Le métier d`adaptateur de doublage - Avant l`adaptation - L

Transcription

Le métier d`adaptateur de doublage - Avant l`adaptation - L
Doublage
Le métier d'adaptateur de doublage
-
Avant l'adaptation
L'adaptation
Après l'adaptation
Qui peut devenir adaptateur ?
Doublage ou sous-titrage ?
Avant l'adaptation
Le détecteur est rémunéré en salaires ; c’est un intermittent du spectacle. Il a pour support de
travail la bande-mère, qui sera par la suite utilisée par l’auteur. La bande-mère fait tout le côté
artisanal de l’écriture en doublage. Elle se présente sous la forme d'un rouleau de papier glacé
(blanc ou blanchâtre) et mesure 35mm de largeur, comme une pellicule de cinéma. Le travail
de détection consiste à inscrire sur cette bande, au porte-mine, les indications dont l’auteur
aura besoin. Parmi ces indications figurent le texte (dans la langue originale du programme à
adapter), les signes de détection, ainsi que d’autres signes utiles.
Ces « autres signes » sont d’une part des indications filmiques : un trait vertical pour un
changement de plan, en diagonale pour les fondus enchaînés, etc. D’autre part, le détecteur
doit indiquer (par un trait vertical barré d’une croix et associé à un time code) les endroits où il
estime qu’il doit y avoir un changement de boucle. Une boucle est une longueur de bande qui
correspond au temps pendant lequel un comédien peut travailler sans s’interrompre : une
minute en moyenne. Le détecteur numérote ces boucles pour qu’à l’enregistrement l’ingénieur
du son puisse facilement passer d’un point à l’autre du film en se basant sur les numéros de
boucles.
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Doublage
Les signes de détection sont inscrits juste au-dessus du texte, plus précisément au-dessus des
lettres qu’ils concernent. Les signes de détection indiquent la présence d’une consonne labiale
(B, P ou M), d’une semi-labiale (W), d’une fricative (F, V), d’une voyelle arrondie (OU, O, U) ou
d’une voyelle ouverte (A, É, I).
Le détecteur inscrit sur la bande le texte dit par les comédiens de la version originale. Il utilise
une table de doublage (ou table de détection) pour synchroniser la bande-mère et la cassette
vidéo, afin de pouvoir retranscrire les dialogues conformément à la vitesse à laquelle ils sont
dits : écriture serrée si la personne parle vite, écriture étirée si elle parle lentement. Une fois la
détection faite, on peut ainsi lire les dialogues « en place », au fur et à mesure qu'ils défilent sur
une « barre de précision », exactement en même temps qu’ils sont dits par les comédiens de la
V.O. Cette synchronisation permettra plus tard à l’adaptateur, s’il dispose d’une table, de vérifier
si ses propres répliques sont en place.
Le détecteur est également chargé de rédiger le croisillé (sous forme de tableau). C’est une
source d’informations précieuses pour le directeur de plateau (voir plus bas), car y figurent le
nombre et les noms des personnages, et leur importance en termes de nombre de lignes de
dialogues.
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L'adaptation
- En « traditionnel »
L’adaptateur dispose de trois « éléments » : un fichier vidéo (sur CD-rom ou DVD, cassette
VHS ou SVHS, ou cassette plus volumineuse si l'on travaille sur machine), un script en V.O. et
la bande-mère détectée.
S’il ne dispose pas d’une table de doublage (très onéreuse), il travaille « à plat », c’est-à-dire
avec un magnétoscope classique ou bien un ordinateur, pour visionner la vidéo. Cela implique
un confort de travail en moins : il faut dérouler la bande manuellement pour y inscrire son texte,
et le défilement de la bande n'est donc pas synchronisé à la fonction "marche" de la vidéo.
Remarque : un auteur qui dispose d’une table de doublage a donc les moyens techniques de
faire sa propre détection, s'il le souhaite.
