Chap 3 - 32 - Les politiques conjoncturelles
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Chap 3 - 32 - Les politiques conjoncturelles
3.2 – L’ETAT DOIT-IL INTERVENIR POUR REGULER LES FLUCTUATIONS CONJONCTURELLES ? Introduction : 1. Lorsqu’un choc économique survient, les équilibres macroéconomiques sont mis à mal. Si la croissance effective dépasse la croissance potentielle, l’inflation menace et le commerce extérieur risque d’être déficitaire car l’économie perd en compétitivité. Si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, le chômage augmente avec le risque d’une remise en cause de la cohésion sociale et une spirale déflationniste prix-salaires. 2. Que doit faire l’Etat face à cette situation ? Pour les économistes libéraux, le marché est le mieux à même pour rétablir l’équilibre. La variation des prix et des salaires devrait suffire à inverser la tendance. Ainsi, en cas de chômage, l’offre de travail étant supérieure à la demande, le salaire réel devrait baisser ce qui incitera les entrepreneurs à embaucher davantage et certains travailleurs à renoncer à chercher un emploi. L’offre de travail diminuant et la demande de travail augmentant, l’équilibre sur le marché du travail sera restauré et le chômage disparaîtra. L’intervention de l’Etat n’est donc pas nécessaire. Cependant, ce raisonnement microéconomique ne fonctionne pas forcément au niveau macroéconomique car la baisse des salaires réels va provoquer une baisse de la demande et de la production qui va amener les firmes à licencier les travailleurs en surnombre. Le chômage appelle le chômage et la dépression risque de s’accentuer. L’intervention de l’Etat est donc nécessaire pour J.M Keynes. Comment doit-il intervenir ? Avec quels moyens ? Pour quels objectifs ? A – Les effets des fluctuations sur les grands équilibres macroéconomiques a) – Un instrument d’analyse de la conjoncture : le carré magique 1. La conjoncture correspond à un état de l’économie à un moment donné. Cet état est repéré par la situation des grands équilibres macroéconomiques en matière de production d’emploi, de prix et de commerce extérieur. L’économiste anglais Nicolas Kaldor l’a mis en évidence à l’aide du « carré magique » qui est bâti à l’aide de quatre indicateurs : Le taux de croissance du PIB (hausse du PIB en volume sur un an) ; ; Le taux de chômage (chômeurs/population active x 100) ; Le taux d’inflation (hausse de l’indice des prix sur une année) ; Le solde du commerce extérieur (Exportations – Importations de biens et de services). Années 1960 : Années 1970 : Années 1980 : Années 1990 : Années 2000 : Dans les années 1960, l’économie française connait une forte croissance (Les Trente glorieuses selon Jean Fourastié) qui s’accompagne d’un faible taux de chômage, d’une inflation « rampante » qui n’empêche pas le commerce extérieur d’être à l’équilibre. Dans les années 1970, à la suite des deux chocs pétroliers, la croissance ralentit et le taux de chômage débute sa longue ascension parallèlement à l’inflation. Cette « stagflation » contredit temporairement la courbe de Phillips qui établissait une corrélation inverse entre inflation et chômage. Dans les années 1980, dans un contexte de libéralisation et de mondialisation des économies, les politiques de désinflation compétitive, en ralentissant la croissance et en accélérant la montée du chômage, provoquent une baisse du taux d’inflation qui ne bénéficie pas encore au commerce extérieur. Dans les années 1990, les « Vingt piteuses » (Nicolas Baverez) se confirment. La croissance s’affaiblit davantage ce qui conforte un chômage de masse, à la fois conjoncturel et structurel. L’inflation reste à un niveau très bas et le commerce extérieur dégage un excédent important. Au cours des années 2000, la succession des crises financières et les politiques de lutte contre le surendettement de l’Etat affaiblissent encore la croissance. Le chômage repart à la hausse à la fin des années 2000 ce qui maintient l’inflation à un niveau bas mais insuffisant pour empêcher le commerce extérieur de devenir déficitaire. b) – Les déséquilibres macroéconomiques rendent l’intervention de l’Etat nécessaire 2. Pour les économistes libéraux, classiques et néo-classiques, le marché devrait rétablir rapidement les déséquilibres apparus à la suite d’un choc. En cas de choc négatif, le ralentissement provoque du chômage. L’offre de travail devenant supérieure à la demande de travail des entreprises, le salaire réel va diminuer ce qui va diminuer le coût salarial et inciter les entrepreneurs à embaucher jusqu’à retrouver le plein-emploi. La flexibilité des salaires rend donc le chômage temporaire. Phase de récession Hausse du chômage Baisse des salaires réels Hausse des exportations Hausse de la compétitivité-prix Reprise de la croissance Désinflation Hausse de la consommation Baisse des coûts unitaires Hausse du pouvoir d’achat En cas de choc positif, la forte croissance engendre de l’inflation. La hausse des prix diminue le pouvoir d’achat des ménages ce qui diminue leur consommation alors que les entrepreneurs sont incités à investir pour offrir plus. L’offre de biens devient supérieure à la demande et les prix baissent. Le marché, grâce à la flexibilité des prix, rétablit ainsi automatiquement l’équilibre. Phase d’expansion Baisse du chômage Hausse des salaires réels Baisse des exportations Baisse de la compétitivité-prix Phase de ralentissement Hausse des coûts unitaires Inflation Baisse de la consommation Baisse du pouvoir d’achat En conséquence, l’Etat n’a pas à intervenir dans l’économie pour corriger les déséquilibres observés. L’Etat doit se contenter de ses tâches « régaliennes », celles de l’Etat-Gendarme : l’Armée, la Police, la Justice et, éventuellement, les infrastructures non rentables qui dégagent des externalités positives. 3. Cependant, John Maynard Keynes a démontré qu’il peut très bien y avoir équilibre sur le marché des biens et persistance du chômage car le niveau de la production d’équilibre (offre de biens) peut être insuffisant pour employer tous ceux qui recherchent un travail. Face à cet équilibre de sous-emploi, le marché ne peut rien faire. Seul l’Etat, en relançant la demande, peut obtenir un niveau de production de plein-emploi. 4. En cas de déséquilibre économique, le marché n’est donc pas capable de rétablir rapidement la situation. Les agents économiques qui réagissent aux variations des prix prennent des décisions rationnelles au niveau microéconomique qui ont des effets pervers au niveau macroéconomique. Ainsi, en période de récession, le recul de l’activité économique engendre chômage de masse et baisse du pouvoir d’achat des ménages. Logiquement les ménages vont accroitre leur épargne de précaution pour faire face aux incertitudes de la conjoncture. Ce faisant, ils ralentissent leur consommation, ce qui accroit la baisse de la production et de l’emploi. Parallèlement, les entreprises anticipent le recul de l’activité, stoppent leur projet d’investissement et se séparent d’une partie de leurs salariés ce qui accroît la crise. La mévente des produits et l’importance du chômage favorisent la baisse des prix et des salaires réels. L’économie entre en déflation. Les tensions sociales et politiques augmentent et remettent en cause le « laissez-faire ». La lenteur de l’ajustement de l’économie par la déflation a été soulignée par J.M. Keynes qui déclarait en 1931 : « A long terme, nous sommes tous morts ». Face à la paralysie des entreprises et des ménages qui, tétanisés par la peur de l'avenir, ne veulent ou ne peuvent plus investir et consommer, seul l'Etat dispose de la capacité d'emprunter et de dépenser. Il va donc adopter un plan de relance qui consiste à accroître les dépenses publiques afin d’accroître la demande et la production. Offre > Demande Surproduction Anticipations négatives Réduction de l’emploi et montée du chômage Baisse des prix Baisse des salaires réels Déflation Hausse de l’épargne de précaution Baisse de la consommation De même, en cas de croissance économique effective trop forte par rapport au potentiel de croissance de l’économie, des tensions inflationnistes peuvent se manifester et être à l’origine d’un cercle vicieux aux conséquences néfastes. L’inflation se traduit en effet par une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie, qui mine la confiance qu’ont les agents en elle, et par une perte de compétitivité-prix au niveau international, ce qui peut avoir des effets négatifs sur les échanges extérieurs et donc la production réalisée à l’intérieur du pays. Elle a également pour effet, si les revenus n’augmentent pas au même rythme que les prix, de provoquer une baisse du pouvoir d’achat des ménages qui pourrait être source de ralentissement de l’activité. Elle provoque enfin, lorsqu’elle n’est pas compensée par une hausse des taux d’intérêt, des transferts de richesse des prêteurs, épargnants notamment, vers les emprunteurs. L’Etat va alors adopter des plans de rigueur pour freiner la demande et ralentir la hausse des prix. B – Les politiques conjoncturelles budgétaires et monétaires a) – Qu’est-ce qu’une politique conjoncturelle ? 