Dissertation préparée par Mlle Mona Hamouche SUJET : PEUT

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Dissertation préparée par Mlle Mona Hamouche SUJET : PEUT
Dissertation préparée par Mlle Mona Hamouche
SUJET : PEUT-ON REPROCHER A L’ART D’ETRE INUTILE ?
Définition et analyse des termes du sujet
Peut-on : a-t-on la possibilité, est-il possible ? ; a-t-on le droit  est-il légitime ?
On : opinion  attitude immédiate, irréfléchie (qui recherche spontanément l’utilité, l’efficacité)
Reprocher : blâmer, accuser, condamner
 on suppose que l’art ne correspond pas à une certaine norme, qu’il déroge à une valeur, à un idéal
 L’art semble avoir dérogé à l’idéal ou à la norme d’utilité : l’inutilité est considérée comme un défaut
 Exigence pour l’art de prendre une attitude défensive (apologétique) et de se justifier, de justifier son
existence et sa pratique : le reproche d’inutilité interroge la raison d’être de l’art :
 Si l’art est inutile, perdrait-il de ce fait sa raison d’être ?
Art : Issus de la même étymologie grecque, « technè », qui signifie la maîtrise d’un savoir-faire et la
fabrication d’objets utiles ou beaux, l’art et la technique ont longtemps été confondus : les Grecs les
assimilaient comme relevant de la même activité de production d’objets. Avec la modernité, art et
technique sont dissociés : désormais, la technique désigne tous les procédés de fabrication d’objets
utiles à la vie et l’art qui relève de l’esthétique se caractérise dès lors par sa gratuité, son désintérêt à
l’égard des besoins et nécessités de la vie. L’art devient alors la création d’œuvres belles.
Inutile : ne sert à rien ; inefficace, vain, improductif  perte de temps
Est utile ce qui remplit la fonction d’outil ou d’instrument  est un moyen en vue d’une fin qui le
dépasse
 L’art serait-il alors un simple instrument pour accéder à une finalité supérieure ou au contraire
n’est-il pas à elle-même sa propre fin ?
INTRODUCTION
Nous avons hérité de l’univers technoscientifique qui cherche à exercer une action de plus en plus
efficace sur le monde, et de la société de consommation qui vise une productivité accrue afin de
satisfaire des clients de plus en plus avides et exigeants, des valeurs à l’aune desquelles nous jugeons
l’ensemble de l’activité humaine. Ainsi, devrions-nous répondre dans chacune de nos actions aux
exigences d’utilité, de rentabilité, d’exploitation du temps et des ressources, d’accroissement des profits
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et des intérêts, etc. Néanmoins, sommes-nous autorisés, au nom d’un idéal d’utilité, à condamner
l’art, activité gratuite et désintéressée qui crée des œuvres belles, affranchies de toute utilité ? Est-il
légitime de refuser à l’art toute raison d’être sous prétexte qu’il déroge aux normes d’utilité et
d’efficacité ? Par ailleurs, l’utilité est-elle une valeur absolue ? (problématique)
PLAN
I- L’art est inutile au sens de l’efficacité pratique et de la productivité
Du point de vue de l’utilité au sens de ce qui sert à atteindre une finalité ou à accomplir une tâche, l’art
serait un luxe vain ou un jeu futile. En effet, si l’on prend l’utilité au sens d’efficacité, de productivité, de
rentabilité, d’action concrète qui a une incidence effective sur la réalité, l’art n’est pas utile comme le
travail, la technique, l’économie, la politique, la science ou la médecine, etc. : il n’est pas capable
d’assurer les besoins élémentaires qui permettent à l’homme de survivre : ni produire sa nourriture, ni
aménager son habitat, ni fabriquer ses outils, ni lui assurer de meilleures conditions de vie… L’art ne
produit pas non plus l’argent, ni le pouvoir, ni le confort, ni la santé ; même l’art le plus engagé ne peut
vaincre la violence et l’injustice.
Ainsi, jugée à l’aune du pragmatisme, valeur dominante de la modernité, la gratuité de l’art peut lui être
reprochée comme un défaut et remettre en question sa raison d’être : s’il ne sert à rien, l’art a-t-il
encore le droit d’être ?
Transition
Néanmoins, si l’art n’est pas efficace au même titre que la technique, peut-on considérer pour autant
qu’il ne sert à rien ? S’il n’est pas utile, est-il pour autant in-utile ? et faut-il le condamner pour cela ?
