LETTRE - ds avocats

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LETTRE - ds avocats
LETTRE
DU DEPARTEMENT SOCIETES
DROIT DES SOCIETES, FUSIONS-ACQUISITIONS, DROIT DU FINANCEMENT
DECEMBRE 2013
EDITORIAL : BILAN 2013
Pour celles et ceux qui n’auraient pas eu le temps de lire, pour celles et ceux qui ont
bien lu mais qui n’en souviennent plus, pour celles et ceux qui n’ont pas lu mais s’en
souviennent quand même ...voici le meilleur de l’année pardon ….le « best of »
commentaires des arrêts qui nous ont paru les plus topiques de l’orientation du droit
pris dans les sujets les plus graves en 2013.
Le droit est en perpétuelle évolution non pas seulement en raison de l’incontinence
législative mais aussi du fait de l’approche nouvelle que les tribunaux font des règles
de droit dont tout laissait à penser que leur interprétation, parfois séculaire, était
coulée dans le bronze.
Au-delà d’un simple revirement la jurisprudence est reflet de la société vers laquelle
on évolue.
Toute l’équipe du département sociétés vous souhaite une bonne lecture et une
prospère et heureuse année 2014.
1
RENFORCEMENT DES SANCTIONS PENALES POUR
CERTAINS DELITS DE DROIT DES SOCIETES
Certains délits du droit des sociétés qui
sont es fraudes aux droits des associes
viennent de voir leur sanction
lourdement aggravée.
Désormais les abus de biens sociaux,
abus de pouvoirs, abus de voix,
distribution de dividendes fictifs ou
présentation de comptes sociaux
infidèles pourront entraîner pour les
dirigeants de SARL et de société par
actions une peine complémentaire
d’interdiction des droits civiques, civils
et de famille.
TRIBUNAL COMPETENT EN MATIERE DE STOCKOPTION
Cass.soc 24 septembre 2013 n°12.15.678
L’octroi de stock-option constitue un
droit accessoire du contrat de travail
et naturellement tout laisse à penser
que les litiges y afférents sont de la
compétence
du
conseil
des
prud’hommes
La solution est plus complexe car il
faut distinguer selon que le litige porte
sur les conditions d’attributions ou
d’acquisition
qui
sont
de
la
compétence
du
conseil
des
prud’hommes et les litiges qui sont liés
a sa qualité d’actionnaire et qui sont
de la compétence du tribunal de
commerce.
ENTRE DEUX GARANTIES IL FAUT CHOISIR
Cass Com 14 mai 2013 n°12.15.119
L’affaire soumise à la cour de
cassation est intéressante en ce
qu’elle recadre le bénéficiaire de la
garantie qui a rédigé dans le même
acte à la fois une garantie de prix et
une garantie de passif stricto sensu et
qui entendait profiter des deux
garanties pour la même raison. La
convention d’indemnisation prévoyait
en effet .qu’ à titre de garantie d’actif,
toute diminution des valeurs d’actif
ayant servi de base à la cession
entrainera pour le cédant une
obligation
de
versement
au
bénéficiaire d’une somme équivalente
à cette réduction. Cette garantie est
stipulée au profit du cessionnaire.
Mais
le
cessionnaire
entendait
également que la société cédée
puisse agir cette fois au titre de la
garantie de passif de sorte qu’elle soit
aussi indemnisée.
La cour de cassation confirmant un
arrêt de la cour de Colmar rappelle
que « la prétention du cessionnaire au
bénéfice de chacune des deux
garanties méconnait la détermination
clairement dissociée de l’élément
couvert et de son bénéficiaire »
En d’autre terme dès lors que la
somme versée est au profit du
cessionnaire ce ne peut être qu’une
réduction du prix si la somme est
versée à la société ce ne peut être
qu’une garantie de passif. On sait que
cela reste équivoque car les sommes
reçues par la société cédée peuvent
être
fondée sur sa qualité de
mandataire pour le compte du
cessionnaire (la société bénéficiaire,
objet de la cession, n’étant pas partie
à l’acte) ou sur son droit propre au
paiement par exemple lorsque la
somme réclamée correspond à un
abus de biens.
