A-2009/N°16 - La faim dans le monde n`est pas une fatalité
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A-2009/N°16 - La faim dans le monde n`est pas une fatalité
2009/16 La faim dans le monde n’est pas une fatalité par Mauro Sbolgi Analyses & Études Société 1 Siréas asbl Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente, sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de SIREAS sous la direction de Mauro SBOLGI, Editeur responsable. Les questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui intéressent notre public et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public. Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes Monde et droits de l’homme Notre société à la chance de vivre une époque où les principes des Droits de l’Homme protègent ou devraient protéger les citoyens contre tout abus. Dans de nombreux pays ces principes ne sont pas respectés. Économie La presse autant que les publications officielles de l’Union Européenne et de certains organismes internationaux s’interrogent sur la manière d’arrêter les flux migratoires. Mais ceux-ci sont provoqués principalement par les politiques économiques des pays riches qui génèrent de la misère dans une grande partie du monde. Culture et cultures La Belgique, dont 10% de la population est d’origine étrangère, est caractérisée, notamment, par une importante diversité culturelle Migrations La réglementation en matière d’immigration change en permanence et SIREAS est confronté à un public désorienté, qui est souvent victime d’interprétations erronées des lois par les administrations publiques, voire de pratiques arbitraires. Société Il n’est pas possible de vivre dans une société, de s’y intégrer, sans en comprendre ses multiples aspects et ses nombreux défis. Toutes nos publications peuvent être consultées et téléchargées sur notre site www.sireas.be Siréas asbl Service International de Recherche, d’Éducation et d’Action Sociale asbl Secteur Éducation Permanente Rue du Champ de Mars, 5 – 1050 Bruxelles Tél. : 02/274 15 50 – Fax : 02/274 15 58 [email protected] – www.sireas.be Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles Sommaire Introduction....................................................................................................5 Malthus avait-il raison ?..................................................................................7 1. La crise économique de 2008.....................................................................9 Le ralentissement de l’économie mondiale...........................................9 La flambée des prix des denrées alimentaires.......................................9 2. La fixation des prix des matières premières............................................10 3. Des règles commerciales non équitables.................................................11 4. La domination de l’agrobusiness.............................................................15 5. La dette du Tiers Monde..........................................................................17 6. La faiblesse des agricultures locales.........................................................20 Le manque de soutien aux petits producteurs....................................20 Le coût de l’énergie...............................................................................22 7. Le manque d’espace cultivable.................................................................22 3 Les cultures d’exportation de l’agrobusiness.....................................23 Les cultures d’agrocarburants..............................................................23 Les plantations pour les crédits carbone.............................................24 L’accaparement de terres par des entreprises étrangères et des États.................................................................................................25 8. Le changement climatique........................................................................27 Les enjeux du Sommet de Copenhague sur le climat........................28 Conclusion.....................................................................................................29 La gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire..........................30 La réforme de l’économie mondiale....................................................31 La notion de souveraineté alimentaire................................................32 BIBLIOGRAPHIE......................................................................................33 ANNEXE 1...................................................................................................31 ANNEXE 2...................................................................................................37 4 Introduction L e problème de la faim dans le monde s’aggrave. Selon le dernier rapport de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, daté de juin 2009, il y a actuellement 1,02 milliard de personnes qui ont faim (1). Parmi eux, 19 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë. Des hommes, des femmes et des enfants qui sont victimes de la faim, cela nous paraît incroyable, et pourtant c’est la réalité. Une réalité choquante, révoltante, qui nous rappelle le Moyen Age mais se poursuit aujourd’hui, au 21e siècle, à une époque où l’exploitation des richesses de la planète et du développement technologique est vertigineuse. Nous nous sentons offensés devant ce drame dont nous ne pouvons ignorer les responsabilités face à l’inefficacité des politiques dites « d’aide au développement. » Et pourtant, la faim n’est pas une fatalité. Selon la FAO, la terre produit déjà assez pour nourrir la population mondiale - 6 milliards - et pourrait en nourrir le double. (2) A condition, supposons-nous, que les pays du Nord changent leur modèle alimentaire. 1 Le dernier rapport de la FAO indique que les victimes de la faim sont en nombre croissant. Par rapport à l’année dernière, il y a 100 millions de personnes de plus qui doivent se contenter de moins de 1800 calories par jour, ce qui est considéré comme le « seuil de sous-alimentation». Un sixième de l’humanité se nourrit de l’équivalent de 2 bols de céréales par 1 Voir à ce propos les études sur l’empreinte écologique de nos modes de production et de consommation, http://fr.wikipedia.org/wiki/Empreinte_%C3%A9cologique 5 jour. Les régions les plus frappées sont l’Asie avec 642 millions de sousalimentés dont 200 millions en Inde, soit 10,5 % de plus que l’année dernière, l’Afrique (307 millions, augmentation de 12,5 % ) et l’Amérique latine (53 millions, augmentation de 12.8 %). L’augmentation la plus forte (15,4 %) se situe dans les pays riches, où l’on compte aujourd’hui 15 millions de personnes qui ont faim. De son côté, à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation (16 octobre), l’IFPRI (International Food Policy Research Institute) a rendu public son index de la faim dans le monde qui classe les pays selon la prévalence de la malnutrition infantile, le taux de mortalité infantile et la proportion d’habitants qui ne consomment pas assez de calories. Selon ces statistiques, 29 pays au monde ont des niveaux de famine alarmants dont six très alarmants. Le pire score est détenu par le Congo Kinshasa, suivi de l’Érythrée, du Tchad, de la Sierra Leone, du Burundi et de l’Éthiopie. Sur ces 29 pays, 13 sont plus affamés aujourd’hui qu’en 1990. Le record est encore détenu par le Congo Kinshasa où le niveau de famine a augmenté de 53 %. (3) Jusqu’au milieu des années ‘90, on enregistrait des progrès dans la lutte contre la faim. En 1969, lorsque la FAO a commencé les recensements, la malnutrition touchait 876 millions de personnes. De 1969 à 1995, la situation s’est améliorée, les chiffres ont baissé. En 1995, ils ont commencé à remonter, malgré l’engagement solennel des chefs d’États et des gouvernements lors du premier Sommet Alimentaire Mondial organisé par la FAO à Rome en 1996, d’atteindre le seuil de 425 millions avant 2015. Il y eut un autre engagement dans le même sens au Sommet du Millénaire à l’ONU en septembre 2000, lorsque que fut proclamé solennellement le premier des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (les « OMD ») : « Réduire l’extrême pauvreté et la faim chronique de moitié d’ici 2015 (en prenant l’année 1990 comme base statistique) ». Mais au lieu de se rapprocher de cet objectif, on s’en éloigne… Cet objectif fait appel à la notion de sécurité alimentaire, définie par la FAO au premier Sommet Alimentaire Mondial de 1996. La sécurité alimentaire est atteinte lorsque « toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine » (4). La notion de sécurité alimentaire ne doit pas être confondue avec celle de souveraineté alimentaire, définie par le mouvement La Via Campesina2, qui est « le droit de chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à 2 Voir annexe 2 pour la présentation de ce mouvement. 6 produire ses propres aliments de base dans le respect de la diversité culturelle et productive ». La sécurité alimentaire des peuples est d’évidence extrêmement importante. La FAO établit avec raison un lien indéniable entre insécurité alimentaire et insécurité tout court. « La crise silencieuse de la faim » représente donc une grave menace pour la paix et la sécurité mondiale. La faim a provoqué et provoquera de nouveaux conflits. Ainsi, afin de garantir la paix sur terre, Il faut augmenter la production alimentaire de 70 % d’ici 2050, lorsque nous atteindrons les 9 milliards d’êtres humains sur terre.(5) De manière générale, les victimes de la faim sont dans des situations d’insécurité alimentaire chronique et non dans des situations exceptionnelles dues à des guerres ou à des catastrophes naturelles. Il s’agit de personnes qui ont du mal à survivre, sans protection sociale et dans un état de pauvreté extrême, pour lesquels le moindre choc économique ou climatique provoque une crise alimentaire aiguë. Or, la pauvreté et l’extrême pauvreté continuent d’augmenter dans le monde, sauf dans la région « Asie de l’Est et Pacifique » qui comprend la Chine. La Banque Mondiale, – créée, rappelons-le, avec la mission spécifique de lutter contre la pauvreté –, fournit entre autres des statistiques sur l’augmentation, entre 1993 et 2002, du nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour. Cette augmentation est la plus manifeste en Asie du Sud (Inde) et en Afrique, autant en milieu rural qu’en milieu urbain. En Amérique latine l’augmentation est constatée surtout en milieu urbain. (6) En cas de famine exceptionnelle, l’intervention humanitaire internationale est utile, quoique ses moyens actuels sont insuffisants 3. Mais le problème de la faim dans le monde est essentiellement, et de plus en plus, un problème chronique qui doit relever de la responsabilité des États en premier lieu. Or ceux-ci n’y arrivent pas, et ce n’est pas toujours par manque de volonté ou de compétence. Malthus avait-il raison ? Dans son fameux « Essai sur le principe de la population », rédigé en 1798, Malthus avait mis en évidence le fait que la croissance de la population, si elle n’est pas régulée, progresse de manière géométrique (2, 4, 8, 16 , 32,…) alors que les biens de subsistance augmentent seulement de manière arithmétique (1, 2, 3, 4). Il prévoyait donc à terme de grosses difficultés. 