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Doublage
Une fois qu’il a trouvé la bonne réplique, l’adaptateur l’inscrit sous le texte en V.O. Dans la
mesure du possible, le détecteur a attribué à chaque personnage « sa » ligne, toujours à la
même hauteur le long de la bande, pour le confort visuel des comédiens. On ne peut guère
inscrire plus de quatre lignes de personnages à la fois, sous peine d’encombrer la bande et de
la rendre illisible. On écrit au porte-mine afin de pouvoir modifier le texte en cas de besoin.
Il ne s’agit pas « simplement » de trouver une bonne traduction, qui exprime le sens de la
réplique tout en étant naturelle en français. Il faut aussi, pour que l’illusion soit créée, que cette
traduction soit synchrone avec le mouvement des lèvres des acteurs à l’écran. L’adaptateur
s’aide pour ce faire des signes de détection laissés par le détecteur. Mais ce ne sont que des
repères destinés à faciliter l’écriture sur la bande ; l’auteur se fie avant tout à l’image pour
identifier les difficultés d’une réplique. Le synchronisme est une vraie contrainte, car il oblige à
renoncer à des adaptations qu’on trouve parfois idéales, mais qui seraient visuellement
gênantes et donc déconcentreraient le spectateur. Celui-ci, pour apprécier un programme, doit
en permanence garder l’illusion qu’il regarde un programme tourné en français. Donc pas
question de « faire dire » au comédien francophone une voyelle ouverte au moment où le
comédien à l’écran a la bouche fermée. A l’inverse, un « Hi Dad ! » (aucune consonne) ne
pourra donc presque jamais être traduit par « Bonjour papa ! » (trois labiales).
Chaque adaptateur a sa méthode de travail, mais il semble que tous testent leurs répliques en
faisant défiler à l’écran la scène voulue, tout en « parlant dessus » (avec le son original coupé
ou pas, selon les préférences), jusqu’à trouver la réplique idoine. Cette manœuvre est répétée
autant de fois que nécessaire.
Il y a donc pour l’adaptateur un vrai travail d’écriture. Il doit avoir non seulement des
compétences techniques (souci du synchronisme allié à celui d’une traduction la plus fidèle
possible), mais aussi le talent et/ou le savoir-faire nécessaires pour que, malgré ces contraintes
techniques, le texte d’arrivée soit le plus fluide et naturel possible. Faute de quoi, on écrit dans
un français peut-être synchrone mais « bancal », peu naturel.
- En « virtuel »
Par « écriture en virtuel », il faut comprendre écriture sur support numérique. Nous n'en
développerons que l'aspect technique, le travail intellectuel d'écriture étant le même qu'en
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traditionnel. Concrètement, la bande-mère, le porte-mine et la gomme, ainsi que la télévision et
le magnétoscope sont remplacés par un ordinateur équipé d’un logiciel de doublage. Bien que
la disposition des éléments varie d’un logiciel à l’autre, en général, en haut à droite de l'écran
se trouve la fenêtre de l’image vidéo, en haut à gauche la liste des répliques des personnages
et en dessous, sur toute la largeur de l’écran, la bande rythmo qui défile de façon synchrone par
rapport au son et à l’image. Pour les comédiens, la seule différence est qu’en traditionnel, ils
lisent l’écriture de la calligraphe, alors qu’en virtuel le texte apparaîtra en police de traitement de
texte.
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Après l'adaptation
Quand l’adaptation est terminée, une vérification doit avoir lieu. Il s'agit d'une étape
incontournable, aussi importante que la simulation pour le sous-titrage. La « vérif’ » consiste à
s’assurer que l’adaptation convient au directeur de plateau (appelé aussi directeur artistique, ou
D.A.), qui choisira les comédiens (sauf exigences particulières du distributeur d’un film, par
exemple) et les dirigera sur le plateau d’enregistrement. La vérification se fait sur une table de
doublage. Pendant que l’auteur lit son texte sur la bande qui défile (et joue donc tour à tour le
rôle de chaque comédien), le D.A. se concentre sur ce qu’il entend (c’est-à-dire la V.F. lue par
l’adaptateur, car le son de la V.O. est coupé) tout en regardant le programme à l’écran. Il
cherche bien sûr à voir si le texte est synchrone, mais aussi et surtout si l’adaptation est faite
dans un français naturel. Et si l’auteur a trop souvent répété un mot ou une expression, ou s’il a
introduit une incohérence dans les tutoiements et vouvoiements, on apporte les modifications
nécessaires.
