La culture et le handicap

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La culture et le handicap
La culture et le handicap
L’objectif de cet article est de vous faire découvrir différentes perceptions du
handicap selon les cultures et croyances du monde.
Thèmes abordés :
- Concept du handicap et des cultures,
- Histoire du handicap depuis l’antiquité et la création des grandes religions,
- Présentation du handicap et des cultures,
- Vision, perception du handicap dans nos sociétés actuelles.
Mon combat : montrer et démontrer l’importance de reconnaître une personne
souffrant d’une différence et de la considérer à part entière. Le handicap d’une
personne n’est pas son identité, la personne vit avec son handicap. L’identité étant
bien : son prénom, son nom, son origine… on le sait, en ne considérant pas une
personne à part entière cela peut l’amener vers de la solitude imposée pouvant la
conduire vers son plaisir personnel au risque d’en faire une personne addicte.
Cependant, ce qui va nous intéresser ici est bien la culture et le handicap.
Mon ouvrage Entre cultures, croyances… Quels impacts sur le handicap est né
d’interrogation personnelles, de constats au cours de ma carrière de formatrice. En
effet, je m’interrogeais sur le pourquoi que certaines personnes que je suivais en
formation ne souhaitaient pas être autonome, sur le fait qu’il pouvait y avoir des
rejets de leur handicap, de rejets de leur propre personne, des rejets de leur famille
même si pas forcément exprimés… en fait de nombreuses différences selon les
individus ce qui semble normal puisque chacun a sa personnalité, mais, il y a quandmême les grands traits qui interrogent. Aussi, je voulais comprendre pourquoi
certaines familles n’acceptaient pas que l’autre devienne autonome en se déplaçant
seul, que le sujet puisse aller faire des activités de loisirs comme aller au théâtre…
pour nous occidentaux, ce refus d’autonomie nous aurions tendance à le qualifier de
surprotection alors que vis-à-vis de certaines sociétés plus traditionnelles c’est tout à
fait normal car il faut aider l’autre, ne pas le montrer etc.
Mes recherches qui se sont axées sur des lectures, des rencontrer, des témoignages
recueillis m’ont permis de comprendre ô combien ces différences de prises en
compte et de prises en charge si différentes pouvaient être normales. Alors, plutôt
que de garder tout ceci pour moi, j’ai souhaité faire partager en publiant afin que tous
et toutes comprennent bien toutes ces différences.
Concept du handicap et cultures
Le concept du handicap est pluriel puisqu’il n’y a pas un handicap mais des
handicaps.
Chaque culture génère un ensemble de représentations, de croyances… qu’on se
doit de respecter. De fait, le handicap n’est pas perçu de la même manière selon les
cultures et croyances. Mais, à aucun moment il faut juger, penser que c’est nous qui
avons raison…, ce qu’il faut c’est avoir de l’empathie pour l’autre, aider l’autre à
mieux vivre avec sa différence afin de lui rendre une société plus accessible. Aussi,
et je ne le répéterai jamais assez : ne regardez pas la personne avec une différence
ou le tiers qui l’accompagne comme « une bête curieuse » n’allez pas dans de la
pitié…, ayez bien à l’esprit que le regard de l’autre tel qu’il soit génère une
souffrance, une gêne… pouvant amener à un renfermement,un repli sur soi amenant
de fait une solitude pouvant conduire jusqu’à une addiction.
Si vous vous posez la question de savoir ce que signifie le mot culture, voici une
première réponse :
- Dans notre langue le mot culture désigne l’ensemble des connaissances
générales d’un individu. Cependant, d’autres significations sont apparues
notamment après la seconde moitié du XXème siècle comme en 1980 dans le
Petit Larousse où il est précisé qu’en plus de la conception individuelle il y a la
conception collective qui est un ensemble de structures sociales, religieuses,
des manifestations intellectuelles, artistiques… caractérisant une société. En
lisant mon livre Entre cultures, croyances… Quels impacts sur le handicap
vous pourrez comprendre et découvrir ce que sont les cultures. Je rajouterai
en disant que c’est bien à partir de nos expériences personnelles, sociales et
culturelles que nous donnons un sens à ce que nous sommes et que nous
construisons notre identité. Avec ou sans handicap il faut se construire et
permettre à l’autre de se construire comme un sujet à part entière.
On parle de cultures, mais, il faut aussi parler d’inter culturalité qui est la
connaissance et la reconnaissance de l’autre et de soi. Pour aller vers l’autre on
engage un processus de l’autre. Tout étranger n’est pas étranger de la même
manière. Par exemple, un anglais est pour nous français moins étranger qu’un
africain.