1. Les politiques économiques recouvrent l’ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics dans l’économie. Elles sont caractérisées par la hiérarchisation des objectifs poursuivis et par le choix des moyens mis en œuvre pour les atteindre. 2. Les politiques conjoncturelles visent des objectifs à court terme de rétablissement des grands équilibres macroéconomiques. Elles sont essentielles au moment des retournements de la conjoncture, en vue d’échéances électorales ou encore face à la pression de l’opinion publique. Les objectifs principaux des politiques économiques conjoncturelles sont ceux mis en évidence graphiquement par le « carré magique » proposé par Nicolas Kaldor : le plein-emploi ; la croissance ; l’équilibre des échanges extérieurs et la stabilité des prix. L’État devient ainsi une sorte « d’auxiliaire » du marché, en tentant, par son intervention, d’orienter l’activité économique dans un sens jugé souhaitable. Elles peuvent prendre des formes différentes en fonction des « outils » utilisés. Les politiques budgétaires visent, par l’intermédiaire du niveau et de la structure des recettes et des dépenses publiques, à influer sur l’activité économique. Ainsi, par exemple, une augmentation des dépenses publiques peut accroître la demande, ce qui poussera les entreprises à augmenter leur niveau de production. Les politiques monétaires ont pour objectif de contrôler le niveau de la masse monétaire, et donc indirectement le niveau de l’inflation. Depuis 1993, les politiques monétaires ne sont plus de la responsabilité des États en Europe, mais des banques centrales nationales, réunies depuis au sein de la Banque centrale européenne (BCE). 3. Les politiques structurelles sont, quant à elles, des politiques de long terme, qui visent une modification profonde du fonctionnement de l’économie. Elles tendent à modifier les grandes institutions en charge de la régulation des activités économiques et sociales, ainsi que les comportements des agents économiques dans un sens jugé souhaitable par la collectivité. Ce sont donc des politiques qui cherchent plus à influencer les conditions d’offre que les conditions de demande. Dans une optique néo-classique, elles cherchent à libéraliser les marchés, alors que, dans une optique keynésienne, elles cherchent à renforcer le poids de l’intervention publique sur ces marchés. 4. Qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles, les politiques économiques sont obligatoirement transformées par l’intégration économique et politique qui se fait dans le cadre de l’Union européenne. Politiques économiques Politique structurelle Politique conjoncturelle Politique budgétaire Politiques incitatives Politique monétaire Politique visant à rendre l’économie compétitive Politique de relance ou politique de rigueur Politique conjoncturelle Baisse des taux d’intérêt de la Banque centrale (politique monétaire) Dévaluation de la monnaie nationale (politique monétaire) Augmentation des réserves obligatoires (politique monétaire) Baisse de l’impôt sur le revenu (politique budgétaire)… Politique réglementaire Politique structurelle Privatisation des entreprises (politique réglementaire) Loi sur la réduction du temps de travail (politique réglementaire) Crédit d’impôt pour les firmes innovatrices (politique incitative) Déremboursement de certains médicaments (politique incitative) b) – Les politiques budgétaires de relance 1. Le Budget de l'Etat au sens large est l'ensemble des comptes, pour une année civile, qui retracent toutes les dépenses et toutes les recettes des administrations publiques (Etat central, collectivités territoriales, Sécurité sociale). Le budget de la Sécurité sociale est supérieur au budget de l’Etat central. Les dépenses publiques comprennent : Les dépenses de fonctionnement (consommations intermédiaires) et le paiement des salaires des fonctionnaires ; Les transferts économiques et sociaux aux ménages et aux entreprises (subventions, prestations d’assistance comme le RSA, prestations d’assurance comme les retraites…) ; Les investissements publics consacrés aux infrastructures publiques (Ecole, route, canaux…) ; La charge de la dette (Le paiement des intérêts de la dette). Les recettes de l’Etat au sens large correspondent aux prélèvements obligatoires : Les recettes fiscales : impôts directs assis sur les revenus et le patrimoine (impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, l’ISF, la CSG…) et les impôts indirects assis sur la consommation (TVA, TIPP…). Une partie des impôts est attribuée à l’Etat central (Impôt sur le revenu, TVA). Une autre partie aux collectivités territoriales (Taxe d’habitation, impôt foncier…). La CSG est versée à la Sécurité sociale. Les cotisations sociales : elles sont assises sur les salaires et sont payées à la fois par les salariés (cotisations salariales) et par les employeurs (cotisations patronales). Elles alimentent le budget de la Sécurité sociale. 2. Le budget de l'Etat peut présenter un solde excédentaire, équilibré ou déficitaire : Si les dépenses définitives sont supérieures aux recettes, le budget est en déficit ; Recettes de l'Etat Dépenses de l'Etat Déficit du budget Si les dépenses sont égales aux recettes, on parle d’un équilibre budgétaire ; Si les dépenses définitives sont inférieures aux recettes, le budget est en excédent. Recettes de l'Etat Dépenses de l'Etat Excédent du budget En France, le budget est en déficit depuis la crise des années 1970. Il est resté inférieur à 3% du PIB entre 1970 et 1992 puis il a dépassé ce seuil autorisé par le pacte de stabilité entre 1992 et 1997 avant de revenir dans les "clous" entre 1997 et 2008. La crise de 2008-2009 l'a fait plonger à plus de 8% du PIB. Déficit public et dette publique en France (en % du PIB) 3. Une récession (diminution sur au moins deux trimestres consécutifs du PIB), ou un ralentissement de la croissance du PIB, provoque, en général, un déficit du budget public en diminuant les recettes fiscales et sociales (diminution des profits des entreprises, ralentissement des revenus des ménages, diminution des dépenses, diminutions des cotisations dues à la montée du chômage) et en augmentant les dépenses publiques (plus de chômeurs, de pauvres à secourir). Il s'agit d'un « déficit conjoncturel ». Pour les économistes libéraux, l’Etat doit gérer son budget comme un bon père de famille. Le budget de l’Etat doit être équilibré car l’Etat n’a pas à intervenir dans l’économie qui est régulée par le marché. Lorsqu’un déficit conjoncturel surgit, l’Etat doit tout faire pour le résorber en augmentant les impôts ou en réduisant les dépenses publiques (baisse des salaires des fonctionnaires...). Après la crise de 1929, ces politiques déflationnistes ont été suivies par le président des Etats-Unis, Herbert Hoover, jusqu'en 1932, par Pierre Laval en France en 1934-1935 et en Allemagne de 1930 à 1932 par Heinrich Brüning. Elles accentuèrent la crise en déprimant davantage l’activité. John Maynard Keynes est un économiste britannique, né en 1883, mort en 1946, qui va révolutionner la pensée économique en publiant la "Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie" (1936). Il se situe au niveau macro-économique et raisonne à court terme pour s'opposer aux politiques libérales qui ne font qu’aggraver le chômage. Pour Keynes, le marché n’est pas capable de rééquilibrer automatiquement une économie nationale et d'assurer le plein emploi, il faut que l'Etat intervienne avec pour objectif d'atteindre le plein emploi. Au niveau budgétaire, il doit : Laisser les stabilisateurs automatiques jouer : le déficit du budget, creusé par la récession, soutient la demande car les dépenses publiques vont être supérieures aux recettes. Le déficit est temporaire car la relance va engendrer une augmentation des recettes fiscales (davantage de TVA, d'impôt sur le revenu ou les bénéfices) et une diminution des dépenses sociales (moins de