Dans l’espèce la cour a considéré que
s’agissant de trois dettes non inscrites
au bilan la garantie se traduisant par
ce
versement
constituait
une
stipulation pour autrui au bénéfice de
la société qui disposait d’un droit
directe contre les cédants.
2
LIQUIDATION AMIABLE ET
CONTRIBUTION AUX PERTES DANS LA
SARL
Cass Com 8 octobre 2013
A la suite d’une liquidation amiable un
associé avait perçu un boni de
liquidation. Mais un passif est survenu
postérieurement à cette répartition le
liquidateur est recherché. La cour
d’appel déboute le demandeur au
motif qui ignorait ce passif au moment
de la clôture n’avait pas commis de
faute. La cour de cassation censure la
cour d’appel qui, selon elle, aurait du
rechercher si les sommes perçues par
l’associé (semble-t-il unique) au titre
de la reprise de ses apports et du boni
de liquidation dont elle constatait la
répartition permettaient à celui-ci de
s’acquitter de la dette sociale dont le
paiement lui était demandé. Ainsi en
cas de répartition du boni l’associé
reste tenu du passif social dans la limite
de ses apports mais reste tenu aussi
dans la limite des sommes reçus
indument au titre du boni de
liquidation.
REFUS DE VOTER UNE AUGMENTATION
DE CAPITAL ET ABUS DE MINORITE
Ca PARIS 5 septembre 2013 n°11/08180, pôle 5
ch 5.
En
refusant
de
voter
une
augmentation
de
capital,
un
actionnaire minoritaire qui invoquait
son risque de forte dilution, commet un
abus de minorité.
Cet arrêt est l’illustration que les abus
de minorité sont à chaque fois cas
d’espèce. Les circonstances étaient
en
l’espèce
les
suivantes :.
L’augmentation de capital contre
laquelle l’actionnaire avait voté était
indispensable à la survie de l’entreprise
dont les capitaux propres étaient
devenus inférieurs à la moitié du
capital
social.
Or
l’opération
d’augmentation
se
faisait
par
compensation
avec
le
compte
courant de l’associé majoritaire alors
que le minoritaire devait souscrire en
numéraire.
Mais ce qui semble avoir surtout pesé
dans la décision du tribunal puis de la
cour est que la minoritaire s’opposait
car il ne voulait pas être dilué. En
mettant en avant des considérations
personnelles l’associé minoritaire a
commis un abus de minorité.
Les deux critères de l’abus de minorité
étaient donc réunis : La position du
minoritaire est dictée par un intérêt
personnel au détriment des autres
associés (volonté de ne pas être dilué)
et est contraire à l’intérêt de la société
(survie de l’entreprise sans autre
alternative).
CESSION D ACTION ET CLAUSE DE NON
CONCURRENCE REMUNEREE
Cass Com 8 octobre 2013 n° 12.25.984
La validité d’une clause de non
concurrence prévue à l’occasion
d’une cession de titre est valable si elle
est limitée dans le temps et dans
l’espace et proportionnée aux intérêts
légitimes à protéger.
La question de la contrepartie
financière ne se pose que si
l’actionnaire avait au moment de sa
souscription au capital la qualité de
salarié de la société qu’il s’est engagé
à ne pas concurrencer.
En l’espèce l’associé n’était devenu
salarié que postérieurement à son
entré au capital de la société. La cour
de cassation casse en conséquence
l’arrêt de la cour d’appel qui avait
annulé la clause de non concurrence
au motif qu’elle n’était pas rémunérée
alors que le salarié était actionnaire
avant d’être salarié.
