. Des règles commerciales non équitables
L
ee Kyung-hae, était président de la Fédération des fermiers et
pêcheurs de Corée. Il contestait les règles de l’OMC qui tuent les
petits paysans. Le 10 septembre 2003, lors de la conférence de l’OMC
à Cancun (Mexique) il se suicida devant les caméras de télévision.
Sur le marché mondial, un cercle vicieux et scandaleux s’est installé. En
résumé, via de puissantes multinationales et la libéralisation du commerce
mondial, les pays riches s’enrichissent en imposant leurs produits dans le
monde alors que les pays pauvres ont de plus en plus de mal à maintenir leur
production et à la vendre, y compris sur le marché local. Pourquoi ?
L’inégalité des termes de l’échange dans le monde n’est pas une nouveauté.
La CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le
Développement) fut fondée en 1964 sous l’impulsion d’économistes sudaméricains et arabes, précisément pour tenter de corriger l’inégalité des termes
de l’échange sur le marché mondial. Mais la CNCED a échoué. Aujourd’hui,
pour les 86 pays de l’ONU (sur 191) dont les recettes d’exportation sont
essentiellement d’origine agricole, le pouvoir d’achat a baissé de deux tiers
par rapport à ce qu’il était au moment de la fondation de la CNUCED
(12). Ils doivent exporter trois fois plus pour pouvoir importer une même
quantité de produits étrangers. Donc ils continuent de s’endetter, et c’est le
cercle vicieux.
11
Le mécanisme s’est aggravé dans les années 80 avec l’idéologie néolibéraliste
du FMI (Fonds Monétaire International) et de la Banque mondiale,
principaux organes de prêts financiers aux pays « en développement », qui
ont imposé une libéralisation accrue des marchés comme condition pour
pouvoir emprunter.
Les règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), mise en
place en 1995, sont le reflet de la même idéologie. L’objectif de l’OMC
est de faire la chasse au protectionnisme « non justifié » (13). Mais dans la
pratique ce système fonctionne à sens unique. « La conférence de l’OMC a
Seattle est le symbole le plus évident de l’injustice mondiale et de l’hypocrisie.
Les pays industriels avancés ont imposé l’ouverture des marchés des pays
en développement à leurs produits industriels en continuant à garder leur
propres marché fermés aux produits des pays pauvres, comme le textile et
l’agriculture. Ils ont dit au pays en développement qu’ils ne devaient en
aucun cas subventionner leurs industries, mais ne se privent pas de verser
des milliards à leurs agriculteurs, ce qui interdit aux pays pauvres de les
concurrencer.» (14)
En effet, une astuce juridique permet aux producteurs des pays riches de
pratiquer un dumping déguisé. D’une part, la définition légale de l’OMC du
dumping, qui est interdit sur le plan formel, ne concerne que les subventions
à l’exportation, pas les subventions internes. D’autre part, cette définition
interdit l’exportation à un prix inférieur au marché intérieur et non à un prix
inférieur au coût de production ! On est là face à une énorme escroquerie.
(15)
La conférence de Cancun, en 2003 au Mexique, devait discuter entre autres
des aides aux agriculteurs. Ce fut un échec. Ainsi par exemple, quatre pays
africains (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) avaient mis « la bataille du
coton » à l’ordre du jour en demandant l’élimination totale des subventions
des pays du Nord (États-Unis en particulier) et une indemnisation financière
pour les pertes subies, ce qui sur le fond correspond aux objectifs du libreéchange. Ils ont argumenté que « Pour l’Afrique, c’est une question de vie
ou de mort. Le marché international nous tue. Ces subventions constituent
un crime ». Mais la proposition fut rejetée. (16)
Difficile donc d’appliquer équitablement, c’est à dire dans les deux
sens, le principe de base de l’OMC, à savoir la chasse réelle à tous les
protectionnismes. Entre-temps, la paralysie des négociations à l’OMC laisse
la place à des accords bilatéraux ou multilatéraux de libre échange encore
plus dangereux.
En effet, les accords de libre échange (ALE) bilatéraux que font signer
les États-Unis et l’Union européenne aux pays du Sud stipulent qu’ils ne
peuvent protéger leur agriculture en cas de pénurie. Tous les accords de
12
libre échange que les États-Unis ont négociés contiennent la clause : « …
aucune des Parties ne pourra adopter ou maintenir une interdiction ou une
restriction à l’importation d’un produit d’une autre Partie ou à l’exportation
ou à la vente pour exportation d’un produit destiné au territoire d’une autre
Partie … ». Cela concerne aussi les denrées alimentaires. La seule exception
concerne la pénurie « grave », elle ne peut être appliquée que pendant
un court laps de temps et doit être approuvée par les États-Unis. Cette
restriction est plus forte que dans l’Accord de base de l’OMC. Et l’Union
européenne suit l’exemple dans les accords qu’elle a signés. (17)
D’autres part, dans le cadre de ces accords bilatéraux, plusieurs pays
d’Asie du Sud Est bradent leurs mers et leurs pêcheurs. Un projet d’accord
entre l’ASEAN et l’Union européenne est en cours, qui supprimerait
pratiquement toutes les formes de protection et les obstacles du commerce
de façon à ce que rien ne puisse entraver les investissements étrangers. Mais
l’accord imposerait un régime de sécurité sanitaire et de traçabilité tellement
strict qu’il est clair que seules les grandes entreprises seraient capables de
s’y conformer (18). Ce qui implique de grosses pertes pour les pêcheurs
artisanaux et le rêve pour les compagnies transnationales .
La libéralisation à outrance des échanges commerciaux profite aux grandes
entreprises des pays riches (et aux riches des pays pauvres) et continuent
d’appauvrir les pauvres des pays pauvres. Les pays du Sud sont contraints
d’importer et exporter sans restrictions, au prix fixé par le marché mondial.
Dans les pays du Nord par contre, les États-Unis et l’Europe continuent
de subventionner de larges secteurs de l’agriculture, au mépris des règles
de l’OMC. Les subventions accordées aux agriculteurs des pays du Nord
entraînent une surproduction qui est exportée vers le Sud à des prix
inférieurs aux coûts de production. Ce qui tue le commerce local et les
produits locaux et ces pays deviennent donc de plus en plus dépendants des
produits importés. Et si les émeutes de la faim des années 2007-2008 se sont
produites dans les villes principales consommatrices de produits importés,
c’est parce que celles-ci ont été rendues extrêmement vulnérables à une
hausse des produits agricoles par le système agroalimentaire mondial.
A cause des subventions et aides à l’exportation attribuées par leur
gouvernement aux paysans européens, on peut trouver sur les marchés
africains des légumes ou des fruits italiens, français, portugais ou espagnols
aux deux tiers ou à la moitié du prix de produits autochtones ! Même si le
paysan africain travaille avec sa femme quinze heures par jour, il n’a pas la
moindre chance d’acquérir un minimum vital pour sa famille (12). C’est la
destruction des agricultures locales.
Nombreux sont ceux qui objectent qu’ « il est dangereux de mettre en
situation de libre échange intégral des pays dont le niveau de développement
13
est très inférieur à celui des pays riches. Il faut donc favoriser le marché
intérieur. Et il faut, au moins au départ, que le Pays aidé adopte une politique
protectionniste. L’Afrique notamment devrait pouvoir utiliser l’arme du
protectionnisme comme l’Europe l’a fait après la Seconde Guerre mondiale
et comme elle le fait encore dans certains secteurs. » (19)
L’hypocrisie est à son comble et Joseph Stiglitz, ex-économiste en chef
de la Banque mondiale et prix Nobel de l’Économie en 2001, ne cesse de le
clamer : « Si le pays le plus riche du monde se dit contraint de recourir à des
mesures protectionnistes pour défendre ses travailleurs, ces mesures ne sontelles pas infiniment plus justifiables dans les pays en développement où le
chômage est massif et le filet de sécurité inexistant ? » (14)
La liste des exemples de conséquences néfastes de la mondialisation
inéquitable du commerce sur les agricultures locales est sans fin. Ce qui suit
n’est qu’un aperçu extrêmement limité, à titre indicatif :
• Au Ghana, les importations de tomates européennes ont très sévèrement
affecté l’accès au marché des producteurs de tomates locaux.
• En Afrique de l’Ouest, le déferlement des importations de volaille a détruit les moyens de subsistance de nombreux pasteurs. (20)
• En Thaïlande, l’aquaculture destinée à l’exportation a provoqué la conversion massive de terres agricoles fertiles (auparavant consacrées au riz). En
outre, l’introduction d’une nouvelle espèce de crevette, convenant mieux
aux exportateurs, a fait disparaître une crevette locale servant à faire la
pâte à crevette, une des bases de la culture alimentaire locale.