3 Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) est l’organe des Nations Unies chargé de distribuer l’aide alimentaire d’urgence. En 2008, le PAM a apporté une aide à 70 millions de personnes, ce qui ne représente que 8 % du total des personnes souffrant de la faim. 7 Il y a eu un quasi-consensus sur le fait que les prévisions de Malthus se sont avérées fausses de 1800 à aujourd’hui, vu que la population s’est multiplié par 7 (on a atteint les 6 milliards en 1999) mais que les ressources alimentaires et la richesse en général ont augmenté dans les mêmes proportions, surtout au 20e siècle lorsque l’accroissement exponentiel de l’exploitation des ressources énergétiques à bon marché a énormément amélioré la productivité agricole dans les pays industrialisés. Les préoccupations de Malthus ont été reprises par des chercheurs américains dans les années soixante. (7) Ils ont expliqué que les individus ont tendance à exploiter excessivement à leur propre avantage les ressources communes, même si cela s’avère au détriment de tous à la longue. Par conséquent, la quantité de population serait moins en cause que la manière dont une partie de cette population se comporte. C’est exactement ce que confirme Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, en parlant, à l’occasion de la sortie de son film « We feed the world »4, de la « captation de ces immenses richesses nouvellement créées par une oligarchie transcontinentale détentrice du capital financier ». (8) Est-ce alors la taille de la population mondiale qui pose problème ou le modèle de production et de consommation des pays riches ? Il semble bien que la seconde réponse soit la bonne. C’est ce que cette étude entend démontrer en évoquant quelques caractéristiques du système économique capitaliste mondialisé et néolibéral qui se développe depuis près de 30 ans. Il s’agit de différents facteurs, tous liés les uns aux autres, dont les multiples interactions continuent d’aggraver les inégalités dans le monde. Nous étudierons successivement : • la crise économique de 2008 • le marché des matières premières • les règles commerciales non équitables • la domination de l’agro-business • la dette du Tiers Monde • la faiblesse des agricultures locales • le manque d’espace cultivable • le changement climatique 4 Jean Ziegler a publié de nombreux ouvrages, dont « L’empire de la honte » à la base du film « We feed the world » de Erwin Wagenhofer sorti en 2007. 8 1. La crise économique de 2008 B ien qu’il ne soit pas le plus fondamental, nous parlons de ce facteur en premier parce que la FAO l’a mentionné récemment comme facteur significatif dans l’immédiat. La FAO reconnaît que la pénurie alimentaire existe depuis longtemps, mais considère que deux facteurs sont directement liés à l’aggravation de la situation (9). • d’une part le ralentissement de l’économie mondiale provoquée par la crise financière de 2008 • d’autre part la flambée persistante des prix des denrées alimentaires dans de nombreux pays : 24 % de hausse par rapport à 2006 et 33 % de hausse par rapport à 2005. Le ralentissement de l’économie mondiale La récession mondiale a en effet un impact sur les revenus. Les gens les plus pauvres et qui ont perdu leur faible emploi ont souffert directement de la flambée des prix des produits alimentaires. Dans les pays riches, les pauvres bénéficient de certaines formes de protection sociale, quoique cette protection ne soit manifestement pas toujours suffisante. Les pays les plus pauvres, quant à eux, n’ont pas ces systèmes. Dans certains cas, ce sont les programmes d’ajustement structurels imposés par la Banque Mondiale et le FMI (Fonds Monétaire International) qui ont obligé les gouvernements à réduire leurs dépenses publiques et notamment les dépenses de protection sociale et de protection des petits producteurs. Nous détaillerons ce point plus loin dans le chapitre sur la dette du Tiers Monde. La flambée des prix des denrées alimentaires Les 51 pays les moins avancés (les PMA) sont tous, sauf deux, importateurs nets de produits alimentaires (10). La hausse des prix alimentaires par rapport à 2006 n’est pas due à une baisse de l’offre, au contraire. En 2008, la production de céréales a atteint le record de 2,3 milliards de tonnes. Mais c’est l’augmentation de la demande qui crée une pression sur les prix, et cette augmentation est liée notamment à l’élévation des revenus dans certains pays, dont la Chine et l’Inde. Elle est due aussi à d’autres facteurs tels la fixation des prix des denrées de base sur les marchés financiers. Nous y reviendrons également ci-dessous. Il y a donc une interaction entre des facteurs conjoncturels (le ralentissement économique et la hausse des prix) et des facteurs structurels 9 (la faiblesse de la protection sociale, la soumission des pays pauvres à des instances internationales, les mécanismes de la fixation des prix des denrées de base). Les facteurs conjoncturels sont aggravés par la multiplicité des facteurs structurels responsables de la faim dans le monde. Ceux-ci sont essentiellement d’ordre international. Selon Jean Ziegler, la faim est surtout due à une répartition aberrante des richesses. « Le système actuel de l’économie mondiale est complètement inadapté aux besoins de la planète » écrit-il. 2. La fixation des prix des matières premières L es principales matières premières agricoles (céréales, sucre, café, coton, cacao, huiles et pomme de terre) sont cotées en bourse : le café, le cacao et le sucre à Londres et à New York, le riz, le blé à Chicago, le coton à New York, la pomme de terre à Londres, le soja à Chicago, le maïs à Chicago et à Paris, etc. ). L’évolution du prix des denrées alimentaires est donc influencée par l’évolution des cours sur les marchés boursiers. Or les matières premières sont devenues un refuge pour les spéculateurs depuis la crise financière de 2008. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter quelques sites Internet sur la bourse5. Ainsi, des pays entiers se trouvent soumis à la volatilité des prix. Prenons l’exemple de l’Éthiopie. Le café est le principal produit d’exportation des Éthiopiens et plus de 95 % des grains de café sont produits par des petits paysans et leurs familles. En trois ans, de 2000 à 2003, les cours du café ont baissé de près de 50%. Dix ans avant, les pays exportateurs obtenaient le tiers de la valeur du café sur le marché mondial. En 2003, ils en reçoivent à peine dix pour cent, alors que le consommateur final paie le même prix. (11) En 2004 une majorité de paysans avaient donc renoncé à la récolte des grains, le prix de la vente ne couvrant plus les frais de production, et peu à peu la grande pauvreté et la famine sont apparues. En effet, le cours du café se négocie à Londres. Le marché mondial du café est dominé par quelques sociétés transcontinentales qui décident de la vie ou de la mort de millions de familles paysannes réparties dans le monde. La première de ces sociétés est le trust agro-alimentaire Nestlé. (12) Pendant plus de trente ans, le marché du café a été régulé par l’International Coffee Agreement (ICA) de manière à assurer des prix relativement stables aux paysans. Mais cet accord a été liquidé en 1989 par les sociétés 5 Notamment http://www.edito-matieres-premieres.fr/0679/soft/ble/usda-bresilethanol.html 10 transcontinentales du café, encouragés par la politique de libéralisation des marchés impulsée par le FMI et par la Banque Mondiale. Jusqu’en 1989, pays producteurs et importateurs se mettaient d’accord sur des quotas d’exportation. Aujourd’hui, les prix se fixent à la bourse de New-York (pour l’arabica) et de Londres (pour le robusta) où les spéculateurs désorganisent le marché et où l’offre augmente alors que la consommation stagne.(11) Le commerce du café, dont la production concerne 25 millions de producteurs dans le monde, est contrôlé à 70 % par quatre sociétés, tandis que 66 % de la commercialisation du café torréfié sont dominés par cinq entreprises. Les dépenses publicitaires de ces sociétés sont sans commune mesure avec tous les efforts entrepris pour lutter contre la faim dans le monde. La planète est devenue un grand marché. Tandis que certains pays s’appauvrissent parce qu’ils ne peuvent plus vendre leur café à un prix raisonnables, d’autres s’enrichissent. Pour le riz, la tendance des cours est à la hausse parce que la consommation augmente alors que la production baisse. Ce qui ne fait pas l’affaire de ceux qui doivent en importer. 3. Des règles commerciales non équitables L ee Kyung-hae, était président de la Fédération des fermiers et pêcheurs de Corée. Il contestait les règles de l’OMC qui tuent les petits paysans. Le 10 septembre 2003, lors de la conférence de l’OMC à Cancun (Mexique) il se suicida devant les caméras de télévision. Sur le marché mondial, un cercle vicieux et scandaleux s’est installé. En résumé, via de puissantes multinationales et la libéralisation du commerce mondial, les pays riches s’enrichissent en imposant leurs produits dans le monde alors que les pays pauvres ont de plus en plus de mal à maintenir leur production et à la vendre, y compris sur le marché local. Pourquoi ? L’inégalité des termes de l’échange dans le monde n’est pas une nouveauté. La CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement) fut fondée en 1964 sous l’impulsion d’économistes sudaméricains et arabes, précisément pour tenter de corriger l’inégalité des termes de l’échange sur le marché mondial. Mais la CNCED a échoué. Aujourd’hui, pour les 86 pays de l’ONU (sur 191) dont les recettes d’exportation sont essentiellement d’origine agricole, le pouvoir d’achat a baissé de deux tiers par rapport à ce qu’il était au moment de la fondation de la CNUCED (12). Ils doivent exporter trois fois plus pour pouvoir importer une même quantité de produits étrangers. Donc ils continuent de s’endetter, et c’est le cercle vicieux. 