Peut-on devenir customer-centric

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Peut-on devenir customer-centric
Peut-on devenir customer-centric ?
L’essentiel
– Si certaines firmes sont nées en étant « customer-centric » (centrées client), il est
possible pour les autres de se transformer pour le devenir
– L’ADN des entreprises customer-centric partage 6 points communs essentiels : la culture
du service, des histoires fédératrices, des indicateurs appropriés, des dirigeants engagés,
un lien fort entre client et stratégie et une organisation adaptée
– La roadmap de transformation doit en particulier s’axer sur un volet culturel et un volet
organisationnel
La notion de customer-centricity – que l’on peut traduire en français par « orientation client » n’est pas
récente. Elle est abordée depuis 50 ans dans les
livres de management (cf Drucker). Pourtant, peu
d’entreprises sont, en 2014, orientées client. Selon
Gartner, 20 % tout au plus le sont. La vaste majorité
ne parvient qu’à un timide « client-washing » (on parle
client, sans être réellement orienté client) et n’en tire
aucun bénéfice.
merciaux), plus capables de fidéliser les clients rentables, disposés à payer plus pour être mieux servis
et plus efficaces en interne (le client n’est plus une
contrainte interférant avec les process).
Cela semble d’autant plus paradoxal que la plupart des
dirigeants sont persuadés qu’il leur faut devenir plus
customer-centric, que le sujet est plus que jamais une
priorité : sous l’effet d’une intensité concurrentielle
croissante, le marketing de l’expérience client (B2C
ou B2B) devient stratégique et l’orientation client est
une clé de la profitabilité. Les entreprises customercentric sont en effet plus performantes (générant
moins de réclamations, de retours, de gestes com-
Doit-on conclure qu’on naît customer-centric et
qu’il est impossible de le devenir ? Il n’en est rien.
D’augustes entreprises (Continental Airlines, Disney,
UPS, McDdonald’s, La Poste…) sont parvenues à
prendre ce virage, surmontant les obstacles d’ordre
culturel et organisationnel. Voici une trame de roadmap pour réussir cette transformation.
A ce jour, les exemples les plus usuels d’entreprises orientées client sont des entreprises récentes
(Amazon, Apple, Southwest, Nespresso…) qui toutes
se sont bâties autour d’un ADN « client ».
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Entreprises customer-centric : qu’ont-elles
financier au DRH) mais aussi consignes passées aux
différents services de faire de même.
Cet engagement s’accompagne également d’une
communication massive, répétée et durable.
de plus que les autres ?
Il n’y a naturellement pas un modèle d’entreprises
customer-centric, d’autant qu’elles opèrent dans des
industries très diverses. Néanmoins ces entreprises
partagent 6 traits communs :
1. La culture du service. Nombre de ces entreprises
sont d’ailleurs des entreprises de service (Ritz,
Singapore Airlines, Amazon). Celles qui n’en sont
pas stricto sensu (90 % des ventes d’Apple sont des
iphones, ipad et imac) parviennent à laisser penser
qu’elles vendent du service, car c’est ainsi qu’elles
conçoivent leur métier. Donc, que l’on vende de
l’électricité ou des moissonneuses batteuses, l’on
vend du service.
2. Des histoires de client. Les contes et légendes circulent désormais aisément sur ce que telle ou telle
entreprise a fait pour ses clients. Un jour, Zappos a
envoyé des fleurs… Un autre, Spanair fait débarquer
sur le tapis bagage d’un vol retardé la nuit de Noël,
des cadeaux parmi les valises – une idée reprise
depuis par Westjet. Ces histoires n’ont aucune
pertinence opérationnelle, ont peu de chances
de se reproduire, elles traitent généralement des
cas rares. Leur rôle est de montrer néanmoins (et
surtout en interne) que l’initiative individuelle est
encouragée et que le principe de réalité ne tue pas
la volonté de satisfaire ou d’enchanter.
3. Des indicateurs appropriés. Le tableau de bord des
CEO comporte des indicateurs clients pertinents.
NPS souvent, mais aussi bien plus : customer lifetime value, indicateurs d’effort, part de portefeuille
(niveau individuel vu du client) – plutôt que part de
marché (niveau global vu des segments de l’entreprise). Ces indicateurs sont mesurés mais également maîtrisés.
