Fiche du film

Transcription

Fiche du film
Fiche n° 1210
BANDE DE FILLES
de Céline Sciamma
Du 5 au 11 Novembre 2014
BANDE DE FILLES
de CELINE SCIAMMA
Sortie 22 OCTOBRE 2014
Résumé :
Marieme vit ses 16 ans comme une succession
http://fakeimg.pl/450x600/
d’interdits.
La censure du quartier, la loi des
garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre
avec trois filles affranchies change tout. Elles
dansent, elles se battent, elles parlent fort,
elles rient de tout. Marieme devient Vic et
entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.
AVEC KARIDJA TOURE
ASSA SYLLA
LINDSAY KARAMOH
MARIETOU TOURE
Quand Vic, Lady, Adiatou et Fily se lâchent toutes les quatre sur leDiamonds de Rihanna, c’est une épiphanie, un bingo
qui claque, une cristallisation des désirs des personnages et du spectateur, peut-être le genre de scène dont on dit que
le film a été fait juste pour ça. A ce moment-là, cette bande des quatre est une version féminine et noire des Fab Four,
une déclinaison frenchie 2014 des Supremes, Crystals, Shirelles, Vandellas et autres merveilles de la chapelle sixties
pop black américaine.
Peut-être que filmer ça, un girl group contemporain, des Beatles meufs et blacks de cité, était le noyau originel du désir
de Céline Sciamma, pour redire que la pop, le cinéma, la société n’appartiennent pas seulement aux mâles blancs. Ou
peut-être que cette lignée soul pop n’est que mon fantasme, ma relecture à moi.
En tout cas, de Lucy in the Sky with Diamonds (Beatles) aux diamonds inthe sky de Rihanna, des swinging sixties à
notre rude début de XXIe siècle, de la pop noire ou blanche d’antan aux polymixages d’aujourd’hui, il y a comme une
permanence de la beauté, du sex-appeal et de l’énergie de la jeunesse, qui peut briller de l’éclat de diamants dans le
ciel pour peu qu’elle soit boostée par une bonne chanson. «
« Une cinéaste “ligne claire”
Dans la France de 2014, les pièges, les dangers, les loups-garous sont nombreux pour une jeune-fille-noire-prolétairesolitaire-sans diplôme. Le diamant dans le ciel retombe sur terre, parfois sous terre, ramené à l’état
de caillasse toc par la loi sociale, toujours masculine et brutale – dealers, proxos parsèment son chemin, de la cité à la
ville. Et à chaque séquence du trajet cahoteux vers son destin de femme, Vic change de costume, d’apparence : haut
de jogging “caillera” qui efface le genre, minijupe et perruque blonde pour souligner une féminité artificiellement
sophistiquée, le parcours existentiel est aussi une affaire de transformations visibles, comme dans les contes.
Si le portrait de Vic est complexe, si le tableau des mécanismes sociaux qui agissent sur elle est subtil, Céline Sciamma
reste néanmoins une cinéaste “ligne claire”, limpide dans son récit et ses options de mise en scène. Comme
dans Naissance des pieuvres ou Tomboy, elle montre une véritable aisance pour rendre la complexité parfaitement
lisible. Ici, elle est bien aidée par un quatuor de comédiennes effectivement pur diamant : Karidja Touré, Assa Sylla,
Lindsay Karamoh et Mariétou Touré sont aussi craquantes, marrantes, poignantes que leurs doubles de fiction. Quand
on voit tant de beauté, de talent, de vivacité, d’intelligence et de sensibilité à l’œuvre, on se demande mais comment,
comment, comment peut-on être zemmourien ?!
Car Bande de filles est aussi politique que Tomboy, non parce qu’il déploie un message programmatique mais parce
qu’il se place pile-poil au cœur des prurits qui démangent une partie de la société française. Ce titre, Bande de filles,
désigne aussi bien le groupe qu’une insulte réappropriée. Etre traitée de “fille” (ou de “pédé”, de “goudou”, de “youpin”,
de “négro”…), c’est toujours un honneur parce que ça vient toujours d’une bande de cons.
LES INROCKS Serge Kaganski à lire en entier sur internet.
INTERVIEW DE LA REALISATRICE DANS LIBERATION