Pour aller vers l’autre, il faut se décentrer, pour cela, il ne faut pas avoir de jugement
de valeur, et ne pas regarder sa propre culture.
Dans les différents pays, la personne handicapée a très souvent une image
négative, perçue comme différente des autres, dépourvue de quelque chose
d’essentielle, avec qui il est difficile de communiquer, quelqu’un qui sera
assisté toute sa vie, voire inutile. C’est ainsi qu’il peut y avoir des
comportements d’évitement, de fuite par peur de celui qui est différent ou par
peur de ce qui pourrait arriver, ou encore, peur de mal faire.
Histoire
Dans l'histoire, l'aveugle a toujours suscité beaucoup d'interrogations et de préjugés,
et ce, dans toute l'histoire de l'humanité et des religions.
L'évolution des attitudes à l'égard des personnes handicapées s'est faite de manière
lente et discontinue mais va peu à peu dans le sens du droit à la vie et à la dignité.
Pendant de nombreux siècles, tout comme cela peut encore exister dans certaines
sociétés il revenait aux familles, clans, voisins… de s'occuper des personnes
handicapées, malades, âgées. Ceux et celles vivant dans la solitude étaient et
peuvent encore être voués à la mendicité.
Dans l'antiquité, les personnes handicapées et plus particulièrement les aveugles
étaient abandonnés puisque pouvaient être vus comme objet de dérision et de
mépris. Dans le bouddhisme, par exemple l'aveugle était vu comme un ignorant.
Dans la mythologie grecque on parle de l'aveugle de par le complexe d'Œdipe. En
lisant mon livre entre cultures, croyances, quels impacts sur le handicap ? vous
pourrez mieux appréhender l'histoire du handicap.
Le terme handicap a aujourd'hui remplacé ceux d'infirme, anormal, aliéné, retardé,
inadapté.
Dans l'histoire, les personnes handicapées n'avaient pas accès à l'éducation. Dans
notre pays, ce n'est qu'après la Révolution Française que les sourds et aveugles ont
pu commencer à bénéficier d'un enseignement. Cependant, rappelons que
l'enseignement n'est rendu obligatoire qu'en 1882 grâce à Jules Ferry mais aucune
obligation pour les personnes handicapées même si l'article IV en faisait état.
Il y a eu ensuite développement des classes de perfectionnement pour enfin aboutir
à l'emploi des personnes handicapées.
Le handicap dans nos sociétés actuelles
Dans le Rapport Mondial sur le Handicap, l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) et la Banque Mondiale estiment que plus d’un milliard de personnes vivent
avec un handicap, sous une forme ou sous une autre, soit environ 15 % de la
population mondiale. 110 millions (soit 2,2 % de la population) auraient de très
grandes difficultés. Cependant, on constate des disparités entre les pays puisque
80 % des personnes handicapées vivent dans des pays en voie de développement
(pays émergents) qui sont des pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des
pays développés, mais qui connaissent une croissance économique rapide, et dont
le niveau de vie ainsi que les structures économiques convergent vers ceux des pays
développés. Du concept de tiers-monde après la seconde guerre mondiale, on est
passé à celui de pays sous-développés, puis, à celui de pays en voie de
développement dans les années soixante, toujours utilisé depuis.
Ceci a été confirmé lors de l’assemblée annuelle des Nations Unies qui s’est tenue le
23 septembre 2013 à New-York. À cette occasion Daniela Bas, résumait en disant
qu’il s’agissait du plus large groupe de minorités dans le monde. Au cours de cette
assemblée les chefs d’état et de gouvernement ont adopté un plan d’action destiné à
renforcer les droits des personnes handicapées. C’est quelque chose d’historique, le
texte demandant aux états membres d’inclure la problématique du handicap dans le
programme de développement pour l’après 2015. Si vous lisez mon livre : Vivre avec
une différence, pour qui, quelles conséquences ? pour pourrez découvrir plus en
détail ces difficultés d’accès aux soins et aussi, constater ô combien les femmes sont
bien davantage discriminées et handicapées.
On imagine sans difficulté que l’accès à l’éducation pour les enfants est d’autant plus
difficile, ils sont moins susceptibles d’entrer à l’école, sont moins nombreux à y rester
et à y progresser.
Le Rapport Mondial met aussi en évidence des tendances et évolutions. Le nombre
de personnes handicapées est en augmentation, en partie parce que nous vivons
plus longtemps, et parce que des maladies chroniques comme le diabète et les
maladies cardio-vasculaires sont en augmentation. D’autres facteurs
environnementaux, comme les accidents de la route et les catastrophes naturelles,
contribuent à l’augmentation des chiffres dans certains contextes.