3
REVOCATION DU PDG ET POURSUITE DU
CONTRAT DE TRAVAIL
Ca Paris Pôle 6, 5ème ch.,3 octobre 2013 n° S
11/10 540
Le cumul d’un contrat de travail et
d’un mandat de PDG s’il est possible
soulève
parfois
des
difficultés
inattendues
notamment
quand
l’entreprise est en difficulté. Dans le
cas soumis à la Cour une révocation
d’un mandat social avait été
immédiatement suivie d’une rupture
du contrat de travail qui lui-même
avait été suspendu pendant le
mandat social. La société ayant été
mise en redressement judiciaire le
conseil d’administration avait décidé
de révoquer le PDG mais avait mis
deux conditions suspensives à cette
décision : la mise en liquidation
judiciaire
de
la
société
et
l’entérinement de cette révocation
par l’assemblée. Ces deux conditions
étant réalisées le PDG reçût alors une
lettre de licenciement pour motif
économique mais la créance salariale
de cet ex PDG fut rejetée par le
mandataire
liquidateur.
En
fait
curieusement c’est dans les conditions
de la révocation que se trouve la
difficulté En effet c’est l’assemblée qui
a révoqué le PDG or elle a été réunie
alors que par l’effet du dessaisissement
issu de la procédure collective seul le
mandataire liquidateur avait le pouvoir
de réunir l’assemblée. Le PDG étant
irrégulièrement révoqué son contrat
de travail était toujours en sommeil et
son licenciement impossible.
INOBSERVATION D’UN PACTE ET NULLITE
DES DECISIONS PRISES PAR LES
ORGANES DIRIGEANTS
CA Paris ch5-8 1er octobre 2013 n°12/17788
Un pacte avait organisé la répartition
de pouvoirs dans une SA à directoire
et conseil de surveillance. Mais en
violation de ce pacte le conseil de
surveillance avait pris une décision non
conforme à la répartition des pouvoirs
ainsi instaurés. En l’espèce il était
convenu que l’actionnaire
aurait
deux représentants au conseil de
surveillance lequel devait autoriser les
investissements importants.
La cour d’appel refuse d’annuler les
décisions prises en violation du pacte ,
rappelant que l’article L 235-1 al 2 du
code de commerce limite la nullité des
actes et délibérations pris par les
organes d’une société en cas de
violation d’une disposition impérative
du Livre II dudit code ou des règles qui
gouvernent les contrats . En revanche
la violation du pacte peut ouvrir droit à
l’allocation de dommages et intérêts
Dans la même affaire l’actionnaire
invoquait l’irrégularité des décisions
pour dépassement de la limite d’âge
des membres du conseil…La cour
d’appel rappelle que par application
des articles L225-70 et L225-78 du code
de commerce la sanction est la nullité
des nominations mais qu’il appartient
à celui qui l’invoque de faire désigner
un mandataire à l’effet de procéder
aux nominations régulières.
L’ARTICLE 1843-4 DU CODE CIVIL ET LA
CLAUSE D’EARN OUT .
Com., 26 fév. 2013 n°11-27.521
Une clause d’earn out était prévue
dans une cession d’actions. Un prix
avait été fixé mais devait être révisé sur
la base d’un bilan établi par un tiers
dans les trois mois de la cession.
Les cessionnaires n’acceptèrent pas le
prix définitif fixé par le tiers et assignent
les cessionnaires.
Un expert judiciaire, nommé par le
juge, détermina un prix avantageux
pour les cédants.
Les cessionnaires firent appel puis
formèrent un pourvoi en cassation en
estimant que la nomination de l’expert
par le juge était contraire aux
dispositions impératives de l’article
4
1843-4 qui prévoit la nomination d’un
expert nommé d’un commun accord
par les parties ou à défaut par le
président du tribunal.
La cour de cassation rejette le pourvoi
et rappelle les conditions d’application
de l’article 1843-4 du Code civil.
Dès l’instant où la vente est parfaite le
recours à l’expert de l’article 1843-4
n’est plus possible. Tel est le cas, à
partir du moment où il y a accord sur
la chose et sur le prix.