Céline Sciamma: «Les grands films libèrent des territoires plutôt qu’ils ne les occupent» A 36 ans, la réalisatrice-costumière évoque
son travail, explique sa vision de la banlieue et revient sur la façon dont elle aborde la diversité au cœur de «Bande de filles».
« Le film s’est construit sur des refus, à des niveaux très simples, comme le choix de ne pas faire un «film hip-hop» avec une bandeson hip-hop. Et d’autres décisions plus radicales, comme d’évacuer la question de la police, d’évacuer aussi tous les Blancs et, donc,
évacuer la question de la confrontation, évacuer la religion. Pas par peur ou par méfiance. Le film ne s’est pas construit sur des
choses qu’il refuse de regarder, mais sur des choses qu’il choisit de regarder très précisément. Les grands films libèrent des
territoires plutôt qu’ils ne les occupent. On vous pose souvent la question comme si cela devait être une intimidation, mais justement
les grands films sont une incitation à être «post-eux». L’Esquive, par exemple, a libéré le territoire de la question de la langue. Je
n’étais pas ici dans l’injonction du film de tchatche, je pouvais au contraire montrer que ces filles parlaient plusieurs langues, dédier
certaines scènes à une langue très énergique et d’autres à une langue très soutenue. C’était une façon d’être juste dans le portrait
de ces filles et d’investir un nouveau terrain. Je me suis exposée à entendre : «Mais on ne parle pas comme ça en banlieue». Mais je
ne leur ai pas donné de cours de diction !
Comment avez-vous obtenu les droits du Diamond de Rihanna ?J’ ai entendu dire qu’on avait cramé 30% du budget global du
film, des trucs de malades, et d’autres disent que c’était gratuit, ce qui est absolument faux aussi. J’ai écrit la scène pour cette
chanson tout en étant sûre qu’on ne l’aurait pas. La production a fait faire une estimation à la maison de disques qui était totalement
dans nos moyens. On a donc tourné la séquence, et il n’était donc plus possible de la changer ensuite. Sauf qu’on a appris au
montage qu’en réalité on n’avait pas les droits, parce qu’il fallait l’accord de l’artiste. On a envoyé la séquence au manager de
Rihanna, qui m’a appelée, qui avait vu la séquence, qui la trouvait belle. Il s’était renseigné sur ce que je faisais, et ils ont fait une
exception pour nous en la laissant à un prix qui était complètement dans nos moyens.
Il y a un travail très poussé sur les différentes tenues et coiffures du personnage principal…
Je suis la costumière de mes films, et sur Bande de filles c’était un sacré boulot, parce qu’il y avait beaucoup de monde à habiller.
Cela s’inscrit dans le processus préparatoire, parce que je choisis les vêtements en fonction des comédiennes mais aussi dans
l’interaction avec les décors, la photographie… Le chef déco, la chef op et la costumière que je suis composons les images
ensemble. Ici c’est un enjeu dramatique important, puisque Vic endosse les identités comme elle endosse les différents costumes. Il
y a une dynamique de super-héros, du pouvoir que donne le costume.
Comment avez-vous choisi les lieux de tournage ?
J’ai visité beaucoup de quartiers, parce que j’avais envie d’une dalle, d’un quartier piétonnier, d’une ligne d’horizon, et la tour Eiffel
pas loin. Par ailleurs, les propriétés graphiques de la banlieue sont très grandes, parce qu’on y trouve des utopies d’architectes
sorties d’un seul coup de terre dans les années 60-70, et il y a beaucoup de pensée à l’œuvre. Quand on pose sa caméra en
banlieue, on filme des lignes de fuite, des façons de circuler, comment on se retrouve, comment on est seul. Comment la cité induit
des expériences sensorielles avec les éclats de voix, les groupes de garçons posés à certains endroits et qui impliquent tacitement
que l’on se taise quand on s’en approche, etc. Une expérience des frontières. A la périphérie, les enjeux sont les mêmes que partout
