THEATRALISATION...BLAIR WITCH PROJECT
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THEATRALISATION...BLAIR WITCH PROJECT
THEATRALISATION, HYBRIDATION DU CORPS ET DE SON IMAGE DANS LE PROJET BLAIR WITCH The Blair witch project Réalisé par Daniel Myrick et Eduardo Sanchez 87 min. Budget: 35000 $ Box Office France : 810 359 entrées Box Office USA : 140 539 099 $ Interdit aux moins de 12 ans Couleur et N&B SYNOPSIS : « En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la forêt de Black Hills au cours d'un reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé le film de leur enquête. Le Projet Blair Witch suit l'itinéraire éprouvant des trois cinéastes à travers la foret de Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s'y sont déroulés. A ce jour, les trois cinéastes sont toujours portes disparus. » Inspiré par The Last Broadcast (Stefan Avalos et Lance Weiler, 1998) ou Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato ,1980), Le projet Blair Witch est un film qui joue sur le docu-fiction tout en évitant au maximum de s’étendre sur le coté fiction médiatiquement (Le Projet Blair Witch a souvent été pris aux Etats-Unis pour un véritable documentaire. Avant sa sortie, le site du film diffusait des avis de recherche des trois protagonistes, d’où un regain d’intérêt du public et un effet de surprise).En jouant le jeu, on assiste à un film dit «retrouvé ».Nous sommes donc spectateur d’un spectacle luimême filmé par les protagonistes. Aucun effet spécial, aucune musique, ne vient soutenir ou provoquer la tension : ici, tout est dans le suggéré, tout est laissé à la discrétion du spectateur, et à une imagination débordante. Les acteurs inconnus et le filmage dit spontané servent à consolider le réel. On ne voit que les images qu’ils ont tourné avec leur caméra 16 mm en noir et blanc, et de leur caméra vidéo couleur HI8 et le son qui provient du DAT ou de la camera. Comment la mise en scène contribue-t-elle à créer un isolement progressif à travers l’isolement du vivant et l’omniprésence de l’invisible mal et mettre alors le spectateur en première ligne ? DISPARITIONS et DECONSTRUCTIONS En cédant la caméra à leurs personnages, les deux réalisateurs organisent leur propre disparition. Jamais cinéaste ne s'était effacé à ce point pour laisser parler son sujet. L'effet de réel est saisissant.Voici la première disparition.La camera qui tourne à 360° ne rencontre personne.La technique devient alors invisible, l’authenticité du film des protagonistes est valorisé.Le spectateur ne sent pas l’équipe de tournage, il est seul avec les trois personnages. Il y’a dans l’histoire une disparition progressive de toute forme de vie, une disparition graduelle des personnages : Les habitants de la ville, les deux pécheurs, l’oiseau mort, Josh, Mike puis Heather.L’isolement et le sentiment de solitude se fait progressivement, donnant un sentiment d’abandon au spectateur à mesure que les protagonistes luttent pour leur survie. Les personnages principaux disparaissent tour à tour également derrière les cameras.Les visions presque subjectives mettent le spectateur dans la peau de celui qui filme.Il voit à travers le cadre et souvent il ne voit pas grand-chose. A l’image les personnages se morcellent peu à peu.Tres peu filmés en pied , ils sont de plus en plus une partie d’eux-mêmes.Un torse , une tête , des mains…etc.Le plan célèbre sur Heather est caractéristique de tous ces plans.Ils immobilisent le reste du corps qui est hors champ , dégageant une notion d’impuissance.De plus ,filmés dans toutes les positions , le spectateur perd ses repères par rapport au filmage , il ne peut pas toujours situer la camera.Heather , perdue dans le cadre où le noir l’encercle , se filme tant bien que mal dans la lumiere.Elle est figée (elle ne tourne pas la tête pour regarder autour d’elle mais juste les yeux) , et est prête à disparaître elle aussi , happée dans l’obscurité par un mal qui peut surgir de partout .La camera traduit également par les tremblements , les convulsions ce que la paralysie et le cadre approximatif nous empêche de voir. La déconstruction se fait par ce morcellement et aussi par la désolidarisation du groupe et de leur esprit.Ils se chamaillent, et perdent leur force à se rejeter la faute ce qui les amènent à craquer nerveusement.Ils s’en prennent souvent à la camera, le spectateur assiste, impuissant, compatissant, à la montée de leur folie et à leur perdition.Nous accompagnons à nos dépens (ce qu’ils filment est de moins en moins logique et de plus en plus « illisible » , la camera servant de lampe torche la nuit) les personnages dans leur lutte sachant qu’ils ne survivront pas (c’est dit au début).Le spectateur assiste à leur mise à mort et la frustration extrême vient du fait qu’on ne sait pas comment ni vraiment pourquoi.Le réel se déconstruit peu à peu pour au final laisser le spectateur tergiverser sur qui ou quoi les a fait disparaître. L’INVISIBLE MAL ou LE 4ème PERSONNAGE Au début du film il y’a