L`alimentation méditerranéenne et le régime alimentaire actuel

Transcription

L`alimentation méditerranéenne et le régime alimentaire actuel
République Tunisienne
Ministère du Commerce et de l’Artisanat
Institut National de la Consommation
Etude
bibliographique
L’alimentation méditerranéenne
et le régime alimentaire actuel
Tunisien
Mme Derine DOGUI ANTAR
Festival International de la
gastronomie méditerranéenne de
Bizerte 2010
INTROUCTION
1- Un peu d'histoire : l’alimentation au travers des âges
A l’époque paléolithique, les sujets étaient des chasseurs-cueilleurs qui se nourrissaient
essentiellement de viandes, de fruits et de végétaux. Ils étaient très actifs physiquement.
Le ratio entre ces différents aliments variait considérablement d’une région à une autre
en fonction de la densité en animal, des conditions climatiques et des saisons.
Au début de l’agriculture, les sujets ont commencé à consommer du grain, du lait et de
la viande issue d’animaux domestiqués. Ils deviennent alors beaucoup plus sédentaires.
Depuis la révolution industrielle, les aliments consommés sont beaucoup plus raffinés et
le sucre fait largement son apparition dans l’alimentation quotidienne. Les produits
préparés deviennent très vite des succès commerciaux, aux dépends des fruits et des
légumes. Les fast-food font alors leur apparition.
2- Origine de l’alimentation méditerranéenne
On fait trop souvent référence à une seule et unique alimentation méditerranéenne
comme si une situation géographique commune suffisait à rendre homogènes les
pratiques et les habitudes sur tout l’ensemble de l’espace méditerranéen (Flandrin et
Montanari, 1996).
Or, comme le décrit si bien Braudel (1977), « …la Méditerranée est un très vieux
carrefour. Depuis des millénaires tout a conflué vers elle, brouillant, enrichissant son
histoire : hommes, bêtes de charge, voitures, marchandises, navires, idées, religions,
arts de vivre. Et même les plantes. Vous les croyez méditerranéennes. Or, à
l’exception de l’olivier, de la vigne et du blé–des autochtones très tôt en place- elles
sont presque toutes nées loin de la mer. ».
Les alimentations de la région méditerranéenne se sont forgées aux contacts nombreux
et variés de cultures lointaines, par le biais des migrations, des importations et du
commerce au fil des différentes époques coloniales ayant chacune introduit et
disséminé leurs plantes, leurs animaux et leurs croyances.
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Plusieurs grandes étapes ont été distinguées dans l’évolution historique des
alimentations Méditerranéennes (Padilla, 1996).
Première influence exercée par les Egéens (IIIe-IIe millénaire av.J.C.), les phéniciens
(IIe millénaire-XIIIe siècle av. J.C.), les Carthaginois (IXe-IIe siècle av.J.C.)
Ces civilisations ont permis la diffusion de l’olivier, vigne, figuier et amandier et ont
importé, de l’Asie, le poivre et les épices. Au cours de ces siècles sont apparues les
céréales telles que le blé, l’orge, l’avoine, mais aussi les agrumes, les moutons, les
chèvres et le bœuf.
Ensuite, les Romains (VIIe-IIIe siècles av. J.C.) ont intensifié la culture de l’olivier et
de la vigne et ont aussi diffusé certains légumes (les légumes verts) et légumineuses
(les petits pois, les haricots secs, les lentilles, les pois chiches).
Les époques byzantine (IIIe-XVe siècles) et ottomane (XIVe-XVIIe siècles) ont vu la
diffusion des agrumes élargie à l’ensemble du bassin méditerranéen et ont surtout
influencé les pratiques alimentaires pendant les XIIe et XIIIe siècles. Le riz et le sucre
sont apparus sur la table, ainsi que les pâtes et certains légumes de la famille des
cucurbitacées (concombre, courge).
Puis l’époque de l’empire arabe préconisa la diversité, notamment en créant de
nouveaux aliments à partir des aliments importés (par exemple, les piments américains
donnèrent lieu au poivron vert et, issue des premières cucurbitacées, la courgette
apparaîtra ainsi entre le XVIe et XVIIe siècles), mais aussi en introduisant et diffusant
de nouvelles techniques telles que la cuisson à la broche et la friture, ou encore la pâte
feuilletée. Les Arabes remplirent d’arômes et d’épices la cuisine (Aubaile-Sallenave,
1998). Tout ceci contribua au développement des cuisines régionales.