ailleurs, mais ils ne sont pas souterrains, ils se donnent à ciel ouvert. C’est pourquoi c’est un lieu de fiction, parce que la réalité y vit
plus fort, les enjeux de la domination masculine sont partout, l’interaction entre espace privé-espace public, les réseaux de
surveillance réciproque. Ce sont des enjeux qui traversent toute la société mais, là, c’est officiel.
Y a-t-il quelque chose qui ressemble pour vous à une prise de conscience politique de la part de cette jeunesse en butte
aux idées réactionnaires et à l’éclatement individualiste ?
Vivre un soupçon perpétuel et des assignations, cela ne fabrique pas mécaniquement une conscience politique. Cela vaut pour tout
le monde d’ailleurs, regardez le nombre de féministes qui s’ignorent. Il n’y a pas de cause à effet stigmatisation-engagement. Oui,
des consciences politiques peuvent émerger. Mais des rapports de désengagements nihilistes aussi. Ou une culture de l’insouciance
qui permet de refouler l’inquiétude. Je crois qu’une conscience politique ne peut pas naître et se construire sans espace de parole.
Une conscience politique se forge dans sa propre énonciation, dans le dire. Je le constate avec les actrices du film qui parfois en
interview ont pris une place, ont dit «nous». Parce que soudainement elles avaient l’espace pour l’énoncer. Et, là aussi, c’est comme
si la jeunesse était livrée à elle-même, face à sa propre responsabilité à devoir se politiser. A être méritante dans ce domaine.
Comme si on allait leur reprocher cela en plus, de ne pas se révolter. Alors même que cela raconte une crise globale de la culture
politique. C’est d’autant plus injuste que les stigmatisations et le racisme sont des injonctions à ne pas faire de vagues, à la
discrétion, à l’effacement, à être un modèle méritant. Cette question d’une jeunesse condamnée à être méritante, elle s’est posée
dans le rapport à la fiction, à l’écriture des personnages. Il y a peu de modèles, alors il faudrait que ces modèles soient positifs. Et
donc méritants. Mais les personnages qui forcent le respect parce qu’ils réussissent, à l’école notamment, ne font pas bouger les
lignes. Ils sont réconfortants sur le moment bien sûr.
Le climat politique actuel rend la sortie du film particulière. Entre le succès phénoménal d’un film comme Qu’est-ce que j’ai
fait au bon dieu ?dont les ressorts comiques sont entièrement fondés sur la différence ethnique, la sortie du livre d’Eric
Zemmour sur le Suicide français…
J’ai confiance dans la jeunesse de mon pays. Je vis avec ces quatre filles depuis un an et demi, mais on en a rencontré des
centaines pendant le casting et j’étais sidérée par le talent pour la vie de cette génération, elles font largement mieux que moi à leur
âge ! Le film sort dans ce contexte, et l’on peut dire qu’il y a un dialogue entre deux mondes dont l’un est en train de mourir,
assurément. Et c’est l’endroit où je suis d’accord avec Eric Zemmour, il raconte un monde qui meurt, il dit que c’est un suicide et il le
déplore, alors que, pour moi, c’est une bonne nouvelle.
FILMOGRAPHIE : NAISSANCES DES PIEUVRES 2007 Déjà une bande de (trois) filles dans la moiteur d’un été à la piscine et
TOM BOY 2011 Une petite fille qui veut être un garçon.
La semaine prochaine, au Cinémateur :
LILI ROSE de Bruno Ballouard avec Salomé Stevenin 12 au 18 Nov
LE SEL DE LA TERRE de Wim Wenders et Juliano Salgado 12 25 Nov

Documents pareils

Bande de Filles de Céline Sciamma

Bande de Filles de Céline Sciamma Surmaquillées, bling-bling à fond les manettes, ces gamines n’attendent rien de l’école, et encore moins d’une société qui leur promet au mieux de brader leur jeunesse contre un SMIC. Elles veulent...

Plus en détail

Bande de filles

Bande de filles efface le genre, minijupe et perruque blonde pour souligner une féminité artificiellement sophistiquée, le parcours existentiel est aussi une affaire de transformations visibles, comme dans les con...

Plus en détail