11 Le mécanisme s’est aggravé dans les années 80 avec l’idéologie néolibéraliste du FMI (Fonds Monétaire International) et de la Banque mondiale, principaux organes de prêts financiers aux pays « en développement », qui ont imposé une libéralisation accrue des marchés comme condition pour pouvoir emprunter. Les règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), mise en place en 1995, sont le reflet de la même idéologie. L’objectif de l’OMC est de faire la chasse au protectionnisme « non justifié » (13). Mais dans la pratique ce système fonctionne à sens unique. « La conférence de l’OMC a Seattle est le symbole le plus évident de l’injustice mondiale et de l’hypocrisie. Les pays industriels avancés ont imposé l’ouverture des marchés des pays en développement à leurs produits industriels en continuant à garder leur propres marché fermés aux produits des pays pauvres, comme le textile et l’agriculture. Ils ont dit au pays en développement qu’ils ne devaient en aucun cas subventionner leurs industries, mais ne se privent pas de verser des milliards à leurs agriculteurs, ce qui interdit aux pays pauvres de les concurrencer.» (14) En effet, une astuce juridique permet aux producteurs des pays riches de pratiquer un dumping déguisé. D’une part, la définition légale de l’OMC du dumping, qui est interdit sur le plan formel, ne concerne que les subventions à l’exportation, pas les subventions internes. D’autre part, cette définition interdit l’exportation à un prix inférieur au marché intérieur et non à un prix inférieur au coût de production ! On est là face à une énorme escroquerie. (15) La conférence de Cancun, en 2003 au Mexique, devait discuter entre autres des aides aux agriculteurs. Ce fut un échec. Ainsi par exemple, quatre pays africains (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) avaient mis « la bataille du coton » à l’ordre du jour en demandant l’élimination totale des subventions des pays du Nord (États-Unis en particulier) et une indemnisation financière pour les pertes subies, ce qui sur le fond correspond aux objectifs du libreéchange. Ils ont argumenté que « Pour l’Afrique, c’est une question de vie ou de mort. Le marché international nous tue. Ces subventions constituent un crime ». Mais la proposition fut rejetée. (16) Difficile donc d’appliquer équitablement, c’est à dire dans les deux sens, le principe de base de l’OMC, à savoir la chasse réelle à tous les protectionnismes. Entre-temps, la paralysie des négociations à l’OMC laisse la place à des accords bilatéraux ou multilatéraux de libre échange encore plus dangereux. En effet, les accords de libre échange (ALE) bilatéraux que font signer les États-Unis et l’Union européenne aux pays du Sud stipulent qu’ils ne peuvent protéger leur agriculture en cas de pénurie. Tous les accords de 12 libre échange que les États-Unis ont négociés contiennent la clause : « … aucune des Parties ne pourra adopter ou maintenir une interdiction ou une restriction à l’importation d’un produit d’une autre Partie ou à l’exportation ou à la vente pour exportation d’un produit destiné au territoire d’une autre Partie … ». Cela concerne aussi les denrées alimentaires. La seule exception concerne la pénurie « grave », elle ne peut être appliquée que pendant un court laps de temps et doit être approuvée par les États-Unis. Cette restriction est plus forte que dans l’Accord de base de l’OMC. Et l’Union européenne suit l’exemple dans les accords qu’elle a signés. (17) D’autres part, dans le cadre de ces accords bilatéraux, plusieurs pays d’Asie du Sud Est bradent leurs mers et leurs pêcheurs. Un projet d’accord entre l’ASEAN et l’Union européenne est en cours, qui supprimerait pratiquement toutes les formes de protection et les obstacles du commerce de façon à ce que rien ne puisse entraver les investissements étrangers. Mais l’accord imposerait un régime de sécurité sanitaire et de traçabilité tellement strict qu’il est clair que seules les grandes entreprises seraient capables de s’y conformer (18). Ce qui implique de grosses pertes pour les pêcheurs artisanaux et le rêve pour les compagnies transnationales . La libéralisation à outrance des échanges commerciaux profite aux grandes entreprises des pays riches (et aux riches des pays pauvres) et continuent d’appauvrir les pauvres des pays pauvres. Les pays du Sud sont contraints d’importer et exporter sans restrictions, au prix fixé par le marché mondial. Dans les pays du Nord par contre, les États-Unis et l’Europe continuent de subventionner de larges secteurs de l’agriculture, au mépris des règles de l’OMC. Les subventions accordées aux agriculteurs des pays du Nord entraînent une surproduction qui est exportée vers le Sud à des prix inférieurs aux coûts de production. Ce qui tue le commerce local et les produits locaux et ces pays deviennent donc de plus en plus dépendants des produits importés. Et si les émeutes de la faim des années 2007-2008 se sont produites dans les villes principales consommatrices de produits importés, c’est parce que celles-ci ont été rendues extrêmement vulnérables à une hausse des produits agricoles par le système agroalimentaire mondial. A cause des subventions et aides à l’exportation attribuées par leur gouvernement aux paysans européens, on peut trouver sur les marchés africains des légumes ou des fruits italiens, français, portugais ou espagnols aux deux tiers ou à la moitié du prix de produits autochtones ! Même si le paysan africain travaille avec sa femme quinze heures par jour, il n’a pas la moindre chance d’acquérir un minimum vital pour sa famille (12). C’est la destruction des agricultures locales. Nombreux sont ceux qui objectent qu’ « il est dangereux de mettre en situation de libre échange intégral des pays dont le niveau de développement 13 est très inférieur à celui des pays riches. Il faut donc favoriser le marché intérieur. Et il faut, au moins au départ, que le Pays aidé adopte une politique protectionniste. L’Afrique notamment devrait pouvoir utiliser l’arme du protectionnisme comme l’Europe l’a fait après la Seconde Guerre mondiale et comme elle le fait encore dans certains secteurs. » (19) L’hypocrisie est à son comble et Joseph Stiglitz, ex-économiste en chef de la Banque mondiale et prix Nobel de l’Économie en 2001, ne cesse de le clamer : « Si le pays le plus riche du monde se dit contraint de recourir à des mesures protectionnistes pour défendre ses travailleurs, ces mesures ne sontelles pas infiniment plus justifiables dans les pays en développement où le chômage est massif et le filet de sécurité inexistant ? » (14) La liste des exemples de conséquences néfastes de la mondialisation inéquitable du commerce sur les agricultures locales est sans fin. Ce qui suit n’est qu’un aperçu extrêmement limité, à titre indicatif : • Au Ghana, les importations de tomates européennes ont très sévèrement affecté l’accès au marché des producteurs de tomates locaux. • En Afrique de l’Ouest, le déferlement des importations de volaille a détruit les moyens de subsistance de nombreux pasteurs. (20) • En Thaïlande, l’aquaculture destinée à l’exportation a provoqué la conversion massive de terres agricoles fertiles (auparavant consacrées au riz). En outre, l’introduction d’une nouvelle espèce de crevette, convenant mieux aux exportateurs, a fait disparaître une crevette locale servant à faire la pâte à crevette, une des bases de la culture alimentaire locale. • Au Bengladesh, bientôt la capitale mondiale de la crevette, l’aquaculture intensive est menée par des grandes entreprises qui n’ont pas hésité à expulser violemment les populations locales (21). Des terres agricoles qui autrefois assuraient la subsistance de la population sont transformées en immenses bassins d’eau salée destinés à produire un aliment de luxe pour les marchés étrangers. • Au Sénégal et en Mauritanie, où les navires de la pêche industrielle des pays du Nord, souvent subventionnée, sillonnent les côtes de l’Atlantique, la majorité des pêcheurs locaux sont sans travail et risquent leur vie en tentant d’émigrer clandestinement vers l’Europe. • L’Égypte a libéralisé le marché de la terre, les contrats de fermage ne sont plus protégés (22). Des milliers de paysans se sont retrouvés sans terre tandis que l’agriculture industrielle d’exportation est favorisée. • Etc. 14 Tout cela est lié aussi au cercle vicieux de la dette du Tiers Monde : • Au Bengladesh par exemple, les investissements des multinationales de la crevette ont été encouragés par le gouvernement et la Banque mondiale parce que cela rapporte des devises au pays. • Les droits de pêche versés aux pays africains qui bordent l’Atlantique rapportent des millions de dollars aux gouvernements concernés. • Etc. 4. La domination de l’agrobusiness I l ne fait pas de doute que les politiques néolibéralistes prônées par le FMI, la Banque mondiale et l’OMC ont stimulé les puissantes multinationales à déployer des méthodes d’investissement, de commerce et d’emploi qui aggravent la pauvreté. Ce sont les maîtres du monde. Pour Jean Ziegler, on assiste à une « reféodalisation » du monde : « Les nouveaux seigneurs féodaux ont un pouvoir infiniment plus grand que n’importe quel pape ou empereur dans l’histoire » (12). En 2004, les 500 plus grandes sociétés transcontinentales du monde contrôlaient 54 % du Produit Mondial Brut. Un grand nombre de ces multinationales sont actives dans le domaine alimentaire. C’est ce qu’on appelle l’agrobusiness (ou agribusiness), qui se caractérise par des investissements gigantesques, une production intensive et mécanisée orientée vers l’exportation, un usage massif d’engrais et pesticides chimiques, des irrigations abondantes, …et des ravages pour l’environnement. On l’appelle aussi « agriculture industrielle » ou « complexe agroalimentaire ». Sous ces synonymes se cache un système qui traverse aujourd’hui toutes les frontières et dont le premier objectif est le profit, en toute logique capitaliste. L’agriculture industrielle ne cherche pas à nourrir les populations mais à faire fournir des devises et à se nourrir elle-même. En effet, en pleine crise alimentaire (2008), les bénéfices des grandes entreprises de l’agroalimentaire ont été au plus haut. Nestlé, leader mondial de l’alimentation, a vu son bénéfice progresser de près de 70% en 2008 (23). De septembre à novembre 2008, « grâce à la bonne tenue de ses activités en Amérique du Sud », Monsanto a enregistré une augmentation de 117 % de ses bénéfices nets. (24) Et on pourrait allonger la liste … Le cas Nestlé L’univers de Nestlé emploie 275 000 personnes dans le monde réparties