chômeurs) qui va diminuer le déficit budgétaire. Lancer des plans de relance volontaires si la crise est importante : en augmentant les dépenses pour les investissements publics ou en augmentant les dépenses sociales, l’Etat va enclencher le phénomène du multiplicateur qui va démultiplier les dépenses et l’augmentation de la production. Le principe du multiplicateur repose sur le principe d’un effet revenu : la dépense d’un agent engendre un revenu pour un autre agent qui va lui-même dépenser, et ainsi de suite. Pour faire face à ce surcroît de demande publique, les entreprises ajustent à la hausse leur niveau de production, créent des emplois et investissent ce qui, en retour, soutient la demande privée, enclenchant ainsi un cercle vertueux. Hausse de la consommation Investissement public Hausse de la demande Hausse de la production Hausse des revenus Plein emploi des capacités Hausse de l’épargne (Fuite) 4. Ainsi, à la suite de la crise de 2008-2009, les pays du G20 ont décidé de plans de relance simultanés. Même les marchés, généralement hostiles à tout interventionnisme de l’État se sont mis à vanter ses mérites. D’abord parce que les gouvernements ont été les seuls à même de déployer une capacité financière suffisante pour renflouer un secteur financier aux abois. Ensuite, parce que les mesures publiques de relance ont joué un rôle crucial d’amortisseur de choc, en palliant l’insuffisance de demande privée et en redonnant ainsi de l’oxygène à la croissance mondiale. L’impulsion fut non seulement massive mais aussi coordonnée au niveau mondial, dans un élan de coopération internationale salutaire, ce qui en a décuplé l’efficacité. Ainsi, les États ont permis d’éviter le pire en s’érigeant en rempart contre un possible effondrement du système financier et en se substituant à une demande privée défaillante suivant en cela les préceptes enseignés par Keynes. Stabilisateurs automatiques Baisse des recettes fiscales Hausse des dépenses publiques Plan de relance = déficit budgétaire Soutien à l’investissement Relance dans les autres pays Soutien à la consommation Hausse des importations Hausse de la demande interne Hausse des exportations Multiplication de la demande globale Reprise de la croissance Création d’emplois c) – Les politiques monétaires de relance 1. La monnaie est un moyen de paiement accepté par tous, directement utilisable pour effectuer des règlements sur un marché au sein d’un espace monétaire donné. La monnaie est donc totalement liquide (elle efface la dette immédiatement sans coût de conversion) et repose sur la confiance qu’ont les agents économiques en sa capacité à assurer les transactions. 2. La politique monétaire est « l’ensemble des moyens mis en œuvre par un État ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de la quantité de monnaie en circulation ». Aujourd’hui, dans la plupart des pays développés, les banques centrales, qui sont en charge de la politique monétaire, sont indépendantes des gouvernements ; c’est notamment le cas de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Réserve Fédérale américaine (FED). Les banques centrales sont devenues indépendantes à la fois pour des raisons politiques (absence d’interférence du pouvoir politique sur la politique monétaire) et pour des raisons économiques (interdiction de financer le déficit budgétaire par de la création de monnaie). La politique monétaire a deux objectifs principaux : La lutte contre l'inflation : Le principal objectif de la BCE est de maintenir, au sein de la zone euro, l’inflation annuelle au dessous, mais à un niveau proche, de 2 %/an, sur le moyen terme. Le soutien à la croissance : la banque centrale américaine, la Fed, a donné la priorité à cet objectif au cours des années 1990-2000 et la BCE lui a emboité le pas après la crise de 2008 au risque d'encourager la naissance de bulles spéculatives sur les marchés financiers et le marché du logement. 3. La Banque centrale intervient sur le marché monétaire pour prêter de la monnaie centrale aux banques, moyennant paiement d'un intérêt et, presque toujours, en contrepartie d'une créance détenue par les banques (bons du Trésor, effets de commerce, devises). Elle peut donc contrôler la création de monnaie des banques de quatre façons : En définissant la liste des créances que la Banque centrale est prête à acheter. Plus la liste des « titres éligibles » est longue, plus les banques de second rang pourront faire des crédits et inversement. Ainsi, dans le cadre de la politique d'assouplissement des conditions de crédit (« Credit easing »), la Banque centrale se porte acheteuse « de titres représentant des crédits à l'économie : billets de trésorerie, obligations privées, bons hypothécaires... » En définissant le volume de crédit qu’elle est prête à accorder aux banques pour une période donnée. C’est la politique d’Open Market. La BCE propose par appel d’offre aux banques, à intervalle régulier, le rachat (ou la vente) d’une quantité de titres de créance contre de la monnaie centrale à un taux appelé décidé par elle en fonction de sa politique. Elle procède de deux façons : BCE Vente de titres aux banques Achète des titres aux banques Hausse des liquidités disponibles et baisse du taux d’intérêt du marché monétaire Baisse des liquidités disponibles et hausse du taux d’intérêt du marché monétaire Soit par les achats fermes sur appel d'offres, la banque centrale décidant du volume de titres à court terme qu'elle est prête à acheter en fonction de sa politique monétaire (le taux de refinancement est le taux plancher du marché interbancaire) ; Soit par la prise en pension pour une durée limitée, à la demande des banques qui vendent leurs titres contre promesse de rachat aux taux des prises en pension (le taux du prêt marginal est le plus élevé du marché interbancaire, le taux plafond). Ces opérations d'Open Market permettent des ajustements instantanés des taux d'intérêt, pour de courtes périodes, alors que les autres techniques de politique monétaire sont utilisées moins fréquemment. Quand la banque centrale veut réduire la « base monétaire », elle peut vendre des titres (généralement des emprunts d'État courts ou des bons du Trésor) aux banques ; cela se traduit par une augmentation marginale du loyer de l'argent et une réduction de la liquidité du système bancaire. À l'inverse pour augmenter la circulation d'argent, la banque centrale achètera des titres appartenant aux banques, contre paiement auprès d'elle-même, ce qui implique l'entrée en circulation d'argent que les banques pourront prêter à leurs clients. En définissant son taux d’intérêt directeur d’intervention au jour le jour sur le marché monétaire. Elle le fait de façon discrétionnaire en fixant le taux de refinancement soit en intervenant sur le marché monétaire en achetant ou en vendant des titres monétaires. En déterminant le taux des réserves obligatoires. Les réserves obligatoires sont les sommes d’argent, provenant des dépôts des clients, que les banques sont obligées de déposer sur leur compte à la Banque centrale. Plus le taux est élevé et moins les banques disposent de monnaie centrale pour garantir leurs crédits. Il est à l’heure actuelle de 2%. Les outils de la politique monétaire Action sur les liquidités Action sur le taux d'intérêt Taux de réserves obligatoires Achat ou vente de titres Coût du crédit plus ou moins élevé Les banques peuvent accorder plus ou moins de crédits Les banques vont disposer de plus ou moins de liquidités Les agents économiques vont demander plus ou moins de crédits 4. Une politique monétaire de relance consiste donc à injecter des liquidités dans l’économie pour inciter les banques à augmenter leurs prêts aux agents économiques et à baisser ses taux d’intérêt pour inciter ces derniers à recourir davantage au crédit. A la suite de crise de 2008-2009 et du crédit crunch qui en a résulté, les banques centrales n’ont pas hésité à injecter des quantités très importantes de liquidités dans leurs économies et a diminuer très fortement leurs taux d’intérêt directeur. Elles ont même eu recours à des politiques non conventionnelles appelées aussi assouplissement quantitatif, (« quantitative easing » en anglais) qui consistent en l'acquisition d'actifs qui peuvent être des titres de créances obligataires, ou des actifs plus risqués comme des dettes dites d'agences. C’est l'équivalent moderne de la planche à billet, pour les banques centrales, en plus sophistiqué dans ses modalités, toutefois. Ainsi la Banque Centrale se met à acheter des bons du