Enfin, suite à la découverte des Amériques par C. Colomb en 1492, outre l’impact de
la révolution alimentaire entre le XVIe et XVIIIe (Mariani-Costantini, 2000), furent
introduits des aliments de bases incluant le maïs (via la Turquie), la pomme de terre
(via le Portugal) et la tomate (Padilla, 1996 ; 2000).
Le modèle actuel d’alimentation méditerranéenne est donc le fruit de l’emprunt, de la
diffusion et de l’adoption dans l’espace et au cours des siècles derniers, d’innovations
culturelles sous la forme de produits et de pratiques alimentaires variés venant de
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l’Asie, de l’Inde, du Moyen-Orient et de l’Amérique, ainsi que du développement du
marché agricole à l’échelle internationale et de la mobilité croissante des populations.
Enfin
Qu’est ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois. Non pas un paysage,
mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de
mers. Non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les
autres.
Fernand Braudel, La Méditerranée.
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I- Vertus de l’alimentation méditerranéenne / cas de la Tunisie
Il existe aujourd’hui un consensus scientifique sur les recommandations nutritionnelles
en matière de santé, et l’alimentation méditerranéenne apparaît comme le modèle le
plus adapté, conciliant intérêt nutritionnel, qualités organoleptiques, plaisir et
convivialité.
1- Quelques références d’événement et d’études-clés ont sont le témoin
- Etude EURATOM (1965) : caractéristiques alimentaires en Europe et radioactivité)
- Etude des sept pays de Ancel Keys, lancée en 1952 et portant sur les relations entre
ration alimentaire et maladies cardiovasculaires (Finlande, Grèce, Italie, Japon, PaysBas, USA, Yougoslavie), le chercheur a découvert les bienfaits de l'alimentation
méditerranéenne, et plus particulièrement de l'alimentation crétoise. Il a remarqué que
le taux de cancers et de cholestérol, les maladies cardiovasculaires et le stress étaient
quasi
inexistants
dans
les
pays
méditerranéens.
Les résultats de l'étude ont montré que le taux de mortalité des suites de maladies
coronariennes en Finlande s'élevait à 97 %, contre 4 % en Crête.
- Etude MONICA (1991): maladies cardiovasculaires et ration nutritionnelle
- Etude INSERM (Serge Renaud, 1988) : Prévention des maladies cardiovasculaires
- Reconnaissance officielle par l'OMS (1994) :Régime de référence dans l’initiative
européenne régionale pour favoriser le développement des politiques de nutrition des
Etats membres
- Développement de la pyramide alimentaire méditerranéenne (1995)
L’alimentation méditerranéenne originelle, décrite en Crète dans les années 1960, est
une alimentation équilibrée, saine, particulièrement riche en fruits et légumes frais ou
secs et en céréales (pain, féculents...) consommés quotidiennement et à chaque
repas. Pauvre en graisses animales, l’huile d’olive constitue la principale source de
lipides. Poisson, viande blanche et œufs sont consommés quelques fois par semaine.
Fromage blanc de chèvre et de brebis sont les produits laitiers les plus présents. Le vin
consommé au cours des repas et de façon modérée constitue la principale source de
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boissons alcoolisées. Ce modèle alimentaire, riche en produits frais, possède un double
avantage nutritionnel : sa faible teneur en acides gras saturés, et sa grande richesse en
micro constituants protecteurs apportés par les végétaux.
2- Caractéristiques du régime méditerranéen
L’originalité du régime méditerranéen se caractérise par :
-
sa frugalité (contraire d’une alimentation pléthorique, telle que nous la
connaissons aujourd’hui) ;
-
sa simplicité (ingrédients bruts, cuisinés de façon simple) ;
-
et surtout par les proportions des aliments consommés : beaucoup de végétaux,
peu de produits animaux.
3- Les aliments typiques ou ingrédients clés
• Les fruits et légumes frais sont riches en fibres, vitamines et minéraux,
éléments qui ont presque disparu des aliments en conserve.
Ils sont produits localement et donc consommés en fonction des saisons, les légumes et
les fruits sont largement consommés dans la région méditerranéenne. Les légumes
permettent de réaliser des salades, des potages, des mélanges de légumes cuits, et ils
entrent dans la composition de nombreuses préparations (associés au poisson, aux
céréales, aux légumineuses...).
Leur diversité est très grande : poivron, courgette, tomate, artichaut, fenouil, mais
aussi chou, courges et potiron,...