On en déduit que, en l’espèce la
vente étant parfaite, la clause d’earn
out ne remet pas en cause le
caractère déterminé ou déterminable
du prix de vente et le recours à 1843-4
du code civil n’a pas à s’appliquer.
L’ARTICLE 1843-4 ET LE DROIT DE PREEMPTION
CA Paris pôle 5 ch 8 ,4 décembre 2012
Un pacte stipulait que si, à l’occasion
d’une cession d’actions, un tiers
cessionnaire n’était pas agréé, les
autres membres du pacte
préempteraient ses actions selon « un
prix déterminé chaque année lors
d’une réunion tenue en début
d’année par les membres du pacte
statuant à la majorité simple, et à
défaut d’accord, par un expert
désigné par le cédant et encore en
cas de désaccord, par un collège
d’experts ».
Selon la cour d’appel cette clause est
contraire à 1843-4 du code civil et
d’en tirer les conséquences : non
seulement la clause est nulle mais la
vente l’est également.
LES OBLIGATIONS ENTRE ASSOCIES
Le devoir de loyauté très limité de
l’associé.
Com., 19 mars. 2013 n°12-14.407
Un associé, détenteur de 40% des
actions d’une SARL avait constitué une
société exerçant la même activité. La
SARL assigne l’associé estimant qu’il ne
pouvait exercer une activité
concurrente.
La SARL est déboutée et la cour de
cassation rejette le pourvoi formé par
la SARL. Elle rappelle que le principe
est que l’associé d’une SARL peut
exercer une activité concurrente. Elle
pose deux limites à cette liberté :
concurrence déloyale,
clause statutaire interdisant à un
associé d’exercer une activité
concurrente.
NON RENOUVELLEMENT D’UN MANDAT SOCIAL :
RESPECT DU CONTRADICTOIRE
La libre révocabilité des dirigeants
sociaux n’autorise pas tout
CA Paris, 29 janv. 2013 n°11/22612
Un directeur général délégué (DGD)
est nommé pour un an avec une
possibilité de renouvellement de son
mandat. Quelques jours avant
l’expiration de son mandat, un conseil
d’administration a lieu. Au cours de
celui-ci, le DGD est appelé afin qu’il
expose ses observations sur le
renouvellement de ses fonctions. Le
lendemain, on lui annonce la-non
prolongation de son mandat.
Le DGD assigne la société pour rupture
abusive. La cour d’appel commence
par rappeler qu’il n’existe pas un droit
au renouvellement du contrat des
mandataires sociaux. En revanche elle
précise que la société pourra engager
sa responsabilité en cas de rupture
abusive.
Celle-ci est caractérisée soit, par les
circonstances du non renouvellement
(humiliantes ou vexatoire) soit, en cas
du non respect du principe du
contradictoire.
Dans la présente affaire, les juges ont
estimé que l’intéressé n’ayant pas reçu
une convocation avec l’ordre du jour
avant la tenue du conseil
d’administration, le principe de la
contradiction n’a pu être respecté. La
société devait donc réparer le
préjudice moral subi par le DGD.
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CUMUL DES FONCTIONS DE MANDATAIRES AVEC
UN CONTRAT DE TRAVAIL
Petite structure et cumul ne font pas
bon ménage.
CA Paris, 1 fév. 2013 n°10/15662
Une personne entendait cumuler ses
fonctions de gérant avec un contrat
de travail au sein d’une SARL composé
de 3 salariés.
La cour d’appel refuse ce cumul. Elle
rappelle que le cumul est possible si
deux conditions cumulatives sont
remplies :
techniques, différentes des fonctions
de gérant,
-salarié est placé dans un
état de subordination.
Elle précise que cette preuve sera
d’autant plus difficile à apporter que
la société en question est petite. Dans
une petite structure, en effet le gérant
est amené à effectuer un nombre de
taches très importantes et il sera
difficile d’identifier des taches qui ne
relèvent pas de sa fonction de gérant
mais relève de son « contrat de travail
».