• Au Bengladesh, bientôt la capitale mondiale de la crevette, l’aquaculture
intensive est menée par des grandes entreprises qui n’ont pas hésité à expulser violemment les populations locales (21). Des terres agricoles qui
autrefois assuraient la subsistance de la population sont transformées en
immenses bassins d’eau salée destinés à produire un aliment de luxe pour
les marchés étrangers.
• Au Sénégal et en Mauritanie, où les navires de la pêche industrielle des
pays du Nord, souvent subventionnée, sillonnent les côtes de l’Atlantique, la majorité des pêcheurs locaux sont sans travail et risquent leur vie
en tentant d’émigrer clandestinement vers l’Europe.
• L’Égypte a libéralisé le marché de la terre, les contrats de fermage ne sont
plus protégés (22). Des milliers de paysans se sont retrouvés sans terre
tandis que l’agriculture industrielle d’exportation est favorisée.
• Etc.
14
Tout cela est lié aussi au cercle vicieux de la dette du Tiers Monde :
• Au Bengladesh par exemple, les investissements des multinationales de la
crevette ont été encouragés par le gouvernement et la Banque mondiale
parce que cela rapporte des devises au pays.
• Les droits de pêche versés aux pays africains qui bordent l’Atlantique
rapportent des millions de dollars aux gouvernements concernés.
• Etc.
4. La domination de l’agrobusiness
I
l ne fait pas de doute que les politiques néolibéralistes prônées par le FMI,
la Banque mondiale et l’OMC ont stimulé les puissantes multinationales
à déployer des méthodes d’investissement, de commerce et d’emploi qui
aggravent la pauvreté. Ce sont les maîtres du monde. Pour Jean Ziegler,
on assiste à une « reféodalisation » du monde : « Les nouveaux seigneurs
féodaux ont un pouvoir infiniment plus grand que n’importe quel pape ou
empereur dans l’histoire » (12).
En 2004, les 500 plus grandes sociétés transcontinentales du monde
contrôlaient 54 % du Produit Mondial Brut. Un grand nombre de
ces multinationales sont actives dans le domaine alimentaire. C’est ce
qu’on appelle l’agrobusiness (ou agribusiness), qui se caractérise par des
investissements gigantesques, une production intensive et mécanisée orientée
vers l’exportation, un usage massif d’engrais et pesticides chimiques, des
irrigations abondantes, …et des ravages pour l’environnement. On l’appelle
aussi « agriculture industrielle » ou « complexe agroalimentaire ». Sous
ces synonymes se cache un système qui traverse aujourd’hui toutes les
frontières et dont le premier objectif est le profit, en toute logique capitaliste.
L’agriculture industrielle ne cherche pas à nourrir les populations mais à
faire fournir des devises et à se nourrir elle-même.
En effet, en pleine crise alimentaire (2008), les bénéfices des grandes
entreprises de l’agroalimentaire ont été au plus haut. Nestlé, leader mondial
de l’alimentation, a vu son bénéfice progresser de près de 70% en 2008 (23).
De septembre à novembre 2008, « grâce à la bonne tenue de ses activités en
Amérique du Sud », Monsanto a enregistré une augmentation de 117 % de
ses bénéfices nets. (24) Et on pourrait allonger la liste …
Le cas Nestlé
L’univers de Nestlé emploie 275 000 personnes dans le monde réparties
sur 511 usines dans 86 pays et vend des aliments sous plusieurs centaines de
noms.
15
Il y a une trentaine d’années, Nestlé a fait l’objet de critiques sévères en
raison des ses campagnes publicitaires mensongères et trompeuses suggérant
la supériorité du lait en poudre par rapport au lait maternel. Cette publicité
était surtout répandue dans les pays pauvres où l’eau potable est rarissime.
On imagine facilement les dégâts pour la santé des enfants6. En 1984 , Nestlé
fut contrainte de signer le Code international de commercialisation des
substituts du lait maternel, promulgué par l’OMS en 1981 et interdisant
toute publicité de substitution du lait maternel. Mais Nestlé continue de
commettre régulièrement des infractions à l’égard de ce code.
Par ailleurs, Nestlé s’est fait remarquer pour le réétiquetage de boîtes de
lait périmé en Colombie en 2002, et plus généralement pour sa politique
sociale peu ouverte aux revendications salariales, et pour sa stratégie de
participation à la privatisation de l’eau potable dans certains pays du Sud.
Le cas Monsanto
En quelques années, la société Monsanto 7 a réalisé un vrai hold-up sur
le coton indien, avec la complicité des autorités gouvernementales qui ont
ouvert la porte aux OGM, en bafouant le principe de précaution que l’Inde
avait pourtant toujours défendu. (25)
Selon la physicienne et écrivain Vandana Shiva 8, militante écologiste et
altermondialiste réputée, la FAO a eu tort de soutenir les monocultures,
les engrais chimiques et les OGM en Inde en affirmant que c’est augmenter
le nombre d’affamés à long terme. Les agriculteurs qui s’endettent pour
développer des monocultures à plus grande échelle sont non seulement à
la merci de la moindre contrariété climatique, mais aussi ils entrent dans
un cercle de dépendance à l’égard des producteurs de semences puisque,
sous couvert de protection de brevet, ils n’ont pas le droit de reproduire
eux-mêmes les semences. Vandana Shiva considère que l’OMC et la Banque
mondiale, avec la complicité de la FAO, sont responsables du suicide de
plus de 15 000 paysans en Inde chaque année depuis 1997.
Olivier De Schutter, professeur de droit international à l’UCL et
successeur de Jean Ziegler au poste d’expert indépendant rapporteur pour
6 Selon l’UNICEF, environ 4000 nourrissons meurent chaque jour à cause d’une poudre
de lait mélangée à une eau insalubre ou dans un biberon malpropre. (cfr. J. Ziegler,
l’Empire de la honte).
7 Tristement célèbre par les nombreux procès intentés contre elle (commercialisation de
produits nocifs, publicité mensongère, … ) ou par elle (accusant des agriculteurs d’avoir
violé les brevets de production de semences)
8 Prix Nobel alternatif en 1993. Vandana Shiva a fondé l’association « Navdanya »,
association pour la conservation de la biodiversité et la protection des droits des
fermiers contre l’emprise des multinationales agrochimiques. La ferme de Navdanya
est une banque de semences modèles, qui a permis à plus de 10 000 fermiers d’Inde et
des pays environnants de redécouvrir l’agriculture paysanne et biologique.
16
les Nations Unies sur le droit à l’alimentation, est également préoccupé
par le problème. Dans une conférence de presse à l’ONU le 21/10/09, il
aborde la contradiction entre le droit à l’alimentation (inscrit dans le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, signé
en 1966) et le droit de propriété intellectuelle, qui couvre les brevets des
multinationales dans le marché des semences notamment. Il rappelle qu’une
dizaine de multinationales de la semence détiennent 60 % du marché des
semences commerciales, ce qui représente une menace sérieuse pour le
marché des semences traditionnelles, qui risquent de disparaître, et donc
pour les agriculteurs des pays pauvres qui ne pourront pas se procurer
les semences commerciales ou entrent dans un système de dépendance. Il
encourage les États à travailler en direction d’un droit des agriculteurs, à
réexaminer leur système de régulation et de certification des semences
et à promouvoir le marché des semences locales, en concluant que « les
gouvernements ne devraient pas voir leurs priorités dans l’alimentation
dictées par les intérêts du secteur privé ». (26) 
Le clivage Nord Sud est aussi un clivage entre l’agriculture industrielle et
l’agriculture paysanne. Le mouvement La via Campesina, qui était présent à
Copenhague du 17 au 18 décembre 2009 au Sommet mondial sur le climat,
s’est exprimé en ces termes : « L’agro-business n’a pas seulement contribué
largement à la crise du climat, elle a aussi massacré les paysans du monde.
Des millions de paysans et paysannes partout dans le monde, ont été expulsés
de leurs terres. Des millions d’autres subissent des violences chaque année à
causes de conflits fonciers en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Ce sont
des paysans et paysannes et des gens sans terre qui composent la majorité
des plus d’un milliard de personnes affamées dans le monde. Et à cause de
la libéralisation du commerce, de nombreux petits producteurs se suicident
en Asie du Sud. Par conséquent, en finir avec l’agriculture commerciale est
notre seule issue.» (27)
5. La dette du Tiers Monde
P
arce qu’ils sont endettés, les pays pauvres abdiquent de leur
souveraineté. Ils perdent les moyens de contrôler leur économie
interne, leur système agricole, leur système de protection sociale, etc.