4. Des dirigeants engagés et au contact. Nonobstant
le point 3 ci-dessus, les indicateurs clients peinent
encore à montrer de façon objective la valeur créée
par les initiatives clients. Il est donc nécessaire que
les dirigeants possèdent une vision et une conviction qui dépassent le seul suivi des indicateurs
traditionnels. Cette vision est partagée à chaque
instance de direction. L’engagement des dirigeants
se traduit également par le temps passé auprès des
clients. Temps passé par le directoire (du directeur
2
5. Un lien très explicite entre le client et la stratégie. La
stratégie et la mission des entreprises sont d’abord
exprimées en termes d’expérience client et non en
termes de lignes de produits, de part de marché, de
rotation des stocks.
6. Une organisation alignée. Les entreprises customercentric ont toutes, soit nativement, soit développé,
une organisation facilitant la performance client, à
la fois en termes de culture et de fonctionnement
organisationnel.
Quelle roadmap de transformation ?
Des 6 points communs partagés par les entreprises
customer-centric, celui concernant l’organisation est
de loin le plus complexe à mettre en place. Il occupe
donc une large part de la roadmap et se décompose
en 2 volets : une acculturation réussie et l’adaptation
de l’organisation.
Une acculturation réussie
Un changement dans la culture interne d’une entreprise n’est pas une mince affaire. L’effort alloué
à cet enjeu doit être conséquent, sous peine de
n’avoir aucun effet. L’acculturation customer-centric
demande l’engagement des dirigeants, l’implication
de l’ensemble des salariés et une approche de formation très proche des métiers, soutenue par des
contenus adaptés :
– L’engagement des dirigeants. En premier lieu
ceux-ci doivent être viscéralement convaincus. Ils
doivent également le montrer en sponsorisant le
programme au plus haut niveau. Le programme
d’acculturation ne peut être l’œuvre d’un directeur
qui le porterait seul, fût-il membre du directoire. Les
dirigeants doivent montrer l’exemple et expliquer
au plus grand nombre, à la fois pourquoi le « penser-client » s’inscrit comme une nécessité stratégique et ce qu’ils changent, eux-mêmes, dans leur
façon de travailler. Mettre le client au centre, c’est
aussi forcément faire preuve d’un peu d’humilité.
– L’implication de l’ensemble des collaborateurs – et si
nécessaire des partenaires. Il est essentiel de montrer que le client est tout sauf l’affaire de la seule
frontline. La comptabilité, les back-offices, les services généraux, la DSI – tous ont un impact sur l’expérience client et c’est ce que le programme doit
mettre en lumière :
➢ Le service de gestion d’une mutuelle peut simplifier la vie du client en améliorant le libellé d’une
prestation ou en remontant une anomalie. Il
peut également faciliter le dialogue des conseillers s’ils se sentent soutenus et aidés.
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Vers une organisation customer-centric : la Roadmap de transformation
Mener le programme d’acculturation client
– Engagement des dirigeants : ils doivent être convaincus… et convaincants
– Implication de l’ensemble des collaborateurs : tous ont un impact sur l’expérience client
– Des contenus adaptés à l’activité de l’entreprise, proches des préoccupations de chacun
Adapter les schémas d’organisation
– Identifier une Direction chargée de la conception et du pilotage de l’expérience et des parcours client
– Mettre en place un service spécialisé dans la connaissance client afin de la développer et la diffuser
– Accroître le champ d’action des collaborateurs en contact avec les clients
– Instaurer et partager les process et KPIs clients
– Encourager l’informel au service du client
➢ Le personnel de ménage d’un hôtel est idéalement positionné pour détecter un besoin particulier (chaise supplémentaire, accessoire pour
bébé) ou un dysfonctionnement.
➢ Etc.
De la même façon, l’ensemble des lignes managériales doivent être impliquées.
– Des contenus adaptés à l’activité de l’entreprise.
L’acculturation nécessite un mix de communication
et de formation adapté en termes de format aux
contraintes internes (capacité à réunir des collaborateurs, formats et canaux, etc.). Dans tous les cas :
➢ Les études de cas génériques ne conviennent pas,
chacun doit pouvoir immédiatement se projeter
sur des situations vécues ou vraisemblables.
➢ La mise en avant de la symétrie des attentions
est clé afin de montrer comment les équipes au
contact avec les clients bénéficient du soutien
de chacun, dans les comportements, les outils et
process mis à leur disposition.
➢ De réelles séances de travail, mêlant idéalement les collaborateurs de services divers, sont
indispensables. Ces séances peuvent utilement
s’appuyer sur les outils traditionnels de l’expérience client (parcours, effort score, NPS, études
clients) qui seront adaptés au contexte. Il est
important d’utiliser (ou d’introduire) les indicateurs amenés à jouer un rôle important dans
l’orientation client. Il faut également travailler sur
la peur du client et les idées reçues (ex : les commerciaux sont propriétaires de la relation client).
