Rue Albert Cuenin Rosendaël 1936 Jean-Claude
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Rue Albert Cuenin Rosendaël 1936 Jean-Claude
* Auguste André Cornil MEURISSE Maître maçon, bâtisseur de la rue Albert Cuenin, brasseur Né à Téteghem le 11 janvier 1850 en la maison et demeure de son père au hameau de Rozendal. Fils d’André Joseph MEURISSE, jardinier à Téteghem, section E, hameau du Rozendal, y né le 8 février 1815, y décédé le 7 août 1852, et de Marie Anne Thérèse WULLEMS, jardinière, née le 3 février 1919 à Téteghem, décédée après 9 octobre 1851. Petit-fils, branche paternelle, de Joseph Augustin MEURISSE, cultivateur, jardinier, laitier à Téteghem, né à Dunkerque, décédé à Téteghem le 25 décembre 1821, et d’Angélique Constance Reine MANOORE, laitière, née à Dunkerque, décédée à Téteghem le 15 novembre 1820, et, branche maternelle, de Pierre Charles Folquin WULLEMS, jardinier à Téteghem, né le 15 février 1770 à Spycker, décédé à Téteghem le 4 avril 1828, et de Marie Thérèse ROMMEL, jardinière, née à Coudekerque, décédée le 19 janvier 1829 à Téteghem. Marié en novembre 1874 à Rosendaël à Marie Joséphine ARDAEN, née le 26 mai 1853 à Téteghem, en la maison et demeure de son père, hameau de Rosendal. Fille de Pierre Mathieu ARDAEN, maçon à Téteghem, hameau de Rosendal, né le 30 janvier 1826 à Téteghem, et de Marie Jeanne Corneille LEUREGANS, née le 6 décembre 1825 à Téteghem, y décédée le 14 novembre 1857. Petite-fille, branche paternelle, de Mathieu Joseph Léonard ARDAEN, jardinier à Coudekerque-Branche, puis à Téteghem, section du Rosendael, né le 24 septembre 1793 à Spycker, et de Marie Thérèse Louise NAVE, jardinière à Téteghem, section de Rosendael, née le 22 mars 1796 à Petite-Synthe, décédée le 8 juin 1840 à Téteghem, et, branche maternelle, de Louis Jean LEUREGANS, jardinier à Téteghem, hameau du Rosendal, né le 31 décembre 1797 à Téteghem, y décédé le 26 mars 1867, et de Marie Jeanne BOUDEN(S), ménagère à Téteghem, section du Rosendael, née à Petite-Synthe le 17 décembre 1798. Auguste André Joseph MEURISSE et Marie Joséphine ARDAEN Décédé à Rosendaël le 25 octobre 1926. De l’union Auguste André Joseph MEURISSE / Marie Joséphine ARDAEN naissent 12 enfants : Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Emile André Cornil (1er novembre 1875 Rosendaël – 13 septembre 1952 Rosendaël) Julia Marie Louise (1er juin 1877 Rosendaël – célibataire - sans postérité) Eugène Victor Cornil (26 février 1878 Rosendaël – 17 novembre 1972 Dunkerque section de Rosendaël) Clément Charles (4 octobre 1880 Rosendaël – célibataire - sans postérité) Georges Henri (24 octobre 1882 Rosendaël – 4 mai 1928 Rosendaël – célibataire sans postérité) Alfred Charles (25 mai 1884 Rosendaël – 1970 Dunkerque – célibataire - sans postérité) Firmin Charles (1er février 1886 Rosendaël – 10 juillet 1974 Dunkerque section de Rosendaël – célibataire - sans postérité) Lucie Eugénie Cornélie (15 décembre 1887 Rosendaël - 7 octobre 1946 Rosendaël – célibataire - sans postérité) Hélène Marie (17 août 1891 Rosendaël – 4 mai 1948 Rosendaël – célibataire – sans postérité) Jeanne (1893 Rosendaël – 24 décembre 1977 – Dunkerque – célibataire – sans postérité) Albert (16 juin 1895 Rosendaël – 21 septembre 1917 secteur de la Clude Vosges – célibataire – sans postérité) Julien (18 juin 1898 Rosendaël – 9 décembre 1975 – Dunkerque secteur de Rosendaël). Maçon, puis maître maçon, Auguste André Joseph exerce son activité à Rosendaël. Alors qu’il atteint la soixantaine, il est confronté, tout comme son fils aîné Emile André Cornil, maître maçon lui aussi, à une conjoncture économique très délicate ; une grave et durable crise du bâtiment éclate, en effet, au début du 20ème siècle ; cette crise met fin à une période