sur 511 usines dans 86 pays et vend des aliments sous plusieurs centaines de noms. 15 Il y a une trentaine d’années, Nestlé a fait l’objet de critiques sévères en raison des ses campagnes publicitaires mensongères et trompeuses suggérant la supériorité du lait en poudre par rapport au lait maternel. Cette publicité était surtout répandue dans les pays pauvres où l’eau potable est rarissime. On imagine facilement les dégâts pour la santé des enfants6. En 1984 , Nestlé fut contrainte de signer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, promulgué par l’OMS en 1981 et interdisant toute publicité de substitution du lait maternel. Mais Nestlé continue de commettre régulièrement des infractions à l’égard de ce code. Par ailleurs, Nestlé s’est fait remarquer pour le réétiquetage de boîtes de lait périmé en Colombie en 2002, et plus généralement pour sa politique sociale peu ouverte aux revendications salariales, et pour sa stratégie de participation à la privatisation de l’eau potable dans certains pays du Sud. Le cas Monsanto En quelques années, la société Monsanto 7 a réalisé un vrai hold-up sur le coton indien, avec la complicité des autorités gouvernementales qui ont ouvert la porte aux OGM, en bafouant le principe de précaution que l’Inde avait pourtant toujours défendu. (25) Selon la physicienne et écrivain Vandana Shiva 8, militante écologiste et altermondialiste réputée, la FAO a eu tort de soutenir les monocultures, les engrais chimiques et les OGM en Inde en affirmant que c’est augmenter le nombre d’affamés à long terme. Les agriculteurs qui s’endettent pour développer des monocultures à plus grande échelle sont non seulement à la merci de la moindre contrariété climatique, mais aussi ils entrent dans un cercle de dépendance à l’égard des producteurs de semences puisque, sous couvert de protection de brevet, ils n’ont pas le droit de reproduire eux-mêmes les semences. Vandana Shiva considère que l’OMC et la Banque mondiale, avec la complicité de la FAO, sont responsables du suicide de plus de 15 000 paysans en Inde chaque année depuis 1997. Olivier De Schutter, professeur de droit international à l’UCL et successeur de Jean Ziegler au poste d’expert indépendant rapporteur pour 6 Selon l’UNICEF, environ 4000 nourrissons meurent chaque jour à cause d’une poudre de lait mélangée à une eau insalubre ou dans un biberon malpropre. (cfr. J. Ziegler, l’Empire de la honte). 7 Tristement célèbre par les nombreux procès intentés contre elle (commercialisation de produits nocifs, publicité mensongère, … ) ou par elle (accusant des agriculteurs d’avoir violé les brevets de production de semences) 8 Prix Nobel alternatif en 1993. Vandana Shiva a fondé l’association « Navdanya », association pour la conservation de la biodiversité et la protection des droits des fermiers contre l’emprise des multinationales agrochimiques. La ferme de Navdanya est une banque de semences modèles, qui a permis à plus de 10 000 fermiers d’Inde et des pays environnants de redécouvrir l’agriculture paysanne et biologique. 16 les Nations Unies sur le droit à l’alimentation, est également préoccupé par le problème. Dans une conférence de presse à l’ONU le 21/10/09, il aborde la contradiction entre le droit à l’alimentation (inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, signé en 1966) et le droit de propriété intellectuelle, qui couvre les brevets des multinationales dans le marché des semences notamment. Il rappelle qu’une dizaine de multinationales de la semence détiennent 60 % du marché des semences commerciales, ce qui représente une menace sérieuse pour le marché des semences traditionnelles, qui risquent de disparaître, et donc pour les agriculteurs des pays pauvres qui ne pourront pas se procurer les semences commerciales ou entrent dans un système de dépendance. Il encourage les États à travailler en direction d’un droit des agriculteurs, à réexaminer leur système de régulation et de certification des semences et à promouvoir le marché des semences locales, en concluant que « les gouvernements ne devraient pas voir leurs priorités dans l’alimentation dictées par les intérêts du secteur privé ». (26) Le clivage Nord Sud est aussi un clivage entre l’agriculture industrielle et l’agriculture paysanne. Le mouvement La via Campesina, qui était présent à Copenhague du 17 au 18 décembre 2009 au Sommet mondial sur le climat, s’est exprimé en ces termes : « L’agro-business n’a pas seulement contribué largement à la crise du climat, elle a aussi massacré les paysans du monde. Des millions de paysans et paysannes partout dans le monde, ont été expulsés de leurs terres. Des millions d’autres subissent des violences chaque année à causes de conflits fonciers en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Ce sont des paysans et paysannes et des gens sans terre qui composent la majorité des plus d’un milliard de personnes affamées dans le monde. Et à cause de la libéralisation du commerce, de nombreux petits producteurs se suicident en Asie du Sud. Par conséquent, en finir avec l’agriculture commerciale est notre seule issue.» (27) 5. La dette du Tiers Monde P arce qu’ils sont endettés, les pays pauvres abdiquent de leur souveraineté. Ils perdent les moyens de contrôler leur économie interne, leur système agricole, leur système de protection sociale, etc. Les mécanismes de la dette du Tiers Monde sont abondamment analysés et décrits par Éric Toussaint, docteur en sciences politiques de l’Université de Liège, qui a fondé en 1990 un réseau international très actif : le CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde). Les gouvernements fonctionnent comme les particuliers et les entreprises: quand leur budget est en difficulté, quand ils manquent de liquidités, ils 17 sont obligés d’emprunter. Les gouvernements des pays en développement empruntent auprès d’institutions financières internationales ou auprès de grandes banques des pays du Nord, ou parfois d’État à État. Les deux principales institutions financières internationales sont la Banque Mondiale et le FMI (Fond Monétaire International). Dans les deux cas, ce sont les puissances occidentales qui prennent les décisions, et les États-Unis à eux seuls détiennent suffisamment de voix pour influencer les décisions importantes dans le sens qui leur convient. Mais, comme toutes les banques, ces institutions prêtent sous conditions. Depuis 1989, ces institutions appliquent une sorte de « code du néolibéralisme » qu’on a appelé le Consensus de Washington. Sur base de ce consensus, l’État emprunteur est tenu de prendre des mesures d’assainissement de ses finances publiques, ce sont les « ajustements structurels ». Ces ajustements comprennent : - une stricte discipline budgétaire et donc la diminution des dépenses publiques, voire l’abandon des subventions aux produits de première nécessité. • la promotion des exportations • la libéralisation du commerce extérieur • l’abolition des barrières à l’entrée sur le marché, même au détriment du marché local • la libéralisation des investissements internationaux • la privatisation des monopoles • une politique monétaire restrictive, c’est à dire des taux d’intérêt élevés qui interdisent toute création d’emploi. En d’autres mots, les pays pauvres et endettés tombent sous le contrôle des puissances étrangères. Ils ne sont pas maîtres chez eux, mais ont-ils le choix ? Leur économie est conditionnée par le problème du remboursement des dettes qui doivent se faire en devises étrangères (généralement en dollars). Ils utilisent donc pour cela une partie des revenus provenant de leurs exportations. Comme celles-ci sont fort en baisse (de 1975 à 2005 : diminution de moitié des produits africains qui entrent en Europe), ils sont obligés de souscrire à de nouveaux emprunts à des taux atteignant les 10 % à 15 %. (19) Et plus la dette s’alourdit, moins ils sont en mesure de financer des programmes de réforme agraire, de protection sociale, de santé, d’éducation, etc. C’est une spirale sans fin. Par le mécanisme de la dette du Tiers Monde, les pays pauvres continuent à s’appauvrir tandis qu’ils continuent d’enrichir les pays riches. 18 En effet, jusqu’à ce jour, les sommes que le Sud a versées au Nord au titre de remboursement de la dette ou au titre d’investissement ou de placement dans les pays du Nord (fuite des capitaux africains p. ex.) ont été 7 fois supérieures à celles que le Nord a versées au Sud au titre de l’aide publique au développement. Selon les propres chiffres de la Banque mondiale, la dette que les pays du Sud avaient contractée avant 1982 dans les pays du Nord a déjà été remboursée quatre fois du fait du jeu des intérêts composés. Et pourtant, aujourd’hui les pays du Sud sont 4 fois plus endettés vis à vis du Nord qu’ils ne l’étaient en 1982. (19) Il existe des mécanismes de ré-échelonnement ou d’allègement de la dette du Tiers Monde mais ceux-ci n’annulent qu’une petite partie des sommes en jeu. Les mesures d’annulation ne concernent que des dettes d’État à État et ne sont accordées qu’aux pays qui appliquent les prescriptions du FMI : obligation de privatiser, de s’ouvrir à l’importation de produits étrangers même au détriment de la production locale, de suivre les « programmes d’ajustement structurel » et de continuer à exporter (au moins 30 % de leur PIB). (19) Ce qui arrange évidemment les sociétés multinationales. Les modes de fonctionnement de la Banque mondiale et du FMI ont été vivement critiqués, notamment par Joseph Stiglitz qui a démissionné de sa fonction d’économiste en chef de la Banque Mondiale fin 1999. Stiglitz a publié depuis plusieurs livres, dont « La grande désillusion » où il déplore les « solutions archaïques et inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur les habitants des pays, qui sont imposées sans débat préalable, à partir d’une conception dogmatique de l’économie : la supériorité du marché et de la concurrence ». Les remèdes du FMI (et de la Banque mondiale obligée de suivre) « ont provoqué dans de nombreux cas des famines et des émeutes ; et même quand leurs effets n’ont pas été aussi terribles, même quand elles ont réussi à susciter une faible croissance pour un temps, une part démesurée de ces bénéfices est souvent allée aux milieux les plus riches de ces pays en développement, tandis qu’au bas de l’échelle la pauvreté s’est parfois aggravée. Mais ce qui me paraît stupéfiant, c’est que, chez beaucoup de hauts dirigeants du FMI et de la Banque Mondiale, ceux qui prenaient les décisions cruciales, il n’y avait pas le moindre doute sur le bien fondé de ces politiques. Des doutes, il y en