JFK ET LE COMPLOT

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JFK ET LE COMPLOT
JFK ET LE COMPLOT
Discussion de 14 minutes de Donald Sutherland dans «JFK» (révélations «top secret» à propos de l'assassinat de
Kennedy) film de Oliver Stone (1991). A noter que ce personnage a été inspiré par Leroy Fletcher Prouty, un colonel de
l'US Air Force, auteur de plusieurs publications sur l'assassinat de Kennedy et sur la CIA :
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— Jim Garrison ?
— Oui.
— Merci d'être venu. Excusez toutes ces précautions.
— J'espère que ça en valait la peine, Monsieur... ?
— Je pourrais donner un faux nom, mais je ne
le ferai pas, appelez-moi X.
— J'ai déjà été mis en garde par la CIA, Monsieur qui que vous soyez. Alors si c'est un
nouveau type de menaces...
— Je ne fais pas partie de la CIA Monsieur
Garrison. Je présume que vous avez fait
tout ce chemin parce que ce que j'ai à vous
dire vous intéresse. Je ne vais pas vous
donner des noms ou vous dire qui ou ce
que je représente, mais simplement que
vous êtes prêt du but... plus que vous ne
l'imaginez. D'accord ?
Tout ce que je vais vous révéler est classé
top secret. J'ai été soldat, Monsieur Garrison. Deux guerres. J'ai été un des ces
agents secrets du Pentagone qui fournissent
le matériel militaire, les avions, les munitions, les fusils, pour ce qu'on appelle les
opérations noires. Les OP noires, assassinats,
coups d'Etat, élections truqués, propagande, guerre psychologique etc... Pendant
la dernière guerre j'étais en Roumanie,
Grèce, Yougoslavie. J'ai participé à l'évacuation de l'appareil de renseignement nazi
juste avant la fin de la guerre. Nous avons
utilisé ces agents dans la lutte contre les
communistes. En Italie en 48 on a truqué
les élections, en France en 49 on a brisé les
grèves, on a renversé Quirino aux Philip-
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pines, Arbenz au Guatemala, Mossadegh
en Iran. Nous étions au Vietnam en 54, en
Indonésie en 58, et au Tibet en 59. On a
favorisé la fuite du Dalaï Lama. Ah nous
étions bons, vraiment bons.
Ensuite on entre dans l'affaire Cubaine. Là
on a pas été aussi bons, on a établi les bases
pour l'évasion censé avoir lieu en octobre
62, Khrouchtchev envoie les missiles pour
repousser l'invasion, Kennedy n'envahit
pas, et nous, on s'est retrouvé comme des
cons la queue à l'air. Ça en a fait des types
fous de rage Monsieur Garrison. Vous saisissez ?... J'y reviendrais plus tard.
Donc, 1963. J'ai passé presque tout septembre 63 à travailler sur le projet de Kennedy pour tout le personnel US du Vietnam avant la fin de 1965. Ce projet a été
l'un des documents les plus forts et les plus
importants de l'Administration Kennedy.
Le paragraphe 263 du Plan de Sécurité nationale ordonne le retrait des 1000 premiers
soldats pour Noël, mais en novembre, une
semaine après l'assassinat du président
Vietnamien à Saïgon, et deux semaines
avant l'assassinat de notre président, une
chose étrange m'est arrivée... J'ai été envoyé
par mon officier supérieur, appelons le
«Y»... j'ai été envoyé par le général Y... au
Pôle Sud... comme escorte militaire d'un
groupe de VIP internationaux. J'étais sur le
chemin du retour en Nouvelle-Zélande...
quand le président a été tué. Alors, Oswald
a été inculpé à 19h, heure de Dallas du
meurtre de Tippit, soit 14h le lendemain,
heure de Nouvelle-Zélande. Mais déjà leurs
journaux avaient la biographie complète
d'un inconnu de 24 ans: Oswald. Photos de
studio, renseignements détaillés sur sa vie,
informations russes. Et ils étaient certains
qu'il avait tué le président tout seul alors
qu'Oswald n'a été inculpé de ce crime que
quatre heures plus tard, à Dallas. Il m'a
semblé qu'on avait là une couverture fabri-
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quée de toutes pièces. Comme nous faisions dans les OP noires.
Toujours est-il, qu'après mon retour, je me
suis demandé pourquoi moi, le chef des
Opérations spéciales, j'avais été choisi pour
faire un voyage au Pole Sud à ce moment-là
pour un travail que beaucoup d'autres auraient pu faire. Et je me suis demandé aussi
si c'était pas parce que, une de mes fonctions aurait été, si je m'étais trouvé à Washington, de m'occuper du renforcement de
la sécurité au Texas.