En l’espèce, la cour relève que les
statuts prévoyaient que « le gérant
serait investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toutes
circonstances », clause incompatible
avec un lien de subordination dans
une structure aussi petite.
UNE CONVENTIION « NORMALE » !
CA Paris Pôle 5 ch 5 18 octobre 2012
L’arrêt cité porte sur les conventions
réglementées visées à l’article L.225-38
et L.225-39 du Code de commerce.
Rappelons que dans son principe
toute convention passée entre la
société et les personnes dirigeantes
visées par le Code doivent
préalablement avoir été soumise à
l’autorisation du conseil
d’administration.
Mais l’article L.225-39 exclut de cette
procédure les conventions portant sur
des opérations courantes et conclues
à des conditions "normales".
Or qu’est ce que la normalité ?
Chacun conviendra que la définir in
abstracto est une entreprise périlleuse
car en fait cela dépend de chaque
cas.
Dans l’espèce soumise à la Cour
d'appel de Paris il a fallu d’abord
vérifier que l’opération était courante
et pour cela la Cour a considéré que
la signature d’un contrat d’exclusivité
entre un laboratoire d’analyse et une
clinique était une opération courante.
Mais quid de sa normalité ?
Sur ce sujet, la Cour prend deux
positions intéressantes.
1°) Elle se prononce sur celui qui a la
charge de la preuve de la normalité.
La Cour répond très clairement que
l'article L.225-39 du Code de
commerce étant une exception au
principe posé par l’article L.225-38 du
même code, c’est à « celui qui se
prévaut de cette exception »
d’apporter la preuve que les
conditions d’anormalité sont réunies.
La clinique se plaignant que les
conditions de conclusion du contrat
sont anormales, c’est à elle d’en
apporter la preuve.
2°) L’espèce était particulière car les
anciens dirigeants et actionnaires de
la clinique (également dirigeants et
actionnaires du laboratoire) avaient,
avant de la céder, modifié à leur
avantage le contrat d’exclusivité avec
le laboratoire, dans lequel ils
conservaient des intérêts.
La Cour répond que le texte
sanctionne des conventions conclues «
à » des conditions anormales et non «
dans » des conditions anormales et
rejette la demande en nullité de la
convention.
6
Ainsi, les conditions de normalité
concernent les conditions d’exécution
de la convention et non les conditions
dans lesquelles celle-ci a pu être
conclue. Cela mérite une attention
particulière lors des audits et dans la
rédaction des actes de cession surtout
quand les mêmes personnes
contrôlent les deux sociétés liées par
contrat.
UN ASSOCIE « NORMAL »
Cass.Com 11 juin 2013 n°12-22-296
Quoi de plus normal que de s’associer
avec quelqu’un qui partage avec
vous un « affectio societatis » ?
Cela étant, quelle est la place de
l’affectio societatis dans la formation
d’un acte emportant cession de droits
sociaux ?
L’espèce n’est pas sans intérêt. Un
associé majoritaire souhaite partager
le contrôle de la société avec de
nouveaux associés.
Après la réalisation des conditions
suspensives, le majoritaire refuse de
céder aux nouveaux associés
, au motif que l'affectio societatis avec
ces derniers faisait défaut.
La Cour rappelle que si l’affectio
societatis est bien une condition de
formation du contrat de société, ce
n’est pas pour autant une condition
requise pour la formation d’un acte
emportant la modification de la
composition du capital. Ce principe
connait toutefois une exception :
l'exercice de la clause d’agrément
statutaire.
Bref, il est normal de caractériser
l'affectio societatis à la constitution de
la société, mais cela n'est plus
nécessaire pendant la vie de la
société.
Notons cependant que dans la
société unipersonnelle, l’affectio
societatis est pris en compte lors de
l’entrée d’un deuxième associé que
ce soit par cession ou par apport de
titres. (Cf. Cass. Com. 8.3-2005 n°389 à
propos d’un manque d’affectio
societatis lors d’une levée d’option
d’achat d’actions).