avait, certes, chez les gouvernements des pays en développement. Cependant, beaucoup craignaient tant de risquer de perdre les financements du FMI, et avec eux bien d’autres fonds, qu’ils les exprimaient avec la plus grande prudence – quand ils le faisaient -, et seulement en privé » . « On l’a créé parce qu’on jugeait nécessaire d’exercer sur les États une pression internationale pour les amener à adopter des politiques économiques expansionnistes (augmentation des dépenses publiques, réductions d’impôts 19 ou baisse des taux d’intérêt pour stimuler l’économie), et voici qu’aujourd’hui, en règle générale, il (le FMI) ne leur fournit de fonds que s’ils mènent des politiques d’austérité (réduction des déficits, augmentations d’impôts ou hausse des taux d’intérêts entraînant une contraction de l’économie). » La dette est le « garrot de la faim » comme l’illustre Jean Ziegler dans « L’empire de la honte ». Il y expose la situation en Éthiopie, en Mongolie et au Brésil. Résumons ce dernier. Le Brésil n’a pas atteint l’auto-suffisance alimentaire. Sur 181 millions de Brésiliens, 44 sont gravement et en permanence sous-alimentés alors que c’est un pays agricole. Le président Lula veut combattre la faim par la réforme agraire notamment, mais pour cela il faut qu’il ait de l’argent. Or le Brésil est le 2e pays le plus endetté du monde. Arrivé au pouvoir en 2003, le président Lula, qui a connu la faim lui-même dans son enfance, a lancé un programme « fome zero ». Mais par manque d’argent le programme « fome zero » a dû être abandonné. Les intérêts et l’amortissement de la dette absorbent pratiquement tout l’argent disponible. Le nouveau programme , « au lieu de développer des cultures vivrières, transforme la forêt amazonienne en culture de soja qui sera utilisé pour nourrir les poulets européens », ce qui rapporte des devises et permet de réduire le garrot de la dette ! 9 6. La faiblesse des agricultures locales 7 0 % des personnes qui souffrent de la faim sont des petits producteurs qui ont abandonné leurs terres et sont venus rejoindre les bidonvilles. En Afrique noire, le revenu par habitant a baissé d’un quart entre 1987 et 2000. (19) . La croissance de la production agricole ne compense pas la croissance de la population. En même temps, entre 1990 et 2000, la part de l’aide à l’agriculture dans l’aide au développement a diminué de 50 %, selon les chiffres de la FAO. (28) Le manque de soutien aux petits producteurs A cause de la dette, les pays du Sud ont été contraints de réduire leur soutien aux petits producteurs. En Afrique par exemple, 37 pays sont presque exclusivement agricoles. Mais dans la plupart des cas, le budget national alloué à l’agriculture est très faible. En Afrique sub-saharienne, il est de 4 % en moyenne. Seuls 5 États africains sur 53 consacrent 10 % de leur budget à l’agriculture. (29) 9 « Dernier segment de cette chaîne absurde : les parties nobles (cuisses, ailes) de ces poulets vont dans les supermarchés des pays européens, le reste des carcasses est exporté en Afrique et vendu sur les marchés à des prix de dumping, ce qui détruit la production locale » (J. Ziegler, L’empire de la honte) 20 Pour Kanayo F. Nwanze, Président du Fonds International pour le Développement agricole (FIDA), « une grande partie des victimes de la faim et de la pauvreté sur la planète sont les petits agriculteurs des pays en développement qui auraient pourtant le potentiel, non seulement de subvenir à leurs propres besoins, mais aussi de renforcer la sécurité alimentaire et de contribuer à une croissance économique plus large. «Pour exploiter ce potentiel et réduire le nombre d’affamés dans le monde, les gouvernements, soutenus par la communauté internationale, doivent privilégier les investissements essentiels dans l’agriculture afin que les petits exploitants aient accès non seulement aux semences et aux engrais, mais aussi à des technologies adaptées, aux infrastructures, à la finance rurale et aux marchés», a-t-il ajouté. «Pour la plupart des pays en développement, il ne fait guère de doute qu’investir dans les petites exploitations agricoles est le filet de sécurité le plus durable, en particulier durant une période de crise économique mondiale». (9) Toutes les ONG ne cessent de le répéter : « Les paysans pauvres sont livrés à eux-mêmes. Les ¾ des pauvres vivent de l’agriculture. C’est donc là que la lutte contre la pauvreté doit être menée en premier.» (30) Mais « les problèmes de la faim et de la pauvreté ne peuvent être résolus en injectant de l’argent dans des fertilisants, des semences à haut rendement et des systèmes d’irrigation à grande échelle. Ces éléments sont certes importants, mais ils ne sont pas toujours durables et ne répondent pas nécessairement aux besoins de l’agriculture familiale. On ne peut tabler sur un accroissement de la productivité alimentaire en se contentant d’intensifier la production agricole industrielle. L’agriculture doit être entièrement repensée. Les pays pauvres et leurs agriculteurs familiaux doivent être au centre de ce processus. Les pays doivent investir dans les programmes de vulgarisation agricole et d’échanges paysans ainsi que dans des filets de sécurité sociale afin d’aider les plus pauvres à acheter de la nourriture locale proposée par les petits agriculteurs et vendeurs locaux.» (31) Protéger et revenir à l’agriculture paysanne devient un credo, c’est le grand défi de l’opposition à l’agriculture industrielle. La FAO et la Banque Mondiale se sont penchées également sur ce défi 10 . Dans son Rapport 2008 sur le Développement, la Banque Mondiale précise que, en Asie du Sud (Inde) et en Afrique, « le nombre de ruraux pauvres restera probablement supérieur au nombre de pauvres dans les espaces urbains jusqu’en 2040. Dans ces régions il importe donc en priorité de mobiliser l’agriculture pour promouvoir la réduction de la pauvreté.» (6) 10 Voir notamment Farming systems and poverty, Improving Farmers’ livelihoods in a changing world, 2001. ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/004/ac349e/ac349e00.pdf 21 Le coût de l’énergie La productivité agricole est dépendante des ressources en énergie. L’agriculture traditionnelle consomme moins d’énergie que l’agriculture industrielle mais ne peut pas s’en passer. Or, depuis 1980, pour un nouveau baril de pétrole qu’on découvre, on en consomme trois. Et la demande mondiale continue d’exploser. Donc les prix continuent de monter. Et plus le pétrole sera rare et cher, plus les victimes seront les populations pauvres dont la production agricole est déjà menacée. L’accès à l’énergie (fossile, hydraulique, éolienne, …) fait certainement partie des domaines où les petits producteurs doivent être aidés. 7. Le manque d’espace cultivable L a population mondiale a doublé en 45 ans et continue d’augmenter. Si on établit le lien entre l’accroissement de la population mondiale et la production agricole, on constate que la quantité de nourriture produite par personne diminue. En effet, selon la FAO, la production par personne de céréales, (80 % de l’alimentation mondiale) est en baisse depuis 1984. Par contre, en chiffre absolu, la production de céréales par hectare augmente, autant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, quoique le taux d’augmentation ralentisse.(32) La surface de terre cultivable par personne a diminué de moitié en 50 ans. En 1960 la population mondiale s’élevait à environ 3 milliards et il y avait environ 0,5 hectare de terre cultivable par personne . Aujourd’hui nous sommes 6 milliards et il y reste 0,23 hectare de terre cultivable par personne, principalement parce que la population augmente mais aussi parce que la surface de terre cultivable diminue objectivement pour diverses raisons (activités économiques et infrastructure, érosion des sols, sécheresse, pollution des eaux, …). D’après les prévisions, cet espace vital sera réduit à 1800 m2 par habitant en 2030. (32) Il y a donc un sérieux problème de surface cultivable à gérer. Examinons à ce propos différents phénomènes qui aggravent la situation : • l’utilisation des terres par l’agrobusiness de l’exportation • la surface utilisée pour la production d’agrocarburants • les espaces de réserve pour les crédits carbones • accaparement de terres cultivables par des entreprises étrangères et par des États 22 Les cultures d’exportation de l’agrobusiness Un seul exemple : Environ 350.000 hectares de terres agricoles, essentiellement en Amérique latine, sont employés à la culture du soja destiné à la nourriture du cheptel des pays européens alors que près d’un quart de la population de ces pays souffre de malnutrition chronique… Comme nous l’avons vu, c’est en partie le résultat des problèmes de la dette du Tiers Monde et des mesures imposées aux États pour « assainir » leurs dépenses. Au delà du problème de l’exploitation irrationnelle de l’espace cultivable (du soja destiné au bétail européen et non à la population locale), l’agrobusiness est souvent synonyme de conflits fonciers voire d’expulsions dues au fait que les petits producteurs n’ont pas toujours des titres de propriété. Il existe bien une Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée par l’OIT en 1989 qui reconnaît leurs droits sur leurs terres et territoires traditionnels. Mais cette convention n’a été ratifiée que par une vingtaine de pays et ne concerne qu’une partie des petits producteurs qui n’ont pas de titres de propriété. Un exemple : Au Chili, les entreprises forestières exploitent près de deux tiers des terres cultivables du pays. Leur politique de plantations massives a contribué à assécher les terres environnantes, et la baisse généralisée de la production agricole a poussé de nombreux paysans à l’exode. Parmi ceux qui restent, plus de 30 % vivent sous le seuil de pauvreté ! Le peuple indien Mapuche (10 % de la population chilienne) est toujours en train de lutter pour récupérer ses terres. (33) Le Chili a signé récemment la Convention de l’OIT et les tribunaux leur donnent raison, mais les entreprises forestières ont simplement accordé le droit de pénétrer sur les terres pour y cueillir des plantes traditionnelles… Les cultures d’agrocarburants Un rapport de la Banque Mondiale affirme que 85% de l’augmentation des prix alimentaires en 2007-2008 fut influencée par le développement de l’agro-énergie. C’est l’effet négatif de la politique de soutien aux agrocarburants (ou biocarburants) mise en place par les États-Unis et l’Europe. Pour cette raison, Jean Ziegler, lorsqu’il était rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, qualifia les agrocarburants de « crime contre l’humanité » et son successeur, Olivier De Schutter, a demandé un moratoire de 5 ans. Les agrocarburants proviennent principalement de deux filières : • la filière huile, à partir du palmier à huile, du tournesol, du colza, du jatropha ou du ricin. 