Les mécanismes de la dette du Tiers Monde sont abondamment analysés
et décrits par Éric Toussaint, docteur en sciences politiques de l’Université
de Liège, qui a fondé en 1990 un réseau international très actif : le CADTM
(Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde).
Les gouvernements fonctionnent comme les particuliers et les entreprises:
quand leur budget est en difficulté, quand ils manquent de liquidités, ils
17
sont obligés d’emprunter. Les gouvernements des pays en développement
empruntent auprès d’institutions financières internationales ou auprès
de grandes banques des pays du Nord, ou parfois d’État à État. Les deux
principales institutions financières internationales sont la Banque Mondiale
et le FMI (Fond Monétaire International). Dans les deux cas, ce sont les
puissances occidentales qui prennent les décisions, et les États-Unis à
eux seuls détiennent suffisamment de voix pour influencer les décisions
importantes dans le sens qui leur convient.
Mais, comme toutes les banques, ces institutions prêtent sous
conditions. Depuis 1989, ces institutions appliquent une sorte de « code
du néolibéralisme » qu’on a appelé le Consensus de Washington. Sur
base de ce consensus, l’État emprunteur est tenu de prendre des mesures
d’assainissement de ses finances publiques, ce sont les « ajustements
structurels ». Ces ajustements comprennent :
- une stricte discipline budgétaire et donc la diminution des dépenses
publiques, voire l’abandon des subventions aux produits de première
nécessité.
• la promotion des exportations
• la libéralisation du commerce extérieur
• l’abolition des barrières à l’entrée sur le marché, même au détriment du
marché local
• la libéralisation des investissements internationaux
• la privatisation des monopoles
• une politique monétaire restrictive, c’est à dire des taux d’intérêt élevés
qui interdisent toute création d’emploi.
En d’autres mots, les pays pauvres et endettés tombent sous le contrôle
des puissances étrangères. Ils ne sont pas maîtres chez eux, mais ont-ils le
choix ?
Leur économie est conditionnée par le problème du remboursement
des dettes qui doivent se faire en devises étrangères (généralement en
dollars). Ils utilisent donc pour cela une partie des revenus provenant de
leurs exportations. Comme celles-ci sont fort en baisse (de 1975 à 2005 :
diminution de moitié des produits africains qui entrent en Europe), ils sont
obligés de souscrire à de nouveaux emprunts à des taux atteignant les 10 %
à 15 %. (19)
Et plus la dette s’alourdit, moins ils sont en mesure de financer des
programmes de réforme agraire, de protection sociale, de santé, d’éducation,
etc. C’est une spirale sans fin. Par le mécanisme de la dette du Tiers Monde,
les pays pauvres continuent à s’appauvrir tandis qu’ils continuent d’enrichir
les pays riches.
18
En effet, jusqu’à ce jour, les sommes que le Sud a versées au Nord au titre
de remboursement de la dette ou au titre d’investissement ou de placement
dans les pays du Nord (fuite des capitaux africains p. ex.) ont été 7 fois
supérieures à celles que le Nord a versées au Sud au titre de l’aide publique
au développement. Selon les propres chiffres de la Banque mondiale, la dette
que les pays du Sud avaient contractée avant 1982 dans les pays du Nord
a déjà été remboursée quatre fois du fait du jeu des intérêts composés. Et
pourtant, aujourd’hui les pays du Sud sont 4 fois plus endettés vis à vis du
Nord qu’ils ne l’étaient en 1982. (19)
Il existe des mécanismes de ré-échelonnement ou d’allègement de la dette  du Tiers Monde mais ceux-ci n’annulent qu’une petite partie des sommes
en jeu. Les mesures d’annulation ne concernent que des dettes d’État à État
et ne sont accordées qu’aux pays qui appliquent les prescriptions du FMI :
obligation de privatiser, de s’ouvrir à l’importation de produits étrangers
même au détriment de la production locale, de suivre les « programmes
d’ajustement structurel » et de continuer à exporter (au moins 30 % de leur
PIB). (19) Ce qui arrange évidemment les sociétés multinationales.
Les modes de fonctionnement de la Banque mondiale et du FMI ont été
vivement critiqués, notamment par Joseph Stiglitz qui a démissionné de sa
fonction d’économiste en chef de la Banque Mondiale fin 1999.
Stiglitz a publié depuis plusieurs livres, dont « La grande désillusion »
où il déplore les « solutions archaïques et inadaptées, sans tenir compte des
effets qu’elles auraient sur les habitants des pays, qui sont imposées sans débat
préalable, à partir d’une conception dogmatique de l’économie : la supériorité
du marché et de la concurrence ». Les remèdes du FMI (et de la Banque
mondiale obligée de suivre) « ont provoqué dans de nombreux cas des famines
et des émeutes ; et même quand leurs effets n’ont pas été aussi terribles, même
quand elles ont réussi à susciter une faible croissance pour un temps, une part
démesurée de ces bénéfices est souvent allée aux milieux les plus riches de
ces pays en développement, tandis qu’au bas de l’échelle la pauvreté s’est
parfois aggravée. Mais ce qui me paraît stupéfiant, c’est que, chez beaucoup
de hauts dirigeants du FMI et de la Banque Mondiale, ceux qui prenaient
les décisions cruciales, il n’y avait pas le moindre doute sur le bien fondé de
ces politiques. Des doutes, il y en avait, certes, chez les gouvernements des
pays en développement. Cependant, beaucoup craignaient tant de risquer
de perdre les financements du FMI, et avec eux bien d’autres fonds, qu’ils
les exprimaient avec la plus grande prudence – quand ils le faisaient -, et
seulement en privé » .
« On l’a créé parce qu’on jugeait nécessaire d’exercer sur les États une
pression internationale pour les amener à adopter des politiques économiques
expansionnistes (augmentation des dépenses publiques, réductions d’impôts
19
ou baisse des taux d’intérêt pour stimuler l’économie), et voici qu’aujourd’hui,
en règle générale, il (le FMI) ne leur fournit de fonds que s’ils mènent des
politiques d’austérité (réduction des déficits, augmentations d’impôts ou
hausse des taux d’intérêts entraînant une contraction de l’économie). »
La dette est le « garrot de la faim » comme l’illustre Jean Ziegler dans
« L’empire de la honte ». Il y expose la situation en Éthiopie, en Mongolie
et au Brésil. Résumons ce dernier. Le Brésil n’a pas atteint l’auto-suffisance
alimentaire. Sur 181 millions de Brésiliens, 44 sont gravement et en
permanence sous-alimentés alors que c’est un pays agricole. Le président
Lula veut combattre la faim par la réforme agraire notamment, mais pour
cela il faut qu’il ait de l’argent. Or le Brésil est le 2e pays le plus endetté
du monde. Arrivé au pouvoir en 2003, le président Lula, qui a connu la
faim lui-même dans son enfance, a lancé un programme « fome zero ». Mais
par manque d’argent le programme « fome zero » a dû être abandonné. Les
intérêts et l’amortissement de la dette absorbent pratiquement tout l’argent
disponible. Le nouveau programme , « au lieu de développer des cultures
vivrières, transforme la forêt amazonienne en culture de soja qui sera utilisé
pour nourrir les poulets européens », ce qui rapporte des devises et permet
de réduire le garrot de la dette ! 9
6. La faiblesse des agricultures locales
7
0 % des personnes qui souffrent de la faim sont des petits producteurs
qui ont abandonné leurs terres et sont venus rejoindre les bidonvilles.
En Afrique noire, le revenu par habitant a baissé d’un quart entre 1987
et 2000. (19) . La croissance de la production agricole ne compense pas la
croissance de la population. En même temps, entre 1990 et 2000, la part de
l’aide à l’agriculture dans l’aide au développement a diminué de 50 %, selon
les chiffres de la FAO. (28)
Le manque de soutien aux petits producteurs
A cause de la dette, les pays du Sud ont été contraints de réduire leur
soutien aux petits producteurs. En Afrique par exemple, 37 pays sont
presque exclusivement agricoles. Mais dans la plupart des cas, le budget
national alloué à l’agriculture est très faible. En Afrique sub-saharienne, il
est de 4 % en moyenne. Seuls 5 États africains sur 53 consacrent 10 % de
leur budget à l’agriculture. (29)
9 « Dernier segment de cette chaîne absurde : les parties nobles (cuisses, ailes) de ces
poulets vont dans les supermarchés des pays européens, le reste des carcasses est exporté
en Afrique et vendu sur les marchés à des prix de dumping, ce qui détruit la production
locale » (J. Ziegler, L’empire de la honte)
20
Pour Kanayo F. Nwanze, Président du Fonds International pour le
Développement agricole (FIDA), « une grande partie des victimes de la
faim et de la pauvreté sur la planète sont les petits agriculteurs des pays en
développement qui auraient pourtant le potentiel, non seulement de subvenir
à leurs propres besoins, mais aussi de renforcer la sécurité alimentaire et de
contribuer à une croissance économique plus large. «Pour exploiter ce potentiel
et réduire le nombre d’affamés dans le monde, les gouvernements, soutenus
par la communauté internationale, doivent privilégier les investissements
essentiels dans l’agriculture afin que les petits exploitants aient accès non
seulement aux semences et aux engrais, mais aussi à des technologies adaptées,
aux infrastructures, à la finance rurale et aux marchés», a-t-il ajouté. «Pour la plupart des pays en développement, il ne fait guère de doute
qu’investir dans les petites exploitations agricoles est le filet de sécurité le plus
durable, en particulier durant une période de crise économique mondiale».