trésor (ce qui revient à prêter à l'État) et d'autres titres financiers : elle met donc de l'argent en circulation dans l'économie et augmente ainsi les réserves du secteur bancaire. Cette politique a permis d’éviter que la récession se transforme en dépression. Taux directeurs des banques centrales des Etats-Unis (Fed), de la zone euro, de l’Angleterre et du Japon (en %) Enquête sur l’évolution de la demande de crédit dans la zone euro Hausse de la consommation Politique monétaire de relance Hausse de la croissance Hausse des crédits Hausse des investissements Baisse des taux d’intérêt directeurs Baisse du taux d’intérêt proposés par les banques Création d’emplois 5. Cependant, le contrôle de la Banque centrale sur la création monétaire est limité. En effet, la création de monnaie par les banques de second rang dépend des décisions d'emprunt des agents économiques. S'ils ont confiance dans l'avenir et si la croissance économique est forte, ils ne vont pas hésiter à emprunter de la monnaie. Inversement, une récession et une perte de confiance dans l'avenir se traduira par une moindre demande de crédit. Dans ce schéma, la monnaie est « endogène », car elle résulte d'une demande propre au système économique (celle exprimée par les entreprises et les particuliers qui demandent des crédits auprès des banques ou émettent des titres que celles-ci achètent) et non pas de la volonté de la banque centrale. Dans un tel système de création de monnaie, la capacité de la banque centrale à contrôler la monnaie et donc à pouvoir conduire une politique monétaire est remise partiellement en question car la Banque centrale est bien obligée de refinancer les banques qui ont fait des crédits à leurs clients. Ainsi, si les demandes de crédit ont augmenté en 2010 et 2011, ce qui a relancé l’activité économique, ce n’est plus le cas en 2012 malgré la faiblesse des taux d’intérêt car le retour de la récession n’incite pas les entreprises à investir et les ménages à accroître leur consommation. 6. En conclusion, lorsque la croissance de la demande globale ralenti, voire devient négative (récession), l’écart entre la croissance effective et la croissance potentielle se creuse. Les politiques conjoncturelles peuvent soutenir la croissance effective. Elles consistent en une politique budgétaire de relance par une hausse du déficit du budget de l’Etat et une politique monétaire expansive de soutien à l’investissement et au système bancaire par la baisse du taux d’intérêt et/ou l’injection de liquidités. Ainsi, à l’occasion de la crise de 2008, les banques centrales américaine et européenne – la Fed et la BCE - ont abaissé très rapidement leurs taux d’intérêt directeurs et ont fourni la liquidité demandée par le marché. Les Etats ont laissé se creuser les déficits publics et ont en général mis en œuvre des plans de relance. En conséquence, les agents économiques ont pu recourir à nouveau au crédit pour financer leurs dépenses de consommation et leurs investissements. La hausse des dépenses publiques a déclenché le phénomène du multiplicateur qui a provoqué une hausse de la demande et du PIB en 2010-2011 (reprise). Politique de relance Politique budgétaire Politique monétaire Déficit du budget Baisse du taux d’intérêt …………… Hausse de la demande Croissance du PIB Création d’emplois Baisse du chômage d) – Les politiques budgétaires et monétaires de rigueur 1. Une politique de rigueur ou d’austérité est une politique économique qui a pour objectif à court terme de revenir à la stabilité des prix et de réduire les déficits publics et extérieurs. Les buts des gouvernements qui mettent en place des politiques de rigueur peuvent être : De freiner l’inflation, qui porte atteinte au pouvoir d’achat des salaires et des prêteurs, en ralentissant le rythme de la croissance de la demande afin que la croissance effective retrouve le chemin de la croissance potentielle ; De rééquilibrer le commerce extérieur, ce qui suppose que l’inflation nationale soit inférieure à celle des pays concurrents. Cette désinflation compétitive suppose que les salaires réels progressent moins vite (inflation par les coûts) et que la quantité de monnaie progresse moins vite (inflation monétaire) ; De diminuer l’endettement excessif de l’Etat qui provoque une tension sur les taux d’intérêt et freine les investissements des entreprises (« effet d’éviction »). 2. Il existe traditionnellement plusieurs leviers pour une politique de rigueur selon les priorités visées (inflation et /ou réduction des déficits) et selon les causes des problèmes à résoudre (inflation par les coûts, inflation par un déséquilibre entre offre et demande, etc.). L’Etat va mener une politique budgétaire restrictive qui consiste à réduire les dépenses publiques (diminution du nombre de fonctionnaires, gel de la hausse des salaires des fonctionnaires, réduction des investissements publics…) et, dans le pire des cas, à augmenter les recettes fiscales (hausse de la TVA, augmentation des taux d’imposition sur le revenu, réduction des « niches fiscales »…) afin d’avoir un budget en équilibre voire excédentaire. Ceci devrait avoir deux effets positifs : Un ralentissement de la demande (multiplicateur négatif) qui va devenir inférieure à l’offre ce qui devrait faire pression à la baisse sur les prix (baisse de l’inflation par la demande) ; Un arrêt, voire une baisse, de l’endettement de l’Etat car si le budget est équilibré il n’a plus à emprunter des capitaux pour financer le déficit. Il peut consacrer une partie de ses recettes pour rembourser les emprunts antérieurs. La Banque centrale va mener une politique monétaire restrictive en limitant son refinancement aux banques, en augmentant son taux de réserves obligatoires (les banques auront moins de monnaie à prêter) et en augmentant ses taux directeurs afin que les banques répercutent cette hausse sur le coût du crédit. Ceci devrait avoir plusieurs effets positifs : La hausse du taux d’intérêt va inciter les agents économiques à épargner davantage et à moins recourir au crédit ce qui va ralentir la consommation et l’investissement. La demande va augmenter moins vite que l’offre ce qui va « refroidir » les tensions inflationnistes. Les restrictions monétaires et la hausse du taux d’intérêt devrait provoquer une hausse du taux de change. Or, si le taux de change augmente ; on donne moins de monnaie nationale pour obtenir une monnaie étrangère. Autrement dit, les produits importés vont coûter moins cher, en particulier les matières premières et les biens d’équipement que nous ne produisons pas, ce qui diminuer l’inflation importée et réduire nos coûts de fabrication (inflation par les coûts). Politique de rigueur Réduction du déficit budgétaire Hausse des impôts Politique monétaire restrictive Baisse des dépenses publiques Hausse des taux d’intérêt Multiplicateur budgétaire négatif Ralentissement de la création monétaire Réduction des crédits Ralentissement de la demande Désinflation/Déflation Pression à la baisse sur les salaires Baisse de la croissance du PIB Hausse du chômage 3. En conclusion, en cas de croissance économique effective trop forte par rapport au potentiel de croissance de l’économie d’un pays, une politique de freinage (de rigueur ou d’austérité) de la demande globale par un excédent budgétaire de l’Etat (ou une réduction de son déficit) et par une hausse des taux d’intérêt de la banque centrale doit permettre de réduire les tensions risquant de déboucher sur une inflation trop rapide : c’est une politique de désinflation, c’est-à-dire de ralentissement de l’inflation. Ainsi, le début des années 1980 a été marqué dans de nombreux pays développés par des politiques budgétaires et/ou monétaire désinflationnistes. La hausse des taux d’intérêt et la réduction du déficit budgétaire ont provoqué un ralentissement de la croissance de la demande et du PIB. Le taux d’inflation a fortement diminué. D’une part, la baisse de la croissance a provoqué une montée du chômage qui a affaibli le pouvoir de négociation des travailleurs et la hausse des salaires (diminution de l’inflation par les coûts). D’autre part, le ralentissement de la création monétaire et l’affaiblissement de la demande ont obligé les entreprises à se concurrencer par les prix (diminution de l’inflation par la demande). Enfin, la désinflation a augmenté la compétitivité-prix ce qui a permis aux pays de dégager des excédents de leur commerce extérieur et de voir leur taux de change s’apprécier ce qui a rendu moins cher les importations (diminution de l’inflation