Compte-rendu

Transcription

Compte-rendu
Balade irlandaise
du 7 au 17 juin 2015
L'usage des trois couleurs (vert, blanc et orange) est attesté depuis 1830, quand des patriotes irlandais
fêtent le retour au drapeau tricolore en France après les Trois Glorieuses. Le tricolore, avec ses trois bandes
verticales égales de vert (côté du mât), blanc et orange est inspiré du tricolore français, et il serait lui-même à
l'origine du tricolore terre-neuvien.
Le drapeau dans sa disposition actuelle est déployé pour la première fois en 1848 par le mouvement Jeune
Irlande. Il flotte sur la Poste centrale de Dublin et sur les positions tenues par les troupes républicaines lors du
soulèvement de Pâques 1916. Il reste le drapeau officiel quand l'Irlande devient une république en 1949.
Il a été longtemps interdit dans les Six Comtés du Nord, sous souveraineté britannique. Le tricolore est vu par
bien des nationalistes comme le drapeau national de toute l'Irlande. Il est donc utilisé (avec controverse) par
beaucoup de nationalistes en Irlande du Nord.
Ces trois couleurs symbolisent respectivement : Vert : couleur emblématique de mouvement catholique de
libération nationale, et associée traditionnellement à l'Irlande (The Emerald Isle), Blanc : symbole de paix entre
les deux communautés, Orange : commémore pour les protestants la victoire décisive du roi d'Angleterre
Guillaume III (issu de la Maison d'Orange-Nassau) que celui-ci remporta le 30 juillet 1690 à la Boyne sur les
partisans catholiques de Jacques II.
La harpe d’or sous fond bleu est le drapeau de la Présidence de la République d'Irlande (héritage du drapeau
de l'Irlande au XVIème siècle). La harpe d’or sur fond vert est le pavillon de Beaupré de la Marine irlandaise
(héritage du drapeau de l'Irlande aux XVIIIème et XIXème siècles).
Le trèfle à 3 feuilles (Seamrog en gaélique) : il est le symbole de l'Irlande, de sa culture, de son folklore, et
des vertes vallées irlandaises, cette plante trilobée, qui servit autrefois à Saint Patrick, pour expliquer au roi
Aengus, le concept de la Sainte Trinité…
Wikipédia
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Dimanche 7 juin 2015 : Roissy  Dublin
Enfin le jour J est arrivé ! Nous voilà tous réunis à Roissy autour de Maryvonne Lafaye, prêts au départ vers
l’Irlande, cette verte Erin que ceux qui l’ont visitée aiment déjà. Nous apprenons la défection d’Alain BernardSélectour ; il est déçu paraît-il mais nous aussi ! Même si Sylvie qui le remplace et qu’une partie du groupe
connaît déjà saura tout à fait se faire apprécier.
A dix heures vingt, notre avion s’envole et, à onze heures cinq, il se pose à Dublin ; quarante-cinq minutes
seulement ? Oui, puisque nous avons tous retardé nos montres d’une heure.
Tour panoramique de Dublin capitale de l’Irlande
A l’aéroport, un jeune homme qui brandit une pancarte ACDRIEG nous attend. C’est
Kévin, notre guide, un Irlandais, un vrai ! Nous allons très vite constater qu’il exerce
son métier avec passion, gentillesse et efficacité. Il présente son pays comme très
vert, et jeune ; à Dublin, dit-il, il y a peu de gens âgés car les feux rouges sont brefs et,
pour traverser les rues, il vaut mieux être rapide : notre guide a de l’humour...
Le car roule et Kévin commence à tout nous expliquer. Dublin est capitale de la
république d’Irlande mais le pays possède deux langues officielles, le gaélique et
l’anglais, qu’on retrouve sur toutes les inscriptions officielles.
Trente-cinq pour cent des quatre à cinq millions d’habitants de l’Irlande vivent à Dublin.
La ville est divisée en vingt-quatre quartiers que la rivière Liffey sépare en deux
parties : au nord les quartiers les plus pauvres, aux numéros impairs et au sud par
conséquent les pairs, plus riches.
Très vite, nous avons droit à ce qui sera un des leitmotive du voyage : les Irlandais ne sont pas des
Anglais. Les Anglais ont fait subir à l’Irlande huit cents ans d’une occupation brutale et humiliante. La plaie n’est
pas cicatrisée. Nous pourrons vite le constater et aussi le comprendre.
Nous passons devant un théâtre moderne, Gate Theater, puis dans Canal Street qui était la rue la plus large
d’Europe quand elle fut construite, et devant Trinity College dont nous reparlerons.
Nous traversons plusieurs ponts, à marée basse ; la marée remonte jusqu’au cœur
de Dublin et, de fin septembre à février, on peut voir des saumons dans la Liffey.
Il est alors interdit de les pêcher mais les phoques qui vivent en colonies sur la
côte tout près de là et se moquent impunément des lois irlandaises, en font un vrai
massacre !
Au dix-huitième siècle, une relative accalmie politique permit à Dublin
une plus grande prospérité.
On construisit alors un grand
nombre
de
maisons
d’architecture simple et
fonctionnelle,
dite
néoclassique ou géorgienne,
avec de hautes fenêtres pour
plus de luminosité et des
portes
d’entrée
très
caractéristiques, couronnées
d’un arc de cercle et souvent
ornées de colonnes en haut
de quelques marches.
La plus célèbre, qui porte le numéro 46 et devant laquelle nous passons, est surnommée la porte du roi par
dérision ; ses propriétaires la voulurent large et superbe et prièrent le roi de venir chez eux prendre le thé, ce
qu’il ne fit jamais ! Ce type de maisons avec cuisine au sous-sol comme dans un puits et salle à manger au premier
étage sont tout sauf pratiques mais typiques et classées pour beaucoup d’entre elles.
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Puis, nous voici devant la maison où réside le Lordmaire ; Madame le Lord-maire pour le moment car
ce titre demeure masculin.
Chaque année, la fonction passe à une nouvelle
personnalité qui pourra au plus se représenter une
fois, après un intervalle d’un an au moins. Tout
projet entrepris par le maire sortant doit
cependant être poursuivi par son successeur.
Temple Bar un dimanche après midi
Nous sommes arrivés devant notre restaurant. Kévin nous fait observer que
la rue est très animée en ce dimanche et que beaucoup de jeunes, vêtus de
vert et de blanc, se dirigent tous dans la même direction : c’est
qu’aujourd’hui, dit-il, commence une nouvelle guerre anglo-irlandaise. Il
s’agit d’un match important et capable de déclencher des problèmes.
D’ailleurs, la Gardia, la police d’Irlande, a déployé quatre cents policiers
près du stade. Certains sont déjà à pied d’œuvre près de notre pub, car ce
secteur branché de Temple Bar où nous sommes comporte des centaines
de bars et les gens vont y affluer après le match.
Nous prenons notre premier repas irlandais dans un bâtiment très design et
très haut de plafond, et, des fenêtres, nous observons la rivière, les
façades colorées de l’autre rive, un pont blanc juste devant nous. Des
ponts, il y en a quinze dans Dublin et nous en traverserons beaucoup à cause
de la circulation en sens unique.
Ensuite première ballade dans ce quartier select en
observant les gens et les pubs ; en particulier celui
qui s’appelle Temple Bar, de couleur sang de bœuf.
Il présente sur sa façade, en médaillons, les profils de
ses deux premiers propriétaires, Martha et William
Temple, et annonce pour ce soir un concert d’irish
music, mais cela est ici très normal.
O’Connell Bridge (1880)
En effet, un autre pub à large façade crème, celui d’Oliver
Saint John Gogarty, censé dater de 1835, offre la même
proposition. Nous constatons alors que tous les pubs devant
lesquels nous passons sont repeints et comme neufs, avec des
balcons qui croulent sous les fleurs ; tous proposent des concerts
d’irish music plus ou moins traditionnelle ou moderne que les
jeunes, et les autres, viennent écouter le soir, en même temps
qu’ils boivent !
Ce quartier comporte aussi de nombreuses galeries d’art ; et nous passons devant le premier des murs illustrés
que nous verrons. C’est pour les Irlandais un moyen de s’exprimer sans censure ; ici pas de problème, ni de
revendication mais un hommage à des célébrités, des chanteurs surtout, et des visages qui restent ou que
d’autres remplacent selon la mode et l’humeur des artistes.
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Christ Church première cathédrale
Notre visite suivante est pour Christ Church. Les Vikings devenus chrétiens avaient construit là une petite église
dès 1038 et les Anglo-normands après avoir envahi l’île y édifièrent en 1170 leur première cathédrale.
Sur le sol, des plaques de fonte sculptées indiquent les objets trouvés sur place. Dans les années 1870, la
cathédrale fut entièrement restaurée et c’est d’alors que date son jubé. Elle combine les styles roman et
gothique primitif anglais. Un de ses murs penche à cause de l’explosion d’un château empli de munitions situé
entre elle et la cathédrale Saint-Patrick toute proche !
Son pavement refait au XIXème siècle
est de carreaux de céramique
représentant
deux
renards
juxtaposés, à l’identique de ceux du
XIIIème siècle, et ces renards seraient
symboles des commerçants et des
pèlerins. Bizarre, non ?
Dans le bas-côté sud repose un
étrange gisant en cotte de maille,
avec heaume et écu, aux très longues
jambes croisées de façon inusitée :
ces jambes croisées signifieraient la
croix chrétienne.
Une autre singularité !
Il s’agit de Richard Strongbow, mort en 1176 après avoir entrepris l’édification
de la cathédrale : c’est sur ce gisant qu’on jurait fidélité aux contrats légaux et
que se faisait le paiement des loyers. Ce qui explique que la statue, abimée lors
de l’explosion, fut aussitôt "pieusement" restaurée !
A signaler encore, la chapelle Saint Laurence O’Toole dans le transept sud : il
s’agit du saint patron de Dublin et du seul archevêque canonisé. En semaine,
l’eucharistie est célébrée dans la chapelle de la Vierge derrière l’autel.
Dans le chœur, nous entendons un groupe de musiciens en longues aubes rouges qui répètent des chants : en
1480, une donation créa un groupe de choristes et la tradition, très appréciée, perdure. Nous admirons un
superbe lutrin, un objet du culte catholique.
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A présent nous descendons dans la crypte, la plus ancienne
construction de Dublin encore visible. On y voit des vestiges
de la toute première église.
Entre les nombreux piliers sont entreposés des tombes, des
monuments, des objets hétéroclites ; sans compter un bar
et un marché qui s’y sont installés.
D’abord, considérons la statue de deux rois anglais qui étaient
catholiques et aimaient l’Irlande, à savoir James II et Charles
II, successivement réfugiés en France.
Leur grand blason s’orne du lion anglais et de la licorne écossaise avec
la devise "Dieu et mon droit".
Le dragon du pays de Galles en est absent car ce pays, après 1500,
fut absorbé par l’Angleterre. Après 1800, on a gravé la harpe
d’Irlande sur le corps du blason ; toute une page d’Histoire.
Plus loin, nous admirons des costumes de style Tudor
laissés là après le tournage d’un film.
Puis quelque chose de plus insolite, à savoir les momies
faméliques d’un chat et du rat qu’il poursuivait, unis
par le même destin tragique : tous deux coincés dans
des tuyaux d’orgue ne furent retrouvés que cent ans
plus tard lors de la réfection de l’instrument.
Dans le Trésor, une assiette parmi d’autres objets précieux
est illustre car elle fut offerte par Guillaume III d’Orange, ce
King Belly comme les Anglais l’appellent.
Lorsqu’il triompha du roi catholique James II à la bataille de la
Boyne, les Anglais devinrent protestants et les Irlandais des
citoyens de dernière zone !
Nous sortons de Christ Church où les gens se rassemblent au
carrefour chaque premier de l’an pour assister à un concert de
cloches d’un quart d’heure. Puis ils vont au pub, précise Kévin.
Les grands monuments civils ; Phoenix-Park ; Guinness
Au moyen âge, Dublin était cernée d’un mur que Cromwell fit abattre en 1650 comme
il le fit de beaucoup d’autres choses. Nous sommes à deux cents mètres de la
cathédrale catholique Saint Patrick bâtie hors des murs en 1200, après que saint
Patrick soit venu à Dublin et y ait baptisé des chrétiens pour la première fois dans
l’eau d’une petite rivière proche aujourd’hui enterrée.
De là sans transition, nous allons vers la fabrique où la bière Guinness est
brassée depuis 1759, ici et seulement ici. Il s’agit donc d’un monument national,
installé sur une superficie de trente hectares, avec un bar perché à quarante
mètres de hauteur d’où on voit toute la ville. C’est une des gloires de Dublin !
Nous arrivons devant le très grand parc Phoenix ouvert par un ami du roi Charles II,
où fut plantée en 1969 une grande croix lors de la visite du pape Jean Paul II. On y
trouve aussi un hippodrome, des terrains de cricket, un zoo, etc.
Nous voilà parvenus devant le Parlement d’Irlande qui se présente comme un vaste bâtiment rond dépourvu
d’ouvertures : en effet le droit d’avoir des fenêtres était assujetti à l’impôt et payer pour cela au Trésor royal
anglais semblait une insulte insupportable ! Le car nous arrête près de Trinity College où nous reviendrons,
devant le célèbre magasin Kilkenny, le temps d’admirer toutes sortes d’objets plus "british" les uns que les
autres. Mais l’heure n’est pas encore aux emplettes.
Et la journée s’achève ; nous quittons Dublin pour Luca, dans sa proche banlieue et Finnstown Hôtel où
nous passerons notre première nuit irlandaise. Le cadre est superbe, très paisible et vert ; dans les prairies,
nous apercevons un lama et une autruche, et surtout un superbe paon vient nous saluer et se faire admirer ; pas
moyen pourtant de le toucher ! Au matin, ses appels peu harmonieux en auront réveillé plus d’un.
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Lundi 8 juin 2015 : Dublin  Belfast
Pourquoi deux "Irlande" ?
Après un petit déjeuner à l’irlandaise, avec même du boudin noir pour les amateurs, nous quittons notre bel
hôtel, heureux de savoir que nous y reviendrons. Le car fait route vers Belfast et le soleil du matin inspire
notre guide.
