1 Saisine n°2005-20 AVIS ET RECOMMANDATIONS de la

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1 Saisine n°2005-20 AVIS ET RECOMMANDATIONS de la
Saisine n°2005-20
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 3 mars 2005,
par Mme Eliane ASSASSI, sénatrice de Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3 mars 2005,
par Mme Eliane ASSASSI, sénatrice de Seine Saint-Denis, de faits de violences policières qui
auraient été commises sur quatre ressortissants congolais (deux hommes et deux femmes) lors
de leur expulsion du territoire français depuis la zone d’attente de Roissy-Charles de Gaulle
le 19 février 2005.
Un certificat médical établi à l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois (93)
concernant Mme B.M., joint à la requête de la parlementaire, fixe une ITT de quinze jours
suite à des blessures constatées le 20 février 2005 à 17h00.
Une information judiciaire est ouverte pour ces faits au cabinet de M. le Doyen des
juges d’instruction de Bobigny (93).
La Commission n’a pu procéder qu’à l’audition de Mme B.M., en qualité de victime
des violences qui auraient été exercées à son encontre.
Les officiers de quart F.B. et R.L., le brigadier R.A., ainsi que les gardiens de la
paix A.P. et J-C.N., en fonction à la ZAPI 3 (zone d’attente des personnes en instance) au
moment des faits, ont été entendus par la Commission, qui a recueilli également les
témoignages des fonctionnaires intervenants de la compagnie d’intervention polyvalente : le
brigadier T., et les gardiens de la paix F.S., C.B., P.C., L. et M.D.
Seul, M. B., actuellement retraité, en état d’ébriété manifeste lors de sa convocation
dans les locaux de la CNDS, a refusé d’attendre l’heure du rendez-vous qui lui avait été fixé.
La Commission se réserve donc le droit de saisir M. le Procureur de la République de Paris,
en application de l’article 15 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000 en ce qui le concerne.
> LES FAITS
Audition de Mme B.M.
Arrivée du Congo Brazzaville à Roissy le 12 février 2005, Mme B.M. était placée en zone
d’attente (ZAPI 3) pendant plusieurs jours. Le 19 février, il lui fut annoncé, ainsi qu’à trois
autres ressortissants congolais (deux hommes et une femme) qu’ils devaient embarquer le
soir vers 22h00 sur un vol de la compagnie Air Gabon à destination de Libreville, pour
rejoindre ensuite Brazzaville pour un vol régulier.
Après avoir reçu une collation aux environs de 18h00, tous quatre furent « menottés, les
pieds, les genoux et la poitrine attachés avec des bandes velcro », soulevés pour prendre
place dans un véhicule de police. Mme B.M. relatait que : « L’autre femme congolaise (…),
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qui pleurait, a été giflée, insultée puis jetée à même le sol, où elle reçut des coups de poings
et de pieds (…). Cette femme n’a pas été embarquée dans l’avion. »
Les deux hommes et Mme B.M. furent donc « portés dans l’avion », où après remise au
personnel de sécurité de l’appareil (deux policiers gabonais), ils furent détachés de leurs
liens à la demande du commandant de bord et suite à l’intervention de deux passagers.
Mme B.M. précisait alors avoir été par la suite « frappée, étranglée et attachée de la même
manière » par les policiers gabonais. Intervenant une nouvelle fois, les policiers français
l’auraient encore frappée, après avoir procédé au débarquement d’un passager qui
« protestait ».
La commandant de bord refusant alors l’embarquement de Mme B.M. et des deux hommes
qui devaient être reconduits, les fonctionnaires de la PAF s’assuraient de leurs personnes.
Mme B.M. prétendait alors avoir été « lancée sur le sol de la camionnette, avoir reçu des
coups de poing et des gifles et aurait été piétinée par un fonctionnaire de la police ».
A son retour à la ZAPI, les « dames de l’accueil » la conduisaient dans sa chambre et lui
conseillaient de voir le médecin car elle « avait des bleus partout ».
Un certificat médical fut établi comme déjà précisé.
Auditions des fonctionnaires de police
Fonctionnaires en poste à la ZAPI
Il s’agit du brigadier R.A. et des gardiens de la paix A.P. et J-C.N.
Le brigadier R.A. a relaté que sa mémoire était défaillante, précisant : « Il y a deux ans que
cette affaire a eu lieu. Je n’en ai aucun souvenir ». Chef de poste à compter du 20 février à
13h00, M. R.A., qui était donc absent au moment des faits, a ajouté : « Il est possible que
j’aie oublié de le noter sur la main-courante en ce qui concerne le transport de Mme B.M. à
l’hôpital Robert-Ballanger. »
Le gardien A.P., pour sa part, a pris son service à 13h00 en tant que chef de poste pour le
terminer à 21h51. Lui passant les consignes le lendemain à sa nouvelle prise de service, son
collègue lui faisait part « de la présence de personnes débarquées à la demande d’un
commandant de bord et d’une personne qu’il avait fallu amener à la douche après qu’elle se
fut oubliée sur elle ».
Le gardien J-C.N. déclarait qu’exerçant à la ZAPI 3 depuis 2000, il l’aurait fait cesser et
rendu compte, « s’il avait constaté le moindre mauvais traitement verbal ou physique à
l’égard de B.M. ». Présent au moment du retour de l’escorte, il aurait constaté que « les gens
étaient calmes », ajoutant que rien ne lui avait été signalé ni par Mme B.M. ni par le délégué
de la Croix Rouge.
Fonctionnaires de la CIP (compagnie d’intervention polyvalente)
Le brigadier T. précisait que, responsable ce jour-là du groupe intervenant et donc chargé de
la reconduite des quatre personnes parmi lesquelles se trouvaient Mme B.M., il « n’avait
constaté aucune trace de violence physique dont Mme B.M. aurait pu être victime lorsqu’elle
était sous la responsabilité de la PAF ». Il évoquait un incident s’étant produit à bord de
l’appareil et l’ayant conduit à interpeller avec un de ses collègues un passager qui s’opposait
au rapatriement des intéressés.
Interpellé par les membres de la Commission sur les moyens de contention utilisés vis-à-vis
des personnes reconduites, il déclarait : « Nous agissons sur ordre. Le matériel utilisé est
fourni par notre administration. J’estime pour ma part qu’afin de mettre un terme à des
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critiques injustifiées, tant pour notre garantie morale que pour la garantie des personnes
acheminées, les expériences relatives à leur reconduite devraient être filmées ou accomplies
devant un témoin extérieur à l’administration de la police. »
Le gardien M.D. ajoutait que les personnes ainsi entravées l’étaient sur ordre, après qu’elles
aient dans un premier temps refusé un embarquement libre.
Les autres fonctionnaires entendus n’ont aucun souvenir concernant Mme B.M. ou les deux
autres personnes concernées, aucune trace de violence n’ayant été constatée. Tous ont
cependant insisté sur les incidents ayant eu lieu à bord de l’appareil, dont la sécurité était
assurée par des policiers gabonais.
Le capitaine F.B.
Le capitaine F.B. est intervenu après que le commandant de bord eût refusé de décoller
suite à un incident entre les escorteurs gabonais et des passagers, ce qui le conduisait à
refuser la présence à bord des personnes reconduites. Il se retirait alors, après avoir
ordonné le réacheminement des intéressés vers la ZAPI 3.
Le lieutenant R.L. est intervenu en appui de son collègue et n’a constaté aucun acte de
violences sur les personnes remises à la ZAPI. Responsable de la procédure dressée à
l’encontre de la personne s’étant opposée à la mesure de non-admission, il a été conduit à
interroger les escorteurs gabonais sur ce point précis. Aucun fait de violence n’a pu être
établi à leur encontre.
> AVIS
Une information visant les violences dont Mme B.M. aurait été victime est ouverte au cabinet
de M. le Doyen des juges d’instruction de Bobigny. La « segmentation » des tâches telles
qu’elles sont accomplies sur la plateforme aéroportuaire de Roissy par les fonctionnaires de
la PAF ne permet pas aux membres de la Commission d’établir avec certitude à quel niveau
de la chaîne d’intervention les violences médicalement constatées, et dont a souffert
Mme B.M., ont été commises.
Il faut rappeler en effet que pendant le temps passé dans l’appareil, Mme B.M. a également
été placée sous la responsabilité de policiers gabonais, échappant ainsi à la vigilance des
fonctionnaires de la PAF, qui n’ont rien constaté d’anormal lors du retour vers la ZAPI.
La Commission s’étonne que Mme B.M. n’ait été conduite à l’hôpital Robert-Ballanger que le
20 février à 17h00, soit près de dix-huit heures après les faits.
La Commission regrette que ce transport à l’hôpital n’ait pas été mentionné sur la maincourante de la ZAPI, s’agissant de la part du brigadier R.A. d’un oubli manifestement
constitutif d’une faute de service.
La Commission dénonce l’utilisation d’entraves complètes, parce qu’elles sont attentatoires à
la dignité des personnes, même dans le cas où celles-ci ont au préalable refusé un
embarquement libre.
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande que, dans les cas difficiles, un témoin extérieur à
l’administration assiste aux reconduites des personnes pour leur propre garantie, ainsi que
pour celle des fonctionnaires de police.
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Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2005-38
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 2 mai 2005,
par M. Noël MAMERE, député de la Gironde
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2 mai 2005, des
conditions d’interpellation et de placement en garde à vue de M. A.L. le 22 mars 2005, à la
suite d’un contrôle routier effectué par des fonctionnaires de police affectés à l’unité de
sécurité routière de Toulouse.
La Commission a pris connaissance de la procédure ayant conduit à la condamnation
du plaignant pour conduite d’un véhicule sans permis (chambre des appels correctionnels de
la cour d’appel de Toulouse, 11 septembre 2006).
> LES FAITS
Le 22 mars 2005, à Toulouse, M. A.L. est contrôlé par une patrouille de police alors que,
circulant en voiture, il vient de franchir un feu rouge. L’automobiliste se trouvant dans
l’impossibilité de présenter une pièce afférente à la conduite ou à la circulation dudit
véhicule, les policiers effectuent alors des vérifications à l’issue desquelles il s’avère que le
permis de conduire (catégorie B) de l’intéressé a fait l’objet d’une annulation pour retrait de la
totalité des points.
En effet, après une première condamnation pour blessures involontaires (cour d’appel de
Toulouse, 13 novembre 1997), l’automobiliste s’était vu infliger une peine de suspension du
permis de conduire entraînant une première perte de six points. Ayant refusé de restituer son
permis pourtant suspendu en exécution de la décision précitée, M. A.L. a été condamné une
seconde fois par le tribunal correctionnel de Toulouse le 20 novembre 1998. Cette seconde
condamnation a alors entraîné un nouveau retrait de six points, réduisant à zéro le capital de
points affectés au permis de conduire de M. A. L.
A la suite de ce retrait emportant invalidation de son permis de conduire, M. A.L. a formé, en
vain, un recours devant le tribunal administratif de Toulouse. Le 1er septembre 1999, le préfet
de Haute-Garonne a pris un arrêté d’annulation du permis de l’intéressé. Toutefois, au
regard de l’imprimé de notification figurant au dossier (lequel ne comporte pas la signature
de M. A.L.), il n’est pas certain que l’annulation ait été officiellement notifiée à l’intéressé.
En conséquence, il n’est pas juridiquement possible de considérer qu’au moment du
contrôle, M. A.L. conduisait un véhicule en dépit d’une annulation de son permis. Toutefois,
après avoir relevé que le retrait de la totalité des points avait entraîné automatiquement
l’invalidation du permis (pour cause de solde nul de points), la cour d’appel de Toulouse a
considéré que le délit de conduite d’un véhicule sans permis demeurait constitué au regard
des dispositions de l’article L. 221-2 du Code de la route.
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> AVIS
Dans son courrier adressé au parlementaire auteur de la saisine (et joint au dossier), le
plaignant formule plusieurs griefs.
Il estime d’abord ne pas avoir commis l’infraction (le non-respect d’un feu rouge) constatée
par les fonctionnaires de police.
L’examen de ce grief relève de la compétence des juridictions répressives.
M. A.L. prétend ensuite avoir été victime de plusieurs infractions (singulièrement une
séquestration et un vol) de la part de l’unité de sécurité routière placée sous l’autorité du
commandant F.
S’agissant en premier lieu de la séquestration, M. A.L. se plaint d’avoir été ramené au
commissariat de police et d’y avoir été placé en garde à vue pendant une dizaine d’heures.
Au regard du dossier de la procédure, il apparaît qu’au moment du contrôle, les
fonctionnaires de police avaient des raisons plausibles de soupçonner que l’automobiliste
était l’auteur d’un délit puni d’emprisonnement, de sorte que le placement en garde à vue ne
saurait s’analyser en une séquestration arbitraire. Si la consultation des fichiers de police
révélait l’existence d’un solde de points nul – et donc la caractérisation d’un délit –, rien ne
permettait de confirmer, au moment du contrôle, la thèse de l’automobiliste selon laquelle il
conduisait son véhicule en vertu d’un permis de conduire espagnol, obtenu en échange de
son permis de conduire français invalidé. Au surplus, un permis étranger ne saurait accorder
à son titulaire plus de droits que le permis français auquel il s’est substitué.
S’agissant en second lieu du vol dont se seraient rendus coupables certains fonctionnaires
de police, M. A.L. se plaint qu’à l’occasion d’une perquisition menée à son domicile pendant
le temps de la garde à vue, un officier de police judiciaire ait pris l’initiative de s’emparer de
divers documents officiels dont un permis de conduire espagnol, une carte grise et une
assurance. Là encore, la perquisition comme la saisie subséquente relèvent des actes de
police judiciaire expressément autorisés par le Code de procédure pénale et ne sauraient
constituer, comme le prétend le plaignant, des « actes portant atteinte à la dignité de la
personne ou à ses droits fondamentaux ».
Adopté le 9 juillet 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2005-47
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 10 mai 2005,
par M. Julien DRAY, député de l’Essonne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 mai 2005,
par M. Julien DRAY, député de l’Essonne, des conditions de l’audition d’un mineur, M. J.B.,
à la suite d’une main-courante, par l’un des fonctionnaires du SARIJ du 12ème arrondissement
de Paris.
La Commission a pris connaissance des procès-verbaux d’audition.
Elle a entendu M. J.B., assisté de son père M. A.B., ainsi que le fonctionnaire de
police incriminé, le brigadier-chef C.V., assisté du commissaire central du 12ème
arrondissement de Paris.
> LES FAITS
A la suite d’injures et de violences physiques que son propre fils, M. J.B., aurait proférées et
exercées à son encontre, Mme V.J., divorcée de M. A.B., se présentait au commissariat de
police du 12ème arrondissement pour faire enregistrer ces agissements délictueux sur maincourante. A défaut de déposer plainte contre son fils alors âgé de 13 ans, Mme V.J.
souhaitait qu’il soit convoqué par les services de police afin qu’il s’explique sur son attitude
particulièrement violente (coups portés à la mère, menaces avec un marteau, crachats au
visage, etc.).
Une semaine après l’enregistrement de cette déclaration sur le registre des mainscourantes, le brigadier-chef C.V. (du SARIJ 12 mineurs) procède à l’audition de M. J.B., fils
de Mme V.J. et de M. A.B.
A l’occasion de cette audition, M. J.B. reconnaissait s’être disputé avec sa mère au sujet
notamment du nouveau compagnon de cette dernière. Il reconnaissait également avoir
refusé de rester chez elle, contrairement à ce qu’avait décidé le juge aux affaires familiales.
S’il reconnaissait également avoir brisé des miroirs dans la maison, M. J.B. prétendait en
revanche que sa mère l’avait ce jour-là menacé avec un marteau.
A la fin de l’audition, M. A.B., présent au commissariat, prenait connaissance des
déclarations de son fils sans rien y ajouter, si ce n’est des photocopies de certificat médical.
Dans le courrier adressé au parlementaire auteur de la saisine, M. A.B. se plaint du
comportement du fonctionnaire de police ayant procédé à l’audition de son fils en mettant en
avant la partialité et l’indélicatesse de ce dernier.
> AVIS
La saisine de la Commission s’inscrit dans un contexte particulier de relations conflictuelles
entre deux époux divorcés, relations émaillées de multiples dépôts de plaintes et de mains-
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courantes, relativement à l’exercice des droits de visite et d’hébergement de leur fils
adolescent.
A la lumière du dossier de la procédure et des auditions qu’elle a menées, la Commission
n’a pas constaté que les déclarations contenues dans les procès-verbaux étaient dénaturées
ou visaient à discréditer l’un des parents au détriment de l’autre.
La Commission n’a pas davantage constaté que les questions posées par le brigadierchef C.V. étaient de nature à provoquer un traumatisme psychologique chez l’adolescent, qui
serait, selon les déclarations de son père, sorti très éprouvé de cette audition.
En conséquence, la Commission ne déplore aucun manquement à la déontologie policière.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2005-49
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 31 mai 2005,
par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 31 mai 2005,
par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône, des circonstances du décès par balle
de M. P.B., le 8 novembre 2004, à l’issue d’une course-poursuite engagée, suite à un vol de
véhicule, avec des fonctionnaires du groupe de sécurité et de proximité de la circonscription
de sécurité publique de Sète.
Malgré plusieurs requêtes, la Commission n’a pu obtenir, du magistrat chargé de
l’information judiciaire, communication de l’intégralité de la procédure pénale ouverte
contre X des chefs d’homicide volontaire sur la personne de M. P.B. La Commission a en
revanche été destinataire de l’enquête administrative diligentée par l’IGPN, par
l’intermédiaire de sa délégation régionale de Marseille.
La Commission a d’abord entendu la compagne de M. P.B., Mme F.B., ainsi que
M. J.B., oncle de la victime et lui-même blessé au cours des faits à l’origine de la saisine. Elle
a ensuite procédé aux auditions des fonctionnaires de police MM. M.Z., P.H., J.R. et E.R.,
impliqués dans la course-poursuite.
> LES FAITS
Le 8 novembre 2004, peu après 15h00, un véhicule de marque Renault Clio est volé à Sète
par deux individus. Grâce au signalement du propriétaire, témoin des faits, une patrouille
composée de quatre fonctionnaires de police du groupe de sécurité et de proximité de la
circonscription de sécurité publique de Sète (le brigadier P.H., les gardiens de la paix E.R. et
J.R., ainsi que l’adjoint de sécurité M.Z.) parvient rapidement à repérer le véhicule volé, dont
le conducteur refuse d’obtempérer, malgré l’usage incessant du gyrophare et du deux-tons.
S’ensuit alors une course-poursuite le long de la route du littoral reliant Sète à Agde. Après
avoir parcouru environ une quinzaine de kilomètres en direction de Marseillan-Plage, le
véhicule des fuyards quitte brusquement la route nationale 112 pour emprunter un chemin
de terre à l’issue duquel il s’immobilise dans une zone marécageuse. Ses occupants
abandonnent le véhicule et prennent la fuite en courant.
A ce moment précis, les quatre fonctionnaires de police en uniforme engagés dans la
poursuite descendent à leur tour de leur véhicule sérigraphié pour continuer la poursuite à
pied. Selon les dires des policiers, l’un des fuyards – en l’occurrence M. J.B. – aurait, tout en
courant, ouvert le feu à deux reprises dans leur direction en se retournant de trois-quarts.
A l’exception du chef de groupe P.H., tous les fonctionnaires de l’équipage répliquent alors
en faisant usage de leur arme de dotation (Manurhin 38 pour les gardiens de la paix, pistolet
semi-automatique 7,65 pour l’adjoint de sécurité). L’un des voleurs, M. P.B., est atteint d’un
projectile de 7,65 dans la tête et décède immédiatement. Le second, M. J.B., (en libération
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conditionnelle après avoir été condamné à quinze reprises depuis 1975, notamment pour
vols, détention d’armes, homicide volontaire et évasions) est grièvement blessé à la
mâchoire. Après avoir jeté, dans un dernier geste, son arme dans la lagune, M. J.B. tombe
sur le sol, avant d’être maîtrisé par les fonctionnaires de l’équipage.
Très rapidement après la fusillade, la salle radio de Sète est informée de l’issue de la
poursuite et les secours sont alertés.
Saisi de l’enquête, le SRPJ de Montpellier effectuera par la suite les constations d’usage. Le
lendemain des faits, l’IGPN procédera pour sa part à l’audition des fonctionnaires impliqués
dans la fusillade dans le cadre d’une enquête administrative dont les conclusions ont été
transmises à notre Commission.
> AVIS
En même temps qu’elle n’est pas compétente pour apprécier la responsabilité pénale des
fonctionnaires impliqués dans la fusillade décrite ci-dessus, la Commission est parfaitement
habilitée à se prononcer sur d’éventuels manquements à la déontologie résultant de l’usage
meurtrier des armes au moment de l’interpellation. Aux termes de l’article 9 du Code de
déontologie de la police nationale (décret n°86-592 du 18 mars 1986), « lorsqu’il est autorisé
par la loi à utiliser la force, et en particulier à se servir des armes, le fonctionnaire de police
ne peut en faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre ».
Cette disposition a-t-elle été méconnue ?
En matière d’usage des armes à feu, les fonctionnaires de police ne disposent d’aucune
prérogative exorbitante du droit commun. Partant, seule la légitime défense (art. 122-5
C.pén.) est ici de nature à justifier les tirs de riposte. Encore faut-il caractériser une
agression injuste – au moins putative – et actuelle susceptible de constituer une infraction
pénale à l’encontre des fonctionnaires de police.
Cette première condition en appelle une seconde : la riposte des fonctionnaires de police
doit être volontaire, nécessaire et proportionnée à la gravité du danger encouru. A la lumière
des auditions auxquelles elle a procédé et des rapports d’enquête qui lui ont été transmis, la
Commission est en mesure d’affirmer que l’usage des armes à feu n’a pas en l’espèce
satisfait toutes ces exigences.
Les fonctionnaires de police étaient-ils au moment des faits réellement menacés dans leur
intégrité physique ? Les déclarations des quatre fonctionnaires de police, tant devant l’IGPN
que devant la Commission, sont concordantes sur ce point : c’est en riposte aux deux tirs
effectués par M. J.B. que les policiers auraient ouvert le feu. Ces déclarations, contredites
par M. J.B., semblent dans un premier temps compatibles avec les conclusions du rapport
d’expertise établi par Mme D.G., en sa qualité d’ingénieur principal au laboratoire de police
scientifique de Marseille. Aux termes de ce rapport, il résulte en effet que « les résidus de tir
présents sur la veste de J.B. peuvent provenir d’un tir par le porteur de la veste au moment
des faits ». Soulignons toutefois que le rapport n’exclut pas que les résidus de tirs puissent
provenir d’un tir antérieur aux faits ou d’une pollution par un tir effectué à courte distance par
un autre individu, ou bien encore par contact avec les policiers ayant procédé à
l’interpellation (après avoir effectué plusieurs tirs). Autant dire que les particules et résidus de
tirs retrouvés sur les effets de M. J.B. ne permettent ni d’infirmer, ni de confirmer la thèse
des policiers.
En revanche, cette dernière est en contradiction totale avec un autre aspect de l’expertise :
en effet, le pistolet automatique Sig Sauer jeté par M. J.B. a été retrouvé avec un chargeur
plein et aucune autre arme n’a été découverte sur les lieux malgré des recherches
approfondies. Comment M. J.B. a-t-il pu tirer à deux reprises en direction des policiers avec
une arme dont le chargeur ne s’est pas vidé ? Si cette interrogation disqualifie sensiblement
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la version des faits relatés par les policiers, elle n’exclut pas pour autant la thèse de la
légitime défense. En effet, le simple fait de diriger une arme à feu en direction des policiers
suffit à caractériser le danger justifiant un tir de riposte. Encore faut-il que cette riposte
respecte certaines conditions.
La riposte doit être concomitante à l’agression, nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt
menacé, et proportionnée à la gravité de l’agression. Dans une fusillade, un tir de riposte
satisfait théoriquement toutes ces exigences, à la condition que la riposte soit effectivement
dirigée contre l’auteur des coups de feu. La situation soumise à l’examen de la Commission
est différente. Les auditions, comme les constatations matérielles, démontrent avec certitude
que la personne décédée ne représentait pas une menace réelle ni putative pour les
fonctionnaires de police. Au moment de la fusillade, M. P.B. était simplement porteur d’un
sac plastique contenant deux armes de poing, dont il n’a à aucun moment fait usage à
l’encontre des policiers. Aucun des policiers auditionnés n’a par ailleurs déclaré que M. P.B.
avait une attitude pouvant laisser penser qu’il se préparait à user d’une arme.
Partant, il faut admettre que le décès de M. P.B. est à tout le moins la conséquence d’une
maladresse ou d’une imprudence dans la mise en œuvre du tir de riposte effectué par
l’adjoint de sécurité M.Z. Une telle conséquence, liée à la proximité entre les deux fuyards au
moment de la fusillade, est incompatible avec le professionnalisme, le discernement et la
rigueur gouvernant le recours à la force ; il révèle un manquement à la déontologie de la
sécurité de la part de son auteur.
> RECOMMANDATIONS
Eu égard au caractère fondamental du droit à la vie dans les sociétés démocratiques, la
Commission considère avec la Cour européenne des droits de l’Homme (V. notamment
CEDH, Perk et autres c/ Turquie, 28 mars 2006) que les circonstances dans lesquelles il
peut être légitime d’infliger la mort doivent s’interpréter strictement.
La situation réelle ou prétendue de légitime défense ne donne pas carte blanche, car
l’abandon à l’arbitraire de l’action des forces de l’ordre est incompatible avec un respect
effectif des droits de l’Homme et de la déontologie. La force employée pour procéder à
l’arrestation de malfaiteurs doit être absolument nécessaire et présenter un caractère
proportionné à la situation à laquelle les forces de l’ordre sont confrontées.
La Commission souhaite que les règles juridiques et déontologiques gouvernant l’usage de
la force meurtrière soient régulièrement rappelées aux détenteurs de la force publique, en
particulier à l’occasion de la formation des adjoints de sécurité. Ce rappel opportun des
règles applicables doit en outre s’accompagner aussi fréquemment que possible d’exercices
pratiques d’usage de l’arme, afin de réduire au maximum les risques mortels auxquels les
différents protagonistes sont exposés.
Cet avis sera transmis au procureur de la République compétent.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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La Commission a adressé cet avis pour information au procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Béziers.
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Saisine n°2005-53
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 juin 2005,
par M. Jacques MAHEAS, sénateur de Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 juin 2005,
par M. Jacques MAHEAS, sénateur de Seine Saint-Denis, des conditions de l’interpellation et
de la garde à vue de M. P.G. au commissariat de Rosny-sous-Bois.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. P.G. et son épouse Mme H.G., Mme D, leur voisine,
Mme S.P. lieutenant de police, M. F.M., lieutenant de police, M. P.Ma., gardien de la paix,
M. R.V., gardien de la paix, M. P.Mi., brigadier.
> LES FAITS
Le mercredi 15 décembre 2004, alors que M. P.G. prenait une douche, il entendit frapper
violemment à sa porte. Vêtu d’une serviette de toilette, il ouvrit sa porte d’entrée et se trouva
face à face avec cinq personnes qu’il eut du mal à identifier, souffrant de myopie. Il comprit
un peu plus tard que ces personnes étaient des fonctionnaires de police. Ces derniers
s’étaient rendus sur la commune de Neuilly-sur-Marne à la recherche d’un mineur suspecté
d’avoir commis un vol avec violence en réunion dans le RER. Ils s’étaient manifestement
trompés d’adresse et avaient frappé à la porte qui se trouvait en face de celle de
l’appartement qu’occupait la famille du suspect. Il semble que c’est après avoir demandé à
M. P.G. de rentrer chez lui qu’il comprit les raisons de leur présence.
Furieux d’avoir été ainsi dérangé sans raison, et probablement en état d’ébriété, M. P.G.
insulta les policiers en faisant référence au comportement de la Gestapo pendant la seconde
guerre mondiale. Les fonctionnaires de police essayèrent de calmer M. P.G. et lui
expliquèrent finalement les raisons de leur présence. Ils lui demandèrent avec insistance de
rentrer chez lui. Devant son refus, ils le repoussèrent en le faisant trébucher, à l’intérieur de
son appartement et refermèrent sa porte d’entrée. M. P.G. ressortit de son appartement
après avoir revêtu un peignoir et se rendit à l’étage inférieur de son immeuble pour prévenir
ses voisins qu’il était victime d’une bavure policière.
Pendant ce temps, les policiers cherchaient le suspect auprès de sa mère, Mme D., qui
occupait l’appartement d’en face. M. P.G. revint sur son palier et demanda à sa voisine si les
policiers étaient corrects avec elle. Elle lui répondit positivement, visiblement troublée par la
tournure des évènements. Cette réponse ne suffit pas à M. P.G., qui agrippa le
lieutenant F.M. par son écharpe. Deux gardiens de la paix, MM. C.J. et A.S., maîtrisèrent
alors M. P.G. en le plaquant d’abord contre le mur puis en l’amenant au sol, car il résistait et
les mettait en difficulté en raison de sa force et de sa corpulence. M. P.G. se plaint de ce
qu’un des policiers aurait appuyé sa chaussure de modèle Rangers sur son visage alors qu’il
était au sol.
18
Une fois menotté, M. P.G. fut emmené jusqu’à un véhicule de police et conduit au
commissariat. Il y fut immédiatement placé en garde à vue. Tous ses droits lui ont
régulièrement été notifiés et effectivement mis en œuvre.
Bien que la notification de la garde à vue ait été faite à l’intéressé dès le mercredi 15
décembre 2004 à 19h00, le parquet n’a été averti que le lendemain matin à 9h30, et la
libération immédiate de M. P.G. a été ordonnée, compte tenu de la nullité encourue.
Interpellé et placé en garde à vue alors qu’il était en peignoir, M. P.G. a passé toute la nuit
dans cet accoutrement, ceinture enlevée pour des raisons de sécurité, alors que son épouse
s’était présentée au commissariat aux environs de 21h30 pour lui remettre des vêtements, à
la demande de l’officier qui avait procédé à l’interpellation et au placement en garde à vue. A
son retour des unités médico-judiciaires (UMJ), vers 23h30, il portait également des
chaussons et un pantalon jetables qui lui avaient été remis par l’infirmière du service.
M. P.G. considère que cette omission traduit une volonté d’humiliation de sa personne.
Le gardien de la paix P.Ma., chef de poste responsable du déroulement de la garde à vue de
M. P.G. de 19h00 à 22h30, conteste cette version des faits : ayant reçu les vêtements des
mains de Mme H.G., il les a proposés à M. P.G., mais ce dernier, très agité, les a
catégoriquement refusés.
> AVIS
La Commission estime qu’au regard du comportement insultant et violent de M. P.G., son
interpellation par les fonctionnaires de police était devenue nécessaire. Tout en constatant
qu’il lui est difficile d’établir le degré d’implication des protagonistes dont les déclarations se
sont révélées contradictoires sur plusieurs points concernant l’altercation, notamment sur le
fait que le visage de M. P.G. aurait été écrasé par la chaussure de l’un des policiers, la
Commission regrette que les fonctionnaires de police n’aient pas été en mesure de maîtriser,
par le dialogue et par l’information de M. P.G. sur son droit à demander réparation des
dommages causés à sa porte, une situation qu’ils avaient eux-mêmes créée.
Observant toutefois le nombre et l’ampleur des traces de violences constatées sur la
personne de M. P.G. dès son passage aux UMJ, puis confirmées par un certificat médical
détaillé de son médecin traitant établi dès le lendemain des faits (coupure du scalp d’environ
2 cm, avec hématome pariétal gauche, multiples ecchymoses de la face antérieure et
postérieure de l’épaule gauche, avec érosions cutanées superficielles, multiples hématomes
aux deux bras…le tout entraînant une ITT de six jours), elle s’interroge sur la maîtrise des
gestes techniques professionnels d’intervention dont ont fait preuve les policiers
interpellateurs.
La Commission déplore l’information tardive du parquet qui n’a été effectuée que le
lendemain du placement en garde à vue, soit plus de douze heures après le début de la
mesure.
Elle est enfin préoccupée par les conditions matérielles dans lesquelles s’est déroulée la
garde à vue de M. P.G., qui a passé toute la nuit en peignoir, avec des chaussons et un
pantalon en papier obtenus auprès du personnel de l’UMJ, alors que son épouse s’était
présentée au commissariat peu de temps après le début de la mesure pour lui remettre des
vêtements. Cependant, au regard des déclarations contradictoires de M. P.G. et du gardien
de la paix P.Ma., la Commission ne peut se prononcer sur les raisons qui expliquent que
M. P.G. ne portait pas ses vêtements à l’issue de sa garde à vue.
19
> RECOMMANDATIONS
La Commission réaffirme la nécessité d’inciter les fonctionnaires de sécurité à un dialogue
constructif et apaisant avec les personnes interpellées, tout particulièrement lorsque ces
dernières le sont à la suite d’une erreur qui aurait mérité des excuses de leur part.
L’utilisation des gestes techniques professionnels d’intervention requiert un grand
professionnalisme comme une maîtrise pratique qui doivent permettre d’éviter la constatation
de blessures de cette nature sur les personnes interpellées.
La Commission rappelle l’obligation contenue dans l’article 63 du Code de procédure pénale,
aux termes duquel l’officier de police judiciaire (OPJ) qui décide d’un placement en garde à
vue doit, sauf circonstances insurmontables, immédiatement en informer l’autorité judiciaire,
constitutionnellement garante de la liberté individuelle, et chargée d’apprécier l’opportunité et
la durée de cette mesure coercitive. Ce manquement, commis par un OPJ, justifie la
transmission de l'avis au procureur général près la Cour d’appel de Paris.
Dès lors que maintenir une personne en garde à vue vêtue d’un peignoir, de chaussons et
d’un pantalon hospitaliers en papier peut être ressentie comme une humiliation, la
Commission souhaite que l’attention des fonctionnaires chargés du bon déroulement de ces
mesures soit à nouveau appelée sur la mise en œuvre effective du respect de la dignité des
personnes privées de leur liberté, conformément au Code de déontologie de la police
nationale et à la circulaire du 11 mars 2003 du ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et des
Libertés locales.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
Conformément à l’article 9 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur général près la cour d’appel de Paris, dont la réponse a été la suivante :
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Saisine n°2005-103
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 15 décembre 2005,
par Mme Claire BRISSET, Défenseure des enfants
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le 15 décembre
2005 par Mme Claire BRISSET, Défenseure des enfants, des conditions d’interpellation et de
placement en garde à vue de M. A.M.R, mineur au moment des faits. La Commission a
pareillement été saisie des modalités de perquisition au domicile de ce dernier.
La Commission a entendu M. A.M.R. assisté de son père, M. A.R. La Commission a
également procédé à l’audition des fonctionnaires de police (MM. E.C., J-P.P., O.G., et R.R.,
tous en fonction à l’époque des faits à la BSU de Vincennes) ayant participé à divers titres
aux opérations susvisées.
La Commission a enfin examiné le dossier de la procédure pénale jusqu’au jugement
de relaxe prononcé, le 16 janvier 2007, par le tribunal pour enfants de Bobigny.
> LES FAITS
Soupçonné d’avoir participé à plusieurs vols et violences aggravés au cours des mois d’avril
et de mai 2005, M. A.M.R., âgé de plus de 13 ans, a été interpellé le 11 mai 2005 en fin de
matinée au sein du collège Jean Moulin de Montreuil, où il était scolarisé en classe de 4ème.
Après avoir fait l’objet d’une palpation de sécurité, l’intéressé a été placé en garde à vue et
ramené au commissariat de Vincennes par les fonctionnaires de police interpellateurs.
En début d’après-midi, les policiers se sont transportés au domicile du mis en cause pour
procéder à une perquisition en compagnie de l’intéressé. Agissant dans le cadre d’une
enquête préliminaire, les fonctionnaires de police ont pénétré dans le domicile de l’intéressé
sur autorisation préalable de son père, présent sur les lieux.
Après une fouille minutieuse de l’appartement, les policiers ont saisi pour les besoins de
l’enquête un sac de sport, un téléphone portable ainsi qu’un lecteur MP3.
De retour au commissariat, et toujours sous le régime de la garde à vue, M. A.M.R., déjà
connu des services de police, a été auditionné à deux reprises sur certains faits de violences
et de vols aggravés. A l’exception des vols aggravés, le mis en cause a reconnu sa
participation à un recel de vol et à une tentative de vol aggravé.
Par jugement contradictoire en date du 16 janvier 2007, le tribunal pour enfants de Bobigny a
relaxé M. A.M.R. des chefs de la poursuite. Aucun appel n’ayant été relevé contre cette
décision, le jugement de relaxe est devenu définitif.
25
> AVIS
Dans sa plainte adressée à l’institution du Défenseur des enfants, le père du mineur relaxé
s’est plaint d’actes à connotation antisémite et raciste, « sa femme ayant été insultée et ses
enfants séquestrés le temps de l’opération de perquisition menée à son domicile ». Le
plaignant allègue également que les policiers lui auraient volé des objets au moment de la
perquisition. Il a prétendu également que son fils aurait été brutalisé lors de sa garde à vue.
A la lumière des auditions qu’elle a menées et du dossier de la procédure qu’elle a examiné,
la Commission ne constate pour sa part aucun manquement à la déontologie.
En premier lieu, l’interpellation pour audition du collégien M. A.M.R. – dont on pouvait
craindre qu’il ne réponde pas à une convocation de l’officier de police judiciaire – est
intervenue sur autorisation du procureur de la République, conformément aux dispositions
de l’article 78 du code de procédure pénale.
Remis aux agents interpellateurs par le principal du collège hors la présence des autres
collégiens, l’intéressé n’a jamais été menotté au sein de l’établissement scolaire. Il n’est pas
certain qu’il l’ait été davantage pendant le transport vers le commissariat.
En second lieu, au moment du placement en garde à vue comme au moment de la
prolongation de la mesure, un officier de police judiciaire a notifié à l’intéressé tous les droits
inhérents à cette mesure de police. S’il n’a pas souhaité s’entretenir avec un avocat,
l’intéressé a en revanche fait l’objet d’un examen médical, et ses parents ont été
effectivement avisés de la mesure dans les trois heures à compter du début de celle-ci
(contrairement aux déclarations du père de l’intéressé devant notre Commission).
Lors de l’examen médical comme lors de sa présentation devant le procureur de la
République (au moment de la prolongation de la garde à vue pour une nouvelle durée de
vingt-quatre heures), M. A.M.R. ne s’est jamais plaint d’avoir subi de mauvais traitements.
De tels traitements n’ont d’ailleurs jamais été médicalement constatés.
En dernier lieu, la perquisition réalisée au domicile de M. A.R. dans le cadre d’une enquête
préliminaire n’a pas été effectuée de manière coercitive, mais avec l’assentiment exprès du
père de l’intéressé. Loin d’avoir été volés par les fonctionnaires de police présents au
domicile, les objets litigieux (sac de sport, lecteur MP3, téléphone portable) ont été saisis et
placés sous scellés, conformément à la loi.
Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que les déclarations de M. A.M.R. devant notre
Commission sont dénuées de tout fondement : l’intéressé a bien été examiné par un
médecin qui a établi un certificat de compatibilité avec la mesure de garde à vue ; l’intéressé
n’a pas consulté un avocat tout simplement parce qu’il a refusé à deux reprises l’usage de
cette faculté. Enfin, compte tenu du contexte de l’affaire, il paraît difficile d’admettre que les
aveux du mis en cause – enregistrés en audiovisuel – aient été passés sous la contrainte
physique et morale (gifle, coup de pied au visage, intimidations diverses).
Faute d’éléments plus tangibles et concordants, la Commission ne peut accorder de crédit
aux allégations de M. A.M.R.
Adopté le 2 mai 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
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Saisine n°2006-3
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 10 janvier 2006,
par Mme Elisabeth GUIGOU, députée de Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 janvier 2006,
par Mme Elisabeth GUIGOU, députée de Seine Saint-Denis, des conditions de l’interpellation
et de la garde à vue de M. Q.E., le 11 juin 2005, à Saint-Denis.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. E., Mme E. et leur fils Q.E., âgé de 15 ans à l’époque
des faits, M. O.P., brigadier-chef à la BAC 93 et M. J-R.G., lieutenant de police au
commissariat de Saint-Denis à l’époque des faits.
> LES FAITS
Le 11 juin 2005 vers 4h00 du matin, M. Q.E., mineur de 15 ans, marchait dans la rue à SaintDenis avec deux amis, M. M.K. et M. J.S., tous deux majeurs. Un des majeurs cassait la vitre
d’une voiture et passait son bras à l’intérieur du véhicule. Les témoignages recueillis par la
Commission divergent sur l’aspect intentionnel de la dégradation : pour les fonctionnaires de
la brigade anti-criminalité (BAC) de Bobigny, en patrouille à Saint-Denis, les trois jeunes ont
intentionnellement cassé une vitre d’un véhicule pour voler des objets qui s’y trouvaient.
Pour les trois personnes interpellées, ce n’était qu’un jeu qui a mal tourné : ils se lançaient
des cailloux, l’un deux a atteint et brisé la vitre d’un véhicule.
Les trois fonctionnaires de la BAC, dont le brigadier-chef M. O.P., sont sortis de leur
véhicule, ont plaqué MM. Q.E., M.K. et J.S. contre un mur, et leur ont passé les menottes
dans le dos. Ils ont procédé à une fouille par palpation sans résultat. Pensant que ses amis
seraient laissés libres, M. M.K. a avoué aux fonctionnaires de police qu’il était l’auteur de la
dégradation. Les trois jeunes ont cependant été emmenés au commissariat de Saint-Denis.
Ces opérations se sont déroulées sans protestations et sans heurts, ni de la part des
personnes interpellées, ni de la part des fonctionnaires de la BAC.
M. Q.E. a été présenté à l’officier de police judiciaire (OPJ) de permanence, M. J-R.G., qui lui
a notifié ses droits, prévenu le parquet du placement en garde à vue et envoyé une
réquisition à médecin aux urgences médico-judiciaires de Bondy pour qu’un examen médical
soit pratiqué.
L’ordonnance du 2 février 1945 rend obligatoire l’examen médical pour les mineurs de moins
de 16 ans, dès le début de la garde à vue. M. Q.E. a été ensuite pris en charge par le
fonctionnaire de police chargé des personnes placées en garde à vue. Ce dernier, sans avoir
reçu aucune consigne de l’OPJ, a décidé de procéder à une fouille de sécurité : M. Q.E. a
été mis à nu et fouillé. Aucun objet illicite ou dangereux n’a été découvert. Enfin, il a été
placé en cellule.
Le père de M. Q.E., informé aux environs de 5h00 du matin du placement en garde à vue de
son fils, est arrivé au commissariat. Les raisons de la garde à vue lui ont été communiquées,
27
puis il est rentré à son domicile, où il a fait des recherches sur les droits de son fils. Il est
retourné au commissariat rapidement et a insisté pour que M. Q.E. voie un médecin.
A 12h25, M. Q.E. était libéré et remis à son père. Il n’avait fait l’objet d’aucun examen
médical, alors qu’il avait passé plus de sept heures en garde à vue. L’OPJ J-R.G., lors de
son audition, a expliqué à la Commission que cette anomalie était due à des problèmes
d’organisation, à la fois au commissariat de Saint-Denis, et aux urgences médico-judiciaires
de Bondy.
> AVIS
La Commission ne relève aucun manquement à la déontologie de la part des fonctionnaires
de la BAC qui ont procédé à son interpellation.
En revanche, la Commission est préoccupée par le non-respect de l’article 4 de l’ordonnance
du 2 février 1945, qui rend obligatoire l’examen médical des mineurs de moins de 16 ans
dès le début de la garde à vue. Les raisons invoquées en l’espèce, liées à l’organisation des
services, ne sauraient être utilement invoquées pour justifier l’absence d’examen médical.
La Commission a constaté, une fois de plus, la méconnaissance des instructions relatives à
la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue contenues dans la circulaire
du ministre de l’Intérieur du 11 mars 2003.
Lors de son audition, l’OPJ J-R.G. a déclaré que la fouille de sécurité devrait être
systématique, et que la décision d’y recourir était de la compétence exclusive de l’agent qui y
procède. Or c’est l’OPJ qui dispose des éléments d’information sur la dangerosité que
présente la personne gardée à vue pour elle-même et pour les autres : âge, nature des faits
reprochés, conditions de l’interpellation, passé pénal, éléments de personnalité.
En l’espèce, au regard de l’âge de M. Q.E., mineur de 15 ans ; de la gravité des faits qui lui
étaient reprochés : complice d’une dégradation ; des conditions de son interpellation qui s’est
déroulée sans heurts ; et du fait qu’il était inconnu des services de police, la Commission
estime que la fouille à nu, dite « de sécurité », n’était pas proportionnée au danger qu’il
représentait pour lui-même ou pour autrui. Dès lors, cette fouille a porté atteinte à sa dignité,
en vertu de la circulaire du 11 mars 2003. Elle constitue un manquement à l’article 10 du
Code de déontologie de la police nationale.
La Commission constate avec regret que la principale raison invoquée par l’OPJ pour
justifier la fouille de sécurité de M. Q.E., à savoir un risque de suicide, n’ait pas motivé plus
de diligence pour s’assurer qu’il soit présenté à un médecin.
Enfin, il ressort des investigations menées par la Commission, qu’au commissariat de SaintDenis, les personnes qui ont fait l’objet d’une fouille au moment de leur placement en garde
à vue font l’objet d’une nouvelle fouille systématique pratiquée par les fonctionnaires qui
remplacent ceux qui quittent leur poste.
> RECOMMANDATIONS
La Commission insiste sur le fait que les mineurs sont intrinsèquement plus vulnérables que
les adultes. En conséquence, une vigilance particulière est requise pour protéger de manière
adéquate leur bien-être physique et mental pendant toute la durée de la garde à vue.
L’examen médical obligatoire pour les mineurs de moins de 16 ans, dès le début de la garde
à vue, participe de cette vigilance. On ne peut y déroger, conformément à l’article 4 de
l’ordonnance du 2 février 1945. Les mineurs ne doivent être soumis à des fouilles de sécurité
que dans des cas exceptionnels, d’autant plus exceptionnels s’ils ont moins de 16 ans.
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Conformément à l’esprit de la circulaire du 11 mars 2003 précitée, la Commission rappelle
que la fouille de sécurité ne doit pas être systématique, qu’elle doit être pratiquée de façon
concertée entre le fonctionnaire qui y procède et l’OPJ qui détient les éléments pertinents
pour déterminer le danger que la personne gardée à vue représente pour les autres et pour
elle-même.
En autorisant la fouille de sécurité de M. Q.E., sans que sa situation ne le justifie, l’OPJ JR.G. a porté atteinte à sa dignité, violant ainsi l’article 10 du Code de déontologie de la police
nationale. La Commission transmet cet avis au ministre de l’Intérieur, et demande
l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre M. J-R.G.
Les fouilles systématiques pratiquées à l’occasion d’un changement d’équipe responsable
du déroulement de la garde à vue doivent être explicitement prohibées. Une nouvelle fouille
ne peut être pratiquée, conformément à la circulaire du 11 mars 2003, que si les
circonstances l’exigent.
Adopté le 9 juillet 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-5
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 11 janvier 2006,
par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11 janvier 2006,
par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère, de faits concernant l’intervention de
fonctionnaires de police, dans la nuit du 19 au 20 octobre 2005, pour disperser un
attroupement devant le bar Le Bauhaus à Lyon, et des conditions de la garde à vue de six
personnes interpellées.
La Commission a pris connaissance des nombreux témoignages écrits transmis par les
personnes présentes lors de l’attroupement, des pièces de procédure transmises par le
parquet, ainsi que des pièces de l’enquête menée par la section Audits et discipline de la
Direction départementale de la sécurité publique du Rhône.
La Commission a entendu M. C.L. et M. C.A., interpellés dans la nuit du 19 au 20
octobre 2005, et M. N.J., gardien de la paix.
> LES FAITS
Un concert de « dub » – variation instrumentale et électronique du reggae – était organisé le
soir du 19 octobre 2005 au bar Le Bauhaus à Lyon. L’établissement ne pouvant accueillir
toutes les personnes venues assister au concert, une centaine d’entre elles se retrouvait sur
le trottoir. Aux environs de minuit, des voisins appelaient la police pour se plaindre du tapage
occasionné par l’attroupement.
Un équipage de trois fonctionnaires de police en civil, porteurs de brassards « police », se
rendait sur les lieux. Deux fonctionnaires demandaient au propriétaire de l’établissement de
fermer son bar, le troisième, M. N.J. restait en retrait pour évaluer la situation et sécuriser
leur véhicule administratif. Très rapidement, la musique était arrêtée et l’établissement
fermait ses portes.
Les trois fonctionnaires de police prenaient alors contact avec quelques groupes de jeunes
qui restaient devant l’établissement pour bavarder tout en consommant de l’alcool, et leur
demandaient de se disperser. Pour les assister dans leur tâche, les trois policiers avaient fait
appel à un deuxième équipage. Après une demi-heure de discussion restée vaine, de
nouveaux renforts étaient appelés sur place. Le propriétaire du bar, n’arrivant pas à faire
cesser le tapage, décidait d’arrêter le concert et de fermer son établissement, après avoir
demandé aux personnes qui s’y trouvaient de sortir.
Les versions divergent sur le déroulement de la dispersion :
Selon M. C.L. et M. C.A., venus assister au concert, ils finissaient tranquillement leur bière
en discutant calmement, tandis que d’autres personnes commençaient à rentrer chez elles.
Leur premier contact avec les fonctionnaires en civil qui leur avaient demandé de quitter les
lieux fut courtois. Mais quelques instants plus tard, M. C.L. et M. C.A. se trouvaient nez à nez
avec une vingtaine de fonctionnaires de police, en ligne. Alors que M. C.L. s’approchait d’eux
pour discuter, tenant la canette de bière qu’il buvait à la main, il était gazé, amené
33
violemment au sol et menotté. Puis les policiers chargeaient les personnes présentes et
procédaient à plusieurs interpellations, en faisant usage d’une violence excessive.
Selon M. N.J., gardien de la paix, certains groupes de jeunes étaient hostiles à la présence
policière. Lors de son audition, il présentait à la Commission un tract trouvé sur place
dénonçant les violences policières et invitant à une réunion quelques jours plus tard. Après
une demi-heure de discussion vaine, il entendait des insultes et voyait des canettes de
bières voler dans sa direction. Il appelait immédiatement des renforts. Une fois les renforts
arrivés, il voyait M. C.L. avancer vers les policiers « en brandissant une canette », et décidait
de procéder à son interpellation au regard de la menace qu’il représentait. M. N.J. emmenait
ensuite M. C.L. au commissariat de la place Sathonay, distant de cent cinquante mètres
environ.