de grande prospérité dans ce secteur d’activité ; pour mémoire, 645 maisons sont construites à Rosendaël, entre 1860 et 1875, année de naissance d’Emile André Cornil, et 80 sont agrandies ; en 1901, la commune compte 1943 maisons, 2361 ménages et 10.096 habitants. Parmi ces maisons, construites par « nos » maçons, la plupart de celles de la rue Albert Cuenin, le fief de la famille Meurisse qui y a acquis un nombre important de lots de dunes. Elles sont construites à l’identique et comportent un rez-de-chaussée et un étage. On aperçoit sur le cliché, ci-après, datant semble-t-il de 1923, à l’extrême droite la grand-porte d’accès du Cinéma, et un peu plus sur la gauche l’enseigne « Phono-Cinéma » dont il sera question plus bas. En observant attentivement les fenêtres du 1er étage on aperçoit écrites en grand les lettres « P.H.O.N.O.C.I.N.E.M.A ». Treize ans plus tard, en 1936, la physionomie générale de la rue Albert Cuenin n’a guère évolué. Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Lucide, mais aussi et surtout pragmatique car père de douze enfants, André décide de se lancer dans l’industrie de la bière dont le marché est prospère et ce, pour au moins, quatre raisons, déclinées avec justesse par Nathalie Mudard-Fransen que je résume ici : La chute de l’Ancien Régime et son corollaire, l’abolition des privilèges, ont ouvert un espace nouveau : celui de la libre entreprise dans lequel s’engouffrent ceux que Nathalie Mudard-Fransen appelle avec bonheur « les entrepreneurs héroïques de l’économie dunkerquoise » et notamment les brasseurs dont le nombre ne cesse de croître durant le 19ème siècle. Parallèlement, l’accroissement démographique des communes du Dunkerquois, conséquence d’un siècle d’industrialisation et d’urbanisation massive, crée un immense marché local où la bière tient une place privilégiée. Le « Dunkerquois », en effet, ne possède aucune source ou puits d’eau potable, à l’exception de l’eau de pluie recueillie dans des citernes où, malheureusement, elle croupit et s’altère comme l’illustre la chanson extraite du carnaval dunkerquois : « Allume ta pipe à la pompe » Allum’ ta pipe à la pompe Et dis qu’t’as mal à ton ventre ! Oh, là, là, j’ai perdu ma flamme ! Oh, là, là et mon âme aussi ! L’auteur fait allusion à la citerne qui collecte les eaux de l’église Saint-Eloi ; une pompe placée devant le « Grand Morien » à l’entrée de la rue de l’Eglise, permet d’y puiser l’eau et protège du vent les passants qui viennent y allumer leur pipe ; le mal de ventre est sans doute une allusion à la mauvaise qualité de l’eau de cette citerne qui est responsable d’un grand nombre de troubles intestinaux. Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Cette photographie est extraite de l’ouvrage « L’arrivée de l’eau potable à Dunkerque » de Frédéric Cornette / Lyonnaise des Eaux France / 2005. On aperçoit en bas à droite la pompe à laquelle le carnaval dunkerquois consacre un de ses plus fameux couplets. De plus, en période de sécheresse, il faut utiliser l’eau des canaux qui sillonnent le plat pays et notamment l’eau du canal de Bourbourg. A ce sujet, Frédéric Cornette écrit dans son ouvrage, déjà cité, page 19 : « En conclusion (du rapport rédigé en 1856 par M. Thélu, pharmacien), l’eau du canal de Bourbourg s’avère être l’unique source reconnue propre aux usages domestiques. Cette constatation est d’ailleurs confirmée à l’époque par l’Ecole des Mines de Paris qui certifie que c’est une eau d’excellente qualité qu’il serait ridicule de ne pas exploiter ». Les maladies infectieuses sont néanmoins fort nombreuses et la mortalité infantile ahurissante. La bière, elle, possède l’avantage énorme de ne pas véhiculer de bactéries, éliminées lors des multiples ébullitions inhérentes