Les fruits (raisin, figue, pêche, abricot, fraise, melon, pomme, poire,...) sont
consommés le plus souvent nature, à la fin des repas ou en collation. Peu énergétiques,
mais concentrés en micronutriments, ils sont impliqués dans la prévention de
différentes pathologies (cancers, maladies cardiovasculaires, ostéoporose...) et
permettent de limiter de façon naturelle l’apport calorique global des repas.
Les herbes et aromates frais (basilic, ail, oignon, persil, coriandre...), largement
utilisés, donnent du goût sans apporter de calories, et renforcent la densité en
micronutriments protecteurs du plat.
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• Les fruits secs
Forme traditionnelle de conservation, les fruits secs (raisins, abricots, figues...) sont
encore bien présents et donnent une touche gustative particulière à certains plats. Ils
sont souvent associés aux fruits oléagineux (amandes, noisette, pignon...) et aux fruits
confits. Très énergétiques, les fruits secs et oléagineux sont également d’excellentes
sources de minéraux (calcium, potassium) et de fibres.
• Les céréales
Pain, pâtes, galettes de blé, polenta ou riz : les céréales apportent d’une part de
l’énergie, et, d’autre part, une bonne quantité de protéines d’origine végétale. Riches
en fibres et en minéraux quand elles ne sont pas raffinées (pain complet, blé concassé),
elles sont présentes à tous les repas et collations (pain frotté d’ail et huile
d’olive, ou fromage). La présence importante de céréales permet d’atteindre la quantité
de glucides complexes recommandée par les experts en nutrition (55 à 58 %
de l’énergie totale de la ration alimentaire).
• Les légumineuses
Haricots en grains, fèves, lentilles, et pois chiches, dans une moindre mesure,
complètent l’apport protidique des céréales. L’association des céréales et des
légumineuses permet en effet d’obtenir des protéines de qualité équivalente à celle des
produits d’origine animale (viande, lait...), car leurs acides aminés sont
complémentaires. Les légumineuses ont par ailleurs l’avantage de ne pas contenir de
lipides, et d’apporter glucides complexes, fibres et minéraux en quantité élevée.
Mijotées dans des plats complets, ou réduites en purée, elles sont également utilisées
sous forme de farine (réalisation de gâteaux, de galettes).
• L’huile d’olive
C’est le principal corps gras utilisé, pour l’assaisonnement comme pour la cuisson.
Riche en acides gras mono-insaturés, bénéfiques au système cardiovasculaire, l’huile
d’olive est également intéressante pour sa richesse en substances anti-oxydantes :
vitamine E, et pigments poly phénoliques (anti cholestérol et fluidifiant sanguin).
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Elle est largement utilisée dans toutes les préparations aussi bien crue que cuite. En
Crête, on estime sa consommation à environ 100 g par jour/personne dans les années
1960.
• Le poisson
Principale source de protéines animales, le poisson du bassin méditerranéen est
souvent un poisson « gras » (sardine, anchois, maquereau, espadon...), donc riche en
acides gras polyinsaturés de la série oméga 3. Ces acides gras complètent ceux de
l’huile d’olive, et améliorent en particulier la fluidité du sang. Il est consommé
essentiellement dans les régions côtières.
• Les produits laitiers
Il s’agit surtout des fromages de chèvre et de brebis : leur consommation est
relativement faible, et se substitue à celle de la viande. Le lait est en revanche peu
consommé. Sources de protéines de bonne valeur biologique, de calcium, de
phosphore et de vitamines du groupe B, ils contribuent à l’équilibre alimentaire global.
• Les boissons
En dehors des pays musulmans où l’alcool est proscrit, le vin intervient, consommé en
faible quantité et régulièrement, dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Les
vins rouges riches en poly phénols sont particulièrement intéressants pour leurs effets
antioxydants.
• Des proportions spécifiques
Si les aliments du régime méditerranéen présentent une certaine originalité, c’est
surtout la place de chaque groupe d’aliments qui distingue ce mode alimentaire.
L’alimentation de type méditerranéen est en effet fondée sur les végétaux, alors que les
produits animaux viennent simplement les compléter. Légumes, fruits, céréales et
légumineuses occupent donc une place de premier ordre, alors que l’on ne
consommera qu’une petite portion de poisson et de fromage dans la journée, et
exceptionnellement, de la viande.
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Par ailleurs, l’utilisation d’aliments bruts entraîne une limitation de l’apport de sucre et
de matières grasses «cachées».