Une fois que l’adaptation a reçu l’aval du D.A., c’est la calligraphe (ou « calli ») qui entre en
scène. Tout comme le détecteur, la calligraphe est une intermittente du spectacle.
Elle est chargée de deux travaux. D’abord, elle recopie le texte de l’auteur sur une bande
rythmo (au stylo à encre indélébile), en superposant celle-ci à la bande-mère. La bande rythmo
est transparente, ce qui permet à la calligraphe d’écrire directement par-dessus le texte de
l’auteur. Cette transparence lui permettra aussi d’être projetée à l’écran. Bien sûr, la V.O. étant
devenue inutile, elle n’est pas retranscrite. Il arrive que la calligraphe contacte l’auteur, car
certains adaptateurs ont des écritures difficiles à déchiffrer.
Ensuite, elle effectue le travail de « frappe ». Il s’agit de retranscrire, à l’aide d’un logiciel de
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traitement de texte, la V.F. qu’elle vient de recopier sur la bande rythmo. La frappe est soumise
à l’auteur, qui peut ainsi vérifier que la calligraphe a bien déchiffré son écriture et donc
correctement retranscrit le texte. La frappe sera très utile au D.A., pour se faire une idée de
l’intrigue de l’épisode ou du film et savoir quels comédiens il va choisir.
Il arrive parfois que l’auteur assiste à l’enregistrement de son texte par les comédiens.
L’enregistrement peut être un moment tout à fait magique, car on y voit ses dialogues prendre
vie. Les comédiens, tout comme les adaptateurs, sont des illusionnistes. Grâce à leurs talents
conjugués, on peut croire que Sean Connery s’exprime en français.
L’ingénieur du son a lui aussi un rôle primordial. Tout d’abord, c’est lui qui fait les prises de son,
c’est-à-dire qui enregistre les comédiens de la V.F. A ce stade, il veille à ce que tous les
personnages parlent au même niveau sonore. A moins, bien sûr, que l’un soit censé chuchoter
et l’autre crier. Il s’assure également que le texte est intelligible et qu’aucun bruit de bouche ne
vient parasiter le texte.
Après l’enregistrement et pour préparer le mixage, l’ingénieur du son peut être amené à faire du
montage, c’est-à-dire à recaler (à une ou deux images près) les répliques selon qu’elles ont été
prononcées en retard ou en avance par rapport à la V.O. Ainsi, on peut corriger une
synchronisation approximative qui ne justifiait pourtant pas que l’on réenregistre le passage.
Enfin vient le mixage. A son issue, la version française devra être parfaite. Le mixage est donc
essentiel à la bonne qualité d’un doublage. Il s’agit pour l’ingénieur du son de tout mettre en
œuvre pour que l’illusion soit maintenue et que le spectateur ne doute pas que le texte français
sort de la bouche du personnage.
Lors de la conception du programme, une V.I. (version internationale) a été élaborée
parallèlement au mixage de la V.O. Celle-ci est un mixage des ambiances, musiques, effets
sonores et bruitages, sans les voix. C’est à partir de cette V.I. que le mixage V.F. est possible. Il
consiste à intégrer les voix françaises dans la V.I.Le mixeur se retrouve donc avec trois
éléments : la V.O., la V.I. et les voix françaises.