Il nous informe qu’en Irlande il pleut seulement dix minutes… toutes les dix minutes. Il ajoute que c’est la
température de la pluie qui indique en quelle saison on est. Il a dit hier déjà que Dublin est la région la plus
sèche du pays car il n’y pleut que deux cents jours par an. Bref, nous nous réjouissons in-petto d’avoir apporté
k-way et parapluie et de ne pas devoir encore les sortir !
Sur l’autoroute, un accrochage nous contraint à un détour ; voyant toutes
ces voitures au ralenti Kévin entreprend de nous expliquer les secrets de
l’immatriculation en Irlande.
Il y a d’abord deux chiffres indiquant l’année d’immatriculation : 05 pour
2005. Mais pour éviter le 13 de 2013 que les superstitieux craignent, on a
noté chaque trimestre, et l’habitude en est restée ; ainsi 131 et 132, 141 et
142, etc. Ensuite, une ou deux lettres selon le comté ; la première lettre
pour les plus gros, deux pour les autres. Donc Dublin D, mais Donegal DL.
Quelquefois, ça se corse : Waxford WXD et Waterford WTD. Enfin, le
numéro d’ordre d’immatriculation de la voiture dans le comté.
Pour compléter ce système, trois disques figurent sur chaque pare-brise ;
ils fournissent les dates de la taxe d’enregistrement, de l’inspection
technique, de l’assurance. Mais aussi le prix de l’assurance qui diffère selon
les marques de voitures et l’âge du conducteur, pour éviter la fraude.
Les lettres L pour "learner" et N pour "novice" complètent le dispositif. On
est novice deux ans. Les voitures les plus vendues ici sont les japonaises
puis Volkswagen et Mercédès ; des Dacia également car le pays est plutôt
plat. Les stations d’essence sont Topaze ou Esso mais pas Shell !
En Irlande du Nord (anglaise), les distances sont indiquées en miles et ailleurs en kilomètres car la République
d’Irlande a adopté le système métrique. Le péage se paie selon la puissance de la voiture et non selon la distance
parcourue, ce qui choque Kévin. "Pay and smile" (paye et ris) conclut-il, désabusé. Nous roulons sur l’autoroute
M1 qu’on appelle M 50, pour la sonorité ? De toute façon, il n’y en a que sept dans le pays.
Notre guide nous a prévenus qu’il aimait quand il informait faire le tour du problème : nous en avons là
une bonne illustration ! Et il continue, abordant les questions de population.
L’Irlande compte trente-deux comtés dont six en Irlande du nord. Elle est partagée en quatre provinces qui
sont Ulster au nord puis Leinster, Munster et Connaught. Par ailleurs, la pyramide d’âge du pays est presque
parfaite avec douze pour cent de personnes âgées, plus d’un million et demi de jeunes de moins de dix-huit ans,
et un âge moyen de 34 ans, l’âge de Kévin précisément : un guide parfait pour un groupe parfait !
Le pays, toujours réputé catholique, a des problèmes avec la religion et les prêtres ; les jeunes continuent à se
marier mais attendent la trentaine avant de faire des enfants. Les protestants ne sont guère que trois à quatre
pour cent de la population sauf en Ulster. Dix pour cent de la population est étrangère ; beaucoup de Polonais
depuis 2004 mais même des arrivants d’Afrique noire. Les six langues les plus employées dans le pays aujourd’hui
sont dans l’ordre l’anglais, le polonais, le chinois, l’irlandais, le philippin, et le brésilien. Et il conclut que les
Brésiliens d’Irlande organisent un grand carnaval, comme à Rio. Quant aux problèmes médicaux, ils sont liés
surtout aux cancers de la peau, à cause du soleil ? et aux maladies cardio-vasculaires, sans parler d’une tendance
marquée à beaucoup boire !
Vous voulez un peu de politique pour changer ? Sachez que la République a son Parlement qui compte cent
soixante-six députés, élus tous les cinq ans. Les sénateurs sont quatre-vingt. Le président, élu pour sept ans,
peut accomplir deux mandats, pas plus. Nous venons de passer sur un grand pont, et c’est là que se livra une
bataille féroce, celle de la Boyne, le 12 juillet 1690, entre les orangistes protestants du futur Guillaume III, le
fameux King Belly, et les catholiques menés par Jacques II. Ce fut là le début de malheurs sans nombre pour
l’Irlande catholique !
Nous nous arrêtons ensuite pour une pause technique mais dès que le car est reparti, Kévin l’est aussi. Il
s’agit de légendes à présent, et le pays en est riche ; avec des héros magnifiques mais aux noms impossibles !
La géologie aussi a ses charmes : l’Irlande est sortie il y a trois cent cinquante mille ans des eaux chaudes où
vivaient des coraux. D’où l’importance du calcaire. Seule exception, un peu d’activité volcanique au nord qui
produisit des basaltes. Entre l’Irlande et l’Écosse au plus étroit, il n’y a que vingt-deux kilomètres et c’est
d’Écosse que sont venus les premiers Irlandais, six mille ans av. J.C, sur la côte qui va de Donegal à Kerry.
Une remarque en passant mais elle est vraiment hors sujet : il y aurait quinze accents en Irlande et quatre, rien
qu’à Dublin. Mais le plus sexy serait celui de Donegal. Vous voilà prévenus, à toute fins utiles !
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Tour panoramique de Belfast qui survit à trente années de troubles
Nous entrons en Irlande du nord. Les plaques d’immatriculation des voitures sont blanches devant et jaunes
derrière ; les distances sont en miles ; ce pays n’a officiellement ni drapeau ni hymne.
Le drapeau qu’on y observe le plus souvent pourtant
est blanc avec une croix et en son centre une main
rouge ; cette main, c’est tout une histoire, celle de
deux géants qui s’affrontaient, chacun voulant être le
plus fort. N’ayant pu se départager après quantité
d’épreuves, ils décidèrent d’une course vers une grosse
pierre où serait gagnant celui qui le premier y poserait
la main. Le second géant se voyant distancé par son rival
se trancha net la main et la jeta, toute sanglante, sur la
pierre. Il fut ainsi déclaré vainqueur. Manchot mais
vainqueur !
En 1848, la France a proposé à l’Irlande un drapeau de réconciliation, vert pour les catholiques, orange pour les
protestants, blanc pour la paix retrouvée. Mais en Ulster, c’est le drapeau à main rouge qui prédomine.
Depuis leur victoire à la Boyne, les protestants ont érigé le 12 juillet en jour de fête, et ce jour-là est
chaque année le prétexte à des affrontements. Les Orangistes d’aujourd’hui, groupes de loyalistes
paramilitaires, allument de grands feux et passent par les villages et quartiers catholiques pour les provoquer.
Nous verrons plus tard, dans la journée, un bûcher de palettes de bois déjà prêt, et nous ne sommes que le huit
juin.
Il est presque midi et quelques gouttes de pluie roulent sur les vitres du car, mais ouf, c’est une fausse alerte.
Nous traversons un secteur de grands immeubles très différents de ceux de Dublin ; maintenant, nous abordons
les quartiers ouest où les troubles avaient commencé. Passant d’un quartier à l’autre, nous sommes frappés par la
présence de grandes grilles métalliques, ouvertes mais qui furent longtemps fermées et pourraient l’être à
nouveau à la moindre alerte.
Le mur
Soudain, nous voici devant "le mur", aussi haut et
hostile que celui de Jérusalem. Il est couvert de
dessins, de portraits, de scènes représentées, car quand
les médias britanniques taisaient ou falsifiaient la réalité,
les Irlandais catholiques ont pris possession des murs afin
d’y crier leur révolte et d’y dire leur vérité.
Sur ce mur, plusieurs portraits de Bobby Sand mort en
prison en 1981 après soixante-six jours de jeûne ; lui et
ses compagnons ont lutté jusqu’au bout pour faire
reconnaître leurs droits. On les représente drapés dans
des couvertures car ils revendiquaient le statut de
prisonniers politiques et refusaient de porter l’uniforme
carcéral.
Référence est faite aussi au dimanche sanglant de 1972
où douze personnes furent victimes des soldats
britanniques. Et d’autres dessins rendent hommage aux
taxis noirs qui continuèrent à circuler malgré les risques.
Un texte évangélique rappelle qu’il n’y a pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ses frères. Pendant ce
qu’on appelle les troubles, il n’y eut pas moins de 3600
morts ! Les catholiques n’avaient alors droit ni à
l’éducation ni au vote, et ne pas être chômeur était pour
eux une performance tant le système cherchait à les
mettre hors-jeu.
Devant ce long mur bigarré et sinistre, c’est toute la rage
des opprimés qui nous saute au visage, et pas seulement
des irlandais mais de tous ceux, de par le monde, que
l’injustice écrase : ceux de Gaza par exemple.
Sur ce terrible mur de dix mètres de haut sur cinq
cents mètres de long, Barack Obama et le Daï-Lama
eux-mêmes sont venus inscrire leur appel à la paix ; et
combien d’anonymes accourus de partout, pour une sorte
d’incantation sans cesse multipliée et psalmodiée.
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Cela se poursuit avec un autre mur appelé de la solidarité qui évoque l’esclavage africain, Mandela, l’apartheid,
les minorités en Australie, que sais-je encore ! En 1998, l’IRA a déposé les armes, mais personne n’a rien oublié.
Il reste des dissidents prêts à rallumer le feu. Dans les quartiers protestants où nous passons ensuite les
loyalistes fidèles au Royaume-Uni font assaut de drapeaux anglais, de portraits de la famille royale, et le
visage de King Belly par qui tout commença se déploie sur quantité de façades.
C’est avec gravité que nous poursuivons notre route par les quartiers nord de Belfast, dans Cromwell Road où se
dresse un ancien palais de justice anglais ; en face, on avait construit la prison, fermée en 1996 seulement, et un
tunnel reliait les deux.
La prison va devenir un musée qui contiendra aussi une distillerie de whisky. Le palais de justice sera reconverti
en hôtel quatre étoiles. Tout est recyclable !
Visite…
Nous passons devant l’église presbytérienne la plus grande du monde, Oval Church, qui date de 1783.
Puis devant l’église catholique Saint Patrick édifiée après deux longs siècles d’oppression pendant lesquels
les catholiques furent interdits de culte, d’instruction, et d’épousailles avec des protestants !
Nous longeons Bridge Street sous laquelle coule la rivière puis à proximité de la flèche de l’Espoir érigée en
2007 après les attentats du onze septembre.
Maintenant, l’Horloge du mémorial du roi Albert, l’époux très aimé de la reine Victoria "notre tour de Pise"
disent les Irlandais !
Oval church
St Patrick Church
La flèche de l’espoir
Horloge du mémorial du
Roi Albert : la tour de
Pise d’Irlande ...
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Et le car nous arrête à Donegal Square, le cœur de la ville, devant le vaste bâtiment blanc cerné de pelouses
de l’Hôtel de Ville ; là, encore une statue de la reine Victoria qui aimait Belfast et fit beaucoup pour sa
prospérité. Près d’elle, deux autres statues de bronze représentent la construction navale et la filature, "les
deux mamelles de Belfast" pour plagier Henri IV. Un monument a été installé là à la mémoire des victimes du
Titanic dont on a célébré le centenaire du naufrage en 2012.
Nous voici, enfin ? devant Europa Hôtel où nous
allons déjeuner ; ce grand building de verre était
le seul hôtel resté ouvert pendant les troubles.
Politiciens et médias y séjournaient, ce qui lui
valut d’être bombardé une quarantaine de fois !
Dans ce lieu historique, on nous sert un menu
très irlandais puisque le plat du jour est aux
couleurs du pays : une côte d’agneau sur deux
purées, l’une blanche et l’autre orange, flanquées
de petits pois en cosses du vert le plus vif.
En sortant, nous n’avons que la rue à traverser
pour arriver devant le Crown bar, très vieux pub
de style victorien à façade ocre où les gens de
l’IRA avaient un code pour entrer :
il offre des loges séparées, très pratiques pour
conspirer.
Son intérieur, que nous entrons voir, est fort élégant, de style gothique, décoré par un italien dans des tonalités
rouge sombre. Plus drôle, il y a, à l’entrée, un grand paillasson orné de la couronne d’Angleterre ; de là à dire
qu’on ne peut entrer ici qu’en piétinant la dite couronne, il n’y a qu’un pas !
Notre car passe ensuite devant la première université "intégrée" où les catholiques ont pu enfin s’instruire au
côté des protestants mais une statue placée devant l’université lui tourne ostensiblement le dos, signifiant que
cette mesure d’apaisement n’a pas eu que des adeptes ! Nous approchons des quais et du Belfast Lough. C’est à
Belfast qu’aura lieu cette année du 2 au 5 juillet un festival de voiliers qui tourne chaque année de port en port :
une belle fête en perspective ! Le développement du port avait commencé avec un premier quai en 1613, et, dès
1630, Belfast avait le monopole de l’importation des biens dans le nord-est de l’Irlande.
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La construction navale ; le Titanic
La construction navale y débuta en 1791 ; le chantier naval, le plus grand du Royaume Uni pour la construction et
la réparation de navires, porte les noms devenus inséparables de l’ingénieur Harland venu du Yorkshire et de
l’architecte naval Wolff originaire de Hambourg.
Nous verrons au musée une grande grille d’entrée des chantiers navals ornée des deux lettres H et W. Tous les
navires construits ici portaient un nom terminé en IC pour les distinguer de ceux de Bristol le grand rival qui se
terminaient en A comme Carpatra.
C’est donc ici que fut construit le Titanic, le plus grand navire jamais construit encore, sur un espace qui dut
être aménagé à cet effet, avec des quais géants, et deux énormes grues encore présentes sur le site, qui
s’appellent Samson et Goliath : deux noms symboliques !
Le transatlantique quitta sa rampe de lancement une première fois en 1911 pour un voyage-test jusqu’à quinze
kilomètres des côtes, et tout se passa à merveille ; quelqu’un proclama même que ce grand paquebot était
"pratiquement insubmersible". Il possédait aussi une radio de bord, innovation des plus modernes, due à un
chercheur irlandais par sa mère, Marconi, prix Nobel 1909.