Selon l’OMS, la moitié des personnes vivant avec un handicap dans le monde ne
sont pas en mesure de payer les soins de santé dont elles auraient besoin. On ne
parle pas du manque d’accessibilité des lieux de soins. Tout reste à penser que ces
obstacles pourraient être éliminés si les états menaient des politiques allant en
faveur des personnes handicapées et surtout en les aidant financièrement. Par
exemple, seulement 10 % de personnes ayant besoin d’un fauteuil roulant en sont
dotées, et 200 millions de personnes n’ont pas les moyens de porter les lunettes qui
pourtant nécessaires.
Le handicap touche de manière disproportionnée les populations vulnérables. Aussi,
comme l’indique l’enquête sur la santé dans le monde, les personnes handicapées
souffrent davantage que pour l’ensemble des populations d’infection au VIH, mais,
les accès aux services de lutte contre le VIH aient très largement exclu même si elles
représenteraient approximativement 15,6 % de la population mondiale. Toutefois,
depuis 1994, l’ONG Handicap International s’est investie dans la riposte mondiale au
sida car il s’agit d’une question essentielle de développement. À ce jour, l’infection au
VIH demeure l’une des épidémies les plus invalidantes largement répandue dans le
monde, elle est à l’origine de certaines déficiences, de la limitation des activités et de
la restriction de la participation sociale, ayant ainsi un impact sur tous les aspects de
la qualité de vie des personnes infectées ou affectées par le VIH, incluant la famille
et la communauté dans lesquelles elles évoluent.
De nos jours, selon les pays, les cultures, les croyances… le handicap peut être
vécu comme une fatalité, une punition, ou autre.
- Par exemple, si l'on prend le bouddhisme, en tant que personne handicapée
on a le mauvais sort, on paie les actes que l'on a fait dans la vie antérieure.
Rappelons que dans le bouddhisme on croit en la réincarnation, ce sont les
ancêtres qui donnent la vie, l'existence, notre sang. Dans le bouddhisme on
dit : « l’acte de la violence paie tôt ou tard sa violence ». par rapport au
handicap il y a quelque chose de très supersticieux : il y a le mauvais sort, il
prend l’âme de l’enfant qui lui prend la lucidité de l’esprit. Au nom de la
collectivité on repose l’individu au fond. Ainsi, les familles cachent l'enfant
handicapé.
- Dans certaines castes indiennes comme celle des intouchables, lorsqu’on fait
quelque chose on ne peut faire autre chose, on ne peut pas évoluer dans son
métier. C’est pour cela que dans cette caste si on est handicapé on est exclu
de la société. Je remarquerai que ce n’est pas pour toute l’Inde, puisque
toutes les castes ne sont pas identiques et qu’il y a eu beaucoup d’évolution
notamment déjà durant la colonisation britannique.
- En Afrique, la maladie n'est pas forcément un symptôme mais une cause, la
maladie ou le handicap sont résultat d'un sort jeté sur la personne. Toutefois,
selon les croyances, le vécu, la considération, les prises en charge seront
différentes. En Afrique, le malade est pris dans son environnement le plus
strict contrairement à nos sociétés occidentales où on centre tout sur
l'individu. Si l'on regarde l'Afrique subsaharienne le handicap trouve ses
origines dans la malédiction, l'offense faite aux dieux et surtout dans les
pratiques de sorcellerie faisant que la personne est le plus souvent gardée à
la maison malgré une prise en charge possible de scolarisation dans un
institut spécialisé. Si la personne est cachée c'est parce qu'il ne faut pas
monter la sanction dont on est victime. De fait, on peut dire que la société
traditionnelle handicape la personne puisque n'offre pas une possibilité
d'avenir dans la société. Au Maghreb, la prise en charge du handicap est
collective, malheureusement la notion de développement de l'enfant et/ou de
l'adulte n'est pas intégrée même si des différences selon les formes de
handicap (mental, comportemental, sensoriel…). Cependant, de manière
générale, on observe une influence de la culture moderne dans les grandes
villes où l’on peut rencontrer une famille respectant les cultures traditionnelles
pour la vie quotidienne alors que pour les soins elle se rendra dans un hôpital
et n’ira pas rencontrer un guérisseur. Cette diversité culturelle peut être
nommée acculturation, c’est-à-dire un processus par lequel un individu ou un
groupe d’individus ayant plus ou moins perdu des éléments culturels adoptent
-
des éléments d’une culture étrangère dans une situation de contacts culturels.
Ce phénomène joue un rôle dans les représentations du handicap et de la
maladie.
Quant aux amérindiens, le handicap est une perturbation de l'équilibre.