Alors j'ai décidé de vérifier. Et évidemment, j'ai appris que quelqu'un avait donné
l'ordre au 102e groupe de renseignement
militaire de la 4e armée à son QG de Fort
Sam Houston de rester consigné ce jour là,
malgré les protestations de son commandant, le colonel Reich. C'est très révélateur,
parce que la procédure habituelle militaire,
en particulier dans une ville aussi hostile
que Dallas, est de renforcer les services secrets. Je veux dire que même si on avait
imposé le toit pare-balles en plastique sur la
limousine, on aurait placé 100 à 200 de nos
agents sur les trottoirs ! Vous savez que
juste un mois avant Dallas l'ambassadeur
Adlai Stevenson s'était fait molester; en
France on avait à plusieurs reprises attenté
à la vie de De Gaulle. Nous serions venus
quelques jours à l'avance pour étudier l'itinéraire, fouiller tous les immeubles; on
n'aurait jamais autorisé les fenêtres grandes
ouvertes sur Dealey Plaza, jamais ! Nous
aurions posté nos tireurs pour couvrir le
quartier, la moindre fenêtre qui se serait
ouverte aurait été signalée par radio, on aurait surveillé la foule, pas de paquets, pas de
journaux, pas de manteaux sous le bras, on
aurait laissé personne ouvrir un parapluie
sur le parcours, jamais laissé cette limousine
ralentir à moins de 20 km/h, et encore
moins prendre ce virage vers Elm Street !
Tout le monde aurait senti que l'armée était
présente dans les rues ce jour-là. Mais rien
n'a été fait. En violation des règles les plus
élémentaires de protection de nos services.
Ceci est la meilleure preuve qu'il y a eu un
énorme complot à Dallas. Et qui était le
mieux placé pour ça ? Les OP noires, monsieur Garrison; les gens de ma branche,
quelqu'un comme mon supérieur pouvait
appeler le colonel Reich et lui dire: «nous
avons une autre unité provenant d'ici ou de
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là pour s'occuper de la sécurité, vous vous
restez consigné.» Ce jour-là en fait il y avait
des gens des renseignements de l'armée à
Dallas. Je me demande toujours qui et
pourquoi. Mais ils ne protégeaient pas le
client. Et bien sûr Oswald. Les services de
l'armée avaient un dossier sur Lee Harvey
Oswald. Mais toutes les fiches ont été détruites. Il se passait des choses très bizarres,
et votre Lee Harvey Oswald n'avait rien à
voir là-dedans.
Tout notre cabinet était parti pour un
voyage en Extrême-Orient et nous avions
le tiers de nos divisions de combat de retour d'Allemagne dans les airs, qui survolaient les Etats-Unis au moment de l'assassinat. A 12h 34 l'ensemble du réseau téléphonique tombe en panne à Washington,
pendant une bonne heure. Et la salle
d'Etat-major de la Maison Blanche avertit
Lyndon Johnson par radio dans l'avion qui
le ramène à Washington que l'assassinat a
été perpétré par un individu isolé. C'est pas
des drôles de coïncidences ça monsieur
Garrison ?
— Non.
— Non, évidemment pas.
Le cabinet était à l'extérieur du pays pour
détourner son attention; l'armée était dans
les airs pour mater d'éventuelles émeutes, le
téléphone était coupé pour éviter aux rumeurs de se propager en cas d'échec du
plan. Rien n'a été laissé au hasard. Il n'avait
aucune chance de s'en sortir vivant...
A partir de ce moment-là tout a été différent. Le Vietnam a démarré pour de bon. Y
avait un air de... je sais pas, de conspiration
au Pentagone et à la CIA. Les types dans
les services secrets comme moi depuis le
début savaient que la Commission Warren
était une fiction, mais il y avait quelque
chose... de plus profond... de plus laid. Je
connaissais très bien Allen Dulles, je l'ai
même renseigné sur plusieurs dossiers.
Mais je vous jure que je ne comprends toujours pas pourquoi cet homme a été nommé pour enquêter sur la mort de Kennedy
qui l'avait saqué. Et en plus de cela, Dulles
était le bienfaiteur du général Y. Je suis parti en 64. J'ai donné ma démission...
— Je n'avais pas réalisé que Kennedy était aussi dangereux pour l'Establishment. C'est ça
le pourquoi ?