à sa fabrication. C’est donc très naturellement que toutes les classes sociales et toutes les classes d’âge, y compris les enfants, dès le berceau, et les femmes enceintes, consomment cette boisson aux vertus nutritives et diurétiques ; ne dit-on pas, à l’époque, que « la bière ça donne du lait ! » et « qu’elle est prescrite par le climat et la médecine ! ». Il convient néanmoins de souligner qu’elle est alors une bière de fermentation haute et de basse densité, de qualité médiocre et fort peu alcoolisée, en tous cas moins que celle fabriquée à Bergues, Hazebrouck et Lille, en raison d’une teneur inférieure en grains. C’est une bière de table ou bière de ménage et, en 1900, les habitants du « Dunkerquois » en consomment, en moyenne, 300 litres par an et par personne. Dépourvue de produits chimiques et autres colorants, sa qualité est intimement liée à la qualité de l’eau, sa principale composante ; elle est excellente en mars, « la bière de mars », et a tendance « à tourner » au moment de la floraison des eaux, la rendant impropre à la consommation, au grand dam des brasseurs. Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Il faudra attendre la généralisation de l’adduction d’eau et la banalisation de l’utilisation de l’eau du robinet – l’eau de Houlle – pour pallier ces inconvénients très fâcheux pour l’activité « brassicole ». Enfin, dernier atout et non des moindres, la bière n’a pas de concurrent sur le marché ; elle est en fait la seule boisson et cette situation de monopole durera, grosso modo, jusqu’à la première guerre mondiale, époque à laquelle on compte plus de 140 brasseries dans la circonscription, dont 43 dans les deux cantons de Dunkerque et 26 dans celui de Bourbourg, ainsi que 4 malteries respectivement à Dunkerque, Bourbourg, Bierne et Bergues. La guerre 14-18 sonnera le glas de l’âge d’or de la bière ; les soldats découvrent, en effet, dans les tranchées, le « quart de pinard », le produit miracle si l’on en croit, tout au moins, l’axiome populaire, selon lequel « c’est le pinard qui a gagné la guerre ». Après le vin, l’eau ; les foyers sont progressivement reliés au réseau de distribution d’eau courante ; c’en est fini, ou presque, de la rituelle et sempiternelle queue à la pompe du coin qui ne disparaît pas totalement pour autant. L’apparition de la limonade et des eaux minérales achèvera de bouleverser les habitudes de consommation. E. Thelliez estime, dans « Les industries de l’agglomération dunkerquoise, Revue du Nord, tome XXXIX, n°115, juillet-septembre 1957, pp.13-49 », qu’en 1923, la consommation locale a baissé d’un tiers : de 300 litres par an et par personne, elle est passée à 100 litres. Pourtant, on compte encore, en 1927, 125 brasseries dans la circonscription, respectivement 30, dans les deux cantons de Dunkerque, et 22 dans celui de Bourbourg. Ces chiffres, somme toute rassurants pour la profession, ne doivent cependant pas faire illusion ; l’appellation brasserie ne recouvre plus, un quart de siècle plus tard, la même réalité. L’époque change, le métier aussi. La baisse considérable de la consommation, pour les raisons déjà évoquées, entraîne l’effondrement de la vente de la bière sous la forme qui est la sienne avant guerre, c’est à dire en tonneaux ou en fûts, aux particuliers et aux débits de boissons, et les brasseurs ne sont pas outillés pour les formes modernes de conditionnement : la bouteille et le bock. La « Grande Guerre » remet totalement en cause l’organisation de cette profession ; Pierre André Dubois dans « Brasseurs et Bières en Nord, les alchimistes de la saveur, Laura Editions, déc. 1996 » analyse la situation, je cite : « C’est le propre des guerres d’accélérer les progrès techniques avec pour corollaire une accélération