Du point de vue nutritionnel, le régime méditerranéen se caractérise donc par :
un apport élevé en glucides complexes,
la présence importante de fibres,
une grande concentration en micronutriments antioxydants,
un faible apport en matières grasses, où les lipides insaturés prédominent,
un apport protidique suffisant et bien équilibré entre les sources végétales et
animales,
un apport calorique adapté aux besoins (limitant le risque de surpoids).
• Avec trois facteurs bienfaisants
L'alimentation méditerranéenne est pauvre en graisse animale et en sucre rapide,
mais
elle
est
riche
en
fibres,
en
oméga
3
et
en
antioxydants.
Les fibres réduisent le taux de mauvais cholestérol, stabilisent le taux de glycémie
(important chez les diabétiques), améliorent le transit intestinal et procurent un
effet de satiété, réduisant les risques de grignotage entre les repas.
Les oméga 3 sont des acides gras essentiels que notre corps ne fabrique pas et
qu'il est donc important de puiser dans l'alimentation (poisson, huile végétale,
noix…). Ils réduisent le taux de mauvais cholestérol, participent à la fluidité du
sang et donc réduisent les risques de maladies cardiovasculaires. Ils agiraient
même
contre
le
stresse
et
l'anxiété.
Selon l'étude Epic (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition)
lancée en 1991, le risque de cancer du côlon baisse significativement pour les
amateurs de poisson, alors qu'il augmente pour les gros consommateurs de
charcuteries.
Les antioxydants aident notre organisme à lutter contre le dépôt de cholestérol sur
les parois des artères, et donc à lutter contre les maladies cardiovasculaires. De
plus, les antyoxydants agissent contre le vieillissement cutané, la peau étant
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agressée
par
des
radicaux
libres
liés
au
tabac
et
au
soleil.
Toujours selon l'étude Epic, l'incidence des cancers aéro-digestifs serait réduite de
50 % par une consommation quotidienne de 500 g ou plus de fruits et de légumes.
4- Exemple de plats tunisiens «méditerranéens»
- Les légumes permettent de réaliser des salades, des potages, des mélanges de
légumes cuits, et ils entrent dans la composition de nombreuses préparations (associés
au poisson, aux céréales, aux légumineuses...).
-Les fruits consommés le plus souvent nature, à la fin des repas ou en collation.
-Céréales présentes à tous les repas et collations
-Légumineuses Mijotées dans des plats complets, ou réduites en purée, elles sont
également utilisées sous forme de farine (réalisation de gâteaux, de galettes).
-Laits fermentés : Raeib, lben
-Salade méchouia (à base de légumes : tomate, piment, oignon, aubergine, ail, thon ou
sardine, huile d’olive)
-Salade tunisienne (à base de légumes : tomate, concombre, oignon, radis, persil,
poivron, fruits : pomme, thon ou sardine, huile d’olive, œuf)
-Omek houria (carottes, ail, harissa, huile d’olive)
-ragoût de légumes (à base de légumes : épinard, persil, carottes, oignon, tomate,…
légumineuses : lentilles, pois chiche, huile d’olive, viande…),
-ragoût en général (à base de sauce avec tous sortes de légumes et légumineuses,
viande ou poisson, huile d’olive)
-Kobiza (à base de légumes : kobiza, salk, harissa (piment)
-couscous exemple djerbien, barkoukech, malthouth, farfouch… (à base de céréales :
blé, orge, légumes : tomate, oignon, carottes, piment, courgette, citrouille,
fenouil,…légumineuses : pois chiche, petit pois, pomme de terre, viande : rouge,
blanche ou poisson)
-Barkoukech sahel (à base de céréales : mhamssa fait à l’état, légumes : tomate,
oignon, carottes, piment, courgette, citrouille, légumineuses : fèves)
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-chebtia (sous forme de kefta) : à base de légumes : persil, salk, piment, céréales :
smid, œuf)
-Felfel aux oignons (à base de légumes : d’oignon, ail, œuf, huile d’olive)
-Hlelem (à base de céréales, légumes: épinard, persil, korchef, féculents : fèves,
lentilles, pois chiche) accompagnée de poisson (surtout chawri de mai-juin)
-tlaitlou, kad khmira, nwassar, rechta njara, macaronis fait maison (toutes à base de
céréales, légumes : carottes…, légumineuses : pois chiche, fève, …)
-lablabi (à base de céréales : crouton de pain, légumes : ail, légumineuses : pois
chiche, Harissa, poisson : thon ou sardine, huile d’olive)
-chorba frik (à base de céréales, légumes : oignon, ail, tomate, céleri, légumineuses :
lentilles, pois chiche, viande ou poisson)
-sder (à base de céréales : semoule, harissa, huile d’olive), hsou (à base de céréales :
farine, harissa, huile d’olive),
- Broudou (pots au feu à base de tous sortes de légumes, viande ou poisson)
-Bsissa (à base de farine de céréales : blé ou orge, sorgho, légumineuses : pois chiche,
lentilles, fenugrec, grains d’anis, huile d’olive, épice, parfois légumes : oignon ou
fruits : grenade, raisin, figue, dattes, caroube)
-plats à base de sardine (kefta, ragoût, couscous, légumes farcis,…)
Et la liste est encore longue…
II- Transition ou évolution nutritionnelle
L’alimentation méditerranéenne, tant vanté, et qui tirait l’essentiel de ses vertus à la
fois de la grande diversité et de ses équilibres qualitatifs a évolué en quelques années
de manière dangereuse. En fait, ce modèle originel a, hélas, tendance à disparaître, au
risque de lui faire perdre une grande partie de ses bénéfices.