Les investigations menées par la Commission ont révélé qu’une grande confusion régnait
aux abords du bar : des personnes couraient dans toutes les directions, paniquées par le
gaz lacrymogène, l’absence d’issue, et manifestement choquées par l’intervention des forces
de l’ordre, d’autres poursuivies par des fonctionnaires de police, ces derniers faisant toujours
l’objet de jets de bouteilles et d’insultes.
Six personnes, dont M. C.L. et M. C.A., étaient interpellées.
Les témoignages recueillis par la Commission pendant les auditions étaient de nouveau
contradictoires concernant les évènements qui se déroulèrent dans le poste de police de la
place Sathonay.
Selon M. C.L. et M. C.A. : un fonctionnaire de police, en uniforme, accueillait les personnes
interpellées en les frappant. M. C.L. lui demandait de s’arrêter en ces termes : « Arrête ! Je
vois ce que tu fais, et je le répèterai ». En réponse, il recevait plusieurs gifles. M. C.A.
recevait un coup de Rangers sur le nez, lui laissant une estafilade. Une autre personne
interpellée, M. R.L., jetée à terre, était « bourrée » de coups de pied.
Lors de leur audience devant le tribunal correctionnel pour outrages et rébellion, les six
accusés pensaient reconnaître l’auteur de ces violences : le gardien de la paix N.J.
Selon M. N.J. : arrivé au commissariat du 1er arrondissement, il a demandé à M. C.L. de
s’asseoir au sol, car les personnes interpellées étaient très agitées. Face au refus de
M. C.L., M. N.J. l’amenait au sol en utilisant la technique du balayage et en retenant la chute
de M. C.L., menotté dans le dos. A aucun moment, il n’a été auteur ou témoin de violences
illégitimes commises à l’encontre des personnes interpellées.
M. C.L. et M. C.A. étaient ensuite transférés au commissariat central, où ils ne furent pas
l’objet de nouvelles brimades. Le médecin requis pour déterminer la compatibilité de la
mesure de garde à vue avec leur état de santé, ainsi que le siège des blessures et le
nombre de jours d’ITT à prévoir, constatait la compatibilité de la mesure, ne décrivait aucune
blessure et prévoyait une ITT de zéro jour. Il administrait un calmant à M. C.A. qui, en état
d’ébriété, ne se souvient ni de l’examen médical, ni d’avoir pris le traitement prescrit.
Le 21 octobre, soit le lendemain de son interpellation, M. C.L. se rendait chez son médecin,
qui constatait notamment une abrasion sur la face antérolatérale gauche du cou et deux
petites plaies du coin interne de l’œil droit.
Le 22 octobre 2005, M. C.A. se rendait également chez un médecin, qui constatait plusieurs
lésions et une zone contuse avec un hématome de 2 cm de l’arrête du nez. Le médecin
concluait en précisant que M. C.A. était en état de choc psychologique. Lors de son audition,
les membres de la Commission purent constater la présence d’une cicatrice visible sur le
nez de M. C.A., qu’il présentait comme une séquelle du coup de pied qu’il avait reçu le 20
octobre 2005.
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> AVIS
Sur les conditions de l’intervention devant le bar « le Bauhaus »
Les procès verbaux établis à l’époque des faits, ceux établis par la section Audits et
discipline de la Direction départementale de la sécurité publique du Rhône en février 2006,
les témoignages écrits qu’elle a reçus et les auditions qu’elle a menées, ont permis à la
Commission de mesurer la confusion avec laquelle les fonctionnaires de police sont
intervenus pour disperser un attroupement.
L’intervention du premier équipage de police qui tenta de faire cesser le tapage provenant de
l’intérieur et de l’extérieur du bar « Le Bauhaus » était adaptée à la situation.
En revanche les modalités d’intervention des fonctionnaires de police – une dizaine – arrivés
en renfort n’étaient pas adaptées à la mission de dispersion qui leur était assignée.
L’intervention s’est déroulée sans un encadrement adéquat, contrairement à ce que prévoit
l’article 431-3 du code pénal.
Il semble que les fonctionnaires de police étaient sous la responsabilité du gardien de la paix
M. M., arrivé en premier sur les lieux, qui gérait les effectifs qui arrivaient. Ils ont fait usage
de gaz lacrymogène sans en avoir reçu l’ordre par un officier de police judiciaire ou une
personne qualifiée pour décider d’un tel usage : suite à l’interpellation de M. C.L., les
fonctionnaires de police en ligne ont chargé, arrosant de gaz lacrymogène les personnes qui
formaient un attroupement.
L’attroupement pouvait difficilement se disperser.
Le propriétaire du bar n’arrivant pas à gérer le trouble occasionné par le concert qu’il avait
organisé décidait de fermer son établissement. Les personnes venues assister au concert se
retrouvaient alors sur le trottoir, venant grossir l’attroupement qui s’était déjà formé. Le
positionnement de ces derniers rendait la dispersion de l’attroupement très difficile. Les
clients du bar pouvaient quitter les lieux par trois issues : la rue du Sergent-Blandan, la rue
Fernand-Rey et la place Sathonay. Or, les investigations menées par la Commission ont
révélé que plusieurs fonctionnaires arrivés en renfort ont formé une ligne rue Fernand-Rey,
alors que leurs collègues étaient positionnés rue Blandan, entre le bar et la place Sathonay.
Les fonctionnaires de police ont manqué de maîtrise d’eux-mêmes.
La foule était bruyante mais calme lorsque les premiers policiers sont arrivés devant le bar.
L’arrivée de renforts se positionnant en barrage a créé un climat de tension. Une jeune fille
qui souhaitait s’en aller vers la place Sathonay par la rue Blandan a été bousculée et jetée
au sol par un policier. Plusieurs personnes venues l’aider à se relever ont fait l’objet de
propos menaçants de la part des fonctionnaires de police. Cet évènement a marqué le début
des jets de bouteilles. En réponse, les policiers qui s’étaient placé en ligne rue Fernand-Rey
on commencé à avancer en arrosant la foule de gaz lacrymogène. Selon les témoignages
concordants des clients du bar et de certains policiers, des personnes paniquées couraient
dans tous les sens. Les policiers procédaient aux premières interpellations. En poursuivant
certaines personnes présentes dans l’attroupement, les fonctionnaires de police ont donné
des signes contradictoires aux personnes présentes, qui ne savaient plus si elles devaient
rester sur place ou se disperser.
Les fonctionnaires de police ont agi au mépris de leur propre sécurité.
Face à la menace que représentaient une foule paniquée et la présence d’individus lançant
des projectiles, les fonctionnaires de police auraient du rester groupés pour assurer leur
sécurité. Les fonctionnaires qui se sont désolidarisés de leurs collègues pour procéder à des
interpellations et emmener les interpellés au commissariat, laissant les autres fonctionnaires
avec une foule qu’ils qualifient eux-mêmes d’« hostile à leur endroit », ont agi au mépris de
leur sécurité.
35
Si la Commission ne se prononce pas sur la proportionnalité de la force employée lors des
interpellations, elle estime que les fonctionnaires de police ont contribué à créer une situation
de désordre, qu’ils ont manqué de professionnalisme, manquement constituant une entorse
à la déontologie.
Sur le déroulement de la garde à vue des personnes interpellées
Confrontée à des témoignages contradictoires concernant des coups portés aux personnes
interpellées par un policier dans le commissariat de la place Sathonay, et ne disposant
d’aucun élément de preuve, la Commission n’est pas en mesure de se prononcer sur ces
allégations. M. N.J., gardien de la paix mis en cause par les personnes auditionnées, ne peut
cependant être l’auteur des violences alléguées, car il exerce en tenue bourgeoise et non en
uniforme.
La Commission a examiné avec attention les certificats médicaux produits par M. C.L. et
M. C.A., établis respectivement le lendemain et le surlendemain des faits. Elle s’étonne que
les traces de blessures qui apparaissent sur ces documents n’aient pas fait l’objet d’un
constat par le médecin qui a examiné les deux intéressés pendant leur garde à vue et dont la
mission était pourtant de noter le siège des blessures, à moins de présumer que M. C.L. et
M. C.A. se soient blessés après leur garde à vue dans le laps de temps très court qui s’est
écoulé avant qu’ils se rendent chez leur médecin.
Aucun manquement à la déontologie par les fonctionnaires de police n’est relevé pendant le
déroulement de la garde à vue des personnes interpellées.
Sans remettre en cause ni le contenu, ni la qualité de l’enquête menée par la section Audit et
discipline de la Direction départementale de la sécurité publique du Rhône, la Commission
s’interroge sur les difficultés en terme d’impartialité objective qu’une section locale peut
rencontrer lorsqu’elle enquête sur des personnels exerçant au sein de la même direction
départementale.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que l’objectif principal des forces de l’ordre intervenant lors d’un
attroupement est sa dispersion.
La présence d’une autorité est nécessaire pour coordonner l’intervention et donner les
ordres qui s’imposent pour disperser un attroupement : disposition des fonctionnaires
présents, ordre de charger ou de faire usage de la force, et éventuellement de procéder à
des interpellations. La disposition des forces de l’ordre ne doit pas gêner la dispersion de
l’attroupement. Les fonctionnaires de police doivent avoir une attitude exemplaire et doivent
s’abstenir de tout propos, geste ou attitude de provocation. Les personnes qui quittent les
lieux de l’attroupement ne doivent pas être poursuivies, au risque de dissuader toutes
personnes de quitter les lieux. Les forces en présence ne doivent pas se séparer, afin
d’assurer la sécurité de l’ensemble des fonctionnaires présents face à une foule hostile.
La Commission souhaite que les domaines respectifs de compétence de l’IGPN et des
sections de discipline créées localement au sein des directions départementales pour
enquêter sur des allégations de violences policières soient clarifiés.
Adopté le 10 septembre 2007
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Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-6
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 18 janvier 2006,
par M. François LIBERTI, député de l’Hérault
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 janvier 2006,
par M. François LIBERTI, député de l’Hérault, des conditions du contrôle routier et de
l’interpellation de M. S.K., par des fonctionnaires de police, le 7 mars 2005, à Montpellier.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. S.K. et les fonctionnaires de police : MM. B.P., Y.V.,
J.M.
> LES FAITS
Le 7 mars 2005, vers 15h00, M. S.K. se rendait en voiture à la déchetterie « Déméter » de
Montpellier. Au carrefour des Alizés, pour éviter de faire un long détour, il franchissait une
ligne continue. Ayant stoppé son véhicule à un feu rouge situé en face de la déchetterie, il
constatait qu’un véhicule de police s’était porté à sa hauteur. Un des policiers en sortait et lui
demandait où il se rendait. Après avoir répondu au policier, M. S.K., invité à se garer,
s’arrêtait devant la déchetterie.
M. S.K., sortait de son véhicule et commençait à en vider le contenu dans une benne. Les
policiers sortaient de leur véhicule et s’approchaient de M. S.K. Ils lui demandaient ses
papiers et n’obtenaient aucune réponse de sa part. Celui-ci continuait de vider sa voiture
sans prêter attention aux policiers. Il se saisit de deux morceaux de bois dans son coffre.
La chronologie des évènements qui suivirent est plus incertaine.
Selon M. S.K., deux policiers lui enlevaient des mains les morceaux de bois qu’il s’apprêtait
à jeter. Ils replaçaient les morceaux de bois dans son coffre et le refermaient. Puis l’un
d’entre eux lui demandait de présenter ses papiers. Bien qu’il ait eu ses documents sur lui,
M. S.K. refusait de les présenter, tout en expliquant les raisons qui justifiaient, selon lui, un
franchissement de ligne continue. Très rapidement, un policier lui passait une menotte à un
poignet. M. S.K. ne comprenant pas le comportement du policier, refusait de donner l’autre
bras, qu’il comptait utiliser pour présenter ses papiers. Il était bousculé et se retrouvait à
terre, où il reçut plusieurs coups.
Selon les policiers, M. S.K. les ignorait totalement. Ils se sont approchés, lui ont indiqué les
raisons de leur intervention, et lui ont demandé ses papiers. Il leur répondait qu’il n’avait pas
le choix lorsqu’il avait franchi la ligne continue, puis il se saisissait de deux morceaux de
bois, sans prêter plus d’attention aux policiers. M. B.P., estimant que le geste de M. S.K.
représentait un danger, lui faisait lâcher prise.
La Commission a reçu deux versions de la bousculade qui suivit : selon les fonctionnaires de
police, le gardien de la paix B.P. recevait un coup de poing dans l’œil ; ses deux collègues,
42
MM. Y.V. et J.M. arrivèrent pour maîtriser M. S.K. Ce dernier, en se débattant, tombait par
terre, entraînant M. Y.V. dans sa chute. Puis il était menotté.
Selon M. S.K., M. B.P. lui avait passé une menotte ; il refusait de donner l’autre bras, était
alors bousculé, se retrouvait à terre, recevait plusieurs coups de pieds et avait eu la tête
plaquée au sol par le pied d’un policier appuyé contre sa nuque.
Un véhicule appelé en renfort arrivait sur les lieux et M. S.K. était conduit au commissariat.
M. S.K. fut placé en garde à vue. Ses droits lui furent notifiés. Il refusa de rencontrer un
avocat, mais demanda un examen médical.
> AVIS
Au regard de l’infraction au Code de la route que M. S.K. a commise et qu’il ne conteste pas,
bien qu’il essaie de l’expliquer, l’intervention des trois fonctionnaires de police était justifiée.
Sans que la Commission puisse établir avec précision la chronologie des faits, ceux-ci
témoignent du refus d’obtempérer dont M. S.K. a fait preuve durant l’intervention des trois
policiers : lorsque les policiers lui ont demandé d’arrêter son véhicule, il s’est garé à l’endroit
où il comptait se rendre. Alors qu’il aurait du rester dans son véhicule et attendre les
policiers, il a commencé à se débarrasser de ses déchets. Alors que les policiers lui
demandaient d’arrêter de s’activer, il se saisissait de deux morceaux de bois. Les policiers
devaient intervenir pour qu’il lâche ces objets. A leur demande de présenter ses papiers, il
leur opposait un refus et essayait de justifier l’infraction au Code de la route qu’il venait de
commettre quelques instants plus tôt en franchissant une ligne continue. Devant l’attitude de
M. S.K., son interpellation était justifiée. Mais de nouveau ce dernier s’opposait à l’action des
policiers, qui devaient faire usage de la force pour le menotter. Les certificats médicaux qu’il
produit n’évoquent aucune lésion traumatique pouvant avoir été causée par des violences
illégitimes.
M. S.K. a pu exercer les droits des personnes placées en garde à vue.
La Commission n’a constaté aucun manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2006-8
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 23 janvier 2006
par M. Robert HUE, sénateur du Val d’Oise
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 janvier 2006,
par M. Robert HUE, sénateur du Val d’Oise, des conditions de l’interpellation d’un individu
circulant à moto, M. F.H., par des fonctionnaires de la police nationale, le 20 septembre
2005, à Pierrelaye.
À ce premier grief s’en ajoute un second relatif aux modalités de la confrontation ultérieure
entre M. F.H. et les policiers interpellateurs, que ce dernier accusait de lui avoir porté des
coups.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.
La Commission a entendu M. F.H., M. P.R., responsable de la police municipale de
Pierrelaye, M. J.M., responsable de la police municipale de Jouy-le-Moutier, MM. D.L., S.C.
et O.S., gardiens de la paix au commissariat de Cergy (sûreté urbaine).
> LES FAITS
Le 20 septembre 2005, trois fonctionnaires de la police nationale affectés au commissariat
de Cergy se trouvent à bord d’un véhicule sérigraphié en mission de sécurisation sur le
secteur de Pierrelaye.
En début de soirée, ces fonctionnaires arrêtent leur véhicule devant le poste de la police
municipale de Pierrelaye et engagent la conversation sur le trottoir avec leurs collègues
policiers municipaux.
Quelques instants après, deux motards, chevauchant des deux-roues (motos de cross) non
habilités à circuler sur la voie publique, viennent dans leur direction. Alertés par le bruit
caractéristique des moteurs, les trois fonctionnaires de la police nationale décident alors de
contrôler les motocyclistes et se positionnent au milieu de la chaussée en effectuant les
gestes réglementaires du contrôle.
Le conducteur de la première moto refuse d’obtempérer, force le barrage en fonçant
délibérément sur l’un des fonctionnaires de police, qui parvient de justesse à éviter d’être
renversé. Au moment où le second motard parvient à proximité du lieu du contrôle routier,
les fonctionnaires de police sortent leurs armes, les pointent vers lui tout en la dirigeant vers
le bas – selon les déclarations de l’un d’entre eux –, et lui intiment l’ordre de s’arrêter.
Visiblement très surpris, le second motard s’arrête immédiatement, coupe le moteur de son
engin, retire son casque et descend de la moto.
Le déroulement des instants qui ont suivi est plus confus car les déclarations des
protagonistes sont sensiblement discordantes.
44
Selon les déclarations du motard, corroborées sur ce point par celles d’un témoin présent sur
les lieux, celui-ci aurait été mis au sol par les policiers, menotté tandis que l’un des
fonctionnaires l’insultait et lui portait un violent coup de poing au visage.
La version des policiers – nationaux comme municipaux – est très différente : c’est en
descendant de sa moto que le motard, déséquilibré, aurait chuté sur le sol, se blessant alors
à l’arcade sourcilière.
Par la suite, le motard qui saignait au visage a interpellé à plusieurs reprises les policiers sur
la maladie dont il souffrait (une sclérose en plaques). Les policiers interpellateurs l’ont alors
relevé puis conduit menotté dans le local de police municipale situé de l’autre côté de la rue
pour lui permettre de s’asseoir et de prendre un verre d’eau avant d’être ramené au
Commissariat de Cergy.
Très rapidement après son placement en garde à vue pour défaut d’assurance, de permis de
conduire et de recel de vol de véhicule, M. F.H. sera conduit aux urgences de l’hôpital de
Pontoise pour y recevoir les soins (pose de Stéristrip) nécessités par sa plaie de l’arcade
sourcilière droite. De retour au commissariat, M. F.H. recevra également, en présence du
médecin appelé à se prononcer sur la compatibilité de l’état de santé de l’intéressé avec la
mesure de garde à vue, l’injection quotidienne de Copaxone prescrite dans le cadre de son
handicap, étant observé que cette injection a pris place juste deux heures après le début de
la mesure. La famille de M. F.H. indique elle, que cette injection n’a pas été faite à 20h00
comme le nécessitait son traitement, et alors que son beau-frère avait téléphoné plusieurs
fois au commissariat pour alerter les fonctionnaires sur les risques encourus.
Lors de ses auditions au commissariat de Cergy les 21 et 22 septembre 2005, M. F.H. se
plaint d’avoir subi des pressions pour qu’il amende sa version des faits s’agissant des
violences dont il aurait été victime de la part des policiers interpellateurs. M. F.H. prétend en
outre avoir été l’objet de propos diffamatoires, ironiques et railleurs, concernant son état de
santé et son handicap.
> AVIS
Les griefs soulevés dans la plainte transmise à la Commission concernent à la fois les
conditions de l’interpellation de M. F.H. et les modalités des auditions de ce dernier au
commissariat de Cergy.
S’agissant des conditions de l’interpellation de M. F.H. :
La Commission constate, à la lumière des auditions qu’elle a menées et de la procédure qui
lui a été transmise, de nombreuses incohérences dans la description et la chronologie des
faits litigieux.
Selon le procès-verbal d’enquête après identification transmis au procureur de la
République, l’interpellation du mis en cause ne serait intervenue qu’une fois que les policiers
auraient constaté l’absence de permis de conduire, de certificat d’assurance, et auraient
soupçonné un recel de vol après avoir remarqué que le numéro de cadre de la moto était
grossièrement retapé. Si la situation de flagrance ci-dessus décrite justifie sans doute
l’interpellation du suspect, la Commission n’est pas pleinement convaincue de la manière
dont les événements se sont réellement enchaînés. Plusieurs éléments sont en effet
particulièrement troublants.
En premier lieu, il ressort des déclarations de M. F.H., corroborées sur ce point par celles du
témoin S.H. présent sur les lieux, que M. F.H. a été mis au sol, menotté et interpellé avant
même que les policiers aient pu le soupçonner d’avoir commis un quelconque délit flagrant.
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En second lieu, pour tenter de justifier l’interpellation de M. F.H., les policiers auditionnés par
la Commission ont mis en avant la situation de « flagrance par présomption » caractérisée
selon eux par les réquisitions provenant d’individus leur signalant que deux motocyclistes
étaient en train de commettre des délits de risques causés à autrui (art. 223-1 C.pén.).
Outre le fait que le procès-verbal de saisine-interpellation ne fait nullement référence à cette
qualification pénale (contrairement à ce qu’a déclaré le gardien de la paix D.L. lors de son
audition devant la Commission), l’existence de ces réquisitions anonymes n’est pas établie.
Selon le gardien de la paix S.C., ces réquisitions provenaient de « divers passants », alors
que son collègue F.L.B. fait état de réquisitions « provenant d’un automobiliste ».
De même, dans le procès-verbal de saisine-interpellation, le gardien de la paix F.L.B. affirme
avoir été requis alors que ses collègues et lui-même circulaient à bord du véhicule de
patrouille.
Lors de son audition devant notre Commission, le gardien de la paix D.L. a quant à lui
déclaré que son équipage avait été sollicité alors que ses collègues et lui-même discutaient
avec les policiers municipaux. Mais de façon surprenante, M. J.M., l’un des policiers
municipaux avec lequel les gardiens de la paix conversaient, fait état d’une discussion
pendant un long moment, sans jamais évoquer une quelconque réquisition en provenance
d’automobilistes ou de passants.
Toutes ces versions contradictoires tendent à conforter l’hypothèse d’une interpellation alors
que le motard n’avait commis aucun crime ni délit, n’était pas poursuivi par la clameur
publique et ne présentait aucun indice laissant penser qu’il avait participé au crime ou au
délit. Dans la mesure où il n’est pas matériellement établi que les deux motocyclistes
s’étaient concertés pour forcer le contrôle (cf. en ce sens les déclarations du gardien de la
paix S.C. indiquant que « les motos avaient surgi très vite du virage »), on ne peut pas
davantage estimer que le second motard est en quelque sorte le complice du délit de refus
d’obtempérer commis par le premier motard.
N’ayant pas été précédée d’un indice apparent d’un comportement délictueux révélant
l’existence d’un crime ou d’un délit, l’interpellation de M. F.H. ne semble pas régulière au
regard des dispositions combinées des articles 53 et 73 du code de procédure pénale.
À l’irrégularité de l’interpellation s’ajoutent une sortie intempestive de l’arme de service de
son étui et un emploi contestable du menottage.
S’agissant du premier point, le dégagement de l’arme de dotation de son étui à l’occasion
d’un banal contrôle routier semble inopportun et disproportionné, tant la simple prise en main
de l’arme maintenue dans son étui offre des garanties similaires en termes de sécurité des
fonctionnaires de police. Le fait de pointer l’arme en direction du motocycliste que les
fonctionnaires s’apprêtent à contrôler constituerait, en l’absence de toute menace particulière
et si les faits étaient avérés, un manquement à la déontologie professionnelle.
S’agissant ensuite du menottage, il convient de rappeler qu’au moment du contrôle routier,
M. F.H. a spontanément obéi aux injonctions des gardiens de la paix en s’arrêtant, coupant
le contact de sa moto et retirant son casque. Rien dans l’attitude de l’individu contrôlé ne
permettait de considérer que ce dernier était dangereux pour lui-même ou pour autrui, ou
susceptible de prendre la fuite. Partant, l’usage de menottes a constitué en l’espèce un
usage disproportionné et vexatoire de la coercition.
Compte tenu de l’état de tension intense dans lequel se trouvait le gardien de la paix en
direction duquel avait foncé le premier motard, il n’est pas exclu que celui-ci s’en soit pris
physiquement au second motard en lui portant un coup de poing au visage. Cette version,
soutenue par M. F.H. et corroborée par le témoignage d’une personne présente sur les lieux,
est pleinement compatible avec le constat du médecin de l’UMJ selon lequel M. F.H.
présentait au moment de son examen « un hématome périorbitaire droite avec une plaie de
l’arcade sourcilière droite ».
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La Commission ne peut toutefois pas totalement exclure la version unanime des policiers –
nationaux comme municipaux – selon lesquels les lésions constatées sur le visage de
M. F.H. s’expliqueraient par la chute de ce dernier au moment où les policiers lui
demandaient de descendre de sa moto. Cependant force est de constater que la chute
décrite par les policiers n’a laissé aucune autre trace sur le corps, les membres, la tête de
M. F.H., si ce n’est un hématome et une plaie autour de l’œil. Il appartiendra à la juridiction
pénale saisie de se prononcer sur les faits litigieux et à la Direction générale de la police
nationale de tirer toutes les conséquences de la décision de justice à venir.
S’agissant des conditions de l’audition de M. F.H :
Concernant l’allégation de railleries diverses en relation avec le handicap de ce dernier, la
Commission remarque que la procédure révèle sur cette question une divergence de
positions entre le plaignant et les fonctionnaires de police.
Les éléments de preuve recueillis lors de ses auditions ne permettent pas à la Commission
d’affirmer avec certitude que l’allégation de moqueries relève ou non de la pure spéculation.
Si rien ne permet d’étayer la thèse selon laquelle les policiers (accusés de violences)
auraient échangé des propos moqueurs lors de la confrontation avec M. F.H., la Commission
observe néanmoins que la confrontation s’est déroulée selon des modalités
déontologiquement discutables.
En effet, pour parvenir à la manifestation de la vérité, la confrontation doit se limiter à mettre
le plaignant et les policiers interpellateurs en présence afin de comparer et de vérifier leurs
affirmations. Cette confrontation ne doit en aucune façon être polluée par des interventions
intempestives de fonctionnaires de police étrangers à la mesure. En prenant part à la
confrontation sans que son intervention ne soit actée en procédure, le capitaine de
police S.L. (chef de groupe) a méconnu ce principe. Il s’ensuit un manquement à la
déontologie.
La Commission considère enfin que l’option de la confrontation collective (le plaignant/les
policiers interpellateurs), juridiquement possible, est à proscrire lorsque l’objet même de la
confrontation porte sur des allégations de violences policières.
> RECOMMANDATIONS
La Commission prend acte que la justice a été saisie concernant les violences subies par
M. F.H.
Elle constate une nouvelle fois avec regret que ses recommandations relatives au menottage
des personnes interpellées ne sont pas toujours suivies d’effets dans la pratique. En
l’espèce, le menottage était à la fois inutile, disproportionné, vexatoire et contraire aux
instructions ministérielles du 11 mars 2003, comme à la note du Directeur général de la
police nationale du 13 septembre 2004.
Concernant la sortie de l’arme de service, la Commission souhaite que les conditions et les
modalités de ce recours ultime soient rappelées aux fonctionnaires de police.
En cas d’allégations de violences policières, la Commission recommande que les modalités
d’enquête et de confrontation entre le plaignant et les fonctionnaires incriminés soient plus
précisément définies, afin de sauvegarder l’impérieuse impartialité de l’enquête.
Adopté le 12 février 2007
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Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
A réception de la réponse du Directeur général de la police nationale, la CNDS a fait parvenir
au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales le courrier suivant :
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Saisine n°2006-11
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 26 janvier 2006
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le 26 janvier 2006
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône, des conditions dans lesquelles un banal contrôle
d’identité a dégénéré en rixe générale entre les fonctionnaires de police et certaines
personnes soumises au contrôle.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.
La Commission a procédé à l’audition de M. M.O., en sa qualité de chef de la
patrouille, et de MM. G.A. et M.H., en leur qualité de plaignants.
> LES FAITS
Le 1er février 2005, vers 19h00, un équipage de la brigade anti-criminalité de patrouille en
véhicule banalisé sur la commune de Villeurbanne reçoit de sa hiérarchie des instructions de
se transporter en direction de la place Raphaël-Debarros, pour faire cesser le trouble à
l’ordre public et les nuisances sonores causés par le rassemblement de jeunes gens.
Arrivés sur place, le brigadier-major M.O., fonctionnaire expérimenté, et les deux gardiens de
la paix J.L. et E.M. procèdent au contrôle d’identité des « perturbateurs », dont certains
avaient consommé de l’alcool et des produits stupéfiants (cannabis).
Dans un premier temps, cette opération de police se déroule tout à fait normalement. Tout
dégénère au moment où les policiers adressent aux jeunes gens la remarque suivante :
« Quand on est sportif, on ne boit pas et on ne fume pas ». Pour prouver aux policiers toute
son agilité, l’un des jeunes – en l’occurrence M. G.A. –, s’est alors mis torse nu, et a réalisé
un salto arrière.
Les instants qui ont suivi cette démonstration acrobatique de « breakdance » sont plus
confus. Selon les policiers, plusieurs jeunes auraient proféré des menaces (« On vous prend
à la boxe » ; « Si vous étiez à la Réunion, vous seriez déjà morts ») et adopté une position
menaçante à leur encontre (position de mise en garde pour les défier).
Selon les déclarations des jeunes gens, le chef d’équipage M.O., irrité par l’attitude
impertinente de G.A., aurait alors perdu son sang-froid en portant deux coups de bâton de
défense à poignée latérale (tonfa) dans les côtes de ce dernier.
En tout état de cause, il s’en est suivi une altercation émaillée d’échanges de coups entre
deux des cinq jeunes (en l’occurrence MM. G.A. et M.H.) et les trois policiers composant la
patrouille. Au cours de la rixe, M. G.A. est parvenu à prendre la fuite. Son ami, M. M.H., a
quant à lui été ramené, menotté, au commissariat de police de Lyon, pour être placé
successivement en cellule de dégrisement puis en garde à vue.
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Le lendemain des faits, M. G.A. s’est présenté – sur convocation préalable – au
commissariat de police, où un officier de police judiciaire lui a notifié son placement en garde
à vue. Entre-temps, M. G.A. s’était rendu au service d’accueil des urgences chirurgicales de
l’hôpital Edouard Herriot de Lyon pour faire constater sa plaie du cuir chevelu, celle de
l’arcade sourcilière, et ses hématomes sur les cuisses et au poignet. Le certificat médical
établi à la demande de l’intéressé a fixé une incapacité totale de travail à deux jours,
quantum porté à six jours par un autre médecin consulté le 4 février 2005.
Par la suite, MM. G.A. et M.H. ont été poursuivis pour outrage à une personne dépositaire de
l’autorité publique et violence. Dans son jugement en date du 5 septembre 2006, le tribunal
correctionnel de Lyon a toutefois relaxé les deux prévenus eu égard au doute concernant le
déroulement des faits tels que rapportés dans le procès-verbal d’intervention.
> AVIS
A la lumière des pièces de la procédure et des auditions qu’elle a menées, la Commission
constate que la légalité du contrôle d’identité effectué sous la responsabilité du brigadier
major M.O. n’est pas juridiquement contestable au regard des dispositions de l’article 78-2
du Code de procédure pénale.
Pour le surplus, les éléments de preuve recueillis par la Commission ne lui permettent pas
d’établir avec certitude la cause impulsive et déterminante de l’altercation, étant observé que
le contrôle d’identité a commencé à se dégrader à la suite d’une réflexion – ressentie par les
personnes contrôlées comme un défi et une provocation – formulée par un fonctionnaire de
police.
Mesure légale restrictive des libertés individuelles et symbole de l’autorité publique, les
contrôles d’identité peuvent provoquer des réactions d’inquiétude. Tout dépend des
circonstances et des conditions particulières dans lesquelles ces contrôles sont pratiqués.
Placés au service du public, les fonctionnaires de police doivent se comporter envers celui-ci
d’une manière exemplaire (art. 7 du Code de déontologie policière), avec courtoisie,
politesse et sans aucune arrogance, ni railleries.
Quand bien même les personnes contrôlées provoqueraient-elles verbalement les
fonctionnaires de police, ces derniers doivent faire preuve de sang-froid et de
professionnalisme, en ne répondant pas à la provocation par d’autres provocations verbales
ou physiques. Cette maîtrise de soi suffit très souvent à éviter que les comportements
agressifs et irrespectueux se communiquent de part et d’autre, et qu’une banale opération de
police s’achève par des violences réciproques et des poursuites pour outrages et rébellion.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que le devoir des forces de l’ordre s’étend également à la manière
de traiter les personnes interpellées à l’occasion des contrôles d’identité.
Adopté le 2 avril 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
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Saisine n°2006-12
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 31 janvier 2006,
par M. Jean-Claude LEFORT, député du Val-de-Marne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 31 janvier 2006,
par M. Jean-Claude LEFORT, député du Val-de-Marne, des conditions de l’interpellation par
des fonctionnaires de police, le 31 octobre 2005, de M. M.A, qui fut conduit au commissariat
de Neuilly-sur-Seine.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. M.A.
> LES FAITS
Dans la nuit du 30 au 31 octobre 2005, M. M.A. avait emprunté un véhicule pour
raccompagner une amie à Neuilly-sur-Seine avant de rentrer chez lui à Champigny-surMarne.
Sur le trajet, aux environs de 5h00, il avait été contrôlé par deux fonctionnaires de police.
N’ayant aucun document d’identité, il avait été emmené au commissariat de Neuilly-surSeine, où six contraventions pour des infractions au Code de la route avaient été dressées.
Selon M. M.A., alors qu’il était arrêté à un feu rouge, un véhicule de police s’était porté à sa
hauteur, et deux fonctionnaires de police avaient procédé à son contrôle, sans raison
apparente. M. M.A. supposait que les policiers avaient pensé que le véhicule qu’il conduisait
était volé. Les policiers s’étaient adressés à M. M.A. en usant du tutoiement. Ils l’avaient
invité à présenter les documents afférant à la conduite du véhicule. M. M.A. n’avait pas de
document d’identité, il avait cependant présenté les documents du véhicule. Puis il était sorti
du véhicule et les policiers l’avaient obligé à s’agenouiller. Il avait reçu deux coups de pieds
sur la nuque en réponse à ses protestations.
Il avait été menotté puis placé dans le véhicule de police, pour être conduit au commissariat
de Neuilly. L’identité de M. M.A. avait été vérifiée, puis il avait reçu six contraventions : deux
contraventions pour non respect de feux de signalisation, une contravention pour non
apposition du sigle « A » alors qu’il était jeune conducteur, une contravention pour non
usage du clignotant avant de tourner, une contravention pour vitesse excessive, une
contravention pour non présentation du permis de conduire. M. M.A. était resté environ deux
heures au commissariat avant que sa mère ne soit prévenue. Puis il avait été libéré et était
rentré chez lui par ses propres moyens : les policiers lui avaient refusé de partir avec le
véhicule qu’il conduisait au moment de son interpellation.
Les pièces de procédure transmises à la demande de la Commission présentent une version
très différente des faits :
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Vers 5h00 du matin, un équipage en patrouille constatait qu’un véhicule de grosse cylindrée
faisait demi-tour sur une avenue, malgré la circulation, et sans avoir auparavant enclenché
son clignotant. Estimant la manœuvre dangereuse et préférant ne pas prendre le même
risque, les policiers décidaient de ne pas poursuivre le véhicule et lançaient un appel depuis
leur radio. Un autre équipage de police identifiait la voiture qu’il décidait de poursuivre. Le
véhicule poursuivi franchissait deux feux rouges, et roulait à une vitesse excessive estimée
aux environs de 130 Km/h.
Dès que le véhicule s’était arrêté, les fonctionnaires de police avaient procédé au contrôle du
conducteur. M. M.A. les avait tutoyés, bien qu’eux-mêmes l’aient vouvoyé. N’étant pas en
possession de documents d’identité, M. M.A. avait été emmené au commissariat pour une
vérification d’identité. Le propriétaire du véhicule avait indiqué ne pas connaître M. M.A. et
avait précisé que son véhicule n’avait pas été volé, mais avait été prêté à son frère. Deux
fonctionnaires s’étaient rendus au domicile de M. M.A. et avaient rencontré sa mère, qui leur
avait confirmé son identité. M. M.A. avait pu quitter le commissariat.
> AVIS
M. M.A. n’ayant pas apporté d’éléments de nature à mettre en échec la force probante des
six avis d’infractions au Code de la route qui lui sont reprochées, la Commission estime,
conformément à l’article 537 du Code de procédure pénale, que les procès-verbaux rédigés
par les fonctionnaires de police font foi. M. M.A. arguait notamment le fait que certaines
infractions auraient été commises dans une rue qui n’existe pas à Neuilly-sur-Seine. Après
vérification, il s’avère qu’une faute d’orthographe est à l’origine de cette anomalie, la rue
« Gustave Charpentier » ayant été orthographiée « Gustave Carpentier ».
Au regard des faits reprochés à M. M.A., son contrôle était justifié au regard de l’article 78-2
du Code de procédure pénale. M. M.A. n’étant porteur d’aucun document d’identité, son
arrestation en vue de procéder à une vérification d’identité était conforme à l’article 78-3 du
Code de procédure pénale.
Il ressort des éléments réunis par la Commission que la durée de sa retenue – moins de
deux heures – n’a pas été excessive au regard des actes diligentés par l’officier de police
judiciaire pour identifier M. M.A.
Au regard de son attitude avant son interpellation, de son impossibilité à prouver son identité
et des doutes sur l’origine du véhicule qu’il conduisait, M. M.A. a été menotté pendant son
transport vers le commissariat.
En ce qui concerne les allégations de violences illégitimes dont aurait été victime M. M.A. : Il
a produit un certificat médical qui fait état d’une contusion, sans faire état d’une interruption
totale de travail (ITT). Ce certificat médical ne corrobore pas les violences qu’aurait subies
M. M.A.
De plus, la Commission a constaté des incohérences entre les déclarations de M. M.A.
devant la Commission et les faits dont il s’était plaint par écrit dans sa saisine.
La Commission ne constate aucun manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 17 décembre 2007
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Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2006-20
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 2 mars 2006,
par M. Dominique STRAUSS-KAHN, député du Val d’Oise
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2 mars 2006,
par M. Dominique STRAUSS-KAHN, député du Val d’Oise, des conditions dans lesquelles
M. Y.B. a été interpellé le 26 juillet 2005 par les effectifs du commissariat de police de
Gonesse (95) pour outrage, rébellion et coups et blessures volontaires sur agent de la force
publique.
Après avoir été gardé à vue près de vingt-quatre heures dans le cadre de la procédure
diligentée, M. Y.B. était remis en liberté. Le tribunal de grande instance de Pontoise l’a
condamné pour ces faits à dix jours d’emprisonnement avec sursis et 350 euros d’amende. Il
n’a pu également bénéficier de la délivrance du badge lui permettant d’exercer son activité
professionnelle de bagagiste sur l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle pendant trois mois.
Après avoir pris connaissance des pièces de la procédure, la Commission a entendu
M. Y.B., ainsi qu’un témoin M. F.K.
Elle a également auditionné le brigadier-chef E.B. et la gardienne de la paix D.D.
> LES FAITS
Selon M. Y.B.
Le 26 juillet 2005, il stationnait son automobile devant la gare de Villiers-le-Bel GonesseArnouville (95), entre deux autres véhicules. Il venait d’acheter un médicament pour son fils
âgé de un mois. Son épouse, ainsi que le bébé, se trouvaient à bord de la voiture.
Une patrouille de police s’arrêtait alors à la hauteur de M. Y.B. qui était au volant, lui faisant
remarquer qu’il stationnait dangereusement, sans se préoccuper des deux autres véhicules.
Une gardienne de la paix qui faisait partie de la patrouille lui demandait alors les papiers
afférents à la conduite de son véhicule, et l’invitait à la suivre jusqu’au bureau de police de la
gare afin de rédiger le procès-verbal qu’il refusait de signer, en raison de la sévérité de la
sanction d’un montant de 135 euros, accompagnée d’un retrait de trois points du permis de
conduire.
Il repartait ainsi en direction de son véhicule. Il était rejoint par la gardienne de la paix, « qui
lui mettait la main sur l’épaule pour attirer son attention et lui faire signer le PV ». Se
retournant à son tour, il lui mettait également la main sur l’épaule. Ce geste avait pour effet
de provoquer l’intervention des autres fonctionnaires de police, qui l’ont alors saisi et amené
au sol ». Il recevait un coup de poing dans le dos et des coups de pieds : menotté, il était
conduit au commissariat central de police à bord d’une voiture administrative. Pendant ce
transport, il recevait « un coup de poing dans la figure de la part du chef de patrouille ».
Placé en garde à vue, il recevait la visite d’un médecin, qui lui prescrivait « un médicament
auquel il a eu accès ». On lui refusait par contre la visite d’un avocat, avant de le libérer le 27
juillet 2005 vers 17h30, après vingt-trois heures et quarante minutes de garde à vue.
62
Selon le témoin M. F.K.
Il reconnaît M. Y.B. comme étant un client fidèle de sa pharmacie.
Le 26 juillet 2005, il a aperçu M. Y.B. sortant du bureau de police de la gare, menotté et
entouré par des fonctionnaires de police, parmi lesquels « se trouvait une dame ». A la
demande de M. Y.B., il avait reconduit l’épouse de ce dernier et son bébé à domicile, y
déposant le véhicule.
Il devait rencontrer à nouveau M. Y.B., vingt-quatre ou quarante-huit heures après les faits,
apprenant à cette occasion que l’affaire « était partie d’une contravention et qu’il avait été
brutalisé par la police ».
Selon le brigadier-chef E.B.
Ce fonctionnaire était au moment des faits chef de patrouille, assurant une mission de
sécurisation à la gare d’Arnouville-lès-Gonesse.
Leur attention était attirée à un moment par un véhicule qui empêchait le passage d’un bus.
Sa collègue, la gardienne de la paix D.D., procédait alors à la verbalisation de ce véhicule.
M. E.B. précisait que d’autres véhicules stationnant irrégulièrement étaient également
verbalisés.
Mme D.D. était alors « agressée par un individu sorti de la galerie marchande qui s’est jeté
sur elle, lui assénant un coup de coude dans le dos ». M. E.B. procédait alors à
l’interpellation de cette personne (M. Y.B.). Il l’amenait au sol, « après avoir pratiqué un
étranglement conforme aux GTPI et procédait à son menottage ».
Plusieurs mois après les faits, M. Y.B. déposait plainte contre les fonctionnaires de police,
qui étaient entendus par la cellule disciplinaire départementale. Le parquet de Pontoise a
classé cette affaire sans suite.
Selon la gardienne de la paix D.D.
Gardienne de la paix affectée plus particulièrement au poste d’Arnouville-lès-Gonesse (95),
« elle ressentait, en tant que femme, quelques difficultés culturelles à s’imposer » dans un
secteur difficile.
Assurant sous les ordres du brigadier-chef E.B. une mission de sécurisation renforcée pour
ce faire par deux adjoints de sécurité, elle constatait « qu’un véhicule stationnait en pleine
voie ». Elle décidait donc de dresser procès-verbal, avant de procéder éventuellement à la
mise en fourrière dudit véhicule.
M. Y.B. les ayant rejoints, elle lui demandait de mettre fin au stationnement illicite et de lui
présenter les documents administratifs réglementaires. Elle invitait le contrevenant à la
suivre au poste de police proche aux fins de rédaction du procès-verbal.
M. Y.B., au vu du montant de l’amende et du nombre de points retirés de son permis de
conduire, jetait le procès-verbal à terre malgré l’intervention d’un autre fonctionnaire de
police, qui lui exposait quelles étaient les formalités à accomplir pour contester l’infraction.
Le suivant jusqu’à son véhicule pour « intercaler le timbre amende sous l’essuie-glace », elle
recevait de la part de M. Y.B. « un coup dans les côtes la faisant partir à la renverse ».
Selon elle, le brigadier-chef E.B. aurait interpellé M. Y.B., à cet instant « en le menottant
dans le dos, après l’avoir plaqué sur le capot moteur de sa voiture », aidé en cela par les
deux adjoints de sécurité.
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Confrontée à la version des faits telle que relatée par M. E.B., elle déclarait : « Je n’ai pas
souvenir de cette phase de l’interpellation (telle que décrite par M. E.B.). Je ne crois pas
pour ma part qu’il [M. Y.B.] ait été amené au sol ».
Au centre hospitalier de Gonesse, une ITT de trois jours était constatée au préjudice de
Mme D.D., pour laquelle le médecin traitant prescrivait six semaines d’arrêt, « pour une
sciatique à ce jour non résorbée ».
La direction départementale de la sécurité publique du Val d’Oise a fait connaitre à la CNDS
qu’à la suite de la plainte déposée le 6 janvier 2006 par M. Y.B. contre les fonctionnaires de
police, l’intéressé avait décidé, devant l’officier de police judiciaire chargé de l’enquête sur
instruction du parquet de Pontoise, de retirer sa plainte, sans donner d’explications
cohérentes.
> AVIS ET RECOMMANDATIONS
Des contradictions ont été relevées dans les déclarations de M. Y.B., M. E.B. et Mme D.D.
La Commission accorde du crédit à la version des faits relatée par Mme D.D., principale
intervenante dans cette affaire.
Elle regrette que le brigadier-chef E.B., sans doute dans un souci de « protection
paternaliste », ait cru devoir relater des faits qui ne peuvent être tenus pour avérés dans leur
totalité.
Cette manière de procéder ne peut que faire douter les membres de la Commission sur le
déroulement d’une interpellation au demeurant justifiée, et qui, il convient de le répéter,
semble avoir été exactement décrite par Mme D.D.
L’attitude ainsi relevée de M. E.B. devant la CNDS n’est pas conforme à celle que l’on est en
droit d’attendre de la part d’un fonctionnaire responsable.
La durée de la garde à vue de M. Y.B., pendant près de vingt-quatre heures, semble
excessive. Les auditions des intéressés auraient pu en effet être réalisées dans un laps de
temps nettement plus court, évitant ainsi de recourir à une pratique abusive de « garde à
vue-sanction ».
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-22
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 mars 2006,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 mars 2006,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine, des conditions dans lesquelles
M. M.R. a été blessé le 7 mars 2006 lors d’une manifestation contre le « contrat première
embauche »(CPE) à Toulouse.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. M.R., M. J.M., M. L.S., commissaire de police et
M. C.M., sous-brigadier.
> LES FAITS
Le 7 mars 2006, M. M.R. participait à une manifestation anti-« contrat de première
embauche » (CPE) à Toulouse. Après que des manifestants eurent évacué la mairie qu’ils
avaient occupée quelques heures, la manifestation se dispersait depuis la place du Capitole
vers les rues adjacentes.
M. M.R. et d’autres manifestants qui restaient sur la place étaient repoussés par des charges
des forces de l’ordre, usant de gaz lacrymogènes, vers la rue de Romiguières. Quelques
manifestants ont mis le feu à des poubelles. D’autres lançaient divers projectiles et, abrités
derrière des barrières trouvées sur un chantier à l’angle de la rue de Romiguières, de la rue
de Pargaminières et de la rue Antoine-Deville, chargeaient les forces de l’ordre.
M. M.R. s’est réfugié dans la rue de Mirepoix, perpendiculaire à la rue de Romiguières,
devant une laverie. Il discutait calmement avec un ami, M. J.M., et plusieurs personnes
rencontrées pendant la manifestation, lorsqu’un objet le percuta sur le front au dessus de
l’œil droit. La violence du choc le fit chuter au sol. M. J.M. identifia l’objet comme étant une
grenade lacrymogène. Cette grenade avait été tirée à l’aide d’un lance-grenades « Cougar »,
par M. C.M., sous-brigadier, sur ordre de son commandant, M. Y.R. M. M.R. était transporté
à l’hôpital par une inconnue qui passait en voiture à proximité.
Arrivé à l’hôpital, au service des urgences, M. M.R. était soigné : quarante points de suture
furent nécessaires pour recoudre sa plaie.
> AVIS
Au regard du témoignage de M. J.M., qui a identifié la grenade lacrymogène, et du
témoignage de M. C.M., qui a visé le mur d’angle de la rue où se trouvait M. M.R., la
Commission tient pour établi que l’objet qui a percuté le front de M. M.R. était une grenade
lacrymogène.
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Au regard du témoignage de M. C.M., qui affirme avoir utilisé le lanceur « Cougar »
conformément aux instructions, du témoignage de M. J.M. qui a vu la grenade arriver audessus d’eux, et de la distance parcourue par cette dernière – plus d’une cinquantaine de
mètres – la Commission tient pour établi que la grenade a bien été tirée en cloche,
conformément à la réglementation.
Au regard des témoignages de M. M.R. et de M. J.M., selon lesquels les personnes
présentes dans la rue de Mirepoix discutaient calmement, du témoignage du gérant de la
laverie, consigné dans le rapport de l’Inspection générale de la police nationale, selon lequel
les jeunes qui se trouvaient dans la rue de Mirepoix ne causaient aucun trouble, du
témoignage du sous-brigadier C.M., selon lequel le manque de luminosité, la visière de son
casque et sa position par rapport à la rue l’empêchaient de bien voir les manifestants
présents dans la rue Mirepoix, de la présence d’un véhicule circulant à proximité qui a
emmené M. M.R. à l’hôpital, la Commission tient pour établi que les personnes présentes
dans la rue Mirepoix ne représentaient aucun danger pour les forces de l’ordre. Elle estime
dès lors que l’ordre de tirer une grenade lacrymogène dans cette rue n’était pas justifié et
constitue une violation de l’article 9 du Code de déontologie de la police nationale, qui
prévoit que : « Lorsqu'il est autorisé par la loi à utiliser la force et, en particulier, à se servir
de ses armes, le fonctionnaire de police ne peut en faire qu'un usage strictement nécessaire
et proportionné au but à atteindre. »
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que la force strictement nécessaire doit être appliquée lors de la
dispersion d’une manifestation.
La Commission transmet cet avis au ministre de l’Intérieur afin qu’il envisage l’opportunité
d’engager des poursuites disciplinaires.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-25
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 22 mars 2006,
par M. Patrick BLOCHE, député de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22 mars 2006,
par M. Patrick BLOCHE, député de Paris, des conditions dans lesquelles Mme H.D. a été
empêchée d’accéder à l’Eurostar en gare de Waterloo de Londres, par un responsable du
poste avancé de la police aux frontières française.
La Commission a entendu Mme H.D., ainsi que Mme L.B., fonctionnaire de police au
service national de la police ferroviaire.