de la concentration des moyens de production. La machine à concentrer les brasseries se met en marche. Elle fonctionne de la façon suivante : pour moderniser il faut investir, pour investir il faut des capitaux, pour amortir rapidement ces capitaux, il faut augmenter la production et pour ce faire, dans un marché stable, il faut éliminer son voisin par une concurrence exacerbée. Beaucoup de brasseurs abandonnèrent ainsi leur véritable métier pour devenir « dépositaires » ; en fait pour vendre la bière d’un concurrent ». Les brasseurs cessent leur production, tout au plus conservent-ils leur marque. Ils deviennent de simples négociants en boissons et la bière un simple article de vente. Le faire-part de décès d’André Cornil indique d’ailleurs comme profession : « marchand brasseur ». Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Ceci étant dit, et pour revenir à lui, André Cornil abandonne, vers 1910, il est alors âgé de 60 ans, son métier de maître maçon pour celui de brasseur ; il est alors âgé de 60 ans et conscient des nombreux et importants débouchés assurés par une cette relative nouvelle activité professionnelle, en tout cas suffisamment prospère pour assurer l’existence de son couple et d’au moins sept enfants dont certains encore très jeunes. En fait, c’est son fils Firmin, né en 1886, qui acquiert le savoir-faire après un séjour en Belgique. Force est toutefois de constater que la démarche d’André Cornil est tardive ; la création des deux premières brasseries rosendaliennes date en effet de la première partie des années 1880 alors même que la démographie locale « explose » : 1949 habitants en 1860, 6208 en 1883, 8872 en 1899, en dépit de la perte du territoire de la section des bains au profit de la nouvelle commune de Malo-les-Bains, créée en 1891 ! La brasserie Meurisse sera, quant à elle, la dernière des onze brasseries que comptera la commune de Rosendaël. La revue patrimoniale de Flandre Maritime « Platch!ou » consacre une large place dans son N° 10 « spécial Rosendaël » du 10 avril 1993 à une remarquable enquête, signée Guy Desaegher, et intitulée « Brasseries et Brasseurs de Rosendaël » ; l’historique de l’aventure brassicole locale y est retracé de manière très détaillée, je cite : « La première (brasserie) se situe rue Nationale (avenue de Rosendaël). Elle est dirigée par Charles Edouard Winoc Vangrevenynghe, né à Bergues en 1840 où il exerça la profession de cafetier, son épouse, Marie Eugénie Boudenoot, née à Bissezeele en 1836, étant cafetière ». « La seconde est construite en 1882 par Monsieur et Madame Gustave Ravinet-Deworst sur des terrains achetés à Thomas Gaspard Malo en 1881, et situés au milieu des dunes, dans « la section des bains », les bâtiments faisant l’angle des futures avenues Gaspard Malo et Adolphe Geeraert ». La brasserie Ravinet devient malouine en 1891, pour les raisons déjà évoquées. « La (troisième) brasserie (est) créée en 1887 par Ambroise Benoît Beyaert, conseiller municipal et ancien fabricant de tuiles, né à Lederzeele en 1839, époux d’Emma Lurat ; cette brasserie se situe quai Jean-Bart (quai aux Fleurs) à gauche en débouchant de la rue du Four-àChaux (rue Aristide Briand). Ambroise Beyaert habite à proximité, au 113 rue du Four-à-Chaux, anciennement dénommée « Branche Straet ». « La (quatrième) brasserie (est) créée par Rémi Nestor Dominique Gantois, né à Ledringhem en 1863, et située rue de la Gare (rue Paul Machy). « La (cinquième) brasserie (est) créée en 1898 par Julien Lepez, né à Rosendaël en 1876, et située dans une impasse partant de la rue Nationale et qui deviendra la rue du Pont-Neuf. Son père, Pierre Jacques Cornil Lepez, ancien facteur des messageries nationales, natif des Moëres, était propriétaire de