importée). Politique de rigueur Politique budgétaire Politique monétaire …………….. …………….. Equilibre du budget Hausse du taux d’intérêt Politique des revenus Désindexation des revenus Ralentissement de la demande Désinflation Hausse de la compétitivité-prix Hausse des exportations C – Les limites des politiques conjoncturelles dans une économie mondialisée a) – La politique de relance bute sur la contrainte extérieure 1. Pour les Keynésiens, l'Etat doit relancer la demande afin de mettre fin au chômage. L'Etat peut augmenter la demande par les moyens de la politique conjoncturelle : déficit budgétaire, création monétaire. Depuis les années 1970, plusieurs plans de relance ont été expérimentés par le gouvernement Chirac en 1975, par la gauche en 1981 ou par le gouvernement Fillion-Sarkozy en 2009. Il a sa disposition deux moyens : La politique budgétaire de relance : l'Etat peut lancer une politique de grands travaux (hausse des investissements publics) qui vont susciter un flux de dépenses et provoquer le phénomène du multiplicateur ; il peut aussi augmenter les revenus sociaux des catégories défavorisées de la population car elles ont une forte propension à consommer ; il peut aussi diminuer la fiscalité sur les revenus ou sur la consommation afin de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs pour qu’ils augmentent leur consommation ; il peut, enfin, subventionner ou défiscaliser les investissements privés afin d’inciter les agents économiques à investir. La politique monétaire : L'Etat, pour relancer la demande, doit diminuer le taux d'intérêt afin d’inciter les agents économiques à emprunter pour dépenser. Cela permet aussi d'accroître la profitabilité des entreprises et les inciter à investir. 2. Mais la relance peut aussi buter sur la contrainte extérieure. A partir du milieu des années 1970, les politiques keynésiennes de relance se sont révélées moins efficaces en Europe. Les relances solitaires de 1975 (Chirac) et de 1981 (Mauroy) se sont ainsi heurtées à une aggravation du déficit extérieur. En effet, lorsque l’appareil de production est mal adapté à la demande, toute distribution de revenus supplémentaires aux populations ayant une forte propension à consommer se traduit par deux effets pervers : Les firmes nationales ne pouvant satisfaire la totalité de l’augmentation de la demande, les consommateurs se tournent vers des produits étrangers. D’où une augmentation des importations qui profite aux firmes étrangères et qui creuse le déficit du commerce extérieur ce qui va se traduire à terme par une baisse du taux de change (la sortie de devises est supérieure aux rentrées). L’effet multiplicateur est donc faible et profite surtout aux pays concurrents. Les Etats sont confrontés à la contrainte extérieure. Un pays est dit contraint lorsque sa croissance économique creuse son déficit extérieur (de la balance commerciale, de la balance courante). On pourra donc parler de contrainte extérieure dès qu’un pays n’est plus libre de mettre en œuvre la politique économique et sociale de son choix du fait de l’interdépendance des économies nationales. Le déficit du commerce extérieur, qui résulte de cette relance, provoque une baisse du taux de change qui rend les importations plus chères et favorise l’inflation importée. L’Etat est obligé de casser la croissance de la demande pour ralentir l’inflation. La relance a échoué. Politique de relance Déficit budgétaire Baisse du taux d’intérêt Hausse de la demande et du PIB Offre insuffisante Hausse des importations Exportations limitées Déficit du commerce extérieur Baisse du taux de change 3. Cependant, la contrainte extérieure ne condamne pas toute politique de relance. Cette dernière peut être très efficace à certaines conditions : ère 1 condition : les plans de relance doivent être coordonnés et simultanés. En effet, si chaque pays du G20 décide d’accroître son déficit budgétaire, l’augmentation des importations, qui va en résulter, va se traduire par une augmentation des exportations pour tout le monde car ces pays commercent essentiellement entre eux. La croissance va donc être relancée dans tous les pays en même temps. Le multiplicateur est donc plus important à condition que tous les pays jouent le jeu. En 2008-2009, les plans de relance, américain, européen, japonais, chinois ont permis d’éviter une crise égale à celle de 1929 et une relance relativement rapide de la production. ème 2 condition : Les objectifs de la relance doivent être ciblés. Une relance de l’investissement public doit être privilégiée lorsque les consommateurs, anticipant des hausses d’impôt ou une aggravation de la crise, préfèrent accroître leur épargne de précaution au lieu de consommer davantage. L’investissement public agit à la fois sur l’offre (externalités positives) et sur la demande (multiplicateur). Son effet multiplicateur est plus important car il rend l’économie plus efficace. Au contraire, s’il s’agit d’un choc de demande passager, la relance par la consommation sera plus efficace. D’une part, la hausse des prestations aux ménages ayant une forte propension à consommer, aura des effets immédiats sur la croissance de la demande alors que les investissements sont plus longs à mettre en place. D’autre part, la croissance de la consommation aura moins d’effets sur les importations que les investissements car une partie de la consommation porte sur des services produits sur place. Enfin, la relance de la consommation, si elle est durable, incitera les entreprises à investir pour y répondre. 3 condition : la politique budgétaire de relance doit être accompagnée d’une politique monétaire expansionniste. D’une part, l’injection de liquidités par les banques centrales va mettre fin à la crise des liquidités des banques et au rationnement du crédit (« credit crunch »). D’autre part, la baisse des taux d’intérêt directeurs des banques centrales va avoir une influence sur la baisse du taux d’intérêt à long terme des marchés financiers ce qui va permettre aux entreprises et aux Etats de se financer à moindre coût. Ainsi, à partir de la crise de 2008-2009, les banques centrales ont accompagné la relance en augmentant les liquidités disponibles dans l’économie. 4 condition : les Etats ne doivent pas être trop endettés pour pratiquer la relance. Dans l’idéal, les Etats devraient avoir des budgets équilibrés, voire excédentaires, dans la phase haute du cycle pour pouvoir pratiquer des déficits budgétaires importants lorsque la récession survient. Ainsi, les pays européens, qui étaient déjà endettés, n’ont pu mener en 2008-2009 des plans suffisamment ambitieux. Malgré l’annonce d’un plan équivalent à 1,5% du PIB européen, la réalité est plus proche de 0,7 et 0,6 % du PIB. Le FMI préconisait au moins 2% et les plans américains, japonais, chinois avoisineront les 4% de son PIB. ème ème b) – La politique de relance bute sur la contrainte budgétaire 1. Les déficits publics successifs se sont traduits par une forte augmentation de la dette publique. La dette publique correspond à l'ensemble des sommes empruntées par les administrations publiques qu'il leur reste à rembourser. On parle aussi d' "encours de la dette" ou du "stock de la dette". Cette dette publique comprend : La dette de l'Etat (celle des administrations centrales) qui est due aux déficits du budget de l'Etat. Ces derniers ont pu être provoqués par une récession (déficit conjoncturel), par une montée du taux d'intérêt qui a augmenté la "charge de la dette" (somme des intérêts versés annuellement par l'Etat), ou par une politique de relance volontaire de l'Etat (déficit structurel). Elle représente les 3/4 de la dette publique. La dette des organismes de Sécurité sociale qui a été provoquée à la fois par le ralentissement de la croissance qui a provoqué un "effet de ciseau" (la montée du chômage amoindrit les recettes de cotisations sociales et augmente les dépenses d'allocation chômage), par le vieillissement de la population (hausse des dépenses maladies et vieillesses) et par une hausse des coûts administratifs. La dette des collectivités locales qui est liée aux transferts de compétences de l'Etat vers les régions, départements et mairies au moment de la décentralisation. Ces dernières en ont profiter pour engager d'importants investissements publics et des dépenses sociales qui ont pesé dans leurs budgets. 