(9)
Toutes les ONG ne cessent de le répéter : « Les paysans pauvres sont
livrés à eux-mêmes. Les ¾ des pauvres vivent de l’agriculture. C’est donc là
que la lutte contre la pauvreté doit être menée en premier.» (30) Mais « les
problèmes de la faim et de la pauvreté ne peuvent être résolus en injectant de
l’argent dans des fertilisants, des semences à haut rendement et des systèmes
d’irrigation à grande échelle. Ces éléments sont certes importants, mais ils ne
sont pas toujours durables et ne répondent pas nécessairement aux besoins
de l’agriculture familiale. On ne peut tabler sur un accroissement de la
productivité alimentaire en se contentant d’intensifier la production agricole
industrielle. L’agriculture doit être entièrement repensée. Les pays pauvres
et leurs agriculteurs familiaux doivent être au centre de ce processus. Les pays
doivent investir dans les programmes de vulgarisation agricole et d’échanges
paysans ainsi que dans des filets de sécurité sociale afin d’aider les plus
pauvres à acheter de la nourriture locale proposée par les petits agriculteurs et
vendeurs locaux.» (31) Protéger et revenir à l’agriculture paysanne devient
un credo, c’est le grand défi de l’opposition à l’agriculture industrielle.
La FAO et la Banque Mondiale se sont penchées également sur ce défi
10
. Dans son Rapport 2008 sur le Développement, la Banque Mondiale
précise que, en Asie du Sud (Inde) et en Afrique, « le nombre de ruraux
pauvres restera probablement supérieur au nombre de pauvres dans les
espaces urbains jusqu’en 2040. Dans ces régions il importe donc en priorité
de mobiliser l’agriculture pour promouvoir la réduction de la pauvreté.» (6)
10 Voir notamment Farming systems and poverty, Improving Farmers’ livelihoods in a
changing world, 2001. ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/004/ac349e/ac349e00.pdf
21
Le coût de l’énergie
La productivité agricole est dépendante des ressources en énergie.
L’agriculture traditionnelle consomme moins d’énergie que l’agriculture
industrielle mais ne peut pas s’en passer. Or, depuis 1980, pour un nouveau
baril de pétrole qu’on découvre, on en consomme trois. Et la demande
mondiale continue d’exploser. Donc les prix continuent de monter. Et plus
le pétrole sera rare et cher, plus les victimes seront les populations pauvres
dont la production agricole est déjà menacée. L’accès à l’énergie (fossile,
hydraulique, éolienne, …) fait certainement partie des domaines où les petits
producteurs doivent être aidés.
7. Le manque d’espace cultivable 
L
a population mondiale a doublé en 45 ans et continue d’augmenter.
Si on établit le lien entre l’accroissement de la population mondiale
et la production agricole, on constate que la quantité de nourriture
produite par personne diminue. En effet, selon la FAO, la production par
personne de céréales, (80 % de l’alimentation mondiale) est en baisse depuis
1984. Par contre, en chiffre absolu, la production de céréales par hectare
augmente, autant dans les pays développés que dans les pays en voie de
développement, quoique le taux d’augmentation ralentisse.(32)
La surface de terre cultivable par personne a diminué de moitié en 50
ans. En 1960 la population mondiale s’élevait à environ 3 milliards et il y
avait environ 0,5 hectare de terre cultivable par personne . Aujourd’hui
nous sommes 6 milliards et il y reste 0,23 hectare de terre cultivable par
personne, principalement parce que la population augmente mais aussi
parce que la surface de terre cultivable diminue objectivement pour diverses
raisons (activités économiques et infrastructure, érosion des sols, sécheresse,
pollution des eaux, …). D’après les prévisions, cet espace vital sera réduit à
1800 m2 par habitant en 2030. (32)
Il y a donc un sérieux problème de surface cultivable à gérer. Examinons
à ce propos différents phénomènes qui aggravent la situation :
• l’utilisation des terres par l’agrobusiness de l’exportation
• la surface utilisée pour la production d’agrocarburants
• les espaces de réserve pour les crédits carbones
• accaparement de terres cultivables par des entreprises étrangères et par
des États
22
Les cultures d’exportation de l’agrobusiness
Un seul exemple : Environ 350.000 hectares de terres agricoles,
essentiellement en Amérique latine, sont employés à la culture du soja
destiné à la nourriture du cheptel des pays européens alors que près d’un
quart de la population de ces pays souffre de malnutrition chronique…
Comme nous l’avons vu, c’est en partie le résultat des problèmes de la dette
du Tiers Monde et des mesures imposées aux États pour « assainir » leurs
dépenses.
Au delà du problème de l’exploitation irrationnelle de l’espace
cultivable (du soja destiné au bétail européen et non à la population locale),
l’agrobusiness est souvent synonyme de conflits fonciers voire d’expulsions
dues au fait que les petits producteurs n’ont pas toujours des titres de
propriété. Il existe bien une  Convention relative aux peuples indigènes et
tribaux, adoptée par l’OIT en 1989 qui reconnaît leurs droits sur leurs terres
et territoires traditionnels. Mais cette convention n’a été ratifiée que par une
vingtaine de pays et ne concerne qu’une partie des petits producteurs qui
n’ont pas de titres de propriété.
Un exemple : Au Chili, les entreprises forestières exploitent près de deux
tiers des terres cultivables du pays. Leur politique de plantations massives
a contribué à assécher les terres environnantes, et la baisse généralisée de la
production agricole a poussé de nombreux paysans à l’exode. Parmi ceux
qui restent, plus de 30 % vivent sous le seuil de pauvreté ! Le peuple indien
Mapuche (10 % de la population chilienne) est toujours en train de lutter
pour récupérer ses terres. (33) Le Chili a signé récemment la Convention de
l’OIT et les tribunaux leur donnent raison, mais les entreprises forestières
ont simplement accordé le droit de pénétrer sur les terres pour y cueillir des
plantes traditionnelles…
Les cultures d’agrocarburants
Un rapport de la Banque Mondiale affirme que 85% de l’augmentation
des prix alimentaires en 2007-2008 fut influencée par le développement
de l’agro-énergie. C’est l’effet négatif de la politique de soutien aux
agrocarburants (ou biocarburants) mise en place par les États-Unis et
l’Europe. Pour cette raison, Jean Ziegler, lorsqu’il était rapporteur spécial
des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, qualifia les agrocarburants
de « crime contre l’humanité » et son successeur, Olivier De Schutter, a
demandé un moratoire de 5 ans.
Les agrocarburants proviennent principalement de deux filières :
• la filière huile, à partir du palmier à huile, du tournesol, du colza, du jatropha ou du ricin.
23
• La filière alcool, à partir de la canne à sucre, de la betterave sucrière, du
maïs, du blé.
Le Brésil favorise l’éthanol à partir de la canne à sucre. La Malaisie et
l’Indonésie sont les principaux exportateurs de l’huile de palme.
De nombreux mouvements se sont insurgés : « Selon les rapports publiés,
explique Oxfam, la surface nécessaire pour produire des agrocarburants en
Indonésie, au Brésil, en Afrique du Sud et en Inde sera de 5,6 millions de
kilomètres carrés dans les vingt prochaines années, soit plus de plus de dix fois
la surface de la France. Cette situation aura des conséquences dramatiques.