> LES FAITS
Le 31 octobre 2005, après un séjour dans sa famille à Londres, Mme H.D., invalide à 75 %,
qui voyageait avec son époux et ses deux petits-enfants, âgés de 11 et 12 ans, devait
regagner Paris par l’Eurostar de 15h00. Alors qu’elle se trouvait dans un pub une heure
avant, son sac, contenant diverses affaires personnelles, son passeport, des médicaments
et des lunettes de vue spéciales, lui était dérobé.
Une déclaration de perte lui était délivrée par les agents de la British Transport Police, qui lui
certifiaient qu’au vu de ce document, elle n’aurait aucun problème auprès des fonctionnaires
français de la PAF en poste dans la gare.
Selon Mme H.D., le chef de poste français, décrit comme une jeune femme d’une
quarantaine d’années, lui a refusé l’accès au train, « estimant que le document établi par ses
collègues britanniques, était insuffisant ».
L’époux de Mme H.D. et ses deux petits-enfants avaient, en ce qui les concerne, déjà passé
la frontière.
Toujours selon Mme H.D., la même fonctionnaire a refusé qu’elle puisse voir son mari, qui
ne put lui faire donner ses médicaments qu’il avait en double dans une valise et un
téléphone portable que par le truchement d’un autre agent du poste, qui reconduisait
Mme H.D. hors de la gare.
Après un nouveau séjour de quarante-huit heures à Londres, et après avoir accompli les
formalités nécessaires auprès du consulat général de France, Mme H.D. put regagner Paris.
Le lieutenant Mme L.B., chef de poste au moment des faits, a été entendu. Cette
fonctionnaire relata à la Commission avoir estimé que le document établi par la British
Transport Police ne permettait pas à Mme H.D. de voyager en raison des textes applicables
à la matière d’une part, et du plan Vigipirate rouge en vigueur en raison d’une série
d’attentats commis à Londres à l’époque, d’autre part.
Par contre, Mme L.B. disait avoir indiqué à Mme H.D. qu’elle pouvait se rendre au consulat
général de France pour y accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un laissez-
71
passer, et revenir ensuite en gare de Waterloo pour prendre place à bord d’un Eurostar à
destination de Paris, dont le dernier partait à 19h43 de Londres.
> AVIS
Les versions de Mmes H.D. et L.B. sont différentes. Il apparaît en tout état de cause que le
handicap évoqué par Mme H.D. n’a pas été constaté par Mme L.B.
Conformément aux textes en vigueur, cette responsable ne pouvait laisser voyager
l’intéressée, qui fut invitée à se rendre au consulat général de France, où elle ne se présenta
que le surlendemain.
Mme L.B. semble avoir exécuté normalement la mission qui lui est conférée, et aucun
manquement déontologique ne peut être relevé à son encontre.
Adopté le 2 avril 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
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Saisine n°2006-27
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 29 mars 2006,
par Mme Annie DAVID, sénatrice de l’Isère
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 29 mars 2006,
par Mme Annie DAVID, sénatrice de l’Isère, des conditions de la mort de Mme K.B., au
commissariat de police d’Annemasse, le 6 mars 2006.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure judiciaire et de
l’enquête administrative. Elle a tenté, en vain, d’entendre le mari de la victime, qui ne s’est
pas présenté à sa convocation.
Elle a entendu Mm C.F., commissaire principal, M. J-C.D., commandant de police,
M. D.G., lieutenant de police, ainsi que les fonctionnaires de police en tenue E.P., E.M, Y.G.,
M.S. et G.M.
> LES FAITS
Le 7 mars 2006, à 1h10, le brigadier E.P., accompagné d’une élève gardien de la paix,
intervenait au 54 rue de la gare à Annemasse (74) pour un différend familial. Arrivant sur le
palier du requérant M. T.L., M. E.P. constatait que Mme K.B. menaçait encore celui-ci, après
l’avoir blessé à l’épaule en lui portant plusieurs coups de ciseaux. Il récupérait l’arme et
invitait la victime à venir déposer plainte au service. Constatant que Mme K.B. était en état
d’ivresse publique et manifeste, il procédait à son interpellation, la conduisait au centre
hospitalier intercommunal, où elle refusait tout examen médical, crachant au visage de
l’élève gardien de la paix. Il obtenait cependant un certificat de non-admission, puis la
ramenait au commissariat et la plaçait en cellule de dégrisement.
Le brigadier E.M., officier de police judiciaire (OPJ) d’astreinte à son domicile, était avisé des
conditions de cette interpellation et de ses suites. Il confirmait le placement en geôle de
dégrisement, n’envisageant pas une garde à vue avec notification des droits différée, malgré
l’existence d’une infraction caractérisée susceptible d’être reprochée à la personne retenue,
et ne demandait aucune recherche d’alcoolémie.
Cette recherche étant souhaitée par l’OPJ de permanence de jour, les fonctionnaires qui en
étaient chargés descendaient au sous-sol à 9h00 et découvraient Mme K.B. pendue à son
pantalon, dont la jambe gauche avait été préalablement nouée pour être ensuite passée à
travers le judas rectangulaire non obturé de la porte de la cellule, l’autre jambe ayant servi
de lien de strangulation.
L’information immédiatement ouverte pour recherche des causes de la mort permettait
d’établir que le corps ne portait aucune trace de violence ou de lutte. Le décès, intervenu le
jour même, vers 5 ou 6h00, était la conséquence d’une asphyxie mécanique causée par la
pendaison suicidaire. La victime était sous l’empire d’un état alcoolique, avec 1,99 g d’alcool
dans le sang, et l’expertise toxicologique mettait également en évidence la présence de
cannabis, au taux sanguin de 3,7 nanog/mL. L’enquête judiciaire révélait en outre
73
qu’interpellée à plusieurs reprises dans un état d’ivresse avancé, Mme K.B. avait également
été hospitalisée à la suite d’une précédente tentative de suicide.
Une enquête administrative était immédiatement demandée en interne par le commissaire
principal, chef de la circonscription, au lieutenant D.G., chef de l’unité de sécurité publique
d’Annemasse. Elle était attribuée au chef de groupe « atteintes aux personnes » du
commissariat puis transmise à l’IGPN, ce service s’étant vu confier une commission
rogatoire par le magistrat instructeur.
> AVIS
Les investigations réalisées au cours des différentes enquêtes puis les auditions effectuées
par la Commission ont fait apparaître que le décès de Mme K.B. n’était pas sans lien avec
un certain nombre de dysfonctionnements, ci-après recensés :
- les deux cellules de dégrisement, éloignées du bureau du chef de poste et situées à l’étage
au-dessous, n’étaient pas sous surveillance vidéo, contrairement aux trois cellules de garde
à vue, et ne permettaient aucun contrôle passif du chef de poste ou de son adjoint, seuls
fonctionnaires présents la nuit en permanence au service ; cette configuration supposait
donc une stricte application des consignes générales de rondes espacées de quinze minutes
au plus et mentionnées sur la main-courante, consignes contenues dans une note de service
établie par la Direction centrale de la sécurité publique le 10 février 2003 ;
- or, si cette note avait bien été diffusée, le 24 février 2003, avec émargement, à l’ensemble
des fonctionnaires présents par Mme C.F., commissaire de police, elle n’avait fait l’objet
d’aucun rappel écrit de sa part depuis lors. Pourtant son application avait été perdue de vue
au fil du temps par les fonctionnaires sans que des contrôles effectifs, sur place et sur
pièces, de la part de chacun des responsables hiérarchiques et particulièrement du chef de
la brigade de sûreté urbaine, chargé du contrôle des registres – le commandant J-C.D. – ou
du chef de l’unité de sécurité et de proximité, officier de garde à vue et officier de formation –
le lieutenant D.G. – ne viennent mettre fin à cette manifestation d’un laisser-aller
généralisé ;
- ces carences avaient été favorisées par l’habitude prise, depuis plusieurs années, de
privilégier la sortie de trois patrouilles de nuit au lieu de deux, même en présence de
personnes retenues, ce qui interdisait en pratique au chef de poste resté seul au
commissariat et chargé à la fois de l’accueil, de la gestion du standard et de la radio, des
identifications aux fichiers, de la gestion des armes, de la salubrité du poste et de la gestion
de la surveillance des personnes retenues, de mener à bien toutes ces missions, sauf à
solliciter ou à profiter du retour d’une patrouille pour effectuer ses rondes ;
- de même, n’était pas exigée la venue de nuit de l’OPJ au commissariat pour toute
interpellation en flagrance susceptible de justifier une garde à vue, celui-ci déléguant à un
agent de police judiciaire le soin de notifier la mesure et les droits afférents ou bien
privilégiant, comme en l’espèce, la mise en cellule de dégrisement pour retarder la mise en
œuvre et la notification de la garde à vue jusqu’à l’arrivée de l’OPJ de permanence de jour
au service.
Plus précisément, cette nuit-là :
- le sous-brigadier M.S. assurait seul la fonction de chef de poste de 21h00 à 5h00, alors
qu’il aurait dû être assisté d’un adjoint en raison de la présence d’un gardé à vue, depuis
11h00 du matin, puis d’une personne en cellule de dégrisement ;
74
- chargé en cette qualité de gérer la surveillance des personnes retenues, il reconnaissait
devant l’Inspection générale de la police nationale n’avoir effectué que deux rondes, à 2h00,
puis entre 3 et 4h00, et n’avait porté au registre aucune mention de celles-ci ;
- il n’avait pas visité Mme K.B. en fin de service, alors qu’il aurait dû et pu le faire, comme il
l’admettait devant la Commission ;
- après la relève à 5h00, ni le chef de brigade de roulement, le brigadier-chef Y.G., ni le chef
de poste désigné, le gardien de la paix G.M., n’avaient effectué de visite aux geôles au
moment de leur prise de service ;
- le premier n’a opéré aucun contrôle de tenue des registres avant de partir en patrouille, et
le second n’a pas effectué la moindre ronde jusqu’à 9h00 ;
- quant à l’adjoint du chef de poste – l’adjoint de sécurité S.L. –, il était habituellement affecté
au poste de police de Gaillard, effectuait ce type de mission pour la première fois, ignorait la
présence de personnes interpellées dans le service et n’avait été informé ni par son chef de
poste, ni par son chef de brigade, le brigadier-chef Y.G., des obligations spécifiques pesant
sur lui en matière de surveillance des personnes retenues.
Ces insuffisances cumulées n’ont permis ni de prévenir le passage à l’acte de Mme K.B., ni
d’en limiter éventuellement les effets, alors même que le brigadier E.P. et le sous-brigadier
M.S. admettent qu’elle s’était montrée très agitée au cours des premières heures de sa
retenue, ce qui aurait dû être signalé et pris en compte au moment de la relève.
De plus, la victime aurait pu, compte tenu de l’infraction relevée, de son état d’ivresse et
d’agitation, faire l’objet d’une mise en garde à vue par l’OPJ de permanence. Cet officier a en
effet le pouvoir de désigner d’office un médecin pour examiner la personne gardée à vue et
doit faire usage de ce pouvoir lorsque la personne retenue présente des signes de
souffrance physique ou mentale.
La Commission prend acte des poursuites disciplinaires engagées et des sanctions
prononcées à l’encontre des fonctionnaires de police coupables de ces insuffisances
professionnelles multiples. Elle a également noté avec satisfaction la publication par la
Direction centrale de la sécurité publique, le 18 décembre 2006, d’une note de service
relative au traitement des procédures d’ivresse publique et manifeste, note rappelant en
particulier l’obligation de protection des personnes interpellées contenues dans l’article 10 du
Code de déontologie et la surveillance constante dont doivent faire l’objet les personnes en
état d’ivresse.
> RECOMMANDATIONS
A l’occasion de cette saisine, la Commission souhaite que l’attention des commissaires de
police, chefs de circonscription, soit appelée, lors de la transmission des instructions
ministérielles concernant la conduite à tenir vis-à-vis des personnes interpellées, sur le fait
que, même s’ils les notifient ou les rappellent par écrit, et même s’ils délèguent à leurs
adjoints le contrôle de la bonne tenue des registres de garde à vue ou la formation des
personnels, il leur appartient, en leur qualité de chef de service, de veiller également, par des
contrôles appropriés et réguliers, à ce que soient effectivement appliquées les consignes
transmises.
Elle recommande que les enquêtes administratives initiées à la suite d’un décès dans un
commissariat ou de toute autre suspicion de violence mettant gravement en cause des
fonctionnaires du service ne soient pas confiées au service dont dépendent les
75
fonctionnaires susceptibles de se voir reprocher des manquements éventuels, mais
immédiatement externalisées, pour assurer l’impartialité objective des enquêteurs.
Elle souhaite également la généralisation, autant que possible, dans les commissariats, d’un
service de quart de nuit assurant la présence sur place d’un OPJ, le placement immédiat en
garde à vue avec notification des droits différée devant être pouvoir être ordonné par l’OPJ
de permanence à l’encontre des personnes soupçonnées d’être l’auteur d’un délit
caractérisé, fussent-elles en état d’ivresse, à l’issue de la présentation physique de ces
personnes à l’OPJ, seul à même d’apprécier l’opportunité de requérir leur examen médical
d’office.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-29
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 10 avril 2006,
par M. Gérard BAPT, député de la Haute-Garonne
La Commission nationale de la déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 avril 2006, par
M. Gérard BAPT, député de la Haute-Garonne, à la demande de M. P.D., qui prétendait
avoir été témoin d’une interpellation d’une grande violence par deux policiers de la police
aux frontières, le 15 mars 2006, à l’entrée du couloir d’embarquement de l’aéroport de
Blagnac.
La Commission a pris connaissance de la procédure dressée par la DDPAF pour
soustraction à mesure d’éloignement et rébellion contre M. F.A., puis de la procédure dressée
contre M. P.D. pour dénonciation calomnieuse.
Elle a entendu M. P.D., témoin des faits signalés à la Commission, ainsi que les
fonctionnaires de police H.S. et F.M.
> LES FAITS
Le 20 mars 2006, M. P.D. adressait au parlementaire ci-dessus désigné un courrier pour lui
exprimer son indignation d’avoir été le témoin, quelques jours auparavant, de violences
policières commises sur une personne menottée et allongée à terre, dans l’un des halls de
l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
Convoqué et entendu par la Commission le 16 novembre suivant, il déclarait que le 15 mars
2006, arrivé à l’aéroport, il avait passé le portique pour pénétrer en salle d’embarquement et
s’était trouvé dans le hall numéro 2, à proximité de la porte 20. Ayant remarqué à la pendule
qu’il était très exactement 7h17, il entendait au même moment des cris sourds, se dirigeait
vers eux en contournant la descente de l’escalier et voyait alors un homme à terre, immobile,
tandis que des policiers lui donnaient des coups de pied dans l’abdomen. L’homme
n’opposait aucune résistance à cet instant et, entravé dans le dos, il n’avait pas la possibilité
de se protéger. Les coups, accompagnés des cris de la victime, duraient trois minutes
environ, et la scène a cessé lorsqu’un attroupement s’est formé.
M. P.D. ayant transmis un courrier analogue au procureur de la République le 27 mars 2006,
ce dernier demandait au directeur départemental de la police aux frontières de procéder à
une enquête. Il lui était répondu que les faits rapportés par le témoin avaient été traités à
l’occasion d’une procédure de refus de se soumettre à une mesure d’éloignement et de
rébellion ouverte contre le ressortissant turc F.A., procédure ayant donné lieu à comparution
immédiate et condamnation de l’auteur des faits à deux mois d’emprisonnement et deux ans
d’interdiction du territoire national, ainsi qu’au versement de 300 de dommages et intérêts
à chacun des deux policiers constitués parties civiles.
Une réponse identique était faite aux rapporteurs de la Commission qui tentaient de recevoir
les explications des fonctionnaires de police H.S. et F.M., chargés de l’embarquement de
81
M. F.A. Assistés du directeur départemental de la police de l’air aux frontières, leur conseil,
ils se présentaient, lors de leur convocation le 5 décembre 2006, en victimes des violences
commises sur leur personne par M. F.A., lors de sa soustraction à l’exécution de la mesure
de reconduite à la frontière régulièrement prise à son encontre, et revendiquaient
l’application des dispositions de l’article 8 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000, interdisant
selon eux à la Commission d’intervenir plus avant dans cette affaire.
Deux jours après ces convocations, le 7 décembre 2006, MM. H.S. et F.M. déposaient
plainte auprès d’un collègue de leur service contre le témoin M. P.D. pour dénonciation
calomnieuse, en arguant à nouveau de leur qualité de victimes des violences commises par
l’auteur du refus d’embarquer, qualité dont ils soulignaient qu’elle leur avait été
définitivement reconnue par jugement du 31 mars 2006 de la 6ème chambre du tribunal de
grande instance de Toulouse, puis par arrêt de la cour d’appel de Toulouse le 19 juillet 2006,
et du « préjudice » moral que leur avait causé leur convocation à la Commission.
Ces plaintes étaient directement transmises au procureur de la République par le directeur
départemental de la police de l’air aux frontières. Elles étaient accompagnées, de manière
pour le moins inhabituelle, d’une copie du courrier administratif adressé par ce dernier à son
administration centrale, courrier dans lequel il déduisait faussement du renoncement des
rapporteurs à entendre les fonctionnaires mis en cause la reconnaissance de leur part de
l’application de l’article 8 de la loi du 6 juin 2000 en l’espèce, puis déplorait « que la
Commission ait cru utile de convoquer à Paris deux policiers en résidence à Toulouse sur la
simple et unique dénonciation manuscrite d’un individu [et] n’ait pas pris attache avec
l’administration concernée pour obtenir des précisions quant à la situation juridique des faits
évoqués ».
Le procureur de la République confiait à la brigade de recherches de la compagnie de
gendarmerie de Villefranche-de-Lauragais le soin d’auditionner M. P.D., puis de recevoir les
observations des plaignants au vu des déclarations du premier.
Informé par téléphone des motifs de sa convocation, M. P.D. se présentait volontairement au
service le 16 février 2007 et confirmait son témoignage en ces termes : « Le 15 mars 2006,
je me suis rendu à l’aéroport de Toulouse-Blagnac pour prendre un vol à destination de Paris
pour des raisons professionnelles. Je suis arrivé dans le hall 2 à 7h17. Me trouvant dans le
hall, j’entends des cris intenses exprimant une douleur profonde. Je me tourne dans la
direction des cris et je vois deux policiers en tenue, ce qui a tendance à me rassurer car je
pense que c’est quelqu’un qui fait un malaise. Je ne vois pas l’homme à terre à ce moment.
Je n’ai pas vu ce qui s’est passé avant. Je contourne l’escalier afin de voir ce qui se passe. A
ce moment-là, je vois un homme à terre, immobile. Il est en souffrance. Là, alors que je
regarde l’homme au sol qui n’oppose aucune résistance, je vois un policier que je ne peux
identifier donner des coups de pieds espacés à l’homme au sol… L’individu ne se défend
pas. A ce moment-là, l’homme au sol est entravé les mains dans le dos. Il n’a pas la
possibilité de se protéger. Cette scène a duré trois minutes. Je suis suffoqué. Je suis
choqué. Je suis tétanisé de voir les policiers se comporter de cette manière. Un
attroupement se forme. Les policiers cessent de frapper. J’embarque pour mon vol à 7h20. A
ce moment-là les cris ont cessé».
Il convient de noter que ce témoignage est en tous points conforme aux dénonciations
écrites de M. P.D. et au contenu de son audition par la Commission, si ce n’est qu’il semble
dans la première partie de ses déclarations imputer les gestes de violences décrits à un seul
policier et non plus à plusieurs, précisant au demeurant être incapable d’identifier l’auteur
des coups, dans la mesure où il n’a pu détacher son regard de l’homme qui était à terre.
Averti, de manière encore plus précise, des condamnations prononcées en première
instance puis en appel contre M. F.A., informé des termes de l’article 8 de la loi du 6 juin
82
2000 qui lui étaient présentés fallacieusement comme ayant interdit en l’espèce à la
Commission d’entendre les deux fonctionnaires mis en cause, ainsi que des plaintes
déposées à son encontre pour dénonciation calomnieuse par ces derniers, M. P.D.
maintenait son témoignage, dicté, précisait-il, par son « exigence morale », et il tenait à
confirmer une fois encore que, s’il n’avait pas effectivement vu l’intégralité de la scène, le
peu qu’il en avait vu l’avait « choqué profondément ».
S’étant vu proposer par le procureur de la République un classement sous condition de
rédaction d’une lettre d’excuses et du versement d’une somme d’argent à chacun des
fonctionnaires mis en cause, M. P.D. finissait par accepter de finaliser cette solution, après
concertation avec son conseil.
> AVIS
Si l’article 8 de la loi du 6 juin 2000 prohibe toute intervention par la Commission dans une
procédure engagée devant une juridiction ainsi que toute remise en cause du bien-fondé
d’une décision juridictionnelle, c’est à la condition que les faits qui lui sont dénoncés soient
ceux qui sont ou ont été soumis à l’autorité judiciaire. L’identité factuelle doit être totale.
Tel n’est pas le cas en l’espèce : l’analyse détaillée de la procédure diligentée par la
direction départementale de la police aux frontières permet d’affirmer que les violences dont
M. F.A. a été déclaré coupable par une décision judiciaire ayant acquis force de chose jugée
ne sont pas celles précisément décrites par le témoin.
Il résulte en effet du rapport rédigé par le gardien de la paix H.S. puis des déclarations des
fonctionnaires H.S. et F.M., consignées le jour même des faits dans la procédure d’enquête
de flagrance, que c’est à 7h00 précises, en bas ou sur la passerelle d’embarquement du vol
AF 7781 de 7h05 à destination de Roissy C.D.G. et à proximité de la porte avion, que
M. F.A. a refusé catégoriquement d’embarquer, s’est jeté au sol, puis a tenté d’échapper à la
surveillance des policiers accompagnateurs. Ceux-ci ont eu des difficultés à l’entraver pour
le reconduire au service, M. F.A. refusant de se laisser faire, gesticulant, leur portant des
coups de pieds afin de les tenir à distance, griffant les deux fonctionnaires aux mains, et
ayant été condamné pour ces faits.
Or c’est à 7h17 précises, soit plus de dix minutes après, à l’intérieur du hall 2 de l’aéroport et
non plus sur ou en bas de la passerelle, porte 20 et non plus 22, que le témoin M. P.D. situe
de manière constante la scène de violences qu’il a spontanément dénoncée à diverses
autorités susceptibles de réagir et qu’il a décrite en détail, de manière réitérée, tant devant la
Commission que devant les gendarmes chargés de l’entendre sur les plaintes déposées
contre lui.
Certes, le chef de brigade H.S. a déclaré durant l’enquête de flagrance que « lors du retour
au service, l’intéressé a continué de gesticuler violemment, faisant tout pour tenter de
résister à sa conduite au poste ». Reste que cette précision n’a pas été reprise par son
collègue F.M., qu’elle paraît difficilement compatible avec le rapport de forces existant (deux
fonctionnaires de 118 et 95 Kg maîtrisant un homme seul, traité en permanence par insuline
pour un diabète, menotté les mains dans le dos) et qu’elle se trouve en opposition complète
avec le témoignage d’un tiers, totalement étranger à la scène, témoignage réitéré et dont la
vraisemblance est confortée non seulement par les déclarations de M. F.A. recueillies au
cours de l’enquête de flagrance, mais surtout par le résultat des examens cliniques réalisés
le jour même des faits par le département des urgences de l’hôpital Purpan.
83
Les certificats médicaux évoquent en effet, s’agissant de M. F.A. :
- à 8h30, la « suspicion d’une lésion antérieure de la 7ème côte gauche », justifiant une
prescription radiographique, outre l’existence d’une œdème volumineux du tiers inférieur de
l’avant bras gauche ;
- puis à 11h00, l’existence d’un érythème au niveau des côtes inférieures gauches, sans
lésion osseuse visible à la radiographie.
Il ressort en définitive des investigations opérées que les faits soumis à l’autorité judiciaire et
les faits soumis à la Commission n’ont ni la même localisation géographique, ni le même
cadre temporel, ni la même gestuelle. Les deux scènes décrites par les policiers et par le
témoin ne peuvent en aucun cas se superposer. Tout porte donc à croire qu’elles se sont
succédé. Le témoignage spontané et réitéré d’un homme conscient de ses devoirs, dont rien
ne permet de suspecter la bonne foi, présent sur place mais totalement étranger aux faits qui
se sont déroulés devant lui, se trouve corroboré par les constatations médicales effectuées
le jour même.
Dans ces conditions, quel qu’ait été le degré de violence préalable de la personne interpellée
au moment du refus d’embarquement et quelle que soit la tension que génère de manière
classique la nécessité de contraindre physiquement une personne à embarquer contre son
gré, les coups de pieds portés par un représentant de l’ordre public sur un homme à terre,
entravé et immobile, constituent une action de représailles dont la nécessité ne s’impose
nullement. Ils caractérisent l’exercice de violences gratuites, renouvelées et déconnectées
de toute situation de rébellion.
La répétition de ces violences illégitimes paraît avoir été favorisée par la passivité d’un autre
fonctionnaire de police, qui n’a rien entrepris pour les faire cesser durant près de trois
minutes et qui a négligé ensuite de les porter à la connaissance de l’autorité hiérarchique.
Constitutifs d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme,
les faits dénoncés sont également contraires aux articles 7 alinéa 3, 10 alinéas 1 et 2 du
Code de déontologie de la police nationale, aux termes desquels le fonctionnaire de police
« a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité et leur origine, leur
condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques », et qui
placent toute personne appréhendée non seulement sous la responsabilité, mais aussi sous
la « protection » de la police.
Dès lors qu’ils sont d’une gravité suffisante pour les rendre passibles de sanctions
disciplinaires, le Commission estime devoir en saisir Mme le Ministre de l’Intérieur.
> RECOMMANDATIONS
A l’occasion de cette saisine, la Commission doit, en premier lieu, exprimer sa très vive
préoccupation de voir ses convocations pour audition présentées par des fonctionnaires
d’Etat comme constitutives en soi d’un préjudice moral. Elle souhaite que leur soit rappelée
l’obligation légale qui est la sienne, en tant qu’autorité administrative indépendante,
d’instruire contradictoirement chacun des faits dont elle est saisie par le filtre des
parlementaires et d’émettre un avis circonstancié à l’issue de ses propres investigations.
Elle invite en outre les autorités de tutelle à rappeler solennellement ce qu’elle a déjà écrit
dans son rapport annuel 2005, et plus précisément dans son étude sur les mesures
d’éloignement des étrangers traitées par elle : « Frapper des personnes menottées et
entravées, quels que soient le degré de violence et la gravité du préjudice physique,
84
constitue toujours une atteinte à la dignité de ces personnes et un manquement à la
déontologie de la part des fonctionnaires de police ».
Constatant l’utilisation abusive qui peut être faite de plaintes en dénonciation calomnieuse
déposées immédiatement après une convocation devant elle et traitées par les parquets
sans attendre ses propres conclusions, elle estime devoir transmettre cet avis à toutes fins à
Mme le Ministre de la Justice.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, et au ministre de
l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, dont les
réponses ont été les suivantes :
La Commission a saisi le garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur la question de principe
soulevée dans ce dossier, par le courrier suivant :
Sa réponse n’est pas encore parvenue à la CNDS à la date d’édition du rapport.
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Saisine n°2006-30
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 14 avril 2006,
par M. Louis-Joseph MANSCOUR, député de la Martinique
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14 avril 2006,
par M. Louis-Joseph MANSCOUR, député de la Martinique, des conditions d’interpellation et
de placement en garde à vue de M. C.C. le 8 juin 2005, à la suite d’un contrôle d’identité
effectué à proximité de la gare de Lyon Part-Dieu par des fonctionnaires de police affectés au
groupe de sécurité de proximité (GSP).
La Commission a pris connaissance de la procédure ayant conduit, à la demande du
ministère public, au prononcé d’un rappel à la loi par officier de police judiciaire à l’égard
de M. C.C.
La Commission a entendu M. C.C., assisté de M. J.R. en sa qualité de membre du
collectif Antillais et Guyanais. La Commission a également procédé aux auditions de M. J.P.,
lieutenant de police au commissariat des 3ème et 6ème arrondissements de Lyon, ainsi que de
MM. B.M., B.T. et H.D., tous gardiens de la paix au groupe de sécurité de proximité (GSP) de
Lyon au moment des faits.
> LES FAITS
Le 8 juin 2005, peu après 21h00, l’attention d’une patrouille de police, en mission de
sécurisation dans le quartier de Lyon Part-Dieu, est attirée par deux individus en train
d’uriner le long d’un mur d’immeuble situé non loin de la gare routière. Afin de procéder aux
contrôles d’identité des deux individus – en l’occurrence MM. C.C. et N.M. –, les
fonctionnaires de police en uniforme composant l’équipage sortent de leur véhicule
sérigraphié et se dirigent à pied vers les intéressés.
En apercevant les fonctionnaires de police venir à sa rencontre, l’un des deux individus
prend alors la fuite, avant d’être rattrapé et interpellé deux cents mètres plus loin. Au cours
de sa fuite, M. C.C. perd les baskets qu’il venait d’acheter, chute sur le sol tout en se
débarrassant – selon les policiers poursuivants – d’un portefeuille dont le légitime
propriétaire avait déclaré le vol quelques jours avant les faits.
Conduit au commissariat de police des 3ème et 6ème arrondissements de Lyon, M. C.C. – alors
âgé de 19 ans – est présenté devant l’officier de police judiciaire J.P., qui le place
immédiatement en garde en garde à vue pour recel de vol et lui notifie les droits afférents à
ce statut.
A l’issue d’une garde à vue d’environ dix-huit heures, M. C.C. est remis en liberté après avoir
reçu notification d’un rappel à la loi par OPJ, sur instructions du parquet de Lyon.
Dans son courrier adressé au parlementaire auteur de la saisine, comme lors de son
audition, M. C.C. se plaint d’avoir été victime de plusieurs manquements à la déontologie de
90
la sécurité. La plupart des manquements allégués constituant également des infractions
pénales (menaces, injures, violences physiques, arrestation arbitraire), M. C.C. a déposé
plainte dès le lendemain des faits auprès de la gendarmerie de Rillieux-La-Pape. Au soutien
de cette plainte, M. C.C. a remis à l’unité de gendarmerie un certificat médical établi le 9 juin
2005 et déterminant une ITT de 6 jours.
> AVIS
S’agissant de la narration des événements, le récit des différents protagonistes diverge très
sensiblement.
La divergence tient d’abord au nombre, à la tenue vestimentaire et au service d’affectation
des fonctionnaires de police présents sur les lieux au moment des faits. Le procès-verbal
d’interpellation fait état de la présence de cinq membres d’équipage rattachés au groupe de
sécurité et de proximité de Lyon.
Lors de son audition devant la Commission, M. C.C. indique avoir été en présence d’une
dizaine de policiers en uniforme portant ostensiblement l’inscription CRS accompagnés de
deux policiers en civil. En l’état du dossier, force est d’admettre qu’aucun fonctionnaire
relevant des compagnies républicaines de sécurité n’a participé à cette opération. Quant à
l’intervention de policiers en civil, celle-ci n’a pris place qu’après l’interpellation de M. C.C., à
la suite d’une demande de renfort pour procéder au transport de l’intéressé vers le
commissariat.
Dans sa plainte déposée auprès de l’unité de gendarmerie de Rillieux-la-Pape, M. C.C.
justifie ensuite sa fuite par l’attitude menaçante des fonctionnaires de police, qui auraient
hurlé à son endroit : « On va t’éclater ».
Cette version est formellement contredite par les déclarations unanimes des policiers
présents sur les lieux. Elle l’est également par la déclaration écrite et jointe au dossier de
M. N.M. Selon l’ami de M. C.C., ce dernier aurait pris la fuite dès que les policiers ont fait état
de leur qualité en demandant à l’intéressé de ne pas bouger.
Dans ces conditions, il convient d’admettre que les fonctionnaires de police étaient en droit
de procéder à l’interpellation de M. C.C., qui refusait d’obtempérer à leur ordre d’arrêt.
Au-delà du principe même de l’interpellation (par ailleurs justifiée sur le fondement du recel
de vol), ses modalités ne semblent pas constitutives d’un manquement à la déontologie de la
sécurité. A tout le moins, aucun élément suffisamment univoque et probant ne permet
d’arriver à une conclusion inverse. Certes, M. C.C. prétend avoir reçu au moment de son
interpellation, à plusieurs reprises, – sans pouvoir en déterminer le nombre – des coups de
poing au niveau du ventre et du sexe. L’intéressé prétend également avoir été frappé tout le
long du trajet jusqu’au commissariat. En même temps qu’elles ne sont corroborées par
aucun autre témoignage, de telles violences collectives et répétées semblent difficilement
compatibles avec les déclarations de l’intéressé en garde à vue. Au cours de cette mesure,
M. C.C. n’a dénoncé à aucun moment la maltraitance dont il aurait été victime de la part des
policiers interpellateurs. Ni l’avocat ni le médecin requis par l’OPJ n’ont d’ailleurs émis la
moindre observation à cet égard. Si le certificat médical dont se prévaut M. C.C. a certes
conclu à six jours d’ITT, il convient toutefois de relever que ce certificat, établi à l’issue de la
garde à vue, n’est pas incompatible avec la thèse soutenue par les policiers : l’examen
clinique fait état de diverses plaies à la paume des mains, aux coudes et aux genoux, autant
de constatations compatibles avec l’hypothèse d’une chute à l’occasion de la tentative de
fuite.
Le dernier grief de l’intéressé concerne l’absence d’avis à famille dans le cadre de sa garde
à vue (art. 63-2 C.pr.pén.). Le dossier de la procédure contredit la thèse avancée par
M. C.C., selon laquelle l’OPJ lui aurait refusé l’exercice de ce droit de sa propre initiative,
91
proprio motu. Il ressort en effet du procès-verbal de garde à vue rédigé par le lieutenant de
police J.P. que l’avis à famille a été différé pour les nécessités de l’enquête sur autorisation
préalable du magistrat du parquet du tribunal de grande instance de Lyon (service de
traitement direct). Cette procédure est parfaitement conforme aux dispositions de l’article 632 in fine du Code de procédure pénale.
La Commission n’a relevé aucun manquement à la déontologie de la part des fonctionnaires
mis en cause.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2006-31
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 24 avril 2006,
par M. Eric JALTON, député de la Guadeloupe
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 24 avril 2006,
par M. Eric JALTON, député de la Guadeloupe, des faits qui se sont déroulés les 26 et 27
octobre 2005, lors de l’interpellation suite à un contrôle routier de M J.B. à Vigneux-surSeine, conduit au commissariat de Draveil, et placé en garde à vue le lendemain suite à une
convocation délivrée la veille.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. E.G., brigadier, MM. S.L. et P.A., gardiens de la paix.
M. J.B. n’a pas souhaité être auditionné.
> LES FAITS
Le 26 octobre 2005 vers 21h30, les fonctionnaires de police M. S.L., M. P.A. et Mme M.J.
étaient en patrouille sur la commune de Vigneux-sur-Seine. Apercevant un véhicule qui
roulait à vitesse excessive avec, à bord, un conducteur qui ne portait pas sa ceinture de
sécurité, ils décidaient de le contrôler. M. J.B. obtempérait et présentait ses papiers.
M. J.B. tenant des propos confus et sentant l’alcool, les fonctionnaires de police lui
demandaient de se soumettre à un dépistage d’alcool. M. J.B. refusa, mettant en avant sa
connaissance à titre personnel d’un commandant de police, qu’il a immédiatement souhaité
contacter par téléphone. Devant son refus de souffler dans l’éthylotest, il fut menotté et
conduit au commissariat de Draveil dans le véhicule de police.
Le trajet se déroulait sans incident. Au commissariat, M. J.B. refusait d’entrer dans les
locaux. Il était emmené fermement. Alors qu’il se trouvait entre deux policiers, M. J.B. perdait
l’équilibre et chutait sur le côté gauche. Les fonctionnaires de police l’aidaient à se relever et
l’emmenaient dans la pièce où se trouve l’éthylomètre. Comme il refusait encore de procéder
à ce test, M. J.B. fut saisi par les aisselles et accompagné jusqu’à l’éthylomètre. Le résultat
de l’éthylométrie était de 0,41 mg/L d’air expiré puis, cinq minutes plus tard, de 0,40 mg/L.
L’officier de police judiciaire (OPJ) du quart de nuit à Evry était avisé des faits et décidait
d’une remise en liberté, assortie d’une convocation pour le lendemain. Les clés de son
véhicule étaient remises à M. J.B., qui quittait le commissariat.
Le 27 octobre 2005 dès son arrivée au commissariat, vers 10h15, M. J.B. était placé en
garde à vue. Il était interrogé de 11h15 à 11h45 sur la nature des faits qui lui étaient
reprochés et qu’il reconnut. De 11h55 à 12h10, il put s’entretenir avec un avocat. A 14h30,
une convocation pour une composition pénale lui était remise, et il était libéré.
93
> AVIS
Sur les conditions du contrôle routier
Dans sa saisine, le parlementaire a transmis un courrier dans lequel M. J.B. contestait avoir
roulé à une vitesse excessive. Ce courrier n’apporte cependant aucun élément de preuve
dans ce sens et M. J.B. ayant refusé d’être auditionné, celui-ci n’a pu apporter aucune
précision sur ce point. Il reconnaissait en revanche qu’il n’avait pas mis sa ceinture de
sécurité.
Au regard de la vitesse estimée excessive à laquelle M. J.B. roulait et du fait qu’il ne portait
pas sa ceinture de sécurité, la Commission estime que le contrôle routier dont il a fait l’objet
était justifié.
Sur les conditions de l’interpellation
M. J.B. tenait des propos incohérents et sentait l’alcool, l’invitation à se soumettre à un
dépistage d’alcool était dès lors justifiée.
Le refus de M. J.B. de se soumettre à ce contrôle justifiait qu’il soit emmené au commissariat
pour y être soumis à une opération de contrôle.
Au regard des signes d’ivresse qu’il présentait et de son refus de se soumettre à un contrôle,
la pose des menottes pendant le trajet jusqu’au commissariat était justifiée, dans le but
d’assurer sa propre sécurité et celle des fonctionnaires de police.
Dans sa saisine, le parlementaire a transmis un courrier dans lequel M. J.B. indique avoir été
giflé à son arrivée au commissariat. Les fonctionnaires de police auditionnés ont contesté
cette version, et M. J.B. ayant refusé d’être auditionné, la Commission ne donne aucune
suite à cette allégation.
Sur les conditions de l’élargissement de M. J.B. le 26 octobre 2005, vers 21h55
Au moment de son interpellation, M. J.B. présentait des signes manifestes d’ébriété. Bien
qu’étant encadré par deux fonctionnaires de police, il a chuté dans le commissariat. Le
premier résultat de l’éthylométrie était de 0,41 mg/L d’air. M. J.B. a passé moins de vingtcinq minutes au commissariat.
La Commission, comme les fonctionnaires de police, ignore ce qu’a fait M. J.B. après avoir
quitté le commissariat. Dans son état, il représentait un danger pour lui-même et pour autrui.
Le fait qu’il était en possession de ses clefs de voiture a aggravé ce danger.
La Commission estime que la décision de laisser M. J.B. quitter le commissariat et la
décision de lui rendre les clefs de son véhicule, alors qu’à tout le moins, celui-ci aurait dû
être immobilisé en vertu de l’article L.234-1 du Code de la route, constituent un manquement
à l’article 10 du Code de déontologie de la police nationale : « Le fonctionnaire de police
ayant la garde d'une personne dont l'état nécessite des soins spéciaux doit faire appel au
personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour protéger la vie et la santé
de cette personne. »
Sur les conditions de placement en garde à vue le 27 octobre 2005 à 10h15
De retour au commissariat le lendemain à 10h15, M. J.B. était placé en garde à vue. Cette
décision était conforme à l’article 63 du Code de procédure pénale, elle permettait de lui faire
bénéficier des garanties reconnues à toute personne gardée à vue.
Sur la durée de la garde à vue
L’article 63 du Code de procédure pénale autorise le placement en garde à vue pour les
nécessités de l'enquête. En l’espèce, M. J.B. avait signé le procès-verbal de constatation et
notification de taux, avant d’être libéré, la veille à 21h50. Par cette signature, il reconnaissait
avoir un taux d’alcool de 0,41 mg/L. d’air. De retour au commissariat à 10h15, il était
auditionné de 11h15 à 11h45. Il n’a été libéré qu’à 14h30, après que le parquet eut été
informé des résultats de l’audition à 14h15. La Commission estime que la durée de la garde
à vue de M. J.B. – plus de quatre heures – était excessive au regard de l’unique acte
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d’enquête : une audition de trente minutes. Elle s’interroge sur les raisons qui ont empêché
l’OPJ de joindre le parquet entre 11h45 et 14h15.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que toute personne interpellée est placée sous la garde et la
protection de la police qui doit prendre toutes mesures légales pour protéger la vie et la
santé de cette personne.
La durée de la garde à vue ne doit pas excéder la durée nécessaire à l’accomplissement des
actes d’enquête.
Si la Commission insiste régulièrement sur l’importance des droits reconnus à toute
personne placée en garde à vue (droit de demander à informer un tiers, droit de demander
un examen médical, droit de demander un entretien avec un avocat), elle rappelle que ces
droits sont la contrepartie d’une privation de liberté à laquelle il convient de mettre fin dès
que possible.
Cet avis sera transmis au procureur de la République.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evry, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-36
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 9 mai 2006,
par Mme Claude DARCIAUX, députée de la Côte d’Or
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 9 mai 2006, par
Mme Claude DARCIAUX, députée de la Côte d’Or, des conditions dans lesquelles, le 14
février 2006 vers 16h30, M. P.S. a été reçu au commissariat de Beaune.
La Commission a entendu M. P.S., ainsi que le fonctionnaire de police Y.B.
> LES FAITS
Le 14 février 2006, M. P.S. se présenta au commissariat de police de Beaune (21) pour,
selon ses dires, « déposer plainte à l’encontre d’une personne qui [l’]avait menacé de mort
ainsi que de coups et blessures ». Il a été reçu par une fonctionnaire de police. Selon la
saisine adressée à la Commission, celle-ci, en refusant de recevoir sa plainte, lui aurait fait
observer que la personne dont il se plaignait était honorablement connue. Elle se serait
adressée à lui dans des termes discourtois impliquant une connotation religieuse.
Entendue par la Commission, cette fonctionnaire a indiqué que les faits rapportés par
M. P.S. ne lui avaient pas paru caractériser une infraction susceptible de recevoir une suite
pénale. Elle a exposé qu’informé de cette appréciation, M. P.S. est devenu véhément,
insistant à cinq reprises pour que sa plainte soit enregistrée, et a reproché alors aux services
de police de ne pas avoir donné suite à des plaintes antérieures de sa part. Contestant les
propos que lui a tenus M. P.S., elle a précisé qu’elle ne connaissait pas la personne dont
celui-ci se plaignait, et que c’est M. P.S. lui-même qui, dans ses propos, a fait état d’une
appartenance religieuse. Elle a invité M. P.S. à saisir le parquet du litige l’opposant à la
personne dont il se plaignait.
C’est ce que M. P.S. a fait le jour même. Après enquête, le parquet a classé cette plainte,
l’infraction alléguée étant insuffisamment caractérisée.
Cette affaire s’inscrit dans le contexte d’un litige d’ordre personnel entre deux personnes au
sujet d’une troisième. Antérieurement au 14 février 2006, ce litige avait donné lieu, à
l’initiative de l’une ou l’autre des trois personnes en cause, à plusieurs procédures et
plusieurs mentions de main-courante.
> AVIS
L’enquête conduite par la Commission ne permet pas de considérer comme fondés les griefs
formulés par M. P.S. à l’encontre des services de police. Dans ces conditions, la saisine ne
peut recevoir aucune suite.
Adopté le 12 février 2007
101
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
102
Saisine n°2006-37
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 9 mai 2006,
par M. André SCHNEIDER, député du Bas-Rhin
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 9 mai 2006, par
M. André SCHNEIDER, député du Bas-Rhin, des conditions d’interpellation et de placement
en garde à vue de M. J-N.D., le 10 mai 2005 à Strasbourg.
La Commission a pris connaissance de la procédure judiciaire jusqu’au jugement du
tribunal correctionnel de Strasbourg du 21 mars 2006 emportant condamnation du plaignant
pour rébellion et outrages envers une personne dépositaire de l’autorité publique.
La Commission a pris connaissance du complément d’enquête ordonné par le
procureur de la République de Strasbourg sur les faits litigieux, ainsi que de la décision
ultérieure de classement sans suite rendue à l’égard des fonctionnaires mis en cause.
La Commission a entendu M. J-N.D. ainsi que le fonctionnaire de police
interpellateur T.C.
> LES FAITS
Le 10 mai 2005, peu après 18h00, l’attention de fonctionnaires de police (CRS 38 de
Mulhouse), en garde statique sur le site du Parlement européen de Strasbourg, est attirée
par le comportement suspect d’un individu se trouvant le long des berges de l’Ill. Après avoir
constaté que l’individu, en l’occurrence M. J-N.D., jette violemment des projectiles divers sur
un chien de race Yorkshire tombé dans l’eau, plusieurs fonctionnaires de police en uniforme
et porteurs des insignes réglementaires prennent l’initiative de se diriger dans sa direction
afin de procéder à un contrôle.
A la vue des policiers qui lui intiment l’ordre de s’arrêter, M. J-N.D. enfourche son vélo puis
roule à vive allure le long des berges en direction d’un jardin ouvrier. Après quelques
minutes de poursuite, les policiers parviennent à le retrouver, tapi dans un bosquet de
ronces, et procèdent à une palpation de sécurité sur sa personne. En raison de sa résistance
et des menaces proférées à l’encontre des fonctionnaires de police, M. J-N.D. est menotté et
ramené dans le fourgon pour être conduit au commissariat central de Strasbourg et placé en
garde à vue.
Au moment où un officier de police judiciaire lui notifie cette mesure, M. J-N.D. simule un
malaise cardiaque à telle enseigne que le brigadier de police G.C., en fonction au service de
quart, se voit dans l’obligation d’effectuer sur sa personne quelques « légères gifles de
réveil », en présence de plusieurs gardiens de la paix.
En même temps qu’il reconnaît son refus d’obtempérer, sa résistance physique au moment
de son interpellation et ses paroles menaçantes à l’égard des policiers interpellateurs, le
plaignant conteste la version des faits retenue au soutien de sa condamnation. Selon M. J-
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N.D., les policiers auraient mal interprété ses gestes, puisqu’il voulait simplement à l’origine
porter assistance à un chien qui avait échappé à la vigilance de la conductrice d’un véhicule
de type 4X4. En outre, alors que certains policiers l’auraient insulté et frappé de plusieurs
coups de poing tandis qu’il était maintenu au sol dans le fourgon, d’autres lui auraient crevé
les pneus de son vélo.
> AVIS
Plusieurs éléments sont particulièrement troublants.
En premier lieu, lors de son audition par la Commission, le plaignant a changé plusieurs fois
de versions sur l’origine et la chronologie des faits incriminés.
En second lieu, il ressort d’un certificat médical établi le 13 mai 2005 par le Dr R.B. à la
demande de M. J-N.D. que le visage de ce dernier « ne présente pas de lésion particulière et
n’est pas tuméfié », alors que le plaignant atteste avoir reçu une dizaine de gifles et des
coups de poing.
Pour étayer sa thèse fondée sur des violences policières, le plaignant a enfin remis à la
Commission un certificat établi par un chirurgien-dentiste attestant, selon lui, qu’une de ses
dents aurait été fêlée à la suite des coups reçus dans le fourgon. Outre le fait qu’il comporte
une surcharge visible en ce qui concerne la date, ledit document ne corrobore nullement la
thèse du plaignant, puisqu’il s’achève par un paragraphe libellé dans les termes suivants :
« toutes réserves sont à prendre sur l’intégrité tissulaire et sur la vitalité des dents en rapport
avec les traumatismes cités par le patient ».
Dans ces conditions, l’allégation de violences policières semble relever davantage du
domaine de l’hypothèse et de la spéculation que d’indices fiables. En tout état de cause, les
éléments de preuve dont dispose la Commission ne lui permettent pas d’étayer une telle
conclusion.
Adopté le 12 février 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
104
Saisine n°2006-42
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 23 mai 2006,
par M. François ROCHEBLOINE, député de la Loire
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 mai 2006,
par M. François ROCHEBLOINE, député de la Loire, des conditions de l’interpellation, le 18
mars 2006, aux abords du Stade de France à Saint-Denis (93) de Mme E.B. pour refus
d’obtempérer, outrages, rébellion, coups et blessures volontaires sur agents de la force
publique. Ce jour-là, un service d’ordre et de circulation avait été mis en place aux abords de
l’édifice dans le cadre d’une manifestation sportive attirant un nombreux public.
Les faits incriminés font l’objet d’une information judiciaire ouverte au cabinet de
M. le Doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny (93).
La Commission a entendu Mme E.B, assistée de son avocat. Après avoir visionné le
film de l’interpellation adressé à la Commission par Mme E.B., la CNDS a entendu les
fonctionnaires intervenants, ainsi que l’officier et le commissaire responsable du service de
circulation le jour des faits, assistés de leur conseil.
> LES FAITS
Le 18 mars 2006, Mme E.B. circulait aux abords du Stade de France à Saint-Denis au volant
de son véhicule, à bord duquel se trouvaient sa mère et son neveu âgé d’un an.
Désirant changer de direction en tournant à gauche, elle demandait, selon elle, à un policier
présent qui ignorait sa question, si elle pouvait le faire. En l’absence de réponse de ce
policier, elle tournait à gauche. Toujours selon Mme E.B., le policier « semblait énervé ».
Alors qu’elle poursuivait sa route à faible allure en raison de la circulation très dense à cet
endroit, Mme E.B. constatait que le policier précédemment désigné courrait derrière son
véhicule.
Elle s’arrêtait donc à hauteur d’un terre-plein, où se trouvait un deuxième fonctionnaire de
police. Le premier policier donnait alors un coup avec la paume de sa main sur le véhicule
de Mme E.B., qui recevait également une gifle de la part de ce même fonctionnaire, après
qu’elle eut baissé sa vitre. Elle fit remarquer au policier qu’il n’avait pas le droit de se
comporter ainsi. C’est à ce moment-là que le second fonctionnaire positionné initialement sur
le terre-plein la menottait à une main tout en lui tordant le bras. Mme E.B. précisait
également qu’à ce moment-là, la gifle reçue avait provoqué un épanchement sanguin labial.