2. Lorsqu'une administration publique est en déficit, ses dépenses sont supérieures à ses recettes. Elle peut financer ce déficit de deux façons : Par le financement monétaire : l'Etat demande à la Banque centrale d'acheter des titres de la dette publique. Pour ce faire, la Banque centrale va créer de la monnaie qu'elle va fournir à l'Etat. Ce type de financement est interdit par le Traité de Maastricht (1992) car il est inflationniste (les Etats pouvant être tentés de laisser filer leur déficit puisqu'il obtiendrait de la monnaie en contrepartie) même si la crise de 2008-2009 a provoqué une entorse à ce principe avec l’apparition de politiques monétaires non conventionnelles. Par l'emprunt public : dans ce cas les administrations publiques émettent des titres (bons du Trésor à court terme, obligations d'Etat...) qui sont achetés par les agents financiers qui disposent de liquidités à placer (banques, compagnies d'assurance, fonds d'investissement,...). L'Etat devient le débiteur de créanciers nationaux ou étrangers. Il devient dépendant des marchés financiers qui cotent la valeur des titres de la dette publique et des agences de notation qui évaluent les risques de solvabilité. Déficits publics (dépenses supérieures aux recettes) Financement monétaire = La Banque centrale crée de la monnaie qu'elle crédite à l'Etat Ce type de financement est interdit pour les pays de la zone euro Financement par l'emprunt = Les administrations publiques émettent des titres achetés par des agents financiers Endettement de l'Etat On constate une très forte progression de la dette publique au sens de Maastricht, qui est passée de 21,2 % du PIB en 1978 à 82,3 % en 2010, soit au delà des 60% du PIB autorisés par le traité de Maastricht. Elle a été multipliée par 6,5 entre 1980 et 2010. Elle a été essentiellement portée par l’État. S’y est ajoutée, depuis le début des années quatre-vingt-dix, la dette sociale portée essentiellement la Sécurité sociale et les hôpitaux publics. Évolution de la dette, des dépenses et des recettes publiques en France depuis 1978, en % du PIB 3. Cet endettement croissant de l’Etat a plusieurs inconvénients : er 1 inconvénient : l’effet d’éviction. En empruntant de fortes sommes, l’Etat augmente la demande de capitaux sur le marché ce qui, pour une offre d’épargne inchangée, va provoquer une hausse du taux d’intérêt à long terme qui va pénaliser les entreprises privées qui veulent emprunter pour investir. Les libéraux parlent d’un effet d’éviction car l’Etat prend la place des entreprises privées sur le marché des capitaux. Déficit public Croissance plus lente Besoin de financement Baisse de la FBCF Hausse du taux d’intérêt à long terme Hausse de la demande de capitaux Baisse de l’offre de capitaux au secteur privé Effet d’éviction ème 2 inconvénient : l’effet boule de neige. En augmentant son endettement et en provoquant une hausse du taux d’intérêt, l’Etat, la Sécurité sociale, les collectivités territoriales augmentent leur service de la dette, c’est-à-dire la charge de la dette (intérêts) et l’amortissement des sommes prêtées (une partie du capital emprunté) qu’il doit verser chaque année à ses créanciers. L’Etat entre alors dans un « cercle vicieux » : le déficit engendre des dépenses qui creusent le déficit. On parle d’effet boule de neige. Hausse des déficits publics Hausse des dépenses publiques Nouveaux emprunts Hausse de la charge de la dette ème 3 inconvénient : le théorème d'équivalence de Ricardo-Barro. Ce théorème a été énoncé en premier e lieu par David Ricardo, économiste classique du XIX siècle, puis repris par Robert Barro en 1974. Selon ce théorème, il y aurait, sous certaines conditions, équivalence entre l'augmentation de la dette publique aujourd'hui et l'augmentation des impôts requise demain pour le remboursement de cette dette et le paiement des intérêts. Si les agents économiques se comportent de manière rationnelle, une politique de relance (distributions de revenus financée par la dette publique) ne les poussera pas à consommer, mais plutôt à épargner, en prévision de hausses d’impôts futures. Hausse du déficit public Frein à la croissance Hausse de la dette publique ème Besoin de financement accru Anticipation de la hausse des impôts Frein à la consommation Incitation à épargner 4 inconvénient : Il pèse sur l’investissement public : l’augmentation de la charge de la dette due à l’endettement croissant oblige l’Etat, au sens large, à consacrer une part croissante des ses ressources fiscales au paiement des intérêts au détriment des investissements publics qui sont pourtant indispensables à la croissance de la production à long terme. Dépenses d'investissement des administrations publiques (en % du PIB) Baisse des recettes Déficits publics Croissance plus lente Baisse de la FBCF publique Hausse du stock de la dette Nouveaux emprunts Hausse de la part de la dette dans le budget Hausse de la charge de la dette Pour les libéraux, le budget doit être neutre : s’il y a un déficit, il convient donc de rétablir l’équilibre budgétaire, car comme pour un ménage, l’Etat ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne. Il faut alors soit augmenter les impôts (ce que les libéraux ne souhaitent pas car ils veulent un Etat le plus petit possible) soit baisser les dépenses publiques (ce qu’ils préconisent). L’équilibre budgétaire est nécessaire pour que l’Etat n’ait pas à emprunter. Effet boule de neige Déficit public Nouveaux emprunts Hausse du stock de la dette Hausse de la charge de la dette Hausse des dépenses publiques Hausse du taux d’intérêt Effet d’éviction Baisse de l’investissement Hausse de l’épargne Baisse de la consommation Baisse de la croissance et des recettes fiscales 4. Les politiques budgétaires restent définies au niveau national mais elles sont encadrées par le « pacte de stabilité et de croissance » adopté en 1997 au sommet européen d’Amsterdam. Le PSC concerne avant tout la zone euro. L’objectif est de soutenir la politique de stabilité des prix de la BCE et d'éviter les effets de débordement négatifs d’une politique budgétaire trop déficitaire d'un État sur ses partenaires. En effet, avec la mise en place de l’Euro, les Etats peuvent être tentés : De mener des politiques de déficit budgétaire important pour soutenir la croissance économique du pays sans subir la contrainte extérieure puisqu’ils n’ont pas à défendre le cours de leur monnaie. En effet, les pays européens de la zone euro ne sont plus contraints d'équilibrer leurs échanges entre eux car une seule monnaie sert aux échanges. Les Etats européens sont donc globalement moins tributaires de l'équilibre de leur balance des paiements. Ils seront donc en principe beaucoup plus libres pour mener la politique économique qu'ils souhaitent. De s’endetter davantage car la création d’un marché de capitaux unifié dans la zone euro a tendance à diminuer les taux d’intérêt et donc la charge de la dette de l’Etat. En effet, la zone euro, par les avantages qu'elles présentent au niveau des coûts, des performances économiques, doit devenir une zone d'attractivité pour les capitaux internationaux. Cela aura pour effet de contribuer à la baisse des taux d'intérêt, ce qui devrait stimuler l'activité et là encore faciliter la mise en œuvre de politiques budgétaires ambitieuses, rendues possibles par la présence de capitaux bon marché. On risque donc d’avoir un comportement de type « passager clandestin ». Les Etats dépensiers risquent de se reposer sur les Etats vertueux pour mener leur politique expansionniste sans contrainte. 5. Le PSC va donc poser des règles strictes en matière de gestion des finances publiques pour des pays partageant la même monnaie : Il impose aux États l'équilibre budgétaire comme norme et leur interdit d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB, sauf circonstances exceptionnelles. Pour les Etats déjà endettés, cela signifie un excédent du budget primaire, c'est-à-dire que les recettes publiques doivent être supérieures aux dépenses publiques avant le paiement des intérêts de la dette. Dépenses publiques (hors dette) Recettes fiscales Excédent primaire Déficit budgétaire Charge de la dette Seuil des 3% du PIB De plus, le ratio entre la dette publique et le PIB ne doit pas dépasser 60 %. Ces contraintes sont assorties d'un mécanisme de surveillance multilatérale. Chaque année, chaque État présente son programme de stabilité au contrôle collectif, c'est-à-dire à la Commission et au Conseil des ministres. Ce programme indique le budget de l'année courante et les prévisions en matière de finances publiques pour les trois années à venir. Les programmes de stabilité sont donc actualisés annuellement. Si la règle n'est pas respectée, un système d'alerte rapide signale les risques de dérapage. Lorsque cela ne suffit pas, un mécanisme de sanctions est déclenché. Elles peuvent aller jusqu'à une amende infligée aux pays contrevenants (de 0,2 à 0,5% de leur PIB). 