En 1912, le Titanic, fleuron de la flotte et objet de l’orgueil de toute une nation, quitta Belfast au milieu des
ovations le 31 mars, rallia Southampton puis Cherbourg. En route vers l’Amérique le 14 avril en fin de soirée, il
heurta un iceberg et, malgré les signaux de détresse envoyés, rien ne put empêcher son naufrage. Ce drame qui
marqua les esprits est resté dans la mémoire collective, comme une tragédie mythique.
Aussi, Belfast a-t-il voulu lui dédier un musée en forme
d’étoile, "white star" ; de l’extérieur déjà, cette masse
blanche, aux angles vifs, posée au bord des quais, frappe
par sa puissance et sa masse.
Le musée n’est ouvert que depuis le 31 mars 2012, et
comporte neuf galeries où les visiteurs circulent
librement, munis d’audiophones.
Ils apprennent d’abord pourquoi Belfast, sur un site
exceptionnel, avec sa longue tradition de construction
navale, avec la richesse générée par le textile, lin puis
coton, les machines-outils et les corderies, était une ville
riche, en plein essor, capable de porter ce projet en
forme de défi du Titanic.
Une navette promène ensuite les visiteurs pour leur faire imaginer la
complexité du chantier, ses poutrelles vertigineuses, le rythme effréné des
tâches auxquelles étaient soumis les centaines d’ouvriers, le rivage pénible
de milliers de boulons dans un bruit assourdissant et une chaleur de brasier.
Puis, nous assistons au lancement du grand vaisseau, dans l’enthousiasme,
avec la cohue des gens venus le voir partir ; nous observons la complexité de
sa machinerie, le luxe de ses équipements, des chambres et salons de
première classe.
A bord étaient des gens de toutes classes sociales, de riches et célèbres
voyageurs qu’avait tenté cette traversée de prestige, des couples et
familles riches ou plus modestes, de pauvres hères rêvant de l’eldorado
américain.
Puis, le drame tel que le film de James Cameron l’a si bien retransmis, le
rêve devenu brusquement cauchemar. La liste des victimes et quelques
récits de ces vies perdues ; les actes de lâcheté et les actes d’héroïsme ;
enfin le vaisseau fantôme retrouvé en 1985 par le professeur Ballard, et
toutes les explorations qui ont suivi.
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Nous quittons ce site très pensif. Le "mur" de Belfast et le "naufrage du
Titanic", c’est beaucoup pour une seule journée !
Ce quartier du port où nous sommes est en construction et en plein essor pour
cinq ans au moins, nous dit notre guide. En partant, nous passons sur le pont
Victoria de 1860 puis sur le pont Elizabeth II de 1962.
Sur le pont Harmonie campe une étrange statue en fil de fer qui représente
une femme brandissant un anneau, le monument de Thanksgiving, et le car
s’arrête derrière le Parlement.
Dans Donegal Street, huit grands mâts portent les noms de huit fleurons des
chantiers, soit Trafic, Normandic, Celtic, Laurentic, Britannic, Oceanic, Olympic,
Titanic. Les trois derniers de ces noms signent une course à la démesure, et les
Titans furent eux aussi finalement vaincus !
Kévin nous voit absorbés et songeurs ; pour faire diversion, il nous signale
que Belfast est connue pour le nombre de ses passages en dédales, commodes à
celui qui les connaît et veut fuir ou se cacher. Et que les langues celtiques sont
au nombre de cinq, l’irlandais et l’écossais pour une branche, le gallois, le breton
et le parler de l’île de Man pour l’autre.
Nous arrivons à Dunatry Hôtel, dans un cadre de verdure. Juste le temps de remarquer deux drapeaux, l’un
jaune agrémenté d’une main tranchée, et l’autre blanc avec la harpe des bardes irlandais. A présent, installation,
dîner, visite des lieux pour les plus courageux d’entre nous et extinction des feux. Demain sera un autre jour !
Mardi 9 juin 2015 : Belfast  Glens of Antrim  Giants Caseway  Derry
Le comté d’Antrim, la chaussée des géants
Très beau temps ce matin encore. Nous bénéficions d’un nouveau car et d’un nouveau chauffeur qui restera avec
nous cette fois jusqu’à la fin de notre périple et serait parfait si son prénom irlandais, Seamus (Jacques en
français), n’était si difficile à intégrer, autant que les salutations gaéliques que Kévin s’obstine à nous apprendre!
Nous roulons plein nord vers la Chaussée des Géants face à l’Atlantique et nous rêvons de paysages fabuleux,
dignes des légendes. Kévin parle d’abord de Tolkien qui a vécu à Belfast et a puisé dans les légendes celtes
la magie du "Seigneur des anneaux". Quand son héros suit sa princesse au pays de la jeunesse éternelle, il ignore
qu’il ne retrouvera rien de ceux qu’il laisse derrière lui, victimes du temps et de la mort.
Nous parcourons le comté d’Antrim très verdoyant. Il y a ici de grands projets de parcs à éoliennes pour que
le pays produise plus que quinze pour cent de son énergie, ce qui est le cas en ce moment ; le reste est importé
d’Écosse. Les Irlandais sont hostiles à l’exploitation du gaz de schiste qui souillerait leurs sols calcaires.
Nous voici près de Ballymena, où pousse beaucoup de lin ; quand il fleurit, tout bleu, ce doit être bien joli ! Ce
sont les huguenots français chassés par la révocation de l’Edit de Nantes qui ont apporté ici leur savoir-faire
dans le secteur textile, et par suite la prospérité de la région. Mais plus tard, l’arrivée des textiles synthétiques
a réduit l’emploi du lin. Il est resté les chantiers navals, les corderies, et le transport ; puis pendant la seconde
guerre mondiale, les bombardements allemands ont ruiné en partie les chantiers. L’industrie navale sinistrée a
repris mais seulement pour la réparation des navires. Cependant, une autre activité a pris le relai et on construit
ici des avions bombardiers. Belfast est décidément une ville industrieuse, moderne, tournée vers l’avenir !
La Chaussée des Géants est une curiosité géologique due au basalte, et ce n’est que dans cette partie de
l’Irlande qu’il y a eu un peu d’activité volcanique. En bordure de mer se dressent plus de quarante mille colonnes
noires, très régulières, qui comptent jusqu’à douze côtés de section. Ces colonnes compactes dont certaines de
douze mètres de haut, produisent un paysage rare. Serait-il convenable d’évoquer ici des colonnes de Buren
géantes ?
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Sur la côte alentour des rochers isolés les accompagnent ; ils ont reçu des
noms fantaisistes, l’orgue, le chameau, le sous-marin. Plus proche de nous, un
énorme bloc très lisse posé sur la plage est réputé être la chaussure
abandonnée d’un géant qui aurait chaussé du 90 au moins ! Les touristes
aiment s’y asseoir ou s’y allonger pour y être pris en photo. Il n’est que trop
évident qu’un tel site a produit de multiples légendes.
En 1845, l’écrivain William Thackeray, auteur de "Vanity Fair" a qualifié ces lieux de "vestige oublié du chaos "
et on ne saurait mieux dire. En bordure de plage, les sentiers sont de tourbe, très spongieux, et contournent
des flaques couvertes d’algues vertes.
De là nous repartons jusqu’à Bushmills avec, en centre-ville, une place, the Diamond, dont le mémorial honore les
morts des deux guerres. C’est là que nous aurons notre repas : stew et guinness, le stew étant un ragout de
mouton, typique du pays et pas mauvais du tout !
Bushmills possède une distillerie très ancienne puisqu’il en est fait mention dès 1276, bien avant que la première
autorisation de distiller soit accordée en 1608. Autre particularité du village, des pancartes à la gloire des
célébrités locales, et entre autres le vingt cinquième président des Etats Unis William McKinley qui fut assassiné
par un anarchiste en 1901, et Mark Twain, l’auteur de "Tom Sawyer".
Nous poursuivons à travers la région d’Antrim qui avec ses falaises, ses landes, ses tourbières, ses vallons
encaissés, a été longtemps la plus isolée et la moins anglicanisée de tout le pays. Le nord de l’Irlande est selon
Kévin la région la plus authentiquement irlandaise.
La ville de Derry ou Londonderry ; le sanglant épisode du Bloody Sunday
Notre destination suivante est Derry, la deuxième ville la plus importante d’Irlande du Nord, que les Anglais
appellent Londonderry.
Sur la côte aux falaises abruptes, nous apercevons les ruines
de Dunluce Castel ; lors d’une grosse tempête il fut éventré
et tout un flanc de l’édifice glissa dans la mer. C’est par ici
que passa l’Armada, pas plus invincible que le Titanic.
Philippe II d’Espagne ayant voulu défendre Marie Stuart, sa
flotte magnifique fut vaincue et dut fuir devant les Anglais
après la bataille navale d’août 1588 ; elle s’égara, se retrouva
piégée sur les côtes ouest de l’Irlande qu’elle ne connaissait
pas et ce fut un désastre sans précédent. Que de naufrages !
Un peu plus loin, se trouve la station balnéaire de Portrush
dont les plages de sable sont fameuses, et au large le
chapelet des îles Skerries.
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Et voilà Derry, la ville vierge, souvent assiégée mais jamais vaincue. Elle occupe le haut d’une colline sur la
rive ouest de la Foyle, et les monts sauvages du Donegal la dominent à l’ouest et au nord. Elle a gardé ses murs
d’enceinte du XVIIème siècle que les Anglais édifièrent pour la protéger des Irlandais quand ils l’eurent conquise
après une âpre bataille et un long siège. Un monument rappelle ce haut fait et il sert de fosse commune aux
soldats massacrés à cette occasion !
Derry devenue anglaise fut rebaptisée Londonderry ; en 1980, alors que le conseil municipal était en majorité
catholique il en profita pour voter le retour au nom de Derry. En 2006, le cas fut porté devant la Justice qui
refusa de trancher. Nous sommes donc à "Legend Derry" et selon le nom que lui donnent les Irlandais vous savez
de quel bord ils sont !
Derry donc compte aujourd’hui cent dix mille habitants
dont soixante-douze pour cent de catholiques, à dix
minutes de la frontière entre les deux pays ; la rivière qui
traverse la ville sert de frontière ethnique, séparant
protestants et catholiques.
En 2013, Derry fut capitale culturelle de l’Irlande ; un
pont moderne en forme de "S" porte la statue très
symbolique de deux hommes qui tentent de se serrer
la main, mais sont juste trop éloignés pour pouvoir se
toucher !
La place centrale s’appelle Diamond comme à Bushmills et dans toutes les villes d’implantation anglaise. Elle est
surmontée par l’ange de la victoire, allusion aux forces aériennes, et complétée par un soldat et un marin ;
ce mémorial de guerre fut installé, ici, après que la ville qui l’avait commandé l’ait refusé comme trop agressif.
Ici, l’agressivité ne fait pas peur malgré les gestes de paix esquissés par ailleurs. La place Diamond est au
carrefour de quatre rues principales aboutissant aux quatre portes de la ville.
Notre tour de ville en car nous mène devant une réplique de Big Ben, puis devant plusieurs murs à fresques :
l’un représente les prix Nobel de la paix et Nelson Mandela parmi eux, un autre est à la mémoire d’une enfant
de quatorze ans victime d’un tir loyaliste avec une dédicace à tous les enfants de la liberté.
Puis, voici le Mémorial du dimanche
sanglant déjà évoqué à Belfast mais qui
eut lieu ici en 1972 quand une armée de
parachutistes anglais dispersa une
manifestation en tirant sur la foule ; il y
eut quatorze morts et cent blessés,
mais l’enquête fut truquée et n’aboutit
pas. Elle fut rouverte en 1998 ; et en
2010, enfin, David Cameron demanda
solennellement pardon aux familles des
victimes de ce "Bloody Sunday".
Plus loin, sur le pignon d’une maison
l’inscription : "You are now entering
free Derry !", et des slogans
explicites : "Civil Rights - one man,
one vote".
Le passé est le passé mais personne ici
ne veut l’oublier !
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Aujourd’hui, on fête Saint Colomban, un des saints
évangélisateurs de l’Irlande, qui finit sa vie en
Ecosse ; justement nous approchons de la
cathédrale Saint Colomban, édifiée par les Anglais
comme un jalon de leur conquête de l’Ulster :
consacrée en 1634, elle fut la première cathédrale
construite après la Réforme.
Nous nous arrêtons sur une vaste place où campe
l’ancien Palais de l’évêque, un bâtiment harmonieux,
fait de briques rouges et qui ressemble à une église
; sur sa tour conique, au-dessus des quatre points
cardinaux, une girouette en forme d’élégant deuxmâts.
Nous sommes tout près de la porte de l’évêque et
allons faire le tour des murs de fortifications.
C’est aujourd’hui une promenade, mais notre guide du jour précise que, dans son enfance, ce passage était gardé
par des militaires anglais, fermé par des grilles, et interdit à la circulation. Il est bordé de canons apportés de
Londres en 1640. Impossible d’oublier l’Histoire car elle suinte de toutes les pierres !
D’autant qu’en contrebas des fortifications, hors les murs, nous retrouvons, comme à Belfast, des buchers
surmontés de drapeaux européens et irlandais prêts à être allumés... C’est la Cité de Fountain, seul quartier
protestant subsistant dans cette partie de Derry. Les trottoirs bordés de traits rouge, blanc et bleu rappellent
la fidélité des habitants à l’Union Jack !
Cependant Derry est aussi une ville prospère qui croit en son avenir.
Au XIXème siècle, l’industrie la plus importante était celle du lin ; vingt-deux mille personnes travaillaient à la
confection de chemises pour l’armée américaine.
Le chantier naval est encore très actif et répare des bateaux pour l’Amérique. Pendant la bataille de
l’Atlantique, cinquante sous-marins allemands étaient dans la baie, et ils ont infligé d’énormes dégâts aux soldats
anglais, canadiens et américains.
Nous quittons Derry et dix minutes plus tard nous sommes en République d’Irlande. Cette plongée dans
l’histoire ancienne et récente de l’Ulster aura été vraiment forte et instructive. Pour mieux la comprendre, la
lecture du petit livre "Mon Traître" où Sorg Chalendon donne sa vision de ces années sombres est sans doute à
conseiller.