une direction donnée, un champ voulu par celui ou celle qui filme, mais à partir du moment où se produisent des événements étranges, le spectateur est prisonnier de ce cadre, il voit ce que la camera posée sur le sol ou en mouvement pendant les courses perçoit.Le hors champ a une importance capitale dans le film.Il suggère que c’est trop horrible (trop effrayant) ou même trop furtif pour que nous puissions le voir .Heather dit qu’elle a peur d’ouvrir les yeux autant que de les fermer.On est dépendant de la camera , de ce qu’elle capte ou non.Cela force l’imaginaire à travailler pour apaiser une frustration et une quête de vérité. Nous se saurons pas qui est le mal dans le film.Il n’a pas de nom pas de visage, mais on peut dire qu’il a une certaine consistance.Il est partout, omnipresent.La premier chose qui explique cette omniprésence est le hors champ.le cadre étant limité et ne montrant jamais ce mal, il a un champ d’action que l’on estime nous spectateur presque infini (mais se limitant à la foret en réalité). Ce mal, en opposition à la disparition progressive des éléments dans le film, apparaît par morceau.On peut lui attribuer un corps spirituel dont la foret serait le morceau le plus concret. L’apparition du mal se fait par la personnification de la foret.Tout d’abord il apparaît plusieurs plans 16mm où des branches d’arbres sont filmés, en contre-jour du ciel.Ces plans apparaissent de plus en plus qu’on approche de la fin.Les branches marquent la dernière barrière à la dernière issue possible, le ciel.la naissance du mal se fait très progressive : -Tout d’abord, Josh dit qu’il a entendu des bruits la nuit.Rien de très alarmant pour l’instant. -Il découvre les tas de pierres, sortes de petits bonhommes minéraux reconstitués ou alors des pierres tombales (réservés aux êtres vivants normalement ou du moins c’est un rituel humain) -Ils entendent des bruits au loin pendant la deuxième nuit. -Ils entendent les mêmes bruits mais plus prêt d’eux la troisième nuit. -Ils découvrent trois tas de pierres devant leur tente.La personnification des tas de pierre est plus évidente. -Ils découvrent des constructions vaudous, assemblages de morceaux de bois qui ressemblent à des personnages (tête, bras et jambes) crucifiés. -Ils entendent des rires d’enfants la 4ème nuit.Le mal possède alors un son, une (des) voix mais pas specialement un langage. -La tente est remuée .Le mal possède un pouvoir tactile. -Josh disparaît et on l’entend crier la nuit.La voix du mal se fait à travers Josh. -Le lendemain de la 6ème nuit, Heather découvre un paquet de branches ficelés avec un tissu appartenant à un vêtement de Josh.A l’intérieur, du sang et un bout de corps (des dents apparemment mais je n’en suis pas certain).Le mal se rapproche d’une nature plus organique, plus humaine car même si cela appartient à Josh, il faut imaginer le procédé d’extraction (donc interaction). -Mike mange une feuille morte.La foret l’investit d’une certaine manière. -Mike et Heather entendent encore les cris de Josh. -Dans la maison, il y’a des empreintes de main d’enfants. La foret, les voix, les tas de pierres, les constructions vaudous, tout cela se combinent pour créer un corps indéfinissable, variable.Cela est accentué par le caractère oppressant de la foret qui empêche la profondeur de champ et qui filtre la lumière du soleil ou de la lune.La rivière aussi a une importance , elle forme la limite entre le terrain de jeu de l’étrange et l’extérieur , la réalité en somme.Comme dans Nosferatu de Murnau (cf. la traversée du pont), Josh , Mike et Heather la traverse puis les phénomènes se manifestent. L’univers végétal, minéral occupe tout l’espace jusqu’à se créer des avatars, des sons, des voix.Dans ce vide de vie, c’est ce qui existe invisiblement et qui se manifestent illogiquement qui terrifie les personnages et le spectateur. Eduardo Sanchez : « Le fait de vouloir fermer les yeux est un réflexe humain, comme lorsque l’on passe à côté d'un accident sans pouvoir s’empêcher de regarder. C’est un côté primaire de l'être humain, que l'on ne peux pas renier. Le principe du film est justement de regarder ce qui arrive à ces gamins, les voir se faire massacrer, être effrayé, mais en même temps ne pas pouvoir s’empêcher de regarder. » Le spectateur vit comme l’ont vécu Josh, mike et Heather l’histoire de leur disparition.Le montage sert à faire monter la tension pendant que les images démontrent le caractère oppressant de la foret et du mal.Filmer est autant la marque d’un témoignage spontané du réel que l’envie obsessionnel d’attraper l’irreel.Celui ci se traduit dans le film par la personnification invisible du mal qui petit à petit fait du spectateur la vraie victime du film.Celui-ci prend comme vrai , possible (et pour certain comme arrivé) ce qu’il voit et vit comme les personnages la perte de tous repères logiques.Le générique de fin n’est pas vécu comme l’aboutissement d’une chasse à l’homme mais comme le soulagement de sa propre peur. MAËL BOCQUART