➢ Le déroulé doit se faire dans la durée. Les formats
évolueront vers une forte participation des collaborateurs, s’intégreront à leur quotidien. L’animation régulière de comités « client », la mise en
place de processus pérennes de recueil et partage
des suggestions font partie des pistes à privilégier.
L’adaptation de l’organisation
L’organisation est souvent un obstacle majeur à l’orientation client. Les meilleures volontés se heurtent au
fonctionnement des organisations, aux objectifs fixés
à chaque service, à l’allocation des compétences. La
transformation des organisations suit 5 axes :
1. La mise en place d’un service spécialisé dans la
connaissance client. Ce service possède un double
rôle. Le premier consiste à développer la connaissance client. Il s’appuie pour cela sur de multiples
outils : études quantitatives, études qualitatives,
partage avec les équipes frontlines, observations
directes. Le second rôle consiste à diffuser la
connaissance sous divers formats, en mode push
et en mode pull. Typiquement, ce rôle incombe au
marketing mais peut être porté par une direction
client transverse. Dans tous les cas, il impose de
sortir de l’isolement souvent constaté des directions études vs les directions opérationnelles.
2. L’identification d’une direction de conception et
de pilotage de l’expérience et des parcours client.
Peu développé dans les organisations en canaux
(réseau, digital…) ce rôle est néanmoins primordial. S’il est confié à une direction client transverse,
celle-ci doit être dotée des moyens et des appuis
nécessaires. Dans la mesure du possible, on préfèrera, au Directeur de l’Expérience Client (poste un
peu « patate chaude ») un CCO (Chief Customer
Officer) à l’américaine, doté d’un pouvoir décisionnel important.
3 L’« empowerment » des collaborateurs en contact
avec les clients. Cette autonomie est une vraie force
mais peu d’entreprises y parviennent. Elle nécessite
une culture client forte, un dispositif de formation
approprié et des dispositifs de contrôle appropriés.
4. L’incarnation des process et KPIs clients. Le développement du multicanal, la généralisation des
programmes CRM, aboutissent à des parcours et
des process relevant de directions opérationnelles
nombreuses. Cela génère immanquablement des
incohérences, des dysfonctionnements et aboutit
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à un vécu client parsemé d’épisodes d’agacement
qui marquent durablement l’impression générale.
Le commercial a respecté son objectif en émettant les devis en décembre 2013, la facturation
respecte le sien en émettant des factures pour les
0,4 % de TVA en janvier 2014. Le client artisan est,
lui, excédé. La réponse organisationnelle est différente dans chaque organisation suivant l’existence
d’une culture du matriciel, la technicité des processus, les compétences engagées. Dans certains cas,
la nomination d’un Directeur de l’Expérience Client
ou d’un CCO (Chief Customer Officer) est indiquée.
Ce poste est complexe car il comporte souvent
une ambiguïté : agent du changement ou direction
pérenne ? Dans d’autres cas, le succès est favorisé
en identifiant des ambassadeurs clients à différents
points de l’organisation. Une réorganisation profonde (par process et non plus par compétence) est
dans certains cas la solution la plus pertinente.
5. Le développement de l’informel. Rien n’empêche
tout-un-chacun de partager des plans d’action
même en l’absence de structure hiérarchique
imposée. Dans un sens, le client est un excellent
fédérateur de services travaillant habituellement
de façon disjointe. Il importe naturellement de
conserver une approche rigoureuse permettant
de faire aboutir les plans d’action. Nespresso a bâti
une partie de son succès sur ce type de fonctionnement, avec les résultats que l’on connaît.
Et en B2B ?
Le besoin d’orientation client est particulièrement fort
en B2B : importance relative de chaque client, caractère abstrait de la relation (ou à l’opposé perception
erronée de son incarnation par le seul commercial),
multiplicité des interlocuteurs client (achats, client
opérationnel, utilisateurs du service, clients finaux,
etc). Les obstacles d’ordre culturel et organisationnel
sont généralement plus larges encore, la difficulté de
se projeter dans le vécu client est encore accrue. Pourtant, une part déterminante des décisions (de contracter / de reconduire un contrat) repose sur l’expérience
et la relation… Les enjeux de l’expérience client B2B
seront l’objet d’un tout prochain short track.
Générateur de performance en Relation Client
8-10 rue de la Ferme
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Tél : 01 46 10 11 00
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organisation et
transformation digitale
de la relation client
multicanal
études marketing clients
et solutions de pilotage
de l’expérience client
conduite du changement
et accompagnement
des collaborateurs des
Services Clients, des
réseaux de service et des
points de vente
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