Il est ainsi observé, une augmentation de l’apport calorique total, une aggravation de la
consommation des lipides et surtout les graisses saturées (viande, produits laitiers,
produits industrialisés riches en matière grasse saturée présente essentiellement sous la
forme d’’huile de palme…) et une très forte augmentation des scores en sucres due à la
forte consommation des sucres simples (sodas, biscuits, …).
Il est important de noter que l’évolution continue mais en terme de structure (pas en
terme quantitatif) puisque la consommation se déplace vers les produits d’origine
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animale, les fruits et légumes, les corps gras et le sucre au détriment des aliments de
base
(céréales,
féculents,
légumineuses).
Ces
différents
stades
d’évolution
caractérisent tous les pays lorsqu’une élévation du revenu le permet.
1- Evolution de la consommation alimentaire tunisienne
250
Evolution des quantités consommées au niveau national
210,2
CEREALES
200
182,6
LEGUMINEUSES
LEGUMES
FRUITS
150
138,5
132,8
quantité consommée en
Kg/personne/an
VIANDES ET VOLAILLES
POISSONS
108,7
LAIT
100
71
70,8
53,9
50
AUTRES PRODUITS
LAITIERS
OEUFS
MATIERES GRASSES
SUCRE ET PRODUITS
SUCRES
40,6
37,6
26,9
22,7
16,7
9,4
16,9
15,8
14,5
5,5
0
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Figure 1: Evolution des quantités consommées/personne/an au niveau national
de 1980 à 2005
Observant le cas de la Tunisie qui se caractérise par un régime alimentaire qui
demeure dans sa totalité basé sur les céréales bien que les quantités consommées en
ces produits sont en baisse continue passant de 210,2 kg/personne/an en 1980 à 204
kg/personne/an en 1985 (figure 1) puis a baissé par la suite passant à 196
kg/personne/an en 1990 et à 180,4 kg/personne/an en 2000, soit une baisse de 30 kg en
l’espace de 20 ans. A l’inverse, la ration a enregistré un apport plus important en
viande, poisson, lait et œufs mais aussi légumes et fruits qui sont quasiment présents
au cours de l’année, apparaît alors le problème des pesticides, la fadeur du goût…
En effet, on constate une plus grande diversification du régime alimentaire tunisien
avec une consommation plus forte en légumes, soit 87,5 kg/personne/an en 1968
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contre 125,3 kg/personne/an en 1995, en œufs (38 contre 98 pièce), en produits laitiers
(25 contre 75,2 kg/personne/an) et en viande (riche en acide gras saturés) dont la
consommation est passée de 13 kg/personne/an en 1968 à 21 kg/personne/an en 1995,
Concernant la consommation de lait et dérivés qui a considérablement augmenté au
cours de la période 1968- 1995 en raison des performances réalisées par le secteur
laitier, on note une forte diminution de la part du lait proportionnellement à celle des
produits laitiers (yaourt, fromage, et autres) dont la part est passée de 16% à 39% de la
consommation totale. En effet, les quantités de lait consommées sont passées de 21 à
40 kg alors que celle des produits laitiers ont été multipliés par plus que 6.