23 • La filière alcool, à partir de la canne à sucre, de la betterave sucrière, du maïs, du blé. Le Brésil favorise l’éthanol à partir de la canne à sucre. La Malaisie et l’Indonésie sont les principaux exportateurs de l’huile de palme. De nombreux mouvements se sont insurgés : « Selon les rapports publiés, explique Oxfam, la surface nécessaire pour produire des agrocarburants en Indonésie, au Brésil, en Afrique du Sud et en Inde sera de 5,6 millions de kilomètres carrés dans les vingt prochaines années, soit plus de plus de dix fois la surface de la France. Cette situation aura des conséquences dramatiques. Selon l’ONU, environ 60 millions de personnes dans le monde courent le risque d’être expulsées de leurs terres pour faire de la place aux cultures nécessaires aux agrocarburants. » Un exemple : En Indonésie, pas loin d’un tiers de l’huile de palme est produite par des petits agriculteurs qui ont souvent perdu leur droit à la terre au profit de l’expansion des plantations. Bénéficiant de 2 hectares à titre de ’rétribution’, ces petits agriculteurs sont pieds et poings liés à l’industrie de l’huile de palme qui leur a fait crédit en échange de leur récolte. Cela signifie d’emblée que ces agriculteurs ne reçoivent pas non plus le meilleur prix pour leur huile de palme. (34). En juillet 2008 on comptait 514 conflits fonciers connus à cause des plantations d’huile de palme en Indonésie (www.grain. org/go/agrocarburants) Les plantations pour les crédits carbone Il existe aujourd’hui un réel marché de négociation et d’échange des droits d’émission de gaz à effet de serre. En effet, le Protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005 et ratifié à ce jour par 183 pays -, a mis en place un système autorisant les entreprises à acheter des « droit de polluer » si elles dépassent les quotas d’émission autorisés par leur pays. Ces mécanismes compensatoires se font notamment auprès de promoteurs de projets «verts » dans les pays en développement. La plantation d’arbres en fait partie. Une entreprise polluante en Europe pourra donc choisir de ne pas réduire ses émissions et compenser en achetant des crédits carbone à une entreprise en Indonésie qui possède une forêt. Un crédit carbone est une unité, généralement 1 tonne de gaz à effet de serre évitée ou séquestrée (par des arbres). Ainsi, de plus en plus de terres arables sont transformées en plantation d’arbres pour attirer les crédits carbone. Des investisseurs en recherche d’un placement « durable » commencent à acheter des territoires entiers au détriment des populations qui les habitaient. Ils vendent ensuite les crédits-carbone sur des marchés 24 volontaires et font double-profit en commercialisant le bois. (27) Pour le mouvement La Via Campesina, « la protection de l’environnement est en quelques années devenu l’alibi le plus commun pour expulser des communautés et laisser la place libre aux multinationales. Alors qu’en 2008, 40 milliards d’hectares de terres ont déjà été accaparées par les multinationales et certains pays, l’accord de Kyoto va encore accélérer l’expropriation des territoires des populations rurales». La Via Campesina estime que, plutôt que de se perdre dans des plans de commerce de carbone, la conférence de Copenhague devrait se concentrer sur la mise en application de nouvelles initiatives qui visent à changer les modèles de production, à commencer par la production alimentaire. L’accaparement de terres par des entreprises étrangères et des États Depuis toujours, la terre est source de conflits. Mais on assiste aujourd’hui à un phénomène nouveau, apparu semble-t-il avec la crise alimentaire de 2007-2008 et renforcé par la crise financière de 2008 : la ruée sur les terres agricoles par des entreprises étrangères et des États. Le phénomène est double et dans les deux cas il favorise l’industrie alimentaire au détriment de la souveraineté alimentaire des peuples. Il s’agit: 1.d’une part, de l’achat ou de la location pour 99 ans de terres par des pays qui manquent de terres et souhaitent « externaliser » leur production, c’est à dire contrôler des exploitations agricoles dans d’autres pays, en partenariat avec des sociétés privées, pour assurer l’approvisionnement de leur propre population. 2.d’autre part, de l’achat ou de la location de terres agricoles par des investisseurs qui n’ont parfois rien à voir avec l’agro-business, dans un but purement spéculatif : des fonds spéculatifs, des fonds de pension, des sociétés d’investissement. Dans les deux cas, les États négocient des contrats en échange de fourniture d’énergie,de technologie, ou d’autres formes de compensation. Dans une étude très documentée publiée en octobre 2008, l’association GRAIN explique ce sont la Chine et les pays du Golfe (Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Bahreïn, Koweït, Qatar) qui ont lancé le mouvement. « La plus grande partie de l’activité agricole de la Chine à l’étranger est consacrée à la culture du riz, du soja et du maïs ainsi qu’à des cultures énergétiques comme la canne à sucre, le manioc ou le sorgho. Le riz produit à l’étranger est toujours du riz hybride, cultivé à partir de semences importées chinoises, et des agriculteurs et des chercheurs chinois enseignent avec 25 enthousiasme aux africains et à d’autres à cultiver le riz «à la chinoise». Toutefois, les travailleurs agricoles locaux, engagés pour travailler dans les exploitations agricoles chinoises, en Afrique par exemple, ne savent souvent pas si le riz sert à nourrir leur propre peuple ou les Chinois. Toutefois, les travailleurs agricoles locaux, engagés pour travailler dans les exploitations agricoles chinoises, en Afrique par exemple, ne savent souvent pas si le riz sert à nourrir leur propre peuple ou les Chinois. Étant donné le côté secret de beaucoup des accords fonciers, la plupart des gens supposent que le riz sert à nourrir les Chinois, et un ressentiment profond s’installe. Étant donné le côté secret de beaucoup d’accords fonciers, la plupart des gens supposent que le riz sert à nourrir les Chinois, et un profond ressentiment s’installe. » (35) Aujourd’hui, d’autres pays s’y sont mis : le Japon, la Corée, la Malaisie, la Libye, l’Égypte, la Jordanie … sont également candidats acheteurs ou locataires de terres agricoles.. Ils s’adressent aux quatre coins du monde : Somalie, Cameroun, Ouganda, Mozambique, pour l’Afrique… ou encore le Cambodge et les autres pays de l’Asie du Sud Est, ainsi que le Brésil, le Kazakhstan, la Mongolie, la Russie, etc. La liste n’est pas close. L’Inde également se lance dans ce commerce en cherchant à négocier avec la Birmanie (pour y cultiver des lentilles) ou avec l’Indonésie (pour le palmier à huile). GRAIN publie une liste de plus de 100 cas d’actions menées par les pays accapareurs, qui sont les acteurs (gouvernement et/ou secteur privé), quels sont les pays cibles, pour quelle production et pour combien d’argent (http://www.grain.org/m/?id=213) La plupart des pays « hôtes » sont pauvres ou même très pauvres. Le Soudan (Darfour) et le Cambodge en particulier cèdent des terres alors qu’ils dépendent du PAM (Programme Alimentaire Mondial) pour nourrir leur population et que le PAM n’a pas suffisamment de vivres pour répondre à la demande. En Ouganda, l’annonce de discussions entre le gouvernement et le ministre égyptien de l’agriculture a provoqué une forte réaction. A Madagascar, les émeutes relatives à la transaction avec Daewoo ont fait tomber le gouvernement, mais l’annulation du contrat ne semble pas encore confirmée. Du côté du secteur financier, actuellement en difficulté, la spéculation bat son plein : « Pendant toute l’année 2008, une armée de sociétés d’investissement, de fonds de capital-investissement, de fonds spéculatifs et d’autres du même type se sont emparés de terres agricoles dans le monde entier, avec l’aide précieuse d’agences comme la Banque mondiale, sa Société financière internationale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui toutes préparent la voie à ces investissements et 26 « persuadent » les gouvernements de changer les lois foncières pour permettre la réussite de ce processus. De ce fait, les prix des terres commencent à monter, ce qui incite à agir encore plus vite. (…) L’horizon de placement dont parlent les investisseurs est, en moyenne, de 10 ans (étant bien entendu qu’ils doivent assurer la productivité des terres et construire des infrastructures de commercialisation, et ne pas rester sans rien faire) avec des taux de rendement annuels prévus de 10 à 40 % en Europe et qui pourraient atteindre 400 % en Afrique. » (35) Ici aussi, GRAIN publie une liste d’une centaine d’investisseurs institutionnels dans le monde de l’agro-business. (http://www.grain.org/ m/?id=266) L’institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) basé à Londres a publié en collaboration avec la FAO une réflexion intitulée : « Accaparement des terres ou opportunité de développement ? » Cette étude énumère un grand nombre de conditions pour que les transactions soient « bonnes ». Mais ces conditions semblent tellement exigeantes qu’on peut douter de leur applicabilité et qu’il n’est dès lors pas exagéré de parler d’une nouvelle forme de colonialisme. C’est le fondement même sur lequel doit reposer la souveraineté alimentaire qui est tout simplement bradé, conclut GRAIN. 8. Le changement climatique L es pays les plus atteints par la malnutrition ne sont pas nécessairement ceux qui sont frappés par les catastrophes climatiques extrêmes, comme le signale le rapport de l’IFPRI cité plus haut. (3) Ceci dit, le changement climatique global amplifie les risques de catastrophes naturelles et celles-ci sont dramatiques pour la sécurité alimentaire dans les pays pauvres : sécheresse extrême, dérèglement des saisons, montée du niveau de la mer, perturbation des pluies, inondations et cyclones,…. sont en train d’augmenter en nombre et en intensité. L’impact des changements climatiques sur la malnutrition est illustré par de nombreux exemples dans le dossier « Faim et malnutrition, conséquences trop oubliées des changements climatiques » de l’association Action Contre la Faim. De 1975 à 2005, le nombre de catastrophes climatiques hydrométéorologiques par an a été multiplié par quatre. Et le nombre de victimes de ces catastrophes naturelles est globalement 40 fois plus élevé dans les pays pauvres. Ces dérèglements climatiques interviennent en effet le plus souvent dans des zones où les populations sont déjà extrêmement vulnérables et agissent comme un facteur aggravant de tous les autres 27 problèmes déjà présents. Ils créent des urgences humanitaires en termes de moyens de subsistance, de sécurité alimentaire, d’eau, de santé. (36) Ainsi par exemple, les éleveurs du Mali ont perdu 50 % de leur bétail en 2009 à cause d’une extrême sécheresse liée au fait que la saison des pluies a commencé avec un mois et demi de retard. En ce qui concerne les prévisions, un récent rapport de la Banque Mondiale indique que les pays du Sud vont supporter 80 % des dégâts occasionnés par les dérèglements climatiques alors qu’ils ne sont à l’origine que de 30 % des émissions de CO2.