UNE AUGMENTATION DE CAPITAL AVEC
UNE PRIME D’EMISSION « NORMALE »
Cass Com ,16 avril 2013
Nos avons déjà évoqué dans une
précédente lettre la nullité de
l’augmentation de capital, réalisée au
mois d’août par surprise pour éviter la
présence d'un opposant, par
compensation avec des créances des
associés.
L’arrêt visé mérite d’être souligné car il
traite du sujet sensible de la prime
d’émission normale.
C’est un sujet sur lequel la doctrine et
la jurisprudence ont peine à prendre
des positions de principe.
En effet, la prime d’émission est
l’affaire des associés qui évaluent le
prix à payer pour avoir accès à des
actions ou des parts sociales
nouvellement créées. Cette survaleur
des titres au regard du nominal est
estimée à partir de nombreux
paramètres : valeur des brevets et
marques non comptabilisées au bilan,
plus values latentes notamment
immobilières, valeur du fonds de
commerce non réévalué, perspectives
d’évolution, etc. Il n’y a pas de liste
exhaustive en la matière.
Pour cette raison, la loi n’a édicté
aucune règle. La jurisprudence, quant
à elle, s’est montrée prudente. Dans
un ancien rapport annuel, l'ancienne
autorité boursière (aujourd'hui appelée
AMF) avait rappelé « qu’elle n’a pas à
se prononcer sur le montant d’émission
arrêté par le conseil » mais avait émis
des réserves lorsque le montant des
capitaux propres est inférieur au
capital social.
On remarque que l'autorité boursière
était prudente dans sa formulation car
elle savait que les capitaux propres ne
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sont pas le seul critère de la valeur
intrinsèque des titres.
Il serait anormal de ne justifier la prime
que par les réserves existantes.
La Cour de Cassation (Cass. com. 12
mai 1975 n° 74-10 363 Bull. Civ., IV,
n°129) avait soulevé les mêmes
problématiques. Tout est affaire de
circonstances.
Dès lors, l’anormalité de la prime réside
non pas seulement dans le fait que les
capitaux propres sont inférieurs au
capital social mais dans les
circonstances qui ont entouré
l’augmentation ainsi décidée.
En l’espèce, certes les capitaux
propres étaient inférieurs à la moitié du
capital social mais cela est insuffisant
pour critiquer la prime. En revanche,
fixer une prime dans le but exclusif de
dissuader les minoritaires de suivre
l’augmentation ou de les diluer voire
de les exclure, voilà qui est anormal.
Cet arrêt est dans la lignée de la
jurisprudence de 1975 précitée où
l’assemblée avait voté une
augmentation de capital sans
suppression du droit préférentiel de
souscription des actionnaires mais en
fixant le prix de souscription de
manière très élevée de manière à leur
faire renoncer implicitement à leur
droit de souscription.
L’anormal, c’est l’intention qui soustend l’acte.
CONTRAT D’APPORT ET PROCEDURE
COLLECTIVE
Cass Com. 19 février 2013 (non publié au
bulletin)
La Cour de cassation n'attache pas la
même importance aux arrêts non
publiés au Bulletin qu'à ceux qui y sont
publiés.
Ce cas mérite cependant d’être
signalé.
Une société civile agricole s’était
engagée à apporter sa récolte à une
coopérative.
La société civile étant mise en
redressement judiciaire, ce contrat
d’apport est-il un contrat en cours
auquel l'administrateur judiciaire peut
mettre fin sur le fondement de l’article
L.622.13 du Code de commerce ?
La Cour de cassation juge que « le
contrat d’apport, fut-il lié au contrat
de société, constitue un contrat en
cours dont l’administrateur judiciaire
peut exiger la continuation ou la
résiliation ».
La solution paraît cohérente dans le
cas particulier du contrat d’apport de
production agricole à une
coopération car il s’agissait bien d’un
contrat à exécution successive.