Selon l’ONU, environ 60 millions de personnes dans le monde courent le
risque d’être expulsées de leurs terres pour faire de la place aux cultures
nécessaires aux agrocarburants. »
Un exemple : En Indonésie, pas loin d’un tiers de l’huile de palme est
produite par des petits agriculteurs qui ont souvent perdu leur droit à la terre
au profit de l’expansion des plantations. Bénéficiant de 2 hectares à titre de
’rétribution’, ces petits agriculteurs sont pieds et poings liés à l’industrie de
l’huile de palme qui leur a fait crédit en échange de leur récolte. Cela signifie
d’emblée que ces agriculteurs ne reçoivent pas non plus le meilleur prix pour
leur huile de palme. (34). En juillet 2008 on comptait 514 conflits fonciers
connus à cause des plantations d’huile de palme en Indonésie (www.grain.
org/go/agrocarburants)
Les plantations pour les crédits carbone
Il existe aujourd’hui un réel marché de négociation et d’échange des
droits d’émission de gaz à effet de serre. En effet, le Protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005 et ratifié à ce jour par 183 pays -, a mis en place un
système autorisant les entreprises à acheter des « droit de polluer » si elles
dépassent les quotas d’émission autorisés par leur pays. Ces mécanismes
compensatoires se font notamment auprès de promoteurs de projets «verts
» dans les pays en développement. La plantation d’arbres en fait partie. Une
entreprise polluante en Europe pourra donc choisir de ne pas réduire ses
émissions et compenser en achetant des crédits carbone à une entreprise en
Indonésie qui possède une forêt.
Un crédit carbone est une unité, généralement 1 tonne de gaz à effet
de serre évitée ou séquestrée (par des arbres). Ainsi, de plus en plus de
terres arables sont transformées en plantation d’arbres pour attirer les
crédits carbone. Des investisseurs en recherche d’un placement « durable »
commencent à acheter des territoires entiers au détriment des populations
qui les habitaient. Ils vendent ensuite les crédits-carbone sur des marchés
24
volontaires et font double-profit en commercialisant le bois. (27)
Pour le mouvement La Via Campesina, « la protection de l’environnement
est en quelques années devenu l’alibi le plus commun pour expulser des
communautés et laisser la place libre aux multinationales. Alors qu’en 2008,
40 milliards d’hectares de terres ont déjà été accaparées par les multinationales
et certains pays, l’accord de Kyoto va encore accélérer l’expropriation des
territoires des populations rurales».
La Via Campesina estime que, plutôt que de se perdre dans des plans de
commerce de carbone, la conférence de Copenhague devrait se concentrer
sur la mise en application de nouvelles initiatives qui visent à changer les
modèles de production, à commencer par la production alimentaire.
L’accaparement de terres par des entreprises étrangères
et des États
Depuis toujours, la terre est source de conflits. Mais on assiste aujourd’hui
à un phénomène nouveau, apparu semble-t-il avec la crise alimentaire de
2007-2008 et renforcé par la crise financière de 2008 : la ruée sur les terres
agricoles par des entreprises étrangères et des États. Le phénomène est
double et dans les deux cas il favorise l’industrie alimentaire au détriment de
la souveraineté alimentaire des peuples. Il s’agit:
1.d’une part, de l’achat ou de la location pour 99 ans de terres par des pays
qui manquent de terres et souhaitent « externaliser » leur production,
c’est à dire contrôler des exploitations agricoles dans d’autres pays, en
partenariat avec des sociétés privées, pour assurer l’approvisionnement
de leur propre population.
2.d’autre part, de l’achat ou de la location de terres agricoles par des investisseurs qui n’ont parfois rien à voir avec l’agro-business, dans un but
purement spéculatif : des fonds spéculatifs, des fonds de pension, des sociétés d’investissement.
Dans les deux cas, les États négocient des contrats en échange de
fourniture d’énergie,de technologie, ou d’autres formes de compensation.
Dans une étude très documentée publiée en octobre 2008, l’association
GRAIN explique ce sont la Chine et les pays du Golfe (Arabie Saoudite,
Émirats Arabes Unis, Bahreïn, Koweït, Qatar) qui ont lancé le mouvement.
« La plus grande partie de l’activité agricole de la Chine à l’étranger
est consacrée à la culture du riz, du soja et du maïs ainsi qu’à des cultures
énergétiques comme la canne à sucre, le manioc ou le sorgho. Le riz produit à
l’étranger est toujours du riz hybride, cultivé à partir de semences importées
chinoises, et des agriculteurs et des chercheurs chinois enseignent avec
25
enthousiasme aux africains et à d’autres à cultiver le riz «à la chinoise».
Toutefois, les travailleurs agricoles locaux, engagés pour travailler dans les
exploitations agricoles chinoises, en Afrique par exemple, ne savent souvent
pas si le riz sert à nourrir leur propre peuple ou les Chinois. Toutefois, les
travailleurs agricoles locaux, engagés pour travailler dans les exploitations
agricoles chinoises, en Afrique par exemple, ne savent souvent pas si le riz
sert à nourrir leur propre peuple ou les Chinois. Étant donné le côté secret de
beaucoup des accords fonciers, la plupart des gens supposent que le riz sert à
nourrir les Chinois, et un ressentiment profond s’installe. Étant donné le côté
secret de beaucoup d’accords fonciers, la plupart des gens supposent que le riz
sert à nourrir les Chinois, et un profond ressentiment s’installe. » (35)
Aujourd’hui, d’autres pays s’y sont mis : le Japon, la Corée, la Malaisie,
la Libye, l’Égypte, la Jordanie … sont également candidats acheteurs ou
locataires de terres agricoles.. Ils s’adressent aux quatre coins du monde :
Somalie, Cameroun, Ouganda, Mozambique, pour l’Afrique… ou encore
le Cambodge et les autres pays de l’Asie du Sud Est, ainsi que le Brésil,
le Kazakhstan, la Mongolie, la Russie, etc. La liste n’est pas close. L’Inde
également se lance dans ce commerce en cherchant à négocier avec la
Birmanie (pour y cultiver des lentilles) ou avec l’Indonésie (pour le palmier
à huile).
GRAIN publie une liste de plus de 100 cas d’actions menées par les
pays accapareurs, qui sont les acteurs (gouvernement et/ou secteur privé),
quels sont les pays cibles, pour quelle production et pour combien d’argent
(http://www.grain.org/m/?id=213)
La plupart des pays « hôtes » sont pauvres ou même très pauvres. Le
Soudan (Darfour) et le Cambodge en particulier cèdent des terres alors qu’ils
dépendent du PAM (Programme Alimentaire Mondial) pour nourrir leur
population et que le PAM n’a pas suffisamment de vivres pour répondre à
la demande. En Ouganda, l’annonce de discussions entre le gouvernement
et le ministre égyptien de l’agriculture a provoqué une forte réaction. A
Madagascar, les émeutes relatives à la transaction avec Daewoo ont fait
tomber le gouvernement, mais l’annulation du contrat ne semble pas encore
confirmée.
Du côté du secteur financier, actuellement en difficulté, la spéculation
bat son plein : « Pendant toute l’année 2008, une armée de sociétés
d’investissement, de fonds de capital-investissement, de fonds spéculatifs et
d’autres du même type se sont emparés de terres agricoles dans le monde
entier, avec l’aide précieuse d’agences comme la Banque mondiale, sa Société
financière internationale ou la Banque européenne pour la reconstruction
et le développement, qui toutes préparent la voie à ces investissements et
26
« persuadent » les gouvernements de changer les lois foncières pour permettre
la réussite de ce processus. De ce fait, les prix des terres commencent à monter,
ce qui incite à agir encore plus vite. (…) L’horizon de placement dont
parlent les investisseurs est, en moyenne, de 10 ans (étant bien entendu qu’ils
doivent assurer la productivité des terres et construire des infrastructures de
commercialisation, et ne pas rester sans rien faire) avec des taux de rendement
annuels prévus de 10 à 40 % en Europe et qui pourraient atteindre 400 %
en Afrique. » (35)
Ici aussi, GRAIN publie une liste d’une centaine d’investisseurs
institutionnels dans le monde de l’agro-business. (http://www.grain.org/
m/?id=266)
L’institut International pour l’Environnement et le Développement
(IIED) basé à Londres a publié en collaboration avec la FAO une réflexion
intitulée : « Accaparement des terres  ou opportunité de développement ? »
Cette étude énumère un grand nombre de conditions pour que les transactions
soient « bonnes ». Mais ces conditions semblent tellement exigeantes qu’on
peut douter de leur applicabilité et qu’il n’est dès lors pas exagéré de parler
d’une nouvelle forme de colonialisme. C’est le fondement même sur lequel
doit reposer la souveraineté alimentaire qui est tout simplement bradé,
conclut GRAIN.