Nous retrouvons les moutons paissant sur les prairies en bord de mer, les champs d’éoliennes, les haies fleuries
en bordure de petits chemins, un paysage rural et paisible.
Et la journée se termine à Clanree Hôtel, remarquable par son vaste hall, ses escaliers blancs, ses lustres, ses
statues, un décor rococo reposant après tout ce que nous avons vu aujourd’hui !
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Mercredi 10 juin 2015 : Letterkenny  Glenveagh National Park  Comté de
Donegal  Comté de Sligo.
A travers le parc national Glenveagh ; visite du château
Nous avons quitté notre hôtel aussi élégant que tarabiscoté et nous roulons en direction de Donegal dont le nom
signifie la forteresse des étrangers. A quelqu’un qui s’inquiète d’éventuels accidents sur la route, Kévin répond
avec flegme que les Irlandais ne boivent que les jours terminés en y : rassurant ? La cause principale des
accidents selon lui est une conduite inadaptée à l’état des routes, étroites, sinueuses, souvent mouillées. De fait,
les panneaux autorisent des vitesses impossibles à observer pour qui ne veut pas finir dans le fossé ! Par contre,
les taxis sont peu chers et très utilisés, en particulier le soir à la fermeture des pubs : nous verrons beaucoup
de ces bons samaritains charger leur contingent de clients largement imbibés !
La drogue existe aussi et le vol, mais la délinquance est modeste car le comté de Donegal est pauvre, sauvage,
avec peu de touristes. Ici comme au Connemara, la région est surtout riche en tourbières ; les terres sont acides
et peu fertiles. Mais les paysages grandioses !
C’est pourquoi, au XIXème siècle, un Irlandais enrichi par la spéculation a conçu le projet d’un domaine "plus beau
que Balmoral". John George Adair, c’était son nom, a acheté les terrains convoités, parcelle après parcelle, puis
en a expulsé tous les locataires, plus de deux cents personnes, en 1861. Cette propriété extraordinaire de dix
mille hectares englobe aujourd’hui le Lough Beagh, le marais, la lande et une forêt de chênes et de bouleaux.
Sans compter Dunlewey Lake, un lac envoûtant aux eaux noires, un jardin composé comme un tableau aux
multiples couleurs et nuances, une grande maison victorienne superbement meublée ; cette sorte de petit
château créé en 1870 fut racheté en 1920, modernisé, et dans les années 1970, l’ensemble fut cédé au service
des parcs nationaux irlandais sous le nom de parc de Glenveagh. Un minibus permet de le traverser sans
effort pour découvrir le château qui se visite mais ne se photographie pas !
Sur ses murs, une profusion de scènes de chasse, et d’ailleurs ce parc abrite à l’abri d’une clôture de quarante
cinq kilomètres le plus grand troupeau de cerfs d’Irlande. Près de l’office, les uniformes que portaient les
domestiques. Notre visite nous fait découvrir une belle bibliothèque au premier étage avec une vue sur le lac à
faire rêver.
Le troisième propriétaire fut ami de Charlie Chaplin : deux chambres avaient été spécialement aménagées pour
des hôtes de marque avec confort et luxe. Les cheminées sont prêtes pour une flambée de tourbe, même si ce
chauffage qui produit beaucoup de fumée et une odeur âcre n’a pas que des avantages.
Quant aux lits de style victorien, ils étaient surélevés pour mieux profiter de la chaleur ; un escabeau de deux
marches permettait d’y monter et une bassinoire d’y avoir chaud.
La deuxième chambre fut celle de la propriétaire mais s’honore aussi d’avoir accueilli Greta Garbo !
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Nous longeons d’autres couloirs, un qui ouvre sur des chambres "matrimoniales" puis un autre avec des chambres
pour célibataires. Ah mais ! Dans ce château sont produites des émissions musicales de la BBC.
En sortant, nous pouvons à loisir nous promener dans les jardins, un des arts majeurs du pays. La région ici
ressemble aux Highlands d’Écosse. Des buissons d’ajoncs en fleur ponctuent le paysage. On appelle montagnes
bleues les monts alentour, et de fait le soir ils bleuissent, donnant beaucoup de douceur au paysage.
Mais ce pays de légendes connut au XVIIIème siècle une famine épouvantable de 1844 à 1849. Les gens du
Connemara et du Donegal se nourrissaient presque exclusivement de pommes de terre, leur terre trop pauvre ne
produisant ni céréales ni légumes. Quand le mildiou dévasta tout, ils n’eurent plus qu’à mourir de faim, sans aide
du reste du pays ; les Anglais inventèrent une loi dite du pauvre selon laquelle les affamés devaient se déclarer
sans ressources, et obtenaient alors des repas de soupe en échange de travaux durs et astreignants. Encore
beaucoup préférèrent-ils offrir à leurs locataires un billet sans retour pour les Etats Unis plutôt que de les
nourrir. Le voyage durait trois mois et seuls les plus robustes y survivaient. Chaque famille envoya au moins un
fils dans l’espoir qu’il pourrait du Nouveau Monde envoyer aux siens de quoi vivre. L’émigration fut très
importante !
Le comté de Donegal, le tweed le meilleur d’Irlande
Le car s’arrête à Glenties pour un repas au
Highlands, puis se dirige vers Ardana. Nous
sommes dans le comté de Donegal réputé pour
son tweed, le meilleur d’Irlande. La laine des
îles d’Aram et de Cork est appréciée aussi.
Les moutons, nombreux sur les collines, ne
conviennent pas tous à la confection du tweed
; les mérinos oui mais pas les moutons à tête
noire, exploités pour leur viande.
L’entreprise où nous nous arrêtons s’appelle Triona ; elle est active depuis plus de cent ans, toujours tenue par
la même famille, la cinquième génération aujourd’hui. Ses machines à tisser sont d’origine, et une ouvrière les
fait fonctionner pour nous.
Il existe 1340 fils différents et pas de modèle sur papier ; tout est affaire de mémoire et de technique. Pour
choisir et installer les fils sur le métier selon les coloris voulus, il faut déjà six heures de travail, après quoi on
lance le métier et le rythme doit être d’une régularité parfaite.
Le tissu produit est lavé à l’eau froide, selon un procédé qui le rétrécit et l’assouplit ; il est alors prêt pour y
tailler vêtements, écharpes, chapeaux… Une des teintes vedettes est le bleu mauve typique du sol quand fleurit
la bruyère. Beaucoup de nous se laissent séduire ; nous aurons de quoi affronter l’hiver !
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Ensuite, le car repart vers Killibegs, un port de pêche important. Puis suit la côte, jusqu’aux falaises de Slieve
League qui plongent en à-pic de six cents mètres dans l’Atlantique. Nous nous arrêtons, admiratifs devant
cette côte sauvage qui en hiver ou par temps de tempête doit faire peur, mais qui même aujourd’hui où la mer est
calme garde un aspect sauvage et grandiose.
Le comté de Sligo ; l’instruction comme sujet
Nous avons repris la route vers le comté de Sligo où nous dormirons ce soir ; et Kévin a choisi l’instruction
comme sujet du jour. La maternelle de quatre à six ans se fait selon la méthode Montessori et on y apprend le
gaélique ; l’école primaire dure jusqu’à treize ou quatorze ans. Le "junior certificate" se passe à la fin du
secondaire puis vers dix-sept ans, chacun est invité à participer à un projet d’intérêt général, pour aider à
l’intégration à la vie sociale. Quant à l’entrée à l’Université, le choix doit en être fait dès février avant la
rentrée suivante.
Dix pour cent seulement des écoles sont mixtes et jusqu’au bac l’uniforme est obligatoire. École et université
sont gratuites pour les Irlandais, mais accueillent beaucoup d’Anglais et d’Européens pour qui c’est payant !
L’école est contrôlée par l’Eglise, même l’école publique ; un protestant n’a aucune chance d’enseigner dans une
école catholique, ni non plus quelqu’un d’homosexuel ou de divorcé. La prière est faite plusieurs fois par jour et il
y a trois heures de cours de religion par semaine. Le français est enseigné comme première langue étrangère ;
enfin les immigrants font souvent baptiser leurs enfants pour leur garantir une éducation sans problèmes.
Nous repassons à Donegal sans nous y arrêter et arrivons à Park Hôtel où nous passons la nuit.
Jeudi 11 juin 2015 : Donegal  Sligo  Turlough  Castelbar.
Arrêt à Donegal, la tombe de l’écrivain Yeats prix Nobel de littérature
Le beau temps se maintient de façon inespérée et Kévin se plaint d’avoir trop chaud ; mais il est le seul à se
lamenter !
Nous passons près de Bell Bull Mount, un long plateau de cinq cent mètres de haut aux formes bien
reconnaissables ; il y pousse des fleurs venues de l’antarctique et il est considéré comme presque sacré car
Yeats, un des plus grands poètes ici, qui a passé son enfance dans le coin a beaucoup écrit sur lui.
William Butler Yeats, donc, fut prix Nobel de Littérature en 1923 ; il était le petit fils d’un prêtre de
Drumcliff, et le frère de Jack Yeats, un peintre impressionniste apprécié, fasciné comme lui par l’occultisme. Il
vécut un moment à Paris, travailla pour James Joyce et avec Samuel Beckett, prix Nobel aussi en 1969 ; il
mourut en France, près de Nice en 1939 et en 1948 son corps fut rapporté à Sligo.
Sa sépulture est devant une charmante petite église dont la porte à deux battants s’orne de deux cygnes.
Sur la dalle funéraire, on lit son nom, ses dates et quelques vers qu’il écrivit ; puis le nom de son épouse, George
Yeats, qu’il épousa après avoir en vain par trois fois tenté d’épouser une actrice ; et le nom de son frère le
peintre. Devant la dalle, la statue de bronze d’un homme accroupi, appelé le tisseur de rêves, et un vers
qui chante ce rêve : "He wishes the clothes of Heaven".
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Kévin attire notre attention vers une grande
croix celte plantée près de là. Il y eut ici en 575
un premier monastère après que Saint Patrick ait
évangélisé la région ; d’où cette croix et une tour
de trente mètres de haut aujourd’hui en ruines
appelée la maison de cloches.
Au IXème siècle, les Vikings vinrent d’Ecosse et le
monastère fut abandonné, les moines se réfugiant
sur l’île d’Iona. Entre le VIIIème et le XIIème
siècle, beaucoup de ces croix furent édifiées ;
faites de calcaire blanc, elles servaient aussi de
cadrans solaires et mélangeaient les rites anciens
et nouveaux, la croix, et le cercle qui signifiait
le soleil, le dieu principal des Celtes appelé
Lugh, ce qui signifie Lumière.
Au bas de cette croix, on reconnaît Adam, Eve, et le serpent. Sur une
face, l’ancien Testament et le Nouveau sur l’autre ; mais les Celtes qui
venaient de Mer Noire et étaient arrivés en Irlande au sixième siècle
avant J.C. avaient beaucoup voyagé et rencontré bien des civilisations.
Ils étaient pieux et superstitieux ; pour eux, si Dieu ne répondait pas, il
convenait de revenir aux rites anciens. D’où, par exemple, des
représentations du chat qui n’est pas en odeur de sainteté dans le
christianisme ; cet animal, selon eux, a des pouvoirs car il voit la nuit et
protège des rats qui sont le mal. Il a neuf vies ; chez nous seulement
sept ! Les croix ne furent jamais détruites grâce à la superstition des
Irlandais, une qualité donc.
Autre chose : la paix serait-elle enfin en marche ? Sans transition, Kévin nous explique que dans cette
région où l’IRA exécuta Lord Mount Batten, l’oncle du roi, Charles et Camilla sont venus il y a peu afin de sceller
une réconciliation ; le leader de la lutte armée, Gerry Adams, l’ancien chef du Sinn Fein, a serré la main du
prince Charles. Qui vivra verra mais l’espoir est permis !
Sligo Abbey
Nous voici à présent à Sligo Abbey, où se dressait jadis une importante abbaye
d’origine franciscaine fondée en 1253. Le monastère fut épargné par la reine
Elizabeth à condition que ses moines deviennent membres du clergé séculier. Les
destructions ne manquèrent pas pourtant : en 1414, un incendie accidentel ruina
le bâtiment, reconstruit en deux ans grâce à l’argent des Indulgences, et en 1641,
c’est délibérément que Sir Frederick Hamilton l’incendia à nouveau. Beaucoup de
moines périrent et l’abbaye ne fut plus reconstruite.
Dans la nef, on remarque un autel-sarcophage appartenant à la famille O’Crean,
puis le seul autel à panneaux encore existant en Irlande. Un jubé du XVème siècle
permettait de séparer les moines des laïcs.
Le chœur est éclairé par huit fenêtres à lancettes d’origine ; nous passons par la
salle capitulaire de XIIIème siècle et le cloître du XVème siècle dont il reste
trois galeries aux colonnes gémellées sculptées avec minutie. Une tête sculptée
a nourri la crédulité des fidèles : la toucher permettait, et permet peut-être
encore, de trouver l’amour !
Le cimetière contient quantité de dalles et pierres usées ; des
milliers de gens ont été enterrés là, en particulier pendant une
épidémie de choléra où vingt à trente personnes mouraient chaque
jour.
Il n’y avait plus de place, et des os partout ; on apporta alors de la
terre pour surélever le lieu et le cimetière fut fermé. Mais malgré
cela, le peuple tenait à ce lieu de funérailles et y enterrait ses
morts de nuit, clandestinement.
Certains, paraît-il, furent enterrés à demi morts seulement : une
femme en témoigna auprès de son fils, un certain Bram Stoker,
l’auteur de Dracula !
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Nous remontons en car et Kévin en profite pour nous expliquer l’origine de certains noms irlandais.
Beaucoup de noms en Mac, ce qui signifie fils, et s’écrit Mac en écossais, Mc en irlandais. O’ signifie neveu de...
Les mariages se faisaient selon les classes sociales et jusqu’au XIème siècle, les gens ne quittaient guère leur
région d’origine. Fitz signifie également fils mais en anglo-normand ; les noms anglais furent souvent des noms de
métiers, ainsi Butler pour majordome et Smith pour forgeron. Ajoutons que John F. Kennedy ne fut que l’un des
quatorze présidents d’origine irlandaise !