— Mais voilà la vraie question, le pourquoi. Le
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qui, et le comment, ne sont là, que pour
amuser le public ! Oswald, Ruby, Cuba, la
mafia, occupent son esprit comme un jeux
de société et l'empêchent de se poser la
plus importante question: pourquoi ?
Pourquoi a t-on tué Kennedy ? Qui en a
profité ? Qui a le pouvoir d'étouffer l'affaire ? qui ? ...
En 1961, juste après la Baie des Cochons,
très très peu de gens sont au courant de ça,
j'ai participé à la rédaction des mémorandums de Sécurité nationale 55, 56 et 57. Ce
sont des documents essentiels, des dossiers
top secret. Et qui disent en gros, que le
Kennedy informait le général Lemnitzer,
chef de l'Etat-major inter-armée, que désormais les chefs d'Etat-major seraient entièrement responsables de la couverture des
actions paramilitaires en temps de paix. Cela signifiait la fin du règne de la CIA, éclatée comme JFK l'avait promis, en mille
morceaux. Et maintenant il ordonnait aux
militaires de l'aider à le faire ! C'était sans
précédent. Je ne pourrais vous dire l'onde
de choc que ça a déclenché dans les allées
du pouvoir à Washington ! Cette nouvelle
et aussi le limogeage d'Allen Dulles, de Richard Bissell et du général Charles Cabell,
les vaches sacrées de l'espionnage depuis la
Deuxième Guerre mondiale. Ça a été l'affolement général ! Les directives de Kennedy
n'ont jamais été réellement exécutées à
cause des multiples réticences... bureaucratiques ! Une des conséquences a été que
mon département s'est retrouvé chargé de
l'opération cubaine, sous le nom d'Opération Mangouste. Mangouste était de la pure
OP noire. On avait établi la base secrète
dans le campus universitaire de Miami, la
plus grande antenne intérieure de la CIA.
Le budget annuel était de plusieurs centaines de millions de dollars. 300 agents,
7000 Cubains triés sur le volet, 50 sociétés
bidon pour le blanchiment de l'argent. Ils
se livraient à une guerre sans répit contre
Castro. Sabotage industriel, moissons brûlées, le paquet. Et tout ça s'est retrouvé
sous le contrôle du général Y. Il a juste pris
les règles de la guerre secrète utilisées à
l'étranger et les a appliquées à notre pays. Il
avait les hommes, le matériel, les bases... et
la motivation. Et ne sous-estimez pas les
coupes budgétaires que Kennedy avait demandées en mars 63, pas moins de 52 ins-
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tallations militaires dans 25 Etats, 21 bases
outre-mer. Il s'agit de beaucoup de fric.
Vous savez combien d'hélicoptères on a
perdu au Vietnam ? ... Près de 3000 jusqu'a
maintenant. Qui les a fabriqués ? Bell Helicopter. Et à qui appartient Bell ? Bell était
presque en faillite quand la First National
Bank de Boston a proposé à la CIA de développer l'utilisation de l'hélicoptère en Indochine. Qui fabrique les chasseurs F111 ?
Et à qui appartient la Général Dynamics de
Forts Walls au Texas ? Epluchez le budget
de la défense depuis le début de la guerre:
75 à plus de 100 milliards. Près de 200 milliards seront dépensés avant la fin. En 1949
c'était 10 milliards. Pas de guerre, pas d'argent. L'organisation même de toute société
Monsieur Garrison est basée sur la guerre.
L'autorité de l'Etat sur son peuple réside
dans sa puissance de guerre. Et Kennedy
voulait mettre fin à la Guerre froide dans
son second mandat. Il voulait arrêter la
compétition spatiale au profit d'une coopération avec les Soviétiques; il a signé avec
eux un traité interdisant les essais nucléaires, il a refusé d'envahir Cuba en 1962,
et il préparait le retrait des troupes du Vietnam.
Mais tout ça s'est écroulé, le 22 novembre
1963. Pourtant dès 1961 ils savaient que
Kennedy ne ferait pas la guerre au sud-est
asiatique. Comme César il est entouré d'ennemis. Quelque chose se trame, mais qui
n'a pas de visage. Pourtant tout son entourage sait.
— «Vous pouvez mettre une croix sur vos
troupes. Il a dit à McNamara qu'il allait
foutre à la porte ces salopards de conseillers.
Il nous a baisés au Laos ! Et maintenant
il va nous baiser dans cette saloperie de
Vietnam !
— Il peut pas le faire avant d'être réélu. Il ne
peut pas se le permettre.
— Il paraît que ça a été à feu et à sang au
Conseil national de Sécurité.