Les huiles de mélange (riche en acide gras saturés) sont de plus consommées.
Par ailleurs, en se basant sur le rapport de l’enquête de l’évaluation de l’état
nutritionnel de 1996/1997, l’apport moyen en protéines totales a subit une légère
baisse par passant de 67,5g/j/personne/an 1975 à 58,5 g/j/personne/an en 1997.
Cependant, la consommation est restée au dessus du besoin théorique moyen de
sécurité estimée pour la population tunisienne (entre 53 et 57 g). L’apport des
protéines végétales bien que toujours élevée est passé de 85,5% (en 1975) à 73,8% (en
1997) des protéines. Cette baisse est essentiellement due à la diminution de la
consommation des céréales. Parallèlement est avec l’urbanisation, une tendance
générale à la hausse de la consommation des protéines d’origine animale (viande,
volaille, poisson, œufs et yaourt) est observée.
Ainsi l’évolution de la consommation alimentaire moyenne du tunisien au cours des
deux dernières décennies est caractérisé par :
• Un niveau énergétique moyen presque stable et dans la fourchette tolérée,
• Une modification de la structure de la ration journalière : la part des glucides a
sensiblement diminué au profit des lipides,
• Une baisse de l’apport protéique absolu avec augmentation de la part d’origine
animale aux dépends de la part végétale.
2- Evolution de l’apport calorique
La figure 2 montre l’évolution de l’apport calorique de la ration alimentaire du
tunisien étalée sur la période 1975-2005,
En fait, le niveau énergétique moyen de la ration alimentaire, il est caractérisé
quantitativement par une tendance à la baisse au cours de la période 1975-1997
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passant de 2327 Kcal/j/personne à 2076 Kcal/j/personne. Cet apport moyen est
légèrement plus faible que celui recommandé par le comité mixte FAO/OMS/UNU en
1992 et adapté à la structure par âge et par sexe de la population tunisienne mais reste
dans la fourchette tolérée de variabilité de l’apport. Il est à noter que l’apport en 2005
est le même que celui de 1975.
Figure 2 : Evolution de l’apport calorique de la ration alimentaire du tunisien
(1975-2005)
Néanmoins, l’évolution de la structure de la ration calorique est caractérisée par une
augmentation des calories d’origine lipidique qui sont passées de 26,4 % en 1975 à
29,7% en 1997. Cette hausse s’est faite aux dépens des glucides qui passent de 62% à
59% des calories totales. Ce résultat est confirmé par l’analyse des données sur la
consommation des denrées alimentaires qui montre un recul dans la consommation
globale des céréales compensée sur le plan énergétique par une consommation accrue
en sucres et en huiles de graines.
Alors que la moyenne calorique journalière parait stable entre 1975 et 2005, le
problème de l’obésité occupe de plus en plus le devant de la scène.
Ce paradoxe pourrait s’expliquer en partie par la sédentarité et par les changements du
modèle alimentaire tunisien.
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3- Indices
3-1-
Evolution des dépenses pour l’alimentation et les boissons prises hors
foyer par personne et par an (en dinars)
La figure 3 montre un accroissement des dépenses du citoyen Tunisien pour
l’alimentation et les boissons prises hors foyer, en effet le coefficient budgétaire passe
de 3,1% en 1995 à 5,3% en 2005 par personne et par an, ce paramètre nous donne une
idée sur le degré de déstructuration des repas, le degré d’effacement progressif des
rituels traditionnels des repas, le développement du « fast food culture» et de la « coke
culture »…mais
aussi
l’apparition
d’un
certain
nombre
de
pathologies
comportementales telles que le grignotage compulsif, la boulimie, l’anorexie, sans
oublier l’obésité.
Cependant, il est reconnu que la prise de repas en famille est associée à une meilleure
qualité des apports nutritionnels (notamment en protéines, vitamines et minéraux) du
fait d’une plus grande consommation de fruits et légumes, de céréales, d’aliments
riches en calcium, ainsi que d’une plus faible consommation de boissons sucrées d’où
défavorisant la consommation de produits riches en graisses, en sel et en sucres.