Un repas agrémenté par deux musiciens : notre repas de midi est un de ceux dont nous garderons le souvenir.
Nous entrons dans un pub traditionnel, le Killoran’s, à Tubbercurry. La salle est pleine d’un "bric à brac" d’objets
anciens, y compris un vieux gros chaudron noir, un des "famine pot" dont nous avons parlé. Quantité de photos
aussi de la famille Kennedy car la mère du président avait subventionné une fondation d’aide aux handicapés.
Or notre repas sera agrémenté par deux musiciens, un homme qui chante et joue de l’harmonica, et une jeune
fille trisomique qui joue de la cuillère ou du tambourin ; elle dansera aussi avec la patronne du pub, une dame
âgée de plus de quatre-vingt ans ! Et en fin de repas, un des propriétaires du pub fera danser deux d’entre nous,
dont Sylvie-Sélectour ! Dans une ambiance des plus chaleureuses.
Visite du musée de la vie rurale :
Notre après-midi se passe à Turlough Parc dont nous visitons
longuement le musée, consacré à la vie dans un petit village de
pauvres gens, entre 1800 et 1900.
Un outil étrange attire l’attention : il s’agit d’une sorte de piège où
coincer dans une porte celui qui, envoyé par le propriétaire, venait
collecter les impôts de gens trop miséreux pour en payer. Cela
indique l’ambiance et le climat de sourde révolte qui régnait en ce
temps-là ! Même si heureusement, la vie pouvait être joyeuse par
moments aussi !
Nous nous promenons en examinant tous ces témoignages d’un
passé presque révolu, des objets de la vie rurale dont certains
nous parlent et d’autres moins. Des outils pour couper la tourbe,
pour cultiver le sol, pêcher ou chasser, des vêtements ; nous nous
faisons une idée des maisons de ce temps-là ; de vieilles photos
complètent notre information. Quelques petits films nous
montrent des techniques aujourd’hui oubliées. En définitive, notre
sort nous paraît plutôt enviable !
La parole à Maryvonne : l’hôtel ce soir s’appelle Harlequin Hôtel, juste en face d’un cimetière planté de croix
celtes, dans le comté de Mayo. Rendez-vous nous est fixé à dix-neuf heures pour une surprise ; Kévin
affectionne ce mot ! Il s’agit finalement d’un cocktail irlandais avec frites et saucisses qui nous laissera peu
d’appétit pour le dîner.
Maryvonne nous parle des voyages futurs, de la croisière prévue sur le Duro, et annonce que le prochain congrès
se tiendra à Lyon les 6 ; 7 et 8 septembre 2016. Quelques nouvelles aussi de notre président qui se remet
lentement de ses épreuves, et déménage ces jours-ci. Bonne nuit !
Vendredi 12 juin 2015 : Castelbar  Comté de Mayo – Le Connemara  Galway.
Le parc national du Connemara
Au départ, le ciel est gris ; les plaintes de Kévin auraient-elles été entendues ? Mais certains d’entre nous se
sont faits spécialistes en météo et ils sont formels : pas de pluie avant mardi !
Nous sommes au cœur de la région la plus touchée par la famine. Pourtant, c’est ici qu’on trouve la trace des
premières habitations de migrants venus d’Ecosse, édifiées à partir de quatre mille ans av J.C. L’Irlande était
alors couverte de forêts et un écureuil aurait pu aller de Belfast à Cork sans toucher terre !
On a retrouvé quelques dolmens de ce temps reculé ainsi que des tombes, toutes orientées vers le soleil ; on
pratiquait la crémation et cela jusqu’à deux mille av J.C. C’est ici dans ce comté de Mayo où la terre est si pauvre
que débuta l’agriculture irlandaise ; les gens possédaient déjà des moutons et des vaches mais les chevaux ne
sont arrivés que six siècles av J.C, et les chèvres sont proscrites car elles mangent tout jusqu’à la racine.
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Nous arrivons à Westport, considéré comme étant la meilleure ville où vivre en Irlande. La vie n’y est pas chère
mais que faire à 240 kilomètres de Dublin ! La ville a été dessinée et bâtie vers 1780 par et pour un propriétaire
foncier, John Denis Browne. Douze générations de Browne se sont succédées ici et le port est aussi important
que la ville, également source de revenus. Une colonne honore saint Patrick qui a vécu ici et nous reparlerons de
lui et de "sa" montagne sacrée, le Croagh Patrick.
Nous observons à présent un arrêt mémorial devant un étrange bateau
noir et famélique, aussi irréel que le serait un bateau fantôme. De sa coque
maigre jaillissent trois mâts plantés comme des croix, entre lesquels se
tendent des filins faits de squelettes humains douloureusement étirés. Ce
bateau funèbre évoque par sa seule présence l’épouvante devant la famine
et la mort !
Beaucoup moins triste , près de
Westport :
l'homme à la plume. Je l'ai
photographié, parce que je lui
trouvais belle allure !
Au loin se dresse la montagne du Croagh Patrick où monte chaque dernier dimanche de juillet un fervent
pèlerinage.
Le futur saint était un garçon d’origine romaine, peu
au fait de la religion chrétienne. Vendu à seize ans par
des pirates, il devint pasteur de bétail en Irlande
pendant six ans et se mit à prier ce dieu mal connu de
lui rendre la liberté, promettant en échange de se
faire chrétien.
Quand un rêve lui dit "le bateau est prêt pour toi", il
put partir alors au Pays de Galles puis en France ; il
évangélisait mais un nouveau rêve lui ordonna de
revenir en Irlande. Il baptisa les premiers chrétiens à
Dublin, et lorsqu’il arriva sur la montagne du Croagh
Mount, en 433, tous les serpents en disparurent
définitivement !
Kévin, inspiré par saint Patrick, chante maintenant la gloire des Celtes. En six cents av J.C., ils arrivèrent en
Irlande, repoussés vers le nord par les Romains. L’île était alors peu peuplée.
Ils apportèrent la musique, la religion druidique, les clans, leurs habitations rondes en forme d’anneaux à murs
très épais, leurs légendes, le tambour et la harpe portable.
Ils travaillaient le fer et le commerce se faisait par troc. Ils ont créé de petits royaumes et une langue
complexe dont l’alphabet écrit ressemble à une sorte d’arbre ramifié. Mais quand ils sont devenus chrétiens, ils
ont d’une certaine façon, disparu ! Leur pays Erin se dit Eire en anglais.
Nous roulons toujours à travers le parc national du Connemara, un des six parcs nationaux d’Irlande.
Il traverse les paysages majestueux de la chaîne des Twelve Pins où se succèdent des lacs plus beaux les
uns que les autres.
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Nous sommes entourés de massifs de rhododendrons tout fleuris et c’est superbe en même temps que
dévastateur car cette plante acidifie encore la terre, tue toute végétation alentour et ne cesse de proliférer.
Par ici, vivent aussi les Leprechauns, elfes de trente centimètres, qui peuvent être amicaux, tout nettoyer
dans une maison ou remercier d’un verre de lait par une pièce d’or, mais sont aussi susceptibles et capables de
méchantes blagues : à bon entendeur salut !
Nous approchons du seul fjord d’Irlande, une baie longue et étroite, de seize kilomètres de long sur trois
cents mètres de large, bordée de falaises de calcaire et de grès. Sur les monts de longues stries partent du
sommet ; les hommes de jadis les ont creusées à grand peine et remplies de sable, d’algues et de tourbe pour y
cultiver mieux que sur leurs sols infertiles.
On dit volontiers ici : "Dieu a créé l’Irlande mais les hommes ont créé la terre !" D’ailleurs ici, il y a des moutons
mais pas de vaches ; elles mourraient de faim. Passant devant un lac, nous y voyons les installations d’un élevage
de moules, le second du pays en importance.
Nous nous arrêtons à Clifden pour le déjeuner. Les toits étaient de chaume jadis et il fallait les refaire tous
les vingt-cinq ans ; aujourd’hui, ils sont en schiste importé d’Espagne ou d’Allemagne.
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Après le repas, notre programme nous mène à la ferme de Dan O’Hara ; elle a gardé le nom d’un métayer qui
y vivait avec sa femme et ses trois enfants. Vers 1845 il fut expulsé, obligé d’émigrer et sa femme mourut
pendant le voyage. Une ballade raconte encore aujourd’hui ce drame.
La ferme est installée au pied des "twelve Pins".
Nous arrivons devant un gros troupeau de moutons à têtes noires puis auprès d’une maisonnette où un feu de
tourbe brûle et fume dans la cheminée.
Un tracteur attelé à un chariot nous attend pour une excursion dans le domaine ; puis, un homme nous fait une
démonstration de la taille de la tourbe, en longues bûches.
Cette tourbe provient de la lente décomposition de l’herbe, et le sol se hausse de trente centimètres en cent
ans. Dépourvue d’oxygène elle conserve tout ce qui y tombe, outils, ou corps. On a retrouvé des corps humains
datant de sept mille ans et des arbres minéralisés. Aussi des corps plus récents bien momifiés et bizarrement
aplatis. On laisse les bûches de tourbe sécher dix jours puis on les dispose en petites pyramides et, en six
semaines, elles perdent quatre-vingt pour cent de leur poids ; on peut ensuite s’en servir pour le chauffage.
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L’abbaye de Kylemore : de là nous poursuivons jusqu’au
lac de Kylemore ; l’histoire des lieux est complexe et
tragique. Un riche propriétaire de Manchester, Henry
Mitchell, ayant épousé par amour une très jolie femme, lui
promit un château. En 1873, le château était là sur la rive
du lac de Kylemore, complété par un jardin, des serres,
une église aux colonnes de marbre vert du Connemara ; et
la famille avait neuf enfants. Le bonheur parfait, sauf
qu’au cours d’un voyage en Egypte la jolie châtelaine
mourut de la fièvre jaune.
Le château fut vendu et son nouveau propriétaire le
perdit au jeu ! Demeuré un moment à l’abandon, ce pauvre
château fut finalement acheté par des sœurs
bénédictines jadis chassées de Belgique et de retour au
pays.
Ce n’est donc plus un château mais Kylemore Abbey où un collège de jeunes filles a fonctionné jusqu’en
2010; une société entretient les lieux à présent.
On y trouve de belles pièces meublées avec luxe et les jardins sont remplis de fleurs et plantes de toutes
sortes, d’arbres vénérables, sans compter les somptueux et nuisibles rhododendrons !
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En repartant nous passons dans la vallée de l’Inagh, où se trouve le plus long lac du pays. Dans cette région où
on ne peut cultiver, on a essayé de reboiser et les terres sont louées à des éleveurs dont les moutons paissent
en plein air toute l’année.
La route nous semble bouger sous le car.
Kévin confirme cette impression, expliquant que comme
elle est construite sur la tourbe les pluies la rendent
instable. Heureusement que le temps est sec !
Il ajoute que c’est dans cette région qu’a été tourné le
film de "l’Homme Tranquille" avec John Wayne, un des
premiers films en décors naturels du pays et que son
succès a été une formidable publicité pour l’Irlande.
Nous quittons le Connemara qui fait partie du comté de
Galway. Nous longeons la côte et c’est superbe.
Arrivés à Connemara Coast Hôtel, nous apprenons qu’un repas de mariage y a lieu, d’où une certaine animation et
un dîner tardif. Nous profitons aussi d’un superbe coucher de soleil sur la mer verte et les montagnes bleues :
pas de quoi se plaindre !
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Samedi 13 juin 2015 : Galway  Le Burren  Bunratty  Tralee
Les repas irlandais : grand soleil à nouveau et petit déjeuner irlandais complet, c'est-à-dire avec bacon,
saucisses, haricots blancs, pommes frites, boudin blanc et noir, toasts.
Jadis, nous dit Kévin, on mangeait bien le matin avant de partir travailler et le repas suivant n’était que le soir ;
aujourd’hui en général, après le petit déjeuner, on ne prend à midi qu’une soupe et un sandwich, ou du thé et des
scones ; le repas du soir est à partir de dix-sept heures trente. Pas de grande tradition alimentaire, et peu de
variété. On ne mange pas d’escargots dit-il, vaguement dégoûté, mais on en exporte !
Aujourd’hui, nous allons traverser quatre comtés dont celui de Galway. Cette ville compte deux universités
techniques, et vingt mille étudiants. Plusieurs festivals y ont lieu dont celui des huîtres en septembre : huîtres
de deux sortes dans les baies protégées et réchauffées par le Gulf Stream, les huîtres d’Irlande et celles du
Pacifique.
Galway a l’originalité d’avoir été fondée par quatorze familles, douze anglo-normandes et deux irlandaises ; elle a
quatorze ronds-points aux noms de ces familles. Cromwell n’a jamais pu l’investir. Dans la campagne ici, les routes
étroites serpentent entre des collines d’herbe rase, barrées de murets de pierres sèches faits pour nettoyer le
terrain et séparer les pacages.
Beaucoup de petites églises un peu partout, construites surtout du VIIIème au XIème siècle, et dont le nom "kill"
se retrouve dans bien des noms de lieux ; les missionnaires ici furent d’abord des cisterciens, puis des
dominicains et des franciscains. Les Vikings venus visiter le pays y revinrent avec toute une flotte et
l’occupèrent pendant deux cents ans ; pourtant, ils arrivaient trop tard pour que leur influence soit
prédominante, même s’ils fondèrent des villes sur les côtes et apprirent l’art de la navigation aux gens du pays.
Le Burren
Nous nous arrêtons à Ballyvaugh. Nous sommes dans le Burren, ce qui veut dire caillou, au milieu d’un paysage
quelque peu lunaire ! C’est un plateau karstique, le seul endroit où un tel relief soit visible.
Un général de Cromwell aurait dit qu’en ce pays il n’y a pas assez d’eau pour noyer un homme, pas assez d’arbres
pour le pendre, pas assez de terre pour l’enterrer ! C’est tout dire.
Le village suivant s’appelle Lisdoonvarna ; c’est une ville de spa dont les eaux sulfureuses soignent l’arthrite, et
la seule station thermale d’Irlande. Beaucoup de curistes y venaient à l’époque victorienne.