Si l'on regarde le bloc soviétique, la personne handicapée était aussi cachée,
elle ne pouvait être éduquée ce qui a bien évidemment là encore empêché
une contribution à une quelconque intégration dans la société.
De manière générale, les instituts spécialisés dans les différents pays du
monde sont relativement rares et généralement concentrés dans des grandes
villes voire proches des capitales ce qui rend leur accès bien difficile. Ce qui
aussi à souligner, ces instituts spécialisés lorsqu’elles existent sont rendus
possible grâce à des congrégations religieuses à majorité catholiques, ou
encore, par des ONG. Tout ceci fait qu’un tiers des enfants porteur d’un
handicap ne seraient pas scolarisés même si depuis les années 1990 dans la
majorité des pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de
Développement Économique) des progrès notables ont été réalisés en faveur
d’une plus grande inclusion scolaire visant à mieux adapter l’école à ces
élèves en situation de handicap. pourtant, l’arrivée à l’école est souvent une
des premières expériences de socialisation dans une collectivité. L’école doit
faire en sorte que l’élève reçoive l’éducation suffisante pour obtenir dès le plus
jeune âge une « meilleure connaissance de soi » ainsi l’enfant a le droit à une
véritable existence scolaire, mais le handicap à l’école provoque encore des
préjugés et des réticences.
Il ne va pas sans dire que l’accessibilité à tout pour tous est bien loin d’être
une réalité y compris dans notre pays. Je soulignerai que l’ONU invite ses
états membres à garantir l’égalité des chances et l’accessibilité des personnes
en situation de handicap. en Europe, on ne parle plus de personnes
handicapées mais bien de personnes en situation de handicap ce qui permet
de ne pas se focaliser uniquement sur le handicap mais de considérer les
obstacles empêchant une personne handicapée de s’intégrer dans la société.
L’Union Européenne tend à unifier les législations des différents pays
membres. C’est notamment grâce à cela que les bus et autocars doivent être
équipés de rampes d’accès et d’espace à l’intérieur pour accueillir un fauteuil
roulant, que des contrastes de couleurs sont imposés pour faciliter la vie du
déficient visuel et les stations annoncées vocalement. Remarquons que ces
aménagements facilitent la vie de tout le monde, par exemple, combien de
personnes plongées dans leur bouquin le ferme brutalement en entendant le
nom de leur station.
Je n’en n’ai pas parlé, mais, quand il y a handicap notamment dans certaines
formes doit être pris en compte la notion de pudeur qui est un sentiment de
gêne qu’éprouve une personne à se montrer nue. Cela exprime les
conséquences profondes psychiques de la personne. La pudeur est un
sentiment qui s’applique à des contextes culturels différents. La notion de
pudeur peut renvoyer à la religion et au culturel. Selon le Petit Larousse «
territoire de ce qui est tout à fait privé, qui n’est pas public, qui est secret ». la
pudeur doit aussi prendre en compte les phénomènes socio-culturels. En
Afrique par exemple, le regard direct d’un non-familier est vécu chez la plupart
comme une agression. Il faut l’éviter afin de prévenir les émotions qui
conduiraient à un conflit.
La pudeur trace une frontière virtuelle entre les civilisation occidentales et
orientales. Aussi, en Asie, le sourire sert à exprimer le comportement et
masquer le chagrin. Leur pudeur interdit de les montrer, et à la mort d’un
parent, un japonais sourit alors qu’un français pleure. Pour en savoir plus je
vous invite à lire mon livre : Entre cultures, croyances… Quels impacts sur le
handicap ?
Conclusion
Je terminerai ce propos en disant que faire évoluer le handicap c’est prendre
en considération les transformations de la société, faire bouger les politiques
publiques tout en faisant participer la société en établissant des
transformations sociales. Ceci est quelque chose qui doit se faire sur le
terrain, c’est d’ailleurs ce que tentent à faire certaines associations et/ou
sociétés.
La construction identitaire que l’on doit faire doit se fonder sur des valeurs. Il
ne faut pas mettre dans des cases, des moules ce qui fabrique du handicap
voire du sur-handicap. il faut valoriser la place qu’a l’autre malgré une
différence puisque, on est de toute manière tous différents les uns des autres.
Comme je l’explique dans mon dernier ouvrage Vivre avec une différence,
pour qui ? Quelles conséquences ? en ne considérant pas une personne
différente de la majorité c’est l’enfermer dans sa solitude avec toutes les
conséquences que cela engendrent. La société handicape vu les obstacles
qu’elle met face à la personne handicapée.
La situation de handicap ne fait que révéler la forme de relations sociales. La
situation de précarité que connaissent la majeure partie des personnes
handicapées retourne les capacités en incapacités.