Après qu’elle eut demandé en anglais à sa mère de contacter téléphoniquement son agent,
Mme E.B. s’agrippait au montant de portière de son véhicule. Elle précisait aux membres de
la Commission, qu’elle était une athlète de niveau mondial, spécialiste de la discipline de
l’heptathlon, pour la pratique de laquelle l’intégrité des bras et des jambes est nécessaire.
Craignant pour son intégrité physique, elle mordait le premier fonctionnaire qui tentait de lui
faire lâcher prise.
105
Après l’arrivée d’un fourgon de police à bord duquel, selon Mme E.B., se trouvaient cinq à
six fonctionnaires, elle fut mise au sol, menottée « aux deux mains dans le dos », « hissée
dans le fourgon et mise à plat ventre à l’arrière ». Auparavant, elle avait à nouveau mordu un
autre fonctionnaire de police « car (elle) avait très mal aux bras et aux jambes ».
Maintenue la tête sur le côté, immobilisée à plat ventre par « des genoux et des pieds » sur
l’omoplate, Mme E.B. était transportée ainsi au commissariat de Saint-Denis. Tout au long
du trajet, Mme E.B. aurait été tutoyée, traitée de « sale black », et menacée en ces termes
par une policière : « Heureusement qu’il y avait du monde, sinon tu aurais vu ce qu’on allait
te faire ».
L’enquête de flagrance, en raison de la personnalité de Mme E.B., fortement médiatisée, a
été confiée à la Sûreté départementale de Seine-Saint-Denis, où elle fut gardée à vue
pendant vingt-huit heures.
Me E.M., du barreau de Paris, qui assistait Mme E.B., désirait attirer l’attention de la
Commission sur le fait que deux fonctionnaires de police avaient modifié leur version des
faits après avoir pris connaissance des images vidéo des caméras de surveillance détenues
par le magistrat instructeur. Enfin et toujours selon Me E.M., le secret de l’enquête a été violé
pendant le délai de garde à vue, une dépêche de l’AFP rendant compte des faits et citant
des sources policières.
Après avoir visionné le film de l’interpellation adressé à la Commission par Mme E.B., la
CNDS a entendu les fonctionnaires intervenants ainsi que l’officier et le commissaire
responsable du service de circulation le jour des faits.
Le brigadier P.L, affecté à la Compagnie de circulation départementale, assurait le service à
l’angle de la rue El Ouadi et de la sortie autoroutière A86.
Il avait reçu l’ordre de dévier tous les véhicules « à droite par rapport au sens général de la
circulation, ce qui interdisait de tourner à gauche ». Mme E.B. lui demandait alors
l’autorisation de tourner à gauche, il lui répondait par la négative. Profitant du fait que
l’attention de M. P.L. était attirée par un autre automobiliste, elle s’engageait à gauche,
bravant ainsi l’interdiction qui lui avait été faite en « démarrant comme quelqu’un de très
énervé, faisant crisser les pneus ».
Alors qu’elle était bloquée dans la circulation à une cinquantaine de mètres environ, M. P.L.
s’approchait du véhicule. Il invitait Mme E.B. à baisser sa vitre en tapant avec « le plat de sa
main sur la carrosserie pour lui indiquer de baisser sa vitre ». Alors qu’il lui demandait les
raisons de son attitude, elle lui aurait répondu, très énervée qu’« elle n’était pas une
voleuse ». M. P.L. déclarait avoir alors passé son bras dans l’habitacle et posé la main sur le
volant pour la faire stopper. Selon M. P.L., Mme E.B. continuait d’avancer, et il ne put ainsi
se dégager qu’au bout de quelques mètres.
Toujours selon M. P.L., l’un de ses collègues, alerté par ses cris : « Arrêtez, arrêtez ! » s’est
mis en travers et à tenter ce la stopper. Elle ne s’arrêtait alors, toujours selon M. P.L., que
quelques mètres plus lopin, sortant immédiatement de son véhicule. La rejoignant, tentant de
la calmer et mettant ses mains devant lui en protection, il fût dans un premier temps mordu
au pouce gauche. Son collègue motard, M. B.Q. (entendu par la Commission) la menottait à
la main droite alors qu’elle avait passé son bras gauche autour du montant de la portière.
Alors qu’il tentait de lui faire lâcher prise, M. P.L. fût à nouveau mordu par Mme E.B. à
l’épaule. Ayant eu alors un malaise, M. P.L. était pris en charge par les pompiers, qui lui
administraient les premiers soins mais ne jugeaient pas utile de le transporter à l’hôpital. Un
certificat constatant une ITT de un jour lui était délivré par le médecin des UMJ.
106
La Commission a entendu le gardien de la paix B.Q.
En tant que motard, assisté d’un autre collègue, il facilitait l’accès des automobilistes aux
parkings du stade. Par rapport à lui, le brigadier P.L. était placé à cinquante mètres environ
en amont. Un deuxième motard se trouvait quelques mètres plus en aval par rapport à
M. B.Q.
Ce dernier, précisant que son attention avait été attirée par M. P.L. qui criait : « Arrêtez-la !
Arrêtez-la ! », constatait alors qu’il courait à côté d’un véhicule en ayant engagé son bras
droit à l’intérieur de l’habitacle. Selon M. B.Q, l’automobiliste ne s’immobilisait qu’après
l’avoir dépassée « d’une longueur de capot », malgré ses gestes réglementaires. Entretemps, M. P.L. avait réussi à dégager son bras.
Mme E.B., selon M. B.Q., serait alors sortie de son véhicule « très énervée », en criant : « Je
ne suis pas une voleuse, vous n’avez pas le droit de m’arrêter ! ». Alors que M. P.L. arrivait à
la hauteur de Mme E.B., M. B.Q., pour la calmer, « mettait ses mains en protection parce
qu’elle était proche de lui et très énervée ». M. B.Q. relatait : « Elle l’a mordu à la main
gauche, plus précisément au pouce », « aidé de mon coéquipier (le deuxième motard), nous
l’avons plaquée contre le véhicule pour la maîtriser. Elle s’est alors accrochée au montant de
portière avec son bras gauche », mordant à nouveau M. P.L. qui tentait de lui faire lâcher
prise.
L’arrivée de renforts sur place, ainsi que celle du lieutenant S.C. et du commissaire D.K., a
permis d’interpeller Mme E.B., qui a du être mise au sol « selon les techniques GTPI », afin
de pouvoir la menotter. Alors qu’elle avait été remise debout, selon M. B.Q., Mme E.B., qui
refusait d’être transportée au commissariat, s’est laissée tomber, « entraînant dans sa chute
cinq ou six collègues ». Étant au sol, elle fût « portée dans le véhicule et placée à plat
ventre ».
La gardienne de la paix S.R. a déclaré à la CNDS qu’elle faisait partie de l’équipage du
fourgon ayant transporté Mme E.B. du lieu de l’interpellation jusqu’au commissariat de SaintDenis. L’équipage était composé de trois femmes et deux hommes. Au cours du transport,
Mme S.R., aidée par un collègue, a maintenu Mme E.B. à plat ventre, « pour sa sécurité et
celle des fonctionnaires de police ». Mme S.R. « avait un genou sur son dos, la maintenant
par les menottes, alors que [sa] collègue lui maintenait les jambes pliées ».
Le commissaire de police D.K. était responsable de la division circulation autour du Stade de
France le 18 mars 2006 ; il était assisté dans sa mission par le lieutenant S.C.
M. D.K. s’est rendu sur les lieux de l’interpellation lorsqu’il a entendu sur les fréquences radio
de service qu’un « fonctionnaire en difficulté avec un individu, suite à infraction au code de la
route, avait été mordu » par la personne qu’il tentait d’interpeller.
Selon M. D.K., qui constatait à son arrivée sur place que l’interpellation était en cours,
Mme E.B. était « véhémente et résistait de manière surprenante à son interpellation ».
M. D.K. s’est ensuite inquiété de l’état de santé de M. P.L. qui venait de faire un malaise
suite aux deux morsures qui lui avaient été infligées par Mme E.B.
Le commissaire J-P.M., qui assistait M. D.K., a tenu à préciser aux membres de la CNDS :
« Il n’est pas rare d’assister à une interpellation mettant aux prises plusieurs fonctionnaires
de police avec une seule personne, car à l’heure actuelle, la formation des personnels de
police, implique que l’on ne doit porter aucun coup dans le cadre des GTPI lorsqu’il n’y a
aucune menace immédiate sur l’intégrité physique des fonctionnaires intervenants ».
Le lieutenant S.C. a constaté à son arrivée sur les lieux, que Mme E.B. était « très
énervée », le surprenant par sa force physique et son comportement agressif.
Constatant que la situation était figée et après avoir tenté de prendre vainement contact avec
Mme E.B., M. S.C. estimait devoir demander aux fonctionnaires présents de « finir
l’interpellation », confirmant en cela les propos de l’un des fonctionnaires entendus, qui
107
précisait au cours de son audition qu’« une autorité présente sur place avait donné l’ordre
d’en finir », et ce en raison des risques évidents d’attroupement.
> AVIS
Les faits relatés font l’objet d’une information judiciaire au cabinet de M. le Doyen des juges
d’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny.
Mme E.B. a spontanément déclaré à la Commission avoir mordu M. P.L.
La Commission s’interroge cependant sur la réalité de la résistance physique dont elle a fait
preuve lors de son interpellation, au cours de laquelle elle semble avoir résisté à plus de
quatre fonctionnaires de police, qu’elle aurait entraîné dans sa chute.
Il est difficilement croyable que Mme E.B., certes athlète de haut niveau, ait pu ainsi tenir
tête à plusieurs fonctionnaires, qui n’auraient eu comme seule possibilité que de la
neutraliser en l’amenant au sol, et en la transportant à plat ventre dans le fourgon jusqu’au
commissariat local, maintenue ainsi plaquée par deux fonctionnaires, sauf à mettre en cause
l’efficacité des gestes techniques professionnels d’intervention tels qu’enseignés dans les
écoles de police.
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande expressément de bannir le mode de transport utilisé dans cette
affaire, en raison du nécessaire respect dû à la dignité humaine.
La Commission recommande également que soient à nouveau rappelés aux fonctionnaires
de police les termes de la circulaire du 11 mars 2003, relatifs au menottage.
Adopté le 12 février 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
108
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110
Saisine n°2006-45
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 29 mai 2006,
par M. Etienne PINTE, député des Yvelines
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 29 mai 2006,
par M. Etienne PINTE, député des Yvelines, des conditions du contrôle d’identité puis du
placement en cellule de dégrisement de M. F.L., le 8 mai 2006, à Levallois.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. F.L. et M. F.F., gardien de la paix.
> LES FAITS
Dans la soirée du 8 mai 2006, M. F.L. a fêté l’anniversaire d’un collègue dans un restaurant
à Levallois. « Ayant bien mangé et bien bu », il envisageait de passer la nuit dans le
restaurant où il travaille. C’était d’autant plus commode qu’il devait faire l’ouverture le
lendemain matin. Il téléphonait à son épouse pour l’avertir qu’il était fatigué et ne s’estimait
pas capable de rentrer. Arrivé à pied devant son restaurant, il ne trouvait plus ses clefs et
décidait de dormir dans sa voiture, garée à proximité. Il était environ 23h45.
Vers 0h45, MM. F.F. et C.C., gardiens de la paix en patrouille dans un véhicule sérigraphié,
apercevaient une personne dans son véhicule, côté conducteur, la tête appuyée contre le
carreau. Pensant que cette personne faisait un malaise, M. F.F. tapait au carreau et
n’obtenait aucune réponse. Il insistait, réveillait M. F.L. et lui demandait s’il avait eu un
malaise. Les fonctionnaires de police remarquaient qu’une forte odeur d’alcool provenait de
l’intérieur du véhicule. M. F.L. était invité à présenter sa carte d’identité, qu’il remit à M. F.F.
Ce dernier s’éloignait pour faire les vérifications d’usage.
M. C.C. s’est alors approché et a demandé les papiers du véhicule : carte grise, attestation
d’assurance, permis de conduire. M. F.L., surpris par cette requête, lui répondait : « Je ne
suis pas de la racaille, je ne suis pas là pour niquer la police ».
La réponse des policiers à cette réaction est décrite différemment par M. F.L. et par le
gardien de la paix F.F.
Selon M. F.L., il fut immédiatement extirpé de sa voiture et menotté.
Selon M. F.F., M. F.L. est sorti de son véhicule ; il vociférait et tenait des propos incohérents.
M. F.L. a fait un geste vers M. C.C., qui a attrapé son bras et lui a passé les menottes.
M. F.L. n’a opposé aucune résistance. M. C.C. lui a demandé de s’asseoir sur un banc, mais
M. F.L. s’est relevé, et c’est alors que M. C.C. l’a pris par le cou et l’a fait s’asseoir.
M. F.L. a ensuite été conduit à l’hôpital, où un certificat de non-admission a été délivré. Puis
il a été emmené au commissariat, où il fut placé en cellule de dégrisement. A 7h30, il fut
libéré et une contravention pour ivresse publique et manifeste lui été remise.
111
Le 19 juillet 2006, suite à une réclamation de M. F.L., le procureur de la République de
Nanterre décidait de classer sans suite cette contravention.
> AVIS
L’intervention initiale :
L’intervention initiale des gardiens de la paix F.F. et C.C. avait pour but de protéger M. F.L.
Elle était manifestement dictée par leur inquiétude face à la situation inhabituelle dans
laquelle il se trouvait : endormi dans son véhicule côté conducteur, la tête appuyée contre le
carreau.
Le contrôle d’identité :
Le contrôle d’identité auquel MM. F.F. et C.C. ont procédé paraît justifié au regard des textes
en vigueur.
La présence de M. F.L. sur la voie publique :
Au regard des témoignages contradictoires qu’elle a recueillis, la Commission ne peut se
prononcer sur la façon dont M. F.L. est sorti de son véhicule.
Le placement en cellule de dégrisement :
Les fonctionnaires de police pouvaient le conduire au commissariat pour le placer en
dégrisement en vertu de l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique, qui prévoit cette
possibilité en cas d’ivresse sur la voie publique.
L’utilisation des menottes :
Au regard de l’état d’ébriété de M. F.L., la pose des menottes pendant le transport dans le
véhicule de police était justifiée, dans le but d’assurer sa propre sécurité et celle des
fonctionnaires de police.
L’intervention initiale des gardiens de la paix F.F. et C.C. entre dans le cadre de leur mission
de protection des personnes.
Il est cependant regrettable que leur intervention n’ait pas pris fin après qu’ils aient eu
confirmation que M. F.L. ne faisait pas un malaise mais avait eu une attitude responsable en
choisissant de dormir dans son véhicule, plutôt que de conduire en état d’ébriété.
Tout en s’interrogeant sur l’opportunité du placement de M. F.L. en cellule de dégrisement,
alors qu’il souhaitait dormir dans son véhicule garé près du restaurant où il devait travailler
quelques heures plus tard, la Commission estime que le placement de M. F.L. en cellule de
dégrisement, après avoir été conduit à l’hôpital, a été dicté par le souci des fonctionnaires
d’assurer sa sécurité et celle d’autrui, conformément à l’article 10 du Code de déontologie de
la police nationale.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
112
Saisine n°2006-46
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 5 juin 2006,
par M. Laurent HENART, député de Meurthe-et-Moselle
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 5 juin 2006, par
M. Laurent HENART, député de Meurthe-et-Moselle, suite à l’interpellation, le 19 avril 2006,
de Mme C.K., par la BAC du commissariat central de Nancy (54), en flagrant délit pour
usage de faux billets de banque.
Après avoir pris connaissance de la procédure, à la suite de laquelle aucune poursuite
n’a été engagée à l’encontre de Mme C.K., la Commission a recueilli son témoignage.
Elle a procédé également à l’audition des fonctionnaires concernés, le brigadierchef T.J et les gardiens T.F. et S.F., qui, au cours de l’opération, étaient suivis par un
journaliste et un cameraman réalisant un reportage pour le magazine « Zone interdite ». Ce
reportage a été rediffusé et visionné le dimanche 15 avril 2007 sur la chaîne W9.
> LES FAITS
Selon Mme C.K., alors qu’elle effectuait des rangements dans un local commun de la
résidence où elle demeure, un ami de son fils qui l’aidait découvrait, dans une brique creuse
au-dessous d’une armoire, un sachet plastique usagé contenant de nombreux billets de
200 francs en vrac.
Conseillée par une relation, elle se présentait le lendemain des faits, le 19 avril 2006, à la
succursale régionale de la Banque de France, où il lui était indiqué que ces billets étaient
faux. Un reçu lui était remis par le caissier, qui lui indiquait qu’elle devait se présenter à
l’hôtel de police.
Alors qu’elle quittait la succursale, elle était interpellée par les fonctionnaires de la BAC qui
procédaient à son menottage, avant de la conduire vers son véhicule et de procéder à la
fouille de celui-ci.
Après avoir été démenottée, Mme C.K. pouvait elle-même conduire sa propre voiture, à bord
de laquelle un fonctionnaire de police avait pris place, pour rejoindre le commissariat.
Mme C.K. était remise en liberté à l’issue d’une garde à vue de six heures dans les locaux
de la Direction régionale de la police judiciaire de Nancy, où elle avait fait l’objet d’une fouille
à corps.
Les fonctionnaires entendus ont relaté les faits dans les mêmes termes que Mme C.K., dont
l’interpellation, selon M. T.J., a eu lieu après une courte filature à pied.
113
Le visionnage du film réalisé et diffusé le 15 avril 2007 sur la chaîne W9 confirme les
versions relatées par Mme C.K., dont le visage était « flouté », et par les fonctionnaires de
police.
> AVIS
Aucun manquement à la déontologie ne peut être relevé dans ce cas d’espèce à l’encontre
des fonctionnaires incriminés.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
114
Saisine n°2006-48
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 8 juin 2006,
par M. Francis FALALA, député de la Marne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 8 juin 2006, par
M. Francis FALALA, député de la Marne, des conditions du contrôle d’identité de M. Y.G., le
27 avril 2006, à Reims.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. Y.G., Mme M.G., ainsi que MM. S.C., D.M. et D.C.,
fonctionnaires de police.
> LES FAITS
Le 27 avril 2006, M. Y.G. fut interpellé par une patrouille de police à Reims (quartier CroixRouge) pour ne pas avoir respecté un arrêt obligatoire à un stop. Revenus à sa hauteur,
sans avoir usé de la sirène, les fonctionnaires de police, tout en remarquant que l’intéressé
fumait selon eux ce qu’ils estimaient être un « joint » (ce qui est contesté par M. Y.G.), lui
demandèrent de ranger son véhicule le long de la voie publique.
Après la fouille de M. Y.G., les agents fouillèrent la voiture, dans laquelle ils trouvèrent une
batte de base-ball et une bombe lacrymogène que ce dernier n’avait pas retirées de son
véhicule depuis un voyage au Maroc l’été passé. Ils indiquent avoir senti des effluves de
cannabis. Aucun mégot, ni cigarette, ni cendre évoquant la présence de cannabis ne fut
trouvé par les policiers lorsqu’ils inspectèrent la voiture. Ils lui indiquèrent alors le motif de
son interpellation, en l’occurrence le non respect d’un signal stop, motif contesté par M. Y.G.,
affirmant au contraire s’être arrêté et même avoir discuté avec un ami à l’endroit précis dudit
stop.
L’interpellation a dégénéré lorsque la mère de M. Y.G., passant par hasard, remarqua un
attroupement et vint se joindre à la foule déjà importante. Le ton est monté, les insultes ont
fusé, M. Y.G. a été menotté, un autre policier repoussant violemment sa mère qui tomba par
terre, selon cette dernière. Cette allégation a été infirmée par les forces de l’ordre, affirmant
à l’inverse la véhémence de cette dernière (et de la foule en général), qui aurait proféré des
insultes et craché sur les fonctionnaires de police.
Des renforts sont arrivés et l’interpellé, qui avait été entre-temps plaqué au sol avec un
policier posant un genou sur sa gorge, fut embarqué sans ménagement dans la voiture de
police, où il fut giflé selon ses dires. Les fonctionnaires de police assurent, quant à eux,
qu’aucun coup n’a été porté à M. Y.G.
Néanmoins, deux certificats médicaux datant du lendemain et du surlendemain de la garde à
vue attestent de la présence de lésions traumatiques multiples au cuir chevelu et aux
membres inférieurs, ainsi que de douleurs aux poignets ayant motivé la prescription de
radiographies.
115
Conduit au commissariat, M. Y.G. affirme avoir été frappé par le policier qui l’avait giflé dans
la voiture, ce dernier posant sa main sur son arme de service et avertissant : « Ça me
démange de faire une bavure ».
Aucun test urinaire en vue du dépistage de stupéfiants n’a été pratiqué sur la personne de
M. Y.G. lors de sa garde à vue. M. Y.G. conteste avoir refusé de se soumettre à une analyse
d’urine en vue du dépistage de stupéfiants.
> AVIS
Les événements portés à la connaissance de la Commission nationale de déontologie de la
sécurité font l’objet d’une présentation et d’une interprétation radicalement opposées en
fonction des parties en présence. Dans ces conditions, les éléments dont dispose la
Commission ne lui permettent pas d’étayer l’allégation de violences policières.
> RECOMMANDATIONS
La Commission ne peut que réaffirmer la nécessité de ne recourir à la force physique qu’en
cas d’extrême nécessité et d’inciter les fonctionnaires de police à instaurer un dialogue
constructif et pérenne avec une personne interpellée.
De surcroît, l’utilisation des gestes techniques professionnels d’intervention requiert un grand
professionnalisme et une maîtrise pratique qui ne devraient aucunement conduire à des
blessures sur les personnes interpellées.
Enfin, en cas de doute quant à une consommation de stupéfiants susceptible de constituer
un délit, en particulier lorsque cette consommation est contestée par la personne concernée,
il conviendrait, dans les circonstances prévues par la loi, de procéder à des dépistages lors
de l’intervention du médecin.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
116
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Saisines nos2006-51 et 2006-96
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 12 juin 2006 et le 22 septembre 2006,
par Mme Ségolène ROYAL, députée des Deux-Sèvres
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, les 12 juin et 22
septembre 2006, par Mme Ségolène ROYAL, députée des Deux-Sèvres, des conditions de
l’intervention des forces de police lors d’une manifestation anti-CPE à Niort le 4 avril 2006,
au cours de laquelle Mlles E.Q. et C.D. ont été blessées.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu Mlle E.Q., Mlle C.D., Mme A.A. qui assistait à la
manifestation, et de M. J.T., directeur départemental de la sécurité publique des Deux-Sèvres.
> LES FAITS
Le 4 avril 2006, Mlle E.Q. participait à une manifestation contre le « contrat première
embauche» organisée à Niort, ville dans laquelle elle est lycéenne. Après la dispersion de la
manifestation officielle vers 13h30, une partie des manifestants a décidé de poursuivre cette
dernière en bloquant plusieurs carrefours ainsi qu’une rocade routière très passagère de la
ville de Niort. Lesdits carrefours étaient bloqués par des barricades légères (branchages,
caddies de supermarché) et sur la rocade un « sit-in » a été organisé.
Vers 16h00, les forces de l’ordre ont décidé d’évacuer les lieux en raison d’échauffourées
survenues entre des manifestants et des automobilistes bloqués et énervés. La situation
s’était en effet dégradée, certains manifestants passablement alcoolisés lançant au surplus
divers projectiles sur les forces de l’ordre.
Un appel à la dispersion a été lancé par l’un des organisateurs auquel un porte-voix avait été
prêté par les forces de l’ordre. Devant l’absence de résultat, le directeur départemental de la
sécurité publique a procédé aux sommations d’usage. Si un certain nombre de manifestants
n’a de toute évidence pas entendu celles-ci, d’autres à l’inverse n’ont pas souhaité
obtempérer aux injonctions de la force publique.
Des gaz lacrymogènes ont alors été utilisés et les manifestants ont été évacués sans
ménagement. Dans ce contexte d’excitation et de confusion, Mlle E.Q. a été piétinée, a reçu
des coups à la tête et au cou. Elle a été évacuée par une camarade, l’une de ses
professeurs, ainsi qu’un photographe. Devant son état préoccupant (début de crise
d’asthme, vertiges), le père d’une amie l’a accompagnée à l’hôpital de Niort, les forces de
l’ordre ayant refusé de l’aider, selon les allégations de la professeure.
Dans la même manifestation, Mlle C.D. a pris l’initiative d’offrir des fleurs aux forces de
l’ordre. Alors qu’elle s’employait à ramasser des pâquerettes, elle a reçu un très violent coup
lui ayant cassé deux dents et ouvert la lèvre sur 4 cm. Elle prétend qu’il s’agissait en
l’espèce d’un coup de matraque. Evacuée sur l’hôpital de Niort, une ITT de trois jours a été
déclarée sous réserve de complications, accompagnée d’un arrêt de travail de quatre jours.
119
> AVIS
Les conditions d’évacuation des manifestants de la rocade routière a répondu au souci de
ménager des échappatoires afin d’éviter le syndrome de la souricière et les risques
d’accidents éventuels dont auraient pu, notamment, être victimes les jeunes collégiens. De
surcroît, le caractère dangereux du « sit-in » en plein milieu d’une rocade à quatre voies ne
pouvait conduire qu’à une expulsion manu militari.
En revanche, les actes de violences subis par certaines manifestantes ont été médicalement
confirmés. Les différents protagonistes se renvoient réciproquement la responsabilité de ces
gestes condamnables.
> RECOMMANDATIONS
La Commission nationale de déontologie de la sécurité recommande la plus grande
précaution quant à l’évacuation de jeunes manifestants de la voie publique. L’utilisation de la
force doit être proportionnée ; quant au recours aux gaz lacrymogènes, celui-ci doit
s’effectuer avec discernement. L’aide aux éventuelles victimes doit par ailleurs constituer
une nécessité à laquelle les forces de l’ordre ne sauraient se soustraire.
Adopté le 9 juillet 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
120
121
122
Saisine n°2006-52
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 2 juin 2006,
par Mme Christine BOUTIN, députée des Yvelines
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2 juin 2006, par
Mme Christine BOUTIN, députée des Yvelines, des conditions de l’interpellation de M. A.G.,
le 25 octobre 2005, et de son transport au commissariat du 18ème arrondissement de Paris.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M A.G. et M. Y.B., gardien de la paix.
> LES FAITS
Lors de leurs auditions par la Commission, M. A.G. et le gardien de la paix M. Y.B.
présentaient deux versions des faits qui se sont déroulés le 25 octobre 2005.
Selon M. A.G.
Il se rendait au domicile de son cousin, boulevard Barbès, lorsqu’il aperçut ce dernier et le
hélait, en vain. Il était soudain entouré par une patrouille de trois fonctionnaires de police.
L’un d’eux lui dit : « Je te connais, toi ». Puis il était plaqué face à une devanture de
magasin, soumis à une rapide palpation avant d’être menotté de force, les mains dans le
dos. Les fonctionnaires de police lui avaient demandé de justifier de son identité, sans lui
laisser le temps de présenter ses papiers qu’il avait dans sa poche. M. A.G. était très surpris
du traitement qui lui était réservé, mais les agents refusèrent de donner les raisons de son
interpellation.
Il était ensuite entraîné et poussé dans un véhicule de police arrivé après qu’un agent a
appelé des renforts par téléphone. M. A.G. était assis à l’arrière entre deux policiers. Il
demandait de nouveau les motifs de son interpellation. Une altercation verbale s’engageait
avec M. Y.B., qui était assis à sa droite. Soudain, ce policier frappait M. A.G. d’un coup de
poing. En tentant d’esquiver un deuxième coup, M. A.G. se penchait sur la gauche et heurtait
le fonctionnaire qui se trouvait à sa gauche. Prenant à témoin les autres passagers du
véhicule, ce dernier reprochait à M. A.G. d’avoir essayé de lui mettre un coup de tête, et
commençait à son tour à le frapper. L’agent qui était à l’avant s’est retourné pour lui donner
un coup. Pour se défendre, M. A.G. donnait des coups de pieds.
Les fonctionnaires de police l’ont immobilisé et lui ont retiré ses chaussures. Le policier assis
à l’avant s’est saisi d’un objet avec lequel il a lacéré les chaussures de M. A.G. Pour se
protéger, M. A.G. s’est recroquevillé et a appuyé sa tête contre la banquette.
En réaction aux coups qui ne cessaient pas, M. A.G. a mordu l’oreille de M. Y.B. Malgré la
tentative du fonctionnaire qui se trouvait à sa gauche de le faire lâcher prise en l’étranglant,
M. A.G. n’a lâché prise qu’au moment où il s’est aperçu que l’oreille saignait.
123
Les violences ont cessé. La voiture s’est garée devant le commissariat de la Goutte d’Or.
M. A.G. a refusé d’en descendre tant qu’on ne lui aurait pas rendu ses chaussures. Deux
policiers l’ont traîné de force dans la rue jusqu’à un ascenseur. Il a été isolé dans une pièce,
allongé par terre, mis à nu et fouillé. Après une demi-heure, on lui a rendu ses sousvêtements. Il a été conduit pieds nus et en caleçon en cellule.
Selon M. Y.B., gardien de la paix
Vers 19h30, alors qu’il effectuait une patrouille pédestre avec deux collègues, un gardien de
la paix et un élève gardien de la paix, des passants les ont informés qu’un individu était
agressif sur le boulevard Barbès. Il gesticulait en tout sens et faisait mine de donner des
coups de pied. Les trois fonctionnaires se portaient à sa hauteur et lui demandaient de se
calmer, en vain. Ils lui demandaient sa pièce d’identité, qu’il refusa de présenter. Il fut
identifié au commissariat comme étant M. A.G.
Afin que M. A.G. cesse d’importuner les passants, les fonctionnaires le poussèrent sur le
coté du boulevard. Cela a eu pour effet de l’énerver, et il a commencé à s’en prendre à
l’élève M. C.D. Il voulait se battre avec lui et l’a menacé de mort.
Au regard de son attitude agressive, M. Y.B. appelait le centre d’information et de
commandement et demandait un véhicule afin que M. A.G. soit emmené au commissariat.
Aucun véhicule n’était disponible. Un équipage d’une compagnie de sécurisation a entendu
l’appel et est très vite arrivé. C’était un véhicule de type 306, sérigraphié, avec trois
personnes à son bord. M. Y.B. a expliqué à M. A.G. qu’il devait l’emmener au commissariat.
Il a vivement refusé et a commencé à se débattre violement. Puis il a été menotté et placé
dans le véhicule avec beaucoup de difficultés. Il a été palpé sommairement et n’était porteur
d’aucun objet dangereux. M. Y.B., en tant que responsable de l’interpellation, est monté
dans le véhicule.
Dans le véhicule, M. A.G. ne se calmait pas, refusant toujours d’aller au commissariat.
Soudain, il a mordu l’oreille de M. Y.B. Celui-ci essayait de lui faire lâcher prise en lui
donnant des coups de poing, mais paniqué et choqué par le douleur, il n’avait pas la force
suffisante pour que ses coups aient un quelconque effet sur M. A.G. Le fonctionnaire qui
était à gauche de M. A.G. l’a attrapé par le cou, puis le passager avant s’est retourné et
M. A.G. lui a mis un coup de talon sous l’œil. Ce n’est vraisemblablement qu’au moment où
un bout d’oreille de M. Y.B. a été arraché que M. A.G. a fini par lâcher prise. M. A.G. avait
alors déclaré : « J’ajoute cela à mon palmarès ».
Arrivés au SARIJ, M. Y.B. était immédiatement pris en charge par les pompiers et mis sous
oxygène, pendant que ses collègues sortaient M. A.G. avec beaucoup de difficultés.
M. Y.B. était ensuite emmené à l’Hôtel-Dieu, où il était examiné par quatre ou cinq médecins
qui ont refusé d’intervenir, craignant d’aggraver sa blessure à l’oreille. Au regard de l’attitude
de M. A.G. qui laissait présumer qu’il se droguait, les médecins ont mis M. Y.B. sous
trithérapie.
M. Y.B. était ensuite emmené à l’hôpital Lariboisière, où son oreille fut recousue. Entretemps, ses collègues avaient trouvé le bout d’oreille dans leur véhicule. Ils l’ont emmené à
l’hôpital, mais il était trop tard pour le recoudre. Puis un médecin a constaté les blessures de
M. Y.B., qui correspondaient à une interruption totale de travail de dix jours.
Au commissariat, M. A.G. était pris en charge par d’autres fonctionnaires. Ses droits lui ont
été notifiés. Il a vu un avocat, qu’il a récusé. Puis il fut emmené à l’Hôtel-Dieu, où des soins
lui ont été prodigués. Il est ensuite retourné au commissariat, en cellule.
124
Dans la journée du 26 octobre 2005, il a été auditionné et a refusé de signer le procèsverbal. Une confrontation a été organisée, à l’issue de laquelle il a de nouveau refusé de
signer le procès-verbal.
M. A.G. devait passer en comparution immédiate, celle-ci a été reportée. Il a finalement été
placé à Fresnes en détention provisoire pendant neuf mois, et condamné le 20 juillet pour
violences à agent et rébellion à une peine de neuf mois de prison.
> AVIS
Trois des quatre fonctionnaires de police présents dans le véhicule qui transportait M. A.G.
ont été blessés, entraînant des ITT de deux jours, six jours, et de dix jours pour M. Y.B. Les
blessures de M. A.G. ont donné lieu à quatre jours d’ITT. Les certificats médicaux établis les
25 et 26 octobre 2005 témoignent de la violence de l’altercation qui s’est déroulée lors du
transport de M. A.G.
Concernant l’agressivité de M. A.G. : le 25 octobre à 22h10, M. A.G. eut un entretien avec un
avocat, qui consigna par écrit que M. A.G. l’avait menacé. En revanche, M. A.G. a accepté
d’être examiné le 26 octobre à 5h30 par un médecin, qui n’a constaté ni confusion mentale,
ni état délirant, ni propos incohérents, ni état d’agitation avec opposition.
M. A.G. a été soumis à un dépistage d’alcoolémie, qui s’est révélé négatif. Cependant,
aucune vérification ne fut réalisée concernant la présence de stupéfiants dans le sang de
M. A.G.
Au regard de la contradiction des déclarations des deux personnes auditionnées, de
l’absence de preuves permettant de privilégier une des deux versions, la Commission ne
relève aucun manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
125
Saisine n°2006-56
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 19 juin 2006,
par M. Richard YUNG, sénateur des Français établis hors de France
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19 juin 2006,
par M. Richard YUNG, sénateur des Français établis hors de France, des conditions de
l’interpellation de M. J.L., le 7 juin 2006, et de son transport au commissariat du 15ème
arrondissement de Paris, où il a été retenu pendant moins d’une heure.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. J.L. et Mme I.B., gardien de la paix.
> LES FAITS
Le 7 juin 2006, M. J.L. était informé par une personne proche que l’expulsion du squat
qu’elle habitait était en cours dans le 15ème arrondissement de Paris. Vers 10h30, M. J.L.
arrivait sur les lieux pour observer le déroulement de cette expulsion : la rue était bouclée
par une équipe de policiers composée d’environ cinq fonctionnaires en tenue et trois en civil.
M. J.L. commençait à prendre des photos de l’opération, sans se dissimuler. Selon Mme I.B.,
gardien de la paix, M. J.L. la prit en photo, en gros plan, alors qu’il se trouvait à une distance
d’un mètre. Elle lui demandait immédiatement d’arrêter de prendre des photos.
Il demandait ensuite à un policier en tenue de le mettre en relation avec le responsable de
l’opération. Un agent en civil lui demandait à son tour les raisons de sa présence. M. J.L. lui
répondit qu’il connaissait une des habitantes du squat et qu’il suivait ce dossier depuis déjà
deux ans, qu’il était militant politique du parti socialiste, et qu’il était venu observer la
régularité de l’exécution de la décision d’expulsion.
Il était mis en contact avec M. A.M., commissaire central adjoint du 15ème arrondissement,
responsable de l’opération sur le terrain, auquel il demanda à être mis en contact
téléphonique ou radio avec la préfecture de police. M. A.M. demandait à M. J.L. de justifier
de son identité. Devant son refus, il donnait l’ordre de faire venir un véhicule de police
secours pour emmener M. J.L. au commissariat du 15ème arrondissement, afin de procéder à
une vérification d’identité. M. A.M. estimait de plus que M. J.L. était en état d’ivresse
publique et manifeste : il était très excité, sa gestuelle était désordonnée et son haleine était
chargée. Il demandait donc de soumettre M. J.L. à un dépistage d’imprégnation alcoolique.
M. J.L. était emmené au commissariat du 15ème arrondissement de Paris vers 10h40. Il fit
l’objet d’une fouille par palpation, puis fut menotté à une barre métallique fixée dans le mur
de la salle de vérification. Il présenta les documents d’identité qu’il avait sur lui. Il fut soumis
à un contrôle d’alcoolémie qui se révéla négatif. Il fut auditionné par M. D.M., qui enregistra
ses déclarations sur une main-courante que M. J.L. ne fut pas invité à relire ni à signer.
126
Le gardien de la paix Mme I.B. a demandé à M. J.L. à plusieurs reprises de bien vouloir
effacer le cliché sur lequel elle apparaissait. Il semble qu’il ait accédé à sa requête. En
revanche, lorsque son appareil photo lui fut restitué, toutes les photos concernant l’expulsion
– environ une dizaine – avaient été effacées. Ces photos montraient l’attroupement au pied
de l’immeuble, le camion de déménagement, le maître-chien et son animal, et ne
présentaient aucune scène de violence.
Vers 11h40, M. J.L. était libéré.
> AVIS
Concernant le contrôle d’identité de M. J.L.
Le comportement de M. J.L., qui contestait le déroulement de l’expulsion, était susceptible
de troubler l’ordre public dans un contexte particulier. Le contrôle d’identité auquel il a été
soumis était conforme à l’article 78-2 du Code de procédure pénale.
Concernant les motifs de l’arrestation de M. J.L.
Dans son rapport rédigé le 27 juillet 2006, M. A.M. justifiait l’arrestation de M. J.L. aux fins de
vérification de son identité. Dès lors que M. J.L. avait refusé de présenter ses documents
d’identité, son transport au commissariat était justifié.
Concernant l’état d’ivresse de M. J.L.
Une personne peut être arrêtée et placée en cellule de dégrisement, conformément à l’article
L.3341-1 du Code de la santé publique, dès lors qu’elle est en état d’ivresse publique et
manifeste (IPM). Le constat de l’IPM est laissé à l’appréciation des agents interpellateurs.
M. J.L. contestait avoir été en état d’ivresse publique et manifeste. Arrivé au commissariat, il
a été soumis à un contrôle d’alcoolémie qui s’est révélé négatif. Les fonctionnaires de police,
M. A.M. et Mme I.B., ont commis une erreur d’appréciation en constatant les signes d’une
IPM : démarche hésitante, propos incohérents, gestuelle désordonnée, haleine chargée,
yeux brillants.
Concernant le menottage de M. J.L.
M. A.M., dans son rapport du 27 juillet 2006 justifiait le menottage de M. J.L. « au vu de son
comportement surexcité ». M. J.L. contestait avoir été agité le jour des faits. La maincourante rédigée le 7 juin par Mme I.B. ne faisait pas état d’un comportement agité,
seulement des signes de l’IPM. Le comportement de M. J.L. qui contestait une expulsion et
prenait des photos n’était pas de nature à laisser présumer qu’il représentait un quelconque
danger. Il ne s’est pas opposé à son arrestation. Le menottage de M. J.L. n’était dès lors pas
justifié au regard de l’article 803 du Code de procédure pénale.
Concernant les actes dont M. J.L. a fait l’objet au commissariat
M. J.L. a été emmené au commissariat contre sa volonté à 10h40 en vue d’une vérification
d’identité et d’un dépistage de l’imprégnation alcoolique. Dès lors que ces vérifications ont
été réalisées, M. J.L. aurait dû être libéré, conformément à l’article 78-3 du Code de
procédure pénale. Pourtant, à la demande de M. A.M., il a ensuite été auditionné sur sa
présence et son comportement durant l’expulsion. Ses déclarations ont été consignées sur
une main-courante que M. J.L. n’a pas été invité à relire, ni à signer. L’interrogatoire auquel il
a été soumis sous la contrainte à 11h33 s’est déroulé en dehors de tout cadre légal.
En ce qui concerne la prise de photographie lors d’une opération de police
Mme I.B., indiquait à la Commission qu’elle avait demandé à M. J.L. d’effacer la photo qu’il
avait prise d’elle en gros plan, sans le menacer de poursuites pénales. M. J.L. reconnaissait
avoir accepté d’effacer cette photo. Il avait cependant interprété la demande de Mme I.B.
127
d’arrêter de prendre des photos sur les lieux de l’expulsion et son arrestation comme étant
justifiées par une interdiction légale de prendre ce type de photo.
La Commission rappelle, comme l’a fait le commissaire principal A.M. dans son rapport,
qu’aucun texte n’interdit de photographier des policiers en activité. Lorsque son appareil lui
avait été restitué, M. J.L. constatait que toutes les photos concernant l’opération avaient été
effacées. Mme I.B. contestait ces allégations. L’appareil photo de M. J.L. étant chez un
huissier depuis cette affaire, la Commission ne peut se prononcer sur les griefs invoqués par
M. J.L.
Il ressort de ce qui précède que les différentes mesures décidées par M. A.M. à l’égard de
M. J.L. – erreur d’appréciation d’une IPM, menottage abusif, retenue excessive, audition en
dehors de tout cadre légal – témoignent d’un manque d’impartialité constituant un
manquement à l’article 7 du Code de déontologie de la police nationale.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle de nouveau l’article 803 du Code de procédure pénale : « Nul ne
peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme
dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la
fuite. »
La Commission rappelle également l’article 78-3 du Code de procédure pénale qui prévoit
notamment : « La personne qui fait l'objet d'une vérification ne peut être retenue que pendant
le temps strictement exigé par l'établissement de son identité. »
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-59
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 21 juin 2006,
par M. André VEZINHET, sénateur de l’Hérault
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 21 juin 2006,
par M. André VEZINHET, sénateur de l’Hérault, des conditions dans lesquelles fut
interpellée, le 15 avril 2006 à Montpellier, Mme M-N.D., par les fonctionnaires de police de
la BAC locale.
La Commission, après avoir pris connaissance des procès-verbaux établis, a entendu
Mme M-N.D., ainsi que les trois fonctionnaires de police.
> LES FAITS
Le 15 avril 2006, Mme M-N.D. circulait dans les rues de Montpellier au volant de son
véhicule Fiat Uno personnel, à bord duquel se trouvait son fils âgé de neuf mois. Elle fut
interpellée par, selon elle, « deux individus à l’allure patibulaire, qui n’arboraient aucun signe
distinctif de leurs fonctions ».
Alors que ces deux « individus » prenaient position devant le véhicule pour le premier, et à
hauteur de la portière avant gauche pour le second, Mme M-N.D. s’affolait et tentait de
redémarrer, alors qu’elle se trouvait à ce moment-là bloquée dans la circulation sur un rondpoint, comme le précisèrent ultérieurement les fonctionnaires de la BAC.
Très rapidement, Mme M-N.D. était « sortie » du véhicule par « un individu qui (lui) affirmait
que cette automobile était volée ».
Ignorant « si les individus voulaient s’en prendre à [son] véhicule ou à [son] enfant »,
Mme M-N.D. se mettait à hurler, ce qui aurait amené l’un des « individus » à lui « pointer une
arme sur la cage thoracique ». Tout en lui demandant de se calmer, cette même personne
lui présentait sa carte de police, alors qu’une troisième personne plaçait au même instant un
gyrophare sur un véhicule banalisé.
Selon Mme M-N.D., une quatrième personne, « munie d’un talkie-walkie », aurait crié à
l’adresse des autres : « Calmez-vous, c’est la propriétaire du véhicule ».
Malgré cela, le « ton étant monté », selon Mme M-N.D., les policiers procédaient à son
interpellation en la menottant dans le dos pour la conduire au commissariat à bord du
véhicule de police, pendant qu’un membre de la BAC ramenait le véhicule à bord duquel se
trouvait son enfant.
Pendant le trajet, en dépit de « ses demandes répétées », les policiers refusaient, selon
Mme M-N.D. de la démenotter, lui répétant à plusieurs reprises : « Ferme-la ! ».
Effectivement, le véhicule Fiat Uno appartenant à Mme M-N.D. lui avait été dérobé en 2003,
à Lisbonne, ville où elle demeurait alors, avant d’être découvert quelques jours après sa
déclaration de vol.
131
Sur le parking du commissariat, Mme M-N.D. fut démenottée et reçue par un officier, qui lui
relatait que la méprise était due au fait que les autorités portugaises avaient omis en 2003 de
signaler la découverte du véhicule volé, qui était donc toujours inscrit au fichier des véhicules
volés en France (FVV).
Le parquet de Montpellier a classé sans suite la plainte déposée par Mme M-N.D. contre ces
fonctionnaires de police.
L’équipage de la BAC était composé ce jour-là de trois fonctionnaires, et non de quatre
comme l’aurait déclaré Mme M-N.D.
Le brigadier D.B. et les gardiens L.S. et N.G. ont été entendus par la Commission.
M. D.B., bien que brigadier et donc responsable du groupe, conduisait le véhicule banalisé
Peugeot 607 affecté à la BAC.
Selon lui, Mme M-N.D. a, dans un premier temps, attiré leur attention par une conduite
dangereuse en agglomération, refusant notamment de céder une priorité sur un rond-point.
Après recherche au FVV, il apparaissait que ce véhicule faisait l’objet d’une fiche Schengen,
contraignant les fonctionnaires de police à procéder à l’interpellation des occupants.
Les gardiens de la paix N.G., muni d’un flashball, et L.S. se postaient à la hauteur du
véhicule. Ils constatèrent alors que le conducteur « était une femme, et qu’à côté se trouvait
un enfant dans une siège auto ». Alors que N.G. revenait vers le véhicule administratif pour y
déposer le flashball, L.S. se positionnait devant le véhicule intercepté en exhibant sa carte
de police, selon les versions de MM. D.B. et L.S. M. D.B., sur ce point précis, ajoutait que
MM. L.S. et N.G. étaient également porteurs de brassards police.
Perdant son sang froid, Mme M-N.D. aurait, selon les fonctionnaires de police, tenté de
démarrer, obligeant M. L.S. à « se dégager rapidement sur le côté pour ne pas être
bousculé ».
C’est à ce moment que M. N.G, revenant rapidement au véhicule, a demandé à Mme M-N.D.
de couper le contact, avant d’ouvrir lui-même la portière, lui enjoignant de quitter le véhicule
après lui avoir précisé que cette automobile apparaissait volée.
Selon les trois fonctionnaires, Mme M-N.D. était très énervée.
Pour l’empêcher de fuir, ils procédaient à son menottage dans le dos, « pour sa propre
sécurité » et « pour la [leur] ».
A son arrivée au commissariat central, Mme M-N.D. était démenottée, avant de pouvoir
récupérer son enfant.
Le gardien N.G. avait conduit le véhicule supposé volé au commissariat, alors que le fils de
Mme M-N.D., âgé de 9 mois, se trouvait à bord.
> AVIS
Des contradictions apparaissent entre la version des faits tels que relatés par Mme M-N.D. et
celle des fonctionnaires de police.
Si une erreur matérielle imputable aux autorités de police d’un pays tiers est à l’origine d’une
situation inhabituelle motivant l’interception du véhicule incriminé et l’interpellation de ses
occupants, il n’en demeure pas moins que très rapidement, les fonctionnaires interpellateurs
ont pu se rendre compte qu’ils avaient face à eux la légitime propriétaire du véhicule.
132
C’est pourquoi son menottage paraît en la circonstance abusif.
Le brigadier D.B. aurait dû superviser cette opération, plutôt que de se consacrer à la
conduite du véhicule 607 affecté à son groupe. Son expérience aurait pu permettre de
calmer la légitime inquiétude de Mme M-N.D., et éviter ainsi son menottage.
> RECOMMANDATIONS
Une fois de plus, la CNDS recommande que les fonctionnaires interpellateurs se conforment
aux prescriptions de la circulaire du 11 mars 2003, prise pour application des dispositions de
l’article 803 du code de procédure pénale, en ce qui concerne l’opportunité du menottage.
Cette circulaire prévoit que le menottage ne doit être utilisé que lorsque « la personne est
considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même ou susceptible de prendre la
fuite ».
Adopté le 2 mai 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
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Saisine n°2006-69
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 30 juin 2006,
par Mme Nicole BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 30 juin 2006,
par Mme Nicole BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne, des conditions d’interpellation et de
placement en garde à vue de jeunes gens, M. B.J-C. (19 ans) et M. S.M. (15 ans), le 25 mai
2006, à la suite d’un contrôle routier effectué sur la commune de Chelles (77).
La Commission a pris connaissance de la procédure et a visionné l’enregistrement
audiovisuel de la garde à vue concernant M. S.M., mineur au moment des faits.
Elle a entendu M. B.J-C., M. S.M. assisté de sa mère, ainsi que trois fonctionnaires de
police (G.G., P.H. et C.B.), en fonction au commissariat de Chelles au moment des faits.
> LES FAITS
Le dimanche 25 mai 2006, vers 22h00, l’attention d’un équipage de la Bac de Chelles
circulant à bord d’un véhicule banalisé est attirée par la présence de deux individus sur un
scooter slalomant sur la voie publique en méconnaissance des règles élémentaires du code
de la route. Afin de procéder au contrôle de ces deux individus, et conformément aux
instructions en vigueur, l’équipage de la BAC s’identifie par l’usage de la plaque police
lumineuse, du gyrophare et du deux tons.
Tout en se sachant poursuivis par un véhicule de police, les deux individus circulant à bord
du scooter refusent d’obtempérer et poursuivent leur chemin jusqu’au moment où, engagés
dans une impasse, ils se trouvent obligés d’interrompre leur fuite.
Une fois le véhicule de police parvenu à hauteur du scooter à l’arrêt, les fonctionnaires de la
BAC – en civil mais munis de brassards Police – en jaillissent pour interpeller les deux
individus poursuivis. Si l’interpellation du conducteur M. B.J-C. (19 ans) s’effectue sans
grande difficulté, l’arrestation du passager M. S.M., muni d’un casque intégral, intervient de
manière plus virile, en raison de l’extrême agressivité tant verbale que physique de
l’intéressé.
Après avoir été maintenus au sol, puis menottés et ramenés au commissariat de Chelles, les
deux intéressés ont été sans délai présentés à l’officier de police judiciaire de permanence et
soumis à un alcootest qui s’est avéré positif (0,54 mg/L d’air expiré pour M. B.J-C. et 0,43
pour M. S.M.).