Aujourd’hui, sa notoriété vient de son festival "Match making", le festival de septembre des célibataires en
quête de l’âme-sœur ! Un marieur y est présent et disponible. Et les gays du coup ont voulu y avoir eux aussi
leur festival. Ces festivités ont paraît-il un succès qui fait venir des gens d’au-delà des frontières et même de
fort loin.
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De là, nous montons jusqu’au point de vue des falaises de Moher, d’immenses falaises de grès sombre de
plus de deux cents mètres de haut, qui se prolongent sur huit kilomètres. D’en haut, le spectacle est
admirable mais la tentation de trop s’approcher du bord s’est souvent révélée périlleuse, si bien que le sentier a
été sécurisé par des plaques de grès, un procédé un peu artificiel mais plus sûr !
En ce lieu, vivent quantité d’oiseaux, sans compter les migrateurs.
En février, on aperçoit des baleines au large, et
souvent des phoques et des dauphins.
Par temps clair, on voit aussi les îles d’Aran dont la
population n’est que de deux mille âmes, de sorte qu’on
l’incite à rester sur le site.
La laine d’Aran est réputée ainsi que ses tricots de
laine écrue dont les points différaient d’une famille à
l’autre ; cela pour une raison concrète et funèbre,
celle de reconnaître les corps des noyés !
Nous traversons la campagne et Kévin nous montre
avec ironie un grand hôtel appelé ici Legoland pour ses
dimensions et sa prétention : il a pour objectif
d’accueillir les nouveaux couples de Lisdoonvarna.
Le saumon irlandais
Le déjeuner a lieu dans Roadside Tavern et l’on nous sert du saumon fumé. En effet, le village possède une
fumerie de saumon que nous visitons.
Une jeune femme nous explique que tous les saumons proviennent d’Irlande. Les petits élevages de saumons sont
nombreux et les poissons élevés depuis la taille d’une sardine jusqu’à ce qu’ils pèsent quatre kilos. Ceux qu’on
élève sur la côte atlantique se nourrissent dans l’océan et ont une chair bien rose tandis que ceux qu’on élève
dans la baie de Dublin sont nourris de farines et sont presque blancs. Les filets sont salés au sel de Camargue
puis lavés, et fumés avec du bois de chêne rouge d’Amérique, des copeaux provenant d’une fabrique de cercueils
car leur bois n’est pas traité !
Il faut ensuite disposer de deux fours, un pour sécher, à plat de préférence pour plus d’homogénéité, et l’autre
pour fumer. Pour le fumage à froid qui dure seize heures à trente degrés, on ne se sert que de fumée ; pour le
fumage à chaud qui ne dure que huit heures mais à quatre-vingt-cinq degrés on ajoute de la tourbe.
Nous avons droit à une dégustation et sans conteste le saumon fumé à froid est le plus savoureux. La maison
vend ses produits et exporte aussi ; ceux du groupe qui en achètent le recevront à l’hôtel juste avant le départ.
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Le château de Bunratty
Notre prochaine étape est le château de Bunratty, très belle maison forte bâtie en 1460 par les O’Brien, un clan
assez puissant pour avoir donné un roi à l’Irlande.
Nous sommes à l’embouchure de Bunratty et de l’estuaire du Shannon sur la route entre Limerick et Ennis. Le
château est gris et massif, austère avec ses quatre tours carrées, deux sur l’avant qui encadrent une entrée
profonde sous un arc de cercle, et deux sur l’arrière.
Il était jadis cerné d’un fossé et l’assaillant accueilli par des traits d’arbalète. La salle
du bas était réservée aux soldats et les escaliers tournants, étroits et raides
rendaient la montée périlleuse pour un ennemi facile à estourbir du palier supérieur.
Au premier étage une salle de réception, vaste et superbement ornée, avec un trou en haut d’un mur par
lequel tout pouvait être observé et écouté : les murs ont des oreilles ! Le feu se faisait au milieu de la pièce, la
fumée s’évacuant par en haut. Le plafond de chêne est admirable.
De hautes tapisseries pour décorer et réchauffer la salle sans autres meubles qu’une armoire de mariage, un
chef d’œuvre d’ébéniste et une très longue table avec son fauteuil.
Plus curieux encore un petit personnage sculpté dans une pierre du mur, un symbole féminin de fertilité, la
déesse celte Shila Nagig, et en haut des murs dix blasons portés par des anges, alternant avec les ramures
larges de trois mètres de cerfs géants qui vivaient dans le pays jadis et que l’on a retrouvées dans les
tourbières. A cette époque, il y avait aussi des ours dans le pays.
L’étage supérieur est la chambre des dames et on y trouve des cuisines et une chapelle et au denier étage
l’appartement des invités décoré d’un magnifique plafond "Tudor" .
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Après le château, nous entrons dans le parc folklorique qui restitue les éléments essentiels d’un village
vers 1900. Des maisons paysannes, des échoppes, une forge et un moulin. De quoi flâner des heures durant. Puis,
des jardins de rêve comme à l’habitude, et un bar aussi typique que sympathique !
Les Vikings : nous sommes encore à 120 kilomètres de l’étape de ce soir, à quatorze kilomètres de Limerick.
Le fleuve Shannon, le plus long d’Irlande avec ses 386 kilomètres servait de frontière et beaucoup de ruines
rappellent les châteaux construits tout le long.
Le roi Brien gagna ici une bataille avant d’être assassiné par les
Vikings, ces envahisseurs qui édifièrent beaucoup de villes aux
noms terminés souvent en K, et qui apprirent aux habitants
comment fabriquer des bateaux, utiliser l’argent pour
commercer, conserver les produits dans la glace.
Plus loin, nous traversons le village d’Adara, un des plus
pittoresques du pays. Rien ne subsiste du village d’origine du
XIIème siècle, ni des murailles du XIVème. En revanche, sa rue
principale est bordée de vieux cottages de plus de deux cents
ans aux toits de chaume ; l’un d’eux justement vient d’être
détruit par un incendie.
Les entreprises européennes favorisées
Nous continuons notre périple et Kévin raconte que le chômage ici atteint presque dix pour cent des
habitant. Mais, beaucoup d’entreprises européennes viennent s’installer à cause des avantages rencontrés.
D’abord, on y parle anglais ; c’est une île mais pas isolée, donc peu de frais de transport et de bonnes
connections avec l’Europe. Les relations avec Singapour et Israël sont excellentes ; on compte ici plus de cent
compagnies internationales. Il n’y a que peu d’évasion fiscale car le contrôle est facile dans un petit pays !
Nous arrivons à destination, à Tralee qui se situe au fond d’une baie, au nord de la péninsule de Dingle,
et nous y dormirons deux nuits. Un événement !
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Dimanche 14 juin 2015 : L’anneau de Kerry
Ceux de nous dont la chambre donne sur la rue ont pu observer l’activité nocturne du pub situé juste en face. Les
deux portes étaient gardées par deux malabars en tenue noire rayée qui vers deux heures trente de matin ont
fait sortir les derniers clients. Certains désemparés, d’autres mécontents, mais les videurs agissaient avec
gentillesse et autorité ! Des taxis circulaient au ralenti, ramassant les égarés.
L’anneau du Kerry : la fête de la rose de Tralee a rendu la ville célèbre, et toutes les jeunes filles peuvent
concourir pour mériter ce titre. Il y a ici une riche tradition gaélique de musique, de danse et de chant. On parle
aussi dans le coin d’un festival celtique très ancien honorant le dieu-bouc, un dieu celte de la terre.
Ce matin, nous partons par grand soleil pour faire le tour de la péninsule d’Iveragh, plus souvent appelée
l’anneau de Kerry ; c’est là que viennent le plus de touristes car ils trouvent, sur peu d’espace, un condensé de
ce qu’offre le pays, et de merveilleux paysages : une Irlande en miniature ! C’est là que fut créé le premier
aéroport international à Shannon, avec des vols transatlantiques vers les Etats Unis.
La route est étroite et le trafic intense : du coup, tous font le circuit dans le même sens ! Doubler ou rouler en
sens inverse serait trop compliqué et se garer pour admirer le paysage est quelquefois mission impossible, ou
presque ! Notre circuit nous offre des aperçus inoubliables sur les péninsules ; Dingle, Kerry, Beara, qui se
succèdent comme les doigts d’une main.
Nous passons sous un grand viaduc construit en 1840 pour exporter les produits du Kerry vers Dublin, mais il
est aujourd’hui abandonné. La région où nous sommes est appelée le Gaeltacht car ici, sur la côte ouest et au
sud autour de Cork on parle encore couramment le Gaélique ; les enfants le parlent à quatre ans et apprennent à
l’écrire dès six ans !
Plus loin, voici la ville de Cahersiveen, ville du XIXème siècle
seulement mais c’est là que naquit Daniel O’Connell ; cet
homme, après avoir étudié en France devint membre du
Parlement de Westminster. Catholique, il essaya de changer la loi
et, en 1829, il obtint l’émancipation des catholiques, le droit de
construire des églises et de pratiquer leur foi. En 1847, il fit un
pèlerinage à Rome ; il demanda que son cœur soit à Rome, son
corps en Irlande et son âme au paradis ! Il est enterré à Dublin
auprès d’autres grands personnages. La ville en reconnaissance
construisit une église dont elle demanda qu’elle ne porte pas le
nom d’un saint mais celui de Daniel O’Connell, et cela fut accordé
par le pape.
Ensuite notre car arrive à Waterville, une station balnéaire placée idéalement sur un isthme entre Lough
Currane et la mer, comme dans une baie presque fermée, et qui jouit d’une longue promenade sur le bord de mer.
La vue sur la baie aux eaux bleu clair donnerait envie de savoir peindre.
Charlie Chaplin est souvent
venu ici pour y pêcher : un
de ses grands pères était
irlandais, et sa seconde
femme une O’Neil. Une de
ses filles demeure encore là.
On faisait à l’époque des
concours de ressemblance
avec Charlot : il y participa
une fois incognito et obtint
la troisième place !
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Nous sommes à proximité de l’île Valencia, seul endroit
en Irlande où on a trouvé des empreintes de pattes de
dinosaures ! C’est de cette île que Marconi réussit pour la
première fois à correspondre avec New York ; le Titanic
bénéficiait de cette invention toute récente qui ne
parvint pourtant pas à le sauver. Quittant Waterville
nous avons une vue furtive sur la baie de Ballinskelligs
où se dressent deux îles en forme de pyramides,
inscrites au patrimoine de l’Unesco.
Nous faisons une pause dans le défilé sinueux de
Coomakesta à deux cents mètres d’altitude ; aujourd’hui
tout est clair dans le soleil alors que le plus souvent le
brouillard monte et rend le paysage très mystérieux. Par
ici beaucoup d’anneaux celtiques, ces maisons des
origines, ont été conservés.
Sneem : l’arrêt suivant est pour Sneem à la pointe d’un estuaire. Au milieu du village nous traversons le pont sur
la rivière Guinness où de gros rochers hérissés affleurent bizarrement.
C’est ici que Charles de Gaulle vint se reposer et réfléchir suite aux événements de 1968 et après le
rejet du Référendum du 27 avril alors qu’à Paris tous le cherchaient !
Sur une petite place après le pont une stèle porte son nom et son profil où il est inscrit : "En ce moment grave
de ma longue vie, j’ai trouvé ici ce que je cherchais : être en face de moi même. L’Irlande me l’a offert de la
façon la plus délicate, la plus amicale. (18 VI 1969)"
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Sneem possède aussi une église anglicane de quatre cents ans, toute blanche, dont la tour est coiffée d’un
cône vert surmonté d’un saumon en guise de girouette !
C’est aussi à Sneem que nous prenons un repas improvisé au Blue Bull ; un pub
tout bleu et tout beau ; on nous sert une soupe puis un fish and chip et pour
ceux, nombreux, qui le souhaitent, un excellent Irish Coffee. Tout cela est
parfait.
Le parc national de Killarny
Nous rejoignons alors le parc national de Killarny, avec une superficie de onze mille hectares et quatre lacs, le
château de Muckross d’époque victorienne qui ne se visite pas et les jardins du même nom, célèbres par leurs
rhododendrons que les enfants des écoles viennent couper afin de limiter leur extension, les azalées, les
fuschias en bord de mer qui changent de couleur comme les hortensias selon l’acidité du sol. Ici existent aussi
une espèce protégée de petit chêne d’Irlande, et des strawberrytrees, arbres à fraises non comestibles !
La ville de Killarny a le plus grand pourcentage d’hôtels de toute l’Irlande et a gagné plus de douze fois la
médaille de la ville la plus propre du pays.
Sur notre route un arrêt photo devant un site où tous
les cars et toutes les voitures cherchent à s’arrêter :
ce qui provoque un embouteillage monstrueux ! Le site
s’appelle "ladies view" et a une histoire. Un chef de
famille qui rêvait d’un titre de comte décida d’inviter la
reine Victoria sur sa propriété pour lui faire découvrir
l’anneau de Kerry. Mais ce projet ambitieux et coûteux
fut l’occasion d’un désastre. En effet, la reine vint et
admira le site mais ne resta que le temps d’une nuit et
d’un pique-nique. Elle avait promis de récompenser
dignement son hôte mais alors survint la mort de son bien
aimé prince Albert : effondrée, Victoria oublia sa
promesse ; non seulement aucun titre ne fut octroyé mais
la propriété dut être vendue !
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Une soirée dans le pub Sean Og’s : nous revenons vers Tralee et, après le repas, nous voilà tous repartis pour
une soirée au pub Sean Og’s, d‘un mauve lumineux ; sur sa façade figurent l’annonce de musique traditionnelle, et
une inscription qui nous laisse pensifs, à savoir : "drinking consultants" !
L’atmosphère y est détendue et sympathique ; chacun se case où il peut, les gens sont calmes et souriants
devant leurs bocks de bière. Les deux musiciens s’installent et commencent à jouer : guitare et violon puis saxo,
et chansons. Chacun écoute et les airs connus sont repris en chœur par l’assistance. Le pub ne cesse de se
remplir, les groupes vont et viennent dans le calme et la bonne humeur. Des mains bienveillantes apportent
régulièrement de nouvelles chopes pour que les musiciens, qui jouent et chantent avec ferveur, puissent se
désaltérer !
Pourront-ils boire à ce rythme jusqu‘à la fin de la soirée ? Pour nous, il est bientôt temps de rejoindre l’hôtel : la
journée de demain sera encore chargée !