8. Le changement climatique
L
es pays les plus atteints par la malnutrition ne sont pas nécessairement
ceux qui sont frappés par les catastrophes climatiques extrêmes,
comme le signale le rapport de l’IFPRI cité plus haut. (3)
Ceci dit, le changement climatique global amplifie les risques de
catastrophes naturelles et celles-ci sont dramatiques pour la sécurité
alimentaire dans les pays pauvres : sécheresse extrême, dérèglement des
saisons, montée du niveau de la mer, perturbation des pluies, inondations et
cyclones,…. sont en train d’augmenter en nombre et en intensité.
L’impact des changements climatiques sur la malnutrition est illustré par
de nombreux exemples dans le dossier « Faim et malnutrition, conséquences
trop oubliées des changements climatiques » de l’association Action Contre
la Faim.
De 1975 à 2005, le nombre de catastrophes climatiques
hydrométéorologiques par an a été multiplié par quatre. Et le nombre de
victimes de ces catastrophes naturelles est globalement 40 fois plus élevé
dans les pays pauvres. Ces dérèglements climatiques interviennent en effet
le plus souvent dans des zones où les populations sont déjà extrêmement
vulnérables et agissent comme un facteur aggravant de tous les autres
27
problèmes déjà présents. Ils créent des urgences humanitaires en termes de
moyens de subsistance, de sécurité alimentaire, d’eau, de santé. (36)
Ainsi par exemple, les éleveurs du Mali ont perdu 50 % de leur bétail en
2009 à cause d’une extrême sécheresse liée au fait que la saison des pluies a
commencé avec un mois et demi de retard.
En ce qui concerne les prévisions, un récent rapport de la Banque Mondiale
indique que les pays du Sud vont supporter 80 % des dégâts occasionnés par
les dérèglements climatiques alors qu’ils ne sont à l’origine que de 30 % des
émissions de CO2.(37). Pour les scientifiques du GIEC : « Les rendements
des cultures pluviales en Afrique pourraient reculer de 50 % d’ici à 2020.»
Selon l’IFPRI, une augmentation de 20% des cas de malnutrition infantile
d’ici 2050 est à prévoir du fait des changements climatiques. Selon Action
contre la Faim, cette prévision est sous-évaluée.
En 2008, on a recensé 20 millions de personnes déplacées à la suite de
catastrophes climatiques. On prévoit 250 millions de « réfugiés climatiques »
d’ici 2050. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la montée des eaux dans
les régions côtières surpeuplées d’Asie où 250 millions de personnes vivent
à moins de 5 m au dessus du niveau de la mer.
Ces prévisions conduisent à la nécessité d’investir dans l’anticipation
et l’adaptation aux conséquences du changement climatique et d’aider
financièrement les pays du Sud à opérer ces adaptations. Il s’agit d’aider
au financement des actions visant à limiter les conséquences humaines,
d’augmenter les capacités d’adaptation, d’investir dans la gestion des risques
de catastrophes.
Les enjeux du Sommet de Copenhague sur le climat
En conséquence, dans les discussions sur le climat, il ne s’agit pas
seulement de diminuer les émissions de gaz à effets de serre mais de mieux
prendre en considération les populations du Sud qui sont et seront les plus
affectées par ces changements (alors qu’elles en sont peu responsables).
Ceux qui souffrent de la faim doivent être replacés au centre des débats et
des actions à mettre en œuvre pour répondre aux impacts des changements
climatiques.
D’autre part, il faut signaler que c’est l’agriculture elle-même, et en
particulier l’agriculture industrielle, qui est responsable de près de la moitié
du total des émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre peut être décomposé
comme suit : les activités agricoles sont responsables à concurrence
de 11 à 15% ; le nettoyage des terres et la déforestation pour 15 à 18%
supplémentaires ; l’industrie agroalimentaire, l’emballage et le transport
causent entre 15 et 20%, la décomposition de déchets organiques causent 3
à 4%. Le système alimentaire mondialisé actuel est un gros pollueur. (27)
28
En d’autres termes, l’agriculture paysanne est doublement victime
de l’agriculture industrielle : d’une part, via tous les mécanismes de la
mondialisation que nous avons évoqués, d’autre part via le réchauffement
climatique auquel elle contribue largement. Pas étonnant dès lors que la
délégation de La Via Campesina à Copenhague, en décembre 2009, est
choquée de voir que les négociations sur le climat accordent tant d’attention
aux mécanismes de compensation. Cela veut dire que le débat est en
train de se détourner de l’obligation des pays développés de réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre pour se focaliser sur l’obligation des pays en
développement d’absorber du carbone. Les principaux pollueurs envoient  tout simplement des fonds à l’étranger et poursuivent leurs activités sans
changement. (27)
Conclusion 
C
ette étude a voulu réfléchir sur le problème de l’aggravation de
la pauvreté et de la faim dans le monde en raisonnant à partir du
fait que les victimes de la faim sont en très grande partie des petits
producteurs agricoles.
Nous avons donc cherché à approfondir et à relier un certain nombre
de caractéristiques du système économique mondial actuel, toutes
responsables de cette aggravation car elles mettent en péril la production
alimentaire locale. Nous avons donc évoqué le fonctionnement du marché
des matières premières, l’injustice des règles commerciales, la domination
de l’agrobusiness, l’endettement des pays en développement, le manque de
soutien à l’agriculture locale, la course aux espaces cultivables et enfin le
dérèglement climatique. Toutes ces caractéristiques ont des liens les unes
avec les autres.
En conséquence, face au fonctionnement actuel de la mondialisation
économique, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est légitime de parler
de « réfugiés de la faim » quand il s’agit d’hommes et de femmes qui tentent
de rejoindre les frontières de l’Europe au risque de se noyer sur les côtes de
l’Atlantique ou en Méditerranée.
Devant ce sombre tableau, on ne peut pas laisser tomber les bras. Mais
dans quelle direction se tourner pour participer au changement de notre
société par rapport à ces questions ? Chacun des sujets abordés dans cette
étude fait l’objet de nombreux dossiers, rédigés par des ONG ou des
agences internationales, avec des propositions et des recommandations
constructives.
Ainsi par exemple, le mouvement FIAN a produit un dossier très fouillé
intitulé « Défendre les droits des paysans africains ». (20) Ce dossier contient
29
des avertissements concernant les différentes menaces qui pèsent sur ces
paysans et les instruments possibles pour leur défense. Il s’adresse non
seulement aux associations de paysans et aux organisations de la société
civile africaines, mais aussi aux organisations et autorités gouvernementales
en Europe, en pointant avec précisions les modifications nécessaires dans les
politiques de développement à l’égard de l’Afrique.
Au delà de ce type de travail, qui pourrait être très utile si l’opinion
publique au Nord autant qu’au Sud était davantage conscientisée, nous
souhaitons soumettre à la réflexion trois axes éventuels de changement:
La gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire
La sécurité alimentaire est un droit inscrit dans le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ONU, 1966). C’est
pour cela qu’il y a une « gouvernance mondiale » de la sécurité alimentaire,
qui comprend principalement :
• un rapporteur spécial pour les Nations Unies (Jean Ziegler de 2000 à
2006, Olivier De Schutter actuellement),
• la FAO (Food and Agriculture Organisation), agence de l’ONU,
• le FIDA (Fonds International de Développement Agricole), agence de
l’ONU.
De multiples ONG et organismes internationaux publient depuis de
nombreuses années des recommandations nombreuses et des plaidoyers
détaillés concernant cette gouvernance mondiale.
La FAO multiplie les déclarations sur les solutions à la faim dans le monde
mais semble impuissante. Une évaluation externe indépendante de la FAO a
estimé que «  le rôle joué par la FAO en matière de gouvernance mondiale
s’est amoindri par rapport à celui d’autres organismes. (...) Les questions
liées au commerce des produits agricoles et alimentaires font maintenant
partie des compétences de l’OMC (…) Les organes de la FAO « ne sont
généralement pas parvenus à remplir ce rôle de gouvernance mondiale avec
le sérieux qu’il mérite. » (38)
En toute logique on a donc vu apparaître, déjà à Seattle en 1999, la
revendication des ONG, et en particulier de La Via Campesina, de « sortir
l’agriculture des négociations de l’OMC ».