6. Les grands pays n’ont pas été capables de respecter le PSC. La plupart des pays membres (notamment l'Allemagne, la France et l'Italie) sont entrés dans l'Union monétaire avec des dettes publiques déjà élevées et des déficits très proches de la limite des 3 % du PIB, de sorte que le premier ralentissement de l'activité affectant la zone, en 2001, les a mis en infraction, les contraignant alors, pour ne pas aggraver leur cas, à des politiques pro-cycliques, contraires aux exigences de la stabilisation conjoncturelle. La crise de 20082009 a accentué ce non respect du pacte. c) – La politique de relance bute sur la contrainte financière 1. On peut donc faire plusieurs critiques à l’UE en matière de politique économique : Les politiques budgétaires restent nationales et ne sont pas coordonnées. C’est contradictoire avec la création d’une monnaie unique commune à tous les Etats de la zone euro. Le PSC n’a pas su harmoniser les politiques budgétaires et elle n’a pas été respectée. En conséquence, les pays sont tentés d’adopter des stratégies de « chacun pour soi » et de se faire concurrence en matière d’impôts et de charges sociales (le « dumping fiscal »). Les politiques monétaires et les politiques budgétaires ne sont pas coordonnées. En d’autres termes, le « policy mix » est impossible puisque la BCE et les gouvernements ne mettent pas au point ensemble le même type de politique. Le « policy-mix » est défini comme l’orientation conjointe des politiques monétaire et budgétaire, à un moment donné du cycle économique. Le policy-mix est par exemple « contra-cyclique » lorsqu’en phase haute et ascendante du cycle, son orientation est plutôt restrictive pour éviter une surchauffe, ou lorsqu’en phase basse et descendante, elle est accommodante afin d’éviter l’effet récessif du retournement. Politiques monétaires et budgétaires ne vont pas toujours dans le même sens dans la zone euro. Depuis 1999, alors que la politique monétaire a été contra-cyclique aussi bien en zone euro qu’aux États-Unis, (la FED se serait révélée plus réactive que la BCE), l’orientation de la politique budgétaire de la zone euro apparaît largement pro-cyclique entre 1999 et 2006. La dégradation des finances publiques en 2000 et 2001, lors de la phase haute du cycle, a privé les pays de la zone euro des marges de manœuvre nécessaires pour stabiliser l’activité lorsque la conjoncture s’est retournée. Pendant la même période, les Etats-Unis menaient une politique budgétaire et une politique monétaire contra-cyclique autorisant une croissance plus rapide. Les pays de la zone euro se sont privés de l’arme de la dévaluation. N’ayant pas de politique de change, ils ne peuvent rétablir un déséquilibre de leur balance courante par une dépréciation de la monnaie. A la différence des vrais Etats fédéraux, l'Union européenne dispose d'un budget commun ridiculement faible, même si on le compare à des pays très décentralisés comme le Canada ou la Suisse, où les provinces et les cantons ont de très larges compétences. Il est égal à 1,1% du PIB de l’UE. Le budget européen est doublement limité : D’une part, l'Union est tenue de l'équilibrer (elle ne peut s'endetter pour financer un déficit) et elle ne dispose pas du droit de lever l'impôt. Ses ressources viennent pour plus des trois quarts de contributions des Etats membres, proportionnelles à la richesse de chacun. Les institutions européennes ont surtout pour rôle de faire fonctionner le marché unique, de définir des règles, ce qui ne coûte rien. D’autre part, les dépenses sont concentrées sur trois postes : les « fonds structurels », c’est-à-dire l'aide aux régions en retard (cohésion et compétitivité), soit 45% du budget, la politique agricole commune (42% du budget total) et, dans une moindre mesure, l'aide au développement (6%). Budget européen, budgets de quelques Etats fédéraux et dépenses publiques en 2010, en% du PIB 2. La crise de la zone euro, qui a débuté en 2010, était donc prévisible. Depuis un certain nombre d'années les pays de la zone euro vivent globalement au dessus de leurs moyens comme le montre la croissance de l’endettement public dû au sauvetage des banques et aux plans de relance. Les Etats pour financer leurs déficits publics ont empruntés massivement sur les marchés financiers en émettant des titres de la « dette souveraine » (bons du trésor, obligations d'Etat...). En Décembre 2009, le nouveau gouvernement grec révèle alors un déficit public beaucoup plus important qu’annoncé jusque là (les statistiques officielles étaient fausses). Les agences de notations dégradent la note accordée aux titres de la dette publique émis par l’Etat Grec. Par effet de contagion, les prêteurs commencent à douter de la capacité de certains Etats à rembourser ces emprunts. Ils demandent des taux d'intérêt de plus en plus élevés aux pays les plus endettés pour accepter de leur prêter des capitaux (l’Irlande, le Portugal, l'Italie...). 3. Les taux d’intérêt de la dette souveraine des pays de la zone euro vont diverger. Les pays européens du Nord (L’Allemagne, les Pays-Bas, La France…) considérés comme solvables vont conserver des taux d’intérêts à long terme très bas. Les pays européens du Sud (La Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie…), qui ont des endettements élevés et une faible capacité à rembourser (compétitivité faible) voient les taux augmenter rapidement. Cette différence de taux d’intérêt appelée « spreads » n’est que le reflet des écarts de confiance qu’ont les prêteurs sur la situation économique de chaque pays. 4. Or, plus le taux d'intérêt est élevé et plus l'Etat augmente la charge de la dette et le « service de la dette », ce qui revient à creuser davantage son déficit et à diminuer sa solvabilité à long terme. En effet, pour un taux d’intérêts de 2% à 10 ans, l’emprunt de 10 milliards d’€ va coûter la première année 200 millions d’€. Si le taux passe à 10%, l’Etat doit, en plus du remboursement d’une fraction de la dette (« amortissement de la dette »), verser 1 milliard d’€ la première année. Les plans de relance butent donc sur une contrainte financière. Ils ne sont possibles que lorsque les Etats ont la confiance des marchés financiers qui vont leur fournir les capitaux nécessaires au financement du déficit public. Si cette confiance est entamée, ils vont voir les taux d’intérêt demandés augmenter brutalement ce qui va entraîner une crise de solvabilité de certains Etats souverains et la quasi faillite de ces Etats. Perte de confiance des prêteurs Endettement public excessif Besoin de financement Demande de capitaux Offre de capitaux Hausse des taux d'intérêt à long terme Déficit des budgets publics Baisse de la note de la dette Hausse du service de la dette d) – Les limites des politiques d’austérité 1. Les autorités européennes ont finit par réagir pour essayer d'enrayer la crise. Elles ont pris plusieurs décisions qui n'ont pas su calmer l'inquiétude des marchés : En amenant la BCE à acheter de la dette publique sur le marché secondaire afin de soutenir le cours de la dette souveraine ce qui revient à remettre en cause le dogme qui interdisait à la BCE de soutenir directement ou indirectement les budgets des Etats. A la fin 2011, la BCE a prêté aux banques européennes un montant de plus de 350 milliards d’euros nets au taux de 1% afin d’éviter une crise bancaire. Cet afflux d’argent a incité les banques à acheter de la dette publique ce qui a calmé momentanément la speculation sur les dettes souveraines. Total de bilan de la Banque centrale européenne, en milliards d'euros Parallèlement, la BCE a diminué fortement ses taux d’intérêt directeurs pour rendre le crédit moins cher. Ils ont cependant moins diminué qu’aux Etats-Unis et au Japon : En créant un mécanisme européen de stabilisation (MES) capable de lever 750 milliards d'euros alimenté par un emprunt de la Commission européenne (60 milliards), des emprunts des Etats nationaux (440 milliards) et des prêts du FMI (250 milliards) qui pourra être mobilisé pour venir en aide aux Etats qui auraient des difficultés exceptionnelles pour se procurer des liquidités afin de rembourser leurs dettes. En contrepartie de l’aide, les Etats s’engagent à adopter des plans d’austérités pour réduire leurs déficits budgétaires. En engageant des plans d'austérité pour redresser les comptes