II- L’« in-utilité » de l’art n’est pas vanité
Si l’art ne sert pas à – assurer la subsistance de l’homme, fabriquer des outils, produire la richesse ou la
santé – c’est que l’art n’est pas au service d’une finalité qui le transcende et dont il ne serait qu’un
moyen, mais répond à des attentes proprement humaines, affectives ou spirituelles. En effet, dès
l’introduction de son Esthétique, Hegel exprime « l’universalité du besoin d’art ». L’art répondrait ainsi à
un « besoin » inhérent à l’humanité, en l’occurrence, celui de traduire dans la matière l’esprit qui fait sa
spécificité par rapport à l’ensemble de la nature. En effet, Hegel pense l’art comme moment et modalité
de réalisation de l’Esprit : par l’art, l’Esprit se représente à lui-même et prend conscience de lui-même.
L’art serait ainsi pour Hegel la synthèse de la nature et de l’esprit, une manifestation sensible de l’Esprit
ou encore une expression de l’Esprit dans la matière.
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Ainsi, en créant la beauté, l’art procure aussi bien à celui qui le pratique qu’à celui qui le perçoit un
plaisir tel qu’il rend la vie meilleure, plus humaine. Ainsi, selon Aristote, le plaisir esthétique éprouvé par
le spectateur (d’une tragédie) a un effet cathartique lui permettant de vivre les sentiments de crainte et
de pitié en représentation et ainsi de s’en libérer. De même, René Huyghe assigne à l’art la valeur la plus
hautement humaine en l’affranchissant de toute visée pragmatique et en lui conférant une double
fonction : celle de « représenter » afin de lutter contre l’évanescence des choses et de l’existence, afin
de se rendre immortel, et celle d’« exprimer » une intériorité qui sans l’art serait restée secrète,
solitaire, silencieuse voire muette. En effet, l’artiste peint, sculpte ou écrit non pour réaliser un dessein
extérieur à son art mais essentiellement afin d’exprimer ce que le langage ordinaire, prisonnier des
préoccupations de la vie courante, ne lui permet pas d’exprimer, mais aussi ce qu’il n’est pas donné à
tous les hommes de pouvoir exprimer.
Ainsi, si l’art n’est pas utile comme le travail qui permet à l’homme de gagner sa vie ou comme la
technique qui permet de maîtriser la nature, l’art n’est pas pour autant inutile ou vain : il permet à
l’homme d’exprimer ou de retrouver ce qui, en lui, est le plus essentiellement humain. C’est en ce sens
que Hannah Arendt déplore que la modernité réduise toutes les activités humaines y compris l’art,
activité culturelle par excellence, assurant la plus grande durabilité au monde, au travail, activité
soumise aux nécessités vitales et ainsi à la cyclicité du processus vital. Une telle réduction menace à ses
yeux la culture et l’humanité.
III- L’art : l’activité la plus sérieuse
Dans la perspective de Nietzsche, l’art n’est pas une activité au même titre que les autres, il est le lieu où
s’exprime la dimension tragique inhérente à toute vie. En effet, loin d’être, comme la science ou la
philosophie, une fuite du tragique de la vie dans la sécurité du concept ou dans un quelconque arrièremonde1, l’art est une assomption de ce tragique de l’existence. L’art suppose l’implication existentielle
de l’artiste et met à l’épreuve de la souffrance son auteur. L’artiste est celui qui éprouve dans son
existence même cette douleur fondamentale d’être. L’art n’est donc pas une activité vaine ni une simple
distraction mais un moment vital de l’existence et une modalité authentique de vivre : plutôt que de fuir
le tragique de la vie, l’art l’incarne et l’exprime. En rendant la vie belle, il permet aussi d’en guérir. Ainsi,
contre Hegel qui pense l’art comme un moment du processus rationnel, destiné à être dépassé,
Nietzsche considère que l’art se tient en-deçà de toute rationalité, au niveau de la couche la plus
profonde, celle de la vie elle-même, celle de l’instinct, force aveugle et irrationnelle ; en ce sens, l’art est
indépassable, il se refuse à toute récupération par la rationalité du concept. Dans ces conditions, l’art
est plus sérieux que la pensée conceptuelle qui s’exerce dans la sphère de l’objectivité, celle du
détachement et de la neutralité affectifs, voire du mépris de la vie. L’art est l’activité la plus sérieuse qui
soit parce qu’il s’identifie à la vie elle-même.
1
Le monde des Idées de Platon ou la vie éternelle des religions monothéistes

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