Placés en garde à vue jusqu’au lendemain des faits, les intéressés – examinés sans délai
par un médecin – n’ont cessé de proférer des insultes en tapant bruyamment sur la paroi de
plexiglas de la cellule (cf. la mention de service), à telle enseigne que les policiers de
permanence ont dû les maîtriser à plusieurs reprises pour les ramener au calme. Le plus
jeune des gardés à vue, en l’occurrence M. S.M., mineur au moment des faits, a même
souillé sa cellule au motif que ses demandes réitérées de se rendre aux toilettes n’auraient
été satisfaites ni par le chef de poste, ni par son collègue responsable de la radio.
136
A l’issue de la mesure de garde à vue, M. B.J-C. a été convoqué devant le délégué du
procureur, en vue de se voir proposer une composition pénale pour les faits d’outrage, de
rébellion, de conduite en état alcoolique et de refus d’obtempérer.
Agé de 15 ans au moment des faits, M. S.M. a pour sa part fait l’objet d’une mesure de
réparation pénale pour les faits d’outrage et rébellion à agent de la force publique. A la suite
de la plainte pour violences policières déposée pour le compte de leur fils mineur par les
parents de M. S.M., le parquet de Meaux a requis un examen de l’UMJ de Lagny-sur-Marne
afin de déterminer la durée d’une éventuelle ITT. Le certificat mentionne une ITT de deux
jours après avoir conclu à l’existence « de contusion au visage, d’érosion du genou droit, de
contusion au genou gauche et d’érosion du torse ». Observons toutefois que la plupart des
érosions avaient déjà été constatées par le médecin appelé à se prononcer sur la
compatibilité de la garde à vue avec l’état de santé de l’intéressé.
> AVIS
Dans l’affaire soumise à l’appréciation de la Commission, tous les protagonistes (plaignants
comme fonctionnaires de police) s’accordent sur le fait que le déroulement de l’interpellation
et de la garde à vue s’est accompagné de l’usage de la coercition, comme en attestent
d’ailleurs les certificats médicaux joints à la procédure. La seule question véritablement
pertinente est de déterminer si cette coercition était légitime et proportionnée au regard du
comportement outrageant et agressif des individus interpellés, et singulièrement du plus
jeune d’entre eux.
Les nombreux actes de rébellion au moment de l’interpellation, comme les incidents à
répétition qui ont jalonné la mesure de garde à vue, ont justifié l’usage de la coercition à
l’encontre des deux individus récalcitrants. Les conclusions des examens médicaux
pratiqués au cours de la garde à vue, comme celles de l’examen médical ordonné à l’issue
de la mesure par le parquet de Meaux, ne permettent pas à la Commission d’affirmer, qu’il y
a eu, dans cette affaire, manquement à la déontologie.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
137
Saisine n°2006-70
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 6 juillet 2006,
par M. Jean-Louis DEBRE, député de l’Eure
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 juillet 2006,
par M. Jean-Louis DEBRE, député de l’Eure, des conditions des interventions des
fonctionnaires de police du commissariat de Draveil suite aux demandes de Mme F.J., se
plaignant de troubles de voisinage au cours de l’année 2006.
La Commission a pris connaissance des pièces de procédure transmises par le parquet
d’Evry, et a auditionné Mme F.J.
> LES FAITS
Au début de l’année 2006, Mme F.J. s’est rendue au commissariat de Draveil pour déposer
plainte contre sa voisine, Mme M.B., pour bruit et tapage. Le fonctionnaire de police qui l’a
reçue a refusé d’enregistrer sa plainte et lui a conseillé d’appeler le commissariat dès que les
troubles se produiraient pour que les fonctionnaires qui se rendraient sur place puissent les
constater.
Mme F.J., mécontente du comportement du fonctionnaire de police, s’adressait, par
téléphone, à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Un fonctionnaire de l’IGPN
lui conseillait de demander un entretien au commissaire de Draveil pour lui expliquer la
situation. La demande qu’elle a adressée au commissaire est restée sans suite. Mme F.J.
s’est rendue à l’IGPN pour demander de nouveaux conseils, mais ne se souvenant pas de
l’identité du fonctionnaire qu’elle avait eu au téléphone, elle ne pu rencontrer personne.
Quelques temps plus tard, Mme F.J. se rendait à la gendarmerie de Soisy-sur-Seine, qui
acceptait d’enregistrer sa plainte contre sa voisine, Mme M.B. Cette plainte fut transmise au
commissariat de Draveil, qui procéda à l’audition de l’époux de Mme M.B. Il semble
qu’aucune autre suite ne fut donnée à cette plainte.
Mme F.J. a admis que des fonctionnaires de police de Draveil s’étaient rendus à son
domicile, à plusieurs reprises, à sa demande, et avaient sermonné Mme M.B.
Mme F.J. estime que les interventions des fonctionnaires de police de Draveil ne sont pas
proportionnées aux troubles dont elle est victime. Elle les soupçonne de recevoir des
directives du capitaine de police du commissariat de Montgeron, M. P.S., avec lequel elle
entretiendrait des relations conflictuelles depuis un différend qui les opposa en 1998.
Parallèlement, Mme F.J., estimant que sa voisine est atteinte de troubles mentaux, a fait des
démarches auprès de la préfecture d’Evry pour que sa voisine soit hospitalisée d’office.
Aucune suite n’a été donnée à ces démarches.
138
> AVIS
L’enquête conduite par la Commission ne permet pas de considérer comme fondés les griefs
formulés par Mme F.J. à l’encontre des fonctionnaires de police de Draveil.
La Commission a pris connaissance de la procédure transmise par le parquet et notamment
d’une main-courante enregistrée au commissariat de Draveil le 1er mars 2007. Mme F.J.
admet que des fonctionnaires de police sont intervenus à plusieurs reprises, à sa demande,
pour mettre fin aux troubles de voisinage.
Les allégations de Mme F.J. concernant l’implication d’un fonctionnaire de police qui
donnerait des directives pour laisser ses plaintes sans suite ne sont étayées par aucun
élément probant.
Sans se prononcer sur l’état de santé de Mme M.B., dont le comportement bruyant dérange
Mme F.J., la Commission rappelle que l’hospitalisation d’office des personnes dont les
troubles mentaux nécessitent des soins, se limite, selon les articles L 3213-1 et suivants du
Code de la santé publique, aux cas qui compromettent la sûreté des personnes ou portent
atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Or au regard des déclarations de Mme F.J., elle est
la seule dans son immeuble à se plaindre du comportement de sa voisine.
Dans ces conditions, la Commission ne constate aucun manquement aux règles de
déontologie de la sécurité.
Adopté le 9 juillet 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
139
Saisine n°2006-75
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 10 juillet 2006,
par M. Michel HOUEL, sénateur de Seine-et-Marne
et le 17 août 2006,
par Mme Nicole BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 juillet 2006,
par M. Michel HOUEL, sénateur de Seine-et-Marne, et le 17 août 2006, par Mme Nicole
BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne, des conditions de l’interpellation et de la garde à vue
de M. R.D., âgé de 16 ans, et de M. T.D., son frère âgé de 17 ans, le 25 mars 2006, par des
policiers du commissariat de Meaux.
La Commission a pris connaissance de la procédure judiciaire engagée contre
MM. R.D. et T.D.
La Commission a entendu MM. R.D. et T.D. et leur père M. J-P.D., ainsi que les
fonctionnaires concernés en fonction au commissariat de Meaux au moment des faits :
MM. M.A., D.S et O.B., brigadiers-chefs, Mme S.N., brigadier, et M. A.B., gardien de la paix.
> LES FAITS
Dans la soirée du 25 mars 2006, M. R.D. recevait des amis dans la maison de sa mère à
Mareuil-les-Meaux. Vers minuit, une voisine, gênée par le bruit occasionné, sonna à
plusieurs reprises à la porte de la maison. Devant le peu d’empressement à lui répondre,
cette dernière décida alors d’appeler la police. Elle signala de surcroît des dégradations
commises selon elle sur des biens publics (poubelles renversées, compteur électrique
cassé, panneau de signalisation plié) par le groupe de jeunes gens. M. R.D. et quatre de ses
amis prirent, ce faisant, l’initiative d’attendre les forces de l’ordre dehors, dans le jardin de la
maison, afin de s’expliquer avec celles-ci.
La police arriva quelques instants plus tard, et les fonctionnaires demandèrent aux jeunes
gens de sortir de la propriété et de les rejoindre dans la rue, en l’occurrence la petite place
de la mairie de Mareuil-les-Meaux.
Le ton est rapidement monté. Les jeunes, se sentant injustement accusés de dégradation,
protestèrent dans des termes peu amènes, et les forces de l’ordre les firent aligner le long
d’un mur. Ils les accusèrent d’être en état d’ébriété, ainsi que d’avoir commis les
dégradations, ce qui les a conduits à les faire monter dans le fourgon pour aller au
commissariat. La voisine ayant appelé la police ne fut pas confrontée directement aux
groupes de jeunes et resta en liaison téléphonique avec les forces de l’ordre.
Le frère de M. R.D., M. T.D., sorti entre-temps, fut lui aussi emmené en pyjama. Durant le
transport, un fonctionnaire de police aurait pris M. R.D. à la gorge, alors que celui-ci tentait
de répondre à un appel téléphonique. M. T.D., dénonçant les conditions d’intervention de la
police, se serait vu répondre: « Si tu ne la fermes pas, la porte du fourgon va s’ouvrir, un
accident est vite arrivé ».
140
Arrivés au commissariat vers 3h00, les jeunes gens ne furent pas interrogés, ne reçurent la
visite d’un avocat que le lendemain à 9h00, et furent placés dans des cellules individuelles
(pas des cellules de dégrisement) sans matelas, sans couverture ni toilettes, avec une
lumière allumée toute la nuit. L’un d’entre eux demanda la visite d’un médecin, lequel ne vint
jamais. M. R.D. demanda à sortir pour uriner, et devant l’absence de réponse, se résolut à
uriner dans sa cellule.
> AVIS
La Commission s’interroge, dans le cas d’espèce, sur les conditions de détermination du lien
de causalité entre le comportement de toute évidence tapageur des jeunes gens et les
dégradations constatées sur des biens publics.
Les forces de la BAC intervenues sur place n’ont procédé qu’à un constat sommaire,
effectué en pleine nuit avec une torche sur une place publique peu éclairée. Les traces de
chaussures laissées sur le compteur électrique vandalisé n’ont pas donné lieu à un examen
minutieux. Aucune empreinte n’a été relevée. Cette interprétation très rapide laisse reposer
l’imputation des faits incriminés sur une simple intime conviction d’un fonctionnaire de police,
sans fondement avéré scientifiquement comme juridiquement. Considérer que la
ressemblance entre les traces de chaussure laissées sur le compteur dégradé et les
chaussures que les intéressés avaient aux pieds constituait un indice irréfragable de leur
responsabilité dans les faits incriminés semble ignorer le mimétisme vestimentaire des
adolescents.
La Commission souligne au surplus les conditions matérielles déplorables de la garde à vue
dans des cellules peu chauffées (l’un des jeunes garçons était en pyjama et n’a reçu aucune
couverture, alors que les faits se sont déroulés au mois de mars), avec des mineurs dont l’un
souhaitait voir un médecin qui n’est jamais venu (car s’étant endormi, il avait à son réveil
oublié sa réquisition émanant du commissariat de Meaux !), et dont un autre fut contraint
d’uriner dans sa cellule, faute de réponse à ses appels répétés. Partant, les gardés à vue
n’ont pas fait l’objet d’un encadrement respectueux des exigences légales.
La Commission regrette par ailleurs la panne de la caméra de vidéosurveillance dans les
locaux du commissariat.
Enfin, l’organisation même des conditions de mise en garde à vue paraissent sujettes à
caution dans cette partie nord du département (77), tant la segmentation des services
conduit les OPJ, avertis par les fonctionnaires interpellateurs, à se démultiplier sur plusieurs
commissariats de la zone géographique, sans suivre l’ensemble du déroulement de la
procédure. Si la continuité entre les différents services intervenant semble assurée, en
revanche aucune continuité entre les fonctionnaires ne l’est, chacun d’entre eux prenant en
charge une partie de la chaîne pénale sans coordination d’ensemble. Il peut en résulter de
graves dysfonctionnements, dont la perpétuation ne pourrait être réellement enrayée.
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande la plus grande vigilance en matière de garde à vue de mineurs,
qui ne sauraient être laissés sans surveillance prolongée. Le placement en cellule (non une
cellule de dégrisement, alors même que les gardés à vue avaient été jugés de prime abord
en état d’ébriété) d’un jeune adolescent en pyjama durant quelques heures, sans couverture
et sans chauffage, ne saurait correspondre à l’attention minimale exigible.
141
La réquisition d’un médecin devrait à cet égard faire l’objet d’un suivi plus pointilleux par les
différents fonctionnaires se succédant dans le traitement du dossier. Il paraît pour le moins
déconcertant de constater qu’un médecin requis ne se présente pas au commissariat et ne
soit pas recontacté par les fonctionnaires de police.
La Commission demande que ces faits soient portés à la connaissance du procureur de la
République compétent.
Adopté le 2 mai 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux, dont la réponse a été
la suivante :
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Saisine n°2006-77
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 17 juillet 2006,
par Mme Marie-George BUFFET, députée de Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 17 juillet 2006,
par Mme Marie-George BUFFET, députée de Seine Saint-Denis, de faits qui se sont déroulés
le 24 décembre 2005 à Saint-Denis, suite à une altercation entre M. S. et M. A., brigadierchef de police.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. S. et M. A.
> LES FAITS
Le 24 décembre 2005, vers 11h00, M. A. sortait de chez lui et trouvait M. S., selon toute
vraisemblance, en train de s’affairer sur son portail avec une pince coupante. Les deux
hommes échangeaient des mots, puis en venaient aux mains.
M. A. tentait à deux reprises d’appeler la police en composant le 17, en vain. Un passant
appelait le 17 à son tour, et un équipage de trois fonctionnaires de police en uniforme arrivait
dans un véhicule sérigraphié.
M. S., lors de son audition devant la Commission, affirmait que M. A. avait sorti un couteau.
Or, les fonctionnaires de police palpèrent M. A. et M. S. et ne trouvèrent aucun objet
dangereux, la pince étant alors dans les mains d’un passant. Un témoin de la scène affirmait
ne pas avoir vu d’arme durant toute la rixe.
M. A. et M. S. étaient interrogés chacun de leur côté. M. A. donnait sa pièce d’identité à un
des fonctionnaires, et lui expliquait qu’il était policier. M. S. était emmené au commissariat de
Saint-Denis. Il n’était pas menotté dans le véhicule car il était calme au moment de l’arrivée
des policiers, ne leur avait opposé aucune résistance et il tenait un mouchoir pour empêcher
son nez de saigner. M. A., ayant laissé sa carte d’identité aux policiers, était invité à se
rendre au commissariat par ses propres moyens. Un des trois fonctionnaires ayant procédé
à l’interpellation rédigeait une main-courante, dans laquelle il exposait les faits de manière
tout à fait objective.
Arrivés chacun de leur côté, M. S. et M. A. n’eurent aucun contact au commissariat de SaintDenis. M. A. était auditionné par un officier de police judiciaire. Il lui exposait les faits et lui
racontait l’origine du différend qui opposait les deux personnes depuis plusieurs années.
M. A. ne jugeait pas opportun de porter plainte, mais une main-courante fut rédigée pour
conserver une trace de l’altercation, M. A. se réservant la possibilité de porter plainte en
fonction de la réaction M. S.
147
A la demande des fonctionnaires interpellateurs, l’OPJ demandait aux pompiers de se rendre
au commissariat pour examiner M. S., qui saignait du nez. Ce dernier ayant fait plusieurs
malaises dans le commissariat, l’OPJ décidait de l’envoyer immédiatement aux urgences
pour qu’il y soit soigné, sans qu’il ait été auditionné ou placé en garde à vue. M. S. ne revint
jamais au commissariat de Saint-Denis.
Le soir même, M. A. appelait le commissariat, l’OPJ l’informait qu’elle n’avait pas eu de
nouvelles de M. S. Il préférait ne pas déposer plainte.
Le lendemain vers 18h00, M. S. se présentait au commissariat d’Aubervilliers pour déposer
plainte. L’agent qui le reçut constatait très rapidement des incohérences dans ses
déclarations. Ce dernier ayant révélé qu’il avait été emmené au commissariat de Saint-Denis
la veille, l’agent appelait le commissariat pour recueillir des informations supplémentaires. Il
contactait ensuite M. A. pour l’informer qu’une personne souhaitait déposer plainte contre lui
et pour le convoquer en vue d’organiser une confrontation.
Les versions de M. A. et de M. S. divergeaient sur le déroulement de cette confrontation, à
l’issue de laquelle aucune plainte n’était enregistrée.
Selon M. S., dès son arrivée, M. A. a engagé une discussion avec l’agent de police, à l’issue
de laquelle ce dernier lui demandait de dire qu’il s’était blessé tout seul et de retirer sa
plainte, ce qu’il a toujours refusé.
Selon M. A., la confrontation tournait rapidement en médiation. Finalement, M. S. décidait de
ne pas déposer plainte.
M. S. estimait que l’attitude des fonctionnaires de police était partiale et visait à protéger
M. A., fonctionnaire de police.
> AVIS
Sur l’interpellation de M. S. et sa conduite au commissariat de Saint-Denis
Il ressort des pièces de procédure que les trois fonctionnaires de police qui sont intervenus
pendant la rixe entre M. S. et M. A. ont été prévenus par un passant témoin de la scène.
Au regard des premiers témoignages recueillis, de l’attitude de M. A., du fait qu’il était
porteur de sa carte d’identité qu’il leur a remise, les fonctionnaires avaient suffisamment de
garanties de présentation. La décision de ne pas l’emmener dans leur véhicule en
compagnie de M. S. était opportune, au regard du risque potentiel qu’aurait engendré la
présence des deux protagonistes dans le même véhicule.
La Commission constate avec satisfaction que les trois agents ont très justement évalué qu’il
n’était pas nécessaire de menotter M. S. pendant le trajet dans leur véhicule, conformément
à l’article 803 du Code de procédure pénale.
Dès leur arrivée au commissariat, ils ont demandé à l’OPJ de requérir les pompiers afin
qu’ils examinent M. S. qui saignait du nez, puis ont demandé après ses malaises à ce qu’il
soit immédiatement transporté aux urgences pour y être soigné. Un des fonctionnaires
responsables de cette intervention a rédigé une main-courante relatant l’interpellation en des
termes parfaitement objectifs.
L’allégation de M. S. selon laquelle les trois fonctionnaires seraient complices de M. A. paraît
infondée. Ils ont agi avec sang-froid et de façon proportionnée tout au long de leur
intervention, s’assurant de la sécurité et de la santé de chacun.
Les trois fonctionnaires interpellateurs ont agi conformément aux règles de déontologie de la
police nationale.
148
Sur la volonté de M. S. de porter plainte au commissariat de Saint-Denis
M. S. est arrivé au commissariat vers 11h40, selon la main-courante enregistrée par les
agents interpellateurs. Il ressort d’un procès-verbal rédigé par un autre fonctionnaire
concernant l’attitude de M. S. qu’il a été examiné par les pompiers vers 11h50. Il a fait deux
malaises en leur présence et a été emmené à l’hôpital vers 12h15.
Au regard de son état de santé, de la très courte durée qu’il a passé au commissariat et des
déclarations de l’OPJ de permanence, consignés dans un procès-verbal, la Commission
estime que les allégations de M. S. selon lesquelles l’OPJ aurait refusé d’enregistrer sa
plainte est infondée. Aucun manquement à la déontologie de la sécurité n’est constaté.
Sur le refus d’enregistrer la plainte de M. S. au commissariat d’Aubervilliers
L’agent qui a reçu M. S. au commissariat d’Aubervilliers a commencé à enregistrer sa
plainte. A la lumière de certaines incohérences et considérant qu’une procédure devait
exister au commissariat de Saint-Denis, l’agent prenait attache avec ce commissariat pour
obtenir des informations supplémentaires. A la lumière des ces éléments, l’agent décidait
d’organiser une confrontation entre M. S. et M. A. La Commission s’interroge sur
l’opportunité d’une telle initiative.
Lors des auditions, la Commission a recueilli deux versions contradictoires concernant
l’issue de cette confrontation entre M. S. et M. A. Cependant, au regard des nombreuses
incohérences et imprécisions dans les déclarations de M. S., la Commission ne prête aucun
crédit à l’allégation selon laquelle l’agent qui l’a reçu à Aubervilliers aurait refusé
d’enregistrer sa plainte. Aucun manquement à la déontologie de la sécurité n’est constaté.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
149
Saisine n°2006-78
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 18 juillet 2006,
par M. Bernard DEROSIER, député du Nord
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 juillet 2006,
par M. Bernard DEROSIER, député du Nord, des conditions du contrôle d’identité de
Mme M.G., lors duquel elle aurait perdu sa carte d’identité le 16 septembre 2005, et de
l’attitude de plusieurs fonctionnaires de police à son égard.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu Mme M.G.
> LES FAITS
Le 16 septembre 2005, Mme M.G. fut interpellée par un agent en uniforme dont elle ne put
identifier la qualité, alors qu’elle tentait de stationner son véhicule sans avoir bouclé sa
ceinture de sécurité. Elle lui présenta les documents afférant à la conduite de son véhicule.
L’agent lui expliqua qu’elle roulait sans ceinture de sécurité, l’informa des conséquences
d’un tel acte, et après avoir écouté les explications de Mme M.G., lui rendit ses papiers sans
lui dresser de contravention.
Environ une demi-heure plus tard, Mme M.G. découvrit qu’elle n’avait plus sa carte d’identité.
Convaincue que la personne qui l’avait contrôlée avait conservé sa carte d’identité, elle
revint sur les lieux, mais ne parvint pas à la retrouver. Elle se rendit au commissariat, où les
personnes qui la reçurent tentèrent de retrouver ses papiers, en vain. En l’absence de
procès-verbal, il était difficile d’identifier la personne qui avait interpellé Mme M.G. On lui
indiqua plusieurs démarches à suivre et on lui assura que si un policier avait gardé sa carte
par erreur, il la lui ferait parvenir rapidement.
Le 21 septembre 2005, Mme M.G. se rendait au commissariat de Villeneuve d’Ascq, afin de
faire constater qu’un fonctionnaire avait conservé sa carte d’identité suite à un contrôle. Le
fonctionnaire qui la reçut aurait tout d’abord rechigné, puis il avait enregistré une maincourante. Il aurait souhaité qu’elle fasse une déclaration de perte sans indiquer que c’était un
fonctionnaire de police qui avait conservé sa carte d’identité.
Le 4 avril 2006 vers 13h25, Mme M.G. quitta son domicile pour des raisons professionnelles.
Vers 14h15, elle reçut un appel sur son téléphone portable l’informant que son domicile avait
été cambriolé. Dès son arrivée, elle fut informée par les fonctionnaires de police présents
qu’aucun objet n’avait été volé et que deux personnes avaient été arrêtées, une troisième
étant en fuite.
Mme M.G. constatait le désordre qui régnait dans sa maison, elle avait eu le sentiment
qu’une mise en scène troublante avait été organisée.
150
Elle fut reçue au commissariat par M. Y.M., brigadier-chef. Elle le trouva très désagréable et
avait eu le sentiment de le gêner. Il déposa une carte d’identité sur sa table. Mme M.G.
reconnut la carte d’identité qu’elle avait présentée lors du contrôle du 16 septembre 2005.
M. Y.M. lui expliqua que sa carte d’identité avait été découverte à son domicile. Elle lui
rétorqua que c’était impossible et lui décrivit les circonstances dans lesquelles sa carte avait
été « confisquée ».
A l’issue de son audition, M. Y.M. aurait relu le procès-verbal (PV) de Mme M.G. à mi-voix,
sans évoquer deux passages, puis avait imprimé trois feuillets, qu’elle avait signé en toute
confiance, sans les relire. Elle relut ce PV à son domicile et découvrit qu’il contenait des
passages ne correspondant pas à ses déclarations.
Mme M.G. décida de procéder à sa propre enquête sur les circonstances de son
cambriolage et fut surprise des réponses qu’elle reçut du commissariat : dans un premier
temps, on refusa de lui indiquer l’identité de la personne qui avait prévenu la police.
Quelques jours plus tard, les policiers, après avoir demandé l’accord de l’intéressé,
transmirent ses coordonnées à Mme M.G. De nouveau, elle ne fut pas satisfaite de la
réponse : alors qu’on lui avait dit dans un premier temps qu’une femme avait prévenu la
police, il s’agissait en réalité d’un homme.
Troublée par toutes ces incohérences, elle porta plainte pour vol de papiers et fausse
déclaration, sur les conseils d’un avocat.
Suite à cette plainte, Mme M.G. fut contactée par le commissaire L., qui la convoqua le 2 juin
2006 pour prendre sa déposition. Dès son arrivée, il l’informa que tous les documents étaient
prêts pour gagner du temps. Il refusa que l’amie qui accompagnait Mme M.G. assiste à son
audition. Mme M.G. estimait que l’attitude de M. L. était à la limite de la grossièreté. Pendant
toute la durée de l’audition, il lui aurait lu ce qu’il avait déjà écrit sur son PV, refusant de
prendre ses déclarations ou tentant de les modifier. Il avait indiqué sur le procès-verbal une
fausse identité, donnant à Mme M.G. une filiation inexacte. Elle lui demanda d’indiquer sa
filiation exacte. M. L. lui expliqua qu’il serait très long de retaper le PV et que cette erreur
était sans conséquence puisque tous les autres documents de la procédure indiquaient sa
filiation exacte. Elle ne voulut rien entendre et insista pour que sa filiation exacte apparaisse,
ce à quoi M. L. aurait répondu qu’elle était très pointilleuse, précisant qu’il avait déjà passé
beaucoup de temps sur cette affaire assez anodine, et ajoutant : « Ce n’est quand même
pas un viol ». Mme M.G. avait signé son PV en ajoutant son nom de jeune fille.
Quelques temps plus tard, Mme M.G. était auditionnée une troisième fois par un gardien de
la paix. L’audition s’était bien déroulée, en dépit du fait que le PV contienne, selon ses dires,
quelques éléments inexacts, mais sans importance.
Mme M.G. avait le sentiment d’avoir été victime d’une succession de faits troublants et de ne
pas avoir été entendue par les fonctionnaires de police comme une victime, mais plutôt
comme une personne qui cause des troubles.
> AVIS
Mme M.G. n’apporte aucun élément susceptible de confirmer sa version concernant ce
qu’elle considère comme une « confiscation » de sa carte d’identité par un fonctionnaire de
police. Ses suspicions concernant une éventuelle mise en scène de vol orchestrée par les
fonctionnaires de police dans le but de lui restituer sa carte d’identité tout en dissimulant la
faute qu’aurait commise un agent ne sont alimentés par aucun élément objectif.
151
En l’absence de preuve contraire, les procès-verbaux d’audition signés par Mme M.G. font
foi.
Il est regrettable, malgré les protestations de Mme M.G., que M. L. ait refusé de modifier sa
filiation sur son procès-verbal. Cependant, M. L. lui a expliqué que cette erreur était sans
conséquence.
Au regard des moyens mis en œuvre pour répondre à la situation de Mme M.G., victime
d’une perte de pièce d’identité, la Commission estime que les fonctionnaires de police n’ont
commis aucun manquement ni à la déontologie, ni à la circulaire du ministre de l'Intérieur et
de l'Aménagement du territoire du 20 mai 2002 concernant la prise en compte des victimes.
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
152
Saisine n°2006-81
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 24 juillet 2006,
par Mme Jacqueline ALQUIER, sénatrice du Tarn
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 24 juillet 2006,
par Mme Jacqueline ALQUIER, sénatrice du Tarn, des conditions de la garde à vue de
Mme B.R., le 7 novembre 2005, au commissariat de Castres.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a auditionné Mme B.R. et M. J-P.A., OPJ en fonction au commissariat
de Castres.
> LES FAITS
Le 7 novembre 2005, Mme B.R. se rend à 14h00 à une convocation au commissariat de
Castres, suite à une instruction du parquet à propos d’une escroquerie à la CAF et au RMI.
Le président du conseil général avait déposé une plainte déclarant que Mme B.R. vivait en
concubinage et non pas seule comme elle le prétendait.
M. J-P.A., officier de police judiciaire, est allé chercher Mme B.R. sur le palier du
commissariat vers 14h05 pour la conduire dans son bureau en compagnie de deux
fonctionnaires de police. Il lui notifie sa garde à vue et tous ses droits, qu’elle refuse.
Puis, Mme B.R. a été fouillée par une fonctionnaire dans les toilettes des gardés à vue du
commissariat.
Quand toute la procédure a été réalisée, M. J-P.A. est descendu pour auditionner pendant
environ vingt-cinq minutes Mme B.R. et il l’a ramenée en garde à vue pour effectuer les
dernières formalités de son identité judiciaire : empreintes, photos, prélèvements.
M. J-P.A. a appelé le magistrat, a repris Mme B.R. en audition et lui a notifié les directives du
parquet relatives à la régularisation de sa situation dans les deux mois. La garde à vue s’est
terminée à 17h45. Entre-temps, le commissariat de police avait avisé l’école où se trouvait
son fils qu’elle viendrait le chercher en retard.
Deux mois après, Mme B.R. se rend à nouveau au commissariat où elle est convoquée. Elle
dit qu’elle n’a pas pu régulariser sa situation et que sa fille va l’aider sous huit jours. Dix jours
après, M. J-P.A. lui téléphone et elle lui répond qu’elle ne viendra pas. Elle a alors envoyé
une lettre au commissaire pour rétracter les déclarations qu’elle avait faites le 7 novembre
2005 et qu’elle prétend avoir consenties sous la menace.
Mme B.R. a refusé l’alternative aux poursuites judiciaires et a déclaré de façon mensongère
être inconnue des services de police, alors qu’elle avait été prise sur le fait quelques mois
plus tôt pour une affaire d’escroquerie de chèque puis de vol à l’étalage à Verdun.
153
> AVIS
Mme B.R. a adopté un comportement mensonger tout au long de cette affaire ; sur sa vie en
concubinage, sur la pression dont elle prétend avoir fait l’objet lors de sa déclaration, sur ses
relations antérieures avec les services de police. Elle n’a pas non plus tenu ses
engagements relatifs à la régularisation auprès de la CAF et du conseil général.
Toutefois, la Commission considère qu’une fouille à corps n’était pas appropriée en l’espèce.
> RECOMMANDATIONS
La Commission considère que les fouilles à corps ne doivent pas intervenir dans les toilettes
d’un commissariat, mais dans un local en rapport avec le respect de la dignité des
personnes.
Adopté le 12 février 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :
154
155
Saisine n°2006-85
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 31 juillet 2006,
par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 31 juillet 2006
par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne, des conditions d’interpellation de M. G.C.,
le 24 juin 2006, à la suite de la dégradation d’un abribus dont M. G.C. se serait rendu
coupable, selon les déclarations d’un témoin.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
Elle a entendu M. G.C. en sa qualité de plaignant, et les fonctionnaires de police V.S.
et C.V. du commissariat de Juvisy-sur-Orge.
> LES FAITS
Le samedi 24 juin 2006, vers 23h00, un équipage de la BAC en patrouille à Juvisy-sur-Orge
est requis par sa station directrice de se transporter aux abords d’un abribus jouxtant la RN 7
traversant la commune, dont la vitre vient semble-t-il d’être brisée à coups de pieds par un
individu. Son signalement (homme âgé de plus de 60 ans, de type européen, vêtu d’un pull
rouge) et la progression sont transmis par téléphone par un témoin de la scène.
Fonctionnaire de police à la BAC de Juvisy, le témoin oculaire – qui n’est pas en service au
moment des faits – n’hésite pas à prendre le suspect en filature jusqu’à l’arrivée de
l’équipage de la BAC.
Une fois parvenu sur place, l’équipage de la BAC aperçoit un individu, en l’occurrence
M. G.C., correspondant en tous points au signalement. Les fonctionnaires de la BAC – en
civil mais porteurs du brassard Police – procèdent alors à l’interpellation de l’intéressé.
Après avoir fait l’objet d’une palpation de sécurité, l’individu interpellé – mais non menotté –
est invité à décliner son identité. Interrogé sur les faits dont il se serait rendu coupable,
M. G.C. nie être impliqué dans lesdites dégradations. Ramené au commissariat, M. G.C. est
présenté à l’officier de police judiciaire de permanence, qui lui remet une convocation à
comparaître au commissariat de Grigny pour le lundi suivant.
Le soir même des faits, le fonctionnaire C.V., témoin des faits, est entendu en cette qualité
par un APJ du commissariat de Juvisy. Dans sa déposition, M. C.V. confirme de manière
catégorique que l’individu interpellé par la BAC est bien celui qui s’est rendu coupable de la
dégradation de l’abribus.
Par la suite, le parquet d’Evry classera l’affaire en considérant l’infraction insuffisamment
caractérisée en la personne de M. G.C., alors âgé de 78 ans au moment des faits litigieux.
156
> AVIS
Dans sa réclamation transmise au député de l’Essonne, auteur de la saisine, comme lors de
son audition devant notre Commission, M. G.C. ne conteste ni les conditions de son contrôle
d’identité, ni les conditions de son interpellation et de son transport au commissariat de
police. Dès lors, la Commission ne constate aucun manquement à la déontologie.
Adopté le 2 mai 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
157
Saisine n°2006-88
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 11 septembre 2006,
par M. Jacques BRUNHES, député des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11 septembre
2006, par M. Jacques BRUNHES, député des Hauts-de-Seine, des circonstances de
l’interpellation de MM. J.L. et L.N., le 4 mars 2006, à Cergy-Pontoise.
Elle a pris connaissance de la procédure.
Elle a entendu MM. J.L. et L.N., et M. B.B., brigadier de police.
> LES FAITS
Dans la nuit du 4 mars 2006, MM. J.L. et L.N. sortaient d’un bowling à Cergy-Pontoise pour
fumer une cigarette. MM. B.B. et S.C., en mission de sécurisation à bord d’un véhicule de
police banalisé, se portèrent à leur hauteur afin de vérifier la nature de leur cigarette
« artisanale », qui leur paraissait suspecte. Ils demandèrent à MM. J.L. et L.N. de présenter
leurs documents d’identité. Ces derniers refusèrent, exigeant que MM. B.B. et S.C. leur
présentent leurs cartes professionnelles prouvant leur qualité de fonctionnaires de police.
Lors des auditions, deux versions furent présentées à la Commission :
Selon MM. J.L. et L.N., les deux fonctionnaires de police refusèrent de décliner leur identité
et sortirent de leur véhicule. Ils menottèrent M. J.L. sans violence. M. L.N., parce qu’il
s’exprime habituellement avec ses mains, fut plaqué au sol. Ils furent palpés et une cigarette
artisanale contenant du cannabis fut découverte dans un paquet de cigarettes. Ils furent
ensuite placés dans le véhicule des fonctionnaires de police et emmenés au commissariat,
où ils furent placés en garde à vue. M. J.L. avait reçu des coups de genoux dans le ventre et
M. L.N. avait reçu une gifle à l’oreille.
Selon M. B.B., les deux fonctionnaires avaient décliné leur qualité et avaient demandé ce
que contenait la cigarette « artisanale ». MM. J.L. et L.N. ont refusé de présenter leurs cartes
d’identité tant que les fonctionnaires ne présentaient pas leurs cartes professionnelles.
MM. B.B. et S.C. sortirent leurs cartes, mais MM. J.L. et L.N. refusèrent de coopérer. Au lieu
d’indiquer ce que contenait la cigarette, ils ont répondu que les fonctionnaires de police
pouvaient la faire analyser et ont tenu des propos outrageants à l’égard des policiers. Devant
leur refus de présenter leurs cartes d’identité, et au regard de leurs propos outrageants,
M. B.B. décidait de les interpeller. M. J.L. ne s’était pas opposé à son interpellation ; en
revanche, M. L.N. avait été maîtrisé grâce aux gestes techniques professionnels
d’intervention. Les deux individus furent placés à l’arrière du véhicule, de chaque côté de
M. B.B. Pendant le trajet, M. L.N. s’était cogné volontairement la tête contre la vitre, en
menaçant les fonctionnaires de porter plainte pour violences.
158
Le 19 mars 2007, M. J.L. et M. L.N. étaient déclarés coupables du délit d’outrage et rébellion
par le tribunal de grande instance de Pontoise.
> AVIS
Au regard des incohérences entre les déclarations de MM. J.L. et L.N. au moment de leur
interpellation et lors de leur audition devant la Commission concernant le lieu où ils auraient
fait l’objet de violences ; et de la cohérence des déclarations de M. B.B. concernant les
motifs – MM. J.L. et L.N. étaient en possession d’une cigarette contenant du cannabis – et
les circonstances du contrôle – MM. J.L. et L.N. refusant de présenter leurs pièces
d’identité – ainsi que les conditions de l’interpellation – M. J.L. se laissant interpeller, alors
que M. L.N. se débattait – ; la Commission ne constate aucun manquement à la déontologie
de la sécurité.
Adopté le 26 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
159
Saisine n°2006-93
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 18 septembre 2006
par Mme Christiane TAUBIRA, députée de la Guyane
et le 3 octobre 2006,
par Mme Juliana RIMANE, députée de la Guyane
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 septembre
2006, par Mme Christiane TAUBIRA, et le 3 octobre 2006, par Mme Juliana RIMANE,
députées de la Guyane, de violences qui auraient été commises par un policier au centre de
rétention de Rochambeau en Guyane, le 5 juillet 2006.
La Commission a pris connaissance des pièces accompagnant la saisine, de la
procédure dressée par la Direction interrégionale de police judiciaire Antilles-Guyane et de
ses conséquences judiciaires.
> LES FAITS
Le 5 juillet 2006, vers 15h30, sortant du bureau du responsable du centre de rétention
administrative de Rochambeau (Guyane), M. N.V., membre de la CIMADE, percevait un cri
en provenance du couloir des femmes. Il s’avançait, entendait un policier dire : « Tu vas voir
comment ça se passe avec moi », puis le bruit de quatre ou cinq coups portés violemment. Il
constatait à l’entrée de la cellule qu’une retenue pleurait. Le policier présent l’empêchait
d’entrer, puis le faisait sortir du quartier des femmes.
Le procureur de la République de Cayenne, immédiatement informé de ces faits par le
capitaine de police P.L., responsable du centre, ordonnait une enquête de flagrance.
Les violences dénoncées étaient alors confirmées par :
- la victime, Mme X.H., qui était conduite au service d’accueil des urgences du centre
hospitalier de Cayenne, le médecin de garde constatant notamment la trace d’un hématome
de 2 cm sur 2 au niveau de la branche horizontale de la mandibule, côté droit, et décidant de
l’hospitaliser ;
- deux personnes retenues, de nationalité brésilienne, qui assuraient avoir vu le policier
donner une gifle du revers de la main droite sur la joue droite de Mme X.H.
Le gardien de la paix R.N., aussitôt interrogé, niait les coups, mais admettait avoir demandé
à Mme X.H. si elle le prenait pour un « couillon », puis l’avoir prise par les deux bras pour la
redresser, lorsqu’il avait constaté qu’elle remplissait une fiche d’identité, remise par ses soins
et destinée au consulat de Chine à Paris, à l’aide de mentions de noms et de dates de
naissance différents de ceux qui étaient sur le passeport présenté lors de son contrôle.
Poursuivi pour violences n’ayant entraîné aucune incapacité de travail commises par une
personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions, M. R.N. a
bénéficié d’une relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Cayenne le 19 avril 2007,
aucun témoin des faits ne s’étant présenté.
Cette décision est devenue définitive, faute d’appel du ministère public.
160
> AVIS
L’article 8 de la loi du 6 juin 2000 prohibant toute remise en cause du bien-fondé d’une
décision juridictionnelle ayant statué sur les faits portés à sa connaissance et acquis autorité
de chose jugée, la Commission ne peut donner aucune suite à cette réclamation.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, et au
ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement.
161
Saisine n°2006-94
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 18 septembre 2006,
par M. Roland CHASSAIN, député des Bouches-du-Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 septembre
2006, par M. Roland CHASSAIN, député des Bouches-du-Rhône, des manquements graves à
la loi, au Code de déontologie de la police nationale et aux règles de fonctionnement de
l’institution à laquelle ils appartiennent, dont les fonctionnaires du commissariat de Foix se
sont rendus coupables à l’occasion du meurtre commis le 16 octobre 2005 par le dénommé
D.L. sur la personne de W.H.
Le tribunal correctionnel de Foix a condamné l’un de ces fonctionnaires, M. D.D. à
douze mois de prison avec sursis et à 25 000 d’amende.
L’autorité administrative a prononcé à l’égard des quatre fonctionnaires de ce service, sur le
fondement des enquêtes administratives et judiciaires diligentées par l’IGPN, des sanctions
allant de l’exclusion temporaire sans rémunération aux radiations des listes d’avancement.
M. D.D., outre la condamnation pénale déjà citée, a été simplement sanctionné d’un blâme,
suivi d’une mutation dans l’intérêt du service, dans le même département, au commissariat de
Pamiers.
La Commission a pris connaissance des mesures prises en conseil de discipline le 21
mars 2007.
Elle a entendu M. S.B., beau-père de la victime M. W.H., MM. M., D.D., M.F. et L.
sous-brigadiers au commissariat de Foix, ainsi que M. J-C.K., brigadier-chef au
commissariat de Foix.
> LES FAITS
Le 16 octobre 2005, M. W.H. était assassiné à son domicile, rue Rivals à Foix, par le
dénommé D.L., condamné depuis pour ces faits à la réclusion criminelle à perpétuité par la
cour d’assises de l’Ariège.
M. S.B., beau-père de M. W.H., a été entendu par la Commission le 6 juin 2007. Il a précisé
que le soir des faits, le commissariat de Foix avait reçu trois appels. Les deux premiers
émanaient du portable de M. W.H., qui n’a pu s’adresser aux fonctionnaires de police. Par
contre, ceux-ci ont nettement entendu des propos dont la teneur n’a pu laisser aucun doute
sur l’affrontement violent se déroulant à ce moment -à au domicile de M. W.H., qui
s’adressait à son agresseur en ces termes : « Tu m’as tailladé la gueule ! ».
Il est à noter que les renseignements fournis à la Commission par M. S.B. émanaient des
procès-verbaux, constatations et auditions diverses dressés par l’IGPN dans le cadre de
l’enquête judiciaire diligentée pour non assistance à personne en danger.
162
Un troisième appel parvenait à 21h27 au commissariat de police de Foix, émanant d’un
voisin de M. W.H., M. S., qui indiquait que « la porte de W.H. était fracturée, qu’il avait
entendu des bruits suspects auparavant, et qu’il avait constaté la présence de traces de
sang devant l’appartement ».
Aucun véhicule de police ne s’est déplacé à la suite du troisième appel qui situait
précisément le lieu de l’agression, contrairement aux deux précédents appels qui, eux,
avaient été passés sur le portable de M. W.H. et avaient fait l’objet d’un contre-appel
infructueux.
M. S.B. portait à la connaissance de la Commission un premier incident grave ayant opposé
M. W.H. à M. D.L. dans la nuit du 1er au 2 octobre 2005, et qui avait été traité avec la plus
grande désinvolture par les fonctionnaires intervenants.
Après avoir passé la soirée avec M. W.H, son frère M. C.H. et la compagne de celui-ci,
M. D.L. se rendait au domicile de M. W.H., « menaçant de les égorger tous les trois avec un
couteau de trente centimètres » ; cette intrusion faisant suite à un premier incident au cours
duquel les fonctionnaires intervenants « avaient calmé D.L. », lui demandant de quitter les
lieux.
Lors de la deuxième intervention, les policiers se seraient contentés de confisquer le couteau
dont M. D.L. était porteur et d’appeler le SAMU pour procéder au transport de ce dernier à
l’hôpital, en raison de « son état d’ébriété avancée ».
La Commission a procédé à l’audition des fonctionnaires de police intervenant dans la nuit
du 1er au 2 octobre 2005, les sous-brigadiers L. et M.
Elle a également entendu le sous-brigadier D.D., M.F. et le brigadier-chef J-C.K.
Elle n’a pas jugé utile d’entendre le sous-brigadier C.D., sanctionné d’un blâme et radié de la
liste d’avancement par le conseil de discipline en raison des propos qu’il a tenus sur la radio
de service lors de l’intervention dans la nuit du 1 au 2 octobre 2005, à savoir : « Il est haché
menu », allusion faite au patronyme de M. W.H. La Commission a estimé que ces faits
établis par l’IGPN suffisaient à son information.
Les évènements survenus au cours de la nuit du 1er au 2 octobre 2005
Le sous-brigadier L., fonctionnaire de police depuis 20 ans, est affecté à la circonscription de
sécurité publique de Foix depuis 11 ans. Ce fonctionnaire qui patrouillait la nuit du 1er au 2
octobre avec M. L., n’a pas constaté lors de la première intervention que M. D.L. avait un
couteau sur lui. D’après ses déclarations, M. W.H., son frère M. C.H. et la compagne de ce
dernier « voulaient simplement que D.L. quitte l’appartement ». Ils ne désiraient pas déposer
plainte ».
Ce n’est qu’après le départ de M. D.L. qu’ils trouvaient un couteau dans la cage d’escalier.
Ils l’enveloppaient dans du papier journal, « pour le cas où une plainte serait déposée le
lendemain ». Cette arme était déposée par ces deux policiers dans le placard de leur
brigade.
Intervenant une deuxième fois sur appel 17, ils trouvaient M. D.L. qui, revenant sur les lieux
semblait en état d’ivresse, se plaignait des côtes, alors qu’il était « allongé sur le palier du
troisième étage ». M. D.L. était transporté par le SAMU à l’hôpital local, qu’il devait quitter
quelques instants plus tard.
Le sous-brigadier M. confirmait en tout point la version de son collègue L. Il a fait valoir ses
droits à retraite le 28 avril 2007.
163
Le chef d’état major de la direction départementale de sécurité publique de l’Ariège,
M. L.L.S., qui assistait le sous-brigadier M., a estimé devant la Commission que les
appréciations portées par l’IGPN sur l’attitude des sous brigadiers, MM. S.B., L. et M. en la
circonstance étaient « excessives », précisant également : « J’estime que lors de leur
première intervention, ils n’étaient pas fondés à conduire D.L. à l’hôpital, puisqu’il devait
regagner son domicile ».
Les évènements survenus au cours de la soirée du 15 octobre 2005
Le brigadier-chef J-C.K., sanctionné par le conseil de discipline d’une exclusion temporaire
de 15 jours dont 7 jours fermes sans rémunération, est fonctionnaire de police depuis 23
ans. Il exerce au commissariat de Foix depuis 7 ans en qualité de chef de brigade. Le
conseil de discipline lui a reproché d’avoir autorisé deux fonctionnaires de sa brigade à
prendre leur service de manière retardée et à quitter leur service un peu plus tôt, faisant
preuve d’un manque évident d’autorité.
Alors qu’il était en « pause repas », comme cela se pratique au commissariat de Foix pour
les brigades de soirées, il ne lui a jamais été rendu compte des deux appels de M. W.H., ni
du troisième appel émanant du témoin S. Ce n’est que le surlendemain qu’il devait être
informé des faits s’étant produits ce soir-là.
Le sous-brigadier D.D., fonctionnaire de police depuis 30 ans, a été sanctionné par le
tribunal correctionnel de Foix et par le conseil de discipline, qui lui a infligé un blâme assorti
d’une mutation dans l’intérêt du service, au commissariat de Pamiers, dans le même
département.
Autorisé à prendre son service à 20h00 au lieu de 15h00 pour le terminer à 23h45, il a reçu
l’appel du témoin S. alors que l’opérateur radio ayant reçu les deux premiers appels s’était
absenté quelques minutes. Selon M. D.D., le brigadier-chef J-C.K. aurait été tenu informé de
cet appel, lui répondant : « Je suis au courant des appels de M. W.H. ». Poursuivant son
audition, M. D.D. admettait avoir omis de renseigner la main-courante du service, ne
s’inquiétant plus de « cette affaire » dont il avait rendu compte à « son brigadier-chef, qui
regardait la télévision » dans la salle de repos du service.
Le conseil de M. D.D., M. N., délégué syndical, a déclaré que « si dans cette affaire tous les
acteurs de la hiérarchie du commissariat de Foix avaient pris leurs responsabilités, ils
auraient pu éviter le décès de M. W.H., mais ils ont préféré monter un chantier en trouvant
un lampiste, le sous-brigadier D.D. ». M. N. précisait également que « le commissariat n’est
pas à la hauteur de la qualité du service public qu’il devrait rendre aux administrés. »
Ce n’est que le lendemain, 16 octobre 2005, que le sous-brigadier D.D., qui était chef de
patrouille, intervenait suite à un appel au 17 et découvrait le corps sans vie de M. W.H.
Le sous-brigadier M.F., affecté à Foix depuis février 2005, est l’adjoint du brigadier-chef
J-C.K. Il est fonctionnaire de police depuis 32 ans. Responsable du groupe de renfort, il
assurait une vacation couvrant la plage horaire de 19h00 à 4h30.
En prenant son service, il a questionné par le sous-brigadier D.D. sur sa mission. Ce dernier
lui aurait répondu : « J’en ai marre d’être pris pour un con », poursuivant, après 21h00, ses
récriminations vis-à-vis du brigadier chef J-C.K. en ces termes : « J’en ai marre de me faire
enc… ».
Le sous-brigadier M.F., en sa qualité de chef de poste ce soir-là, recevait le public, les
appels 17, les appels des bornes autoroutières et les télégrammes de service. Il n’a jamais
reçu l’aide de son collègue D.D., qui refusait manifestement de s’impliquer.
A la question : « Avez-vous fait les remarques qui s’imposaient à M. D.D. en la
circonstance ? », M. M.F. répondait qu’il n’en avait fait aucune, constatant que son collègue
était à la recherche d’un incident.
164
A 20h00, M. M.F. a reçu un appel 17 émanant d’un portable dont le numéro s’est affiché.
N’obtenant pas d’interlocuteur, il entendait cependant « deux individus s’apostropher, l’un
d’eux disant : « Tu m’as tailladé la gueule ! ». Ne disposant que d’une seule ligne 17 et
supposant que d’autres requérants pouvaient se manifester au sujet de cette affaire, qu’il
avait essayé « d’analyser en mettant l’amplificateur ». Il coupait la communication et
procédait à un premier puis à un deuxième contre-appel, qui aboutissaient à une boîte
vocale inaudible.