terrains s’étendant de l’ouest de la rue du Pont-Neuf à la rue du Four-à-Chaux ; l’impasse Lepez qui s’ouvre sur la rue Aristide-Briand, est située sur ces terrains et tient son nom de l’ancien propriétaire. « La (sixième) brasserie (est) créée en 1902 par Lucien Fauverghe, né à Rosendaël en 1875, fils de marchands boulangers. Il crée sa brasserie rue Lamartine. Pour lui, l’expérience est de courte durée, car dès 1904, il cède son affaire à son beau-frère Albert Léné, et change de métier. Il deviendra marchand de charbon, puis entrepreneur de transports et décèdera à Rosendaël en juin 1914. Albert Léné, né à Rosendaël en 1870, est lui-même marchand boucher et fils d’un ancien marchand de toile / cabaretier. Il a épousé, en 1895, Eugénie Mallet, demi-sœur aînée de Lucien Fauverghe dont il reprend l’activité de brasseur rue Lamartine. Les affaires sont bonnes puisqu’il fera construire par la suite une belle maison derrière la brasserie, dont il fera son siège social, au 43, rue Gambetta (rue Winston Churchill). Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. « La (septième) brasserie (est) créée en 1804 par Julien Deboes, né à Rosendaël en 1878 dans une très ancienne famille de jardiniers du « hameau de Rosendaël », rue Nationale, à proximité de la brasserie Vangrevenynghe. « La (huitième) brasserie (est) créée en 1907 par Arthur Ferdinand Théophile Bommel, jardinier de la rue de Leffrinckoucke, né à Rosendaël en 1864, fils de Charles Louis et d’Eugénie Schodduyn. En 1885, il avait épousé Léonie Dehondt, fille de jardiniers voisins, Charles Louis Dehondt et Anne Thérèse Léné ». « La (neuvième) brasserie (est) créée en 1911 par Alphonse Charles Cornil Dubois, 97, quai Vauban (quai aux Fleurs) sur des terrains appartenant à sa famille (et notamment à son aïeul) Napoléon Jean Dubois, né à Petite-Synthe le 12 mai 1807, décédé rentier rue Saint-Bernard à Dunkerque le27 mai 1894, propriétaire de terrains importants, notamment aux alentours de l’actuelle rue Dubois qui lui doit son nom. Ses nombreux descendants s’établirent comme jardiniers de chaque côté du canal de Furnes, sur Rosendaël et Coudekerque-Branche, et plusieurs de ses petits-fils devinrent brasseurs ». « La (dixième) brasserie (est) créée en février 1912 par Georges Poublanc, né à Petite-Synthe en 1884, fils et frères de brasseurs, sur un quadrilatère bordé au Nord par la rue Albert Cuenin, à l’est par la future rue d’Alsace-Lorraine et au Sud par la rue de la Gare, et dont l’adresse est au 107 de cette même rue ». « La (onzième et dernière) brasserie (est) créée par Alfred Meurisse, né à Rosendaël en 1884, au 46 rue Albert Cuenin, alors que disparaît la brasserie Vangrevenynghe ; en effet, le 1er juillet 1911, les frères Vangrevenynghe, Isaïe et Georges ont vendu la brasserie, la malterie, les bureaux et l’habitation du 120, rue Nationale à Jules Torris, né à Gravelines, en 1869, descendant d’une très ancienne famille de brasseurs. Il était le fils d’Adolphe Torris, ancien maire de Gravelines, de 1892 à 1903, et ancien brasseur-armateur-saurisseur ». A la veille de la première guerre mondiale, la commune de Rosendaël compte donc 10 brasseries, la brasserie Ravinet étant désormais malouine, et parmi elles la brasserie Meurisse, la dernière née. Plaque officielle de la brasserie Meurisse « Meurisse Frères et Soeurs Brasseurs Rosendaël » Mais à quoi ressemble-t-elle ? La base Mérimée du ministère de la culture qui dresse l’inventaire général du patrimoine culturel nous apporte de précieuses indications sur la brasserie-malterie Meurisse, puisque telle est son appellation, sise 50 rue Albert Cuenin à Rosendaël. Tout d’abord son histoire : « La brasserie-malterie est fondée en 1912 par Alfred Meurisse ; en 1929 ses frères et