Lundi 15 juin 2015 : Trallee  Cashel  Kilkenny  Dublin
Retour vers Dublin
Aujourd’hui, nous aurons beaucoup de route à faire puisque, ce soir, nous retrouvons Dublin. Nous repassons par
Adare, le village aux cottages du XVIIIème siècle à toits de chaume. Puis, nous roulons plein est. Kévin nous parle
des centrales, hydro-électriques sur le Shannon, ou fonctionnant avec tourbe et pétrole, mais rien de
nucléaire. Le projet est de multiplier les éoliennes jusque dans la mer au large de Dublin pour exporter vers
l’Angleterre. Mais pour l’instant, l’Irlande importe de l’électricité du pays de Galles et en exporte vers l’Ecosse.
Et on a fixé des normes strictes pour l’isolation des maisons. Puis, Kévin en revient à l’Histoire des démêlés
anglo-irlandais !
Nous passons devant les ruines superbes de Desmond
Castle.
Et à présent c’est de musique qu’il s’agit : notre guide
nous fait écouter des CD qu’il nous commente. Les chants
traditionnels ont ici encore plus d’importance qu’ailleurs
car ce fut longtemps le seul moyen d’instruire les enfants
catholiques interdits d’éducation. Parmi les instruments,
le tambour celtique recouvert de peau de chèvre, et la
cornemuse irlandaise qui ne sonne pas comme celle
d’Ecosse et qu’on ne peut jouer qu’assis. "La chanson du
soldat" est considérée comme l’hymne national du pays ;
si "its a long way to Tipperary" est si célèbre, ce sont
pourtant les soldats anglais qui l’ont inventé !
Le comté de Tipperary au nom chantant est un des plus étendus du pays et, du coup, les voitures y sont
immatriculées non pas T mais TN ou TS selon qu’elles viennent du nord ou du sud de ce comté. La région est riche
en bétail ; on y trouve d’importants troupeaux de vaches à lait ou à viande, Angus, Limousines, Suisses noires et
blanches, et la Kerry, seule vache irlandaise de souche, petite et dépourvue de cornes. Le meilleur beurre
d’Irlande provient d’ici !
Nous arrivons au Rocher de Cashel où nous nous arrêtons
pour une visite. C’est un mont très important car saint Patrick
y baptisa le premier roi chrétien d’Irlande, Aengus ; c’est
pourquoi ce rocher est appelé aussi rocher de Saint Patrick,
ou forteresse de la foi.
Une légende dit encore que c’est un morceau de montagne que
le diable arracha et jeta sur saint Patrick pour l’écrabouiller,
mais qu’il manqua sa cible !
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Nous
voilà
devant
la
statue de pierre très
massive du IXème siècle
de Saint Patrick. Il s'agit
d’une copie réalisée au
XIIème siècle, l’original est
au musée et le socle très
haut a servi de cache ; les
gens
ont
coutume
d’étreindre la croix contre
laquelle s’appuie la statue
de saint Patrick.
La particularité de la croix
de Saint Patrick, c’est qu’il
n’y a pas de croix : un coté
représente Jésus sur la
croix, l’autre un moine en
habit .
Les ruines sont ici celles de plusieurs bâtiments accolés,
un ensemble massif de grès gris sombre :
d’abord la chapelle romane Cormac du XIIème siècle, du
nom d’un roi et évêque de Cashel, Cormac Mc Carthy. Son
chœur est très élégant, avec des sculptures, motifs
géométriques sur les arcs de voûte, et têtes humaines
; sans compter des restes de fresques. On y trouve
aussi un tombeau viking dont on ne sait pourquoi il est là.
L’original du
musée
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La cathédrale en ruines du XIIIème siècle devait avoir très grande allure mais
les soldats de Cromwell y piégèrent environ trois mille hommes avant de
l’incendier. Puis, ils ont badigeonné de la peinture sur les fresques sauvegardées
pour les faire disparaître.
Il existe encore une tour ronde (28 mètres de hauteur) "maison des cloches"
qui est intacte, une autre tour à l’ouest bâtie au XVème siècle pour être la
résidence fortifiée des archevêques, et enfin la maison du chœur, restaurée
dans les années 1970 avec un plafond de bois ouvragé et une galerie, des blasons
tenus par des anges, une cuisine rétablie dans son état d’origine, un petit musée.
.
Autour des ruines, un vaste espace fermé d’un
très long mur et sur lequel s’éparpillent quantité
de tombes.
D’importants restes de peintures murales datant du XVème siècle sont
présents sur le mur du transept sud de la cathédrale : une représentation de
Jésus sur la croix y est reconstituée.
Les colonnes de la cathédrale sont enrichies de chapiteaux ornementés
de têtes humaines en pierre souriantes représentant un certain
optimiste et d’autres plutôt pessimistes rappelant la période de peste qui
sévit à cette époque
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Ville médiévale et château de Killenny
Nous quittons Cashel Rock, en direction de Kilkenny, chef-lieu du comté et ville médiévale qu’on dit la plus
belle d’Irlande. Ici, les gens ne souffrirent pas de la famine mais bien du mauvais traitement infligé aux
catholiques dès Henri VIII. Beaucoup de terres furent confisquées ; les gens n’avaient pas le droit de s’éloigner
de plus de vingt kilomètres de leur résidence et l’héritage devait être partagé entre tous les enfants, ce qui le
morcelait ridiculement. Les portes ne pouvaient pas avoir plus d’un mètre soixante de haut et une taxe s’exerçait
sur les fenêtres ; les catholiques appelèrent cela "le vol de lumière".
Toutes ces vexations et exactions furent la cause de la création, en 1884, d’une ligue irlandaise pour promouvoir
l’identité gaélique nationale, puis de la demande d’un parlement irlandais et de la révolution de Pâques de 1916 qui
échoua et dont quatorze des leaders furent exécutés. Cette tragédie a laissé un souvenir cuisant !
Kévin nous parle à présent du sport : on ne peut jouer ici que pour son équipe locale, et on ne peut acheter de
joueurs. Le hulling, foot irlandais, est particulier et relativement violent ; un terrain lui est consacré dans chaque
village. Il existe un championnat national qui déchaîne les passions et où les billets d’entrée restent d’un prix
modique ; tout est donc très moral !
Nous sommes arrivés à Kilkenny sur la rivière Nore ; un panneau publicitaire vante la bière Smithdix qui est
brassée ici et que nous avons déjà appréciée ; autre particularité, une boucherie à enseigne presque française :
"victualler". Notre repas nous attend au Rafter Dempsey’s.
Le collège de la ville s’honore d’avoir eu pour élève Jonathan Swift, futur doyen de la cathédrale saint Patrick de
Dublin et auteur des "Voyages de Gulliver" ! Au VIème siècle, saint Canice fonda en ces lieux une première l’église
et la cathédrale aujourd’hui lui est consacrée.
Maintenant, la visite du château nous attend. Son blason d’origine anglo-normande a pour inscription "comme
je trouve" et s’orne de trois animaux héraldiques dont deux oiseaux, ayant tous griffes acérées et bec fort
pointu !
Ce château construit sur la rivière Nore est le seul d’Irlande
habité pendant plus de huit siècles. Il appartint à la famille Butler,
les comtes d’Ormond, depuis le XIVème siècle jusqu’en 1967 et on y
entreprit alors d’importantes restaurations. On trouve à l’entrée une
salle forte, à voûte toute ronde. A l’étage se succèdent des pièces
élégantes, aux meubles d’époque victorienne, et les papiers muraux
ont été copiés de ceux d’origine, quand les panneaux de soie brodés
et les motifs chinois étaient à la mode. Beaucoup de tableaux de
famille et de tapisseries ; et quantité d’étrangetés remarquables.
Ainsi dans le hall d’entrée, une grande table qui pèse une tonne
paraît-il, et servait à l’occasion à déposer le cercueil des défunts !
Des murs de deux mètres d’épaisseur où l’on a creusé des couloirs
afin que les domestiques puissent être quasi invisibles.
Des objets curieux, comme une grande boîte à thé dont la propriétaire gardait la clé sur elle tant ce produit à la
mode était coûteux, ou des paravents censés préserver le maquillage des dames quand la chaleur du foyer
risquait de le faire fondre.
Et encore des miroirs bas grâce auxquels on pouvait vérifier la hauteur des jupes et jupons ; des salles de bain
sur dimensionnées avec toilettes assez larges pour que le roi de ce temps-là qui était obèse puisse les utiliser
lors d’une possible visite au château.
Nous apprenons par ailleurs que si les garçons étaient vêtus de robes jusqu’à l’âge de sept ans, c’était pour qu’on
les confonde avec des filles et qu’on ne les kidnappe pas. Il fallait y penser !
Nous quittons le château par les jardins, fleuris de roses, et reprenons le car jusqu’à notre bel hôtel du
premier soir.
Où le paon nous accueille aimablement, et où a été réservée pour notre dîner une salle ronde et élégante, pour
nous seuls, très conviviale.
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Mardi 16 juin 2015 : Dublin
Saint-Patrick seconde cathédrale de Dublin
Le ciel est gris ce matin ! Nous entreprenons un tour panoramique de la ville qui nous mènera à Saint
Patrick, la seconde cathédrale de Dublin, où le cardinal d’Irlande du nord se rend chaque année à Noël. L’Eglise
d’Irlande a eu beaucoup de problèmes récemment avec de graves histoires de pédophilie, longtemps cachées
mais enfin dévoilées et sanctionnées ! Nous passons devant une gare ; les quatorze gares principales d’Irlande
portent les noms des quatorze leaders exécutés après la prise avortée de la Grand Poste de Dublin.
Voici à présent l’église St Paul et le pub Brazen Head, le plus ancien du pays, daté de 1688. Nous entrons dans
le vaste parc qui entoure la cathédrale Saint Patrick et où jouent des écoliers, non loin d’arbres au tronc
protégé par des manchons de tricot multicolore !
L’archevêque John Comyn ne voulant plus vivre près de Christ Church et se
soumettre à la juridiction des prévôts fit construire Saint Patrick hors des murs,
quelques centaines de mètres plus loin, et soixante dix ans plus tard. On ajouta
ensuite une chapelle de la Vierge, toujours au XIIème siècle, puis une tour carrée
avec créneaux et clocher pointu. Cromwell, toujours inventif, utilisa la nef comme
écurie pour ses chevaux.
Au XIXème siècle, une restauration fut offerte par la famille Guinness, riche et
soucieuse de mécénat. Le sol est couvert de belles céramiques. La nef est à la fois
élancée et sobre. On y trouve quelques beaux vitraux, et monuments funéraires
d’importance dont celui de l’Honorable Richard Boyle, comte de Cork, et de sa
femme.
Ainsi que la dalle funéraire de Jonathan
Swift, né tout près de là, devenu doyen
de la cathédrale où il fit jouer pour la
première fois le Messie de Haendel ; la
chaire portative dont il se servait pour
prêcher au plus près de ses fidèles est
toujours visible, ainsi que la tombe de sa
"chère Stella", Esther Johnson !
Pêle-mêle, notons la présence d’une
statue de structure brute représentant
saint Patrick qui, la tête en arrière et le
bras tendu, ouvre une main énorme en
direction de Satan et des serpents qu’il
chasse par ce geste.
Puis, une épaisse porte dite de la réconciliation, percée d’une fente par où le
comte James Ormont le Noir et le comte de Kildare purent se serrer la main
en signe de paix retrouvée alors que le second avait été évincé par le
premier du titre de Lord Député !
Dans le chœur sont accrochés quantité de bannières des chevaliers de SaintPatrick, un ordre anglais signalant la fidélité à la couronne, et qui dura jusqu’à
1871. Et sur une stèle les noms, tous anglais, des évêques qui se sont succédés ici.
En sortant de la cathédrale, nous allons jusqu’au mur en arcades où sont inscrits
les noms des écrivains nés à Dublin ; en particulier J. Swift, W .Yeats, J. Joyce,
B. Shaw, S. O’Casey, S. Beckett, E. Dillon, O. Wilde, dont trois obtinrent le prix
Nobel. Pas si mal pour la petite Irlande !
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La distillerie Jameson
Nous traversons la rivière et Kévin nous fait
remarquer de grands immeubles de briques rouges
construits par la famille Guinness pour y loger
décemment leur personnel.
Puis, nous arrivons à la distillerie J. Jameson et
fils, d’énormes bâtiments de brique qui s’étalent sur
tout un secteur de la ville et datent de 1780 !
Le plafond du bâtiment d’accueil s’orne de deux
lustres originaux et volumineux, en cône renversé,
faits de cinq cercles superposés de bouteilles de
whisky vertes. Notre guide est un jeune homme fort
pittoresque, ravi de s’exercer à parler français, et qui
s’inquiète de n’avoir ni le vocabulaire suffisant ni la
prononciation correcte pour se faire bien comprendre.
Il insiste pour avoir un cours pratique et certains
s’emploient à l’aider.
Les étapes successives à observer sont le stockage de
l’orge, puis le maltage, le concassage, l’empattage, la
fermentation, enfin la distillation. Il nous emmène voir
des cuves où tourne un liquide brun, de grands
alambics, et nous explique les traitements successifs
subis par l’orge, et la fermentation du moût, finalement
donné aux vaches.
Il dit qu’ici le whisky subit une triple distillation, puis
mature en tonneaux de vieux chêne venu d’Espagne ou
des États Unis qui lui donnent des arômes de chêne et
de vanille. On peut aussi ne le distiller qu’une fois et le
faire maturer dans des tonneaux de chêne neufs et les
notes parfumées qu’on obtient alors sont différentes.
Nous passons devant une grosse meule qu’il faut toucher par
trois fois si l’on veut être heureux pendant les dix années
suivantes. Qui ne souhaite pas être heureux ? Alors, sans
raison spécifique, notre guide nous déclare : "je déteste les
Anglais". Décidément ! Puis, il précise que le whisky de cinq ans
est beaucoup bu en France avec des glaçons, et qu’on en fait
des cocktails avec du gingembre ; que celui de douze ans est
super, et que celui de dix huit ans ne doit absolument pas être
bu avec du soda ! Car ce serait un crime ! Et il conclut que la
part des anges est ici de dix pour cent, le double de ce qu’elle
est en Normandie : les anges anglais seraient-ils plus portés
sur le whisky que ceux de France ?