Après s’être absenté quelques minutes de son poste pour raisons personnelles, il demandait
à M. D.D. ce qu’il faisait. Celui-ci lui aurait alors répondu : « Je n’en ai rien à foutre, je me
casse ». Il était alors entre 21h45 et 22h00. Le sous-brigadier M.F. précisait : « M. D.D. ne
m’a rendu compte d’aucun appel. Personne ne m’a informé d’un appel téléphonique
quelconque ».
Ce n’est que le lendemain que le sous-brigadier M.F., écoutant les bandes relatives à
l’enregistrement des appels 17, a pu établir que le sous-brigadier D.D. avait reçu l’appel d’un
voisin de la victime, pouvant ainsi situer l’adresse de l’agression. Aucune suite ne semble
avoir été donnée par le sous-brigadier D.D. à cet appel.
Il est à préciser également que le major Lo., commandant les unités en tenues du
commissariat de Foix, a reconnu sur les bandes d’appel, la voix de l’agresseur M. D.L., qui a
pu être arrêté dans les minutes qui suivaient. Selon le sous-brigadier M.F., l’officier de police
judiciaire a omis de souligner auprès de la hiérarchie du service, le professionnalisme dont le
major Lo. avait fait preuve en la circonstance, ce qui tranchait sur les attitudes
« désabusées » des autres fonctionnaires.
> AVIS
Le tribunal correctionnel de Foix a sanctionné l’attitude inadmissible du sous-brigadier D.D.,
auquel le conseil de discipline a infligé un blâme et une mutation dans l’intérêt du service.
On peut raisonnablement s’interroger sur la nature et le niveau de la sanction administrative
infligée à M. D.D., dont l’attitude a manifestement, au vu des résultats de l’expertise médicolégale pratiquée, empêché les secours d’intervenir à temps, ce qui aurait pu sauver M. W.H.,
qui était encore en vie au moment de l’appel.
On peut également s’interroger sur le fonctionnement d’un service dont les fonctionnaires
« prennent la pause repas de soirée dans une salle de repos attenante au poste de police »,
en regardant la télévision.
On peut s’étonner également des propos tenus par le chef d’état-major de la DDSP de
l’Ariège, qui estime normale l’intervention des sous-brigadiers L. et M. dans la nuit du 1er au
2 octobre. Cette attitude conforte les propos du sous-brigadier M.F., affecté depuis peu à
Foix, et qui déplore « le peu d’intérêt que les fonctionnaires de ce service portent à la
formation professionnelle ».
En ne « dérangeant » pas l’OPJ, les sous-brigadiers L. et M. ont manifestement commis une
faute professionnelle grave, admise par une autorité hiérarchique à l’évidence défaillante.
Le fonctionnement dans son ensemble du commissariat de Foix, tel qu’il ressort de cette
affaire, semble être éloigné de ce que l’on est en droit d’attendre d’un service de police, qui
pour une circonscription de 12 000 habitants compte de quarante à cinquante fonctionnaires,
dont certains confondent ancienneté, apanage des fonctionnaires affectés dans ces zones
géographiques et préretraite.
165
L’ensemble des sanctions administratives prononcées ne saurait mettre fin à un processus
nécessaire de remise en ordre d’un service au fonctionnement surprenant.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle solennellement et fermement les articles 7, 8 et 18 du Code de
déontologie de la police nationale, violés en l’espèce par les fonctionnaires de police ayant
manqué à la dignité par des propos déplacés sur les ondes, ayant manqué aux devoirs de
protection des personnes en s’abstenant de porter assistance à personne en danger, ayant
manqué à l’obligation de rendre compte à l’autorité de commandement de l’exécution, ou en
l’espèce, de l’inexécution des missions reçues.
La Commission considère qu’afin d’éviter le renouvellement de telles dérives, toutes
mesures appropriées doivent être prises dans les meilleurs délais, en particulier par les
mutations nécessaires entraînant une réorganisation totale du service.
Adopté le 26 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-97
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 22 septembre 2006,
par M. Etienne PINTE, député des Yvelines
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22 septembre
2006, par M. Etienne PINTE, député des Yvelines, des conditions dans lesquelles s’est
effectué le transfert de M. F.B du centre de rétention de Nanterre vers le centre de rétention
de Palaiseau.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. F.B., ainsi que M. X.M., brigadier de police, M. P.K,
adjoint de sécurité, MM. O.L. et D.S., gardiens de la paix.
> LES FAITS
Le 14 septembre 2006, M. F.B., objet d’un arrêté de reconduite à la frontière en date du 15
décembre 2005, se trouvait dans un box individuel d’un fourgon cellulaire le ramenant du
local de rétention de Nanterre vers le centre de rétention administrative (CRA) de Palaiseau.
Lors du transport qui a duré environ trente minutes, M. F.B. était accompagné de quatre
autres rétentionnaires. Deux gardiens de la paix et un adjoint de sécurité assuraient le
déroulement de l’opération.
L’adjoint de sécurité, M. P.K., était placé dans la partie arrière du fourgon, au contact même
des rétentionnaires transportés. Il a remarqué l’énervement de M. F.B., qui avait opposé
quelques réticences à enlever ses lacets, sa bague, à se faire palper, les conditions
délicates du transport (chaleur, exiguïté) ne concourant pas à la sérénité ambiante. M. F.B.
aurait proféré des propos racistes à l’endroit de M. P.K. (qui est d’origine ivoirienne), l’aurait
personnellement menacé et au-delà, troublé la quiétude du transport.
À l’arrivée à Palaiseau, le chef de l’escorte, M. O.L., qui se trouvait à l’avant du véhicule côté
passager, est descendu ouvrir la porte extérieure du fourgon à son collègue adjoint de
sécurité, afin que ce dernier puisse procéder à la sortie des rétentionnaires. Ouvrant à cet
effet le box de M. F.B., celui-ci se serait précipité, tête penchée en avant, vers M. P.K. qui,
pour se protéger et éviter une fuite, l’a repoussé et a refermé la porte du box. M. F.B., qui nie
absolument un tel geste, a ensuite été extrait par le gardien de la paix O.L. et l’adjoint de
sécurité P.K.
Blessé à la lèvre, M. F.B. a prétendu, au contraire, avoir été frappé. Il s’en est ouvert au
brigadier X.M. au CRA de Palaiseau, ce fonctionnaire ayant alors prévenu sa hiérarchie
d’astreinte et rédigé un rapport. M. F.B. a déposé plainte, laquelle n’a pas été enregistrée par
le lieutenant de police l’ayant entendu sur ces faits.
Il a par ailleurs demandé à être examiné par un médecin, lequel n’a assuré cet examen que
le lendemain matin (soit le 15 septembre 2006).
170
Le certificat médical du Dr C.G., faisant état de la présence d’un hématome
infracentrimétrique de l’extrémité supérieure du thorax en regard de la troisième côte, est
daté pour sa part du 19 septembre 2006, et n’a été obtenu que sur l’insistance du conseil de
M. F.B.
> AVIS ET RECOMMANDATIONS
La Commission ne saurait conclure en l’espèce à des violences illégitimes perpétrées sur la
personne de M. F.B., dont les légères blessures physiques résultent vraisemblablement de
sa sortie mouvementée du box individuel du fourgon. L’adjoint de sécurité P.K. semble avoir
agi d’une manière mesurée et proportionnée en employant les gestes techniques adaptés.
La Commission ne constate aucun manquement à la déontologie sur ce point.
En revanche, la Commission considère que les conditions de prise en charge de la plainte
de M. F.B. et de l’examen médical que celui-ci appelait de ses vœux n’ont pas été
satisfaisantes. Une trop grande segmentation des tâches affecte le suivi et la continuité du
service, ce qui peut parfois être de nature à porter atteinte à la santé des personnes placées
sous la responsabilité des forces de police.
La Commission constate qu’il y a là un manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, et au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-102 et 2006-102bis
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, les 2 et 27 octobre 2006,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, les 2 et 27 octobre
2006, par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine, des conditions de la conduite
au commissariat de sécurité publique de Courbevoie (92) de M. P.J. le 19 juillet 2006 et de
son audition ultérieure, le 2 octobre 2006, dans le cadre d’une enquête concernant la
candidature de l’intéressé aux fonctions de délégué du procureur.
La Commission a pris connaissance de la procédure et singulièrement de l’enquête
diligentée par l’IGS.
Elle a entendu M. P.J., MM. S.D., M.P. et P.J-E., tous trois gardiens de la paix au
commissariat de Courbevoie, M. M.G., brigadier-chef, et M. F.C., commissaire de police au
commissariat de Courbevoie.
> LES FAITS
Le 19 juillet 2006, vers 16h30, un équipage composé de quatre fonctionnaires de police du
commissariat de Courbevoie se présente au domicile de M. P.J., dans le cadre d’un différend
de voisinage que ce locataire aurait eu peu de temps auparavant avec la gardienne de
l’immeuble (dégradations de boîtes aux lettres suivies d’insultes et de menaces). Après avoir
indiqué les raisons de leur présence, les fonctionnaires de police invitent M. P.J. à justifier de
son identité dans le but de renseigner la main-courante informatisée. Tout en remettant sa
carte nationale d’identité au chef de bord M. M.G., M. P.J. se serait alors emporté. Après
avoir exhibé les documents officiels attestant de sa qualité d’officier de l’ordre national du
mérite, M. P.J. aurait rappelé aux fonctionnaires de police leurs obligations à son égard tout
en affirmant d’un ton hautain : « Vous n’êtes qu’un fonctionnaire, monsieur le brigadier-chef
(…) Je parlerai de vous à monsieur Sarkozy. Je déjeune avec lui mardi. Vous voulez jouer
avec moi, faites attention à vos paroles, vous allez voir ». Compte tenu des circonstances,
M. P.J. a été invité à suivre l’équipage au commissariat aux fins d’audition. Tout en
continuant à menacer les fonctionnaires de police d’une prochaine convocation devant l’IGS,
l’intéressé a accepté de se rendre sur le champ au commissariat de Courbevoie pour
s’expliquer.
Cette conduite s’est effectuée sans coercition, ni violence. Dans le véhicule de police qui
circulait en faisant usage des avertisseurs sonore et lumineux, le chef de bord a toutefois
confisqué le téléphone de M. P.J., après que ce dernier a refusé d’interrompre la
conversation qu’il tenait, semble-t-il, avec son avocat.
Arrivé au commissariat, M. P.J. a récupéré son téléphone avant d’être, en raison de son état
d’agitation, menotté au banc des vérifications (qui n’est pas directement visible du public), le
temps que le chef de bord prenne contact avec l’officier de police judiciaire de permanence,
M. P.J-E. Avisé de la situation, ce dernier s’est alors rendu auprès de M. P.J. pour lui
indiquer que, dans un souci d’apaisement, il n’entendait pas le placer en garde à vue et qu’il
175
était libre de ses mouvements. Contrarié par l’absence de réponses à ses demandes
réitérées visant à consulter un médecin et à déposer plainte pour non assistance à personne
en danger, M. P.J. a quitté le commissariat, non sans avoir lancé à la cantonade :
« Rigolos ». Les fonctionnaires de police présents sur les lieux lui ont immédiatement
demandé de réitérer ses propos outrageants, mais en vain, l’intéressé déclarant qu’il s’était
adressé à lui-même.
Quelques mois plus tard, le 2 octobre 2006, M. P.J. s’est rendu une nouvelle fois au
commissariat de Courbevoie afin d’être auditionné dans le cadre d’une enquête de routine
concernant sa candidature aux fonctions de délégué du procureur de Bobigny. Au moment
où l’intéressé a pénétré dans un bureau qui n’était pas celui dans lequel l’audition devait
prendre place, un nouvel incident s’est produit à l’accueil, M. P.J. refusant semble-t-il
d’attendre et pénétrant sans autorisation à l’intérieur du poste de police. Compte tenu de
l’agitation, le commissaire de police F.C. s’est rendu auprès de M. P.J. pour lui demander
des explications.
Après avoir été – selon ses dires – menacé d’être placé en garde à vue en raison
notamment des propos outrageants tels que « flicaille de merde » tenus à l’encontre des
fonctionnaires du commissariat, l’intéressé était en train de prendre contact
téléphoniquement avec le procureur adjoint de Bobigny, avec lequel le commissaire a
d’ailleurs pu s’entretenir en toute discrétion. Après cet incident, l’audition de M. P.J. s’est
déroulée tout à fait normalement. Selon M. P.J., l’enquête de voisinage menée parallèlement
à cette audition aurait été déterminante dans l’issue négative réservée à sa candidature aux
fonctions de délégué du procureur.
> AVIS
A la lumière des faits rappelés ci-dessus, il apparaît que la réclamation transmise à la
Commission se rapporte à deux moments distincts (le 19 juillet et le 2 octobre 2006) qu’il
convient de scruter tour à tour.
S’agissant du 19 juillet 2006, les griefs du réclamant ont trait à l’attitude discourtoise de
l’équipage de police à son égard, à l’usage intempestif des avertisseurs sonore et lumineux
pendant son transport au commissariat, au retrait provisoire de son téléphone portable, ainsi
qu’à l’absence de suites réservées à ses demandes réitérées de consultation d’un médecin
et de dépôt de plainte.
Au regard des auditions qu’elle a menées et des pièces de la procédure qu’elle a consultées,
la Commission se trouve dans l’impossibilité de se prononcer sur le caractère
éventuellement désobligeant des propos tenus par la patrouille de police à l’endroit de
M. P.J. Des déclarations unanimes des fonctionnaires de police, il ressort plus clairement en
revanche que M. P.J. aurait adopté un ton condescendant, méprisant, voire outrageant à
l’encontre des fonctionnaires de police, tant à son domicile que durant son transport au
commissariat de Courbevoie.
En ce qui concerne l’usage des avertisseurs sonores et lumineux, la Commission considère
que les circonstances de l’espèce ne paraissaient pas imposer, malgré la densité de la
circulation, une telle initiative. Non seulement M. P.J. n’avait pas été interpellé
coercitivement, mais les faits pour lesquels ce dernier avait accepté d’être auditionné
librement concernaient des infractions de faible gravité. En l’absence de réelle urgence,
l’usage des avertisseurs sonores et lumineux paraît déplacé et inopportun.
S’agissant du retrait au cours du transport vers le commissariat du téléphone portable de
M. P.J., la Commission considère que cette mesure de sécurité strictement limitée dans le
176
temps pouvait sans doute se justifier dans la perspective éventuelle d’un placement en garde
à vue par l’OPJ de permanence dans le cadre d’une procédure d’outrage. Tout avis à famille
différé à la demande du parquet serait en effet voué à l’échec si les suspects pouvaient
communiquer librement au cours de leur conduite au commissariat. La Commission
s’interroge toutefois sur le fondement juridique d’une telle mesure temporaire de retrait à
l’égard d’une personne acceptant spontanément d’accompagner les policiers au
commissariat.
S’agissant enfin de l’absence de suites réservées aux demandes de consultation d’un
médecin et de dépôt de plainte, la Commission considère que ces abstentions ne sauraient
en l’espèce constituer des manquements à la déontologie de la sécurité. En ce qui concerne
le dépôt de plainte, M. P.J. a pu exercer ce droit dès le surlendemain des faits litigieux
directement auprès des services de l’IGS. Dès lors qu’elle est guidée par un souci
d’apaisement et de plus grande impartialité, la démarche consistant pour un OPJ à proposer
à celui qui se plaint du comportement d’un fonctionnaire de police en fonction dans un
commissariat donné de déposer plainte directement auprès de l’IGS ou du procureur de la
République n’est pas en soi condamnable.
Ne constitue pas davantage un manquement à la déontologie professionnelle le fait, pour un
chef de poste, de ne pas satisfaire sur le champ une demande d’examen médical formulée
par une personne retenue quelques minutes sur le banc des vérifications dans l’attente de
son placement éventuel en garde à vue, dès lors que l’intéressé refuse de s’expliquer sur ce
dont il souffre et que son état de santé ne paraît à l’évidence pas devoir justifier une
intervention en urgence.
En ce qui concerne les faits litigieux en date du 2 octobre 2006, les griefs du réclamant
s’articulent pour l’essentiel autour de la partialité avec laquelle les fonctionnaires de police
auraient agi dans le cadre de l’enquête de moralité précédant tout recrutement aux fonctions
de délégué du procureur.
Faute d’éléments plus tangibles et concordants, l’allégation de partialité semble relever
davantage du domaine de l’hypothèse et de la spéculation que d’indices fiables. Il semble
même, au contraire, que l’attitude de M. P.J. vis-à-vis des policiers aurait pu justifier
l’établissement d’une procédure pour outrage à agents de la force publique. En tout état de
cause, les éléments de preuve dont dispose la Commission ne lui permettent pas de relever
de manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
177
Saisine n°2006-106
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 13 octobre 2006,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13 octobre
2006, par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine, des conditions du décès par
noyade de M. V.C., après une course-poursuite avec des fonctionnaires de police, pendant la
nuit du 19 au 20 juin 2006.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure de police.
La Commission a entendu M. D.M., beau-frère de M. V.C., M. et Mme C., parents de
M. V.C., et les fonctionnaires de police MM. S.H., E.F. et O.A., poursuivants de M. V.C.
> LES FAITS
Aux environs d’1h00 du matin, le 20 juin 2006, M. V.C. et son beau-frère M. D.M., tous deux
d’origine rom et habitant un squat donnant sur le canal Saint-Denis à Aubervilliers,
siphonnaient le réservoir d’essence d’un camion, à proximité du canal.
Repérés par une patrouille de police composée du brigadier S.H. et des gardiens de la paix
E.F. et O.A., ils prenaient la fuite. M. O.A. suivait la progression des fuyards à bord d’un
véhicule sérigraphié, tandis que M. S.H. et M. E.F. les poursuivaient à pied. Après une
course de 200 à 300 mètres, voyant qu’ils seraient interpellés, M. V.C. et M. D.M. se jetaient
dans le canal, pour tenter de rejoindre leur campement situé sur l’autre berge. M. D.M. voyait
son beau-frère parcourir trois-quarts de la distance le séparant de l’autre berge.
Lors de leur audition, les trois fonctionnaires de police indiquaient à la Commission que dès
lors que les individus s’étaient jetés à l’eau, la nature de leur intervention avait changé : ils
étaient passé d’une opération d’interpellation à une mission de secours. Ils demandaient
immédiatement à leur centre d’information et de commandement de dépêcher des renforts,
la brigade fluviale et les pompiers pour porter secours à M. V.C. et à M. D.M. Ce dernier, ne
sachant pas nager, s’agrippait très rapidement au quai et était sorti de l’eau par M. S.H. et
M. E.F.
Selon M. D.M., les policiers qui l’ont sorti de l’eau l’ont allongé sur le dos, et l’un d’eux lui a
asséné un coup de poing et un coup de pied sur la poitrine. Il ne se souvenait pas avoir été
examiné par des pompiers aux abords du canal. Trempé et vêtu d’un simple tee-shirt et d’un
jean, il était emmené par un autre équipage arrivé en renfort au commissariat d’Aubervilliers,
où il était placé en garde à vue.
Selon Mme C., la mère de M. V.C., des habitants roms du squat tout proche auraient
entendu M. V.C. appeler : « Au secours, on me tue ».
Les fonctionnaires de police contestaient ces allégations : M. D.M. n’avait fait l’objet
d’aucune violence. Il avait été examiné par les pompiers arrivés sur les lieux après avoir été
178
prévenus par le centre d’information et de commandement de d’Aubervilliers. Les trois
fonctionnaires de police avaient cherché M. V.C. en vain.
L’opération initiale visant à interpeller M. V.C. et M. D.M. s’est transformée en opération de
secours dès qu’ils se sont mis en danger en sautant dans le canal.
La Commission a étudié avec attention les pièces de procédure qui lui ont été transmises,
notamment : le rapport de la brigade fluviale, le procès-verbal d’interpellation, le procèsverbal de notification des droits de la garde à vue, la main-courante du trafic radio du centre
d’information et de commandement d’Aubervilliers, tous établis le 20 juin 2006, ainsi que la
synthèse de l’enquête décès établie le 3 juillet 2006 à la demande du procureur de la
République du tribunal de grande instance de Bobigny.
L’ensemble de ces documents a permis d’établir, avec précision, la chronologie des faits qui
se sont déroulés le 20 juin 2006 :
01h20 : les trois fonctionnaires de police, à bord du véhicule sérigraphié portant l’indicatif
TV 852-24, découvraient M. V.C. et M. D.M. en train de voler du carburant. Une coursepoursuite s’engageait.
01h25 : M. D.M. était interpellé, M. V.C. avait disparu dans le canal.
01h50 : le centre d’information et de commandement (CIC) recevait un appel du véhicule
portant l’indicatif TV 852-24, indiquant qu’une personne avait été interpellée et qu’une
deuxième avait sauté dans le canal. Un officier de police judiciaire était avisé et se rendait
sur place.
01h57 : les pompiers recevaient le premier appel du CIC.
02h05 : la brigade fluviale était avisée par le CIC et se rendait sur place.
02h30 : M. D.M. arrivait au commissariat d’Aubervilliers, où il était placé en garde à vue.
Vers 2h00 du matin, M. D.M. était placé en garde à vue. Il demandait à être examiné par un
médecin. Le médecin arrivait à 12h35 et constatait l’incompatibilité de l’état de santé de
M. D.M. avec son maintien en garde à vue. Il était conduit à l’hôpital, où un deuxième
examen était pratiqué à 15h45, confirmant l’incompatibilité de la mesure avec son état de
santé. Il quittait l’hôpital vers 18h00 pour regagner ensuite son domicile.
Le 23 juin 2006, le corps de M. V.M. était retrouvé dans le canal. Il était transporté à l’institut
médico-légal, où une autopsie a été réalisée, à l’issue de laquelle le décès par noyade était
constaté.
Cette affaire fait actuellement l’objet d’une information par le juge d’instruction du tribunal de
grande instance de Bobigny.
> AVIS
Agissant en flagrant délit de vol, l’intervention des trois fonctionnaires de police était justifiée.
Il ressort de la chronologie des faits que, contrairement à ce qu’ils ont déclaré devant la
Commission, les fonctionnaires de police MM. S.H., E.F. et O.A. n’ont pas demandé au CIC
de prévenir les secours au moment où M. V.C. et M. D.M. se sont jetés dans le canal. Plus
de vingt cinq minutes se sont écoulées entre la disparition de M. V.C. et le moment où les
trois fonctionnaires ont informé le CIC de la situation. Or, les conditions dans lesquelles
M. D.M. a failli se noyer et la disparition de M. V.C. dans le canal laissaient présumer que ce
dernier était en train de se noyer. Quelles que soient les recherches entreprises par les trois
fonctionnaires de police pour retrouver M. V.C., la Commission estime qu’en ne demandant
pas immédiatement des secours, ils ont violé de l’article 8 du Code de déontologie de la
police nationale, qui indique que le fonctionnaire de police est tenu, même lorsqu’il n’est pas
en service, de porter assistance à toute personne en danger.
179
En ce qui concerne le déroulement de la garde à vue : M. D.M. conteste la notification de ses
droits. Il a cependant signé le procès-verbal de notification et n’est pas en mesure de
prouver que ses droits ne lui ont pas été notifiés.
Cependant, la Commission a constaté lors de ses investigations que M. D.M. ne parle pas
français ; celui-ci était assisté d’un interprète lors de son audition. La Commission s’interroge
dès lors sur la régularité de la notification des droits au moment du placement en garde à
vue. Le procès-verbal de garde à vue porte la mention : « Lecture et traduction faites par
nous-même », mais il n’est précisé nulle part que l’officier de police judiciaire qui a procédé à
cette notification parle le langage rromani, ni qu’un interprète était présent ou que l’OPJ a,
par tous moyens, cherché à joindre un interprète. La justice étant saisie, il n’appartient pas à
la Commission de clarifier ce point.
L’examen médical demandé par l’OPJ au commissariat d’Aubervilliers dès 3h00 n’a été
pratiqué qu’à 12h35. La Commission relève d’ailleurs que cet OPJ aurait dû faire conduire
M. D.M. à l’hôpital dès sa sortie de l’eau. En effet, le médecin l’ayant examiné à 12h35
concluait à l’incompatibilité de l’état de santé de M. D.M avec la mesure de garde à vue.
L’OPJ a ainsi violé l’article 10 du Code de déontologie de la police nationale, qui prévoit que
le fonctionnaire de police ayant la garde d'une personne dont l'état nécessite des soins
spéciaux doit faire appel au personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour
protéger la vie et la santé de cette personne.
En ce qui concerne les coups que M. D.M. aurait reçus alors qu’il était allongé sur la rive du
canal, la Commission n’a reçu aucun élément susceptible de corroborer cette allégation que
contestent les fonctionnaires de police.
> RECOMMANDATIONS
En raison des négligences constatées, la Commission transmet pour information son avis au
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny.
La Commission transmet son avis au ministre de l’Intérieur afin qu’il envisage l’opportunité
de poursuivre sur le plan disciplinaire les trois fonctionnaires de police qui n’ont pas
immédiatement appelé les secours, en violation de l’article 8 du Code de déontologie de la
police nationale, et l’OPJ qui a décidé d’emmener le rescapé au commissariat plutôt qu’à
l’hôpital, en violation de l’article 10 du Code de déontologie de la police nationale.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny.
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Saisine n°2006-107
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 octobre 2006,
par M. Jean GLAVANY, député des Hautes-Pyrénées
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 octobre
2006, par M. Jean GLAVANY, député des Hautes-Pyrénées, des conditions de l’intervention
de plusieurs fonctionnaires de police à l’occasion de l’interpellation d’une personne
suspectée de vol, le 4 octobre 2006, à proximité de la gare Saint-Lazare dans le 8ème
arrondissement de Paris.
Elle a pris connaissance de la procédure.
Elle a entendu M. J.T., témoin oculaire de la scène, et M. G.D., lieutenant de police.
> LES FAITS
Lors de son audition devant la Commission, M. J.T. décrivit une scène à laquelle il avait
assisté, le 4 octobre 2006 vers 21h30, à proximité de la gare Saint-Lazare, dans le 8ème
arrondissement de Paris. Il avait aperçu une trentaine de personnes de tous âges protestant
et prenant la défense de plusieurs jeunes qui, selon toute vraisemblance, étaient pris à parti
par quatre fonctionnaires de police alors qu’ils étaient en train de manger. Un des jeunes
était tombé à terre et avait reçu un coup asséné par un policier. Les passants protestaient
énergiquement et demandaient aux policiers les raisons de leur comportement, lorsque un
policier avait soudain sorti une bombe lacrymogène et avait aspergé la foule.
A l’arrivée de deux fourgons de police, les protestations devinrent plus véhémentes, mais les
passants n’étaient pas violents. M. D.D., un ami de M. J.T., avait perdu son sang-froid et
avait proféré des insultes à l’encontre des policiers. Il avait immédiatement été poursuivi par
des policiers, arrêté, puis placé en garde à vue.
M. G.D., lieutenant de police, donnait une autre version du déroulement de l’intervention à
laquelle il avait participé le 4 octobre 2006 vers 21h30. Alors qu’il effectuait une patrouille
avec trois autres fonctionnaires, M. G.D. apercevait M. A.H., connu pour se livrer à des vols
dans plusieurs gares parisiennes, exhiber un téléphone portable à quatre de ses amis. Dès
qu’il avait vu les policiers, M. A.H. avait dissimulé le téléphone. M. G.D. décidait de procéder
à un contrôle afin de vérifier la provenance du téléphone. Les explications confuses de
M. A.H. permirent aux policiers de confirmer leurs soupçons. Le portable ayant probablement
été volé et M. A.H. n’étant pas en mesure de présenter une pièce d’identité, les
fonctionnaires décidèrent de l’emmener au commissariat. Un de ses amis, M. M.D.,
également connu des fonctionnaires présents, s’était soudain interposé physiquement, en
s’attachant à M. A.H. Il avait ensuite invectivé la foule, encourageant les passants à filmer
les violences dont lui et son ami faisaient l’objet. M. A.H. avait alors tenté de s’enfuir. Les
policiers l’amenèrent au sol pour le menotter, mais il fut immédiatement pris de convulsions.
M. G.D., soupçonnant une simulation de crise d’épilepsie, lui avait indiqué qu’il serait
emmené à l’hôpital sur le champ, ce qui a eu pour effet de mettre fin à cette crise.
185
M. M.D., voyant que son ami était en difficulté, avait asséné un coup de coude à un policier.
Alors que certains policiers s’afféraient pour menotter M. A.H. et M. M.D., un autre policier,
M. L.D., fit usage de sa bombe lacrymogène pour empêcher leurs amis de s’approcher. Des
renforts, appelés dès le début de l’intervention arrivèrent et assistèrent les fonctionnaires
présents, afin de faciliter l’interpellation de MM. A.H. et M.D. L’ami de M. J.T., qui avait
insulté les fonctionnaires suite au jet de gaz lacrymogène, fut également interpellé.
> AVIS
M. J.T., ne connaissant pas les motifs de l’intervention des fonctionnaires de police, a été
choqué par l’usage de la force qui lui a paru disproportionné, dès lors qu’il pensait que
M. A.H. et M. M.D. mangeaient tranquillement à proximité de la gare Saint-Lazare. En réalité,
l’attitude de M. A.H., laissant présumer qu’il avait commis une infraction, justifiait le contrôle
auquel il a été soumis.
Les allégations de violence de la part de certains fonctionnaires à l’égard de M. A.H. et de
M. M.D. n’ont pas été confirmées par les éléments imprécis, et parfois incohérents, recueillis
par la Commission.
Les conditions d’intervention des quatre fonctionnaires de police étaient difficiles : alors qu’ils
tentaient d’interpeller deux individus récalcitrants, leurs compagnons invectivaient la foule qui
prenait fait et cause pour eux. Ni la foule, ni les compagnons de M. A.H. et M. M.D., bien
qu’hostiles à l’intervention policière, n’étaient virulents à l’encontre des policiers. M. D.D. est
l’unique personne présente dans la foule qui a été interpellée parce qu’elle avait proféré des
insultes à l’encontre des policiers. Dès lors, l’usage de gaz lacrymogène, arme de 6ème
catégorie, en direction de la foule, peut apparaître disproportionné.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle l’instruction du Directeur général de la police nationale du 14 juin
2004 selon laquelle :
- les gaz doivent être avant tout utilisés de manière défensive, « pour répondre à une
agression physique ou à un comportement dangereux ou menaçant » ;
- la bombe doit être utilisée « en privilégiant des jets brefs d’environ une seconde » ;
- le nombre de jets doit être « le plus limité possible » ;
- le produit incapacitant étant seulement destiné à neutraliser le ou les agresseurs, il
conviendra de prendre en compte dans son utilisation les conséquences collatérales
possibles sur d’autres personnes pouvant se trouver à proximité.
Si certaines interventions peuvent être rendues délicates par la présence d’une foule, parfois
hostile, la Commission rappelle que l’utilisation de gaz lacrymogène dans un tel contexte
peut produire les effets inverses de ceux recherchés en créant un mouvement de panique
préjudiciable à la sécurité des passants et des fonctionnaires de police.
Adopté le 26 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
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Saisine n°2006-116
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 23 octobre 2006,
par M. François LONCLE, député de l’Eure
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 octobre
2006, par M. François LONCLE, député de l’Eure, des conditions de l’enquête menée par le
lieutenant L.L. au mois de janvier 2006, concernant des faits reprochés à Mlle C.L.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu Mlle C.L., M. D.L., son père, et M. L.L., lieutenant de police
à l’époque des faits.
> LES FAITS
Dans la matinée du 10 janvier 2006, Mlle C.L. contactait le commissariat d’Elbeuf par
téléphone pour déclarer le vol de son véhicule. Elle était informée dans le même temps que
le commissariat venait de recevoir un appel selon lequel un véhicule identique était impliqué
dans un accident et que le conducteur avait pris la fuite. Elle était invitée à se rendre sur les
lieux de l’accident, puis au commissariat, où sa déposition pour le vol de son véhicule était
enregistrée. Le lieutenant L.L. procédait à l’audition des victimes de l’accident et, sur la foi de
leur témoignage, leur présentait des photos de personnes de type maghrébin dans le fichier
Canonge, en vain.
Le 12 janvier, Mlle C.L. était convoquée au commissariat pour la restitution de son véhicule.
Elle était reçue par M. X.D., brigadier chargé de la gestion des véhicules volés à l’époque
des faits. M. X.D. procédait à une nouvelle audition de Mlle C.L. afin d’obtenir des précisions
sur les circonstances du vol. Mlle C.L. estimait avoir été malmenée pendant cet
interrogatoire, durant lequel M. X.D. contestait ses déclarations, lui indiquant que son
assurance ne la rembourserait pas et qu’elle avait de mauvaises fréquentations. Ses parents
demandaient un entretien à M. X.D., qui les reçut pour leur expliquer la procédure.
Le 13 janvier, un témoin de l’accident se manifestait spontanément, prétendant connaître de
vue l’auteur de l’accident et pouvoir l’identifier. Pour des raisons personnelles, il ne se
présentait au commissariat que le 18 janvier. Ce témoin était formel : l’auteur de l’accident
était d’origine africaine. Lors de la présentation du fichier Canonge, il identifiait M. M.W.,
d’origine sénégalaise, compagnon de Mlle C.L.
Au regard de ce nouvel élément, Mlle C.L. était convoquée le 24 janvier à 9h00. Passant son
baccalauréat blanc ce même jour, elle demandait un report, et était convoquée le 30 janvier
vers 17h00. Dès son arrivée au commissariat, le lieutenant L.L. lui notifiait son placement en
garde à vue et les droits y afférant.
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Mlle C.L., lors de son audition, a déclaré ne pas avoir reçu notification de ses droits, mais
reconnu avoir signé un document sans en connaître le contenu. Elle n’a pas rencontré
d’avocat et n’a pas été examinée par un médecin.
M. D.L., père de Mlle C.L., qui était venu accompagner sa fille, demanda des informations
sur l’enquête au lieutenant L.L., qui refusa de les lui communiquer, invoquant le secret de
l’instruction.
Mlle C.L. fut fouillée par un policier du même sexe. Elle n’était porteuse d’aucun objet
dangereux, mais était en possession d’un certificat médical attestant qu’elle était enceinte,
dont l’agent a eu connaissance. Puis elle fut placée dans une cellule habituellement réservée
aux mineurs.
Le compagnon de Mlle C.L., M. M.W., était aussi placé en garde à vue, après s’être présenté
volontairement au commissariat pour demander des nouvelles de sa compagne.
Mlle C.L. a indiqué à la Commission que ses chaussures lui avaient été retirées, qu’elle
n’avait pas pu aller aux toilettes car elles étaient couvertes d’excréments, et qu’un policier
masculin se tenait devant la porte qui ne fermait pas. De la nourriture lui avait été servie. Le
matelas de sa cellule lui avait été retiré car elle avait protesté après avoir entendu des
insultes à caractère raciste proférées contre son ami, lequel était placé dans une cellule
voisine. Le lieutenant L.L. a reconnu que Mlle C.L. ait pu ressentir une gêne en se rendant
aux toilettes, mais réfuté ses autres allégations.
Mlle C.L. a été auditionnée une première fois le 31 janvier à 9h25. Lors de son audition
devant la Commission, Mlle C.L. a indiqué avoir été rudoyée et parfois insultée par le
lieutenant L.L. Ce dernier a donné une autre version, selon laquelle Mlle C.L. était désinvolte
et le tutoyait.
Vers 11h25, M. M.W. était présenté derrière une glace sans tain à la victime de l’accident,
qui ne le reconnut pas formellement. Cette dernière fit part au lieutenant L.L. d’une
conversation téléphonique qu’elle avait eue la veille avec M. D.L., qui cherchait des
renseignements sur les circonstances de l’accident impliquant le véhicule de sa fille.
Un peu plus tard, M. M.W. était présenté derrière une glace sans tain à trois autres témoins,
dont deux le reconnurent formellement et le troisième à 70 %.
A 15h10, les fonctionnaires de police L.L. et X.D. ont procédé à une nouvelle audition de
Mlle C.L., lors de laquelle ces nouveaux éléments lui furent présentés. A 16h15, M. X.D.
auditionnait M. G.L., le frère de Mlle C.L. A 16h50, Mlle C.L. faisait l’objet d’une prolongation
de garde à vue de vingt-quatre heures. Elle demandait à rencontrer un avocat.
A 17h50, le brigadier X.D. a procédé à l’audition de M. D.L., dans le but de mieux connaître
le contenu de la conversation qu’il avait eue la veille avec la victime et de savoir comment
M. D.L. s’était procuré ses coordonnées.
A 18h30, le lieutenant L.L., en compagnie de deux autres fonctionnaires de police a mené
une nouvelle audition de M. M.W. qui a signé un procès-verbal dans lequel il reconnaissait
les faits. A 18h50, Mlle C.L. a fait de même. A 19h10, M. L.L. a rendu compte au magistrat,
qui a demandé que M. M.W. soit déféré le lendemain matin pour une comparution
immédiate, et que Mlle C.L., primo-délinquante, soit libérée avec une convocation le
lendemain pour une comparution immédiate.
Mlle C.L. a été libérée à 20h00. Elle est rentrée chez elle à pied.
190
Le 1er février, suite à des menaces proférées par la mère de M. M.W. contre la victime, le
brigadier X.D., accompagné d’un autre fonctionnaire de police, s’est rendu chez la mère de
Mlle C.L. C’est alors qu’ils lui ont appris que sa fille était enceinte.
Par la suite, sur les conseils de son avocat, Mlle C.L. a refusé de se rendre aux convocations
au commissariat d’Elbeuf.
A l’audience du tribunal correctionnel de Rouen du 1er mars 2006, Mlle C.L. était condamnée
à deux mois de prison avec sursis, son compagnon M. M.W., à six mois de prison ferme. A
l’audience, Mlle C.L. revint sur ses aveux : « J’aurais signé n’importe quoi pour sortir de
garde à vue, j’avais faim, j’avais soif, je ne pouvais aller aux toilettes tellement c’était sale ».
M. M.W. indiquait avoir avoué en échange de la libération de son amie.
Mlle C.L. fit appel de ce jugement ; M. M.W., détenu à la maison d’arrêt de Rouen depuis un
mois, ne fit pas appel. Le 9 novembre 2006, la Cour d’appel de Rouen confirma la
condamnation et infirma la sanction à quarante heures de travail d’intérêt général.
> AVIS
Sur l’audition de Mlle C.L. le 12 janvier
L’audition de Mlle C.L. était justifiée dans le cadre de l’enquête de flagrance concernant le
vol de son véhicule et sa restitution.
Sur le placement en garde à vue
Le témoignage spontané, recueilli le 18 janvier 2006, identifiant l’ami de Mlle C.L. comme
étant le conducteur du véhicule impliqué dans l’accident survenu le 10 janvier, constituait
une raison plausible de soupçonner Mlle C.L. d’avoir commis le délit de dénonciation
mensongère d’un délit. Le lieutenant L.L. a agi conformément à l’article 77 du Code de
procédure pénale, en décidant de placer Mlle C.L. en garde à vue.
Sur la notification des droits
En l’absence de preuve déterminante contraire, le procès-verbal de notification et d’exercice
effectif des droits, signé par Mlle C.L. sans observation, suffit à établir la régularité du
déroulement de la garde à vue au regard des garanties accordées à la personne objet de la
mesure.
Sur le déroulement de la garde à vue
Sur le délai entre le placement en garde à vue et la première audition de Mlle C.L. :
La Commission est préoccupée par la décision du lieutenant L.L. de placer Mlle C.L. en
garde à vue le 30 janvier 2006 à 17h00 pour procéder à sa première audition le 31 janvier
2006 à 9h25, soit seize heures et vingt-cinq minutes plus tard.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation – notamment l’arrêt de la chambre criminelle
du 13 octobre 1998 –, la garde à vue a pour objet l’audition de la personne retenue. En
l’occurrence, si Mlle C.L. avait déjà été auditionnée le 12 janvier 2006, cette audition avait
pour but de recueillir sa déposition pour le vol de son véhicule. Dès lors, elle n’a été
entendue pour la première fois sur les faits qui lui était reprochés – dénonciation
mensongère d’un délit – que le 31 janvier 2006 à 9h25, après avoir été retenue seize heures
et vingt-cinq minutes.
Lors de son audition devant la Commission, M. L.L. a expliqué qu’il avait mis ce temps à
profit pour notifier les droits de Mlle C.L., aviser le parquet de la mesure, informer les parents
de Mlle C.L., convoquer les témoins pour qu’ils se présentent le lendemain. Il déclarait
191
également qu’il craignait qu’elle ne se présente pas si elle était convoquée le lendemain à
9h00, puisqu’elle avait déjà repoussé son audition initialement prévue le 24 janvier. Enfin, il a
rappelé que cette convocation avait été convenue avec l’avocat de Mlle C.L.
La Commission émet de sérieux doutes sur la pertinence de ces arguments : les avis
obligatoires au moment du placement en garde à vue conformément à l’article 77 du Code
de procédure pénale sont effectués dès le début de la mesure et ne nécessitent pas seize
heures et vingt-cinq minutes.
La présence de Mlle C.L. pour convoquer les témoins de l’accident n’était pas nécessaire, et
ce d’autant plus que ces témoins étaient convoqués pour identifier M. M.W., qui, lui, n’avait
pas été convoqué, et qui s’était présenté de lui-même au commissariat après avoir appris
que son amie était en garde à vue.
M. L.L. pouvait s’appuyer sur l’article 78 du Code de procédure pénale pour s’assurer, par la
contrainte, de la présence de Mlle C.L. à sa convocation au jour et à l’heure qu’il avait fixés.
Enfin l’argument consistant à avancer l’accord de l’avocat ne correspond pas à la réalité,
puisque ce dernier n’était pas informé que sa cliente serait placée en garde à vue.
La Commission considère qu’en décidant du placement en garde à vue de Mlle C.L., pour ne
procéder à sa première audition qu’après un délai de seize heures et vingt-cinq minutes, le
lieutenant L.L. a violé l’obligation de diligence qui lui était impartie.
Sur la fouille à nu de Mlle C.L. :
Lors de son audition, le lieutenant L.L. indiquait à la Commission ne pas connaître
l’existence de la circulaire du 11 mars 2003 du ministre de l’Intérieur, relative à la garantie de
la dignité des personnes placées en garde à vue. Il indiquait que les fouilles dites « de
sécurité » consistant en la mise à nu de la personne étaient pratiquées de manière
systématique sur toutes les personnes qu’il plaçait en garde à vue. Cette pratique est
contraire à la circulaire susvisée.
En l’espèce, aucun élément ne laissait présumer que Mlle C.L. dissimulait des objets
dangereux pour elle-même ou pour autrui : elle s’était rendue au commissariat suite à une
convocation, n’avait pas de casier judiciaire, l’infraction qui lui était reprochée n’était pas de
nature à démontrer sa dangerosité, enfin, elle était âgée de 18 ans. La fouille de sécurité de
Mlle C.L. n’était pas justifiée.
Sur les conditions de détention de Mlle C.L. :
La Commission note avec satisfaction qu’une commission d’enquête composée d’un
magistrat et de trois avocats a pu visiter les locaux de garde à vue suite à cette affaire, pour
laquelle d’autres instances que la Commission ont été saisies. Elle s’interroge sur le choix de
placer Mlle C.L. dans une cellule réservée aux mineurs, choix dont M. L.L. ne pouvait
expliquer la raison lors de son audition, mais qui pourrait être du au jeune âge de Mlle C.L.
ou au fait qu’elle était enceinte. Si certaines allégations de Mlle C.L. sont contestées par le
lieutenant L.L., celui-ci admet cependant qu’elle ait pu ressentir une gêne en allant aux
toilettes.
Sur les auditions :
Au regard du caractère contradictoire des informations concernant le déroulement des
auditions et des allégations qu’elle a recueillies (Mlle C.L. dénonçant des insultes, le
lieutenant L.L. faisant part de la désinvolture de Mlle C.L. qui le tutoyait), la Commission tient
pour établi que ces auditions se sont déroulées dans un climat de tension, sans pour autant
constater de manquement de la part du lieutenant L.L.
Au regard de la personnalité de Mlle C.L., de son statut de primo-délinquante ; de son âge
au moment des faits (18 ans) ; des seize heures et vingt-cinq minutes qu’elle a passées en
garde à vue sans avoir eu l’occasion de répondre des faits dont on l’accusait, et sans que ce
temps ait été mis à profit pour effectuer des actes nécessitant sa présence ; de la fouille à nu
dont elle a fait l’objet ; de la gravité des faits qui lui étaient reprochés ; et des conditions de
192
sa détention, la Commission estime que Mlle C.L. a été soumise à un ensemble de facteurs
pouvant s’apparenter à un traitement dégradant, entraînant une violation des articles 7 et 10
du Code de déontologie de la police nationale par le lieutenant L.L.
Sur la présentation de M. M.W. aux témoins
La Commission s’interroge sur l’impartialité d’une opération d’identification au regard de
l’article 7 du Code de déontologie de la police nationale, dès lors qu’une seule personne a
été présentée aux témoins. Une présentation multiple serait gage d’impartialité.
Sur les conditions dans lesquelles Mlle C.L. est rentrée chez elle
Au regard des nombreux contacts que les fonctionnaires de police du commissariat d’Elbeuf
ont eus avec la famille de Mlle C.L. – son frère et son père ont été auditionnés le 31 janvier,
respectivement à 16h15 et à 17h50 – ; du fait qu’elle vit chez son père qui l’avait amenée au
commissariat où il s’était présenté à plusieurs reprises, insistant pour être informé de
l’évolution de la garde à vue de sa fille et notamment de sa libération ; du fait que Mlle C.L.,
sans argent et sans téléphone portable, soit rentrée chez elle à pied, à environ quatre
kilomètres du commissariat, un 31 janvier à 20h00 ; la Commission s’étonne qu’elle n’ait pas
fait l’objet d’une plus grande attention de la part des fonctionnaires de police, par exemple,
en prévenant son père, comme celui-ci l’avait demandé.
Sur l’attitude des fonctionnaires de police à l’égard de M. D.L.
Concernant le secret de l’instruction :
Les informations demandées par M. D.L. concernant l’enquête en cours impliquant sa fille ne
pouvaient lui être transmises. L’attitude des fonctionnaires de police à l’égard de M. D.L.,
notamment de M. X.D., qui a accepté de le rencontrer le 12 janvier, de M. L.L., qui lui a
expliqué à plusieurs reprises le principe du secret de l’instruction, et de M. K., commandant
de police, qui a eu un entretien téléphonique avec lui, est conforme à la déontologie de la
sécurité.
Concernant l’audition de M. D.L. le 31 janvier 2006 :
M. D.L. a ressenti son audition par M. X.D., le 31 janvier 2006, comme une tentative
d’intimidation. Lors de son audition, M. L.L. a donné les raisons de cette audition : connaître
le contenu de la conversation qu’il avait eue la veille avec la victime de l’accident de la route,
et savoir comment il avait pu se procurer les coordonnées de cette personne.
Au regard de la déclaration de la victime de l’accident selon laquelle M. D.L. était paniqué
mais est resté convenable et n’a pas tenté de faire pression sur elle, et du fait que les
fonctionnaires de police avaient transmis les coordonnées de la victime à M. D.L. le 12
janvier pour qu’il règle avec elle les questions d’assurance, la Commission s’interroge sur
l’opportunité de l’audition de M. D.L.
Sur l’information de la grossesse de Mlle C.L.
Le 1er février 2006, deux fonctionnaires de police se sont rendus au domicile de Mme R., la
mère de Mlle C.L., pour des raisons liées à une affaire connexe. Au cours de la discussion,
ils l’ont informée que sa fille était enceinte. Il est regrettable que Mme R. ait reçu cette
information de la part de deux fonctionnaires de police.
> RECOMMANDATIONS
Au regard de la façon dont l’enquête a été menée : le premier acte d’investigation
nécessitant la présence de la personne – en l’espèce, son audition – a été exécuté seize
heures et vingt-cinq minutes après le début de la garde à vue ; une fouille de sécurité a été
réalisée au mépris de la circulaire du 11 mars 2003 ; M. M.W. a été présenté derrière une
glace sans tain, seul, alors que d’autres moyens plus impartiaux pouvaient être utilisés ;
193
Mlle C.L. est rentrée chez elle, à pied, en dépit du bon sens ; M. D.L., le père de Mlle C.L., a
été auditionné sans motif sérieux ; la Commission estime que le lieutenant L.L. a violé les
articles 7 et 10 du Code de déontologie de la police nationale. Elle transmet cet avis au
ministre de l’Intérieur, et demande l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre de
M. L.L.
La Commission rappelle que la garde à vue est une mesure dictée par les nécessités de
l’enquête. L’absence totale d’acte d’investigation, et particulièrement d’audition sur les faits
reprochés, pendant une durée excessive, ne peut être justifiée.
Conformément à l’esprit de la circulaire du 11 mars 2003 précitée, la Commission rappelle
que la fouille de sécurité ne doit pas être systématique, qu’elle doit être pratiquée de façon
concertée entre le fonctionnaire qui y procède et l’officier de police judiciaire, qui détient les
éléments pertinents pour déterminer le danger que la personne gardée à vue représente
pour les autres et pour elle-même.
La présentation des suspects derrière une glace sans tain doit faire l’objet d’une
réglementation précise. Il conviendrait notamment de privilégier la présentation multiple pour
des raisons d’impartialité.
La Commission reçoit régulièrement des témoignages de personnes se retrouvant dans un
grand dénuement, tant sur le plan psychologique que sur le plan matériel, après une garde à
vue. Dans ce cas, la Commission recommande qu’une personne vulnérable puisse alors
avoir accès aux moyens téléphoniques pour faire prévenir une personne de son choix.
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
A réception de la réponse du Directeur général de la police nationale, la CNDS a fait parvenir
au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales le courrier suivant :
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Saisine n°2006-122
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 14 novembre 2006,
par M. Daniel VAILLANT, député de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14 novembre
2006, par M. Daniel VAILLANT, député de Paris, des conditions du contrôle routier et de la
verbalisation de M. M.K., le 19 février 2006, à Saint-Ouen.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. M.K. et M. L.S, gardien de la paix.
> LES FAITS
Le dimanche 19 février 2006, vers 16h30, M. M.K., après être allé au marché aux Puces de
Saint-Ouen, empruntait l’avenue Gabriel Péri en direction du centre de Saint-Ouen, à bord
d’un véhicule de location. La circulation était dense.