sœurs se joignent à lui pour son exploitation. En 1947 ils forment ensemble la S.A.R.L Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Meurisse. Elle cesse de fonctionner en 1952, puis elle est revendue à Maurice Badts, marchand de vins. En 1946 l’usine produisait 15.000 hectolitres de bière de fermentation haute » La brasserie est donc créée en 1912 ; le maître d’œuvre n’est pas connu mais j’émets l’hypothèse la plus plausible, à valider toutefois, qu’il s’agit en fait d’André Cornil lequel, assisté de son fils aîné Emile, également maçon, construisent l’immeuble sur des terrains leur appartenant, rue Albert Cuenin. Ensuite son architecture : « Parties constituantes : atelier de fabrication ; cour ; entrepôt commercial ; enclos ; pièce de séchage ; cheminée d’usine ; passage couvert ». « Description : atelier de fabrication en rez-de-chaussée et étage de comble avec longs pans ; entrepôt commercial couvert d’un appentis ; pièce de séchage couverte d’un toit à longs pans et d’un appentis ; cheminée d’usine intégrée à la pièce de séchage en brique de section circulaire » «Gros œuvre : brique silico-calcaire ; matériau de couverture : tuile flamande mécanique » - « Escaliers : monte-charge ; en charpente » Les deux photographies qui suivent, prises, la première côté cour, et la seconde côté rue Albert Cuenin, matérialisent ce descriptif. Vue côté cour Vue côté rue Albert Cuenin Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Guy Desaegher livre, toujours dans le « Spécial Rosendaël » de « Platch!iou », des informations très précieuses sur l’artisanat « brassicole » de l’époque. Avant la première guerre mondiale, l’activité « brassicole » est prospère ; la demande est forte, qu’il s’agisse de la clientèle des particuliers ou de celle des débits de boissons forts nombreux, sans oublier les renommées guinguettes rosendaliennes très fréquentées par les voisins dunkerquois, et la production locale s’écoule sans difficulté. Les sous-produits et autres dérivés, tels que la levure et la drèche (résidu solide de l’orge, que l’on appelle aussi le « spout » à Dunkerque, du néerlandais « spoeling ») sont revendus, aux boulangeries, pour le premier, aux agriculteurs pour le second, en vue de l’alimentation des bovins. La bière est conditionnée et livrée : - en tonnelets de 25 ou 30 litres pour les particuliers. - en tonneaux de 50, 70, 75, 90 ou 100 litres - en tonnes de 150, 160 et même 180 litres pour les débits de boissons. Le conditionnement en bouteilles est quasi inexistant avant 1914. Les tonneaux sont véhiculés au moyen de chariots-brasseurs appelés « galères » ou « bier- carretten ». Les fûts les plus lourds sont manipulés par deux hommes au moyen d’un « tinet », sorte de joug, dont la forme épouse celle de l’épaule des porteurs. La galère simple est tirée par un seul cheval. La galère à deux lignes nécessite deux « juments de brasseur ». Chaque brasserie comporte une « cavalerie » qu’il faut loger, nourrir et soigner. Parallèlement à la fabrication de bière, les brasseurs investissent leurs bénéfices dans l’achat d’immeubles modestes, et plus particulièrement dans l’achat de maisons situées à l’angle d’une place ou de deux rues, et à l’usage de débits de boissons. « Le propriétaire du fonds de commerce devenait le locataire du brasseur. Il s’établissait un contrat de fourniture entre les deux parties, le cafetier s’engageant à acheter sa bière à son propriétaire. Les cafés « tenus » payaient parfois dix francs de plus à l’hectolitre par rapport aux cafés libres. En contrepartie, les loyers étaient bon marché. Si les maisons d’angle offraient l’avantage d’une position plus commerciale, elles avaient aussi des inconvénients pour le propriétaire tenu d’effectuer les réparations. Par