A présent arrive le moment de la dégustation que certains attendent
avec impatience ! Nous pouvons goûter la différence entre des whiskys
distillés une ou trois fois, et les dames apprécient en général le cocktail
proposé avec une mesure de whisky pour trois mesures de Schweppes
plus du gingembre et du citron. Chacun ses goûts !
En sortant, nous passons près d’un énorme alambic et
d’une grande cheminée puis de la rue nous pouvons
constater que l’usine est vraiment de taille impressionnante,
avec encore une autre cheminée plus haute et de longs
bâtiments de brique.
Nous parvenons alors à une place où des façades sont
taguées de grandes caricatures. Et nous sommes arrivés à
Maldron Hôtel pour un bon repas un peu plus léger qu’à
l’ordinaire, ce qui n’est pas un défaut !
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Le château de Dublin
Une fois restaurés, nous voilà prêts à visiter le château de Dublin et nous entrons dans une vaste cour
rectangulaire avec quatre frontons et une grosse tour. Nous voyons d’abord les vestiges de l’ancien château du
XIIIème siècle en descendant jusqu’au niveau des fondations et l’eau y affleure, cette eau noire chargée de
tourbe des montagnes qui donna à Dublin son premier nom d’étang noir (Dubh Linn en irlandais).
La rivière entourait le château sur deux côtés, puis un fossé l’isolait et un mur de défense protégeant les Anglais
des Irlandais tenus à l’extérieur. On a retrouvé, dans les soubassements, les restes de la ville viking construite
là sur le même emplacement que choisirent plus tard les anglo-normands en bord de rivière.
Le château fut édifié par Jean sans Terre et muni de hautes murailles défensives ; les représentants du roi s’y
succédèrent pendant plusieurs siècles. C’est toujours ici le centre administratif de l’Irlande mais le château fort
est devenu un palais : incendié en 1684 après l’explosion de la tour des poudres, il fut reconstruit en style
néogothique.
Plus de cinq mille objets retrouvés là ont enrichi le musée de la ville. Donc, nous remontons l’escalier et le temps,
vers le palais géorgien du XVIIIème siècle. Au premier étage du bâtiment principal, où on accède par un escalier
en forme de Y, vivait le vice-roi d’Angleterre jusqu’en 1932. Un grand luxe y règne : les lustres sont de cristal de
Waterfall et les tapis viennent de la manufacture de Donegal.
Une des pièces contient les portraits des sept leaders qui en 1916 tentèrent de proclamer la république
d’Irlande ; vaincus, ils furent tous condamnés à mort et leur chef James Connolly, trop blessé pour tenir debout
fut soigné puis exécuté assis : un souvenir qui reste sensible aujourd’hui encore !
Derrière le château, il y avait le fameux étang noir d’origine, un jardin à présent. Nous passons par une longue
salle avec trois lustres et des colonnes aux deux extrémités où se réunissaient les dames.
Puis par la salle du trône
avec un lustre de bronze
sculpté des trois symboles
mêlés du trèfle, de la rose
et du chardon.
Le trône a plus de deux
mètres de large et de haut,
aux dimensions excessives de
George IV, le roi de ce
temps-là ! Il est orné de
symboles encore, la licorne, le
lion et la harpe.
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Vient ensuite la galerie des portraits, ancienne salle à manger du vice-roi, où quatre miroirs bombés aidaient à
mieux surveiller la salle. Là se réunissaient les chevaliers de saint Patrick qui portaient pour insigne une étoile à
huit branches, et leur chef avait sur sa broche trois cents diamants : en 1907, ce bijou fut volé et on ne le
retrouva jamais ! La dernière salle est celle de saint Patrick où ont lieu toutes les cérémonies officielles.
Son plafond peint est une page d’histoire et ses murs s’ornent de bannières figurant les blasons des familles des
chevaliers de l’ordre. Tous les sept ans est nommé un nouveau président, toujours un Anglais.
Nous quittons le palais pour l’Hôtel de Ville tout proche, dont
nous ne verrons que le superbe Hall en forme de dôme comme un
panthéon, orné de marbres noirs, roses et verts. En son milieu,
une mosaïque représente la paix et la justice ; contre les murs
quatre statues d’hommes illustres, ainsi Th Davis, poète national
; et une représentation du Phénix, suggérant l’éternité au-delà
des destructions. Nous arrivons au musée, un bâtiment très
élégant, avec un grand parc géorgien.
Nous croisons des chariots jaunes emplis d’enfants rieurs
coiffés de casques à cornes de vikings !
Toute l’Histoire de l’Irlande est ici concentrée depuis les temps les plus anciens ; des momies humaines de l’âge
de fer retrouvées dans les tourbières, un bateau primitif redécouvert et restauré en 1902, des bijoux d’or
massif, larges et lourds, bracelets, torques et ceintures, des documents sur les premiers rois d’Irlande, le
célèbre Brian Boru et la bataille de Clontarf de 1014, des graffiti retrouvés sur des bateaux de Vikings, des
pièces de monnaie, des reliquaires, des armes. Il faudrait bien plus de temps pour prendre la mesure de tant de
trésors historiques.
Soirée folklorique au Merry Ploughbots
Mais, c’est impossible et nous rentrons à l’hôtel nous
préparer pour notre soirée au "Merry Plough pub", un long
bâtiment pimpant, fleuri, aux murs blancs agrémentés de
vert sous un toit gris. C’est une énorme structure faite
pour accueillir des cars entiers de touristes, mais nous
serons agréablement surpris car le repas est bon et le
spectacle sympathique.
Pendant le dîner, nous écoutons jouer quatre musiciens de
talent et pleins de fougue ; ils ont pour instruments un
violon, une guitare, une cornemuse, irlandaise bien sûr, une
flûte et un banjo.
Beaucoup de chants, apparemment bien connus, ballades et
complaintes au rythme lent et prenant. Le joueur de
cornemuse joue à merveille, avec subtilité, des possibilités
de son instrument ; et le guitariste chante d’une belle voix
profonde. La salle participe, rythme, applaudit et chante.
Les gens sont visiblement heureux. Les musiciens sont
relayés par des danseurs, deux jeunes gens et trois jeunes
femmes, les garçons vêtus de noir avec des tee-shirts à
motif gaélique, tandis que les filles en collants noirs portent
des robes noires à découpes orange, puis vertes puis bleues.
Ils dansent avec entrain, se succèdent le temps de reprendre leur souffle, et leurs numéros de claquettes sont
d’une belle technicité. Ce sont de vrais professionnels qui méritent les applaudissements que le public leur
accorde avec enthousiasme !
Nous rentrons de nuit à l’hôtel, contents de nous coucher après une journée si dense, même si nous ne
pouvons oublier que notre beau voyage tire à sa fin.
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Mercredi 17 juin 2015 : Dublin  Roissy
Visite de Trinity College : notre objectif, ce matin, sera Trinity College.
Les drapeaux sont en berne pour honorer la mémoire de six jeunes étudiants
irlandais tués dans une université de Californie par la chute d’un balcon : cela
est tellement lamentable ! Ce fut Elizabeth Ière qui permit pour la première
fois en 1592 qu’existe une université en Irlande, réservée aux garçons
protestants uniquement. Les premières femmes n’y entrèrent qu’en 1904,
quatre siècles plus tard ; si la société a évolué, c’est sans précipitation !
En ces lieux ont été tournées quelques scènes des films d’Harry Potter. Il y
a ici environ quinze mille étudiants dont dix pour cent sont étrangers et
paient pour étudier.
Nous allons visiter la bibliothèque, et son trésor, le livre de Kells, une
copie en latin des quatre Evangiles ; cet ouvrage fut copié sur vélin sur l’île
de Iona en Écosse et envoyé à Kells en Irlande, dans le comté de Meath, par
crainte des Vikings. Le plus remarquable dans ce livre de Kells, c’est
l’extraordinaire finesse de ses enluminures et la fraîcheur des coloris; on se
demande encore comment des dessins si minutieux ont été possibles.
D’autres livres anciens et précieux sont également gardés ici, celui de Mullin
du VIIIème siècle, celui d’Armagh contemporain de celui de Kells, celui de
Durrow. Et un étrange et charmant poème écrit au IXème siècle par un moine
suisse de St Gall en l’honneur d’un chat : Pangur Ban, car dit le texte "lui se
charge des souris, moi les mots occupent mes nuits".
Au premier étage, la "longue chambre" est une salle de soixante cinq mètres de long qui contient environ
deux cent mille livres parmi les plus anciens. Ils sont rangés selon leur taille avec un classement alphabétique
et ne sont pas mis en ligne : seuls les chercheurs ont droit d’y accéder.
A l’origine, le plafond était plat mais l’afflux d’ouvrages a obligé à rehausser
sa toiture pour construire une mezzanine pleine de nouveaux rayonnages.
Au milieu de la salle, des tables d’exposition présentent des livres
répondant à un thème changé tous les six mois. Cette galerie est
remarquable encore par sa série de bustes commencée en 1743, et la
présence de la plus ancienne harpe d’Irlande, en bois de chêne et de
saule avec des cordes de laiton.
Pour finir, disons que Trinity College sert depuis 1801 de dépôt légal des ouvrages publiés en Angleterre et en
Irlande et que ses huit bâtiments contiennent plus de trois millions de livres ; et la salle de vente par laquelle
nous sortons après notre visite est particulièrement tentante car pleine de documents séduisants.
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Dehors, dans la cour carrée, un autre bâtiment identique à la bibliothèque lui fait face ; c’est la chapelle où les
étudiants passent leurs examens. Trinity College est une vraie institution qui va changer son nom vénérable en
celui de Trinity College University.
Notre restaurant, ce dernier midi, sera Jury’s Inn où l’on peut boire
de la Guinness, de la bière blonde mais aussi de la bière rousse
Smithwick’s.
Nous voilà de retour le long de la rivière Foyle et nous
découvrons un vieux trois mâts à l’ancre près du quai, le
Jeanie Johnson qui, de 1845 à 1849, fit plusieurs
voyages pour transporter des émigrants affamés vers
les Etats Unis ; il est le seul qui avait un médecin et
dont les passagers ne mouraient pas à bord. Hommage lui
soit rendu !
Nous sommes ici près du port avec sa douane, son bâtiment de stockage du tabac, ses bassins. De là, comme de
Limerick, des bateaux partaient vers le nouveau Monde.
Sur la rive opposée des bâtiments modernes d’architecture originale, l’Easter Bank Group. Et derrière le Jeanie
Johnson, le pont Samuel Beckett, tout neuf, un pont tournant pour laisser passer les grands navires.
Le plus étonnant n’en reste pas moins une sculpture de gens épuisés et faméliques marchant le long du
fleuve, hommes dont l’un porte un enfant à demi mort sur les épaules, femmes aux longues mains ouvertes, et
qu’accompagne un chien trop maigre. Ils avancent, le regard vide, prêts à s’écrouler d’inanition, et les passants
leur mettent des fleurs dans les bras. Rien de plus saisissant que ce cortège de morts-vivants pour rappeler ce
que furent ces années de famine et la honte d’avoir laissé tout ces gens mourir de faim.
La péninsule de Howth : Notre car nous emmène pour une dernière promenade panoramique le long de la côte.
Nous contemplons la péninsule de Howth. Il y avait là jadis un petit village de pêcheurs mais le site a attiré
depuis des habitations plus riches, moins typiques aussi ; à proximité se trouve un des dix meilleurs terrains de
golf au monde, et Kévin, qui même maintenant ne perd aucune occasion de nous instruire, ajoute que l’Irlande
compte quatre cent vingt golfs et quarante rien qu’à Dublin !
Nous faisons une halte en bord de côte pour admirer la baie, une petite péninsule avec un phare et quelques
maisons blanches. Faire à pied le tour de la baie est une promenade du dimanche appréciée. On aperçoit une tour
ronde sur la côte : elle faisait partie d’un dispositif installé quand les Anglais ont craint que Napoléon envahisse
l’île. En huit minutes, par des feux allumés comme signaux du haut des tours, on pouvait alerter jusqu’à Belfast.
Ce fut une précaution inutile comme chacun sait !
Nous revenons vers le port, tout à fait charmant avec ses bateaux de pêche aux coques jaunes ou rouges, ses
tas de paniers à homards, ses mouettes et de petites boutiques où les marins vendent leurs poissons.
Un dernier coup d’œil sur cette vue de carte postale, et nous remontons dans le car ; Seamus nous conduit à
l’aéroport. Cette fois c’est fini ! Au revoir Kévin qui nous a si bien, si longuement, parlé de son pays, et
qui a su nous le faire comprendre et aimer, même si nous y étions prêts par avance. Au revoir l’Irlande, au
revoir, espérons-le !
Bientôt Roissy. Les dernières embrassades ; bon été à chacun en attendant les retrouvailles de Bordeaux...
C’est Jocelyne Bernard qui a tenu la plume et les photos sont de Jocelyne, et d’Annie et
Jean-Paul Gauchet, sur les traces exactes de l’ACDRIEG, début aout 2015 ...
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Liste des participants
Annie et Claude ANDRIOT (Saint-Mandé - 94)
Jocelyne et Alain BERNARD (Pontoise – 95)
Jean-Pierre BERRAUTE (Montbéliard – 25)
Paule et Raymond BOUCLÉ (Chevaigne – 35)
Monique et Lucien DELOCHE (Quéven – 56)
Françoise et Bernard DOUCHET (St Martin d’Uriage – 38)
Odette et Yves GÉROT (Saint Sébastien – 44)
Chantal et Bernard GUÉNIN (Orléans -45)
Maryse et Paul JACQUIER (Tours – 37)
Georges LACOSTE (Dijon – 21)
Nicole BOETSCH et André LINOIS (Marseille – 13)
Maryvonne LAFAYE (St Nazaire – 44)
Jacqueline et Jean-Claude LAGRABETTE (Uzeine – 64)
Marie-Hélène et Jean SYDNEY (Le Puy – 43)
André TRYOËN (Tours – 37)
Nous étions accompagnés de Sylvie (Sélectour MNV)
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