(37). Pour les scientifiques du GIEC : « Les rendements des cultures pluviales en Afrique pourraient reculer de 50 % d’ici à 2020.» Selon l’IFPRI, une augmentation de 20% des cas de malnutrition infantile d’ici 2050 est à prévoir du fait des changements climatiques. Selon Action contre la Faim, cette prévision est sous-évaluée. En 2008, on a recensé 20 millions de personnes déplacées à la suite de catastrophes climatiques. On prévoit 250 millions de « réfugiés climatiques » d’ici 2050. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la montée des eaux dans les régions côtières surpeuplées d’Asie où 250 millions de personnes vivent à moins de 5 m au dessus du niveau de la mer. Ces prévisions conduisent à la nécessité d’investir dans l’anticipation et l’adaptation aux conséquences du changement climatique et d’aider financièrement les pays du Sud à opérer ces adaptations. Il s’agit d’aider au financement des actions visant à limiter les conséquences humaines, d’augmenter les capacités d’adaptation, d’investir dans la gestion des risques de catastrophes. Les enjeux du Sommet de Copenhague sur le climat En conséquence, dans les discussions sur le climat, il ne s’agit pas seulement de diminuer les émissions de gaz à effets de serre mais de mieux prendre en considération les populations du Sud qui sont et seront les plus affectées par ces changements (alors qu’elles en sont peu responsables). Ceux qui souffrent de la faim doivent être replacés au centre des débats et des actions à mettre en œuvre pour répondre aux impacts des changements climatiques. D’autre part, il faut signaler que c’est l’agriculture elle-même, et en particulier l’agriculture industrielle, qui est responsable de près de la moitié du total des émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre peut être décomposé comme suit : les activités agricoles sont responsables à concurrence de 11 à 15% ; le nettoyage des terres et la déforestation pour 15 à 18% supplémentaires ; l’industrie agroalimentaire, l’emballage et le transport causent entre 15 et 20%, la décomposition de déchets organiques causent 3 à 4%. Le système alimentaire mondialisé actuel est un gros pollueur. (27) 28 En d’autres termes, l’agriculture paysanne est doublement victime de l’agriculture industrielle : d’une part, via tous les mécanismes de la mondialisation que nous avons évoqués, d’autre part via le réchauffement climatique auquel elle contribue largement. Pas étonnant dès lors que la délégation de La Via Campesina à Copenhague, en décembre 2009, est choquée de voir que les négociations sur le climat accordent tant d’attention aux mécanismes de compensation. Cela veut dire que le débat est en train de se détourner de l’obligation des pays développés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour se focaliser sur l’obligation des pays en développement d’absorber du carbone. Les principaux pollueurs envoient tout simplement des fonds à l’étranger et poursuivent leurs activités sans changement. (27) Conclusion C ette étude a voulu réfléchir sur le problème de l’aggravation de la pauvreté et de la faim dans le monde en raisonnant à partir du fait que les victimes de la faim sont en très grande partie des petits producteurs agricoles. Nous avons donc cherché à approfondir et à relier un certain nombre de caractéristiques du système économique mondial actuel, toutes responsables de cette aggravation car elles mettent en péril la production alimentaire locale. Nous avons donc évoqué le fonctionnement du marché des matières premières, l’injustice des règles commerciales, la domination de l’agrobusiness, l’endettement des pays en développement, le manque de soutien à l’agriculture locale, la course aux espaces cultivables et enfin le dérèglement climatique. Toutes ces caractéristiques ont des liens les unes avec les autres. En conséquence, face au fonctionnement actuel de la mondialisation économique, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est légitime de parler de « réfugiés de la faim » quand il s’agit d’hommes et de femmes qui tentent de rejoindre les frontières de l’Europe au risque de se noyer sur les côtes de l’Atlantique ou en Méditerranée. Devant ce sombre tableau, on ne peut pas laisser tomber les bras. Mais dans quelle direction se tourner pour participer au changement de notre société par rapport à ces questions ? Chacun des sujets abordés dans cette étude fait l’objet de nombreux dossiers, rédigés par des ONG ou des agences internationales, avec des propositions et des recommandations constructives. Ainsi par exemple, le mouvement FIAN a produit un dossier très fouillé intitulé « Défendre les droits des paysans africains ». (20) Ce dossier contient 29 des avertissements concernant les différentes menaces qui pèsent sur ces paysans et les instruments possibles pour leur défense. Il s’adresse non seulement aux associations de paysans et aux organisations de la société civile africaines, mais aussi aux organisations et autorités gouvernementales en Europe, en pointant avec précisions les modifications nécessaires dans les politiques de développement à l’égard de l’Afrique. Au delà de ce type de travail, qui pourrait être très utile si l’opinion publique au Nord autant qu’au Sud était davantage conscientisée, nous souhaitons soumettre à la réflexion trois axes éventuels de changement: La gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire La sécurité alimentaire est un droit inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ONU, 1966). C’est pour cela qu’il y a une « gouvernance mondiale » de la sécurité alimentaire, qui comprend principalement : • un rapporteur spécial pour les Nations Unies (Jean Ziegler de 2000 à 2006, Olivier De Schutter actuellement), • la FAO (Food and Agriculture Organisation), agence de l’ONU, • le FIDA (Fonds International de Développement Agricole), agence de l’ONU. De multiples ONG et organismes internationaux publient depuis de nombreuses années des recommandations nombreuses et des plaidoyers détaillés concernant cette gouvernance mondiale. La FAO multiplie les déclarations sur les solutions à la faim dans le monde mais semble impuissante. Une évaluation externe indépendante de la FAO a estimé que « le rôle joué par la FAO en matière de gouvernance mondiale s’est amoindri par rapport à celui d’autres organismes. (...) Les questions liées au commerce des produits agricoles et alimentaires font maintenant partie des compétences de l’OMC (…) Les organes de la FAO « ne sont généralement pas parvenus à remplir ce rôle de gouvernance mondiale avec le sérieux qu’il mérite. » (38) En toute logique on a donc vu apparaître, déjà à Seattle en 1999, la revendication des ONG, et en particulier de La Via Campesina, de « sortir l’agriculture des négociations de l’OMC ». Quant au CSA (Comité de Sécurité Alimentaire mondiale), comité technique de la FAO créé en 1974 dans le contexte de la crise alimentaire des années 70, il avait pour objectif l’analyse et le suivi des politiques portant sur tous les aspects de la sécurité alimentaire dans le monde. Mais, selon la 30 même évaluation externe indépendante, ce comité ne s’est pas suffisamment impliqué dans les hautes sphères de la politique, n’a pas apporté de réponses appropriées pour améliorer l’utilisation et l’accès à la nourriture (en plus de la disponibilité de cette nourriture) et n’est pas parvenu à impliquer les autres agences des Nations Unies et la société civile dans le processus. (38) Plusieurs initiatives sont en cours dans l’optique d’améliorer l’efficacité de la gouvernance mondiale : réforme du CSA, réforme de la FAO, réforme de la CAA (Convention relative à l’Aide Alimentaire), évolution stratégique du Programme Alimentaire Mondial (PAM), Équipe Spéciale de Haut Niveau des Nations Unies sur la crise alimentaire mondiale (en anglais HLTF), etc. Sans vouloir entrer dans les détails, notons simplement que Oxfam international, parmi d’autres ONG, analyse ces initiatives et s’exprime abondamment sur les pistes de réforme de la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire. (38) La réforme de l’économie mondiale Au niveau international, différents travaux récents sont porteurs d’un programme de réforme de l’économie mondiale, notamment : • Les recommandations de la Commission Stiglitz sur la réforme du système monétaire et financier international, adressées à l’ONU en mars 2009 • Le plan mondial pour l’emploi, proposé en janvier 2009 par l’OIT (Organisation Mondiale du Travail) - Les propositions de la CNUCED pour réformer le commerce mondial et les politiques de développement, rédigées en mars 2009. Ces documents sont évidemment très techniques mais vont dans le bon sens. Laissons à ce propos la parole à Gus Massiah, du Centre Tricontinental (Louvain-la-Neuve) : « Le rapport de la CNUCED propose d’en finir mondialement avec les marchés financiers déréglementés et avance l’idée d’une re-réglementation multilatérale et concertée via l’ONU et une conception du commerce mondial qui refuse les dumpings sociaux, écologiques, fiscaux et monétaires. Le rapport de l’OIT met l’accent sur la lutte contre le chômage, dont il prévoit une explosion. Il préconise l’extension des systèmes d’assurance et d’indemnisation des chômeurs, la promotion du travail décent pour lutter contre la précarité, des investissements publics dans les infrastructures et le logement ainsi que dans les emplois verts, le soutien aux PME et le développement du dialogue social à tous les niveaux. Le rapport Stiglitz reflète également une conscience aiguë de la nécessité des régulations et réorientations d’un système mondial de plus en plus 31 incontrôlé. Il sacrifie bien à des envolées rituelles sur le commerce mondial et la lutte contre le protectionnisme. Mais il y a aussi des ouvertures sur les fonds