Mais la Cour de cassation, dans son
attendu, ne donne pas dans la
nuance …Alors qu’en sera-t-il pour un
contrat d’apport en nature ou en
numéraire pour la création d’une
société ou une augmentation de
capital ?
Si la Cour de cassation a voulu édicter
un principe (ce qui reste à démontrer),
alors cela signifie que l’associé en
redressement judiciaire qui a pris un
engagement d’apport à une société
tierce peut en être dégagé par le biais
de l’article L.622.13 du Code civil.
Autrement dit la loi sur les procédures
collectives l’emporte sur le Code civil
dont les dispositions sur les sociétés
sont d’ordre public. En résumé, l'article
L.622.13 du Code de commerce est
plus fort que l'article 1832 du Code
civil, ce qui reste à confirmer mais qui
doit inciter le juriste à la prudence
quant à la solvabilité de l’apporteur
…Ne faut-il pas qu’il fasse des
déclarations sur le sujet ?
ACTION UT SINGULI
Cass.com, 19 mars 2013 n° 12-14.213
L’article L.225-252 du Code de
commerce réserve aux actionnaires,
soit individuellement, soit en se
regroupant, soit par une association
prévue à l’article L.225-120 le droit
8
d’intenter une action sociale en
responsabilité contre les
administrateurs ou le directeur général,
pour obtenir réparation du préjudice
subit par la société.
Cette action, dite action ut singuli, est
donc strictement encadrée par la loi.
La Cour de cassation rappelle qu’en
aucune façon elle ne peut être
engagée contre une société tierce,
quand bien même elle serait à
l’origine du préjudice.
MODIFICATION STATUTAIRE CONTRAIRE
A UNE DISPOSITION LEGALE IMPERATIVE
LE PIEGE DE L’UNANIMITE : KAFKA AU
ROYAUME DES SAS .
Cass.com 9 juillet 2013 n°11-27.235
Cass. com .9 juillet 2013 n°12-21.238
Les circonstances de ces deux arrêts
relatifs à la même affaire montrent
combien il est parfois difficile de se
sortir d’une rédaction statutaire
malheureuse.
Une SAS avait inscrit dans ses statuts
une clause d’exclusion avec cette
précision que la personne dont
l’exclusion est soumise au vote de
l’assemblée ne pouvait pas participer
au vote.
Sans difficulté, l’associé ainsi exclu a
fait valoir la jurisprudence bien établie
selon laquelle cette clause des statuts
est réputée non écrite sur le
fondement de l’article 1844 alinéa 1
du code civil.
Pour tenter de se sortir de ce mauvais
pas, deux procédures ont été
engagées :
société avait imaginé de proposer à la
personne exclue qu’une nouvelle
assemblée se prononce mais en
prenant en compte cette fois-ci le
droit de vote de l’intéressé.
La cour de cassation rejette
l’argument au motif que les statuts ne
le prévoient pas et que le président
n’a pas le pouvoir d’aller à leur
encontre et ce même pour se mettre
en accord avec le droit.
Il a alors proposé de modifier les
statuts.
Mais pour modifier la clause
d’exclusion, il faut l’unanimité qui ne
peut pas être atteinte sans le vote de
la victime désignée qui n’a pas le droit
de vote en vertu des statuts.
En effet la modification d’une clause
statutaire d’exclusion relève de la
compétence exclusive des associés
statuant à l’unanimité (Art L 227-19 du
code de commerce) y compris dans
l’hypothèse où cette clause serait
contraire aux dispositions impératives
de la loi.
société, estimant alors que le
caractère réputé non écrit de la
clause la dispense de l’unanimité des
associés, demande au juge
d’ordonner la suppression de la clause
litigieuse comme contraire aux
dispositions légales impératives.
Là encore, la cour de cassation rejette
l’argument car il n’appartient pas à la
justice de se substituer aux organes de
la société.