— J'aurais pas voulu manquer ça pour tout
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l'or du monde.
— Des têtes vont tomber un peu partout.
— Vous savez ce que Lemnitzer a fait ?
— Non, quoi ?
— Kennedy a essayé de lui mettre le nez dans
la merde, en disant que si nous n'étions pas
allés à Cuba qui est si près, pourquoi
irions-nous au Vietnam alors que c'est si
loin ?
— Ce fils de pute, il a la trouille et il fait encore fait marche arrière.»
— Il y avait beaucoup d'argent en jeu, 100 milliards de dollars. Kennedy faisait miroiter à
ces principaux districts électoraux les dollars de la défense. Il ne donnait de contrat
pour les chasseurs TFX qu'aux comtés qui
lui feraient faire la différence en 64. Mais
son entourage a riposté, à sa façon.
« — Il nous faut le contrôle des services de renseignements de Saïgon.
—
Nous ne laisserons McNamara essayer de
foutre son nez dans cette affaire. Chaque
fois qu'il va de Saïgon, pour cette putain de
mission de renseignement, il revient avec des
nouvelles qui foutent la trouille au Président. Je veux que Max Taylor soit sur son
dos jour et nuit, comme une mouche sur de
la merde. Si on contrôle McNamara, alors
on contrôle Kennedy.»
— Je crois que ça a commencé comme ça.
C'était dans l'air. Fournisseurs de l'armée,
gros banquiers, juste des conversations rien
de plus. Et puis un coup de fil a été donné,
peut-être a quelqu'un comme mon supérieur le général Y.
«— Oui... on y va, on a besoin de votre aide....
Quand ? ... A l'automne... Sans doute
dans le Sud.... Vous devez me fournir un
plan...
—
C'est faisable...»
— Tout est cloisonné. Personne n'a dis «il faut
qu'il meure». Il n'y a pas eu de vote, rien n'a
été écrit, il n'y a pas UN responsable. C'est
l'éternelle histoire de la crucifixion. Un pe-
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loton d'exécution, cinq balles, dont une à
blanc. Il n'y a pas de coupable, parce que
dans la hiérarchie du pouvoir tout ceux qui
savent, ont la possibilité de nier. Il n'y a pas
de compromission directe, si ce n'est au niveau le plus secret. Le seul objectif, c'est la
réussite de l'opération. Peu importe le
nombre de victimes, peu importe ce que
cela coûte, ces auteurs doivent en être les
vainqueurs, et jamais passible de poursuites
pour quoique ce soit, pour qui que ce soit.
Ça s'appelle: un coup d'Etat...
Kennedy annonce son voyage au Texas en
septembre. A ce moment-là les faux Oswald commencent à se montrer un peu partout à Dallas, où ils savent que le maire et
la police sont acquis à leur cause. Le général Y y envoie les assassins. Peut-être du
camp spécial que nous avons près
d'Athènes en Grèce. Des pros, des types du
coin, des Cubains sous contrat avec la mafia, en équipes séparées. Est-il vraiment
important de savoir qui a tiré ? Et de quel
toit ? Ça fait partie du décor. Je ne peux
m'empêcher de penser à cette journée, ce
mardi 26 novembre, le lendemain des funérailles de Kennedy.
«—Messieurs, je vous que vous sachiez que je
ne lâcherai pas le Vietnam comme l'a fait
la Chine. J'en fais une affaire personnelle.
Et je ne retirerai pas un seul soldat de làbas tant qu'ils n'aurons pas compris qu'il
faut compter avec nous en Asie.»
Lyndon Johnson a signé le mémorandum
de sécurité nationale 273 qui annulait la
nouvelle politique de retrait de Kennedy, et
donnait le feu vert pour lancer l'action militaire au Vietnam, ce qui provoqua l'incident
du Golfe du Tonkin.
«—Vous n'avez qu'à me faire élire, et je vous
la donnerai votre sacrée guerre.»
— Dans ce document, nous avons la guerre
du Vietnam...
Transcription du dialogue dans le film «JFK» de Oliver Stone, 1991.
1. A partir de ce dialogue, puis de sources que vous aurez consultées, dites ce qui va pour la
théorie du complot et ce qui va contre (Commission Warren). Qu'en concluez-vous ?
2. Reprenez les questions mentionnées dans cet extrait: pourquoi a t-on tué Kennedy ? Qui
en a profité ? et qui a le pouvoir d'étouffer l'affaire ? (ll 194-196) Qu'en concluez-vous ?
3. Que penser de la prise de position du réalisateur, Oliver Stone ?
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