Fig 3 : Evolution des dépenses pour l’alimentation et les boissons prises hors
foyer
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3-2-
Evolution de l’autoconsommation en % de la consommation totale
En examinant la figure 4, nous remarquons alors une tendance nette à la baisse de
la part de l’autoconsommation dans l’alimentation des ménages. L’évolution des
habitudes alimentaires vers le modèle urbain avec une migration de plus en plus
importante vers les produits industrialisés donc plus gras, plus sucrés, plus salés qui
se substituent progressivement aux produits traditionnels élaborés à la maison
explique cette tendance à la baisse des quantités autoconsommées. Par ailleurs, il
convient de remarquer que les niveaux de production agricoles conditionnent
également les quantités autoconsommées à la maison notamment dans les zones
non communales.
45
Evolution de l'autocnsommation (% de la consommation totale)
42,7
40
39,9
CEREALES
37,8
35
LEGUMINEUSES
31,9
30,1
30
LEGUMES
FRUITS
25
25,5
VIANDES ET VOLAILLES
% autoconsommé
20
POISSONS
16,7
15
LAIT
15
14,2
12
11,1
10
9,1
9
AUTRES PRODUITS
LAITIERS
OEUFS
5
4,2
4,1
3,4
2
HUILE D'OLIVE
0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Fig 4 : Evolution des quantités moyennes autoconsommées par personne et
par an au niveau national
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III- Causes
Cette transition est due principalement à des mutations socio-économique dont :
-
Urbanisation,
-
Population majoritairement jeune,
-
Féminisation de la vie économique (statistique en Tunisie),
-
Décohabitation des membres du foyer,
-
Aménagement du temps de travail,
-
Environnement collectif se substitue au groupe familial favorisant le
développement du goût,
-
Apparition et développement de la grande distribution et des aliments
« modernes »,
-
Apparition de la fast-food culture et de la coke culture,
-
Diminution globale des produits traditionnels,
-
Production industrielle tournée vers les produits énergétiquement denses
(multiplication de la production des margarines, biscuiterie, confiserie,
boissons sucrées…),
-
élévation du revenu,
IV- Répercussions de ce changement de mode vie sur la santé
Le rôle joué par la nutrition (alimentation et activité physique) comme facteur de
prévention ou de risque des pathologies les plus répondues en Tunisie est de mieux en
mieux compris, qu’il s’agisse du cancer, des maladies cardiovasculaires, de l’obésité,
de l’ostéoporose ou du diabète de type 2. Même si la nutrition n’est pas le seul
déterminant de ces pathogènes, c’est un facteur sur lequel il est possible d’intervenir
collectivement et individuellement.
L’année 2010 a été proclamée pour lutter contre le cancer
L’Institut National de la Consommation représentant du MCA dans le plan national de
lutte contre le cancer, chef de fil MSP
Institut National de la Consommation
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Le mode de vie et l’offre alimentaire évoluent : nous sommes amenés à prendre de
plus en plus de repas en dehors du domicile ce qui provoque une simplification des
repas. Nous faisons une consommation trop élevée en gras, sel et sucre, avec un niveau
d’activité physique quotidien insuffisant cela contribue à l’apparition de certaines
pathologies (obésité, cancer, diabète, ostéoporose…) aujourd’hui très répandues.
Il était inévitable que ces changements majeurs de mode alimentaire avaient un impact
sanitaire important : surpoids, obésité, hypertension artérielle, diabète de type II,
MCV…
En effet, la surcharge pondérale a beaucoup progressé, touchant en 2005, 71,1% des
femmes et 52,1% des hommes (âge 35 à 70 ans), quand à l’obésité elle affecte 36,9 %
des femmes et 14,2% des hommes (dossier obésité INNTA).
Concernant le diabète il touchait 8,8 % des hommes de 20 ans et plus et 9,5 % des
femmes en 1996/1997, en 2005 ; 17,8% des hommes et 16,5% des femmes (âge 35 à
70 ans) vivant dans le grand Tunis étaient diabétiques.
L’hypertension artérielle n’a cessé de progresser et affectait déjà en 1996/1997 ;
21,1% des hommes et 25,5% des femmes (âge 35 à 70 ans) vivant dans le grand Tunis,
en 2005 ces prévalences sont passées à 28,9% et 40,7% respectivement.
L’hypertriglycéridémie affecte actuellement 30,1% des adultes de 35 à 70 ans, alors
que l’hypercholestérolémie touche 5,9 % des adultes du même âge.