Quant au CSA (Comité de Sécurité Alimentaire mondiale), comité
technique de la FAO créé en 1974 dans le contexte de la crise alimentaire des
années 70, il avait pour objectif l’analyse et le suivi des politiques portant
sur tous les aspects de la sécurité alimentaire dans le monde. Mais, selon la
30
même évaluation externe indépendante, ce comité ne s’est pas suffisamment
impliqué dans les hautes sphères de la politique, n’a pas apporté de réponses
appropriées pour améliorer l’utilisation et l’accès à la nourriture (en plus
de la disponibilité de cette nourriture) et n’est pas parvenu à impliquer les
autres agences des Nations Unies et la société civile dans le processus. (38)
Plusieurs initiatives sont en cours dans l’optique d’améliorer l’efficacité
de la gouvernance mondiale : réforme du CSA, réforme de la FAO,
réforme de la CAA (Convention relative à l’Aide Alimentaire), évolution
stratégique du Programme Alimentaire Mondial (PAM), Équipe Spéciale
de Haut Niveau des Nations Unies sur la crise alimentaire mondiale (en
anglais HLTF), etc. Sans vouloir entrer dans les détails, notons simplement
que Oxfam international, parmi d’autres ONG, analyse ces initiatives
et s’exprime abondamment sur les pistes de réforme de la gouvernance
mondiale de la sécurité alimentaire. (38)
La réforme de l’économie mondiale
Au niveau international, différents travaux récents sont porteurs d’un
programme de réforme de l’économie mondiale, notamment :
• Les recommandations de la Commission Stiglitz sur la réforme du système monétaire et financier international, adressées à l’ONU en mars 2009
• Le plan mondial pour l’emploi, proposé en janvier 2009 par l’OIT (Organisation Mondiale du Travail)
- Les propositions de la CNUCED pour réformer le commerce mondial et
les politiques de développement, rédigées en mars 2009.
Ces documents sont évidemment très techniques mais vont dans le bon
sens. Laissons à ce propos la parole à Gus Massiah, du Centre Tricontinental
(Louvain-la-Neuve) :
« Le rapport de la CNUCED propose d’en finir mondialement avec les
marchés financiers déréglementés et avance l’idée d’une re-réglementation
multilatérale et concertée via l’ONU et une conception du commerce mondial
qui refuse les dumpings sociaux, écologiques, fiscaux et monétaires.
Le rapport de l’OIT met l’accent sur la lutte contre le chômage, dont il
prévoit une explosion. Il préconise l’extension des systèmes d’assurance et
d’indemnisation des chômeurs, la promotion du travail décent pour lutter
contre la précarité, des investissements publics dans les infrastructures
et le logement ainsi que dans les emplois verts, le soutien aux PME et le
développement du dialogue social à tous les niveaux.
Le rapport Stiglitz reflète également une conscience aiguë de la nécessité
des régulations et réorientations d’un système mondial de plus en plus
31
incontrôlé. Il sacrifie bien à des envolées rituelles sur le commerce mondial et
la lutte contre le protectionnisme. Mais il y a aussi des ouvertures sur les fonds
additionnels mondiaux (les droits de tirage spéciaux) articulés aux grandes
devises, les monnaies régionales, les nouveaux paradigmes du développement,
la réforme des institutions internationales, la réduction réelle des paradis
fiscaux et judiciaires. »(39)
Par ailleurs, au niveau du fonctionnement interne du FMI, de la Banque
Mondiale et de l’OMC, dont nous avons démontré le rôle capital dans
l’aggravation de la pauvreté et la faim dans le monde, il y a évidemment
des réformes à introduire. Pour Stiglitz, il faut, entre autres, «  transformer
le système des droits de vote au FMI et à la Banque mondiale et réformer
l’ensemble des institutions économiques internationales afin que les ministres
du Commerce ne soient pas les seuls à se faire entendre à l’OMC, et les ministres
des Finances et du Trésor au FMI et à la Banque mondiale. Actuellement, les
droits de vote sont attribués sur base de la puissance économique. Même sans
changer les règles de vote, on pourrait, faire participer davantage les délégués
africains : à défaut de voter, ils pourraient au moins se faire entendre ». (14)
Ce qu’il faut freiner, c’est le modèle même du capitalisme néolibéral.
Comme l’explique Jean Ziegler, les PDG et les banquiers qui ont parfois
mauvaise conscience ne peuvent changer eux-mêmes les règles du jeu. Ils
n’ont pas le choix .
Dans cette perspective, il faut citer les mouvements altermondialistes.
Plus de 300 mouvements, associations et syndicats ont signé au forum social
mondial de Bélem une déclaration qui a été approfondie dans le « Document
de référence. Pour un nouveau modèle économique et social. Mettons la
finance à sa place » publié en mars 2009. Ce document a aussi été soumis à
la Commission Stiglitz de l’ONU sur la crise financière, qui l’a utilisé pour
ses travaux. (40)
La notion de souveraineté alimentaire
Nous avons évoqué le mouvement paysan international La Via Campesina
et l’importance de ce mouvement dans la stratégie mondiale de lutte contre
la pauvreté et la faim. Nous reproduisons en annexe 2 la fiche d’identité
de ce mouvement qui prône la souveraineté alimentaire comme réponse
importante aux nombreuses crises qui convergent : crise alimentaire,
réchauffement climatique, crise de l’énergie, crise financière.
Au forum mondial sur la souveraineté alimentaire organisé à Sélingué
(Mali) en 2007, la définition s’est affinée : « la souveraineté alimentaire est
le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures
produites à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement,
ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles.
32
(..) Elle garantit que les droits d’utiliser et de gérer nos terres, territoires,
eaux, semences, bétail et biodiversité soient aux mains de ceux et celles
qui produisent les aliments. » (Déclaration de Nyéléni). C’est plus que
l’autosuffisance alimentaire. La souveraineté alimentaire se fonde sur « le
changement de modèle productif vers une production agro-écologique
et durable, sans pesticides et sans OGM et fondée sur les connaissances
paysannes et indigènes. »
En d’autres termes, la notion de souveraineté alimentaire renvoie à un
nouvelle vision du développement : plutôt que aider l’autre à se développer,
il faut le laisser se développer.
Quelles que soient les pistes et perspectives, l’information est suffisamment
abondante pour que chacun puisse approfondir sa recherche, se faire une
opinion et participer aux actions citoyennes pour une justice mondiale.
En effet, alors qu’un milliard de personnes souffrent de la faim, l’Occident
croule sous les excédents. Le mode de vie occidental et son modèle alimentaire
sont le résultat de l’enrichissement sans précédent de cette partie du monde.
Or il y a un prix à payer à tout enrichissement. On a commencé à prendre
conscience que le prix à payer réside dans la dégradation de l’environnement,
le pillage des ressources de la planète, le réchauffement climatique, etc. Mais
si c’est aussi la faim d’un milliard de personnes, ce prix est inacceptable.
Bibliographie
1. FAO, Rapport 2009 sur L’insécurité alimentaire,  ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/012/i0876f/i0876f00.pdf
2. FAO, Rapport 2006 sur l’insécurité alimentaire, cité entre autres dans
http://translate.google.be/translate?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=ht
tp://en.wikipedia.org/wiki/Hunger
3. IFPRI, Global Hunger Index, http://www.ifpri.org/publication/2009global-hunger-index
4. FAO, Notes d’orientation, juin 2006, ftp://ftp.fao.org/es/ESA/policybriefs/pb_02_fr.pdf
5. FAO, espace presse, 23/9/2009, « 2050: 2,3 millliards de bouches de plus
à nourrir », http://www.fao.org/news/story/fr/item/35571/icode/
6. Banque Mondiale, « Rapport sur le développement dans le monde , 2008.
L’Agriculture au service du développement », http://www.politiquessociales.net/Rapport-sur-le-developpement-dans
7. LeDevoir.com, « Encourager la natalité? Non, dirait Garrett Hardin »
http://www.ledevoir.com/societe/224243/encourager-la-natalite-non-
33
dirait-garrett-hardin
8. ContreInfo.info, « Jean Ziegler, la cause de la faim », http://contreinfo.
info/prnart.php3?id_article=871.