M. L.S., gardien de la paix, patrouillait à bord d’un véhicule de police sérigraphié,
accompagné de deux collègues gardiens de la paix. Un véhicule les avait dépassés par la
droite et s’était collé au véhicule le précédant en faisant crisser ses pneus. M. L.S. décidait
de procéder au contrôle du conducteur du véhicule et de lui adresser une contravention pour
non-respect des distances de sécurité, en vertu de l’article R.412-12 du Code de la route. Il
actionnait ses avertisseurs sonores et lumineux.
M. M.K. s’est immédiatement garé. M. L.S. est venu à sa rencontre, a décliné son identité, lui
a expliqué les motifs de l’interpellation, et lui a demandé les documents relatifs à la conduite
d’un véhicule. M. M.K. contestait les faits qui lui étaient reprochés : la circulation étant très
dense à cet endroit, il n’avait pas le choix et roulait à allure modérée, comme les autres
conducteurs, pare-choc contre pare-choc.
M. M.K. était verbalisé et refusait de signer la contravention. Il estimait que les policiers
étaient excessifs et violents dans leur discours. Ils avaient notamment été désobligeants
avec l’amie qui accompagnait M. M.K., lorsqu’elle avait à son tour contesté la verbalisation.
Lors de son audition, M. L.S. confirmait le refus de M. M.K. de reconnaître les faits. Il ajoutait
qu’à la suite de ce refus, M. M.K. avait adopté une attitude agressive, menaçant de porter
l’affaire devant l’Inspection générale des services, et tenant des propos à la limite de
l’outrage. Devant ces propos qu’ils estimaient incohérents, les trois fonctionnaires de police
décidaient de procéder à un dépistage de l’imprégnation alcoolique, qui se révélait négatif.
M. M.K. se sentait humilié d’avoir été injustement verbalisé et soumis à un contrôle
d’alcoolémie.
200
A la suite de cette intervention, M. M.B., qui accompagnait M. L.S. au moment de
l’interpellation de M. M.K., rédigeait une main-courante constatant les difficultés qu’ils avaient
rencontrées. M. L.S. rédigeait quant à lui un rapport d’information à l’attention de l’officier du
ministère public.
> AVIS
Lors de son audition devant la Commission, M. M.K. déclarait faire régulièrement l’objet de
contrôles de la part des fonctionnaires de police. Il avait notamment été contrôlé par des
fonctionnaires qui l’avaient soupçonné d’être en train de commettre un vol alors qu’il vérifiait
l’état de son véhicule. Il avait le sentiment d’une nouvelle injustice, estimant ne pas avoir
commis d’infraction au Code de la route. Il estimait que le non-respect des distances de
sécurité est une infraction rarement sanctionnée. Il avait contesté la contravention et refusé
de la signer. Il considérait également que le contrôle d’alcoolémie était injuste et que les
policiers avaient été désagréables, sans pour autant leur reprocher des écarts de langage.
Lors de son audition, M. L.S. déclarait que l’infraction prévue par l’article R.412-12 du Code
de la route était peu courante – environ une dizaine par mois dans sa circonscription – et
qu’elle sanctionnait à juste titre une conduite dangereuse pour la personne verbalisée et
pour autrui. M. L.S. avait estimé que la conduite de M. M.K. justifiait sa verbalisation. Il avait
actionné ses avertisseurs, présenté sa qualité, informé M. M.K. des faits reprochés. Face
aux propos de M. M.K., il décidait de procéder à un dépistage d’alcoolémie, estimant que
son attitude pouvait être le fait de l’ivresse. Ce dépistage était justifié au regard de
l’article L.234-3 du Code de la route.
L’article R.412-12 du Code de la route est ainsi rédigé : « Lorsque deux véhicules se suivent,
le conducteur du second doit maintenir une distance de sécurité suffisante pour pouvoir
éviter une collision en cas de ralentissement brusque ou d'arrêt subit du véhicule qui le
précède. Cette distance est d'autant plus grande que la vitesse est plus élevée. Elle
correspond à la distance parcourue par le véhicule pendant un délai d'au moins deux
secondes. » La notion de distance de sécurité suffisante est une notion subjective, laissée à
l’appréciation du fonctionnaire de police.
La Commission a recueilli deux témoignages, faits de bonne foi, correspondant à deux
appréciations différentes du danger que la conduite de M. M.K. représentait. En l’absence
d’éléments probants contraires, la Commission ne remet pas en cause l’infraction constatée
par M. L.S.
L’intervention des trois fonctionnaires de police s’est déroulée dans le respect des règles de
déontologie de la police nationale.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
201
Saisine n°2006-128
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 29 novembre 2006,
par M. Patrick OLLIER, député des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 29 novembre
2006, par M. Patrick OLLIER, député des Hauts-de-Seine, des circonstances de la
verbalisation de M. H.K., à Paris, pour stationnement irrégulier.
Elle a pris connaissance des procès-verbaux dressés par le major R.M., ainsi que du
rapport à sa hiérarchie établi par ce dernier.
Elle a entendu M. H.K., ainsi que le major R.M.
> LES FAITS
Le dimanche 28 mai 2006, vers 20h00, M. H.K., jeune conducteur titulaire depuis moins de
deux ans d’un permis de conduire, se trouvait rue Saint-Dominique dans le 7ème
arrondissement de Paris, et venait d’introduire son véhicule sur une place de livraison, sans
mettre son clignotant, lorsqu’un véhicule de police sérigraphié, arrivé rapidement derrière lui,
se portait à sa hauteur. Le chef de patrouille, passager de ce véhicule, s’adressait à lui en lui
faisant observer l’infraction commise et il lui demandait de « refaire le tour du pâté de
maisons pour respecter ainsi les règles du Code de la route ». M. H.K. refusait d’obtempérer,
prétendant être très pressé et en retard, puis, toujours selon ses dires, il fermait sa fenêtre,
se garait définitivement et enlevait sa ceinture de sécurité. L’agent descendait du véhicule de
police, lui demandait ses papiers, puis rédigeait avec sa collègue trois contraventions, la
première pour défaut de sigle A jeune conducteur, la deuxième pour changement de
direction effectué sans avertissement préalable, la troisième pour conduite sans ceinture de
sécurité.
Contestant cette dernière infraction, M. H.K. reconnaissait devant la Commission s’être
emporté devant l’injustice dont il estimait être l’objet. Il avait de ce fait perdu la totalité de ses
points et il reconnaissait n’avoir pas réglé les amendes, malgré le rejet du recours gracieux
adressé par ses parents à la préfecture de police.
Entendu le 15 octobre 2007, le major R.M., chef de brigade au commissariat du 7ème
arrondissement au moment des faits, remettait aux membres de la Commission le rapport
qu’il avait rédigé le jour même à l’attention de sa hiérarchie, pour demander qu’aucune
tolérance ne soit accordée à ce contrevenant en raison de son comportement outrageant.
Ses déclarations, tout comme son rapport écrit, confirmaient en premier lieu qu’il avait tenté
de convaincre le conducteur d’être plus prudent et de se garer sur une place réservée à cet
effet, avant de le verbaliser en raison de son refus d’obtempérer. M. H.K. avait répondu à ce
rappel à la loi en tutoyant le fonctionnaire et en lui indiquant, en termes vulgaires, qu’il n’avait
pas de temps à perdre.
202
Le rapport rédigé par M. R.M. précisait également que, lors de la rédaction des
contraventions, M. H.K. l’avait invectivé, lui disant notamment : « Mon père connaît bien le
commissaire de Rueil-Malmaison, tu perds ton temps. Si t’étais un homme, tu enlèves ta
tenue de flic. Sarkozy vous a investi des pleins pouvoirs, tu en profites ». Puis, lors de la
remise des PV, le jeune homme avait tenté de le pousser à la faute, en tendant sa joue
gauche et en lui disant : « J’aimerais que tu m’en mettes une, après on verra ».
M. R.M. avait donc tenu à signaler ce comportement provocateur à sa hiérarchie. Son
conseil, représentant syndical, confirmait qu’il s’agissait d’une pratique fréquemment utilisée
comme réponse intermédiaire à un ou plusieurs outrages, lorsque ceux-ci ne faisaient pas
l’objet d’un procès-verbal, pour éviter de donner de l’importance à des attitudes
comportementales malheureusement fréquentes.
Répondant à la question posée par les rapporteurs, le major R.M. précisait avoir vu M. H.K.
conduire son véhicule sans ceinture de sécurité dès qu’il s’était porté à sa hauteur en
voiture. Il ajoutait que celui-ci avait ensuite quitté les lieux en démarrant en trombe et
toujours sans ceinture de sécurité.
> AVIS
Si les deux versions présentées par MM. H.K. et R.M. sont contradictoires en ce qui
concerne le port de la ceinture de sécurité par M. H.K., rien ne permet à la Commission de
mettre en doute la valeur probante des trois procès-verbaux dressés.
Les déclarations de M. H.K. confirment que le major R.M. a tenté de rappeler le conducteur à
un comportement plus respectueux des règles de la route. Ce n’est que devant l’attitude
désinvolte et injurieuse du conducteur que le fonctionnaire s’est résolu à verbaliser le
contrevenant. Il n’a pas non plus relevé le délit d’outrage, alors que l’attitude provocante du
jeune homme, décrite dans un rapport détaillé rédigé le jour même et non pour répondre à
un recours hiérarchique, pouvait justifier une interpellation, une conduite au commissariat et
une garde à vue pour outrage à agent de la force publique. Tout démontre donc que le major
R.M. a fait preuve de professionnalisme et d’une réelle maîtrise de soi.
La Commission ne relève aucun manquement à la déontologie des forces de sécurité.
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
203
Saisine n°2006-138
AVIS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 20 décembre 2006,
par M. Claude GOASGUEN, député de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 20 décembre
2006, par M. Claude GOASGUEN, député de Paris, des conditions de l’interpellation et du
placement en garde à vue de M. B.L., le 30 janvier 2006, par fonctionnaires de police du
commissariat du 16ème arrondissement de Paris.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure concernant l’outrage
et le refus de se soumettre aux vérifications dont se serait rendu coupable le réclamant.
En même temps qu’elle a entendu M. B.L., la Commission n’a pas jugé opportun
d’auditionner les fonctionnaires de police à l’origine de l’interpellation, compte tenu des
pièces de la procédure figurant au dossier.
> LES FAITS
Le 30 janvier 2006, vers 17h00, M. B.L. stationne son véhicule de marque Jaguar à l’angle
des rues Lafontaine et Mozart dans le 16ème arrondissement de Paris, devant une agence
bancaire, afin d’y déposer rapidement un chèque pour l’entreprise qu’il dirige.
Au moment de descendre de son véhicule, M. B.L. aperçoit une patrouille pédestre de
police, composée de trois gardiens de la paix en mission de sécurisation. Il leur demande
alors l’autorisation de laisser son véhicule à cet endroit gênant quelques instants.
Tout en opposant un refus, les policiers ordonnent à l’automobiliste de déplacer son véhicule
sans délai, sous peine de verbalisation. Pour toute réponse, M. B.L. leur rétorque qu’ils
auraient sans doute mieux à faire ailleurs : « Vous devriez aller à Sarcelles, il y a du boulot
là-bas, parce que les gens d’ici en ont marre de se faire gratter alors que ce sont nos impôts
qui vous payent ».
Compte tenu de la réaction pour le moins emportée et irrespectueuse de M. B.L., les
fonctionnaires de police prennent l’initiative d’effectuer le contrôle des pièces afférentes à la
conduite et à la circulation du véhicule. N’ayant pas ses papiers sur lui, M. B.L. regagne
l’intérieur de son véhicule.
Les instants qui suivent sont plus confus : pour les fonctionnaires de police, l’automobiliste
aurait, avant de se raviser, fermé son véhicule de l’intérieur, en déclarant qu’il ne
présenterait aucun papier. M. B.L. déclare pour sa part s’être enfermé par réflexe et avoir
actionné la clé de contact, afin de présenter ses papiers par la vitre baissée.
En tout état de cause, une fois sorti de son véhicule, M. B.L. est interpellé et menotté, eu
égard à son attitude agressive et à son refus de la palpation de sécurité. Après l’arrivée d’un
véhicule de renfort, M. B.L. est conduit au commissariat du 16ème arrondissement, présenté à
un officier de police judiciaire, et placé en garde à vue pour outrage et refus de se soumettre
204
aux vérifications. M. B.L. a été soumis à une fouille de sécurité, sans toutefois être
déshabillé.
A la demande du parquet, il est mis fin à cette mesure un peu plus de deux heures après son
commencement, à charge pour l’officier de police judiciaire de procéder à un rappel à la loi à
l’encontre de M. B.L.
> AVIS
Dans son courrier transmis au parlementaire auteur de la saisine comme lors de son
audition, M. B.L. critique les conditions de son interpellation et juge disproportionné son
placement en garde à vue.
A la lumière des pièces de la procédure qu’elle a examinées, la Commission estime pour sa
part que l’opération de police ne fait apparaître aucun manquement à la déontologie de la
sécurité.
Compte tenu de l’attitude et des propos tenus par M. B.L., les gardiens de la paix composant
la patrouille de sécurisation étaient parfaitement en droit d’interpeller l’intéressé, en vertu des
prérogatives dont ils disposent dans le cadre de la procédure du flagrant délit (art. 73
C.proc.pén.).
Le menottage auquel M. B.L. a été soumis se justifie par l’état de forte agitation de la
personne interpellée et son refus de se prêter à une palpation de sécurité.
Enfin, conformément à la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de
cassation – régulièrement rappelée par notre Commission –, toute audition policière faisant
suite à l’usage de la coercition doit nécessairement prendre place dans le cadre protecteur
d’une mesure de garde à vue. Partant, loin d’être inopportun et disproportionné, le placement
en garde à vue s’imposait à l’officier de police judiciaire. La brièveté de la mesure prouve, en
outre, que cette dernière n’a rien de vexatoire et qu’elle se justifie simplement par l’audition
des différents protagonistes (gardiens de la paix et personne interpellée).
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
205
Saisine n°2007-2
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 9 janvier 2007,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 9 janvier 2007,
par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine, suite à l’intervention de
fonctionnaires de police du commissariat local dans la salle des audiences correctionnelles
du tribunal de grande instance de Pontoise (95), afin de menotter MM. H.B. et H.G., prévenus
de vol avec violences. Le président de la juridiction avait décidé à leur bénéfice d’une mesure
de liberté jusqu’au prononcé du jugement, qui devait intervenir dans la soirée. Un transport à
la maison d’arrêt locale s’imposait donc pour procéder à la levée d’écrou.
L’adjoint de sécurité (ADS) D.M. et la gardienne de la paix S.E. se trouvaient
contraints d’employer la force, ce qui conduisait ultérieurement à l’établissement d’une
procédure pour coups et violences volontaires sur agent de la force publique, outrages et
rébellion.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu MM. H.B. et H.G., ainsi que l’ADS D.M. et la gardienne de
la paix SE et le brigadier P.M.
> LES FAITS
Le 11 décembre 2006, MM. H.G. et H.B. comparaissaient devant le tribunal correctionnel de
Pontoise, pour des faits de vol avec violences. Constatant une erreur de procédure, la
juridiction ordonnait la mise en liberté immédiate des intéressés, qui étaient détenus à la
maison d’arrêt locale depuis leur arrestation.
La mesure de mise en liberté prononcée n’était que provisoire jusqu’au jugement qui devait
intervenir quelques heures plus tard. MM. H.G. et H.B. devaient donc être reconduits à la
maison d’arrêt, afin de procéder aux formalités de levée d’écrou qui s’imposaient.
Alors que M. H.G., selon M. H.B., s’entretenait avec son défenseur, l’ADS D.M. s’approchait
de lui afin de le menotter. La demande de patienter formulée par l’avocat avait pour effet,
toujours selon M. H.B., d’énerver le fonctionnaire de police, qui se précipitait sur M. H.G. et
l’amenait au sol en arrière pour le menotter, après lui avoir appliqué le pied sur la jambe.
La gardienne de la paix S.E., toujours selon M. H.B., se précipitait sur lui. M. D.M., arrivé en
renfort, lui aurait donné plusieurs coups de poing avant de le menotter à son tour.
Toujours selon M. H.B., le troisième fonctionnaire de police (le brigadier P.M., responsable
du groupe) « hochait simplement la tête, désapprouvant l’attitude de ses deux collègues ».
Conduits à la maison d’arrêt par un autre équipage qui leur aurait fait subir des violences au
cours du transport, MM. H.G. et H.B. étaient ensuite conduits au commissariat, où ils étaient
placés en garde à vue.
206
Selon M. H.B., le médecin qui l’a examiné au cours de la prolongation de garde à vue a
constaté la présence d’ecchymoses.
M. H.G. a pour sa part confirmé les déclarations de son ami M. H.B.
Tous deux ont été condamnés à deux mois d’emprisonnement pour ces faits.
L’audition des fonctionnaires de police a confirmé que M. H.B., et surtout M. H.G., ont
effectivement résisté dans un premier temps au menottage. Après que M. H.G. a été
« neutralisé », M. D.M. s’est porté au secours de sa collègue, que M. H.B. « rouait de
coups ». Il ne réussissait à le menotter qu’après lui avoir « porté un coup avec la paume de
la main sur le visage et lui [avoir] remonté son pull-over sur la tête ».
La gardienne de la paix S.E. a été sérieusement blessée au cours de cet affrontement.
Le brigadier P.M., responsable du dispositif, n’a pu être entendu que le 13 mars 2007. Il a
estimé que M. D.M. et Mme S.E. avaient agi « en toute légalité, en application d’une note de
service ».
Ignorant en fait si une note de service existait, M. P.M. précisait que le menottage est
pratiqué « même si les personnes sont libérées par le tribunal, dans la mesure où elles
doivent être ramenées à la maison d’arrêt, en vue des formalités de levée d’écrou ».
> AVIS
La pratique invoquée par le brigadier P.M. consistant à menotter « une personne libérée,
même si elle devait être ramenée à la maison d’arrêt » en vue de la levée d’écrou est
condamnable et ne saurait être tolérée. Cette pratique est contraire aux dispositions de
l’article 803 du code de procédure pénale.
> RECOMMANDATIONS
La CNDS recommande une application stricte des dispositions des articles 803 et D. 283-4
du Code de procédure pénale.
Adopté le 2 mai 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, et au garde des Sceaux, ministre de la
Justice, dont les réponses ont été les suivantes :
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208
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211
212
Saisine n°2007-3
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 janvier 2007,
par M. André GERIN, député du Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 janvier 2007,
par M. André GERIN, député du Rhône, des conditions de l’interpellation de M. M.E.K. le 16
janvier 2006 au Parc Miribel Jonage à Vaulx-enVelin.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. M.E.K., Mlle A-C.B., sa compagne, et les fonctionnaires
de police MM. R.C., A.B. et Y.P.
> LES FAITS
Le 16 janvier 2006, vers 21h00, M. M.E.K. et sa compagne, Mlle A-C.B. se rendaient au parc
Miribel-Jonage sur la commune de Vaulx-en-Velin. Pendant la soirée, ils avaient été éblouis
à plusieurs reprises par les phares des véhicules qui passaient devant eux sans s’arrêter.
MM. R.C., A.B. et Y.P., fonctionnaires de police en patrouille dans un véhicule sérigraphié,
circulaient dans le parc, lieu de trafics en tout genre. Ils marquèrent un temps d’arrêt devant
le véhicule de M. M.E.K. et actionnèrent leurs feux de route pour en identifier les occupants.
M. M.E.K., excédé par ce désagrément prolongé, adressait un geste obscène, avec son
majeur, aux occupants du véhicule. MM. R.C., A.B. et Y.P. décidaient de procéder au
contrôle de la personne qui venait de leur adresser ce geste insultant. Selon toute
vraisemblance, le contraste entre l’obscurité et la puissance des phares rendait
l’identification du véhicule de police difficile ; les policiers avaient décidé de sermonner
M. M.E.K. et de lui indiquer que son geste n’était pas opportun et pouvait lui créer des
problèmes.
Après avoir éteint les feux de leur véhicule, les trois fonctionnaires de police en sortaient.
M. R.C. s’approchait du véhicule pendant que M. A.B., équipé d’un flash-ball, et M. Y.P.
restaient en retrait, en protection.
Des contradictions sont apparues, lors des auditions, entre la version de M. M.E.K. et Mlle AC.B. et la version des trois fonctionnaires de police MM. R.C., A.B. et Y.P.
Selon M. M.E.K. et Mlle A-C.B.
Dès que M. M.E.K. a vu les policiers sortir de leur véhicule, il a ouvert sa portière et s’est
excusé. M. R.C. n’a pas accepté ses excuses et lui a demandé les raisons de son geste. Il
lui a demandé ensuite ses papiers et l’a menacé de le soumettre à tous les contrôles
possibles. M. M.E.K. a sorti ses papiers et les a étalés sur le capot de son véhicule. Mlle AC.B. a entendu un échange de mots entre son ami et M. R.C. Inquiète de la tournure que
prenaient les évènements, elle est sortie du véhicule. M. R.C. lui a demandé ses papiers
213
mais elle ne les avait pas. M. R.C. a ensuite dit à M. M.E.K. qu’ils allaient s’expliquer un peu
plus loin entre hommes, puis a sorti son bâton de défense, dit « tonfa ». Mlle A-C.B. a
agrippé son ami pour s’interposer. M. R.C. lui a demandé de retourner dans son véhicule,
puis a porté un coup de tonfa à M. M.E.K. au niveau de la nuque. Les deux autres policiers
observaient la scène sans intervenir. Mlle A-C.B., effrayée, s’était reculée. M. M.E.K. se
tenait la nuque en demandant à M. R.C. les raisons de son geste. Malgré ses protestations,
le policier lui a porté un deuxième coup à l’abdomen. M. M.E.K. est alors tombé à terre. Les
deux autres policiers sont arrivés, l’ont relevé et mis dans la voiture. M. R.C. a dit à Mlle AC.B. qu’il allait lui montrer qu’il ne fallait pas lui manquer de respect. L’intervention avait duré
environ quinze minutes.
Selon MM. R.C., A.B. et Y.P.
M. M.E.K. était rapidement sorti de son véhicule dès qu’il les avait vus et avait insulté
M. R.C. Ce dernier décidait de relever l’outrage et de procéder à l’arrestation de M. M.E.K..
M. R.C. lui a demandé de mettre les mains sur le capot, mais celui-ci a refusé et repoussé
M. R.C. Une rapide altercation s’en est suivie, pendant laquelle M. M.E.K. a tenté de mettre
un coup de tête à M. R.C. qui a sorti son tonfa et porté deux coups rapides – dans un geste
dit « fouetté » – l’un à l’abdomen, et l’autre à la base du cou. M. M.E.K. s’est immédiatement
calmé et a été menotté, sans qu’il ait été nécessaire de le mettre à terre. M. R.C. a pris les
documents d’identité de M. M.E.K. Pendant toute l’intervention, la compagne de M. M.E.K.
est restée dans le véhicule. Elle en est finalement sortie en pleurs. L’intervention avait duré
environ trois minutes.
M. M.E.K. a été ensuite emmené dans le véhicule de police. M. R.C. a demandé à Mlle AC.B. son permis de conduire qu’elle n’avait pas. Mlle A-C.B. l’a informé que personne ne
pouvait venir la chercher, ce à quoi M. R.C. a répondu qu’elle pouvait rentrer à pied. M. A.B.
et M. Y.P., estimant que le parc n’était pas un lieu sûr, sont intervenus en faveur de Mlle AC.B., qui a été finalement ramenée à Villeurbanne.
M. M.E.K. a ensuite été placé en garde à vue au commissariat de Villeurbanne, puis
transféré au commissariat de Vaulx-en-Velin, où il a été auditionné le 17 janvier 2006 de
9h43 à 10h07. Il a indiqué à l’officier de police judiciaire qu’il souhaitait porter plainte pour
l’agression dont il avait été victime la veille.
Sur la base des déclarations de M. M.E.K., Mlle A-C.B. a été convoquée au commissariat de
Vaulx-en-Velin, à 11h30. Elle a confirmé les propos de son ami selon lesquels il avait été
frappé à coup de matraque, alors qu’il n’opposait aucune résistance aux policiers.
Le 19 avril 2006, le procureur de la République de Lyon classait sans suite la procédure
mettant en cause M. M.E.K. pour outrages et rébellion, au motif que l’infraction qui lui était
reprochée était insuffisamment caractérisée.
Il ressort des investigations de la Commission que M. R.C. avait interpellé M. M.E.K. par
erreur deux ans auparavant, et s’en était excusé à l’époque. Lors de son audition, il a
cependant nié avoir reconnu M. M.E.K. au moment de cette nouvelle interpellation.
> AVIS
Concernant le motif de l’intervention
M. M.E.K. ayant adressé un geste obscène aux fonctionnaires de police, son contrôle était
justifié.
Concernant l’utilisation du bâton « tonfa »
Sur l’opportunité d’utiliser un tonfa
214
Selon M. M.E.K. et Mlle A-C.B. ; M. M.E.K. avait une attitude passive, voire apeurée. Il a
reçu un premier coup de tonfa au niveau du cou. Comme il refusait de suivre M. R.C. qui
voulait l’emmener à l’écart, il a reçu un deuxième coup à l’abdomen. Le certificat médical
produit par M. M.E.K., établi au moment du placement en garde à vue, fait état d’une
« dermabrasion linéaire sous mammaire droite de 3 cm et d’une zone tuméfiée de 3 cm de
diamètre paravertébrale droite en regard des cervicales n°6 et n°7 », ce qui corrobore le
nombre de coups portés et le siège des blessures.
Il ressort des témoignages des trois fonctionnaires que M. M.E.K. a refusé d’être interpellé,
s’est débattu, qu’il a peut-être tenté de mettre un coup de tête à M. R.C. – selon son seul
témoignage –. Il convenait donc de le maîtriser.
Quelle que soit la version retenue, la situation générale n’était pas dangereuse – selon les
dires des fonctionnaires, ils ne se sont préoccupés à aucun moment de Mlle A-C.B., qui était
effrayée, en pleurs dans le véhicule, et qui n’a posé aucun problème pendant toute
l’intervention – ; les fonctionnaires de police étaient trois ; M. A.B. et M. Y.P. ne sont
intervenus à aucun moment pendant l’altercation qui se déroulait entre M. M.E.K. et M. R.C. ;
M. M.E.K., qui a été palpé, n’était porteur d’aucun objet dangereux ; la Commission estime
donc que l’usage du tonfa, alors que M. M.E.K. aurait pu être maîtrisé par les trois
fonctionnaires à l’aide des gestes techniques professionnels d’intervention, n’était pas
nécessaire.
Sur la façon dont le tonfa a été utilisé
Selon les trois fonctionnaires de police, M. R.C. avait utilisé son bâton dans un geste de
défense en effectuant un « fouetté », version qu’il avait déjà présentée dans son procèsverbal d’interpellation dès son retour au commissariat. Interrogé sur la nécessité de porter
deux coups, M. R.C. mimait le geste du « fouetté », expliquant qu’il consistait, dans un
même mouvement, à sortir son tonfa de sa ceinture, à donner un coup, puis son revers.
Or le certificat médical produit par M. M.E.K., établi au moment du placement en garde à
vue, fait état de traces de coups du même côté : « Une dermabrasion linéaire sous
mammaire droite de 3 cm et d’une zone tuméfiée de 3 cm de diamètre paravertébrale droite
en regard des cervicales n°6 et n°7 ».
La Commission émet de sérieux doutes sur l’hypothèse selon laquelle des coups portés en
fouetté, dans un seul mouvement, aient pu occasionner des blessures du même côté. Il lui
paraît plus vraisemblable que ces deux blessures sont le résultat de deux coups portés du
même côté, l’un après l’autre.
Sur le siège des blessures
Le tonfa a atteint M. M.E.K. à la base du cou, zone qu’il est interdit de viser, car les
conséquences peuvent être très graves. M. R.C. a expliqué qu’il avait visé l’épaule de
M. M.E.K., mais que celui-ci., tentant d’esquiver, avait été atteint au cou.
Au regard de la taille de M. M.E.K., plus grand d’environ 20 cm que M. R.C. ; de la proximité
prétendue de M. M.E.K. qui justifiait, selon M. R.C., l’usage du tonfa ; de la rapidité
d’exécution d’un coup porté en « fouetté » ; et du siège de la blessure – la base du cou –, la
version des trois fonctionnaires paraît peu crédible, à moins que M. M.E.K. se soit penché
dans la direction du tonfa pour l’esquiver.
La Commission estime que M. R.C. a fait un usage disproportionné de son arme, ce qui
constitue une violation de l’article 9 du Code de déontologie de la police nationale.
Au regard des témoignages des fonctionnaires de police concernant le déroulement précis
de l’altercation entre M. R.C. et M. M.E.K. ; de leur attitude respective au cours de
l’interpellation ; de la convergence de leurs déclarations sur la façon dont M. R.C. a utilisé
son tonfa, incompatible avec le certificat médical faisant état du siège des blessures ; de
215
l’attitude de M. R.C. à l’égard de Mlle A-C.B. ; du choix des trois fonctionnaires de ne pas
emmener Mlle A-C.B. au commissariat pour recueillir son témoignage et pour vérifier son
identité alors qu’elle n’était porteuse d’aucun document ; la Commission privilégie la version
présentée par Mlle A-C.B. : elle n’a posé aucun problème durant toute l’intervention.
Convoquée à la demande du commissariat de Vaulx-en-Velin, elle a fait une description
cohérente des faits dès le lendemain matin, malgré son état de choc qui a justifié la
rédaction d’un procès-verbal de renseignement de la part d’un fonctionnaire de police
présent lors de son audition. Ses déclarations ont été recueillies alors que son ami était
toujours en garde à vue et avait fait des déclarations concordantes sur les coups portés et
l’attitude des trois fonctionnaires et alors qu’elle n’avait pas connaissance d’un certificat
médical. Enfin, Mlle A-C.B. n’est pas connue des services de police et n’a jamais eu affaire à
la justice.
Au regard des pièces de procédure et des témoignages qu’elle a recueillis, la Commission
est convaincue que les faits se sont produits comme décrits par Mlle A-C.B. et M. M.E.K. :
M. R.C. a commis un manquement grave aux articles 7, 9 et 10 du Code de déontologie de
la police nationale. Du fait qu’ils ne sont pas intervenu et qu’ils n’ont pas dénoncé les faits,
MM. Y.P. et A.B. ont, par leur passivité, manqué à la déontologie.
Concernant le transport de Mlle A-C.B.
Aucun texte n’oblige les fonctionnaires de police à transporter des personnes jusqu’à leur
domicile. Cependant, ils ont agi conformément aux articles 8 et 10 du Code de déontologie
de la police nationale en emmenant Mlle A-C.B., qui courait un risque pour sa sécurité dans
un parc connu pour ses trafics en tous genres, à une heure tardive (il était environ 22h00),
sans possibilité de faire prévenir un proche.
M. R.C. a reconnu lors de son audition que son attitude initiale était déplacée.
> RECOMMANDATIONS
La Commission transmet son avis au procureur de la République du tribunal de grande
instance de Lyon, et demande, sur la base de l’article 222-13 du Code pénal – violences
volontaires –, l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de M. R.C.
La Commission transmet cet avis au ministre de l’Intérieur, et demande l’engagement de
poursuites disciplinaires à l’encontre de M. R.C. sur le fondement des articles 7, 9 et 10 du
Code de déontologie de la police nationale.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
216
217
218
219
Saisine n°2007-4
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 janvier 2007,
par M. Patrick BRAOUEZEC, député de Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 janvier 2007,
par M. Patrick BRAOUEZEC, député de Seine Saint-Denis, des faits qui se sont déroulés le 5
janvier 2007, lors de l’intervention de fonctionnaires de police sur le campement dit du
« Hanul » à Saint-Denis, habité par des personnes de nationalité roumaine d’origine rom.
La Commission a pris connaissance de la procédure judiciaire et s’est rendue au
campement du « Hanul » à Saint-Denis.
La Commission a entendu Mme F.C., M. S.I., et M. P.N., habitants du campement du
« Hanul », M. A.M. et M. B.M., membres de deux associations intervenant dans le
campement, et M. J-F.G., commissaire divisionnaire, directeur du service départemental de la
police judiciaire.
> LES FAITS
Le vendredi 5 janvier 2007, vers 4h00, le service départemental de police judiciaire (SDPJ)
de Seine Saint-Denis était saisi par le parquet de Bobigny d’une enquête concernant un
enlèvement et séquestration commis avec violences. Une personne avait porté plainte, vers
0h00, indiquant que son ami avait été frappé puis enfermé dans le coffre d’une voiture située
à l’entrée du campement dit du « Hanul » à Saint-Denis, habité par des personnes de
nationalité roumaine d’origine rom. Après présentation du fichier Canonge, la plaignante n’a
pas reconnu les auteurs de l’enlèvement.
Dans la nuit, une équipe de fonctionnaires de la police judiciaire s’était rendue discrètement
dans le camp et avait repéré le véhicule. A la demande de M. J-F.G., commissaire
divisionnaire, directeur du SDPJ, vingt-cinq policiers du SDPJ, deux policiers du service
départemental de l’identité judiciaire et quatre ou cinq équipages (soit une quinzaine de
personnes) de la sécurité publique, étaient mobilisés, soit un total d’environ quarante à
quarante-cinq fonctionnaires de police, en vue d’une opération ayant pour but de libérer la
personne enlevée et d’interpeller ses agresseurs.
Tous les fonctionnaires ont reçu à cet effet des instructions précises et une fiche descriptive
concernant la victime et les auteurs présumés de l’enlèvement. Ils avaient également reçu
des consignes relatives au mode opératoire. Séparés en deux groupes, ils pénétraient
simultanément dans le camp par les deux entrées, vers 10h15, sous la direction du
commissaire divisionnaire M. J-F.G.
Dans le but de porter secours à une personne que l’on pouvait vraisemblablement supposer
être en danger, les fonctionnaires de police procédaient à une fouille générale des
caravanes et cabanons, dont ils fracturaient les portes lorsqu’ils n’obtenaient aucune
220
réponse à leurs sollicitations. Selon les requérants, des chaînes étaient cisaillées, des
cadenas cassés et des vitres brisées.
Les résidents étaient extraits de leur domicile et rassemblés en un même lieu à l’intérieur du
camp. Malgré la date hivernale de l’opération – le 5 janvier –, certains étaient toujours en
pyjama, parfois pieds nus, selon les habitants. Les identités étaient sommairement relevées
et ceux qui correspondaient au signalement des auteurs de l’enlèvement étaient
photographiés par les fonctionnaires de l’identité judiciaire.
Une personne qui avait été identifiée par des policiers locaux était interpellée. Après une
perquisition de sa caravane, il avait été placé en garde à vue.
En l’absence d’interprète et d’explications, les résidents ne comprenaient pas les raisons de
cette opération. Ils firent part à la Commission de dégradations qu’ils avaient constatées à
l’intérieur de leur logement. Les habitants précisèrent qu’ils avaient été maintenus au sol
durant toute l’opération et ajoutèrent qu’un policier avait mis son pied sur la tête d’un
habitant, alors qu’un collègue le prenait en photo avec un téléphone portable. M. J-F.G. niait
fermement ses allégations.
Au cours des perquisitions, une saisie incidente fut réalisée : une arme – un fusil à canon
scié – avait été découverte.
Après que la victime présumée se fut présentée le jour même au commissariat, la procédure
était classée sans suite par le parquet de Bobigny.
> AVIS
Concernant les modalités d’intervention des forces de police
Il ressort des témoignages recueillis par la Commission et des photos prises le 6 janvier
2007 que plusieurs caravanes ont été éventrées, des vitres brisées et des portes défoncées,
au cours de l’intervention.
En raison de la nature de l’infraction dénoncée – enlèvement avec violences et
séquestration – laissant présumer que la vie d’une personne était en danger, l’intervention
policière était préparée dans l’urgence, sans qu’il soit possible d’identifier avec précision le
lieu où la personne enlevée pouvait être séquestrée.
On peut raisonnablement s’interroger sur les modalités d’une opération qui a consisté à
regrouper tous les habitants en un seul lieu, plutôt que de figer la situation sur chacune des
caravanes.
Les modalités de l’intervention des forces de police, si elles ont eu pour effet de porter
atteinte à la dignité des habitants du campement du « Hanul », n’ont pas été dictées par la
volonté de les humilier, mais par le souci d’assurer la sécurité de chacun dans un contexte
particulier lié à la nature de l’infraction, en raison de l’insuffisance du nombre de
fonctionnaires intervenants au regard du nombre d’habitants.
La Commission regrette cependant qu’au moment de l’intervention, l’autorité de police
responsable ne se soit pas assurée de la présence d’un interprète l’assistant pour engager
un dialogue avec les habitants. Il est également regrettable qu’aucune démarche n’ait été
effectuée, à l’issue de l’enquête, pour expliquer aux habitants les raisons de l’intervention du
5 janvier 2007 et envisager, éventuellement, une réparation des dommages matériels et
personnels causés.
Concernant les perquisitions et visites domiciliaires
221
L’enlèvement et la séquestration dénoncés aux services de police sont des faits criminels
réprimés par l’article 224-1 du Code pénal.
Ces faits venaient de se commettre lorsqu’ils ont été dénoncés, ce qui justifiait l’ouverture
d’une enquête de flagrance, conformément à l’article 53 du Code de procédure pénale.
Dans le cadre de l’enquête de flagrance, l’article 56 du Code de procédure prévoit que
l'officier de police judiciaire se transporte au domicile des personnes qui paraissent avoir
participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés,
pour y procéder à une perquisition dont il dresse procès-verbal. En l’espèce, la police
judiciaire disposait d’informations permettant de présumer que la personne susceptible
d’avoir été enlevée pouvait être retenue dans le campement du « Hanul ». Au regard de la
difficulté d’obtenir des d’informations plus précises, de l’urgence de la situation – une
personne enlevée avec violences et séquestrée en danger – et de la disposition des lieux,
les perquisitions ou visites domiciliaires des caravanes et cabanons composant le
campement étaient justifiées.
L’article 57 du Code de procédure pénale précise les mesures à respecter lors du
déroulement des perquisitions et visites domiciliaires : « Elles sont faites en présence de la
personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu. En cas d'impossibilité, l'officier de
police judiciaire aura l'obligation de l'inviter à désigner un représentant de son choix ; à
défaut, l'officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors
des personnes relevant de son autorité administrative. Le procès-verbal de ces opérations,
dressé ainsi qu'il est dit à l'article 66, est signé par les personnes visées au présent article ;
au cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal. »
Dès leur arrivée dans le campement du « Hanul », les fonctionnaires de police ont fait sortir
les trente-huit habitants présents et les ont réunis sur une place, procédaient ensuite à une
visite de tous les domiciles vides, sans s’être assurés de la présence du propriétaire ou de
deux témoins. En dehors de la perquisition effectuée au domicile de la personne interpellée,
en sa présence, et pour laquelle un procès-verbal fut rédigé, aucun autre procès-verbal
faisant mention des fouilles effectuées ne fut rédigé.
Les visites des caravanes et cabanons du campement ont été réalisées en violation des
dispositions des articles 56 et 57 du Code de procédure pénale. Ces dispositions n’ont été
respectées qu’en ce qui concerne la perquisition du véhicule et du domicile du seul suspect
placé en garde à vue.
Cette situation est d’autant plus regrettable, que l’absence de témoins pendant les visites et
l’absence de procès-verbal à l’issue des visites, ne permet pas d’infirmer ou de confirmer les
allégations des habitants selon lesquelles l’intérieur de leur logement aurait été dégradé :
denrées renversées au sol, effets personnels éparpillés, etc., allégations que M. J-F.G.
contestait vivement lors de son audition.
> RECOMMANDATIONS
Dès lors qu’elles ne respectent pas les dispositions prévues aux articles 56 et suivants du
Code de procédure pénale dans le cadre d’une enquête de flagrance et les articles 76 et
suivants dans le cadre d’une enquête préliminaire, les perquisitions et visites domiciliaires
effectuées dans tous locaux assimilables à des domiciles, notamment des caravanes,
constituent des atteintes au principe d’inviolabilité du domicile, et par conséquent porte
atteinte à la dignité de la personne qui en fait l’objet. En outre, ces interventions ont entraîné
des dommages matériels appelant réparation.
222
L’inviolabilité du domicile est un principe constitutionnel consacré, notamment, par la
décision du Conseil Constitutionnel du 13 mars 2003 concernant la loi sur la sécurité
intérieure. Dans la même décision, le Conseil Constitutionnel précisait que « la visite des
véhicules spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme
résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et
visites domiciliaires ».
L’autorité judiciaire étant garante des libertés individuelles, la Commission transmet cet avis
au procureur général près la Cour d’appel de Paris, compétent en matière de discipline des
officiers de police judiciaire.
La Commission recommande, dans de telles circonstances, l’instauration d’un dialogue, avec
l’assistance d’un interprète ou de toute autre personne, entre les forces de l’ordre et les
personnes faisant l’objet d’actes d’investigation.
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
Conformément à l’article 9 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
procureur général près la cour d’appel de Paris, dont la réponse a été la suivante :
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Saisine n°2007-5
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 15 janvier 2007,
par Mme Claire-Lise CAMPION, sénatrice de l’Essonne
et le 27 juillet 2007,
par M. Louis SCHWEITZER, président de la HALDE
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 15 janvier 2007,
par Mme Claire-Lise CAMPION, sénatrice de l’Essonne, et le 27 juillet 2007, par M. Louis
SCHWEITZER, président de la HALDE, des conditions de l’interpellation de M. H.T. pour
port d’un couteau, et de sa garde à vue au commissariat d’Etampes le 18 décembre 2006.
La Commission a examiné les pièces de la procédure.
La Commission a entendu M. H.T. et les fonctionnaires de police : M. P.F., brigadierchef, M E.F. et Mme S.L., gardiens de la paix.
> LES FAITS
Le 18 décembre 2006, dans la soirée, M. H.T., originaire de Guadeloupe, était chez lui dans
le nord d’Etampes en compagnie de M. S.P., originaire des Antilles. Vers 22h45, ils
décidaient de se rendre chez le beau-frère de M. H.T., dans le centre d’Etampes, en
empruntant le véhicule de M. S.P.
Durant le trajet, une voiture de police sérigraphiée, occupée par trois fonctionnaires, M. P.F.,
brigadier-chef, Mme S.L. et M. E.F., tous deux gardiens de la paix, se portait à la hauteur du
véhicule de M. S.P., arrêté à un feu rouge. Le feu passant au vert, M. S.P. tournait à gauche
et garait son véhicule quelques mètres plus loin, à proximité du domicile du beau-frère de
M. H.T. Son véhicule émettant de fortes fumées, le brigadier-chef P.F. décidait de le suivre,
pour procéder à un contrôle. Il actionna le gyrophare et s’arrêtait derrière le véhicule de
M. S.P.
M. H.T. et M. S.P., arrivés à destination, sortaient de leur véhicule étonnés : ils n’avaient pas
remarqués qu’ils étaient suivis. M. P.F. indiquait qu’il s’agissait d’un contrôle routier dû à
l’importante fumée émise par le pot d’échappement. M. E.F. contrôlait les papiers du
véhicule, les documents d’identité de M. S.P., et procédait à sa palpation. Il était verbalisé,
son véhicule immobilisé et ses papiers lui étaient restitués.
Selon les trois fonctionnaires de police, M. H.T. était très nerveux pendant le contrôle de son
ami. Il gesticulait et protestait, estimant que le contrôle dont ils faisaient l’objet était motivé
par la couleur de leur peau. Le brigadier-chef P.F., au regard cette attitude, du fait qu’ils
étaient tous deux sortis de leur véhicule, de l’heure tardive et du fait qu’il était accompagné
d’un agent masculin et d’un agent féminin pour contrôler deux hommes, demandait au
gardien de la paix S.L. d’appeler des renforts. Dans le même temps, il décidait de contrôler
l’identité de M. H.T.
229
Selon M. H.T., il était calme pendant toute l’opération, se tenait à l’écart, et ne comprenait
pas ce qui avait justifié le contrôle de son identité.
M. H.T. n’avait pas ses papiers, il présentait uniquement une carte bleue à son nom et
proposait d’aller chercher ses documents chez lui, à quelques minutes de là. Les
fonctionnaires de police P.F. et E.F. lui demandaient s’il était porteur d’un objet dangereux. Il
acquiesçait et indiquait qu’il avait un couteau de marque « Laguiole » gravé à son nom, qui
lui avait été offert par son beau-père. Il était palpé et son couteau était confisqué. M. H.T.,
lors de son audition, déclara que M. E.F. lui avait alors dit : « Non seulement j’en ai marre de
ta gueule, mais en plus tu as un couteau sur toi. Je vais être obligé de t’emmener en garde à
vue ». Cette allégation fut démentie par les fonctionnaires de police.
Un premier véhicule de police arrivait, suivi peu de temps après par un véhicule de la BAC.
Huit fonctionnaires de police étaient présents sur les lieux.
M. P.F. informa M. H.T. qu’il devait l’emmener au commissariat sur le fondement de la
possession d’une arme de catégorie 6, dont le port est interdit, et de l’absence de papiers
d’identité. M. H.T. ne fit pas de difficultés pour suivre les policiers au commissariat, mais leur
indiqua qu’il souhaitait être rentré chez lui rapidement car il travaillait le lendemain. En
revanche, il protesta lorsque les policiers lui passèrent les menottes.
Selon M. H.T., les policiers palpèrent M. S.P. à plusieurs reprises et fouillèrent son véhicule,
estimant qu’il avait « une tête de fumeur ». Ils firent plusieurs autres remarques à
connotation raciste. Un des fonctionnaires lui donna un coup de pied. Les trois fonctionnaires
auditionnés contestaient ces allégations.
M. S.P. fut laissé libre. M. H.T. était emmené au commissariat d’Etampes. Pendant le trajet,
il aurait fait l’objet de remarques à connotation raciste, ce que contestent de nouveau les
fonctionnaires de police.
Arrivé au commissariat, il fut menotté au banc des vérifications. Là, il se plaignit des
conditions de son interpellation et de l’attitude d’un fonctionnaire de police qui se serait saisi
de son bonnet pour le jeter au sol, hors d’atteinte. L’officier de police judiciaire (OPJ) aurait
alors rétorqué : « Foutez-moi ça au trou ! ». Cette version était contestée par les trois
fonctionnaires entendus.
L’interpellé a été placé en garde à vue à compter de 22h45. Lors de son audition, M. H.T.
indiquait qu’à aucun moment ses droits ne lui avaient été notifiés. Le procès-verbal de
notification des droits indiquait qu’il avait refusé de le signer.
M. H.T. fit l’objet d’une fouille de sécurité.
Avant d’être placé en cellule, son sweat-shirt lui fut retiré, car il était muni d’un cordon avec
lequel il était susceptible d’attenter à ses jours. Lors de son audition, il indiqua à la
Commission que M. E.F. fit usage de violence pour lui retirer son sweat-shirt, notamment en
le maintenant au sol en s’appuyant sur lui avec son genou, puis le matelas se trouvant dans
sa cellule avait été retiré en raison de son attitude. M. E.F. contesta ces allégations.
Peu de temps après, Mme L.J., la compagne de M. H.T., avertie par M. S.P., s’était
présentée au commissariat en dénonçant les conditions de l’interpellation de son concubin.
Elle avait pris le soin d’emmener son livret de famille, afin de lever les doutes sur l’identité de
son ami.
A 2h00 du matin, M. H.T. dormait dans sa cellule, lorsqu’il a été réveillé par un fonctionnaire
de police, M. R.B., pour procéder à une signalisation. Il resta couché, faisant mine de ne pas
entendre.
230
Le matin, M. H.T. fut réveillé par les fonctionnaires de police et auditionné à 9h30. Il signa un
procès-verbal de fin de garde à vue, dans lequel était indiqué qu’il acceptait désormais de se
soumettre à la signalisation. Il fut libéré aux alentours de 11h00.
M. H.T. s’est rendu au commissariat et à la gendarmerie d’Etampes pour porter plainte. Il lui
fut conseillé de s’adresser directement à l’Inspection générale des services. Après avoir
tenté de prendre rendez-vous, sans succès, avec le commissaire de police d’Etampes,
M. H.T. a écrit au procureur de la République et à la HALDE, estimant avoir été victime de
discrimination de la part des fonctionnaires de police.
> AVIS
Concernant les motifs de l’intervention
Au regard de l’infraction au Code de la route constituée par la forte émission de fumée du
véhicule de M. S.P., l’intervention des fonctionnaires de police pour un contrôle du véhicule
et de son conducteur était justifiée.
Concernant l’appel de renforts
Au regard des circonstances du contrôle routier : trois fonctionnaires de police pour contrôler
un véhicule en infraction au Code de la route ; M S.P., le conducteur, qui se soumet aux
vérifications d’usage, présente les documents de son véhicule et ses documents d’identité ;
le passager, M. H.T., qui conteste ces opérations avec une attitude « hautaine », la
Commission s’interroge sur les raisons qui ont motivé l’appel de renforts.
Concernant les conditions du contrôle de M. H.T. et de la palpation de M. S.P. et de
M. H.T.
M. H.T. contestait le contrôle dont son ami faisait l’objet et avait un comportement outrageant
selon les témoignages des fonctionnaires de police.
La Commission estime dès lors que le contrôle d’identité de M. H.T., ainsi que la palpation
de M. S.P. et M. H.T. étaient justifiés au regard de l’article 78-2 du Code de procédure
pénale.
Concernant l’arrestation de M. H.T.
M. H.T., dès qu’on lui a demandé s’il était porteur d’un objet dangereux, a indiqué qu’il était
porteur d’un couteau, cadeau de son beau-père qu’il emmenait sur les chantiers pour
déjeuner. Il le remettait calmement à M. E.F. M. H.T. étant porteur d’une arme de 6ème
catégorie et ne pouvant justifier de son identité, son interpellation pour être emmené au
commissariat était justifiée.
Concernant le menottage de M. H.T.
M. H.T. étant porteur d’une arme de 6ème catégorie, les fonctionnaires de police ont agi
conformément à l’article 803 du Code de procédure pénale, en décidant de menotter M. H.T.
pendant son transport au commissariat, par mesure de sécurité.