publics. Des plans de sauvetage ont été mis en place (le 8ème pour la Grèce en novembre 2012). Les pays qui acceptent de l’aide (de la zone euro et du FMI) doivent en contrepartie appliquer des politiques d’austérité : baisse des salaires, des prestations sociales et des dépenses publiques, hausse de la TVA, baisse du nombre des fonctionnaires, recul de l'âge de la retraite, hausse de la TVA et de certains impôts...pour réduire progressivement les déficits budgétaires à moyen terme. La mise en place de nouvelles règles budgétaires inscrites dans un Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM (TSCG). Le 30 janvier 2012, 25 des 27 pays membres (le Royaume-Uni ne l’a pas adopté), dont tous ceux de la zone euro, ont adopté le traité qui prévoit : Des sanctions quasi automatiques en cas de déficit supérieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) ; L'instauration d'une « règle d'or » budgétaire constitutionnelle dans tous les pays. Chaque Etat membre devra ainsi s'assurer que ses déficits structurels n'excèdent pas 0,5 % du PIB sur l'ensemble du cycle et cette règle ne pourra être contournée qu'en cas de " circonstances exceptionnelles " très précises. En cas de non-respect, un mécanisme de correction des trajectoires budgétaires sera déclenché automatiquement. Un Etat membre pourra saisir la Cour de justice européenne, qui aura le pouvoir de sanctionner un pays si elle considère que la règle d'or du pays n'a pas été transposée correctement dans sa Constitution. En conséquence, les politiques d’austérité se sont étendues à l’ensemble des pays de l’Union. Elles ont pour objectif de ramener les budgets publics à l’équilibre à l’horizon de 2017 et d’arrêter la hausse de l’endettement afin de redonner confiance aux marchés financiers. Pour cela, les Etats ont : Réduit leurs dépenses publiques (baisse du nombre de fonctionnaire, baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires, réduction des investissements publics, réforme des retraites…) ; Augmenter leurs recettes fiscales (hausse de la TVA, hausse des taux d’imposition sur les revenus et la fortune, taxe sur les transactions financières…) et leurs recettes non fiscales (vente d’une partie du patrimoine public et privation des entreprises publiques). 2. Ces politiques d’austérité coordonnées aggravent temporairement la situation. Ces mesures n'ont redonné qu’une confiance limitée aux marchés d'une part parce que le fonds de stabilité, si il est mis en œuvre, va aggraver la dette publique, et, d'autre part, parce que les plans d'austérité vont multiplier la récession en freinant les exportations de chaque pays membres. L’austérité provoque : Une baisse du pouvoir d’achat : Le revenu annuel de chaque habitant était en moyenne de 26 500 euros en 2007, selon la Commission européenne. Cette année, il ne devrait plus être que de 25 700 euros (en euros constants de 2005), soit une perte de pouvoir d'achat de 3 % (contre 0,6 % pour les Américains). Cette baisse n'est " que " de 1,6 % en France, mais elle atteint 20 % en Irlande et 18 % en Grèce. Une baisse de la demande intérieure. Elle devrait être inférieure cette année (en euros constants de 2005) de 226 milliards d'euros par rapport à ce qu'elle était en 2008, soit une baisse de 2,7 %. Certes, cette demande a un peu progressé en Allemagne (+ 3,6 %) et en France (+ 1,1 %), mais elle a diminué dans le même temps de 4,9 % en Italie et de 14,8 % dans l'ensemble Espagne-Grèce-Portugal-Irlande. Et la tendance globale est de nouveau à la baisse. Une hausse du chômage : il manquera 3,9 millions d'emplois en 2012 dans les pays de la zone euro pour retrouver le niveau de 2008. Sans parler du niveau qui aurait été atteint si on avait continué à créer 1,8 million d'emplois par an, comme avant la crise : à ce compte-là, ce sont 11 millions d'emplois qui manqueraient cette année ! Pas étonnant dans ces conditions qu'on dénombre aussi 5,6 millions de chômeurs de plus qu'en 2007 dans la zone euro et 2,3 millions de plus qu'aux pires moments des années 1990, pourtant déjà marquées par une stagnation prolongée de l'économie européenne. Et la tendance est fortement croissante depuis un an. Elle freine le redressement budgétaire en limitant les recettes publiques. La Grèce n’arrive pas à rembourser sa dette car les recettes fiscales ne rentrent pas à cause de la récession et de la fraude fiscale alors que les dépenses du service de la dette augmentent fortement. La dette grecque doit donc être restructurée, c’est-à-dire que les créanciers doivent abandonner leurs créances et recevoir en contrepartie d’autres créances moins rémunérées et dont le remboursement est échelonné dans le temps. Le montant de la dette grecque concernée par cet échange atteint 206 milliards d'euros (sur une dette publique globale de plus de 350 milliards). L'objectif de cette restructuration de la dette est de réduire le poids de la dette, de plus de 160 % du PIB actuellement à 120,5 % en 2020. Au total, banques, assureurs, fonds d'investissement et fonds de pension vont perdre jusqu'à 107 des 206 milliards d'euros de dette grecque qu'ils détenaient. En échange d'une obligation d'un montant initial de 100, la Grèce propose de donner aux créanciers des titres d'une valeur de 46,5 en renonçant au reste. Concrètement, ils vont recevoir des titres dont la valeur sera inférieure de 53,5 %. Il s'agira d'obligations émises par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour 15 % de la valeur initiale et de nouvelles obligations grecques pour 31,5 %. Les 53,5 % restants seront perdus. Elle génère des tensions politiques et sociales : instabilité politique en Grèce, révoltes du peuple grec, manifestations des espagnols à Madrid… Politiques d'austérité dans la zone euro Baisse des dépenses publiques Hausse des impôts Hausse du chômage Multiplicateur négatif Baisse des échanges extérieurs Baisse de la croissance Baisse des recettes fiscales Hausse des dépenses publiques Déficits publics Crise de confiance des marchés Nouveau plan d’austérité 3. En conclusion, les politiques conjoncturelles qui agissent sur la demande risquent de ne pas être pertinentes en réponse à un choc d’offre négatif dans l’économie. En effet, la politique conjoncturelle agit plus facilement sur les variables de demande que sur les variables d’offre. Les chocs d’offre nécessitent, au contraire, des ajustements structurels et institutionnels de l’économie qui demandent du temps. 4. Par ailleurs, la France se trouve aujourd’hui insérée dans la zone euro où la conduite des politiques conjoncturelles est beaucoup plus délicate : la politique monétaire est décidée par la BCE pour l’ensemble de la zone euro ; la politique budgétaire est contrainte par le Pacte de Stabilité et de Croissance (déficit budgétaire limité à 3% du PIB et dette publique à 60% du PIB), renforcé en 2012 par le traité budgétaire, qui n’offrent qu’une coordination négative des politiques budgétaires nationales (budget équilibré ou en excédent, déficit toléré de 3% du PIB en cas de récession, sanctions financières automatiques en cas de dépassement). L’efficacité des politiques conjoncturelles dans la zone euro est ainsi limitée par une politique monétaire, qui est commune à tous les pays quelque soit leur situation et les marges de manœuvre limitées et non coordonnées des politiques budgétaires nationales. 5. De plus, les effets des politiques conjoncturelles ne sont pas mécaniques : les ménages et les entreprises peuvent modifier leurs comportements suite aux modifications des politiques économiques. Par exemple, une relance de la consommation par la distribution par l’Etat de revenus exceptionnels aux ménages peut échouer si ceux-ci préfèrent, par précaution, épargner ces revenus supplémentaires compte tenu de la menace croissante du chômage ou de l’anticipation d’une hausse future des impôts destinés à contenir la dette publique. Ils modifient dès lors à la baisse leur propension à consommer. Une politique monétaire expansionniste par la baisse des taux d’intérêt directeurs peut ne pas parvenir à accroître l’offre de crédit des banques et la demande d’emprunt des ménages et des entreprises du fait du pessimisme des acteurs : il n’y a alors pas transmission à l’économie réelle (la relance attendue de la demande et de l’offre ne se produit pas). Il est donc de ce fait difficile de prévoir avec certitude les effets sur l’économie d’une modification de la politique budgétaire ou monétaire. Flux mensuel de crédit au secteur privé dans la zone euro, en milliards d'euros