Les études comparatives réalisées au Maghreb en 1995 et 2008 montrent une
augmentation spectaculaire de la moyenne des surpoids, particulièrement marquées en
Tunisie et au Maroc où est associé une prévalence importante de l’hypertension
artérielle qui touchent plus d’un tiers de la population adulte en Tunisie,
V- Perspectives / plan d’action
-
Réfléchir sur l’élaboration d’une étude nationale dont la finalité est de
promouvoir les facteurs de protection dans l’alimentation et de réduire
l’exposition aux facteurs de risques vis à vis des pathologies liées à celle-ci, de
diminuer l’exposition aux problèmes spécifiques, s’inscrivant notamment dans
Institut National de la Consommation
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une volonté d’évolution favorable pour la santé des environnements
alimentaires et physiques des Tunisiens.
-
Réfléchir sur la mise en place d’un programme national dont les objectifs sont
comme suit :
Informer et orienter les consommateurs vers des choix alimentaires et un état
nutritionnel satisfaisant (alimentation + activité physique régulière),
Diffuser une information simple, claire et cohérente sous la forme d’actions
média et hors média,
Eduquer les jeunes et créer un environnement favorable à une consommation
alimentaire et un état nutritionnel satisfaisant dans le cadre de la conception
d’un projet ludique et pédagogique d'éducation nutritionnelle et interculturelle
sur le thème bienfaits de l'alimentation méditerranéenne Tunisienne.
mise à disposition d'outils pédagogiques spécifiques sous forme de mallettes
pour les participants,
Programmer des journées d'information et de formation des enseignants,
Programmer des journées d'animation "alimentation méditerranéenne et
Tunisienne" sur le portail de l’INC,
Malencontreusement, les stratégies fondées sur l’information, la communication et
l’éducation ne peuvent à elle seules permettre d’atteindre les objectifs, il faut agir aussi
sur l’offre d’où :
-
Impliquer les IAA et la restauration collective ainsi que les consommateurs au
travers des associations de consommateur et de leurs structures techniques.
Pourquoi pas, l’innovation de l’industrie alimentaire pourrait s’inspirer
utilement du modèle méditerranéen en proposant des aliments naturels
(utilisation de technologies douces plutôt que des traitements chimiques ou
thermiques lourds pour la conservation), nutritifs (veiller à la préservation des
nutriments lors des transformations…), pratiques et goûteux. La modernité
déstabilise les repères du mangeur, perte du « vrai goût », peur de la
dégradation de la qualité des aliments, peur de l’isolement dans le manger.
-
Mettre en œuvre des opérations d’analyse et d’essais comparatifs concernant
des produits industrialisés (biscuit, sucrerie, snacks, cake, chips…/ nature et
Institut National de la Consommation
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teneur en glucides, nature et teneur en lipides, teneur en sel, apport
calorique…),
-
Valorisation des modes comportementales traditionnels (oula...),
Institut National de la Consommation
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Conclusion
L’alimentation tunisienne préserve mais peu ses caractéristiques méditerranéennes
mais pour combien de temps encore ? En effet, on observe de plus en plus une
mutation de l’alimentation, surtout dans les grandes villes, avec une montée très forte
de la consommation de viande, de graisses et de sucres. Cette modification trouve ses
raisons dans un phénomène d’imitation du mode vie des peuples dits « civilisés ».
Mais, on oublie que ces peuples souffrent d’un cortège de maladies liées justement à
l’alimentation et à l’industrialisation de la consommation et qu’ils ont revu leur
comportement alimentaire afin de réhabiliter et de promouvoir le modèle
méditerranéen, qualifié de modèle-santé (Programme National Nutrition Santé de la
France de 2002 inspiré de ce mode). C’est donc un retour aux sources et à nos
traditions qu’il faut encourager.
En effet, une alimentation riche en graisse, sel et sucre rime avec pathologies liées à
l’alimentation, ainsi il faudra encourager le retour au patrimoine culinaire tunisien
(régime méditerranéen)
Il est donc important, non seulement d’assurer le maintien du régime méditerranéen
dans ses régions d’origine, mais aussi de promouvoir l’extension de ce modèle à
d’autres régions du monde dans une optique de santé publique. L’objectif essentiel est
de lutter contre les déséquilibres alimentaires liés à une augmentation de la
consommation de produits raffinés, riches en lipides et en sucre, sources de «calories
vides», et à une insuffisance de consommation en fruits et légumes et céréales
complètes.
Il conviendrait seulement de faire en sorte qu’il ne s’agisse pas d’un régime mais
plutôt d’un comportement alimentaire, voire même d’un mode de vie, une
amélioration de la qualité de vie, immédiate lors de la prise alimentaire et secondaire
en se protégeant contre la survenue des pathologies. »
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