Concernant la notification des droits au moment du placement en garde à vue
M. H.T., lors de son audition, indiquait ne jamais avoir reçu notification de ses droits et avoir
été placé en cellule sans rencontrer personne. La mention « refuse de signer » apparaît
cependant sur le procès-verbal de notification des droits et il est indiqué sur la main-courante
que l’officier de police judiciaire de permanence s’est bien rendu au commissariat d’Etampes
pour notifier la garde à vue.
Dès lors, la Commission ne constate aucun manquement à cet égard.
Concernant la fouille de sécurité
231
Le fait que M. H.T. était porteur d’une arme de 6ème catégorie constituait une raison plausible
de soupçonner qu’il pouvait être porteur d’un objet dangereux pour lui-même ou pour autrui.
Dès lors, la fouille de sécurité à laquelle il a été soumis avant d’être placé en cellule était
justifiée au regard de la circulaire du ministre de l’Intérieur du 11 mars 2003.
Concernant la durée de la retenue au commissariat
Aucune démarche n’a été effectuée en ce qui concerne la vérification d’identité de M. H.T.
par les fonctionnaires de police. Au surplus, sa compagne s’est présentée peu de temps
après son placement en garde à vue, munie d’un livret de famille prouvant l’identité de
M. H.T. Dès lors, la retenue aux fins de vérification d’identité n’était plus justifiée.
Concernant la garde à vue : M. H.T. n’a pas nié être porteur d’un couteau, et en être le
propriétaire, son nom étant gravé dessus. Alors qu’un officier de police judiciaire s’est rendu
au commissariat d’Etampes pour notifier le placement en garde à vue de M. H.T., il n’a pas
jugé utile de l’auditionner sur les faits qui lui étaient reprochés.
Dès lors, la Commission estime que la durée de la garde à vue, de douze heures, est
excessive, au regard du seul acte d’investigation effectué – une audition de quarante-cinq
minutes le lendemain de l’interpellation à 9h40 –, conformément à la circulaire du ministre de
l’Intérieur du 11 mars 2003, qui rappelle que : « La garde à vue est une mesure restrictive de
liberté prise pour les nécessités de l’enquête et non pour pallier des déficiences
d’organisation ou de moyens. »
Concernant les conditions de détention
M. H.T. contestait les conditions de sa détention et notamment le froid qui régnait dans sa
cellule alors qu’il était en tee-shirt, sans matelas ni couverture. La fourniture de ces effets
n’étant consignée dans aucun registre, la Commission ne dispose d’aucun élément
susceptible d’infirmer ou de confirmer ces allégations.
Concernant les allégations de violences dont M. H.T. aurait fait l’objet
Au regard des versions contradictoires qu’elle a recueillies et du certificat médical produit par
M. H.T. qui n’évoque aucune lésion traumatique pouvant avoir été causée par des violences
illégitimes, la Commission ne constate pas de violences illégitimes de la part des
fonctionnaires de police.
Concernant le refus d’enregistrer la plainte de M. H.T.
La Commission ne disposant pas d’éléments permettant d’identifier les personnels qui
auraient, selon M. H.T., refusé d’enregistrer sa plainte au commissariat et à la gendarmerie
d’Etampes, il lui est impossible d’infirmer ou de confirmer cette allégation.
La Commission ne constate dès lors aucun manquement à la déontologie. Elle rappelle
cependant que l’article 15-3 du Code de procédure pénale rend obligatoire l’enregistrement
du dépôt de plainte, dès lors que la victime en a exprimé le souhait. A charge pour le service
saisi de transmettre au service compétent. Dès lors, le refus d’enregistrer une plainte contre
un fonctionnaire de police constituerait une violation de l’article 7 du Code de déontologie de
la police nationale.
Concernant l’attitude discriminatoire des fonctionnaires de police M. P.F., M. E.F. et
Mme S.L.
Il ressort de ce qui précède que les initiatives prises par les fonctionnaires de police M. P.F.,
M. E.F. et Mme S.L. ont dépassé le cadre d’une constatation stricte d’une infraction au Code
de la route qui justifiait leur intervention ; que les mesures justifiées aux fins d’assurer leur
sécurité ont pu être ressenties par M. H.T. comme excessives, donc discriminatoires,
d’autant plus que M. H.T. s’est plaint à la Commission de propos à connotation raciste tenus
par certains fonctionnaires.
232
Au regard des témoignages contradictoires concernant ces propos à connotation raciste, la
Commission n’est cependant pas en mesure de se prononcer définitivement à l’égard des
fonctionnaires M. P.F., M. E.F. et Mme S.L.
En revanche, le traitement disproportionné de cette affaire peut faire douter de l’impartialité
du comportement des fonctionnaires.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle l’article 7 du Code de déontologie de la police nationale, qui dispose
notamment : « Il (le fonctionnaire de la police nationale) a le respect absolu des personnes,
quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions
politiques, religieuses ou philosophiques.
La Commission rappelle la circulaire du ministre de l’Intérieur du 11 mars 2003, selon
laquelle : « La garde à vue est une mesure restrictive de liberté prise pour les nécessités de
l’enquête et non pour pallier des déficiences d’organisation ou de moyens. » L’absence
totale d’acte d’investigation, et particulièrement d’audition sur les faits reprochés, pendant
une durée excessive, ne peut être justifiée.
Reprenant les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, la
Commission considère qu’un certain nombre de conditions matérielles élémentaires doivent
être réunies pendant la garde à vue, notamment la possibilité pour une personne passant
une nuit en cellule de disposer d’une couverture et d’un matelas propres. La mise à
disposition de ces effets devrait être consignée dans le procès-verbal de fin de garde à vue,
comme c’est déjà le cas des heures de repos, d’audition, et des heures auxquelles la
personne a pu s’alimenter.
La Commission rappelle enfin l’article 15-3 du Code de procédure pénale, qui rend
obligatoire l’enregistrement du dépôt de plainte dès lors que la victime en a exprimé le
souhait.
Adopté le 8 octobre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis à au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
La Commission a saisi le garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur la question de principe
soulevée dans ce dossier, par le courrier suivant :
Sa réponse n’est pas encore parvenue à la CNDS à la date d’édition du rapport.
233
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236
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Saisine n°2007-7
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 22 janvier 2007,
par M. Michel SORDI, député du Haut-Rhin
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22 janvier 2007,
par M. Michel SORDI, député du Haut-Rhin, des conditions de l’interpellation et de la garde
à vue de M. D.C. au commissariat de Mulhouse, le 31 mai 2006.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. D.C., MM. L.M. et F.D., gardiens de la paix.
> LES FAITS
Le 31 mai 2006 vers 3h00 du matin, M. D.C., à bord de son véhicule, rentrait chez lui,
lorsqu’une voiture de police, occupée par deux personnes, se portait à sa hauteur. Les deux
fonctionnaires de police, MM. L.M. et F.D., avaient été prévenus peu de temps auparavant
par le chef de poste qu’un individu avait klaxonné devant le commissariat, adressé des
gestes insultants au chef de poste, et était reparti en faisant crisser ses pneus. Ils
identifiaient le véhicule décrit par le chef de poste comme étant celui de M. D.C.
Ce dernier, lors de son audition par la Commission, niait cette version, estimant qu’il n’avait
rien à se reprocher lorsque les fonctionnaires de police avaient activé leur gyrophare et lui
avaient fait signe de s’arrêter. M. D.C., estimant leur attitude menaçante, refusait
d’obtempérer. Les fonctionnaires de police activaient leur avertisseur sonore et une coursepoursuite s’engageait entre les deux véhicules.
Lors des auditions, la Commission a recueilli deux versions contradictoires concernant le
déroulement de la course-poursuite et de l’interpellation de M. D.C.
Selon M. D.C., il s’était rapidement arrêté. Les fonctionnaires de police étaient descendus de
leur véhicule et avaient cassé sa vitre côté conducteur, puis l’avaient sorti de force et plaqué
au sol. Alors qu’il se trouvait face contre le sol, il avait reçu un coup de poing à la tempe
gauche, puis un à la tempe droite. Il avait ensuite été menotté.
Selon MM. L.M. et F.D., M. D.C., après avoir franchi plusieurs feux rouges et emprunté une
voie réservée aux tramways, était stoppé par un feu rouge qu’il percutait. Il redémarrait
rapidement et se trouvait bloqué dans une impasse. Il avait marqué un temps d’arrêt et
M. L.M. était sorti de son véhicule pour le contrôler. M. D.C. avait redémarré aussitôt et failli
percuter M. L.M. Dans un geste de défense, celui-ci assénait un coup de matraque qui brisa
la vitre côté conducteur. Le véhicule s’immobilisa immédiatement. M. L.M. ouvrait la portière
côté conducteur, passait une menotte à M. D.C., puis l’extrayait de son véhicule. M. F.D.
arrivait pour prêter assistance à M. L.M., qui n’arrivait pas à passer la deuxième menotte à
M. D.C. qui se débattait. M. D.C. fut finalement amené sol et menotté dans le dos.
238
L’officier de police judiciaire (OPJ) de quart de nuit était avisé. Se trouvant à proximité, il se
rendait sur les lieux et demandait à M. F.D. et M. L.M. de conduire M. D.C. au commissariat
et de le soumettre à un contrôle d’alcoolémie, car il était manifestement ivre.
M. D.C. contestait être ivre ; il indiquait, lors de son audition devant la Commission, avoir
consommé deux bières dans l’après-midi, environ deux verres de vin pendant le dîner, et
enfin une bière et un café dans le bar qu’il avait quitté vers 2h00 du matin.
M. D.C. était conduit au commissariat de police.
Selon M. D.C., on ne lui proposa pas de souffler dans un ballon. Il fut d’abord placé en garde
à vue ; ses droits lui furent notifiés ; il fut examiné par un médecin. Vers 8h00 - 8h30, il fut
invité à souffler dans un éthylomètre. Il refusa, expliquant qu’il avait été victime, quelques
années plus tôt, d’un grave accident de la route et d’une opération de la tête qui l’empêchait
de souffler sans que cela provoque des lésions. Il demandait en revanche à faire l’objet
d’une prise de sang, ce qui lui fut refusé.
Selon les fonctionnaires de police, M. D.C. fut invité à souffler dans l’éthylomètre dès son
arrivée au commissariat. Il refusa l’opération, expliquant qu’il ne pouvait pas, mais sans
justifier des raisons qui l’en empêchaient.
Le 21 juin 2006, M. D.C. déposait plainte pour les faits de violences commis par les
fonctionnaires de police.
Au mois d’octobre 2006, M. D.C. fut condamné à une peine de six mois de prison avec
sursis, assortie d’une mise à l’épreuve de trois ans, par le tribunal correctionnel de
Mulhouse.
> AVIS
Confrontée à des versions contradictoires concernant à la fois les raisons de l’intervention
des fonctionnaires de police, les conditions de l’interpellation et les conditions du contrôle
d’alcoolémie, la Commission a analysé successivement les versions de M. D.C., puis de
MM. F.D. et L.M.
Version de M. D.C.
Concernant l’intervention initiale des fonctionnaires de police
M. D.C. rentrait chez lui, à bord de son véhicule, n’ayant commis aucune infraction,
l’intervention initiale des fonctionnaires de police n’était pas justifiée.
Concernant les conditions de l’interpellation de M. D.C.
Après avoir pris la fuite, M. D.C. était contraint de s’arrêter. Un fonctionnaire de police
s’approchait de son véhicule et assénait, sans raison, un coup de matraque qui brisa la vitre
côté conducteur. M. D.C. fut ensuite violemment extirpé de son véhicule, plaqué au sol, où il
reçut plusieurs coups à la tête. Une telle attitude constituerait un manquement à l’article 9 du
Code de déontologie de la police nationale, et justifierait la transmission de l’avis au
procureur de la République sur le fondement de l’article 222-13 du Code pénal (violences
volontaires).
Concernant le contrôle d’alcoolémie
M. D.C. ayant informé les fonctionnaires de police des raisons médicales qui l’empêchaient
de souffler dans l’éthylomètre, un médecin aurait dû être requis pour vérifier la réalité des
raisons invoquées, et le cas échéant il aurait dû être procédé à une analyse de sang,
conformément à l’article L.234-9 du Code de la route. En n’ayant pas procédé à la réquisition
239
du médecin, les fonctionnaires de police auraient violé l’article 7 du Code de déontologie de
la police nationale (manque d’impartialité) et auraient privé de base légale l’infraction retenue
contre M. D.C., consistant en un refus de se soumettre au dépistage.
Version de MM. F.D. et L.M.
Concernant l’intervention initiale des fonctionnaires de police
M. D.C. avait eu une attitude outrageante devant le commissariat de police. Le commissariat
étant situé au fond d’une impasse, les intentions de M. D.C. étaient sans équivoque.
L’intervention des fonctionnaires de police qui le sommèrent de stopper son véhicule était
dès lors justifiée.
Concernant les conditions de l’interpellation de M. D.C.
Après une course-poursuite mouvementée, au cours de laquelle M. D.C. avait franchi
plusieurs feux rouges, circulé sur un terre-plein et percuté un feu de signalisation, il était
finalement acculé dans une impasse. M. L.M. était sorti du véhicule de police pour contrôler
M. D.C. lorsqu’il avait failli être percuté par M. D.C. L’usage de sa matraque était justifié car,
confronté à un danger imminent, il avait agi en état de légitime défense.
Puis M. D.C. avait été extrait sans violence de son véhicule, amené au sol et menotté. Son
refus d’obtempérer à la première injonction des policiers justifiait son interpellation. Les
fonctionnaires de police constatant son état d’ébriété, qu’ils avaient déjà soupçonné au
regard de la manière de conduire de M. D.C., ils décidaient de procéder à un dépistage
d’alcoolémie dès leur arrivée au commissariat. M. D.C., refusant de souffler dans
l’éthylomètre sans invoquer la raison de ce refus, fut placé en dégrisement. Il fut examiné par
un médecin vers 5h45. Ce dernier lui prescrivait des médicaments. En raison de son état
d’ébriété, la notification de ses droits fut retardée et eut lieu à 8h00.
Au regard du refus d’obtempérer de M. D.C. au moment de son premier contact avec les
fonctionnaires de police, MM. F.D. et L.M. ; de ses déclarations successives, contradictoires,
concernant son état d’ébriété ; des contradictions entre ces déclarations concernant la
course-poursuite et le constat dressé sur la fiche d’enlèvement de son véhicule ; des termes
insultants, employés dans son procès-verbal d’audition, à l’égard des fonctionnaires de
police interpellateurs ; la Commission privilégie la version des fonctionnaires de police.
La Commission s’interroge cependant sur les circonstances exactes de l’interpellation de
M. D.C. Le certificat médical qu’il produit, établi le 5 juin 2006, fait état de nombreuses
lésions dermabrasives et ecchymotiques disséminées sur la moitié inférieure du corps. Ce
certificat parait incompatible avec une intervention effectuée sans violence. A moins qu’il ne
se soit blessé entre le 31 mai et le 5 juin 2006.
La Commission s’interroge également sur les allégations selon lesquelles M. D.C. n’aurait
pas informé les fonctionnaires de police de son état de santé l’empêchant de souffler dans
un éthylomètre, mais aurait refusé sans donner aucune explication sur son refus. Le
médecin requis par l’OPJ pour se prononcer sur la compatibilité de la garde à vue avec son
état de santé l’examina pendant dix minutes et lui prescrivit, à 5h45, des médicaments dans
le cadre de son traitement. Dès sa première audition, vers 10h00, il indiquait à l’OPJ qui
l’auditionnait qu’il ne pouvait souffler dans l’éthylomètre en raison de problèmes de santé.
Enfin, lors de son audition devant la Commission, il a beaucoup insisté sur son état de santé.
La Commission ne constate aucun manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 8 octobre 2007
240
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
241
Saisine n°2007-10
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 2 février 2007,
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2 février 2007,
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône, des conditions du contrôle d’identité de M. K.B.,
par des fonctionnaires de police, le 15 novembre 2006, près du pont La Feuillée, et de sa
retenue à l’hôtel de police de Lyon.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. K.B., M. G.V, brigadier-chef, et M. C.G., brigadier.
> LES FAITS
Dans la nuit du 14 au 15 novembre 2006, M. K.B. était accosté sur le pont La Feuillée à
Lyon, par quatre hommes à bord d’un véhicule. Ils se présentèrent rapidement comme étant
des fonctionnaires de police de la brigade anti-criminalité (BAC) et lui demandèrent sa carte
d’identité.
Lors des auditions, deux versions ont été présentées à la Commission.
Selon M. K.B.
Il leur présenta sa carte d’identité et lorsque les fonctionnaires ont vu son nom de famille à
consonance algérienne, ils ont commencé à l’insulter, en tenant des propos à caractère
raciste. Puis ils l’ont palpé et ont découvert un marqueur. Ils l’ont accusé d’avoir tagué, ce
qu’il conteste vivement. Un policier lui a fait une clé de bras, l’a amené au sol et lui a écrasé
la tête avec son genou. M. K.B. a prévenu les fonctionnaires qu’ils étaient filmés par une
caméra de surveillance. Puis M. K.B. s’est relevé. Son avertissement est resté sans effet,
puisque le gardien de la paix C.G. l’a de nouveau amené violemment au sol pour lui
badigeonner le torse et le visage avec son marqueur. M. K.B. était ensuite menotté très
serré, placé à l’arrière du véhicule de police et emmené à l’hôtel de police. Le trajet s’est
déroulé correctement. Il précisait n’avoir été ni violent, ni agressif, à aucun moment.
Selon MM. G.V. et C.G.
Ils expliquèrent à M. K.B. les raisons de leur intervention : ils l’avaient vu se baisser et taguer
un pot de fleurs. M. K.B. avait immédiatement contesté les faits, ajoutant que la police avait
certainement mieux à faire que d’importuner un honnête citoyen. Tout en sortant sa pièce
d’identité, il tenta de jeter un objet dans le canal. Un fonctionnaire de police lui a attrapé le
poignet, et M. K.B. a commencé à se débattre. M. C.G. l’a repoussé et suite à une clef de
bras pratiquée par un collègue, s’est emparé de l’objet que M. K.B. tenait à a main. M. C.G.
lui a demandé ce qu’il faisait avec un feutre. Il a répondu qu’il ne fonctionnait pas. Excédé
par son attitude arrogante, à la limite de l’outrage, M. C.G. lui a saisi la main et lui a mis deux
coups de feutre pour vérifier son bon fonctionnement. M. K.B. étant très agité, il a été
menotté et placé dans le véhicule pour être emmené à l’hôtel de police. Pendant le transport,
242
il s’est excusé et a demandé la clémence des fonctionnaires, précisant que son feutre était
délébile. MM. G.V. et C.G. précisaient qu’aucune insulte n’avait été proférée à l’égard de
M. K.B.
Dès leur arrivée à l’hôtel de police, M. K.B. s’était lavé avec de l’eau et du savon. Les traces
de feutre étaient parties. L’officier de police judiciaire avait été informé des faits qui étaient
reprochés à M. K.B., et sur la base des explications des fonctionnaires interpellateurs, avait
demandé la rédaction d’une main-courante. M. K.B. était libéré, non sans avoir reçu un coup
de pied au derrière, selon ses dires.
Le 17 novembre, M. K.B. s’est rendu à la mairie du 1er arrondissement de Lyon pour
demander que la bande enregistrée par les caméras de vidéo surveillance soit saisie. Sa
demande a reçu une réponse négative. Il a porté plainte auprès du procureur de la
République dans la semaine qui a suivi les faits.
> AVIS
Lors des auditions, la Commission n'a pas pu vérifier les accusations formulées à l'encontre
des fonctionnaires de police, à l'exception des coups de feutre que M C.G. reconnaît avoir
appliqué sur la main de M. K.B.
En agissant ainsi, M. C.G. a commis un manquement à l’article 7 du Code de déontologie de
la police nationale.
Il est regrettable que la demande de M. K.B., formulée dès le lendemain des faits, de faire
saisir les bandes vidéo enregistrées par les caméras de surveillance installées sur les quais
de Saône, ait reçu une réponse négative.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que l’article 7 du Code déontologie de la police nationale dispose
que : « Il [le fonctionnaire de police] ne se départit de sa dignité en aucune circonstance.
Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une
manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité
ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou
philosophiques. »
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
243
244
245
Saisine n°2007-13
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 5 février 2007,
par M. Jean-Pierre BRARD, député de la Seine Saint-Denis
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 5 février 2007,
par M. Jean-Pierre BRARD, député de la Seine Saint-Denis, des conditions de l’interpellation
et de l’audition de Mme L.C., le 10 mai 2006, par des fonctionnaires de police affectés à la
brigade des réseaux ferrés.
La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.
La Commission a entendu Mme L.C., M. C.M., un témoin, Mme M.E. et M. P.B.,
respectivement gardien de la paix et brigadier-chef à la brigade des réseaux ferrés, M. F.H.,
agent du groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP (GPSR).
> LES FAITS
Le 10 mai 2006, en début de soirée, plusieurs fonctionnaires de police procèdent, sur
réquisition du procureur de la République, à une opération de contrôle d’identité à la station
de métro Belleville (20ème arrondissement).
Souhaitant exercer son « droit de regard citoyen », Mme L.C. s’arrête avec l’un de ses amis
pour observer la scène. Invitée à poursuivre son chemin, Mme L.C. refuse d’obtempérer, tout
en reculant un peu. Une des fonctionnaires de police, Mme M.E., s’approche d’elle et lui
demande alors de bien vouloir présenter ses papiers d’identité. Estimant être victime d’un
abus de pouvoir, Mme L.C. tergiverse et exige la présentation de la réquisition judiciaire
autorisant ce type de contrôle. Malgré cette présentation, Mme L.C. maintient son refus
d’obtempérer et harangue la foule en l’incitant à réagir : « Aidez-moi, regardez ce qu’ils me
font, j’ai besoin d’aide, vous n’avez pas le droit de faire cela ».
Compte tenu de son comportement, Mme L.C. est alors plaquée contre un mur du couloir du
métro, puis menottée dans le dos. Son ami, M. C.M., fait, pour sa part, l’objet d’une palpation
de sécurité. Par la suite, Mme L.C. est verbalisée par un agent de la RATP – présent dans la
station – pour défaut de titre de transport, avant d’être conduite à l’UTJ du commissariat de
la gare du Nord.
Pendant tout le temps du transport jusqu’à sa présentation devant l’officier de police
judiciaire P.B., Mme L.C. demeure menottée. En dépit de la coercition la précédant, l’audition
de Mme L.C. s’effectue en dehors de toute mesure de garde à vue.
> AVIS
Les faits soumis à l’appréciation de la Commission se rapportent à deux opérations de police
distinctes, mais complémentaires et consécutives.
246
La première concerne l’arrestation de Mme L.C., à la suite de son refus de justifier de son
identité. Dans le cadre d’une opération de contrôle d’identité sur réquisition judiciaire (art. 782 al. 2 C.proc.pén.), les fonctionnaires de police ont la faculté de contrôler l’identité de toute
personne, quel que soit son comportement, présente dans le périmètre spatial et temporel
défini par la réquisition du procureur de la République.
La réquisition aux fins de contrôle d’identité transmise à la Commission mentionne la date du
mercredi 10 mai 2006, de 20h00 à 21h00, et le périmètre comprenant notamment la station
« Belleville » et ses abords immédiats. Partant, le contrôle d’identité de Mme L.C. est
régulier. Ce contrôle d’identité s’étant accompagné à la fois d’un refus d’obtempérer et d’une
provocation à la rébellion, les fonctionnaires étaient en droit de procéder à l’interpellation de
l’intéressée en vue de sa conduite au poste de police (art. 53 et 73 C.proc.pén.).
L’usage des menottes trouve, semble-t-il, sa justification dans l’agitation et la résistance de
Mme L.C., qui aurait d’ailleurs griffé au poignet l’un des fonctionnaires interpellateurs. Il
convient à cet égard de relever que l’ami de Mme L.C., témoin de la scène, n’a à aucun
moment été menotté, ce qui tend à confirmer le discernement dans l’usage de la coercition.
Cette première phase de l’opération de police apparaît régulière. En revanche, la phase qui
commence avec l’audition de Mme L.C. est juridiquement contestable au regard des
dispositions du Code de procédure pénale telles qu’elles sont interprétées par la chambre
criminelle de la Cour de cassation. Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que toute
audition policière, précédée de coercition, doit nécessairement s’effectuer sous le régime
protecteur de la garde à vue.
En conséquence, l’officier de police judiciaire de permanence ne pouvait pas proposer à la
personne interpellée de s’expliquer librement sur les faits qui lui étaient reprochés. Par-delà
son irrégularité, l’audition ainsi réalisée méconnaît les droits de la personne mise en cause
pendant le temps de la garde à vue (art. 63-1 et s. C.proc.pén.) ou à l’issue de celle-ci et
singulièrement le droit de faire interroger le procureur de la République sur la suite
susceptible d’être donnée à la procédure (art. 77-2 C.proc.pén.).
> RECOMMANDATIONS
Dans l’intérêt à la fois de la régularité juridique des procédures et d’une meilleure
sauvegarde des droits de la défense, la Commission recommande que soit diffusée très
largement auprès des officiers de police judiciaire la jurisprudence de la chambre criminelle
de la Cour de cassation (Crim. 6 déc. 2000 Bull.crim n°367 ; 6 mai 2003 Bull.crim. n°93)
relative aux pratiques d’audition précédées de coercition.
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse dont la
réponse a été la suivante :
247
248
249
Saisine n°2007-17
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 23 février 2007,
par M. Christophe CARESCHE, député de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le23 février 2007,
par M. Christophe CARESCHE, député de Paris, des conditions du contrôle routier de
M. P.W., le 22 juin 2006.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. P.W., ainsi que MM. Du. et De., gardiens de la paix à
Poissy.
> LES FAITS
À l’occasion de la fête de la musique du 21 juin 2006, M. P.W. participait à un concert
organisé dans un petit village du Vexin. À l’issue du concert (vers 2h00 du matin), M. P.W.
reprit la route, faisant partie d’un cortège composé d’une petite dizaine de voitures. Les
forces de l’ordre, suivant en cela les consignes d’une note de service, avaient patrouillé toute
la soirée aux alentours de la salle de spectacle « La Scène », salle ayant fait l’objet d’une
fermeture administrative depuis quelques mois en raison de trafics de stupéfiants.
Les fonctionnaires de police décidèrent de procéder au contrôle de la dernière voiture du
cortège, dont les occupants avaient adopté un comportement qui leur semblait suspect et
dont le conducteur, au surplus, buvait tout en conduisant. Les deux personnes contrôlées ne
possédaient pas de papiers d’identité, mais ne posèrent aucune difficulté.
À cet instant, M. P.W., qui s’était garé sur le bas-côté de la route, se dirigea vers le lieu du
contrôle routier, et s’immisça dans le déroulement de celui-ci, apparemment sans connaître
les personnes objets du contrôle. Le gardien de la paix P. demanda alors à M. P.W. de
quitter le « périmètre de sécurité » et de ne pas gêner l’opération en cours. Ce dernier, au
lieu d’obtempérer, est resté sur place et indique qu’un des agents l’a alors projeté au sol en
lui portant des coups au visage.
Le gardien de la paix Du., procédant au contrôle d’identité à l’endroit des occupants de la
voiture, explique au contraire qu’une seconde injonction de quitter les lieux a été adressée à
M. P.W. par le gardien de la paix P. qui, devant son entêtement, l’a alors repoussé,
occasionnant sa chute au sol.
Le gardien de la paix Du. affirme qu’il s’est ensuite dirigé vers M. P.W., allongé sur le sol,
pour lui demander une nouvelle fois de quitter les lieux. À son approche, ce dernier s’est
relevé, a porté la main à sa poche pour y prendre un objet tout en se dirigeant vers l’agent
Du., en proférant des insultes.
250
Le fonctionnaire de police ne distinguant pas l’objet en cause (la scène se déroule en pleine
nuit dans un endroit peu éclairé), il lui a porté un coup de poing au visage, renvoyant à
nouveau M. P.W. au sol. L’objet en cause, identifié par la suite, était un briquet Bic. Les deux
agents ont, dans la foulée, tenté de le menotter, sans succès en raison de son agitation.
C’est alors qu’est arrivée l’amie de M. P.W., d’une manière calme et pondérée selon les
dires de celui-ci, très excitée selon les policiers.
Pour ceux-ci, elle se serait jetée sur eux et aurait été une première fois repoussée. Une fois
M. P.W. relevé, elle se serait interposée entre lui et les policiers, afin d’empêcher le
menottage toujours inachevé à ce moment.
Au contraire, selon la présentation du couple, elle aurait été immédiatement plaquée au sol,
frappée et menottée.
Au final, les policiers ont pu menotter les deux personnes et les ont placées à l’arrière de leur
véhicule de police en attendant du renfort. M. P.W. affirme qu’à ce stade, il a été violement
poussé dans ladite voiture, et alors que sa jambe dépassait du véhicule, un fonctionnaire de
police aurait volontairement, et à plusieurs reprises, refermé la porte sur celle-ci, provoquant
un traumatisme médicalement constaté (ecchymose).
Cette version est contestée par les fonctionnaires interpellateurs.
Devant l’attroupement et l’excitation collective, les forces de l’ordre ont quitté les lieux, tout
en étant contraints de laisser partir les deux occupants de la voiture originellement contrôlés.
M. P.W. et son amie ont été conduits au commissariat de Poissy, où ils ont été placés en
garde à vue. Une recherche d’alcoolémie dans l’air expiré a été entreprise sur M. P.W.,
recherche se révélant positive (0,84). Aucune recherche comparable n’a été réalisée sur son
amie. Ils ont été placés dans des cellules distinctes. La jambe de M. P.W. le faisait beaucoup
souffrir, le médecin sollicité ayant cependant conclu à la compatibilité de la blessure avec la
garde à vue.
Vers 9 ou 10h00 le 22 juin, ils ont été extraits de leurs cellules respectives pour être conduits
à l’antenne de police de Vernouillet, afin d’y être auditionnés.
M. P.W. explique que l’état de sa jambe s’était aggravé et qu’en dépit de sa souffrance, les
différents policiers présents n’ont pas cherché à l’aider pour faciliter son déplacement vers le
fourgon. Ils ont été relâchés à l’issue de l’audition et le dossier a été classé sans suite. Les
examens médicaux ultérieurs ont montré une fracture de la jambe (péroné).
> AVIS
La Commission reconnaît le caractère totalement inopportun de l’intervention de M. P.W., qui
s’est immiscé sans raison justifiée dans un contrôle routier ne le concernant pas.
En revanche, la Commission s’interroge quant aux conditions de maîtrise de ce dernier par
les forces de l’ordre. Face à un individu s’avançant avec un objet non identifié dissimulé
dans la main, la riposte prenant la forme d’un coup de poing à la face ne paraît pas
correspondre à un geste technique professionnel d’intervention.
Il eût été peut être plus efficace et plus sûr de bloquer la main renfermant l’objet non
identifié. Une bonne maîtrise des gestes techniques professionnels d’intervention est la
meilleure garantie d’une action efficace et respectueuse de la dignité des personnes.
251
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande qu’une vigilance particulière soit apportée à la formation
professionnelle, initiale et continue, ainsi qu’à l’entraînement personnel des fonctionnaires de
police aux gestes techniques professionnels d’intervention.
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
252
253
254
Saisine n°2007-40
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 10 avril 2007,
par Mme Christine BOUTIN, députée des Yvelines
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 avril 2007,
par Mme Christine BOUTIN, députée des Yvelines, des conditions dans lesquelles la plainte
de Mme C.G. a été traitée par les fonctionnaires de police du commissariat du 11ème
arrondissement de Paris.
La Commission a entendu Mme C.G.
> LES FAITS
Le 13 janvier 2007, Mme C.G. était témoin d’une agression dans le métro parisien. Devant
l’absence de réaction des autres passagers, elle s’interposait pour défendre la victime, et
recevait à son tour un coup de poing au visage. Les autres voyageurs tirèrent la sonnette
d’alarme. Le métro étant arrêté à une station, les deux agresseurs purent s’enfuir. Sur le
quai, Mme C.G. avait noté l’identité de quatre personnes qui avaient manifesté leur volonté
de témoigner. Elle fut rapidement prise en charge par les pompiers et par un agent de police,
qui prit son identité. Elle fut soignée à l’hôpital pour un nez cassé, blessure justifiant une
incapacité totale de travail de 15 jours.
Le lendemain, 14 janvier, elle se rendit au commissariat du 11ème arrondissement et fut reçue
par Mme G.J-N., gardien de la paix, qui enregistra sa plainte. Mme C.G. transmit les
coordonnées des témoins et demanda si les bandes vidéo enregistrées par les caméras de
surveillance du métro seraient exploitées. Les réponses qu’elle reçut furent évasives.
Dès le lendemain, 15 janvier, Mme C.G. revint au commissariat pour apporter certains
documents que Mme G.J-N. lui avait demandés la veille. Elle fut informée que le gardien de
la paix Mme G.J-N., en charge de son affaire, était partie en vacances pour une semaine.
L’agent qui la reçut lui indiqua également que les caméras du métro fonctionnaient sans
bande.
Mme C.G. prit contact avec la RATP, qui lui indiqua que les prises de vue des caméras
étaient enregistrées sur des bandes qui sont conservées cinq jours, avant d’être détruites.
Elle attendit ensuite le retour de Mme G.J-N., qu’elle contacta dès son retour, qui lui répondit
qu’elle ne savait même pas où se trouvait son dossier.
Déçue par l’inaction de la police, Mme C.G. contactait l’Inspection générale des services, le
procureur de la République et une parlementaire. Elle prit également contact avec les quatre
témoins pour les inciter à se rendre au commissariat afin d’apporter leur témoignage. Un
seul accepta, fut reçu une première fois et invité à revenir pour une présentation du fichier
Canonge, sur lequel figurent des photos de personnes condamnées.
Début avril, Mme C.G. reçut un coup de téléphone du capitaine de police S. lui demandant
de passer au commissariat du 11ème. Il s’excusa de la façon dont elle avait été reçue. Puis
255
les témoins ont été convoqués, un seul d’entre eux s’est déplacé. De nouveau, elle ne
reconnut pas les photos sur le fichier Canonge.
Mme C.G. était déçue du peu d’attention qui fut prêtée à son affaire et du manque de
diligence des services d’enquête. Alors qu’elle s’était elle-même mise en danger pour
protéger une victime, elle estimait que la réponse des services de police à sa propre
situation était insuffisante.
> AVIS
La Commission regrette que Mme C.G., victime d’une agression alors qu’elle secourait une
autre personne, ait eu le sentiment d’être victime de l’inaction de la police.
La Commission estime, au regard de l’audition de Mme C.G., que ses critiques visaient
l’organisation des services qui n’ont pas su répondre à ses sollicitations, plus que le
comportement individuel de Mme G.J-N.
Dès lors, la Commission ne relève aucun manquement à la déontologie de la sécurité de la
part de Mme G.J-N. Elle encourage les services de sécurité à répondre au mieux aux
attentes des victimes, conformément à la circulaire du ministre de l'Intérieur et de
l'Aménagement du territoire du 20 mai 2002.
Au regard des difficultés récurrentes liées à l’exploitation des bandes vidéo, la Commission
regrette que les services d’enquête ne soient pas en mesure de saisir des éléments de
preuve avant leur destruction.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle la circulaire du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du
territoire du 20 mai 2002, qui donne pour instruction aux services de police et de
gendarmerie de permettre aux victimes d’infractions pénales de connaître la suite réservée à
leur affaire en interrogeant des fonctionnaires identifiés.
Elle rappelle également l’existence de la charte de l’accueil des victimes, et plus
particulièrement celle qui prévaut à Paris, qui prévoit, en son article 4 : « La mission d’accueil
n’a de valeur que si elle débouche sur une prise en compte des demandes du public. Une
réponse adaptée à chaque cas est apportée, en temps réel, aux demandes exprimées, que
celles-ci concernent de simples incivilités, des nuisances, des infractions avérées, des
demandes d’intervention ou d’information. En cas d’impossibilité de répondre immédiatement
à ces sollicitations, des explications sont données sur les raisons de cette carence ou sur
l’ajournement de la réponse policière. »
Adopté le 10 septembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
256
257
258
Saisine n°2007-42
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 11 avril 2007,
par Mme Dominique VERSINI, Défenseure des enfants
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11 avril 2007,
par Mme Dominique VERSINI, Défenseure des enfants, des conditions de l’interpellation de
M. F.K., mineur à l’époque des faits, le 28 octobre 2006 à Pantin.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. F.K., et les fonctionnaires de police, M. N.B. et M. C.C.
> LES FAITS
Le 28 octobre 2006, MM. N.B. et C.C., fonctionnaires de police de la brigade motorisée,
étaient en patrouille de nuit sur la commune de Pantin. Vers 4h00, ils recevaient un appel
leur signalant des incendiaires rue des Pommiers.
Arrivés à proximité, ils apercevaient deux véhicules, l’un poussant l’autre et décidaient de
contrôler les conducteurs. A leur approche, l’un des véhicules déboîtait et prenait la fuite. Il
était immédiatement poursuivi par les deux motards, qui demandaient des renforts par radio,
actionnaient leurs feux clignotants et leur avertisseur sonore.
Lors de la course-poursuite, M. F.K., mineur à l’époque des faits, faisait plusieurs embardées
et modifiait sa vitesse de façon brutale et impromptue, ce qui faillit faire chuter ses
poursuivants à plusieurs reprises. Le véhicule terminait sa course en s’encastrant dans un
candélabre. M. F.K. jaillissait immédiatement du véhicule et faisait tomber M. N.B. de sa
moto.
Une poursuite pédestre entre MM. F.K. et N.B. s’engageait. M. C.C. poursuivait M. F.K. sur
sa moto, tentant de gêner sa fuite. A proximité de la station de métro Hoche, M. F.K., cerné
par M. C.C. et plusieurs véhicules de police arrivés en renfort, ralentissait sa course.
La suite des évènements est plus difficile à déterminer : M. F.K. a présenté une version de
l’interpellation différente de celle de MM. B.N. et C.C.
Selon M F.K. :
Se sentant cerné par plusieurs véhicules de police arrivés en renfort et ne voyant pas d’issue
pour s’enfuir, il s’était arrêté. M. N.B. s’était approché de lui, l’avait amené au sol fermement,
lui avait passé les menottes et lui avait porté un coup de poing dans la bouche, ce qui avait
provoqué la chute d’une incisive.
Selon MM B.N. et C.C. :
M. F.K. avait ralenti sa course et tenté d’ouvrir des portes d’immeubles. Il avait cherché une
issue pour s’échapper. M B.N. courant à vive allure était arrivé sur M F.K. et l’avait plaqué
violemment, « comme au rugby », selon les dires de M. C.C., puis l’avait menotté.
259
M. F.K. était emmené au commissariat, où il était placé en garde à vue. Il se plaignit d’avoir
reçu un coup de poing de M. N.B. auprès de l’avocat, à qui il montra sa dent qu’il avait dans
sa poche, du médecin qui l’examinait et de l’officier de police judiciaire qui l’auditionna sur
les faits.
> AVIS
Au regard de la rapidité du déroulement des faits au moment où le véhicule conduit par
M. F.K. a stoppé sa course, qui rend peu probable la version selon laquelle M. F.K. aurait
perdu sa dent à ce moment et l’aurait mise dans sa poche ; de la distance parcourue
pendant la poursuite pédestre qui rend peu probable la conservation de la dent dans la
bouche de M. F.K. ; des déclarations de M. N.B. selon lesquelles c’est au moment de
l’interpellation qu’il s’est aperçu que M. F.K. saignait de la bouche alors qu’il avait déjà eu un
contact avec lui au moment où M. F.K. l’avait fait tomber de moto, et selon lesquelles M. F.K.
se serait immédiatement plaint d’avoir perdu une dent lui criant : « Ma dent, ma dent ! » ; la
Commission tient pour établi que la dent de M. F.K. est tombée au moment de son
interpellation et qu’il l’aurait gardée dans sa bouche jusqu’à ce qu’il soit démenotté au
commissariat.
Les témoignages recueillis ne permettent pas à la Commission de se prononcer sur
l’allégation de M. F.K., selon laquelle un coup de poing aurait provoqué la chute de sa dent.
La Commission regrette cependant que le médecin requis pour examiner M. F.K., malgré les
constatations contenues dans le procès-verbal d’interpellation, malgré les déclarations de
M. F.K. et après avoir constaté qu’il présentait des lésions traumatiques récentes, ne rédigea
pas de certificat descriptif des blessures. Elle regrette que l’officier de police judiciaire qui
entendit M. F.K. pendant sa garde à vue à 12h50, n’ait prêté aucune attention aux
allégations de M. F.K., ni aux observations écrites de l’avocat, qui avait constaté que ses
lèvres étaient enflées et couvertes de sang et qu’il avait perdu une dent qu’il gardait dans sa
poche.
Au regard de la situation de M. F.K. cerné par M. C.C., qui n’a pas jugé utile de descendre
de sa moto pour l’appréhender, et par les fonctionnaires de police arrivés en renfort, de la
disposition des lieux, notamment de la présence de barrières empêchant sa fuite, du fait qu’il
se serait arrêté ou pour le moins aurait ralenti sa course, l’usage de la force par M. N.B.,
entraînant la chute d’une dent de M. F.K., était disproportionnée.
> RECOMMANDATIONS
La Commission rappelle que la force strictement nécessaire doit être appliquée lors de la
neutralisation d’une personne.
Adopté le 9 juillet 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au
ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, dont la réponse a été la
suivante :
260
261
262
Saisine n°2007-73
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 13 juin 2007,
par M. Marc MASSION, sénateur de la Seine-Maritime
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13 juin 2007,
par M. Marc MASSION, sénateur de la Seine-Maritime, des conditions du contrôle routier de
Mme P-R. par des fonctionnaires de police, le 27 janvier 2007, à Sotteville-lès-Rouens.
La Commission a pris connaissance de la procédure, notamment des déclarations de
M. F.C., brigadier-chef, présent lors de la verbalisation de Mme P-R.
La Commission a entendu Mme P-R.
> LES FAITS
Le 27 janvier 2007, Mme P-R. effectuait un trajet à bord de sa voiture. Lors de son audition,
elle indiquait à la Commission qu’arrivée à un croisement, elle avait freiné, avait marqué
l’arrêt au niveau d’un panneau « Stop », puis avait enclenché la première vitesse, avait
regardé brièvement à gauche, puis franchi le carrefour. Le brigadier-chef F.C. affirmait, dans
un rapport qu’il avait adressé au procureur de la République, que Mme P-R. n’avait pas
marqué l’arrêt au stop.
Des fonctionnaires de police, en surveillance à quelques mètres du carrefour, étaient partis à
la poursuite de Mme P-R., signaux lumineux et sonores enclenchés. Mme P-R. n’avait pas
immédiatement compris qu’elle était l’objet de cette poursuite, et ne s’était arrêté qu’après
que le véhicule de police s’était porté à sa hauteur, et que le passager, M. F.C., lui avait crié
de s’arrêter. L’agent féminin qui conduisait le véhicule était venu à la rencontre de Mme P-R.
et lui avait indiqué qu’elle n’avait pas respecté le « Stop », ce qu’elle avait immédiatement
contesté.
Mme P-R. avait ensuite présenté les documents afférant à la conduite du véhicule. Puis la
fonctionnaire avait rejoint son collègue dans leur véhicule. Après avoir attendu environ dix
minutes dans son véhicule, Mme P-R était sortie, et l’agent féminin était venu à sa rencontre
avec ses papiers et un document qui ressemblait à un « chèque ». L’agent aurait demandé à
Mme P-R. de reconnaître qu’elle n’avait pas respecté le stop, tout en tapotant sur ses
papiers, attitude que Mme P-R avait interprété comme menaçante. Elle avait signé le procèsverbal, et les policiers étaient repartis.
Le 14 mai 2007, Mme P-R. avait adressé une lettre au procureur de la République, qui a
diligenté une enquête.
263
> AVIS
Mme P-R. n’ayant pas apporté d’éléments de nature à mettre en échec la force probante de
l’avis d’infraction au Code de la route consistant à ne pas marquer un temps d’arrêt avant de
franchir un panneau de signalisation « Stop » prévue par l’article R. 415-6 du Code de la
route, la Commission estime, conformément à l’article 537 du Code de procédure pénale,
que le procès-verbal rédigé par les fonctionnaires de police et signé par Mme P-R. fait foi.
Mme P-R. avait été choquée par l’attitude de M. F.C. qui lui aurait « hurlé » de s’arrêter. Elle
admettait cependant ne pas avoir immédiatement obtempéré aux signaux émis par le
véhicule de police. Dès lors, son refus initial d’obtempérer avait obligé les fonctionnaires de
police à se porter à la hauteur de Mme P-R., afin de lui intimer l’ordre de s’arrêter.
Mme P-R. avait estimé que les fonctionnaires de police n’avaient pas été courtois, sans
produire d’éléments précis pour corroborer cette allégation.
La Commission ne constate aucun manquement à la déontologie de la sécurité.
Adopté le 17 décembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
264
Saisine n°2007-79
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 21 juin 2007,
par M. Noël MAMERE, député de la Gironde
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 21 juin 2007,
par M. Noël MAMERE, député de la Gironde, des conditions du contrôle du titre de transport
et du contrôle d’identité de M. G.C. par des fonctionnaires de police à Sainte-Geneviève-desBois, le 3 juin 2007.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
La Commission a entendu M. G.C.
> LES FAITS
Le 3 juin 2007, M. G.C. empruntait le RER pour aller de son domicile dans le 15ème
arrondissement de Paris à Arpajon. Lors du changement de train à la gare de SainteGeneviève des Bois, M. G.C. s’est égaré et s’est retrouvé à l’extérieur de la gare. Un autre
voyageur, voyant qu’il était pressé, lui proposa de profiter de son passage au tourniquet,
laissant son ticket engagé.
Trois fonctionnaires de police s’approchèrent de M. G.C. et lui demandèrent s’il était
propriétaire du ticket. Il les informa immédiatement que ce ticket n’était pas le sien, mais qu’il
l’avait utilisé pour gagner du temps et il leur expliqua qu’il était en possession d’une carte de
circulation valable toute l’année. Les fonctionnaires de police lui demandèrent sa carte
d’identité et sa carte de transport, qu’il leur présenta immédiatement.
Un fonctionnaire de police s’est éloigné quelques instants pour passer un coup de téléphone,
puis est revenu et a commencé à dresser un procès-verbal (PV). Pendant la rédaction du
PV, M. G.C., âgé de 81 ans, se sentant très fatigué, a reculé d’environ un mètre dans le but
de s’asseoir sur le siège d’une cabine de photomaton qui se trouvait à proximité immédiate.
Il fut sommé, selon ses dires, de rester debout, alors qu’il aurait présenté sa carte constatant
son statut d’« infirme civil ». Il fut très surpris de découvrir l’infraction qui lui était reprochée :
« atteinte à la tranquillité publique», prévue par l’article R. 623-2 du Code pénal, le PV
mentionnant que ce trouble était causé par les « vociférations » de M. G.C. Malgré ses
protestations, M. G.C. signa le PV, avant de reprendre son chemin vers Arpajon.
Sur le chemin du retour, M. G.C. a de nouveau rencontré les fonctionnaires de police. Il est
allé à leur rencontre pour leur demander des explications sur leur attitude. Ces derniers se
seraient alors moqués de lui, refusant de lui répondre.
265
> AVIS
M. G.C. n’étant pas en mesure d’apporter la preuve qu’il n’a pas commis l’infraction
d’« atteinte à la tranquillité publique», prévue par l’article R. 623-2 du Code pénal, la
Commission estime, conformément à l’article 537 du Code de procédure pénale, que le PV
rédigé par les fonctionnaires de police fait foi.
La Commission rappelle que l’article 7 du Code de déontologie de la police nationale dispose
que les fonctionnaires de police doivent adopter une attitude exemplaire à l’égard du public,
en mettant en œuvre toutes leurs capacités de discernement.
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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Saisine n°2007-84
AVIS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
à la suite de sa saisine, le 6 juillet 2007,
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 juillet 2007,
par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône, des conditions de l’interpellation de M. A.S, le 4
mars 2007, par des fonctionnaires de la BAC, à Vénissieux.
La Commission a pris connaissance de la procédure.
> LES FAITS
Le 4 mars 2007, en début d’après-midi, un équipage de quatre gardiens de la paix, en
fonction au commissariat de Vénissieux, est appelé à se rendre au 40 boulevard Lénine de
cette même ville, afin d’interpeller trois jeunes adolescents (d’une quinzaine d’année) ayant
dérobé un sac à main.
Arrivés sur les lieux, les fonctionnaires aperçoivent les jeunes gens s’enfuyant devant eux.
Trois des quatre gardiens engagent alors une poursuite à pied, qui est interrompue par
l’appel du chauffeur resté dans la voiture les avertissant qu’il était pris à partie par plusieurs
personnes, et que la voiture essuyait de surcroît des jets de pierres.
Revenant vers le véhicule, les fonctionnaires distinguent nettement un individu, ayant des
pierres dans les mains, posté à la hauteur du numéro 39 de la rue, et reconnaissable au
maillot de l’Olympique Lyonnais qu’il arborait.
Estimant qu’il avait participé au caillassage du véhicule de police et qu’il cherchait ensuite à
fuir en faisant semblant d’attendre le bus, lesdits fonctionnaires l’interpellent dans des
conditions mouvementées en raison de la résistance de l’intéressé, l’un des gardiens se
blessant d’ailleurs dans l’intervention (2 jours d’ITT).
L’individu, M. A.S. est ensuite embarqué dans la voiture et menotté au cours du transfert
vers le commissariat, où il sera placé en garde à vue.
M. A.S. avance au contraire le fait qu’il attendait simplement le bus, avec un ami, au pied de
la tour n°39, et qu’il a été violement interpellé avec un policier lui ayant assené un coup de
poing qui lui a fendu la lèvre (2 jours d’ITT). Cette explication est corroborée par trois
témoignages écrits.
> AVIS
Le tribunal correctionnel de Lyon a rendu un jugement le 26 avril 2007 condamnant M. A.S. à
une peine d’emprisonnement de quatre mois et à des dommages et intérêts.
267
Or, l’article 8 alinéa 1er de la loi du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale
de déontologie de la sécurité énonce que « La Commission ne peut intervenir dans une
procédure engagée devant une juridiction. Elle ne peut remettre en cause le bien-fondé
d’une décision juridictionnelle ». Pareille disposition législative interdit à la Commission de se
prononcer sur des faits ayant fait l’objet d’une décision de justice revêtue de l’autorité de la
chose jugée.
Adopté le 5 novembre 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis pour
information au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
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