exemple, les toits de ces maisons étaient plus biscornus, les frais étaient plus importants. Néanmoins, les trois-quarts des « cafés tenus » se trouvaient au coin des rues. L’évolution des mœurs en cette fin de siècle (20ème), a voulu que beaucoup d’entre eux soient transformés en banques (imaginez la place Turenne il y a seulement 20 ans) ». J’ignore malheureusement le nombre et encore moins le nom des cafés « tenus » propriété de la brasserie Meurisse ; ce que je sais, par contre, c’est qu’après le décès de ses sœurs aînées Lucie et Hélène, survenus respectivement en 1946 et 1948, c’est Jeanne, dite « Tante Jeanne », qui tenait d’une main de fer les cordons de la bourse. La première guerre mondiale, nous l’avons déjà dit, marque la fin de l’âge d’or des brasseries rosendaliennes et le début d’un nouveau cycle, et ce, pour au moins trois raisons analysées par Guy Desaegher et que je résume ici : Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Primo : la concurrence, due au vin mais aussi à l’importation de bières en provenance d’Angleterre, de Hollande et d’Allemagne. Secundo : après le vin, l’eau ; les foyers sont progressivement reliés au réseau de distribution d’eau courante ; l’apparition de la limonade et des eaux minérales achèvera de bouleverser les habitudes de consommation. Tertio : l’apparition de techniques de fabrication nouvelles et de matériels de plus en plus sophistiqués et onéreux nécessitent des investissements importants que seule la concentration des entreprises et la diversification des activités permettent de supporter. L’époque change, le métier aussi, répétons-le. La baisse considérable de la consommation, pour les raisons déjà évoquées, entraîne l’effondrement de la vente de la bière sous la forme qui est la sienne avant guerre, c’est à dire en tonneaux ou en fûts, aux particuliers et aux débits de boissons, et les brasseurs ne sont pas outillés pour les formes modernes de conditionnement : la bouteille et le bock. La « Grande Guerre » remet totalement en cause l’organisation de cette profession ; Pierre André Dubois dans « Brasseurs et Bières en Nord, les alchimistes de la saveur, Laura Editions, déc. 1996 » analyse la situation, je cite : « C’est le propre des guerres d’accélérer les progrès techniques avec pour corollaire une accélération de la concentration des moyens de production. La machine à concentrer les brasseries se met en marche. Elle fonctionne de la façon suivante : pour moderniser il faut investir, pour investir il faut des capitaux, pour amortir rapidement ces capitaux, il faut augmenter la production et pour ce faire, dans un marché stable, il faut éliminer son voisin par une concurrence exacerbée. Beaucoup de brasseurs abandonnèrent ainsi leur véritable métier pour devenir « dépositaires » ; en fait pour vendre la bière d’un concurrent ». Les brasseurs cessent leur production, tout au plus conservent-ils leur marque. Ils deviennent de simples négociants en boissons et la bière un simple article de vente. Le faire-part de décès d’André Cornil indique d’ailleurs comme profession : « marchand brasseur ». Un nouveau paysage se dessine et l’alternative est simple : s’adapter ou renoncer. L’absence de relève, de sang neuf, les frères et sœurs étant restés célibataires, à l’exception du cadet, conduira à la disparition progressive de l’entreprise. La brasserie cesse ses activités le 8 juillet 1952 et revend ses locaux à un marchand de vin, Maurice Badts. André Cornil MEURISSE et son épouse Marie Joséphine ARDAEN ont déjà quitté ce bas-monde depuis un quart de siècle. André Cornil MEURISSE décède en effet le lundi 25 octobre 1926, à l'âge de 76 ans, à Rosendaël. Jean-Claude Lagrou / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.