9. FAO, espace presse, 19/06/2009, « 1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim », http://www.fao.org/news/story/fr/item/20690/icode/
10. Oxfam International, « Un milliard de personnes ont faim. Les gouvernements et les agences d’aide doivent se montrer à la hauteur », http://
www.oxfam.org/fr/policy/un-milliard-de-personnes-ont-faim
11. LesNouvelles.org, « Un café au goût d’injustice, Oxfam tire la sonnette
d’alarme »,http://www.lesnouvelles.org/P10_magazine/18_decouverte/18002_cafe/03_goutdinjustice.html
12. Ziegler, Jean, L’empire de la honte, Fayard, 2e édition, 2007.
13. SIREAS asbl, Publications 2008, « Zoom sur l’Organisation Mondiale
du Commerce », http://www.sireas.be/publications/analyse2008/analyse06-2008.pdf
14. Stiglitz, Joseph, La Grande désillusion, Fayard, 2002.
15. Berthelot, Jacques, « Faut-il sortir l’agriculture de l’OMC ? », http://
www.sosfaim.be/pdf/fr/ds76/23-24.pdf
16. La Documentation Française, « La conférence de Cancun, 10-14 septembre 2003 », http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/omc/
cancun.shtml
17. GRAIN, « Les exportations alimentaires et les accords de libre-échange », http://www.grain.org/articles_files/atg-17-fr.pdf
18. GRAIN, « Côtes dévastées et mers stériles », http://www.grain.org/
seedling/?id=625
19. Houziaux, Alain, « L’aide au Tiers Monde, à qui profite-t-elle ? » http://
protestantsdanslaville.org/documents-archive/M52.htm
20. FIAN, « Défendre les droits des paysans africains », http://www.fian.
org/resources/documents/others/defendre-les-droits-des-paysans-africains/pdf
21. Interpares Bulletin, « L’action citoyenne, Repousser les limites », http://
www.interpares.ca/fr/publications/bulletins/2005/November-2005Fren.pdf
22. Tahani Abdel Hakim, « Les politiques agricoles en Egypte », http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c01-4/93400036.pdf
23. France24.com, « Nestlé enregistre 12 milliards d’euros de bénéfice en
2008 »,
http://www.france24.com/fr/20090219-nestle-enregistre-12milliards-euros-benefice-2008-croissance-chiffre-affaires-alimentationcrise
34
24. LaTribune.fr, « Bénéfice record pour Monsanto fin 2008 »,
http://www.latribune.fr/entreprises/industrie/agroalimentaire-biensde-consommation-luxe/20090107trib000328729/benefice-record-pourmonsanto-fin-2008.html
25. CombatMonsanto.org, « L’installation de Monsanto en Inde », http://
www.combat-monsanto.org/spip.php?article106
26. ONU, Communiqué de presse. « Conférence de presse du rapporteur
spécial sur le droit à l’alimentation, M. Olivier De Schutter », http://
www.un.org/News/fr-press/docs/2009/Conf091021-ALIMENTATION.doc.htm
27. La Via Campesina, “Pourquoi nous avons quitté nos fermes pour venir
à Copenhague »,
http://viacampesina.org/fr/index.php?option=com_content&
view=article&id=473:pourquoi-nous-avons-quittos-fermespour-venir-openhague&catid=46:changements-climatiques-etagrocarburants&Itemid=71
28. RadioFranceInternational, « Jacques Diouf : La part de l’aide à l’agriculture a diminué de 50% » http://www.rfi.fr/actufr/articles/100/article_65416.asp
29. Libération.fr « Il faut investir massivement dans les agricultures locales »,
http://www.liberation.fr/monde/0101597158-les-causes-d-un-massacre-quotidien
30. Oxfam International, « Journée mondiale de l’alimentation: Il y’a assez
de nourriture sur terre pour nourrir toute la planète », http://www.oxfam.org/fr/pressroom/pressrelease/2009-10-16/journee-mondiale-alimentation-tribune
31. Oxfam America, « La faim aujourd’hui: une question de volonté politique? »
http://fr.oxfamamerica.org/actualite/actualite/la-faim-aujourd2019huiune-question-de-volonte-politique
32. Pimentel D. et Wilson A., «  Population mondiale, agriculture et malnutrition », in L’Etat de la Planète n° 17, septembre-octobre 2004, http://
www.delaplanete.org/Population-mondiale-agriculture-et.html
33. Mapuche.org, « Hommes de la terre », http://www.mapuches.org/doc/
fidhraport.html
34. Oxfam Solidarité, « Agrocarburants, des ambitions désastreuses pour le
Sud », http://www.oxfamsol.be/fr/Agrocarburants-des-ambitions.html
35
35. GRAIN, « Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire
et financière », octobre 2008, http://www.grain.org/briefings/?id=213
36. Action contre la Faim,  « Dossier Faim et malnutrition, conséquences
trop oubliées des changements climatiques », http://www.actioncontrelafaim.org/fileadmin/contribution/7_presse/pdf/thematiqures/DP_
CC_faim_et_malnutrition_BD.pdf
37. Libération.fr, « Les pays pauvres supporteront 80% des dégâts du changement climatique »,
http://www.liberation.fr/terre/0101594991-les-pays-pauvres-supporteront-80-des-degats-du-changement-climatique
38. Oxfam International, «  Au-delà des clivages. Réformer la gouvernance mondiale sur la sécurité alimentaire », http://www.oxfam.org/sites/
www.oxfam.org/files/bridging-the-divide-fr-0911.pdf
39. Massiah G., Lusson J., «Une nouvelle alliance globale ? » http://www.
cetri.be/spip.php?article1156
40. Attac.org, « Pour un nouveau modèle économique et social. Mettons la
finance à sa place ! », http://www.france.attac.org/spip.php?article9786
Principaux sites web
www.actioncontrelafaim.org
www.cadtm.org
www.cetri.org
www.fian.org
www.grain.org
www.oxfam.org
www.viacampesina.org
36
ANNEXE 1
Carte de la faim dans le monde
ANNEXE 2
Le mouvement La Via Campesina s’est imposé comme un acteur
incontournable qu’on invite, au moins à s’exprimer, dans les conférences
de la FAO et autres instances internationales. (http://www.viacampesina.
org/fr/)
LA VIA CAMPESINA Qui sommes-nous ?
Nous sommes un mouvement international de paysans, de petits et
moyens producteurs, de sans terre, de femmes et de jeunes du milieu rural,
de peuples indigènes et de travailleurs agricoles. Nous défendons les valeurs
et les intérêts de base de nos membres. Nous sommes un mouvement
autonome, pluraliste et multiculturel, indépendant de toute organisation
politique, économique ou autre. Nos 148 membres viennent de 69 pays
d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques
Comment La Vía Campesina a-t-elle été créée ?
En mai 1993, la première Conférence de La Vía Campesina s’est tenue à
Mons (Belgique), où elle a été constituée en tant qu’organisation mondiale,
et où ses premières lignes stratégiques et sa structure ont été définies. La 2e
Conférence a eu lieu en 1996 à Tlaxcala (Mexique) ; la 3e en 2000 à Bangalore
(Inde), et la 4e en 2004 à São Paulo (Brésil).
37
Quels sont nos objectifs principaux ?
Le principal objectif de La Vía Campesina est de développer la solidarité
et l’unité dans la diversité parmi les organisations de petits producteurs, afin
de promouvoir des relations équitables entre les hommes et les femmes, ainsi
que des relations économiques d’égalité et de justice sociale, la préservation
et la conquête de la terre, de l’eau, des semences et des autres ressources
naturelles, la souveraineté alimentaire, une production agricole durable ainsi
qu’une égalité basée sur les petits et moyens producteurs.
Que défendons-nous ?
· La production paysanne et familiale : La Vía Campesina défend un
modèle d’agriculture paysanne et familiale basée sur la production durable,
avec des ressources locales et en harmonie avec la culture et les traditions
des communautés. Les paysans et les petits producteurs ont une grande
expérience liée aux ressources disponibles localement. Nous sommes en
mesure de produire une grande quantité de nourriture de qualité avec très
peu d’intrants externes. Notre production est principalement destinée à la
consommation familiale, et les excédents peuvent être vendus sur les marchés
locaux.
· La souveraineté alimentaire des peuples : La souveraineté alimentaire
est le DROIT des peuples, des pays ou de groupes de pays à définir leurs
politiques agricoles et alimentaires, sans faire du dumping dans d’autres
pays. La souveraineté alimentaire organise la production et la consommation
alimentaire selon les besoins des communautés locales, en donnant la priorité
à la production pour la consommation familiale et locale. La souveraineté
alimentaire inclut le droit à protéger et à réguler l’agriculture et l’élevage
au niveau national, et à protéger le marché local du dumping des excédents
alimentaires et des importations à bas prix en provenance d’autres pays.
Les sans terre, les paysans et les petits producteurs doivent avoir accès à la
terre, à l’eau, aux semences, à des moyens de production et à des services
publics adaptés. La souveraineté et la durabilité alimentaires doivent être
prioritaires par rapport aux politiques commerciales.
· Une production alimentaire et des chaînes d’approvisionnement
décentralisées :Le modèle actuel de l’agro-industrie a été délibérément
dessiné pour une intégration et une domination verticale de l’agriculture.
Ce modèle exploite les travailleurs, et concentre le pouvoir économique
et politique au sommet de la pyramide. La Vía Campesina défend un
modèle décentralisé où la production, la transformation, la distribution et
la consommation sont contrôlées par les peuples, les communautés ellesmêmes, et non par des entreprises transnationales.
38
39
40

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