additionnels mondiaux (les droits de tirage spéciaux) articulés aux grandes devises, les monnaies régionales, les nouveaux paradigmes du développement, la réforme des institutions internationales, la réduction réelle des paradis fiscaux et judiciaires. »(39) Par ailleurs, au niveau du fonctionnement interne du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC, dont nous avons démontré le rôle capital dans l’aggravation de la pauvreté et la faim dans le monde, il y a évidemment des réformes à introduire. Pour Stiglitz, il faut, entre autres, « transformer le système des droits de vote au FMI et à la Banque mondiale et réformer l’ensemble des institutions économiques internationales afin que les ministres du Commerce ne soient pas les seuls à se faire entendre à l’OMC, et les ministres des Finances et du Trésor au FMI et à la Banque mondiale. Actuellement, les droits de vote sont attribués sur base de la puissance économique. Même sans changer les règles de vote, on pourrait, faire participer davantage les délégués africains : à défaut de voter, ils pourraient au moins se faire entendre ». (14) Ce qu’il faut freiner, c’est le modèle même du capitalisme néolibéral. Comme l’explique Jean Ziegler, les PDG et les banquiers qui ont parfois mauvaise conscience ne peuvent changer eux-mêmes les règles du jeu. Ils n’ont pas le choix . Dans cette perspective, il faut citer les mouvements altermondialistes. Plus de 300 mouvements, associations et syndicats ont signé au forum social mondial de Bélem une déclaration qui a été approfondie dans le « Document de référence. Pour un nouveau modèle économique et social. Mettons la finance à sa place » publié en mars 2009. Ce document a aussi été soumis à la Commission Stiglitz de l’ONU sur la crise financière, qui l’a utilisé pour ses travaux. (40) La notion de souveraineté alimentaire Nous avons évoqué le mouvement paysan international La Via Campesina et l’importance de ce mouvement dans la stratégie mondiale de lutte contre la pauvreté et la faim. Nous reproduisons en annexe 2 la fiche d’identité de ce mouvement qui prône la souveraineté alimentaire comme réponse importante aux nombreuses crises qui convergent : crise alimentaire, réchauffement climatique, crise de l’énergie, crise financière. Au forum mondial sur la souveraineté alimentaire organisé à Sélingué (Mali) en 2007, la définition s’est affinée : « la souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures produites à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. 32 (..) Elle garantit que les droits d’utiliser et de gérer nos terres, territoires, eaux, semences, bétail et biodiversité soient aux mains de ceux et celles qui produisent les aliments. » (Déclaration de Nyéléni). C’est plus que l’autosuffisance alimentaire. La souveraineté alimentaire se fonde sur « le changement de modèle productif vers une production agro-écologique et durable, sans pesticides et sans OGM et fondée sur les connaissances paysannes et indigènes. » En d’autres termes, la notion de souveraineté alimentaire renvoie à un nouvelle vision du développement : plutôt que aider l’autre à se développer, il faut le laisser se développer. Quelles que soient les pistes et perspectives, l’information est suffisamment abondante pour que chacun puisse approfondir sa recherche, se faire une opinion et participer aux actions citoyennes pour une justice mondiale. En effet, alors qu’un milliard de personnes souffrent de la faim, l’Occident croule sous les excédents. Le mode de vie occidental et son modèle alimentaire sont le résultat de l’enrichissement sans précédent de cette partie du monde. Or il y a un prix à payer à tout enrichissement. On a commencé à prendre conscience que le prix à payer réside dans la dégradation de l’environnement, le pillage des ressources de la planète, le réchauffement climatique, etc. Mais si c’est aussi la faim d’un milliard de personnes, ce prix est inacceptable. Bibliographie 1. FAO, Rapport 2009 sur L’insécurité alimentaire, ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/012/i0876f/i0876f00.pdf 2. FAO, Rapport 2006 sur l’insécurité alimentaire, cité entre autres dans http://translate.google.be/translate?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=ht tp://en.wikipedia.org/wiki/Hunger 3. IFPRI, Global Hunger Index, http://www.ifpri.org/publication/2009global-hunger-index 4. FAO, Notes d’orientation, juin 2006, ftp://ftp.fao.org/es/ESA/policybriefs/pb_02_fr.pdf 5. FAO, espace presse, 23/9/2009, « 2050: 2,3 millliards de bouches de plus à nourrir », http://www.fao.org/news/story/fr/item/35571/icode/ 6. Banque Mondiale, « Rapport sur le développement dans le monde , 2008. L’Agriculture au service du développement », http://www.politiquessociales.net/Rapport-sur-le-developpement-dans 7. LeDevoir.com, « Encourager la natalité? Non, dirait Garrett Hardin » http://www.ledevoir.com/societe/224243/encourager-la-natalite-non- 33 dirait-garrett-hardin 8. ContreInfo.info, « Jean Ziegler, la cause de la faim », http://contreinfo. info/prnart.php3?id_article=871. 9. FAO, espace presse, 19/06/2009, « 1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim », http://www.fao.org/news/story/fr/item/20690/icode/ 10. Oxfam International, « Un milliard de personnes ont faim. Les gouvernements et les agences d’aide doivent se montrer à la hauteur », http:// www.oxfam.org/fr/policy/un-milliard-de-personnes-ont-faim 11. 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Houziaux, Alain, « L’aide au Tiers Monde, à qui profite-t-elle ? » http:// protestantsdanslaville.org/documents-archive/M52.htm 20. FIAN, « Défendre les droits des paysans africains », http://www.fian. org/resources/documents/others/defendre-les-droits-des-paysans-africains/pdf 21. Interpares Bulletin, « L’action citoyenne, Repousser les limites », http:// www.interpares.ca/fr/publications/bulletins/2005/November-2005Fren.pdf 22. Tahani Abdel Hakim, « Les politiques agricoles en Egypte », http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c01-4/93400036.pdf 23. France24.com, « Nestlé enregistre 12 milliards d’euros de bénéfice en 2008 », http://www.france24.com/fr/20090219-nestle-enregistre-12milliards-euros-benefice-2008-croissance-chiffre-affaires-alimentationcrise 34 24. LaTribune.fr, « Bénéfice record pour Monsanto fin 2008 », http://www.latribune.fr/entreprises/industrie/agroalimentaire-biensde-consommation-luxe/20090107trib000328729/benefice-record-pourmonsanto-fin-2008.html 25. 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Mettons la finance à sa place ! », http://www.france.attac.org/spip.php?article9786 Principaux sites web www.actioncontrelafaim.org www.cadtm.org www.cetri.org www.fian.org www.grain.org www.oxfam.org www.viacampesina.org 36 ANNEXE 1 Carte de la faim dans le monde ANNEXE 2 Le mouvement La Via Campesina s’est imposé comme un acteur incontournable qu’on invite, au moins à s’exprimer, dans les conférences de la FAO et autres instances internationales. (http://www.viacampesina. org/fr/) LA VIA CAMPESINA Qui sommes-nous ? Nous sommes un mouvement international de paysans, de petits et moyens producteurs, de sans terre, de femmes et de jeunes du milieu rural, de peuples indigènes et de travailleurs agricoles. Nous défendons les valeurs et les intérêts de base de nos membres. Nous sommes un mouvement autonome, pluraliste et multiculturel, indépendant de toute organisation politique, économique ou autre. Nos 148 membres viennent de 69 pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques Comment La Vía Campesina a-t-elle été créée ? En mai 1993, la première Conférence de La Vía Campesina s’est tenue à Mons (Belgique), où elle a été constituée en tant qu’organisation mondiale, et où ses premières lignes stratégiques et sa structure ont été définies. La 2e Conférence a eu lieu en 1996 à Tlaxcala (Mexique) ; la 3e en 2000 à Bangalore (Inde), et la 4e en 2004 à São Paulo (Brésil). 37 Quels sont nos objectifs principaux ? Le principal objectif de La Vía Campesina est de développer la solidarité et l’unité dans la diversité parmi les organisations de petits producteurs, afin de promouvoir des relations équitables entre les hommes et les femmes, ainsi que des relations économiques d’égalité et de justice sociale, la préservation et la conquête de la terre, de l’eau, des semences et des autres ressources naturelles, la souveraineté alimentaire, une production agricole durable ainsi qu’une égalité basée sur les petits et moyens producteurs. Que défendons-nous ? · La production paysanne et familiale : La Vía Campesina défend un modèle d’agriculture paysanne et familiale basée sur la production durable, avec des ressources locales et en harmonie avec la culture et les traditions des communautés. Les paysans et les petits producteurs ont une grande expérience liée aux ressources disponibles localement. Nous sommes en mesure de produire une grande quantité de nourriture de qualité avec très peu d’intrants externes. Notre production est principalement destinée à la consommation familiale, et les excédents peuvent être vendus sur les marchés locaux. · La souveraineté alimentaire des peuples : La souveraineté alimentaire est le DROIT des peuples, des pays ou de groupes de pays à définir leurs politiques agricoles et alimentaires, sans faire du dumping dans d’autres pays. La souveraineté alimentaire organise la production et la consommation alimentaire selon les besoins des communautés locales, en donnant la priorité à la production pour la consommation familiale et locale. La souveraineté alimentaire inclut le droit à protéger et à réguler l’agriculture et l’élevage au niveau national, et à protéger le marché local du dumping des excédents alimentaires et des importations à bas prix en provenance d’autres pays. Les sans terre, les paysans et les petits producteurs doivent avoir accès à la terre, à l’eau, aux semences, à des moyens de production et à des services publics adaptés. La souveraineté et la durabilité alimentaires doivent être prioritaires par rapport aux politiques commerciales. · Une production alimentaire et des chaînes d’approvisionnement décentralisées :Le modèle actuel de l’agro-industrie a été délibérément dessiné pour une intégration et une domination verticale de l’agriculture. Ce modèle exploite les travailleurs, et concentre le pouvoir économique et politique au sommet de la pyramide. La Vía Campesina défend un modèle décentralisé où la production, la transformation, la distribution et la consommation sont contrôlées par les peuples, les communautés ellesmêmes, et non par des entreprises transnationales. 38 39 40