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AU CABINET DES ESTAMPES I Preview. Oeuvres sur papier de Koen van den Broek
22 JANVIER - 28 FÉVRIER 2010
Interview avec Koen van den Broek, Cologne, 21 décembre 2009
De Nico Van Hout
“Pourquoi vous êtes-vous récemment mis à peindre sur papier?”
Koen van den Broek: “Cela a été un double try-out, pour moi. C’était la première fois que je
travaillais sur du papier, depuis 1998. Dans mon atelier de Los Angeles, je n’arrivais pas à travailler.
De la première période, je n’ai gardé que deux peintures sur toile. Ensuite, j’ai fait une seconde
tentative pour me mettre au travail. J’étais trop plongé dans le monde du cinéma, trop près de
mon sujet. J’avais besoin de distance. En Belgique, l’image est détachée de son origine.”
“Les groupes d’œuvres Angle [2007] ou Out of Space et la collaboration avec John Baldessari
[2008] constituaient une démarche très réfléchie, très calculée. Je voulais me débarrasser de
mon bagage, de la mémoire automatique à El Greco, Corot et Warhol jusqu’à aujourd’hui. Cet
affranchissement ne m’a pas réussi après deux dessins. Sur un papier, j’ai commencé un dessin
au crayon d’une voiture dans un paysage désertique et deux autres compositions, que j’ai peintes
ensuite. À Los Angeles, je me servais du format de papier américain, plus grand que notre A4
familier. J’ai expérimenté en réunissant deux ou trois images pour voir comment fonctionnait cet
assemblage. J’ai acquis un certain doigté, et six mois plus tard, je m’y étais familiarisé. Alors s’est
constituée une deuxième série.”
“Pourquoi la peinture sur toile vous inhibait-elle?”
Koen van den Broek: “Inhiber est un grand mot. Peindre sur papier me procurait plus de liberté,
cela exige moins de préparation. Travailler sur papier va plus vite. On ne perd pas de temps à
tendre et à préparer la toile. J’ai continué à employer de gros pinceaux. Je ne travaille jamais
mes images en détail. La présence de quelques traînées de peinture entre des abstractions rend
l’œuvre très physique.”
“Pourquoi faites-vous usage de photos ? Corot peignait ses sujets en plein air.”
Koen Van den Broek: “Je ne considère pas ces œuvres comme des ébauches puisque j’utilise des
photos. C’est bien simple: tout le monde le fait. Refuser avec entêtement l’usage de la photographie
est artificiel et n’a aucun sens. Il serait ridicule de ne pas le faire. Rubens n’avait pas d’appareil photo,
mais nous, nous en avons. Il m’importe cependant de prendre la photo moi-même. Je n’utilise pas
de photos publiées. On définit son image et on prend distance de la réalité. Je fais aussi des photos
analogues et pas numériques. Sinon, on regarde toujours le petit écran. J’apporte mes rouleaux de
pellicule à développer, et j’ai alors les photos en mains, tangibles. Il est peu pertinent de chercher
la composition adéquate si on peut prendre des centaines de photos au même moment et choisir
ensuite. Je me laisse aussi inspirer par le cinéma.”
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“Les artistes du passé optaient pour un horizon haut afin de pouvoir représenter beaucoup
de choses, mais vous n’accordez que peu d’importance aux détails. Alors, pourquoi ce regard
panoramique?”
Koen van den Broek: “Dans le dernier film de Michael Haneke, Das Weiße Band [2009], la caméra
reste fixe. Les figures disparaissent derrière un coin, on voit encore un bras et plus tard on entend
des cris. La suggestion renforce l’image, et la rend même parfois plus agressive. L’implantation de
mon sujet dans la composition s’y rapporte; je trouve cela captivant. Placer un sujet au bas du coin
gauche, employer des formats variables, se détourner de la symétrie changent totalement l’impact
et le vécu de l’image. On crée alors une tension et une suggestion de mouvement.”
“Vous sentez-vous influencé par les défigurations perspectivistes des paysages de Morandi
of Diebenkorn?”
Koen van den Broek: “Diebenkorn peint couche sur couche. C’est un genre d’esthétique qui ne
me convient pas et qui n’est pas nécessaire à mon avis. Je me sens plutôt inspiré par Matisse, le
Godfather du vingtième siècle. Après avoir posé le plan de l’image et ses lignes de force au crayon,
j’ai le cadrage de l’image que je veux rendre. C’est une synthèse de cette piscine, de ces plantes.
Je ne m’occupe pas des détails. Quand on travaille au pinceau large, il ne reste que l’essentiel.
Pourquoi Matisse est-il si génial avec trois couleurs et deux lignes?”
“Pourquoi travaillez-vous à la peinture acrylique et pas à la gouache?”
Koen van den Broek: “L’acrylique est une peinture plastique horrible que je n’emploie jamais
dans mes œuvres sur toile. À Los Angeles, j’allais acheter mon matériel dans un art supply-shop
qui portait le nom d’Utrecht, qu’ils prononçaient d’ailleurs “Youtrek”. Ils avaient plein de petits
tubes de couleur que l’on pouvait facilement diluer et qui se sont révélées acryliques. Voilà la
raison. Cela ressemble d’ailleurs à de la gouache. Peut-être ne connaissent-ils par la vraie gouache,
à L.A. [rit].”
Cette exposition a été réalisée en collaboration avec la galerie Figge von Rosen, Cologne