La V.O. est la référence. Le rôle de l’ingénieur du son est de s’imprégner du mixage original afin
de réaliser une V.F. identique à la V.O., par respect pour le travail du réalisateur. C’est là que le
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technicien doit travailler à la crédibilité des dialogues : les répliques ne sonnent pas de la même
façon si le personnage est en gros plan, à l’arrière-plan ou encore s’il se trouve derrière une
porte. L’ingénieur du son doit reconstituer ces nuances sonores. De même, une réplique
prononcée dans une cave ne sonne pas de la même manière en extérieur. Il faut par
conséquent jouer sur la réverbération des voix dans différentes pièces. Le mixage devient un
véritable jeu lorsqu’il faut recréer des effets de voix robotisée, de haut-parleur, etc. Car, ne
l’oublions pas, tous ces effets apparaissaient sur la V.O. et doivent être restitués pour que le
spectateur de la V.F. en jouisse lui aussi.
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Qui peut devenir adaptateur ?
Pour commencer, il faut avoir de solides connaissances dans la langue source (la langue du
programme à adapter), pour éviter de commettre des erreurs de compréhension. Car souvent
de telles erreurs ne sont pas décelées au moment de l’enregistrement ; les D.A. et les
comédiens sont rarement des linguistes et n’ont de toute façon pas le temps d’écouter
attentivement la V.O. L’adaptateur a donc la responsabilité de ne pas déformer le sens du texte
original. Une erreur enregistrée l’est pour toujours. Car si un roman peut être réédité, avec
d’éventuelles corrections, le doublage d’un programme audiovisuel l’est rarement, sauf parfois
pour des éditions en DVD de films anciens.
Il est encore plus important d’avoir une excellente maîtrise de la langue cible (le français), faute
de quoi on écrit des adaptations bien peu imaginatives, voire fautives, puisque basées sur un
vocabulaire pauvre et/ou une grammaire approximative.
Ces deux qualités sont nécessaires pour faire un bon traducteur. Mais pour être adaptateur, il
faut un petit plus, le sens du dialogue, qui fera que la V.F. sera fluide et inventive tout en
respectant le sens de la V.O. Il faut aussi être prêt à passer en moyenne une heure de travail
par minute de programme à adapter, et à subir en permanence la frustration créée par le souci
du synchronisme. Car si la fluidité et le naturel de la V.F. sont primordiaux, il faut tout de même
créer l’illusion visuelle, par le synchronisme. Mais sans faire du "synchronien", cette langue
incompréhensible que l'on entend parfois dans les doublages réalisés au rabais et qui
escamote le sens au profit du synchonisme. Enfin, il est nécessaire d’avoir un tempérament
compatible avec le travail en solo, des conditions de travail devenues de plus en plus difficiles
ces dernières années, et la précarité inhérente au statut d’auteur.
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Doublage ou sous-titrage ?
C’est un sujet de débat sans fin pour les cinéphiles. Le sous-titrage est apprécié des
spectateurs qui veulent entendre les voix et les bruitages originaux, ou qui veulent s’habituer à
entendre une langue étrangère pour mieux l’apprendre. Il est vrai que le doublage ne permet
pas cela. Toutefois, il a un autre avantage. Car le sous-titre accapare l’attention du spectateur.
Pendant que ce dernier lit un sous-titre, aussi concis et bien formulé soit-il, il ne regarde pas
l'action à l’écran. Le doublage, lui, permet de se plonger à cent pour cent dans l’action. Bien
sûr, s’il est médiocre, le film est gâché. Ce qui n’est pas entièrement le cas quand un
sous-titrage est médiocre, car le spectateur a toujours la possibilité d’écouter la V.O.
On le voit, il n’existe pas de discipline « meilleure » que l’autre, chacune ayant ses qualités. Ce
n’est pas pour rien qu’elles coexistent depuis longtemps, appréciées chacune à juste titre par
les spectateurs.
Texte rédigé par Aurélie Cutayar et André Mourgue (2006), disponible sous GNU Free
Documentation License
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