La cour écarte également l’argument
de l’absence de grief puisque même
s’il avait participé au vote l’exclusion
aurait été votée.
AUGMENTATION DE CAPITAL
CONDITIONS DE REALISATION : C’EST
L’ASSEMBLEE QUI DECIDE
Cass.com.25 juin 2013 n°12-17.583
Une assemblée générale
régulièrement convoquée décide
d’une augmentation de capital par
apport en numéraire.
L’un des associés libère son apport en
partie par un chèque de banque et
en partie par compensation avec une
créance qu’il prétend détenir sur la
société telle que cette possibilité lui est
offerte par l’article L 225-128 du code
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de commerce. Ayant contesté la
libération par compensation pour
motif d’inexistence de la créance
invoquée par l’actionnaire, la société
en conclu que l’actionnaire ne peut
disposer des actions nouvelles créées.
L’actionnaire considère qu’il doit
recevoir les actions correspondant aux
sommes libérées par son chèque de
banque ce que lui refuse
catégoriquement la société.
La Cour de Cassation confirme la
position de la société en considérant
que le contrat de souscription, qui
prévoyait une libération intégrale des
apports au jour de la souscription, n’a
pu être formé, compte tenu du défaut
de consentement pur et simple sur un
élément essentiel du contrat de
souscription : les modalités de
libération des apports.
Pour qu’il eût satisfaction l’actionnaire
aurait du remplir deux bulletins de
souscription : un libéré par le chèque
de banque l’autre libéré par
compensation.
Dans cette hypothèse, soit sa créance
sur la société était certaine liquide et
exigible et il recevait les actions
souscrites par les deux bulletins, soit la
créance supposée ne remplissait pas
ces conditions et alors il recevait les
actions souscrites au titre du bulletin
libéré par le chèque de banque et
celui là seulement.
ACTIVITE CONCURRENTE DE L’ASSOCIE
Cass. Com. 10 septembre 2013 n°12-23.888
Après avoir cédé le contrôle d’une
SAS, un associé resté très minoritaire
avait constitué une société
concurrente avec de nouveaux
associés et répondu à un appel
d’offres en concurrence avec la SAS
dont il avait cédé le contrôle.
La cour d’appel avait jugé que la SAS
est fondée à considérer que son
associé minoritaire avait à l’égard de
la société un devoir de loyauté, lui
interdisant de soumissionner à un
appel d’offres en concurrence avec la
SAS.
L’arrêt est cassé au motif que, sauf
stipulation contraire, l’associé d’une
SAS n’est pas, en cette qualité, tenu de
s’abstenir d’actes de concurrence
déloyale. Il en aurait peut-être été
autrement s’il avait eu d’autres
fonctions dans la société.
ASSOCIES VICTIMES D’UN ABUS DE
BIENS SOCIAUX
Cass Crim 5 juin 2013 n°12-80.387
Pour obtenir réparation d’un abus de
biens sociaux, l’associé doit justifier
d’un préjudice propre, distinct du
préjudice de la société et découlant
directement de l’infraction.
Aussi, la cour de cassation a-t-elle
refusé la constitution de partie civile
d’un associé qui demandait
réparation d’un abus de biens sociaux
en invoquant un préjudice moral, que
la cour d’appel lui avait pourtant
reconnu, sans établir qu’il s’agissait
d’un préjudice personnel.
SOCIETE EN FORMATION
Cass.com 11 juin 2013 n°11-27356
Les engagements souscrits
antérieurement à l’immatriculation
d’une société ne peuvent être repris
par la société que s’ils ont été conclus
pour le compte de la société en
formation, ou conclus par la société
elle-même préalablement à son
immatriculation au registre du
commerce et des sociétés. A défaut,
les contrats litigieux doivent être
annulés.
Il est donc prudent que celui qui
engage la société pendant cette
période délicate soit non
seulement investi des pouvoir
d’engager la société mais aussi
qu’il ne manque de faire préciser
qu’il agit « pour le compte de la
société en formation.
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